Archive pour la catégorie 'JÉRUSALEM'

VIE ŒCUMÉNIQUE À JÉRUSALEM (extrait) – SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS 2011

18 avril, 2016

http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/weeks-prayer-doc/rc_pc_chrstuni_doc_20100526_week-prayer-2011_fr.html

TEXTES POUR LA SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS ET POUR TOUTE L’ANNÉE 2011

VIE ŒCUMÉNIQUE À JÉRUSALEM (extrait)

C’est de Jérusalem que Jésus a envoyé les apôtres pour être ses témoins « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 18). Au cours de leur mission, ils sont entrés en contact avec un grand nombre de langues et de civilisations très riches et se sont mis à proclamer l’Évangile et à célébrer l’Eucharistie en toutes ces langues. De ce fait, la vie chrétienne et la liturgie ont acquis bien des visages et expressions qui s’enrichissent et se complètent entre eux. Très tôt, toutes ces Églises et traditions chrétiennes ont voulu être présentes ensemble, avec l’Église locale, à Jérusalem, lieu de naissance de l’Église. Elles ont éprouvé le besoin d’avoir une communauté de prière et de service sur la terre où s’était déroulée l’histoire du salut et à proximité des lieux où Jésus avait vécu, exercé son ministère, souffert sa passion et était ainsi entré dans son mystère pascal de mort et de résurrection. C’est ainsi que l’Église de Jérusalem est devenue l’image vivante de la diversité et de la richesse des multiples traditions chrétiennes de l’Orient et de l’Occident. Tout visiteur ou pèlerin qui vient à Jérusalem est avant tout invité à découvrir ces traditions riches et variées. Malheureusement, au cours de l’histoire et pour diverses raisons, cette belle diversité est aussi devenue source de divisions. Ces divisions sont encore plus pénibles à Jérusalem, puisque c’est le lieu-même où Jésus a prié pour « que tous soient un » (Jn 17, 21), où il est mort « pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52), et où a eu lieu la première Pentecôte. Il importe toutefois d’ajouter qu’aucune de ces divisions n’a Jérusalem pour origine. Elles ont toutes été introduites à Jérusalem à travers les Églises déjà divisées. Par conséquent, presque toutes les Églises du monde ont leur part de responsabilité dans les divisions de l’Église de Jérusalem et sont donc aussi appelées à travailler pour son unité avec les Églises locales. Il y a actuellement à Jérusalem treize Églises rattachées de tradition épiscopale : l’Église grecque orthodoxe, l’Église (catholique) latine, l’Église apostolique arménienne, l’Église syrienne orthodoxe, l’Église copte orthodoxe, l’Église éthiopienne orthodoxe, l’Église grecque melkite (catholique), l’Église maronite (catholique), l’Église syrienne catholique, l’Église arménienne catholique, l’Église chaldéenne (catholique), l’Église évangélique épiscopalienne et l’Église évangélique luthérienne. En plus de celles que nous venons de nommer, un nombre considérable d’autres Églises ou communautés sont présentes à Jérusalem et en Terre Sainte : presbytériens, réformés, baptistes, évangéliques, pentecôtistes, etc. Les chrétiens de Palestine et d’Israël dans leur ensemble sont au nombre de 150.000 à 200.000 et représentent entre 1% et 2% de la population totale. La grande majorité de ces chrétiens sont des Palestiniens de langue arabe, mais en certaines Églises il existe aussi des groupes de fidèles parlant hébreu qui souhaitent constituer une présence et un témoignage chrétiens au sein de la société israélienne. En outre, il existe également des assemblées dites messianiques qui représentent de quatre à cinq mille croyants mais dont on ne tient habituellement pas compte dans le nombre de chrétiens recensés. Pour ce qui est des évolutions récentes des relations œcuméniques à Jérusalem, le pèlerinage du pape Paul VI en Terre sainte, en janvier 1964, continue de représenter une étape décisive. Ses rencontres à Jérusalem, avec les patriarches Athénagoras de Constantinople et Benedictos de Jérusalem ont marqué le début d’un climat nouveau dans les relations entre Églises. À partir de ce moment-là, les choses ont commencé à évoluer de façon nouvelle. L’étape importante qui a suivi a été celle de la première intifada palestinienne, à la fin des années 1980. Dans un climat d’insécurité, de violence, de souffrance et de mort, les responsables des Églises ont commencé à se rencontrer pour réfléchir en commun à ce qu’ils pouvaient et devaient dire et faire ensemble. Ils ont décidé de publier des messages et des déclarations communes et de commencer à prendre ensemble des initiatives en vue d’une paix juste et durable. Depuis lors, les responsables des Églises de Jérusalem publient chaque année un message commun pour Pâques et pour Noël, ainsi que des déclarations et communiqués à des occasions particulières. Deux déclarations méritent d’être spécialement mentionnées. En novembre 1994, les responsables des treize Églises ont signé un mémorandum commun sur l’importance de Jérusalem pour les chrétiens et sur les droits qui en résultent pour les communautés chrétiennes. Depuis, ils se réunissent régulièrement presque tous les mois. Ils ont publié une déclaration remise à jour sur le même sujet, en septembre 2006. Jusqu’à maintenant, l’entrée œcuménique dans le troisième millénaire sur la place de la Crèche à Bethléem, en décembre 1999, demeure l’expression la plus significative de ce nouveau pèlerinage œcuménique commun. Les responsables et fidèles des treize Églises, rassemblés avec des pèlerins venus du monde entier, y ont passé une après-midi ensemble à chanter, lire la Parole de Dieu et prier en commun. En 2006, la création du Centre œcuménique de Jérusalem, en collaboration avec les Églises locales, le Conseil œcuménique des Églises et le Conseil des Églises du Moyen-Orient, a également exprimé la collaboration croissante entre les Églises locales, et la force des liens qui existent entre elles et les Églises de l’ensemble du monde. Ce Centre est en même temps un précieux instrument au service de cette croissance œcuménique. Le Programme d’Accompagnement Œcuménique de Palestine et d’Israël a débuté en 2002 en coordination avec les Églises locales et le COE. Il implique des volontaires venus d’Églises du monde entier en vue de collaborer avec les Israéliens et les Palestiniens à amoindrir les conséquences du conflit, et de les accompagner sur les lieux de confrontations. Cette initiative constitue un autre puissant outil pour renforcer les liens de solidarité, aussi bien en Terre Sainte qu’avec les Églises auxquelles les volontaires appartiennent. Bien d’autres groupes œcuméniques informels existent à Jérusalem. L’un d’eux, le Cercle Œcuménique des Amis, qui se réunit une fois par mois, coordonne la célébration annuelle de la Semaine de prière pour l’unité chrétienne à Jérusalem depuis maintenant quarante ans environ. Chaque année, cette célébration constitue un remarquable événement dans la vie des Églises. Le dialogue interreligieux à Jérusalem, ville considérée comme sainte par les juifs, les chrétiens et les musulmans, a également d’importantes répercussions œcuméniques grâce aux membres de diverses Églises qui y travaillent étroitement ensemble. Dans ce dialogue, ils font collectivement l’expérience de la nécessité de dépasser les désaccords et controverses du passé et de trouver un nouveau langage commun pour pouvoir témoigner du message évangélique dans une attitude de respect mutuel. Pour les chrétiens de base, de Palestine et d’Israël, l’œcuménisme fait partie du quotidien. Ils font constamment l’expérience que la solidarité et la collaboration sont d’une importance vitale pour la présence de leur petite minorité au milieu de la majorité de croyants des deux autres religions monothéistes. Les écoles, institutions et mouvements chrétiens travaillent ensemble, de part et d’autre des frontières entre Églises, à proposer un service et un témoignage communs. Les mariages entre membres d’Églises différentes sont maintenant généralement acceptés et on en trouve dans presque toutes les familles. De ce fait, les Églises partagent les joies et peines les unes des autres, au milieu d’une situation de conflit et d’instabilité qui touche aussi leurs frères et sœurs musulmans dont elles partagent la langue, l’histoire, la culture et avec qui elles sont appelées à bâtir un meilleur avenir commun. Elles sont prêtes à collaborer avec les musulmans et les juifs croyants pour préparer les voies du dialogue et d’une solution juste et durable à un conflit où l’on a trop souvent usé et abusé de la religion. Au lieu de prendre part au conflit, la vraie religion est appelée à contribuer à le résoudre. Ce qui est significatif aussi, c’est que l’Église à Jérusalem continue de vivre dans un climat politique semblable à bien des égards à celui qu’a connu la première communauté chrétienne. Les chrétiens palestiniens sont devenus une petite minorité confrontée aux sérieux défis qui menacent de bien des manières leur avenir, alors qu’ils aspirent à la liberté, à la dignité humaine, à la justice, la paix et la sécurité. Au milieu de tout cela, les chrétiens des Églises de Jérusalem demandent à leurs frères et sœurs de l’ensemble du monde, en cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, de prier avec eux et pour eux afin qu’ils parviennent à ce à quoi ils aspirent en matière de liberté et de dignité et que prennent fin toutes les formes d’oppression humaine. L’Église élève sa prière vers Dieu en anticipant et en espérant pour elle-même et pour le monde que nous soyons tous unis dans une même foi, un même témoignage et un même amour.

 

JÉRUSALEM, MÈRE DE DIEU – Frédéric Manns

10 mars, 2016

http://www.christusrex.org/www1/ofm/sbf/dialogue/mere_de_dieu.html

JÉRUSALEM, MÈRE DE DIEU

Frédéric Manns

Dans le dialogue inter religieux Marie tient peu de place, il faut l’avouer. Si les musulmans respectent la mère d’Issa, il n’en est pas toujours ainsi de la part des Juifs. Curieusement, la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem, par souci de respect des frères aînés, répète qu’il est impossible de traduire en hébreu l’expression Marie, mère de Dieu, sans provoquer leur indignation. Pour ne choquer personne elle propose de traduire ’em immanouel ou ’em Yeshouah Eloheynou. Le concile d’Ephèse, qui a donné à Marie le titre de Theotokos, a connu les mêmes difficultés et les mêmes réticences. Les objections ne manquaient pas de la part de Nestorius. Malgré tout, l’Eglise a affirmé que Marie est la Theotokos ou la Dei Genitrix. C’est un fait que l’inculturation du message chrétien s’est faite dans le monde hellénistique. Mais, puisqu’il est impossible de réécrire l’histoire à rebours, une réflexion préliminaire doit rappeler la signification de l’expression : Marie, mère de Dieu. Le catéchisme de l’Eglise universelle au paragraphe 466 s’exprime ainsi : « Le Verbe en s’unissant dans sa personne une chair animée par une âme rationnelle est devenu homme. L’humanité de Jésus n’a d’autre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée et faite sienne dès sa conception. Pour cela le concile d’Ephèse a proclamé en 431 que Marie est devenue en toute vérité Mère de Dieu par la conception humaine du Fils de Dieu dans son sein : Mère de Dieu non pas parce que le Verbe de Dieu a tiré d’elle sa nature divine, mais parce que c’est d’elle qu’il tient le corps sacré doté d’une âme rationnelle uni auquel en sa personne le Verbe est dit naître selon la chair ». Plus loin, au paragraphe 495, le catéchisme continue: « Marie appelée dans les Evangiles mère de Jésus est appelée aussi sous l’inspiration de l’Esprit la Mère de mon Seigneur (Lc1,43). De fait, celui que Marie a conçu comme homme par l’action de l’Esprit et qui est devenu son Fils selon la chair est le Fils éternel du Père, la seconde personne de la Trinité. L’Eglise confesse que Marie est la Theotokos ». La traduction hébraïque de Lc 1,43 : ’em ’adony pourrait servir de modèle à une version moderne de l’expression Marie, mère de Dieu. La version syriaque de l’Evangile de Luc avait traduit : ’emeh de mary, Mar étant le titre réservé à Dieu. L’expression Marie “mère de Dieu” ne devrait pas choquer les frères aînés, parce que ce titre est attribué à Jérusalem. Du fait que la ville contient la présence symbolique de Dieu, elle est appelée Mère de Dieu. C’est ce qui ressort du targum du cantique des cantiques III,11 “Sortez, filles de Sion, voyez le roi Salomon avec le diadème dont sa mère l’a couronné, le jour de ses noces, le jour de la joie de son coeur”. “Quand le roi Salomon vint pour célébrer la dédicace du sanctuaire, un héraut cria à haute voix et dit ainsi : Sortez, habitants des districts de la terre d’Israël et peuple de Sion. Et regardez le roi Salomon avec le diadème et la couronne dont le peuple de la maison d’Israël le couronna au jour de la dédicace du Temple . Et réjouissez-vous pour la fête des Tentes pendant quatorze jours .”. Dans ce commentare les filles de Sion sont les habitants de la terre d’Israël et le peuple de Jérusalem. Le Roi Salomon est Dieu. Le nom Salomon indique directement Dieu dans tout le targum. La mère du Roi est le peuple de la maison d’Israël. La couronne que le peuple a posée sur Dieu est le Temple. Israël est mère de Dieu en tant qu’elle contient la présence de Dieu au temple. Le midrash Sifra Lev 9,221 applique la même interprétation à la tente du témoignage du désert après la théophanie du Sinaï. La présence de Dieu au milieu de son peuple fait de ce dernier la mère de Dieu. L’expression « Marie mère de Dieu » en fait ne choque pas plus les frères aînés juifs que l’affirmation de l’Incarnation de Dieu. Ce mystère est refusé également au nom de la transcendance de Dieu. Est-ce à dire que les chrétiens ont renoncé au monothéisme strict pour retourner à la mythologie grecque ? L’accusation est fréquente même dans les milieux ouverts au dialogue inter religieux. La foi au Christ dans la théologie chrétienne se remplit en Marie, mère de Dieu selon l’humanité, d’une lumière nouvelle : paradoxalement Marie ne cesse de dévoiler le visage humain de Dieu. Serge Boulgakov affirme que le secret que Marie dévoile est celui de la maternité de Dieu. L’amour de Dieu a un visage féminin, de nombreux théologiens l’ont rappelé récemment. Marie révèle encore un autre secret : celui de l’Eglise : « Il n’y a qu’une seule Vierge Mère et il me plaît de l’appeler l’Eglise », écrivait Clément d’Alexandrie. « La Mère de Dieu c’est l’Eglise qui prie », affirme de son côté Serge Boulgakov. Il existe donc un lien étroit et profond entre la présence de Marie et l’action de l’Eglise, entre la purification de l’âme en Marie et celle en Eglise. L’auteur de cette purification est l’Esprit de Dieu. Marie et l’Eglise sont les deux manifestations visibles de Celui qui reste invisible. L’Esprit est la Vierge et la Vierge est l’Eglise, selon l’affirmation de Saint Ambroise. Les icônes de Marie aux titres si variés ne font rien d’autre que de souligner les aspects différents de l’Eglise, vierge et mère. Marie est également à l’origine de la mémoire de l’Eglise. Elle méditait tous les souvenirs de l’Eglise des origines dans son cœur. Elle est l’archétype et la personnification de l’Eglise, corps du Christ et Temple de l’Esprit. Enfin, Marie, accueillant Dieu en elle lors de l’annonciation, montre que la nature humaine peut être complètement transfigurée par Dieu. Elle est l’image de l’âme fécondée par l’Esprit qui engendre le Seigneur. La Pentecôte, où Marie est présente comme mère de l’Eglise, n’est autre que la mission de l’Eglise visant à humaniser l’humanité tentée par l’animalité. Curieusement Marie de Nazareth, chantée par le monde entier et peinte par d’innombrables artistes, n’a pas de place dans l’encyclopédie Judaica. Une omission curieuse pour le moins pour la femme juive la plus célèbre dans le monde entier. « Les grands mystiques et les grands athées se rencontrent », disait Dostoïevski. C’est qu’il nous parlent d’un Dieu plus grand que notre cœur, que nos représentations mentales et que nos recherches spirituelles. Ce Dieu se révèle Autre et, pour qu’il vive, nos représentations confortables de Dieu et de Marie, doivent disparaître.