Archive pour la catégorie 'Jean-Marie Lustiger'

L’Eglise catholique de Paris – Communiqué de Mgr André Vingt-Trois

6 août, 2007

L’Eglise catholique de Paris 

http://catholique-paris.cef.fr/a-1-2279-communique-de-mgr-andre-vingt-trois.html

Communiqué de Mgr André Vingt-Trois

 Le cardinal Jean-Marie Lustiger est mort le dimanche 5 août en


la Vigile de la fête de  la Transfiguration du Christ, après plusieurs mois d’un long traitement qu’il a supporté avec constance. Les dernières semaines ont été plus particulièrement douloureuses et pénibles pour lui. Je veux d’abord exprimer notre reconnaissance à toutes celles et à tous ceux qui l’ont accompagné au long de ces derniers mois, en particulier au personnel de
la Maison Jeanne Garnier qu’il a quitté aujourd’hui. Nous sommes tous frappés par le chagrin de son départ, même s’il nous y avait préparé depuis quelques temps.
Pour moi, c’est à la fois un père, un frère et un ami que je perds, après avoir reçu la lourde charge de lui succéder à la tête du diocèse de Paris. Depuis deux ans, j’ai pu apprécier d’une manière nouvelle sa délicatesse à mon égard. Toujours disponible pour répondre aux questions que je souhaitais lui poser et me donner les conseils dont j’avais besoin, sans jamais essayer d’interférer dans les décisions que j’avais à prendre ni vouloir s’en mêler de quelque façon.

Pour beaucoup d’évêques de France, de prêtres et de diacres de Paris, c’est celui qui les a consacrés dans leur ministère qui s’en va. Ils savent que ce départ n’est pas un abandon et qu’il continuera de veiller sur eux et de leur être proches.

Pour les catholiques parisiens, c’est un archevêque exceptionnel qui les quitte. Pendant presque vingt-cinq années d’épiscopat à Paris, il a marqué profondément la vie de notre diocèse. Sans cesse, il a eu le souci de relancer la mission des chrétiens dans un monde très changeant. Par ses nombreuses initiatives, il a profondément amélioré les moyens apostoliques de notre diocèse : moyens de formation, moyens de communication, moyens de relations culturels avec la société. Des noms évoqueront longtemps les institutions et les initiatives de son ministère épiscopal : École cathédrale, Radio Notre-Dame, Séminaire de Paris, KTO, Faculté Notre-Dame, Paris-Toussaint 2004, Collège des Bernardins, etc…

Pour notre pays, c’est une grande figure qui disparaît. Fils d’immigrés, il avait à cœur de défendre les droits de l’homme dans une société démocratique à laquelle il était profondément attaché. Toujours prêt à intervenir dans les débats publics aux moments difficiles ou importants comme à accueillir discrètement des personnages officiels, il tenait une place particulière dans notre société et dans les débats intellectuels de notre temps, notamment par sa participation à l’Académie Française.

Cardinal de l’Église romaine, il a été un conseiller fidèle et discret des papes successifs, tout entier dévoué au service de l’évangélisation dans le monde. Ses nombreux voyages et ses relations internationales donnaient un lustre particulier au siège de Paris. Sa réflexion comme son histoire personnelle l’ont conduit à jouer un rôle important dans l’évolution des relations entre juifs et chrétiens.

La tristesse de sa famille que nous partageons, notre tristesse, bien naturelle en ce moment pénible, est largement tempérée par l’action de grâce que nous devons rendre à Dieu pour ce qu’Il a accompli par la vie de son serviteur. Nous croyons qu’il entend la phrase de l’Évangile : « C’est bien, bon et fidèle serviteur,…entre dans la joie de ton Seigneur . » ( Mt. 25, 21)

Lundi 6 août à 21h30, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, je célébrerai une Messe pour confier le Cardinal à la miséricorde de Dieu, en cette fête de
la Transfiguration du Seigneur. Tous ceux qui le veulent sont invités à s’y joindre. Une chapelle ardente sera organisée jeudi 9 août de 9h. à 22h., dans
la Cathédrale pour permettre aux Parisiens et à ceux qui le voudront de prier près du Cardinal ou de le saluer une dernière fois.

Les obsèques seront célébrées le vendredi 10 août à 10h à la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Contact presse Marie Baudoin 0609255778 

Le Saint-Père Benoît XVI rend hommage au Cardinal Jean Marie Lustiger

6 août, 2007

Organisme: Etat du Vatican 


Le Saint-Père Benoît XVI rend hommage au Cardinal Jean Marie Lustiger 


TELEGRAMMA DEL SANTO PADRE

MONSEIGNEUR ANDRÉ VINGT-TROIS
ARCHEVÊQUE DE PARIS PARIS

APPRENANT AVEC UNE VIVE ÉMOTION LE DÉCÈS DU CARDINAL JEAN-MARIE LUSTIGER, ARCHEVÊQUE ÉMÉRITE DE PARIS, JE TIENS À VOUS EXPRIMER MA PROFONDE UNION DE PRIÈRE AVEC L’ARCHIDIOCÈSE DE PARIS, AVEC LES PROCHES DU DÉFUNT ET AVEC TOUS CEUX QUE TOUCHE
LA DISPARITION DE CETTE GRANDE FIGURE DE L’ÉGLISE EN FRANCE. JE CONFIE À
LA MISÉRICORDE DE DIEU LE CHER CARDINAL LUSTIGER QUI CONSACRA GÉNÉREUSEMENT SA VIE AU SERVICE DU PEUPLE DE DIEU DANS LE DIOCÈSE D’ORLÉANS ET DANS L’ARCHIDIOCÈSE DE PARIS. JE RENDS GRÂCE AU SEIGNEUR POUR SON MINISTÈRE ÉPISCOPAL, GARDANT PRÉSENT LE SOUVENIR DE CE PASTEUR PASSIONNÉ PAR
LA RECHERCHE DE DIEU ET PAR L’ANNONCE DE L’ÉVANGILE AU MONDE. DE SON MINISTÈRE AUPRÈS DES ÉTUDIANTS, IL AVAIT GARDÉ LE SOUCI DES JEUNES. DANS LES COMMUNAUTÉS QUI LUI ONT ÉTÉ CONFIÉES, IL CONTRIBUA À DÉVELOPPER L’ENGAGEMENT MISSIONNAIRE DES FIDÈLES ET IL S’ATTACHA PARTICULIÈREMENT À RENOUVELER
LA FORMATION DES PRÊTRES ET DES LAÏCS. HOMME DE FOI ET DE DIALOGUE, IL SE DÉPENSA GÉNÉREUSEMENT AFIN DE PROMOUVOIR DES RELATIONS TOUJOURS PLUS FRATERNELLES ENTRE CHRÉTIENS ET JUIFS. INTELLECTUEL CLAIRVOYANT, IL SUT METTRE SES DONS AU SERVICE DE
LA FOI, POUR RENDRE PRÉSENT L’ÉVANGILE DANS TOUS LES DOMAINES DE
LA VIE DE
LA SOCIÉTÉ. EN GAGE DE RÉCONFORT, JE VOUS ACCORDE, MONSEIGNEUR,
LA BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE, AINSI QU’À VOS AUXILIAIRES, AUX PROCHES DU CARDINAL DÉFUNT, AUX PRÊTRES, AUX DIACRES, AUX PERSONNES CONSACRÉES, AUX FIDÈLES DE L’ARCHIDIOCÈSE ET À TOUTES LES PERSONNES QUI PRENDRONT PART AUX OBSÈQUES.

BENEDICTUS PP. XVI 


News Press 06/08/2007 14:20

LE CARDINAL LUSTIGER EST MORT, IL EST VIVANT EN PARADIS

6 août, 2007

j’ai su de peu, du journal télévisé, que le Cardinale Jean-Marie Lustiger est mort, je suis très émue et je participe du votre douleur, mais je suis certaine que le Cardinal est vivant en Paradis 

LE CARDINAL LUSTIGER EST MORT, IL EST VIVANT EN PARADIS dans Jean-Marie Lustiger 2007-08-05T210656Z_01_NOOTR_RTRIDSP_2_OFRTP-FRANCE-RELIGION-LUSTIGER-DECES-20070805 

http://www.lepoint.fr/content/a_la_une/article?id=195240

Lustiger, une certaine idée de l’Église

27 juillet, 2007

je mets ce témoignage sur Lustiger, je trouve différents écrits sur le Cardinal, mais pas combien de j’en voudrais, et quand j’en trouve un je le poste; je suis en train de lire le livre: « Le choix de Dieu », mais je ne l’ai pas fini, il est un incroyable, sincère, fort et commevente témoignage chrétien, du site:

http://www.temoignagechretien.fr/journal/article.php?categ=Edito&num=3144

Lustiger, une certaine idée de l’Église

 par Michel Cool.

Un évêque s’en va, un autre lui succède et l’Église continue. Le retrait du diocèse de Paris de celui qui fut son archevêque pendant près d’un quart de siècle (1981-2005) n’échappe pas à cette règle. Sauf que Jean-Marie Lustiger n’a pas seulement compté dans l’Église catholique, mais aussi dans la société française pour laquelle il s’est imposé avec talent et constance comme une autorité, une référence parfois controversée, mais toujours écoutée avec respect. Excepté par une extrême droite païenne et antisémite qui lui a sans relâche reproché d’être né juif, il y a soixante-dix-huit ans, à Paris. Car Lustiger c’est d’abord l’homme d’un destin exceptionnel. Celui d’un Titi parisien, dont la famille est d’origine polonaise, qui se fait traiter de « sale youpin » par ses camarades d’école pendant la guerre. Celui d’un orphelin dont la mère déportée à Auschwitz disparaît à jamais, sans laisser la moindre trace. Celui d’un adolescent converti au catholicisme dont le premier acte de résistance est de diffuser clandestinement les Cahiers du Témoignage chrétien. Celui d’un jeune aumônier des étudiants de la Sorbonne, ébranlé par les remises en cause de Mai 68. Celui du successeur de « l’évêque prophète » Guy Riobé à Orléans, puis du pasteur cordial, François Marty à Paris. Fort de son destin hors du commun et doué d’une assurance énergique, Jean-Marie Lustiger sait imprimer sa marque, transmettre son message spirituel dans notre monde sécularisé. Il s’en acquitte d’une main de fer, un doigté politique rappelant celui du cardinal de Richelieu et un pouvoir de séduction intellectuelle qui en blufferont plus d’un, mais en heurteront d’autres aussi.
Mais Lustiger c’est surtout l’homme d’une certaine idée de l’Église. Avec Jean Paul II, son modèle et son ami, il partage la conviction que dans ce monde criblé de doutes, d’incertitudes et de peurs, la pertinence du catholicisme dépend de sa capacité à résister aux vents mauvais de la modernité : le relativisme, l’indifférentisme, l’individualisme et les idolâtries de l’argent et du sexe. Pour ces deux témoins des tragédies qui ont ravagé le xxe siècle, ces phénomènes favorisent le retour des barbaries, les grandes et les petites. Lustiger voit dans l’Église catholique le dernier rempart contre les folies modernes. C’est pourquoi celle-ci a besoin de prêtres solidement formés, de nouveaux lieux de culte, de liturgies attractives et de moyens de communication puissants, capables de rivaliser avec les médias professionnels. Lustiger « a mis le paquet », pour faire de Paris un diocèse pilote de la Nouvelle évangélisation.
C’est pourquoi il récuse sans concession, les prenant même pour lui, les critiques dont fait régulièrement l’objet le fonctionnement monarchique et dogmatique de l’institution. Quiconque par ses jugements, estime l’auteur du Choix de Dieu (1), affaiblit ou banalise l’Église, le trouve en travers de sa route. Ce fut le cas de Témoignage chrétien : pour nous qui sommes nés d’un acte de désobéissance civile et religieuse, le magistère du pape et des évêques ne peut plus être un signe de commandement unique, mais plutôt une instance de relation au service de la diversité et de la fraternité des chrétiens et de tous les hommes de bonne volonté. La conception ecclésiale du cardinal Lustiger, verticale et conquérante comme l’a encore montré l’opération d’évangélisation spectaculaire de Paris-Toussaint 2004, fait dire à l’un de ses pairs, héritier de l’esprit d’ouverture du Concile Vatican II : « Lustiger vient d’une autre planète ». Cette planète, c’est son histoire singulière. Loin des idéologies et des engagements de son époque, il s’est forgé son identité, son caractère, sa spiritualité. Exaspérant pour les uns, fascinant pour les autres, inclassable pour beaucoup, Jean-Marie Lustiger aura marqué son Église, son pays et son temps. Sa page se tourne. Sa trace restera.

1. Le choix de Dieu, entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, (Fallois), 1987, 473 p., 18 €.

Jean-Marie Lustiger: Y a-t-il une culture chrétienne ?

27 juin, 2007

du site:

http://catholique-paris.cef.fr/diocese/lustiger/articles/culture.php

Jean-Marie Lustiger

Y a-t-il une culture chrétienne ?

En acceptant de traiter en vingt minutes ce sujet immense, je prends tous les risques possibles et vous aussi !
Tout d’abord, comment définir la culture ? Vaste espace d’incertitude ! Pour ma part, je placerai la culture du côté du sujet humain et de sa liberté, alors qu’on la place le plus souvent du côté des objets de culture que produit ce sujet. Ainsi, le Ministre de la Culture a-t-il pour mission de gérer cet ensemble d’objets accumulés par les siècles et d’en promouvoir la production.
Une culture peut se définir aussi selon le point de vue des ethnologues, des littéraires, des historiens de l’art, etc. Et que signifie aujourd’hui « un homme de culture » ? Arrêtons là ces énumérations. Je vous propose en guise de définition de mettre la culture du côté du sujet et des libertés, et non de la réduire aux objets produits, à une culture objectivée.

Y a-t-il une culture chrétienne ? Je réponds : oui ; et j’ajoute : elle est universelle. Inutile de vous dire que je suis conscient du tour paradoxal, provocateur de mon propos.
J’appelle « culture chrétienne » cette réalité de la communion dans la foi que nous pouvons expérimenter, nous, chrétiens – catholiques, protestants, orthodoxes (encore que les Eglises orthodoxes soient souvent liées à une culture nationale).

Ainsi, il existerait une culture chrétienne et elle serait universelle. En quel sens ? La foi au Christ Jésus, la manière dont elle est reçue et vécue ne se jauge pas à partir de l’observation de l’homme en son humanité, telle qu’elle peut apparaître à un sociologue, à un anthropologue, à un historien, voire à un juriste ; elle se manifeste à la mesure de la liberté qu’elle fait naître chez les croyants.
Car, le baptême, l’acte qui enfante un chrétien, est un acte où se rencontrent la souveraine liberté de Dieu qui nous aime et qui nous sauve, et la liberté de l’homme que la grâce du mystère de l’Incarnation et de toute l’histoire du salut vient saisir.
Si je me trouve par exemple avec un chrétien chinois, bien que nous ne parlions pas la même langue, bien que nos liturgies ne se ressemblent guère et puissent nous paraître impénétrables, bien que les signes extérieurs (rares dans ce temple, mais plus abondants dans les Eglises d’Orient et même dans l’Eglise catholique) par lesquels s’exprime la foi nous semblent étrangers parce que d’une culture étrangère, puisque nous professons ensemble la même foi, nos libertés coïncident dans l’affirmation de la même réalité. Elle ne constitue pas un noyau culturel que l’on chercherait à isoler dans la diversité des cultures. Cette réalité est le fait de personnes qui communient dans le même acte. Et cet acte est l’acte de l’Esprit en nous qui nous unit au Christ, lui-même, selon l’affirmation paulinienne. Et cet acte est un événement réel et majeur de l’histoire – même culturelle – de l’humanité.
Quand j’affirme qu’il existe une culture chrétienne universelle, j’évoque la manière singulière de vivre la vie humaine dans la foi. Car le mystère de l’homme s’explique ou du moins se dévoile par le mystère du Christ mort et ressuscité ; car la conduite de la liberté humaine trouve son déploiement dans le don de l’Esprit qui rend libre ; car la fraternité entre les hommes trouve sa source dans la paternité de Dieu révélée par le Fils.
De la sorte, dans les différences objectives des cultures, la culture prise au sens du sujet se déploie avec une force inouïe. Autrement dit, cette manière chrétienne de vivre humainement ne peut pas être purement et simplement réduite aux déterminations historiques d’une culture. On ne peut pas la culturaliser parce qu’elle peut habiter toutes les cultures et les faire communiquer entre elles sans les aliéner. Depuis deux millénaires, en vérité, cet événement spirituel rend perceptible le visage particulier du chrétien qui fait se reconnaître frères au plus intime de leur existence des hommes et des femmes de toute culture. Car l’Esprit nous donne ce même langage dont la source universelle est aussi l’Ecriture en sa particularité historique.

Dire qu’il y a une culture chrétienne et qu’elle est universelle, c’est dire qu’elle ne se réduit à aucune des cultures et leurs objets. Elle ne réside que dans cette liberté donnée par l’Esprit, liberté qui traverse l’histoire des hommes.

*

Par ces propos provocateurs, je vous propose un fondement pour notre réflexion. Elle nous met au cœur du débat sur ce qu’est la culture. En même temps, elle nous tient à distance des conflits de culture où le christianisme a pris sa place. Pour être cohérent avec mes prémisses, je préfèrerais dire non pas le christianisme, mais l’action, la vie dans la foi des chrétiens et des Eglises, des communautés chrétiennes avec leurs particularités.

Maintenant, chaussant les lunettes de l’historien ou de l’anthropologue, on peut identifier ce que l’on appelle « des cultures chrétiennes ». Il faut ici être précis et concret. Quelle culture chrétienne ? De quel siècle ? Pourquoi la disons-nous chrétienne ? En quoi l’est-elle ou ne le serait-elle pas ? Si elle l’est, quelles sont ses chances de survie ou, au contraire, a-t-elle dépéri et pourquoi ?
Nous avançons sur un terrain difficile. Il faut bien peser le rapport de cette puissance de l’Esprit et de la liberté qui est créatrice de ce que notre siècle a appelé « la culture ». Elle vise le rapport entre la force de l’Esprit et les civilisations dans lesquelles elle se déploie. A cet égard, aucune culture n’est déterminée, achevée. Seule est susceptible d’être circonscrite une culture morte, précisément parce qu’elle est morte !
Prenons par exemple la culture française. Qu’appelons-nous la culture française ? Faut-il l’historiciser en commençant au 9è S. avec Charlemagne et puis en tranches chronologiques jusqu’à nos jours ? N’est-ce pas aussi ce dont nous, aujourd’hui, nous héritons, tout ce travail dont nous sommes les continuateurs ? La culture française d’aujourd’hui, me direz-vous, c’est aussi le rock, le pop ou Dieu sait quoi d’autre ! Oui ; non ! C’est aussi la manière dont nous assumons aujourd’hui ces réalités. Nous réagirons différemment selon que pour nous l’idéal du temple de la culture est le musée, l’encyclopédie, voire la mémoire de l’ordinateur qui peut tout conserver. Ou bien selon que pour nous ce sont les êtres vivants qui portent et créent ce que nous nommons leur culture. Dès lors nous devons reconnaître que les cultures sont périssables ; périssables mais toujours en transformation.

Alors, culture chrétienne ? On peut dire que tel moment de la société, tel moment de la vie de l’Eglise a produit une culture très reconnaissable. Mais :
. Est-elle chrétienne ? Oui, dans la mesure où ceux qui la façonnent sont chrétiens.
. Par quels traits est-elle chrétienne ? Dans la mesure où les exigences de l’Evangile – amour de Dieu et amour du prochain – ont peu à peu pétri les comportements, suscité des œuvres où s’expriment les peurs mais aussi les espérances, les fantasmes mais aussi les vraies lumières données à une génération.
Mais si, au contraire, nous réduisons la culture à n’être qu’un objet, alors la culture chrétienne, a fortiori quand nous la mettons du côté de la vie sociale, s’identifie à la contrainte sociale, au conformisme. Il n’y a pas de société sans conformisme ; il est toujours présent, quoi qu’il arrive. La question est de savoir où se situe la liberté et comment ceux qui vivent l’assument et peuvent se comporter par rapport à lui.
La vraie culture chrétienne dans une civilisation n’appelle-t-elle pas la contestation ou la révolte ? Ce sont, me semble-t-il, les mouvements pendulaires des générations par rapport aux pesanteurs de la production des objets de culture.

Regardons l’histoire de la culture chrétienne de la France, ces deux derniers siècles : après les destructions de la Révolution française, Le Génie du christianisme de Chateaubriand, puis les philosophies spiritualistes du 19è, les peintres, etc. Quelles évolutions en peu de temps !
A chaque occasion, la foi chrétienne produit des œuvres de culture. Pourquoi ? Parce que la foi fondamentalement libère l’homme dans ses puissances spirituelles, en assumant la condition humaine avec toute son histoire. Ceci en vertu du mystère de l’Incarnation et de la réalité « sacramentelle » de l’Eglise (pardonnez-moi ce mot) ; elle façonne l’existence sans effacer pour autant les stigmates des péchés, des erreurs, des obscurités.
Nous ne devons donc pas accepter de réduire l’apport d’une culture chrétienne au sens que nous avons esquissé, à la pression sociale d’une culture normative devenue un moyen d’action majeur du pouvoir politique des Etats. Elles sont nécessaires, ces cultures chrétiennes. En quel sens ? Il est normal que nous exprimions ce qui est essentiel pour nous, dans notre vie par les objets que nous produisons, par les œuvres que nous faisons, par les rites sociaux que nous observons, par la manière dont nous nous comportons face aux puissances de l’esprit humain, et ce en croyants, mais sans chercher à forcer le trait.

Nous en sommes davantage conscients aujourd’hui, nous savons, que la science ne fait pas partie des idées platoniques qui se révèlent d’elles-mêmes ; mais c’est une recherche de l’homme ; l’homme l’oriente, pas seulement selon le désir de son esprit, mais surtout selon son centre d’intérêt : l’argent est un facteur majeur de la recherche avec les investissements qu’elle comporte. Une culture technicienne comme la nôtre joue sa valeur chrétienne sur sa capacité de réfléchir à ces investissements et d’en décider.
La plus grande œuvre du 20è siècle finissant et peut-être celle du 21è siècle, c’est la société elle-même, totalement bouleversée par les découvertes techniques et scientifiques. Les égyptiens ont fait leurs monuments funéraires. Nous, nous avons fait et des autoroutes et des communications et toute une manière de vivre dans l’image avec les conséquences sociales qui en découlent. Voilà notre culture, nous en sommes d’autant plus responsables pour nous et pour la génération qui vient.
Comment vivre en chrétiens dans cette culture ? C’est la question cruciale aujourd’hui. Comment faire en sorte que notre manière de vivre change cette culture dans ses axes et dans ses choix de façon qu’ils soient plus respectueux de la dignité humaine et laissent la place suffisante à la liberté de l’esprit pour adorer Dieu et reconnaître son amour ?

Jean Marie cardinal Lustiger

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