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BENOÎT XVI – MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR (2012, Je pense que année b)

2 janvier, 2015

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2012/documents/hf_ben-xvi_hom_20120106_epifania_fr.html

MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane

Vendredi 6 janvier 2012

Chers Frères et Sœurs!

L’Épiphanie est une fête de la lumière. « Debout ! [Jérusalem] Rayonne ! Car voici ta lumière et sur toi se lève la gloire du Seigneur » (Is 60,1). Avec ces paroles du prophète Isaïe, l’Église décrit le contenu de la fête. Oui, Il est venu dans le monde Celui qui est la vraie Lumière, Celui qui rend les hommes lumière. Il leur donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu (cf. Jn 1,9.12). Le voyage des Mages d’Orient est pour la liturgie le début seulement d’une grande procession qui continue tout au long de l’histoire. Avec ces hommes commence le pèlerinage de l’humanité vers Jésus-Christ – vers ce Dieu qui est né dans une étable ; qui est mort sur la croix et qui depuis sa résurrection demeure avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde (cf. Mt 28,20). L’Église lit le récit de l’Évangile de Matthieu avec celui de la vision du prophète Isaïe, que nous avons écouté dans la première lecture : le voyage de ces hommes est seulement un commencement. D’abord étaient venus les bergers – des âmes simples qui demeuraient au plus près du Dieu fait petit enfant et qui pouvaient aller vers Lui plus facilement (cf. Lc 2,15) et Le reconnaître comme Seigneur. Mais maintenant, viennent aussi les sages de ce monde. Viennent les grands et les petits, les rois et les serviteurs, les hommes de toutes les cultures et de tous les peuples. Les hommes d’Orient sont les premiers, suivis par tant d’autres, tout au long des siècles. Après la grande vision d’Isaïe, la lecture tirée de la lettre aux Éphésiens exprime la même réalité d’une façon sobre et simple : les païens partagent le même héritage (cf. Ep 3,6). Le Psaume 2 l’avait exprimé ainsi : « Je te donne les nations pour héritage et pour domaine les extrémités de la terre » (Ps 2,8).
Les Mages d’Orient précèdent. Ils inaugurent la marche des peuples vers le Christ. Durant cette Messe je confèrerai l’Ordination épiscopale à deux prêtres, je les consacrerai Pasteurs du peuple de Dieu. Selon les paroles de Jésus, précéder le troupeau fait partie de la charge du Pasteur (Jn 10,4). Donc, dans ces personnages qui comme les premiers païens trouvèrent le chemin vers le Christ, nous pouvons peut-être chercher – malgré toutes les différences de vocations ou de fonctions – des indications regardant la charge des Évêques. Quel genre d’hommes étaient-ils ? Les experts nous disent qu’ils appartenaient à la grande tradition de l’astronomie qui à travers les siècles s’était développée en Mésopotamie et y fleurissait encore. Cependant cette information seule ne suffit pas. Il y avait peut-être de nombreux astronomes dans la Babylone antique, mais seul ce petit nombre s’est mis en route et a suivi l’étoile en laquelle il avait reconnu l’étoile de la promesse, celle qui indique la route vers le vrai Roi et Sauveur. Ils étaient, pourrions-nous dire, des hommes de science, mais non seulement dans le sens où ils voulaient connaître beaucoup de choses : ils voulaient davantage. Ils voulaient comprendre ce qui compte dans l’être humain. Probablement avaient-ils entendu parler de la prophétie du prophète païen Balaam : « Un astre issu de Jacob devient chef et un sceptre se lève, issu d’Israël » (Nb 24,17). Ceux-ci approfondirent cette promesse. C’étaient des personnes au cœur inquiet, qui ne se contentaient pas de ce qui paraît et est habituel. C’étaient des hommes à la recherche de la promesse, à la recherche de Dieu. Et c’étaient des hommes attentifs, capables de percevoir les signes de Dieu, son langage discret et insistant. Mais c’étaient encore des hommes à la fois courageux et humbles : nous pouvons imaginer qu’ils durent supporter quelques moqueries parce qu’ils s’étaient mis en route vers le Roi des Juifs, affrontant pour cela beaucoup de fatigue. Pour eux, ce que pensait d’eux celui-ci ou celui-là ou encore les personnes influentes ou intelligentes, n’était pas déterminant. Pour eux, ce qui comptait était la vérité elle-même, et non l’opinion des hommes. Pour cela ils affrontèrent les renoncements et les fatigues d’un voyage long et incertain. Ce fut leur courage humble qui leur permit de pouvoir s’incliner devant le petit enfant de gens pauvres et de reconnaître en Lui le Roi promis dont la recherche et la reconnaissance avait été le but de leur cheminement extérieur et intérieur.
Chers amis, comment ne pas voir en tout cela quelques-uns des traits essentiels du ministère épiscopal ? L’Évêque lui aussi doit être un homme au cœur inquiet qui ne se contente pas des choses habituelles de ce monde, mais suit l’inquiétude de son cœur qui le pousse à s’approcher intérieurement toujours plus de Dieu, à chercher son Visage, à Le connaître toujours mieux, pour pouvoir l’aimer toujours plus. L’Évêque doit être lui aussi un homme au cœur vigilant qui perçoit le langage discret de Dieu et sait discerner le vrai de l’apparent. L’Évêque encore doit être rempli du courage de l’humilité, qui ne s’interroge pas sur ce que peut dire de lui l’opinion dominante, mais tire son critère de mesure de la vérité de Dieu, et pour elle s’engage « opportune – importune » à temps et à contre-temps. Il doit être capable d’ouvrir et d’indiquer la route. Il doit marcher en avant, suivant Celui qui nous a tous précédés, parce qu’il est le vrai Pasteur, l’étoile véritable de la promesse : Jésus-Christ. Et il doit avoir l’humilité de s’incliner devant ce Dieu qui s’est rendu si concret et si simple qu’il contredit notre stupide orgueil, qui ne veut pas voir Dieu aussi proche et aussi petit. Il doit vivre l’adoration du Fils de Dieu fait homme, adoration qui lui indique toujours à nouveau la route.
La liturgie de l’Ordination épiscopale interprète l’essentiel de ce ministère en huit questions posées aux candidats à l’ordination, qui commencent toujours par la parole : « Vultis ? – Voulez-vous ? ». Les questions orientent la volonté et lui indiquent la route à prendre. Je voudrais ici mentionner brièvement quelques unes des paroles-clés d’une telle orientation, dans lesquelles se concrétise ce sur quoi nous avons réfléchi peu auparavant à partir des Mages de la fête d’aujourd’hui. La charge des Évêques est de « predicare Evangelium Christi », « custodire » et « dirigere », « pauperibus se misericordes praebere », « indesinenter orare ». Annoncer l’Évangile de Jésus-Christ, précéder et conduire, garder le patrimoine sacré de notre foi, la miséricorde et la charité envers les plus nécessiteux et les pauvres en qui se reflète l’amour miséricordieux de Dieu pour nous et, pour finir, la prière continue sont des caractéristiques fondamentales du ministère épiscopal. La prière continue qui signifie ne jamais perdre contact avec Dieu, se laisser toujours toucher par Lui dans l’intime de notre cœur et être ainsi envahis par sa lumière. Seul celui qui connaît Dieu personnellement peut guider les autres vers Dieu. Seul celui qui guide les hommes vers Dieu, les guide sur le chemin de la vie.
Le cœur inquiet, dont nous avons parlé en nous reportant à saint Augustin, est le cœur qui, en fin de compte, ne se contente de rien de moins que de Dieu et, précisément ainsi, devient un cœur qui aime. Notre cœur est inquiet à l’égard de Dieu et il le reste, même si aujourd’hui on s’efforce, avec des « narcotiques » très efficaces, de libérer l’homme de cette inquiétude. Toutefois, ce n’est pas seulement nous, les êtres humains, qui sommes inquiets par rapport à Dieu. Le cœur de Dieu est inquiet pour l’homme. Dieu nous attend. Il nous cherche. Il n’est pas tranquille lui non plus tant qu’il ne nous a pas trouvés. Le cœur de Dieu est inquiet, et c’est pour cela qu’il s’est mis en chemin vers nous – vers Bethléem, vers le Calvaire, de Jérusalem à la Galilée et jusqu’aux confins du monde. Dieu est inquiet à notre égard, il est à la recherche de personnes qui se laissent gagner par son inquiétude, par sa passion pour nous. De personnes qui portent en elles la recherche qui est dans leur cœur et, en même temps, qui se laissent toucher dans leur cœur par la recherche de Dieu à notre égard. Chers amis, c’est la tâche des Apôtres d’accueillir l’inquiétude de Dieu à l’égard de l’homme et de porter Dieu lui-même aux hommes. Et c’est votre tâche sur les pas des Apôtres de vous laisser toucher par l’inquiétude de Dieu afin que le désir de Dieu à l’égard de l’homme puisse être satisfait.
Les Mages ont suivi l’étoile. À travers le langage de la création, ils ont trouvé le Dieu de l’histoire. Certes, le langage de la création à lui-seul ne suffit pas. Seule la Parole de Dieu, que nous rencontrons dans la Sainte Écriture, pouvait leur indiquer de façon définitive la route. Création et Écriture, raison et foi doivent coexister pour nous conduire au Dieu vivant. On a beaucoup discuté sur le genre d’étoile qu’était celle qui avait guidé les Mages. On pense à une conjonction de planètes, à une Super nova, c’est-à-dire à une de ces étoiles au départ très faible en qui une explosion interne libère pendant un certain temps une immense splendeur, à une comète, etc. Que les savants continuent de discuter ! La grande étoile, la véritable Super nova qui nous guide, c’est le Christ lui-même. Il est, pour ainsi dire, l’explosion de l’amour de Dieu, qui fait resplendir sur le monde le grand éclat de son cœur. Et nous pouvons ajouter : les Mages d’Orient dont parle l’Évangile d’aujourd’hui, de même que les saints en général, sont devenus eux-mêmes petit à petit des constellations de Dieu, qui nous indiquent la route. En toutes ces personnes, le contact avec la Parole de Dieu a, pour ainsi dire, provoqué une explosion de lumière, à travers laquelle la splendeur de Dieu illumine notre monde et nous indique la route. Les saints sont des étoiles de Dieu, par lesquelles nous nous laissons guider vers Celui auquel notre cœur aspire. Chers amis, vous avez suivi l’étoile Jésus Christ, quand vous avez dit votre « oui » au sacerdoce et au ministère épiscopal. Et des étoiles mineures ont certainement brillé aussi pour vous, vous aidant à ne pas perdre la route. Dans les litanies des Saints, nous invoquons toutes ces étoiles de Dieu, afin qu’elles brillent toujours à nouveau pour vous et vous indiquent la route. En étant ordonnés Évêques, vous êtes appelés à être vous aussi étoiles de Dieu pour les hommes, à les guider sur la route vers la véritable lumière, vers le Christ. Prions donc à présent tous les Saints afin que vous puissiez toujours accomplir votre tâche et montrer aux hommes la lumière de Dieu. Amen

 

PAPE BENOÎT XVI: CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX, 2009

30 mars, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2009/documents/hf_ben-xvi_hom_20090405_palm-sunday_fr.html

CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Place Saint-Pierre
XXIV Journée Mondiale de la Jeunesse
Dimanche 5 avril 2009

Chers frères et sœurs,
Chers jeunes,

Uni à une foule grossissante de pèlerins, Jésus était monté à Jérusalem pour la Pâques. Au cours de la dernière étape de son périple, près de Jéricho, Il avait guéri l’aveugle Barthimée qui, lui demandant pitié, l’avait invoqué comme Fils de David. À présent – étant désormais capable de voir – il s’était avec gratitude mêlé au groupe des pèlerins. Quand, aux portes de Jérusalem, Jésus monte sur un âne – l’animal symbole de la royauté davidique – la joyeuse certitude éclate spontanément au milieu des pèlerins : C’est Lui, le Fils de David ! C’est pourquoi ils saluent Jésus avec l’acclamation messianique : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! », et ils ajoutent : « Béni le Règne qui vient, celui de notre Père David. Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mc 11, 9s). Nous ne savons pas précisément comment les pèlerins enthousiastes pouvaient imaginer ce que fut le Règne de David à venir. Mais nous, avons-nous vraiment compris le message de Jésus, Fils de David ? Avons-nous compris ce qu’est le Règne dont Il a parlé au cours de l’interrogatoire devant Pilate ? Comprenons-nous ce que cela signifie que ce Royaume n’est pas de ce monde ? Ou bien désirerions-nous à l’inverse qu’il soit de ce monde ?
Saint Jean, dans son Évangile, après le récit de l’entrée à Jérusalem, rapporte une série de parole de Jésus, à travers lesquelles il explique l’essentiel de ce royaume d’un genre nouveau. Dans une première lecture de ces textes, nous pouvons distinguer trois images du Royaume dans lesquelles, toujours de façon toujours différente, se reflète le même mystère. Jean raconte avant tout que, parmi les pèlerins qui durant la fête « voulaient adorer Dieu », il y avait aussi des Grecs (cf. 12, 20). Prêtons attention au fait que le véritable but de ces pèlerins était d’adorer Dieu. Ceci correspond parfaitement à ce que Jésus dit à l’occasion de la purification du Temple : « Ma maison s’appellera maison de prière pour toutes les nations » (Mc 11, 17). Le véritable but du pèlerinage doit être celui de rencontrer Dieu ; de l’adorer et ainsi de mettre dans l’ordre juste la relation fondamentale de notre existence. Les grecs sont des personnes à la recherche de Dieu ; à travers leur vie, ils sont en chemin vers Dieu. Ainsi, par l’intermédiaire de deux Apôtres de langue grecque, Philippe et André, font-ils parvenir leur demande au Seigneur : « Nous voudrions voir Jésus » (Jn 12, 21). Voilà une parole importante ! Chers amis, c’est pour cela que nous nous sommes réunis ici : nous voulons voir Jésus. Dans ce but, l’année dernière, des milliers de jeunes sont allés à Sydney. Certes, il devait y avoir des attentes multiples pour ce pèlerinage. Mais l’objectif essentiel était celui-ci : nous voulons voir Jésus.
À l’égard de cette requête, qu’a dit et fait Jésus alors ? L’Évangile ne laisse pas apparaître clairement si une rencontre entre ces Grecs et Jésus a eu lieu. Le regard de Jésus va bien au-delà. Le cœur de sa réponse à la demande de ces personnes est : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Cela signifie : il n’est plus important maintenant qu’ait lieu un dialogue plus ou moins bref avec quelques personnes, qui s’en retourneront ensuite chez elles. Comme grain de blé mort et ressuscité, je viendrai, de façon totalement nouvelle et au-delà des limites du moment présent, à la rencontre du monde des Grecs. Par la Résurrection, Jésus dépasse les limites de l’espace et du temps. Ressuscité, Il est en chemin vers l’étendue du monde et de l’histoire. Oui, ressuscité, il va chez les Grecs et parle avec eux, il se montre à eux de sorte que eux, les lointains, deviennent proches et, dans leur propre langue, dans leur propre culture, sa parole advient sur un mode nouveau et est comprise d’une façon nouvelle – advient son Royaume. Nous pouvons ainsi reconnaître deux caractéristiques essentielles de ce Règne. La première est que ce Royaume s’institue à travers la croix. Puisque Jésus se donne totalement, il peut en tant que ressuscité appartenir à tous et se rendre présent à tous. Dans la Sainte Eucharistie, nous recevons le fruit du grain de blé tombé en terre, la multiplication des pains qui se poursuit jusqu’à la fin du monde dans tous les temps. La seconde caractéristique est celle-ci : sa Royauté est universelle. L’antique espérance d’Israël s’accomplit : la royauté de David ne connaît plus de frontière. Elle s’étend « d’une mer à l’autre » (Zach 9, 10). – c’est-à-dire embrasse le monde entier. Cependant, ceci n’est possible que parce qu’elle n’est pas la souveraineté d’un pouvoir politique, mais qu’elle se fonde uniquement sur la libre adhésion de l’amour – un amour qui, pour sa part, répond à l’amour de Jésus Christ qui s’est donné pour tous. Je pense que nous devons apprendre toujours à nouveau les deux choses, surtout l’universalité, la catholicité. Cela signifie que personne ne peut prendre pour l’absolu soi-même, sa culture, son temps et son monde. Cela demande que tous, nous nous accueillons mutuellement, renonçant à une part de ce qui nous est propre. L’universalité inclut le mystère de la Croix – le dépassement de soi-même, l’obéissance à la parole de Jésus qui nous est commune dans l’Église qui nous est commune. L’universalité est toujours un dépassement de soi-même, un renoncement à quelque chose de personnel. L’universalité et la croix vont ensemble. C’est seulement ainsi que la paix se crée.
La parole concernant le grain de blé tombé en terre fait partie de la réponse de Jésus aux Grecs, elle est sa réponse. Toutefois, il formule ensuite une nouvelle fois la loi fondamentale de l’existence humaine : « Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle » (12, 25). C’est-à-dire, qui veut garder sa vie pour lui, vivre seulement pour lui-même, rapporter tout à soi et jouir de toutes les opportunités – c’est proprement lui qui perd la vie. Celle-ci devient ennuyeuse et vide. Ce n’est que dans l’abandon de soi-même, dans le don désintéressé du je en faveur du tu, dans le « oui » à une vie plus grande – celle de Dieu -, que notre vie devient grande et belle. Ce principe fondamental, que le Seigneur établit, est en dernière analyse purement et simplement identique au principe de l’amour. En effet, l’amour signifie : s’abandonner soi-même, se donner, ne pas vouloir se posséder soi-même, mais devenir libre de soi-même : ne pas se replier sur soi – (en pensant) qu’adviendra-t-il de moi ? -, mais regarder en avant, vers l’autre – vers Dieu et vers les hommes que Lui m’envoie. Et ce principe de l’amour, qui marque le chemin de l’homme, est encore une fois identique au mystère de la croix, au mystère de mort et de résurrection que nous rencontrons dans le Christ. Chers amis, il est peut-être relativement facile d’accepter cela comme le sens profond de la vie. Dans la réalité concrète, cependant, il ne s’agit pas de simplement reconnaître un principe, mais d’en vivre la vérité, la vérité de la croix et de la résurrection. Et pour cela, à nouveau, une unique et grande résolution ne suffit pas. Il est certainement important, essentiel d’oser poser une fois le grand choix décisif, d’oser le grand « oui » que le Seigneur nous demande à un certain moment de notre vie. Mais le grand « oui » du moment décisif dans notre vie – le « oui » à la vérité que le Seigneur nous propose – doit ensuite être quotidiennement reconquis dans les situations de chaque jour dans lesquels, toujours de nouveau, nous devons abandonner notre moi, nous mettre à disposition, quand au fond nous voudrions à l’inverse nous accrocher à notre moi. Le renoncement, le sacrifice font aussi partie d’une vie droite. Qui promet une vie sans ce don de soi-même toujours renouvelé, trompe les gens. Il n’existe pas de vie réussie sans sacrifice. Si je jette un regard rétrospectif sur ma vie personnelle, je dois dire que ce sont précisément les moments où j’ai dit « oui » à un renoncement, qui ont été les moments importants et décisifs de ma vie.
Enfin, saint Jean a accueilli dans l’écho qu’il donne des paroles du Seigneur pour le « Dimanche des Rameaux », une forme modifiée de la prière de Jésus dans le jardin des oliviers. Il y a avant tout l’affirmation : « Mon âme est bouleversée » (Jn 12, 27). L’effroi de Jésus apparaît ici, souligné fortement par les autres évangélistes – son effroi devant le pouvoir de la mort, devant tout l’abîme du mal qu’Il voit et dans lequel il doit descendre. Le Seigneur souffre nos angoisses avec nous, il nous accompagne à travers l’ultime angoisse jusqu’à la lumière. Puis viennent en saint Jean, les deux demandes de Jésus. La première, exprimée seulement au conditionnel : « Que puis-je dire ? Dirai-je ? : Père, délivre-moi de cette heure ? » (Jn 12, 27). En tant qu’être humain, Jésus aussi se sent poussé à demander que lui soit épargnée la terreur de la Passion. Nous aussi pouvons prier ainsi. Nous aussi, nous pouvons nous plaindre au Seigneur comme Job le fît, lui présenter toutes les demandes qui, face à l’injustice du monde et au trouble de notre propre moi, surgissent en nous. Devant Lui nous ne devons pas nous réfugier dans des phrases pieuses, dans un monde factice. Prier signifie toujours aussi lutter avec Dieu, et comme Jacob nous pouvons lui dire : « Je ne te lâcherai que si tu me bénis » (Gn 32, 27). Mais vient ensuite la seconde demande de Jésus : « Glorifie ton nom ! » (Jn 12, 28). Dans les synoptiques, cette demande résonne ainsi : « Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne » (Lc 22, 42). En définitive, la gloire de Dieu, sa seigneurie, sa volonté sont toujours plus importantes et plus vraies que mes pensées et que ma volonté. C’est là l’essentiel dans notre prière et dans notre vie : apprendre cet ordre juste de la réalité, l’accepter profondément ; faire confiance à Dieu et croire qu’Il fait la chose juste ; que sa volonté est la vérité et l’amour ; que ma vie devient bonne si j’apprends à adhérer à cet ordre. Vie, mort et résurrection de Jésus sont pour nous la garantie que nous pouvons véritablement nous fier à Dieu. Et c’est de cette façon que se réalise son royaume.
Chers amis, au terme de cette liturgie, les jeunes venus d’Australie remettront la Croix de la Journée Mondiale de la Jeunesse à leurs homologues venus d’Espagne. La Croix est en chemin d’un côté du monde à l’autre, d’une mer à une autre. Et nous, nous l’accompagnons. Nous progressons avec elle sur la route qu’elle trace et nous trouvons ainsi notre route. Quand nous touchons la Croix, ou plutôt, quand nous la portons, nous touchons le mystère de Dieu, le mystère de Jésus Christ. Ce mystère est que Dieu a tant aimé le monde – nous – qu’il a donné son Fils unique pour nous (cf. Jn 3, 16). Nous touchons le mystère merveilleux de l’amour de Dieu, l’unique vérité authentiquement rédemptrice. Mais nous touchons aussi la loi fondamentale, la norme constitutive de notre vie, c’est-à-dire le fait que sans le « oui » à la Croix, sans le cheminement en communion avec le Christ jour après jour, la vie ne peut aboutir. Plus nous sommes capables de quelques renoncements, par amour de la grande vérité et du grand amour – par amour de la vérité et par amour de Dieu -, plus grande et plus riche est notre vie. Qui veut garder sa vie pour soi-même, la perd. Qui donne sa vie – quotidiennement dans les petits gestes, qui sont constitutifs de la grande décision -, celui-ci la trouvera. C’est là la vérité exigeante, mais aussi profondément belle et libératrice, dans laquelle nous voulons pas à pas entrer au cours de ce parcours de la Croix d’un continent à l’autre. Que le Seigneur daigne bénir ce chemin ! Amen.

BÉATIFICATION DE JEAN-PAUL II : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

1 mai, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-27758?l=french

BÉATIFICATION DE JEAN-PAUL II : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

Texte intégral

 ROME, Dimanche 1er mai 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée durant la célébration de béatification de Jean-Paul II, place Saint-Pierre, ce dimanche matin.
* * *
Chers frères et sœurs !
Il y a six ans désormais, nous nous trouvions sur cette place pour célébrer les funérailles du Pape Jean-Paul II. La douleur causée par sa mort était profonde, mais supérieur était le sentiment qu’une immense grâce enveloppait Rome et le monde entier : la grâce qui était en quelque sorte le fruit de toute la vie de mon aimé Prédécesseur et, en particulier, de son témoignage dans la souffrance. Ce jour-là, nous sentions déjà flotter le parfum de sa sainteté, et le Peuple de Dieu a manifesté de nombreuses manières sa vénération pour lui. C’est pourquoi j’ai voulu, tout en respectant la réglementation en vigueur de l’Église, que sa cause de béatification puisse avancer avec une certaine célérité. Et voici que le jour tant attendu est arrivé ! Il est vite arrivé, car il en a plu ainsi au Seigneur : Jean-Paul II est bienheureux !
Je désire adresser mes cordiales salutations à vous tous qui, pour cette heureuse circonstance, êtes venus si nombreux à Rome de toutes les régions du monde, Messieurs les Cardinaux, Patriarches des Églises Orientales Catholiques, Confrères dans l’Épiscopat et dans le sacerdoce, Délégations officielles, Ambassadeurs et Autorités, personnes consacrées et fidèles laïcs, ainsi qu’à tous ceux qui nous sont unis à travers la radio et la télévision.
Ce dimanche est le deuxième dimanche de Pâques, que le bienheureux Jean-Paul II a dédié à la Divine Miséricorde. C’est pourquoi ce joura été choisi pour la célébration d’aujourd’hui, car, par un dessein providentiel, mon prédécesseur a rendu l’esprit justement la veille au soir de cette fête. Aujourd’hui, de plus, c’est le premier jour du mois de mai, le mois de Marie, et c’est aussi la mémoire de saint Joseph travailleur. Ces éléments contribuent à enrichir notre prière et ils nous aident, nous qui sommes encore pèlerins dans le temps et dans l’espace, tandis qu’au Ciel, la fête parmi les Anges et les Saints est bien différente ! Toutefois unique est Dieu, et unique est le Christ Seigneur qui, comme un pont, relie la terre et le Ciel, et nous, en ce moment, nous nous sentons plus que jamais proches, presque participants de la Liturgie céleste.
« Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. » (Jn 20,29). Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus prononce cette béatitude : la béatitude de la foi. Elle nous frappe de façon particulière parce que nous sommes justement réunis pour célébrer une béatification, et plus encore parce qu’aujourd’hui a été proclamé bienheureux un Pape, un Successeur de Pierre, appelé à confirmer ses frères dans la foi. Jean-Paul II est bienheureux pour sa foi, forte et généreuse, apostolique. Et, tout de suite, nous vient à l’esprit cette autre béatitude : « Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16, 17). Qu’a donc révélé le Père céleste à Simon ? Que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. Grâce à cette foi, Simon devient « Pierre », le rocher sur lequel Jésus peut bâtir son Église. La béatitude éternelle de Jean-Paul II, qu’aujourd’hui l’Église a la joie de proclamer, réside entièrement dans ces paroles du Christ : « Tu es heureux, Simon » et « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. ». La béatitude de la foi, que Jean-Paul II aussi a reçue en don de Dieu le Père, pour l’édification de l’Église du Christ.
Cependant notre pensée va à une autre béatitude qui, dans l’Évangile, précède toutes les autres. C’est celle de la Vierge Marie, la Mère du Rédempteur. C’est à elle, qui vient à peine de concevoir Jésus dans son sein, que Sainte Élisabeth dit : « Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! » (Lc 1, 45). La béatitude de la foi a son modèle en Marie et nous sommes tous heureux que la béatification de Jean-Paul II advienne le premier jour du mois marial, sous le regard maternel de Celle qui, par sa foi, soutient la foi des Apôtres et soutient sans cesse la foi de leurs successeurs, spécialement de ceux qui sont appelés à siéger sur la chaire de Pierre. Marie n’apparaît pas dans les récits de la résurrection du Christ, mais sa présence est comme cachée partout : elle est la Mère, à qui Jésus a confié chacun des disciples et la communauté tout entière. En particulier, nous notons que la présence effective et maternelle de Marie est signalée par saint Jean et par saint Luc dans des contextes qui précèdent ceux de l’Évangile d’aujourd’hui et de la première Lecture : dans le récit de la mort de Jésus, où Marie apparaît au pied de la croix (Jn 19, 25) ; et au début des Actes des Apôtres, qui la montrent au milieu des disciples réunis en prière au Cénacle (Ac 1, 14).
La deuxième Lecture d’aujourd’hui nous parle aussi de la foi, et c’est justement saint Pierre qui écrit, plein d’enthousiasme spirituel, indiquant aux nouveaux baptisés les raisons de leur espérance et de leur joie. J’aime observer que dans ce passage, au début de saPremière Lettre, Pierre n’emploie pas le mode exhortatif, mais indicatif pour s’exprimer ; il écrit en effet : « Vous en tressaillez de joie », et il ajoute : « Sans l’avoir vu vous l’aimez ; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire, sûrsd’obtenir l’objet de votre foi : le salut des âmes. » (1 P 1, 6. 8-9). Tout est à l’indicatif, parce qu’existe une nouvelle réalité, engendrée par la résurrection du Christ, une réalité accessible à la foi. « C’est là l’œuvre du Seigneur – dit le Psaume (118, 23) – ce fut une merveille à nos yeux », les yeux de la foi.
Chers frères et sœurs, aujourd’hui, resplendit à nos yeux, dans la pleine lumière spirituelle du Christ Ressuscité, la figure aimée et vénérée de Jean-Paul II. Aujourd’hui, son nom s’ajoute à la foule des saints et bienheureux qu’il a proclamés durant les presque 27 ans de son pontificat, rappelant avec force la vocation universelle à la dimension élevée de la vie chrétienne, à la sainteté, comme l’affirme la Constitution conciliaire Lumen gentium sur l’Église. Tous les membres du Peuple de Dieu – évêques, prêtres, diacres, fidèles laïcs, religieux, religieuses -, nous sommes en marche vers la patrie céleste, où nous a précédé la Vierge Marie, associée de manière particulière et parfaite au mystère du Christ et de l’Église. Karol Wojtyla, d’abord comme Évêque Auxiliaire puis comme Archevêque de Cracovie, a participé au Concile Vatican II et il savait bien que consacrer à Marie le dernier chapitre du Document sur l’Église signifiait placer la Mère du Rédempteur comme image et modèle de sainteté pour chaque chrétien et pour l’Église entière. Cette vision théologique est celle que le bienheureux Jean-Paul II a découverte quand il était jeune et qu’il a ensuite conservée et approfondie toute sa vie. C’est une vision qui est synthétisée dans l’icône biblique du Christ sur la croix ayant auprès de lui Marie, sa mère. Icône qui se trouve dans l’Évangile de Jean (19, 25-27) et qui est résumée dans les armoiries épiscopales puis papales de Karol Wojtyla : une croix d’or, un « M » en bas à droite, et la devise « Totus tuus », qui correspond à la célèbre expression de saint Louis Marie Grignion de Montfort, en laquelle Karol Wojtyla a trouvé un principe fondamental pour sa vie : « Totus tuus ego sum et omnia mea tua sunt. Accipio Te in mea omnia. Praebe mihi cor tuum, Maria – Je suis tout à toi et tout ce que j’ai est à toi. Sois mon guide en tout. Donnes-moi ton cœur, O Marie » (Traité de la vraie dévotion à Marie, nn. 233 et 266).
Dans son Testament, le nouveau bienheureux écrivait : « Lorsque, le jour du 16 octobre 1978, le conclave des Cardinaux choisit Jean-Paul II, le Primat de la Pologne, le Card. Stefan Wyszynski, me dit : « Le devoir du nouveau Pape sera d’introduire l’Église dans le Troisième Millénaire ». Et il ajoutait : « Je désire encore une fois exprimer ma gratitude à l’Esprit Saint pour le grand don du Concile Vatican II, envers lequel je me sens débiteur avec l’Église tout entière – et surtout avec l’épiscopat tout entier -. Je suis convaincu qu’il sera encore donné aux nouvelles générations de puiser pendant longtemps aux richesses que ce Concile du XXème siècle nous a offertes. En tant qu’évêque qui a participé à l’événement conciliaire du premier au dernier jour, je désire confier ce grand patrimoine à tous ceux qui sont et qui seront appelés à le réaliser à l’avenir. Pour ma part, je rends grâce au Pasteur éternel qui m’a permis de servir cette très grande cause au cours de toutes les années de mon pontificat ». Et quelle est cette « cause » ? Celle-là même que Jean-Paul II a formulée au cours de sa première Messe solennelle sur la place Saint-Pierre, par ces paroles mémorables : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ». Ce que le Pape nouvellement élu demandait à tous, il l’a fait lui-même le premier : il a ouvert au Christ la société, la culture, les systèmes politiques et économiques, en inversant avec une force de géant – force qui lui venait de Dieu – une tendance qui pouvait sembler irréversible. Par son témoignage de foi, d’amour et de courage apostolique, accompagné d’une grande charge humaine, ce fils exemplaire de la nation polonaise a aidé les chrétiens du monde entier à ne pas avoir peur de se dire chrétiens, d’appartenir à l’Église, de parler de l’Évangile. En un mot : il nous a aidés à ne pas avoir peur de la vérité, car la vérité est garantie de liberté. De façon plus synthétique encore : il nous a redonné la force de croire au Christ, car le Christ est Redemptor hominis, le Rédempteur de l’homme : thème de sa première Encyclique et fil conducteur de toutes les autres.
Karol Wojtyla est monté sur le siège de Pierre, apportant avec lui sa profonde réflexion sur la confrontation, centrée sur l’homme, entre le marxisme et le christianisme. Son message a été celui-ci : l’homme est le chemin de l’Église, et Christ est le chemin de l’homme. Par ce message, qui est le grand héritage du Concile Vatican II et de son « timonier », le Serviteur de Dieu le Pape Paul VI, Jean-Paul II a conduit le Peuple de Dieu pour qu’il franchisse le seuil du Troisième Millénaire, qu’il a pu appeler, précisément grâce au Christ, le « seuil de l’espérance ». Oui, à travers le long chemin de préparation au Grand Jubilé, il a donné au Christianisme une orientation renouvelée vers l’avenir, l’avenir de Dieu, transcendant quant à l’histoire, mais qui, quoi qu’il en soit, a une influence sur l’histoire. Cette charge d’espérance qui avait été cédée en quelque sorte au marxisme et à l’idéologie du progrès, il l’a légitimement revendiquée pour le Christianisme, en lui restituant la physionomie authentique de l’espérance, à vivre dans l’histoire avec un esprit d’« avent », dans une existence personnelle et communautaire orientée vers le Christ, plénitude de l’homme et accomplissement de ses attentes de justice et de paix.
Je voudrais enfin rendre grâce à Dieu pour l’expérience personnelle qu’il m’a accordée, en collaborant pendant une longue période avec le bienheureux Pape Jean-Paul II. Auparavant, j’avais déjà eu la possibilité de le connaître et de l’estimer, mais à partir de 1982, quand il m’a appelé à Rome comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j’ai pu lui être proche et vénérer toujours plus sa personne pendant 23 ans. Mon service a été soutenu par sa profondeur spirituelle, par la richesse de ses intuitions. L’exemple de sa prière m’a toujours frappé et édifié : il s’immergeait dans la rencontre avec Dieu, même au milieu des multiples obligations de son ministère. Et puis son témoignage dans la souffrance : le Seigneur l’a dépouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un « rocher », comme le Christ l’a voulu. Sa profonde humilité, enracinée dans son union intime au Christ, lui a permis de continuer à guider l’Église et à donner au monde un message encore plus éloquent précisément au moment où les forces physiques lui venaient à manquer. Il a réalisé ainsi, de manière extraordinaire, la vocation de tout prêtre et évêque : ne plus faire qu’un avec ce Jésus, qu’il reçoit et offre chaque jour dans l’Eucharistie.
Bienheureux es-tu, bien aimé Pape Jean-Paul II, parce que tu as cru ! Continue – nous t’en prions – de soutenir du Ciel la foi du Peuple de Dieu. [Puis, improvisant, Benoît XVI a ajouté :] Tu nous as béni si souvent depuis cette place. Saint-Père, aujourd’hui nous t’en prions, bénis-nous. Amen.

Benoît XVI à Turin : Homélie de la messe (Place San Carlo)

6 mai, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24288?l=french

Benoît XVI à Turin : Homélie de la messe (Place San Carlo)

Texte intégral

ROME, Lundi 3 mai 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée ce dimanche lors de la messe qu’il a présidée, place San Carlo, à Turin, dans le cadre de son pèlerinage pour vénérer le linceul exposé exceptionnellement du 10 avril au 23 mai.

Chers frères et sœurs !
Je suis heureux de me trouver avec vous en ce jour de fête et de célébrer pour vous cette Eucharistie solennelle. Je salue chacune des personnes présentes, en particulier le pasteur de votre archidiocèse, le cardinal Severino Poletto, que je remercie des paroles chaleureuses qu’il m’a adressées au nom de tous. Je salue également les archevêques et les évêques présents, les prêtres, les religieux et les religieuses, les représentants des associations et des mouvements ecclésiaux. J’adresse une pensée respectueuse au maire, M. Sergio Chiamparino, reconnaissant pour son hommage courtois, au représentant du gouvernement et aux autorités civiles et militaires, avec des remerciements particuliers à tous ceux qui ont généreusement offert leur collaboration pour la réalisation de ma visite pastorale. J’étends ma pensée à tous ceux qui n’ont pas pu être présents, en particulier aux malades, aux personnes seules et à tous ceux qui se trouvent en difficulté. Je confie au Seigneur la ville de Turin et tous ses habitants au cours de cette célébration eucharistique qui, comme tous les dimanches, nous invite à participer de manière communautaire au double banquet de la Parole de vérité et du Pain de la vie éternelle.

Nous sommes dans le temps pascal, qui est le temps de la glorification de Jésus. L’Evangile que nous venons d’écouter nous rappelle que cette glorification s’est réalisée à travers la passion. Dans le mystère pascal, passion et glorification sont étroitement liées entre elles et forment une unité indivisible. Jésus affirme : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui » (Jn 13, 31) et il le fait lorsque Judas sort du Cénacle pour accomplir le plan de sa trahison, qui conduira à la mort du Maître : c’est précisément à ce moment-là que commence la glorification de Jésus. L’évangéliste Jean le fait comprendre clairement : en effet, il ne dit pas que Jésus a été glorifié seulement après sa passion, au moyen de la résurrection, mais il montre que sa glorification a commencé précisément avec la passion. Dans celle-ci Jésus manifeste sa gloire, qui est gloire de l’amour, qui se donne totalement. Il a aimé le Père, accomplissant sa volonté jusqu’au bout, en une donation parfaite ; il a aimé l’humanité, donnant sa vie pour nous. Ainsi, dans sa passion il est déjà glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Mais la passion – comme expression très réelle et profonde de son amour – n’est qu’un début. C’est pourquoi Jésus affirme que sa glorification sera également future (cf. v. 32). Ensuite le Seigneur, au moment où il annonce son départ de ce monde (cf. v. 33), comme un testament laissé à ses disciples pour poursuivre de manière nouvelle sa présence parmi eux, leur donne un commandement : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres » (v. 34). Si nous nous aimons les uns les autres, Jésus continue à être présent parmi nous, à être glorifié dans le monde.

Jésus parle d’un « commandement nouveau ». Mais quelle est sa nouveauté ? Déjà dans l’Ancien Testament, Dieu avait donné le commandement de l’amour ; à présent, cependant, ce commandement est devenu nouveau dans la mesure où Jésus y apporte un ajout très important : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres ». Ce qui est nouveau est précisément cet « aimer comme Jésus a aimé ». Tout notre amour est précédé par son amour et se réfère à cet amour, s’insère dans cet amour, se réalise précisément pour cet amour. L’Ancien Testament ne présentait aucun modèle d’amour, mais formulait seulement le précepte d’aimer. Jésus, en revanche, s’est donné lui-même à nous comme modèle et comme source d’amour. Il s’agit d’un amour sans limites, universel, en mesure de transformer également toutes les circonstances négatives et tous les obstacles qui se dressent pour progresser dans l’amour. Et nous voyons dans les saints de cette ville la réalisation de cet amour, toujours à partir de la source de l’amour de Jésus.

Au cours des siècles passés, l’Eglise qui est à Turin a connu une riche tradition de sainteté et de généreux service à nos frères – comme l’ont rappelé le cardinal-archevêque et le maire – grâce à l’œuvre de prêtres, de religieux et de religieuses de vie active et contemplative et de fidèles laïcs zélés. Les paroles de Jésus acquièrent alors un écho particulier pour cette Eglise de Turin, une Eglise généreuse et active, à commencer par ses prêtres. En nous donnant le commandement nouveau, Jésus nous demande de vivre son amour même, de son amour même, qui est le signe vraiment crédible, éloquent et efficace pour annoncer au monde la venue du Royaume de Dieu. Bien évidemment, avec nos seules forces nous sommes faibles et limités. Il y a toujours en nous une résistance à l’amour et dans notre existence il y a tant de difficultés qui provoquent des divisions, du ressentiment et des rancœurs. Mais le Seigneur nous a promis d’être présent dans notre vie, en nous rendant aptes à cet amour généreux et total, qui sait vaincre tous les obstacles, même ceux qui sont dans nos propres cœurs. Si nous sommes unis au Christ, nous pouvons vraiment aimer de cette manière. Aimer les autres comme Jésus nous a aimés n’est possible qu’avec cette force qui nous est communiquée dans la relation avec Lui, en particulier dans l’Eucharistie, où devient présent de manière réelle son sacrifice d’amour qui engendre l’amour : c’est la véritable nouveauté dans le monde et la force d’une glorification permanente de Dieu, qui se glorifie dans la continuité de l’amour de Jésus dans notre amour.

Je voudrais alors adresser une parole d’encouragement en particulier aux prêtres et aux diacres de cette Eglise, qui se consacrent avec générosité au travail pastoral, ainsi qu’aux religieux et aux religieuses. Etre des ouvriers dans la vigne du Seigneur peut parfois être fatigant, les engagements se multiplient, les demandes sont nombreuses, les problèmes ne manquent pas : sachez puiser quotidiennement dans la relation d’amour avec Dieu dans la prière la force pour apporter l’annonce prophétique du salut ; re-centrez votre existence sur l’essentiel de l’Evangile ; cultivez une dimension réelle de communion et de fraternité à l’intérieur du presbyterium, de vos communautés, dans les relations avec le Peuple de Dieu ; témoignez dans le ministère de la puissance de l’amour qui vient d’en-Haut, qui vient du Seigneur présent parmi nous.

La première lecture que nous avons écoutée, nous présente précisément une manière particulière de glorification de Jésus : l’apostolat et ses fruits. Paul et Barnabé, au terme de leur premier voyage apostolique, reviennent dans les villes déjà visitées et encouragent à nouveau les disciples, les exhortant à rester solides dans la foi, car, comme ils le disent : « il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14, 22). Chers frères et sœurs, la vie chrétienne n’est pas facile ; je sais qu’à Turin également les difficultés, les problèmes, les préoccupations ne manquent pas : je pense, en particulier, à ceux qui vivent concrètement leur existence dans des situations précaires, à cause du manque de travail, de l’incertitude pour l’avenir, de la souffrance physique et morale ; je pense aux familles, aux jeunes, aux personnes âgées qui vivent souvent dans la solitude, aux laissés-pour-compte, aux immigrés. Oui, la vie conduit à affronter de nombreuses difficultés, de nombreux problèmes, mais c’est précisément la certitude qui nous vient de la foi, la certitude que nous ne sommes pas seuls, que Dieu aime chacun sans distinction et est proche de chacun avec son amour, qui permet d’affronter, de vivre et de surmonter la fatigue des problèmes quotidiens. C’est l’amour universel du Christ ressuscité qui a poussé les apôtres à sortir d’eux-mêmes, à diffuser la parole de Dieu, à se prodiguer sans réserve pour les autres, avec courage, avec joie et sérénité. Le Ressuscité possède une force d’amour qui dépasse toute limite, il ne s’arrête devant aucun obstacle. Et la communauté chrétienne, en particulier dans les réalités les plus engagées sur le plan pastoral, doit être un instrument concret de cet amour de Dieu.

J’exhorte les familles à vivre la dimension chrétienne de l’amour dans les simples actions quotidiennes, dans les relations familiales en surmontant les divisions et les incompréhensions, en cultivant la foi qui rend la communion encore plus solide. Dans le monde riche et varié de l’université et de la culture que ne manque pas également le témoignage de l’amour dont nous parle l’Evangile d’aujourd’hui, dans la capacité de l’écoute attentive et du dialogue humble dans la recherche de la Vérité, certains que c’est la vérité elle-même qui vient à notre rencontre et qui nous saisit. Je désire également encourager l’effort, souvent difficile, de ceux qui sont appelés à administrer le bien public : la collaboration pour rechercher le bien commun et rendre la ville toujours plus humaine et vivable est un signe que la pensée chrétienne sur l’homme n’est jamais contre sa liberté, mais en faveur d’une plus grande plénitude qui ne trouve sa réalisation que dans une « civilisation de l’amour ». A tous, en particulier aux jeunes, je veux dire de ne jamais perdre l’espérance, celle qui vient du Christ ressuscité, de la victoire de Dieu sur le péché, sur la haine et sur la mort.

La deuxième lecture d’aujourd’hui nous montre précisément l’issue finale de la Résurrection de Jésus : c’est la Jérusalem nouvelle, la ville sainte, qui descend du ciel, de Dieu, prête comme une épouse parée pour son époux (cf. Ap 21, 2). Celui qui a été crucifié, qui a partagé notre souffrance, comme nous le rappelle également de manière éloquente le Saint-Suaire, est celui qui est ressuscité et il veut nous réunir tous dans son amour. Il s’agit d’une espérance merveilleuse, « forte » solide, car, comme le dit l’Apocalypse : « (Dieu) essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n’existera plus ; et il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse ; car la première création aura disparu » (21, 4). Le Saint-Suaire ne transmet-il peut-être pas le même message ? Dans celui-ci nous voyons, comme reflétées, nos souffrances dans les souffrances du Christ : « Passio Christi. Passio hominis ». C’est précisément pour cette raison qu’il est un signe d’espérance : le Christ a affronté la croix pour mettre un frein au mal ; pour nous faire entrevoir, dans sa Pâque, l’anticipation de ce moment où, pour nous aussi, chaque larme sera essuyée et il n’y aura plus ni mort, ni pleurs, ni cris, ni tristesse.

Le passage de l’Apocalypse termine par l’affirmation : « Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » » (21, 5). La première chose absolument nouvelle réalisée par Dieu a été la résurrection de Jésus, sa glorification céleste. Elle est le début de toute une série de « choses nouvelles », auxquelles nous participons nous aussi. Les « choses nouvelles » sont un monde plein de joie, où il n’y a plus de souffrances ni d’abus, où il n’y a plus de rancœur et de haine, mais seulement l’amour qui vient de Dieu et qui transforme tout.

Chère Eglise qui est à Turin, je suis venu parmi vous pour vous confirmer dans la foi. Je désire vous exhorter, avec force et avec affection, à rester solides dans cette foi que vous avez reçue et qui donne un sens à la vie, qui donne la force d’aimer ; à ne jamais perdre la lumière de l’espérance dans le Christ ressuscité, qui est capable de transformer la réalité et de rendre toutes choses nouvelles ; à vivre l’amour de Dieu dans votre ville, dans les quartiers, dans les communautés, dans les familles, de manière simple et concrète : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ».

Amen

Traduction : Zenit

CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DE L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR (2007 année C)

5 janvier, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2007/documents/hf_ben-xvi_hom_20070106_epifania_fr.html

CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DE L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane
Samedi 6 janvier 2007    (année C)

Chers frères et soeurs,

Nous célébrons avec joie la solennité de l’Epiphanie, « manifestation » du Christ aux nations, qui sont représentées par les Rois Mages, mystérieux personnages venus d’Orient. Nous célébrons le Christ, but du pèlerinage des peuples à la recherche du salut. Dans la première Lecture, nous avons écouté le prophète, inspiré par Dieu, contempler Jérusalem comme un phare de lumière qui, au milieu des ténèbres et des brumes de la terre, oriente le chemin de tous les peuples. La gloire du Seigneur resplendit sur la Ville sainte et attire tout d’abord ses enfants exilés et dispersés, mais en même temps les nations païennes également, qui viennent de toute part à Sion comme vers une patrie commune, l’enrichissant de leurs  biens  (cf. Is 60, 1-6). Dans la deuxième lecture nous a été reproposé ce que l’Apôtre Paul écrivait aux Ephésiens, c’est-à-dire que précisément la convergence des Juifs et des Païens, grâce à l’initiative pleine d’amour de Dieu, dans l’unique Eglise du Christ était le « mystère » manifesté dans la plénitude du temps, la « grâce » dont Dieu l’avait fait le ministre (cf. Ep 3, 2-3a.5-6). D’ici peu, dans la Préface, nous chanterons:  « Aujourd’hui dans le Christ, lumière du monde / tu as révélé aux peuples le mystère du salut ».

Vingt siècles se sont écoulés depuis que ce mystère a été révélé et réalisé dans le Christ, mais celui-ci n’est pas encore parvenu à son accomplissement. Mon  bien-aimé  Prédécesseur  Jean-Paul II, ouvrant son Encyclique sur la mission de l’Eglise, a écrit que « au terme du deuxième millénaire après sa venue, un regard d’ensemble porté sur l’humanité montre que cette mission en est encore à ses débuts » (Redemptoris missio, n. 1). Plusieurs questions apparaissent alors spontanément:  dans quel sens, aujourd’hui, le Christ est-il encore lumen gentium, lumière des nations? A quel point se trouve – si l’on peut ainsi dire – cet itinéraire universel des peuples vers Lui? Est-il dans une phase de progrès ou de recul? Et encore:  qui sont aujourd’hui les Rois Mages? Comment pouvons-nous interpréter, en pensant au monde actuel, ces mystérieuses figures évangéliques? Pour répondre à ces interrogations, je voudrais revenir à ce que les Pères du Concile Vatican II dirent à ce propos. Et j’ai plaisir à ajouter que, immédiatement après le Concile, le Serviteur de Dieu Paul VI, il y a quarante ans, précisément le 26 mars 1967, consacra l’Encyclique Populorum progressio au développement des peuples.

En vérité, tout le Concile Vatican II fut inspiré par la volonté d’annoncer le Christ, lumière du monde, à l’humanité contemporaine. Au coeur de l’Eglise, à partir du sommet de sa hiérarchie, apparut de manière impérieuse, suscité par l’Esprit Saint, le désir d’une nouvelle épiphanie du Christ au monde, un monde que l’époque moderne avait profondément transformé et qui, pour la première fois dans l’histoire, se trouvait face au défi d’une civilisation mondiale, dont le centre ne pouvait plus être l’Europe, pas plus que ce nous appelons l’Occident et le Nord du monde. Apparaissait l’exigence d’élaborer un nouvel ordre mondial politique et économique, mais, dans le même temps et surtout, spirituel et culturel; c’est-à-dire un humanisme renouvelé. Cette constatation s’imposait avec une évidence croissante. Un nouvel ordre mondial économique et politique ne fonctionne pas s’il n’y a pas de renouveau spirituel, si nous ne pouvons pas nous approcher à nouveau de Dieu et trouver Dieu parmi nous. Avant le Concile Vatican II, des consciences éclairées et des penseurs chrétiens avaient déjà eu l’intuition de ce défi historique et l’avaient affronté. Eh bien, au début du troisième millénaire, nous nous trouvons au coeur de cette phase de l’histoire humaine, qui a désormais été classifiée autour du terme « mondialisation ». D’autre part, nous nous apercevons aujourd’hui à quel point il est facile de perdre de vue les termes de ce même défi, précisément parce que l’on est concerné par celui-ci:  un risque fortement accru par l’immense expansion des mass media, qui, d’une part, s’ils multiplient indéfiniment les informations, de l’autre, semblent affaiblir nos capacités d’effectuer une synthèse critique. La solennité d’aujourd’hui peut nous offrir cette perspective, à partir de la manifestation d’un Dieu qui s’est révélé dans l’histoire comme lumière du monde, pour guider et introduire finalement l’humanité dans la terre promise, où règnent la liberté, la justice et la paix. Et nous voyons toujours davantage que nous ne pouvons pas promouvoir tout seuls la justice et la paix, si ne se manifeste pas à nous la lumière d’un Dieu qui nous montre son visage, qui nous apparaît dans la crèche de Bethléem, qui nous apparaît sur la Croix.

Qui sont donc les « Rois Mages » d’aujourd’hui, et où en est leur « voyage » et notre « voyage »? Chers frères et soeurs, revenons à ce moment de grâce spéciale que fut la conclusion du Concile Vatican II, le 8 décembre 1965, quand les Pères conciliaires adressèrent à l’humanité tout entière plusieurs « Messages ». Le premier était adressé « Aux Gouvernants », le deuxième « Aux hommes de la pensée et de la science ». Il s’agit de deux catégories de personnes que, d’une certaine manière, nous pouvons voir représentées dans les figures évangéliques des Rois Mages. Je voudrais ensuite en ajouter une troisième, à laquelle le Concile n’adressa pas un message, mais qui fut bien présente à son esprit dans la Déclaration conciliaire Nostra aetate. Je fais référence aux guides spirituels des grandes religions non chrétiennes. Plus de deux mille ans après, nous pouvons donc reconnaître dans les figures des Rois Mages une sorte  de préfiguration de ces trois dimensions constitutives de l’humanisme moderne:  la dimension politique, la dimension scientifique et la dimension religieuse. L’Epiphanie nous le montre dans un état de « pèlerinage », c’est-à-dire dans un mouvement de recherche, souvent un peu confuse, qui, en définitive, possède son point d’arrivée dans le Christ, même si parfois l’étoile se cache. Dans le même temps, elle nous montre Dieu qui, à son tour, est en pèlerinage vers l’homme. Ce n’est pas seulement le pèlerinage de l’homme vers Dieu; Dieu lui-même s’est mis en marche vers nous:  en effet, qui est Jésus, sinon Dieu qui est sorti, pour ainsi dire, de lui-même pour venir à la rencontre de l’humanité? Par amour, Il s’est fait histoire dans notre histoire; par amour, il est venu nous apporter le germe de la vie nouvelle (cf. Jn 3, 3-6) et la semer dans les sillons de notre terre, afin qu’elle germe, qu’elle fleurisse et qu’elle porte du fruit.

Je voudrais aujourd’hui faire miens ces Messages conciliaires, qui n’ont rien perdu de leur actualité. Comme par exemple là où, dans le Message adressé aux Gouvernants, on peut lire:  « C’est à vous qu’il revient d’être sur terre les promoteurs de l’ordre et de la paix entre les hommes. Mais, ne l’oubliez pas:  c’est Dieu, le Dieu vivant et vrai, qui est le Père des hommes. Et c’est le Christ, son Fils éternel, qui est venu nous le dire et nous apprendre que nous sommes tous frères. C’est lui, le grand artisan de l’ordre et de la paix sur la terre, car c’est lui qui conduit l’histoire humaine et qui seul peut incliner les coeurs à renoncer aux passions mauvaises qui engendrent la guerre et le malheur ». Comment ne pas reconnaître dans ces paroles des Pères conciliaires la trace lumineuse d’un chemin qui, seul, peut transformer l’histoire des nations et du monde? Et encore, dans le « Message aux hommes de la pensée et de la science », nous lisons:  « Continuez à chercher sans vous lasser, sans désespérer jamais de la vérité! » – tel est, en effet, le grand danger:  perdre intérêt pour la vérité et chercher seulement l’action, l’efficacité, le pragmatisme! – « Rappelez-vous, continuent les Pères conciliaires, la parole d’un de vos grands amis, saint Augustin:  « Cherchons avec le désir de trouver et trouvons avec le désir de chercher encore ». Heureux ceux qui, possédant la vérité, continuent de la chercher, pour la renouveler, pour l’approfondir, pour l’offrir aux autres. Heureux ceux qui, ne l’ayant pas trouvée, marchent vers elle d’un coeur sincère:  qu’ils cherchent la lumière de demain avec les lumières d’aujourd’hui, jusqu’à la plénitude de la lumière! ».

Voilà ce qui était dit dans les deux Messages conciliaires. Aux chefs des peuples, aux chercheurs et aux scientifiques, il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire d’ajouter les représentants des grandes traditions religieuses non chrétiennes, en les invitant à se confronter à la lumière du Christ, qui n’est pas venu pour abolir, mais pour mener à bien ce que la main de Dieu a inscrit dans l’histoire religieuse des civilisations, en particulier dans les « grandes âmes », qui ont contribué à édifier l’humanité par leur sagesse et leurs exemples de vertu. Le Christ est lumière, et la lumière ne peut pas obscurcir, mais seulement illuminer, éclairer, révéler. Que personne n’ait donc peur du Christ et de son message! Et si, au cours de l’histoire, les chrétiens, qui sont des hommes limités et pécheurs, ont parfois pu le trahir par leurs comportements, cela souligne encore davantage que la lumière est le Christ et que l’Eglise ne la reflète qu’en restant unie à Lui.

« Nous avons vu l’étoile en Orient et nous sommes venus pour adorer le Seigneur » (Acclamation à l’Evangile, cf. Mt 2, 2). Ce qui chaque fois nous étonne, en écoutant ces paroles des Rois Mages, est que ces derniers se prosternèrent en adoration devant un petit enfant dans les bras de sa mère, non pas dans le cadre d’un palais royal, mais dans la pauvreté d’une bergerie à Bethléem (cf. Mt 2, 11). Comment cela a-t-il été possible? Qu’est-ce qui a convaincu les Rois Mages que cet enfant était « le roi des Juifs » et le roi des peuples? Ils ont certainement été persuadés par le signe de l’étoile, qu’ils avaient vu « se lever » et qui s’était arrêtée précisément sur le lieu où se trouvait l’Enfant (cf. Mt 2, 9). Mais même l’étoile n’aurait pas suffi, si les Rois Mages n’avaient pas été des personnes profondément ouvertes à la vérité. A la différence du roi Hérode, absorbé par son intérêt pour le pouvoir et la richesse, les Rois Mages étaient tendus vers l’objectif de leur recherche, et lorsqu’ils la trouvèrent, bien qu’ils fussent des hommes cultivés, ils se comportèrent  comme  les bergers de Bethléem:  ils reconnurent le signe et adorèrent l’Enfant, en lui offrant les dons précieux et symboliques qu’ils avaient apportées avec eux.

Chers frères et soeurs, arrêtons-nous nous aussi en esprit face à l’icône de l’adoration des Rois Mages. Celle-ci contient un message exigeant et toujours actuel. Exigeant et toujours actuel en particulier pour l’Eglise qui, se reflétant en Marie, est appelée à montrer Jésus aux hommes, rien d’autre que Jésus. En effet, Il est le Tout et l’Eglise n’existe que pour rester unie à Lui et le faire connaître au monde. Que la Mère du Verbe incarné nous aide à être de dociles disciples de son Fils, Lumière des nations. L’exemple des Rois Mages d’alors constitue également une invitation pour les Rois Mages d’aujourd’hui à ouvrir les esprits et les coeurs au Christ et à lui offrir les dons de leur recherche. A eux, à tous les hommes de notre temps, je voudrais aujourd’hui répéter:  n’ayez pas peur de la lumière du Christ! Sa lumière est la splendeur de la vérité. Laissez-vous illuminer par Lui, peuples de toute la terre; laissez-vous envelopper par son amour et vous trouverez le chemin de la paix. Ainsi soit-il.

Audience du mercredi 21 mai – sur: Romanos le Mélode

22 mai, 2008

du site:

http://www.zenit.org/article-18016?l=french

Audience du mercredi 21 mai -  sur: Romanos le Mélode

Texte intégral

ROME, Mercredi 21 mai 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de l’audience générale, ce mercredi, dans la salle Paul VI.

Chers frères et sœurs,Dans la s

érie des catéchèses sur les Pères de l’Eglise, je voudrais aujourd’hui parler d’une figure peu connue : Romanos le Mélode, né vers 490 à Emesa (aujourd’hui Homs) en Syrie. Théologien, poète et compositeur, il appartient au grand groupe des théologiens qui ont transformé la théologie en poésie. Nous pensons à son compatriote saint Ephrém de Syrie, qui vécut deux cents ans avant lui. Mais nous pensons également à des théologiens de l’Occident, comme saint Ambroise, dont les hymnes font encore aujourd’hui partie de notre liturgie et touchent également notre cœur ; ou à un théologien, à un penseur d’une grande vigueur, comme saint Thomas, qui nous a donné les hymnes de la fête du Corpus Domini de demain ; nous pensons à saint Jean de la Croix et à tant d’autres. La foi est amour et c’est pourquoi elle crée de la poésie et elle crée de la musique. La foi est joie, c’est pourquoi elle crée de la beauté.

Ainsi, Romanos le Mélode est l’un de ceux-ci, un poète et compositeur théologien. Ayant appris les premiers éléments de la culture grecque et syriaque dans sa ville natale, il se transféra à Berito (Beyrouth), où il perfectionna son instruction classique et ses connaissances rhétoriques. Ordonné diacre permanent (v. 515), il y fut prédicateur pendant trois ans. Puis il se transféra à Constantinople vers la fin du règne d’Anasthase Ier (v. 518), et s’établit dans le monastère près de l’église de la Théotókos, Mère de Dieu. C’est là qu’eut lieu l’épisode clef de sa vie : le Synaxaire nous informe de l’apparition en rêve de la Mère de Dieu et du don du charisme poétique. En effet, Marie lui intima d’avaler une feuille roulée. Le lendemain matin – c’était la fête de la Nativité du Seigneur – Romanos alla déclamer à l’ambon : « Aujourd’hui la Vierge fait naître le Transcendant » (Hymne « Sur la Nativité » I. Préambule). Il devint ainsi prédicateur et chantre jusqu’à sa mort (après 555).Romanos demeure dans l’histoire comme l’un des auteurs les plus repr

ésentatifs d’hymnes liturgiques. L’homélie était alors, pour les fidèles, l’occasion pratiquement unique d’instruction catéchétique. Romanos apparaît ainsi comme le témoin éminent du sentiment religieux de son époque, mais également d’un style vivace et original de catéchèse. A travers ses compositions, nous pouvons nous rendre compte de la créativité de cette forme de catéchèse, de la créativité de la pensée théologique, de l’esthétique et de l’hymnographie sainte de ce temps. Le lieu où Romanos prêchait était un sanctuaire de la périphérie de Constantinople : il montait à l’ambon placé au centre de l’église et s’adressait à la communauté en ayant recours à une mise en scène demandant de grands moyens : il utilisait des représentations murales ou des icônes disposées sur l’ambon et il avait aussi recours au dialogue. Ses homélies étaient des homélies métriques chantées, appelées « contacio » (kontakia). Le terme « kontákion », « petite verge », paraît renvoyer au bâtonnet autour duquel on enroulait le rouleau d’un manuscrit liturgique ou d’un autre type. Les kontákia qui nous sont parvenus sous le nom de Romanos sont au nombre de quatre-vingt neuf, mais la tradition lui en attribue mille.

Chez Romanos, chaque kontákion

est composé de strophes, généralement de dix-huit à vingt-quatre, avec un nombre de syllabes égales, structurées sur le modèle de la première strophe (irmo) ; les accents rythmiques des versets de toutes les strophes se modèlent sur ceux de l’irmo. Chaque strophe se conclut par un refrain (efimnio) généralement identique, pour créer l’unité poétique. En outre, les initiales de chaque strophe indiquent le nom de l’auteur (acrostico), souvent précédé par l’adjectif « humble ». Une prière se référant aux faits célébrés ou évoqués conclut l’hymne. Une fois terminée la lecture biblique, Romanos chantait le Préambule, généralement sous forme de prière ou de supplique. Il annonçait ainsi le thème de l’homélie et expliquait le refrain à répéter en chœur à la fin de chaque strophe, qu’il déclamait de manière cadencée à haute voix.Un exemple significatif nous est offert par le

kontakion pour le Vendredi de la Passion : c’est un dialogue dramatique entre Marie et son Fils, qui se déroule sur le chemin de croix. Marie dit : « Où vas-tu, mon fils ? Pourquoi accomplis-tu si vite le cours de ta vie ? / Jamais je n’aurais cru, mon fils, te voir dans cet état, / et je n’aurais jamais imaginé que les impies seraient arrivés à ce point de fureur / levant les mains sur toi contre toute justice ». Jésus répond : « Pourquoi pleures-tu, ma mère ? [...]. Je ne devrais pas souffrir ? Je ne devrais pas mourir ? / Comment pourrais-je donc sauver Adam ? ». Le fils de Marie console sa mère, mais il la rappelle à son rôle dans l’histoire du salut : « Dépose, donc, mère, dépose ta douleur : / les gémissements ne te conviennent pas, car tu fus appelée « pleine de grâce » » (Marie au pied de la croix, 1-2 ; 4-5). Ensuite, dans l’hymne sur le sacrifice d’Abraham, Sara se réserve la décision sur la vie d’Isaac. Abraham dit : « Quand Sara écoutera, mon Seigneur, toutes tes paroles, / ayant connu ta volonté elle me dira : / – Si celui qui nous l’a donné le reprend, pourquoi nous l’a-t-il donné ? [...] – Toi, ô vieillard, mon fils, laisse-le moi, / et quand celui qui t’a appelé le voudra, il devra me le dire » (Le sacrifice d’Abraham, 7).

Romanos adopte non pas le grec byzantin solennel de la cour, mais un grec simple proche du langage du peuple. Je voudrais ici citer un exemple de sa manière vivace et très personnelle de parler du Seigneur Jésus : il l’appelle « source qui ne brûle pas et lumière contre les ténèbres » et dit : « Je brûle de te tenir dans la main comme une lampe ; / en effet, celui qui porte une lampe parmi les hommes est illuminé sans brûler. / Illumine-moi donc, Toi qui es la Lampe inextinguible » (La Présentation ou Fête de la rencontre, 8). La force de conviction de ses prédications était fondée sur la grande cohérence entre ses paroles et sa vie. Dans une prière, il dit : « Rends claire ma langue, mon Sauveur, ouvre ma bouche / et, après l’avoir remplie, transperce mon cœur, pour que mon action / soit cohérente avec mes paroles » (Mission des Apôtres, n. 2).Examinons

à présent certains de ses thèmes principaux. Un thème fondamental de sa prédication est l’unité de l’action de Dieu dans l’histoire, l’unité entre création et histoire du salut, l’unité entre Ancien et Nouveau Testament. Un autre thème important est la pneumatologie, c’est-à-dire la doctrine sur l’Esprit Saint. En la fête de la Pentecôte, il souligne la continuité entre le Christ monté au ciel et les apôtres, c’est-à-dire l’Eglise, et il en exalte l’action missionnaire dans le monde : « [...] avec la vertu divine ils ont conquis tous les hommes ; / ils ont pris la croix du Christ comme une plume, / ils ont utilisé les paroles comme des filets et avec ceux-ci ils ont pêché le monde, / ils ont eu le Verbe pour hameçon pointu, / un appât est devenu pour eux / la chair du Souverain de l’univers » (La Pentecôte 2 ; 18).

Un autre thème central est naturellement la christologie. Il n’entre pas dans le problème des concepts difficiles de la théologie, tant débattu à cette époque et qui ont aussi tant déchiré l’unité non seulement entre les théologiens, mais également entre les chrétiens dans l’Eglise. Il prêche une christologie simple mais fondamentale, la christologie des grands Conciles. Mais surtout il est proche de la piété populaire – du reste les concepts des Conciles sont nés de la piété populaire et de la connaissance du cœur chrétien – et ainsi Romanos souligne que le Christ est vrai homme et vrai Dieu, et en étant vrai Homme-Dieu il est une seule personne, la synthèse entre création et Créateur : dans ses paroles humaines nous entendons parler le Verbe de Dieu lui-même. « Il était homme – dit-il – le Christ, / mais il n’est cependant pas divisé en deux : il est Un, fils d’un Père qui est Un seulement » (La Passion 19). Quant à la mariologie, reconnaissant à la Vierge pour le don du charisme poétique, Romanos la rappelle à la fin de presque tous les hymnes et lui consacre ses kontáki les plus beaux : Nativité, Annonciation, Maternité divine, Nouvelle Eve.Enfin, les enseignements moraux se rapportent au jugement final (

Les dix vierges [II]). Il nous conduit vers ce moment de la vérité de notre vie, de la confrontation avec le Juge juste et par conséquent il exhorte à la conversion dans la pénitence et dans le jeûne. De manière concrète, le chrétien doit pratiquer la charité, l’aumône. Il accentue le primat de la charité sur la continence dans deux hymnes, les Noces de Cana et les Dix vierges. La charité est la plus grande des vertus : « [...] dix vierges possédaient la vertu de la virginité intacte, / mais pour cinq d’entre elles le dur exercice fut sans fruit. / Les autres brillèrent par les lampes de l’amour pour l’humanité, / c’est pourquoi l’époux les invita » (Les dix Vierges, 1).

Une humanité palpitante, l’ardeur de foi, une profonde humilité imprègnent les chants de Romanos le Mélode. Ce grand poète et compositeur nous rappelle tout le trésor de la culture chrétienne, née de la foi, née du cœur qui a rencontré le Christ, le Fils de Dieu. De ce contact du cœur avec la Vérité qui est Amour naît la culture, est née toute la grande culture chrétienne. Et si la foi reste vivante, cet héritage culturel aussi ne devient pas chose morte, mais reste vivant et présent. Les icônes parlent encore aujourd’hui au coeur des croyants, ce ne sont pas des choses du passé. Les cathédrales ne sont pas des monuments médiévaux, mais des maisons de vie, où nous nous sentons « à la maison » : nous rencontrons Dieu et nous nous rencontrons les uns les autres. La grande musique non plus – le chant grégorien ou Bach ou Mozart – n’est pas une chose du passé, mais elle vit de la vitalité de la liturgie et de notre foi. Si la foi est vivante, la culture chrétienne ne devient pas « passé », mais reste vivante et présente. Et si la foi est vivante, aujourd’hui aussi nous pouvons répondre à l’impératif qui se répète toujours à nouveau dans les Psaumes : « Chantez au Seigneur un chant nouveau ». Créativité, innovation, chant nouveau, culture nouvelle et présence de tout l’héritage culturel dans la vitalité de la foi ne s’excluent pas, mais sont une unique réalité ; ils sont la présence de la beauté de Dieu et de la joie d’être ses enfants.

Puis le pape a proposé une synthèse de sa catéchèse, en français :

Chers Frères et Sœurs,

Nous nous intéressons, ce matin, à Romanos le Mélode, un diacre auquel fût donné le titre de ‘Pindare chrétien’ car, par sa qualité littéraire, sa poésie savait bien célébrer les mystères de la foi. Né en Syrie vers 490, il rejoint Beyrouth pour y perfectionner sa formation académique. Il y devient diacre permanent. En 518, il s’installe à Constantinople, dans un monastère proche d’une église dédiée à la Theotokos. C’est là qu’il recevra de la Mère de Dieu le charisme de la poésie sacrée qui fera de lui l’un des plus grands auteurs d’hymnes de l’Orient. Dans sa communauté, il tiendra, jusqu’à sa mort, le rôle de chantre et de prédicateur.

À travers ses hymnes liturgiques, rédigées dans le grec de la koiné et dont le chant s’intercalait entre la lecture des textes bibliques et l’homélie, nous possédons un témoignage précis de la liturgie, de la théologie, de l’esthétique sacrée de cette époque. Romanos se montre surtout soucieux de faire comprendre le plan de salut de Dieu dans le Christ, soulignant le lien entre création et rédemption. Pour cela, il recourt abondamment à la typologie et il déploie une riche théologie de l’Esprit Saint. Si ses enseignements moraux accordent une grande valeur à la pénitence et au jeûne, ils soulignent toujours le primat de la charité.Je salue les pèlerins francophones, en particulier les prêtres jubilaires du diocèse de Gand, ainsi que les jeunes du Lycée du Foyer de Charité de Chateauneuf de Galaure, de l’École « Jeunesse Lumière » et de l’École de la foi de Coutances. Que la beauté du visage de notre Dieu se reflète toujours sur notre être et dans notre louange. Avec ma Bénédiction apostolique.

Homélie de Benoît XVI pour la fermeture de la Semaine de Prière pour l’Unité des Chrétiens

26 janvier, 2007

 du Zenith (traduction):

Donnée publication : 2007-01-26 Homélie de Benoît XVI pour la fermeture de
la Semaine de Prière pour l’Unité des Chrétiens 

Chers frères et soeurs ! 

Pendant la « Semaine de prière », que ce soir se conclut, elle s’est intensifiée, en diverses Églises et Communauté ecclésiaux du monde entier, la commun invocation aux Seigneur pour l’unité des chrétiens. Nous avons médité ensemble sur les mots de l’évangile de Marc proclamée naguère: « Entendre Il y à il y à les sourdes et parler le muets » (Mc 7,37), le thème biblique proposé des Communautés chrétiennes du Sud Afrique. Les situations de racisme, de pauvreté, de conflit, d’exploitation, de maladie, de souffrance, dans lesquelles elles on trouvent, pour la même impossibilité de se faire comprendre dans ses besoins, suscitent dans eux une aiguë exigence d’écouter le mot de Dieu et de parler avec courage. Être sourd-muet, ne pas pouvoir né écouter né y parler, ne peut pas en effet être marque de manque de communion et un symptôme de division ? La division et l’incommunicabilité, conséquence du péché, sont contraires à dessine de Dieu. L’Afrique il nous a offert cet an thème de réflexion de grande importance religieuse et politique, parce que « parler » et « écouter » elles sont des conditions essentielles pour construire la civilisation de l’amour. Il y à les mots « entendre il y à les sourdes et parler les muets » ils constituent une bonne nouvelle, qui annonce les venue du Règne de Dieu et guérison de l’incommunicabilité et de la division. Ce message se retrouve dans toute la prédication et l’oeuvre de Jésus, qui traversait des villages, ville et campagnes, et partout il arrivait « posaient lui rend infirme dans les places et ils le priaient de lui pouvoir toucher au moins la frange du manteau ; et combien le touchaient ils guérissaient « (Mc 6,56). Les guérison du sourd-muet, sur lequel nous avons médité dans ces jours, se produit pendant que Jésus, laissée la région de Tir, se dirige vers le lac de Galilée, en traversant les soi-disant « Décapole », le territoire infliger une amende- ethnique et le pluri religieux (cfr Mc 7,31). Une situation emblématique même pour nos jours. Comme ailleurs, aussi dans les Décapole ils présentent à Jésus un malade, un homme sourdes et défectueux dans parler (moghìlalon) et ils le prient lui imposer les mains. Ils lui demandent une bénédiction, c’est-à-dire une intervention religieuse, parce qu’ils le considèrent un homme de Dieu. Jésus mène le sourd-muet lointain de la foule, et accomplit des gestes qu’ils signifient contacte salvifique – il pose les doigts dans l’oreille, il touche avec sa salait la langue du malade -, et ensuite, en tournant le regard au ciel, il commande : « Ouvrez-toi! ». Il prononce ce commande en araméen (« Ephphathà »), vraisemblablement la langue des personnes présentes et du même sourd-muet, expression qui l’évangéliste traduit en grec (dianoìchthéti). L’oreille du sourdes ils s’ouvrirent, on dénoua le noeud de sa langue : « et il parlait correctement » (or thés). Jésus recommande qu’on ne dise rien du miracle. Mais plus il le recommandait, « plus ils en parlaient » (Mc 7,36). Et je commente étonné de combien avaient assisté calque la prédication d’Isaïe pour la venue de le Messie : « Entendre Il y à il y à les sourdes et parler le muets » (Mc 7,37). Le premier enseignement que nous tirons de cet épisode biblique, rappelé même dans le rite du baptême, est que, dans la perspectif chrétienne, j’écoute est prioritaire. À ce sujet Jésus il affirme en mode explicite : « Charmés qui écoutent le mot de Dieu et ils la mettent en pratique » (Lc 11,28). Au contraire, Il dit que « une seule est la chose dont il y a besoin » (Lc 10,42). Et de le conteste résulte que cette unique chose est écoute obéissant du Mot. Donc l’écoute du mot de Dieu est prioritaire pour les nôtre engage œcuménique. Il n’est pas en effet nous à faire ou à organiser l’unité de l’Église.  Le Église pas il y à si même et pas vivre si même, mais de le mot que vient da la bouche de Dieu. Écouter ensemble le mot de Dieu ; pratiquer la « lectio divine » de
la Bible, c’est-à-dire la lecture liée à la prière ; se laisser surprendre de la nouveauté, qui jamais vieillit et jamais s’épuise, du mot de Dieu ; dépasser notre surdité pour ces mots qu’on n’accorde pas avec nos préjudice et nos opinions ; écouter et étudier même ceux qui avant nous ont écouté le mot de Dieu, pour apprendre de leurs et ainsi légers
la Bible en cette longue et riche tradition de eux écoute ; tout cela constitue un chemin à parcourir pour rejoindre l’unité dans la foi, comme répondue à écoute du Mot. Qui se pose à écoute du mot de Dieu peut et doit ensuite parler et la transmettre aux autres, aux à lesquels ils ne l’ont jamais écoutée, ou à qui l’a oublié et a enterré sous les épines des préoccupations et des duperies du monde (cfr Mt 13,22). Devons-nous nous demander : nous chrétiennes, ne sommes-nous pas devenus peut-être trop muets ? Ne nous manque pas peut-être le courage de parler et de témoigner comme ils ont fait ceux qui étaient les témoins des guérison du sourd-muet dans les Décapole ? Notre monde a besoin de ce témoignage ; il attend surtout le témoignage commun des chrétiens. Donc j’écoute du Dieu qui parle implique même écoute réciproque, je dialogue entre les Églises et les Communautés ecclésiaux. Je dialogue honnête et loyal il constitue le moyen dont il faut tenir compte de la recherche de l’unité. Le Décret sur l’œcuménisme de Concilio Vatican II a souligné que si les chrétiens ne se connaissent réciproquement pas ils ne sont même pas imaginables des progrès sur de la communion. Dans le dialogue en effet on nous écoute et il se communique ; on nous confronte et, avec la grâce de Dieu, on peut converger sur son Mot en accueillant les exigences, qui sont valides pour tous. Dans l’écoute et dans le dialogue les Pères conciliaire n’ont pas entrevu une utilité adressée exclusivement au progrès oecuménique mais ils ont ajouté une perspectif référée à la même Église catholique : « De ce je dialogue – il affirme teste de Concilio – apparaîtra même plus clairement la quelle soit vraie situation de l’Église catholique » (Unitatis redintegratio, 9) Est indispensable certain « exposer avec clarté toute la doctrine » pour dialogue qu’il affronte, discute et dépasses les divergences existantes entre les chrétiens, mais au même temps « la mode et la méthode d’énoncer la foi catholique ne doit pas dans quelque mode être de entrave à dialogue avec les frères » (ibid., 11). Il faut parler correctement (orthos) et en mode compréhensible. Le dialogue oecuménique comporte l’évangélique correction fraternelle et mène à un réciproque enrichissement spirituel dans le partage des authentiques expériences de foi et de vie chrétienne. Parce que cela se produise faut implorer sans se fatiguer l’assistance de la grâce de Dieu et l’éclairage de l’Esprit Saint. Il est combien les chrétiens du monde entier ont fait pendant cette spéciale « Semaine », ou feront dans
la Neuvaine qui précède
la Pentecôte, comme aussi dans chaque circonstance opportune, en élevant leur confiante prière pour que tous les disciples de Christ soient une chose seule, et pour que, dans l’écoute du Mot, puissent donner un témoignage concorde aux hommes et aux femmes de notre temps. Dans ce climat d’intense communion je désire tourner mon cordial salue à tous les présents : au Monsieur Cardinale Archiprêtre de cette Basilique, au Monsieur Cardinale Président du Pontifical Conseil pour
la Promotion de l’Unité des Chrétiens et aux autres Cardinaux, à des vénérés des Frères dans l’Episcopat et dans le sacerdoce, aux Moines bénédictins, aux religieux et aux religieuses, aux laïques qui représentent l’entière communauté diocésain de Rome. En mode spéciale je voudrais saluer les frères des autres Églises et
la Communauté ecclésial qui prennent une partie à la célébration, en rénovant la significative tradition de conclure ensemble la « Semaine de Prière », dans le jour dans lequel nous commémorons la fulgurante conversion Saint Paul sur la voie de Damas. Ils sont heureux de souligner que le sépulcre de l’Apôtre des gens, prés dont nous nous trouvons, a été récemment objet d’enquêtes et d’études, suite auxquelles on a voulu le rendre visible aux pèlerins, avec une opportune intervention sous l’autel majeur. Pour cette importante initiative j’exprime mes félicitations. Aux intercession de Saint Paul, infatigable constructeur de l’unité de l’Église, je confie les fruits écoute et du témoignage commun que nous avons pu expérimenter dans beaucoup de rencontres des fraternelle et des dialogues produits dans le cours de 2006, tant avec les Églises d’Orient combien avec les Églises et Communauté ecclésiaux en Occident. Dans ces évènements il a été possible percevoir la joie de la fraternité, ensemble à la tristesse pour les tensions que ils restent, en conservant toujours l’espoir qui nous inspire les Seigneur. Nous remercions combien ont contribué à intensifier dialogue oecuménique avec la prière, avec offerte de leur souffrance et avec leur infatigable action. Il est surtout à nos Seigneur Jésus Christ que nous rendons des ferventes merci pour tout. Les Vierge Marie tu fais en sorte que combien première il puisse se réaliser l’ardent  halètement d’unité de son divin Fils : « Que tous soient une chose seule… pour que le monde croie » (Jn 17,21). 

du Chapelle Papale le texte de l’Homélie du Pape du 2005

3 décembre, 2006

du Chapelle Papale le texte de l’Homélie du Pape du 2005 

CHAPELLE PAPALE
CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DU PREMIER DIMANCHE DE L’AVENT

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane
Sa
medi 26 novembre 2005

  

Chers frères et soeurs!

Avec la célébration des Premières Vêpres du Premier dimanche de l’Avent nous commençons une nouvelle Année liturgique. En chantant ensemble les Psaumes, nous avons élevé nos coeurs à Dieu, en prenant l’attitude spirituelle qui caractérise ce temps de grâce:  la « veillée dans la prière » et l’ »exultation dans la louange » (cf. Missel Romain, Préface de l’Avent II/A). Imitant le modèle de la Très Sainte Vierge Marie, qui nous enseigne à vivre dans une écoute religieuse de la parole de Dieu, nous nous arrêtons sur la brève Lecture biblique qui vient d’être proclamée. Il s’agit de deux versets contenus dans la partie conclusive de la Première Lettre de saint Paul aux Thessaloniciens (1 Th 5, 23-24). Le premier exprime le voeu de l’Apôtre à la communauté; le deuxième offre, pour ainsi dire, la garantie de son accomplissement. Le souhait est que chacun soit sanctifié par Dieu et demeure irréprochable dans toute sa personne – « esprit, âme et corps » – pour la venue finale du Seigneur Jésus; la garantie que cela puisse se produire est offerte par la fidélité à Dieu lui-même, qui ne manquera pas de mener à bien l’oeuvre commencée chez les croyants.

Cette Première Lettre aux Thessaloniciens est la première de toutes les Lettres de saint Paul, probablement écrite en l’an 51. Dans cette première Lettre on sent, encore davantage que dans les autres, le coeur de l’Apôtre qui bat, son amour paternel, nous pouvons même dire maternel, pour cette nouvelle communauté. Et l’on sent aussi sa préoccupation pleine d’inquiétude pour que ne s’éteigne pas la foi de cette nouvelle Eglise, encerclée par un contexte culturel qui, sous de nombreux points de vue, est contraire à la foi. Ainsi, Paul conclut sa Lettre par un souhait, nous pourrions même dire par une prière. Le contenu de la prière que nous avons entendue est qu’ils soient saints et irréprochables au moment de la venue du Seigneur. La parole centrale de cette prière est « venue ». Nous devons nous demander:  que signifie venue du Seigneur? En grec c’est la « parousie », en latin l’« adventus »:  « avent », « venue ». Qu’est cette venue? Nous concerne-t-elle ou non?

Pour comprendre la signification de cette parole et donc de la prière de l’Apôtre pour cette communauté et pour les communautés de tous les temps – également pour nous – nous devons nous tourner vers la personne grâce à laquelle s’est réalisée de manière unique, singulière, la venue du Seigneur:  la Vierge Marie. Marie appartenait à cette partie du peuple d’Israël qui, à l’époque de Jésus, attendait de tout son coeur la venue du Sauveur. Et à partir des paroles, des gestes rapportés par l’Evangile nous pouvons voir comment Elle vivait réellement plongée dans les paroles des Prophètes, elle était tout entière en attente de la venue du Seigneur. Toutefois, Elle ne pouvait pas imaginer comment cette venue se serait réalisée. Peut-être attendait-elle une venue dans la gloire. C’est pourquoi fut d’autant plus surprenant pour elle le moment où l’Archange Gabriel entra dans sa maison et lui dit que le Seigneur, le Sauveur, voulait prendre chair en Elle, d’elle, voulait réaliser sa venue à travers Elle. Nous pouvons imaginer l’émotion de la Vierge. Marie, avec un grand acte de foi, d’obéissance, dit oui:  « Me voici, je suis la servante du Seigneur ». Ainsi, Elle est devenue « demeure » du Seigneur, véritable « temple » dans le monde et « porte » à travers laquelle le Seigneur est entré sur la terre.

Nous avons dit que cette venue est singulière:  « la » venue du Seigneur. Toutefois il n’y a pas que la dernière venue à la fin des temps:  dans un certain sens, le Seigneur désire toujours venir à travers nous. Et il frappe à la porte de notre coeur:  es-tu disposé à me donner ta chair, ton temps, ta vie? Telle est la voix du Seigneur, qui veut entrer également dans notre époque, il veut entrer dans l’histoire humaine à travers nous. Il cherche également une demeure vivante, notre vie personnelle. Voilà la venue du Seigneur. C’est ce que nous voulons à nouveau apprendre pendant le temps de l’Avent:  que le Seigneur peut venir également à travers nous.

Nous pouvons donc dire que cette prière, ce souhait exprimé par l’Apôtre contient une vérité fondamentale, qu’il cherche à inculquer aux fidèles de la communauté qu’il a fondée et que nous pouvons résumer ainsi:  Dieu nous appelle à la communion avec lui, qui se réalisera pleinement au retour du Christ, et Il s’engage lui-même à faire en sorte que nous arrivions préparés à cette rencontre finale et décisive. L’avenir est, pour ainsi dire, contenu dans le présent, ou mieux, dans la présence de Dieu lui-même, de son amour indéfectible, qui ne nous laisse pas seuls,  qui  ne  nous abandonne pas même un seul instant, comme un père et une mère n’arrêtent jamais de suivre leurs enfants sur le chemin de leur croissance. Face au Christ qui vient, l’homme se sent interpellé dans tout son être, que l’Apôtre résume par les termes « esprit, âme et corps », indiquant ainsi toute la personne humaine, comme une unité articulée possédant une dimension somatique, psychique et spirituelle. La sanctification est un don de Dieu et une initiative venant de lui, mais l’être humain est appelé à y répondre de tout son être, sans que rien de lui ne soit exclu.

C’est précisément l’Esprit Saint, qui dans le sein de la Vierge a formé Jésus, Homme parfait, qui mène à bien dans la personne humaine l’admirable projet de Dieu, transformant tout d’abord le coeur et, à partir de ce centre, tout le reste. Il arrive ainsi que dans chaque personne se résume toute l’oeuvre de la création et de la rédemption, que Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, accomplit du début jusqu’à la fin de l’univers et de l’histoire. Et de même que dans l’histoire de l’humanité se trouve au centre le premier Avent du Christ et, à la fin, son retour glorieux, de même chaque existence personnelle est appelée à se mesurer à lui – de façon mystérieuse et multiforme – au cours du pèlerinage terrestre, pour être trouvée « en lui » au moment de son retour.

Que la Très Sainte Vierge Marie, Vierge fidèle, nous guide pour faire de ce temps de l’Avent et de toute la nouvelle Année liturgique un chemin de sanctification authentique, à la louange et à la gloire de Dieu Père, Fils et Esprit Saint.  

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