Archive pour la catégorie 'Homélies et commentaires sur la journée en cours'

L’ÉVANGILE DE JEUDI (LC 24, 35-48)

24 avril, 2014

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L’ÉVANGILE DE JEUDI (LC 24, 35-48)

24 35 Et eux-mêmes (les disciples d’Emmaüs) leur racontèrent ce qui s’était passé en chemin et comment ils avaient reconnu Jésus au moment où il rompait le pain.
36 Ils parlaient encore, quand Jésus lui-même se présenta au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous! » 37 Ils furent saisis de crainte, et même de terreur, car ils croyaient voir un fantôme. 38 Mais Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous troublés ? Pourquoi avez-vous ces doutes dans vos coeurs ? 39 Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi et voyez, car un fantôme n’a ni chair ni os, contrairement à moi, comme vous pouvez le constater. » 40 Il dit ces mots et leur montra ses mains et ses pieds.
41 Comme ils ne pouvaient pas encore croire, tellement ils étaient remplis de joie et d’étonnement, il leur demanda : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » 42 Ils lui donnèrent un morceau de poisson grillé. 43 Il le prit et le mangea devant eux.
44 Puis il leur dit : « Quand j’étais encore avec vous, voici ce que je vous ai déclaré : ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les livres des Prophètes et dans les Psaumes, tout cela devait se réaliser. » 45 Alors il leur ouvrit l’intelligence pour qu’ils comprennent les Écritures, 46 et il leur dit : « Voici ce qui est écrit : le Messie doit souffrir, puis se relever d’entre les morts le troisième jour, 47 et il faut que l’on prêche en son nom devant toutes les nations, en commençant par Jérusalem ; on appellera les humains à changer de comportement et à recevoir le pardon des péchés. 48 Vous êtes témoins de tout cela.

Commentaire
Quand nous recevons un don du Seigneur, nous ne devons jamais le conserver pour nous-mêmes ; nous avons le devoir de le partager. À la suite de l’apparition du Ressuscité, les disciples d’Emmaüs « se levèrent aussitôt et retournèrent à Jérusalem », afin de partager leur joie avec les amis du Christ Jésus. De même, l’ensemble des disciples, à Jérusalem, « remplis de joie et d’étonnement », reçoivent la mission de « prêcher en son nom devant toutes les nations. »

Une joie partagée
Revenus à Jérusalem, les disciples d’Emmaüs y retrouvent les onze apôtres, « qui étaient réunis avec leurs compagnons ». Il est significatif de noter que l’apparition du Christ ressuscité, l’enseignement et la mission que celui-ci leur adresse ne visent pas seulement un groupe restreint, mais tous les disciples. L’apparition n’est pas ici le privilège exclusif des apôtres, mais aussi de leurs compagnons, qui représentent tous les futurs chrétiens. La mission n’est pas le devoir des seuls dirigeants de l’Église, mais de tous les fidèles.
Les disciples reviennent en vitesse d’Emmaüs pour communiquer leur foi et leur joie avec ceux qui étaient demeurés à Jérusalem. Une foi solitaire est fragile et peut disparaître sous l’effet du premier doute. Luc notera régulièrement dans le Livre des Actes la joie de croire des communautés chrétiennes.

La foi ou la peur
Pourquoi la frayeur accompagne-t-elle le refus de croire? On est effrayé quand on craint pour sa sécurité, pour son existence. On ressent une impression de faiblesse devant un danger qui menace sa personne. La peur a sévi dans notre humanité depuis l’époque pré¬historique jusqu’à nos jours.
Le croyant adhère à la seule Personne absolue, le « Roc », qui offre la sécurité parfaite. Aussi la crainte de Dieu élimine toute autre crainte. Celui qui ne croit pas se coupe de cette sécurité et s’en remet à ses seules forces.
Jésus ressuscité souhaite la paix à ses disciples, mais ceux-ci, qui n’ont pas la foi, qui pensent voir un fantôme, « sont saisis de crainte et même de terreur. » Lorsque Jésus les amène à croire qu’il est réellement ressuscité, ils sont « remplis de joie et d’étonnement. »

B. Résurrection de la personne entière
La résurrection suppose que deux conditions soient remplies. C’est la même personne qui est morte et qui est ressuscité, non pas un nouvel être, après la disparition de la première. Ce n’est pas une nouvelle personne créée par Dieu, qui se substituerait à la précédente. La personne du Christ Jésus est transformée complètement (âme et corps), et non pas seu¬lement réanimée.
Selon l’hypothèse populaire de la réincarnation, l’âme immortelle revit dans un autre corps. Mais comment la personne humaine pourrait-elle se réincarner dans un autre corps et de¬meurer la même? Son corps fait-il ou non partie de son identité personnelle?
Le Christ veut prouver aux disciples qu’il est bien celui qu’ils ont connu ; il leur montre « ses mains et ses pieds ». Pour dissiper leurs derniers doutes qu’il est corporellement ressuscité, il mange devant eux. Luc est l’évangéliste qui insiste le plus sur la réalité physique du Christ ressuscité. Au début de Livre des Actes, c’est au cours d’un repas avec ses disciples qu’il leur donne ses directives. (Act 1,4) Dans sa catéchèse à la famille du centurion Corneille, Pierre déclare : « Nous avons mangé et bu avec lui après que Dieu l’a relevé d’entre les morts. » (Act 10,41)

Les vérités majeures de la mission chrétienne
Jésus ressuscité résume l’essentiel de sa mission, car il donne à ses disciples de poursuivre son propre ministère. Jésus a enseigné et œuvré pendant trois ans à peine, peut-être moins, mais il a associé ses disciples à sa mission pour la prolonger à travers les siècles. Le Livre des Actes aura précisément pour but de décrire le développement historique de cette évangélisation, dont l’Église est l’héritière jusqu’à la fin des temps.
1. Jésus affirme tout d’abord qu’il a accompli la Loi, les prophètes et les paumes. Le Christ avait développé ce même thème de l’accomplissement pour les disciples d’Emmaüs (Luc 24, 25-27). Conscients qu’ils prolongent la mission de leur Maître, les premiers disciples reprendront ce même thème. (Act 2, 23-32; 4, 10-11; 13, 28-29.33-37; 26, 22-23).
Cette insistance sur l’accomplissement des prophéties par le Christ ne répond pas seulement au besoin de montrer que l’Evangile n’est pas une innovation sans racine. On veut surtout démontrer l’unité de toute l’histoire du salut, dirigée par un seul auteur, Dieu. Cette unité de l’histoire dépend de la fidélité de Dieu à ses promesses de vie et de bonheur.
La continuité de l’histoire individuelle et collective est es¬sentielle, car l’être humain est trop pauvre pour se disperser sur des objectifs divers et successifs. Il se divise dans la mesure où il change de but dans sa vie. La seule réussite possible suppose une orientation fondamentale au début et la fidélité à cette orientation.
2. Toutes les Ecritures attestent le même schéma: l’alternance acceptée librement de mort et de résurrection, de souffrance et de bonheur (24, 7.26).
3. La conversion est la condition pour entrer en communion avec Dieu. La conversion consiste à se détourner de tout ce qui n’entre pas dans le plan de Dieu , le chemin qu’il a prévu pour le bonheur de chaque personne qu’il appelle. Les prophètes répètent le même appel à se convertir. Jean Baptiste et le Livre des Actes reprennent sans cesse ce thème fondamental. (2, 38; 3, 19; 5, 31; 10, 43; 13, 38-39; 26, 18). Le pardon des péchés exprime, sous une forme juridique, la dimension négative, qui permet l’ouverture positive de la foi, communion avec Dieu, présent dans son Fils, le Christ ressuscité.
4. « A toutes les nations ». L’universalisme est vital pour Luc. Du côté de la personne humaine, aucun individu n’a de droits, ni de privilèges devant Dieu. Du côté de Dieu, son amour infini s’étend à tous les humains, quels qu’ils soient, Juifs ou païens, libres ou esclaves.
5. « Jérusalem » est le centre géographique, où la rédemption a été accomplie, où l’Envoyé de Dieu a changé la mort en résurrection. Tout l’Évangile de Luc s’oriente vers Jérusalem, où Jésus réalisera ce miracle mystérieux. Dans le Livre des Actes, tout part de cette même ville comme une lumière de vie, pour rayonner jusqu’aux confins du monde. C’est la manière de Luc de signaler la réalité de l’incarnation du Fils de Dieu et l’unité de l’histoire du salut.
6. Etre témoin est le devoir majeur dans le Livre des Actes. Le témoin représente celui dont il témoigne, non seulement par ses paroles, mais par toute sa personne (Act 1, 8.22; 2, 32; 3, 15; 5, 32; 10, 37-43). La foi, comme la vie physique, se transmet de personne à personne (Rom 10, 14s).

Conclusion
À la suite des premiers disciples, tout chrétien a reçu la dignité de poursuivre la mission même de Jésus, le Christ. Comme tout don de Dieu, c’est à la fois une dignité et une responsabilité. « Malheur à moi si j’annonce pas la Bonne Nouvelle», s’écriait saint Paul. (1 Cor 9,16) Ce cri de Paul s’applique à chacun de nous. Le Créateur veut nous associer à son œuvre d’amour dans le monde.

Jean-Louis D’Aragon, s.j.

DIMANCHE 3 MARS 2013 : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE – Exode 3, 1-8a. 10. 13-15

1 mars, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 3 MARS 2013 : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – Exode 3, 1-8a. 10. 13-15
1 Moïse gardait le troupeau de son beau-père Jéthro,
prêtre de Madiane.
 Il mena le troupeau au-delà du désert
 et parvint à l’Horeb, la montagne de Dieu.
2 L’Ange du SEIGNEUR lui apparut au milieu d’un feu
 qui sortait d’un buisson.
 Moïse regarda : le buisson brûlait
 sans se consumer.
3 Moïse se dit alors :
 « Je vais faire un détour
 pour voir cette chose extraordinaire :
 pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? »
4 Le SEIGNEUR vit qu’il avait fait un détour pour venir regarder,
 et Dieu l’appela du milieu du buisson :
 « Moïse ! Moïse ! »
 Il dit : « Me voici ! »
5 Dieu dit alors :

 « N’approche pas d’ici !
 Retire tes sandales,
 car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte !
6 Je suis le Dieu de ton père,
 Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. » 
 Moïse se voila le visage
 car il craignait de porter son regard sur Dieu.
7 Le SEIGNEUR dit à Moïse :
 « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple
 qui est en Egypte,
 et j’ai entendu ses cris
 sous les coups des chefs de corvée.
 Oui, je connais ses souffrances.
8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens
 et le faire monter de cette terre
 vers une terre spacieuse et fertile,
 vers une terre ruisselant de lait et de miel,
 vers le pays de Canaan.
10 Et maintenant, va !
 Je t’envoie chez Pharaon :
 tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les fils d’Israël. »
13 Moïse répondit :
 « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai :
 Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.
 Ils vont me demander quel est son nom ;
 que leur répondrai-je ? »
 14 Dieu dit à Moïse :
 « Je suis celui qui suis.
 Tu parleras ainsi aux fils d’Israël :
 Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est JE-SUIS. »
 15 Dieu dit encore à Moïse :
 « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël :
 Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est YHWH, c’est le SEIGNEUR,
 le Dieu de vos pères,
 Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.
 C’est là mon nom pour toujours,
 c’est le mémorial par lequel vous me célébrerez, d’âge en âge. »
Ce récit magnifique est capital pour la foi d’Israël et donc aussi pour la nôtre : c’est la première fois que l’humanité découvrait qu’elle était aimée de Dieu ; au point qu’il voit, qu’il entend, qu’il connaît nos souffrances. Seul, le peuple élu pouvait accéder à cette découverte, parce que personne au monde n’y a pensé tout seul, il a fallu la Révélation. C’est sur ce socle, cette conviction désormais inébranlable que s’est construite la foi d’Israël, et donc encore une fois la nôtre. Il faut entendre la force du texte biblique. Notre traduction liturgique est presque trop faible ; quand nous lisons « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple », le texte hébreu est beaucoup plus insistant ; il faudrait traduire « pour voir, j’ai vu » ou « vraiment j’ai vu, oui, j’ai vu » la misère de mon peuple en Egypte.

 Cette misère du peuple était bien réelle, effectivement. L’immigration des Hébreux avait eu lieu des siècles plus tôt, à l’occasion d’une famine, et au début les choses allaient bien ; mais au fil des siècles, ces Hébreux s’étaient multipliés et au moment de la naissance de Moïse, ils commençaient à inquiéter le pouvoir. On les gardait parce que c’était une main-d’oeuvre à bon marché, mais on venait de décider de les empêcher de se reproduire ; un bon moyen, tout bébé garçon serait tué par la sage-femme dès sa naissance. On sait comment Moïse avait échappé miraculeusement à cette mort programmée et comment il avait finalement été adopté par la fille du Pharaon et élevé à la cour. Mais il n’avait pas oublié ses origines : il était sans cesse écartelé entre sa famille adoptive et ses frères de race, réduits à l’impuissance et à la révolte. Un jour, il prit parti : témoin des violences des Egyptiens contre les Hébreux, il tua un Egyptien. Consciemment ou non, il venait de choisir son camp. Le lendemain, voyant deux Hébreux s’empoigner, il leur avait fait la morale ; mais il avait essuyé une fin de non-recevoir ; on l’avait accusé de se mêler de ce qui ne le regardait pas. Ce qui signifiait que personne n’était prêt à lui confier la responsabilité de mener une quelconque révolte contre le Pharaon. En même temps, il avait entendu dire que le Pharaon avait décidé de le châtier pour le meurtre de l’Egyptien. Finie la vie à la cour, il fut obligé de s’exiler pour échapper aux représailles. Il s’enfuit dans le désert du Sinaï, il y rencontra et épousa une Madianite, Cippora, la fille de Jéthro.

 C’est là que commence notre texte d’aujourd’hui : « Moïse gardait le troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à l’Horeb, la montagne de Dieu. » Moïse, est certainement à ce moment-là dans les meilleures conditions qui soient pour rencontrer Dieu et recevoir sa vocation : il est sensible à la misère de ses frères, puisqu’il a pris des risques pour s’engager à leurs côtés, en tuant un Egyptien pour sauver un Hébreu ; mais en même temps, il a pris la mesure de son impuissance : le seul geste qu’il ait osé est un échec ; il est un paria désormais, et même ses frères de race ne lui reconnaissent aucune autorité. C’est cet homme pauvre qui s’approche d’un étrange buisson en feu.
 Je ferai deux remarques : tout d’abord, Dieu se révèle en même temps comme le Tout-Autre et comme le Tout-proche ; Il est le Tout-Autre, celui qu’on ne peut approcher qu’avec crainte et respect ET en même temps, il est le Tout Proche, celui qui voit la misère de son peuple et lui suscite un libérateur. Commençons par les expressions qui manifestent la sainteté de Dieu et l’immense respect de l’homme qui se trouve en sa présence : la phrase « L’Ange du SEIGNEUR lui apparut au milieu d’un feu qui sortait d’un buisson », par exemple, est caractéristique ; pour dire la présence de Dieu lui-même dans le buisson, on prend une circonlocution ; l’expression « L’Ange du SEIGNEUR » est une manière pudique de parler de Dieu. Ou encore, des expressions comme « N’approche pas d’ici ! Retire tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte ! » Ou enfin « Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. » En même temps, Dieu se révèle comme le Tout Proche des hommes, celui qui se penche sur leur malheur.
 Deuxième remarque, il faut retenir l’articulation de l’intervention de Dieu. Il voit la souffrance des hommes, donc il intervient, donc il envoie Moïse : l’action de Dieu suppose la collaboration de celui que Dieu appelle… Encore faut-il que celui que Dieu appelle accepte de répondre à cet appel… Encore faut-il que celui qui souffre accepte d’être secouru.

Dimanche 12 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut: Premiere Lecture – Premier Livre des Rois 19, 4 – 8

10 août, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 12 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut

Premiere Lecture – Premier Livre des Rois 19, 4 – 8

Le prophète Elie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel,
4 marcha toute une journée dans le désert.
Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson,
et demanda la mort en disant :
« Maintenant, SEIGNEUR, c’en est trop !
Reprends ma vie :
Je ne vaux pas mieux que mes pères. »
5 Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit.
Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit :
« Lève-toi et mange ! »
6 Il regarda, et il y avait près de sa tête
un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau.
Il mangea, il but, et se rendormit.
7 Une seconde fois, l’Ange du SEIGNEUR le toucha et lui dit :
« Lève-toi et mange !
Autrement le chemin serait trop long pour toi. »
8 Elie se leva, mangea et but.
Puis, fortifié par cette nourriture,
il marcha quarante jours et quarante nuits

jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.
Nous avons déjà eu l’occasion de parler du prophète Elie (dix-neuvième dimanche ordinaire A) ; je vous rappelle brièvement son histoire : nous sommes dans les années 875 à 850 av.J.C. environ. Elie était originaire de Tishbé en Galaad (au nord de ce que nous appelons aujourd’hui la Jordanie), et il était surnommé Elie le Tishbite ; mais son vrai nom, Eliyyah, signifiait « Mon Dieu, c’est Yah » (première syllabe du nom de Dieu), ce qui résume bien sa vie : laquelle fut un combat incessant contre l’idolâtrie.
Or le royaume du Nord où Elie exerçait sa mission de prophète traversait une grave crise religieuse : le roi Achab avait épousé une princesse païenne, Jézabel, fille du roi de Sidon. Là-bas, on adorait Baal. La nouvelle reine n’avait pas changé de religion en épousant Achab ; au contraire, elle avait introduit son idolâtrie dans le palais même du roi à Samarie : elle avait apporté avec elle des statues de ses divinités, et pire encore, d’innombrables prêtres et prophètes de Baal qui faisaient la loi au palais.
Le récit que nous lisons ce dimanche se situe dans un moment crucial des relations entre la reine païenne qui donne un très mauvais exemple à tout son peuple et Elie, le prophète du Dieu unique. Je vous rappelle ce qui vient de se passer : on pourrait le résumer en deux grands épisodes : une longue période de sécheresse et le sacrifice du Carmel.
Acte 1, la sécheresse : c’est un fait historique qu’il y a eu au Moyen-Orient une très grande sécheresse au neuvième siècle. L’historien juif Flavius Josèphe (premier siècle ap.J.C.) en parle. Dans une civilisation exclusivement agricole, sécheresse veut dire famine et donc mort à très brève échéance : de nombreuses villes anciennes ont disparu de la carte uniquement à l’occasion d’une sécheresse durable. Prévenu par Dieu, Elie commence par déclarer solennellement « Par la vie du SEIGNEUR, le Dieu d’Israël au service duquel je suis, il n’y aura ces années-ci ni rosée ni pluie sinon à ma parole ». Traduisez Dieu est le seul maître des éléments, vos Baals n’y peuvent rien. Puis il se met à l’abri car Dieu lui a dit : « Va-t-en d’ici, dirige-toi vers l’orient et cache-toi dans le ravin de Kerith, qui est à l’est du Jourdain. Ainsi tu pourras boire au torrent, et j’ai ordonné aux corbeaux de te ravitailler là-bas. » (1 R 17, 3-4). La sécheresse persistant, le torrent cesse de couler et Dieu envoie Elie un peu plus loin, à Sarepta, près de Sidon. Là, Elie sera secouru par une veuve pauvre et aura l’occasion de lui prouver sa reconnaissance en accomplissant pour elle deux miracles (nous en reparlerons dans quelques semaines ; cf le trente-deuxième dimanche).
Acte 2, le sacrifice du Carmel : au bout de deux ans de sécheresse, Dieu annonce que la pluie va tomber et il envoie Elie prévenir Achab ; mais au lieu de se contenter de porter la bonne nouvelle, Elie cherche à exploiter la situation au profit de son Dieu ; il lance un défi aux innombrables prophètes de Baal : est-ce Baal ou le Dieu d’Israël qui est capable d’envoyer le feu du ciel ? Défi relevé, Elie d’un côté, le groupe des quatre cents prophètes de Baal de l’autre, chacun construit un autel gigantesque et prépare un sacrifice sur le mont Carmel. Mais les prophètes de Baal ont beau invoquer leurs dieux toute la journée, il ne se passe rien. Alors, à son tour, Elie se met à prier : « SEIGNEUR, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, fais que l’on sache aujourd’hui que c’est toi qui es Dieu en Israël » (1 R 18, 36) ; et le feu du ciel embrase tout le bûcher en un instant. Le peuple est éberlué. Elie profite de la liesse générale pour faire massacrer tous les prophètes de Baal. (Entre nous soit dit, cela Dieu ne le lui avait pas demandé !) Comme on pouvait s’y attendre, la reine Jézabel entre en grande fureur et menace Elie de mort. Il n’a plus qu’à fuir.
Et nous voici au début de notre lecture de ce dimanche : « Le prophète Elie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert. » Il est seul ; au passage, il a laissé son serviteur à Béer-Shéva et s’est enfoncé dans la solitude du désert. Le voilà bien fatigué, pire même découragé et doutant de lui-même : « Je ne vaux pas mieux que mes pères » dit-il. Pourquoi ? Parce que, tout à coup, il prend conscience de son indignité : il a annoncé un Dieu terrible, en éliminant tous les opposants ; ne s’est-il pas trompé de combat ? Pire, il a exigé des preuves de la présence de son Dieu : ne ressemble-t-il pas à ses pères qui, tout au long de l’Exode, murmuraient contre Dieu et l’obligeaient à se manifester ?
Or, voilà qu’au sein même de sa fuite et de sa détresse, il va découvrir un Dieu de compassion ; l’ange du Seigneur lui apporte la nourriture nécessaire pour survivre dans sa longue marche en lui disant : « Lève-toi et mange, car autrement le chemin serait trop long pour toi. » Il y puisera la force de marcher quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne du Sinaï (on l’appelle aussi l’Horeb).[1]
Il ne va pas là-bas par hasard : car c’est là que, déjà, Dieu s’est manifesté à Moïse : dans le feu du buisson ardent, il a prononcé son nom et manifesté sa sollicitude pour son peuple (Ex 3) ; dans la puissance, le vent, l’orage, et le tremblement de terre, il lui a donné les tables de la Loi (Ex 19) ; dans une caverne, il l’a caché pour le protéger de son rayonnement (Ex 33, 21-23). Les pas d’Elie le portent tout naturellement vers cette caverne de Moïse : là il découvrira le vrai visage de son Dieu ; car le temps est venu d’accueillir une nouvelle étape de la Révélation. Dieu est tout-puissant, oui, mais sa toute-puissance est celle de l’amour, dans la douceur d’une « brise légère ». En attendant, il n’a pas trop de quarante jours et quarante nuits pour se préparer : dans la Bible, le nombre quarante évoque toujours une gestation. Dans cette longue marche qui est aussi le temps de sa conversion, il est nourri par « l’Ange du SEIGNEUR », manière pudique de parler de Dieu en personne.
Désormais, chaque fois que nous nous approchons de la table eucharistique, nous entendons le Seigneur lui-même nous inviter : « Lève-toi et mange, car la route sera longue ».

commentaires sur la première lecture (Isaïe)

18 février, 2012

http://www.bible-service.net/site/432.html

commentaires sur la première lecture (Isaïe)

Isaïe 43,18-19.21-22.24-25

Dans la première lecture, le prophète Isaïe met dans la bouche de Dieu des paroles de fidélité à l’égard de l’engagement qu’il a pris envers son Peuple.  Dieu a aimé son peuple, il l’a éduqué patiemment ; et il n’y a pas d’amour authentique qui ne soit pas cohérent et donc fidèle à lui-même, quels que soient les péchés ou le manque de réciprocité de la personne aimée. Bien souvent le peuple a été infidèle, s’est tourné vers des idoles. Pire, le peuple est en exil, loin de sa terre, accablé. Mais le Seigneur ne l’abandonne pas. Il le fera revenir, le retour sera comme un nouvel exode. Dieu n’est pas rancunier : “ Je te pardonne tes révoltes – dit Dieu – à cause de moi-même, et je ne veux plus me souvenir de tes péchés. ”  “ À cause de moi-même ” : c’est là la cohérence absolue, qui fait que Dieu oublie même les offenses faites à son amour bafoué. Dieu ne libère pas son peuple pour le récompenser (de quoi ?). Il lui pardonne, il lui est fidèle “ à cause de lui ”. Voilà le socle de notre espérance !