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9 NOVEMBRE – FÊTE DE LA DÉDICACE DE LA BASILIQUE SAINT-JEAN DU LATRAN – HISTORIQUE

7 novembre, 2014

http://missel.free.fr/Sanctoral/11/09.php

9 NOVEMBRE – FÊTE DE LA DÉDICACE DE LA BASILIQUE SAINT-JEAN DU LATRAN

Rappel historique
A. Corsini, Monument en l’honneur de Louis XV, chapelle Sainte Anne, sacristie, Saint-Jean-de-Latran, Rome, (stuc, marbre et lapis-lazuli). En 1729, Louis XV offrit au chapitre de Saint-Jean-de-Latran les revenus de deux prieurés dépendant de l’abbaye de Clairac. En remerciement, les chanoines décidèrent de lui élever un monument: l’œuvre en stuc, marbre, lapis-lazuli et bronze doré est toujours conservée dans la sacristie au-dessus d’une porte de la chapelle Sainte Anne.
Des documents retrouvés aux archives du chapitre du Latran permettent de retracer l’élaboration de ce monument resté jusqu’à présent totalement méconnu des historiens d’art. Le grand relief, qui s’inscrit dans la tradition des imposants monuments de la Rome baroque, fut sculpté par l’artiste bolonais Agostino Corsini de 1730 à 1733.
Si le monument fut connu à Versailles par l’envoi d’estampes gravées par Miguel Sorello, son érection semble avoir été ignorée à Rome. La correspondance de l’ambassadeur de France en Italie évoque à cette période divers problèmes diplomatiques soulevés à l’occasion de la construction de la façade orientale du Latran, et montre combien ce contexte historique très particulier était peu favorable à la célébration du monument en l’honneur de Louis XV.

Sermon CCCXXXVI
La solennité qui nous réunit est la dédicace d’une maison de prière. La maison de nos prières, nous y sommes ; la maison de Dieu, c’est nous-mêmes. Si la maison de Dieu, c’est nous-mêmes, nous sommes construits en ce monde, pour être consacrés à la fin du monde. L’édifice, ou plutôt sa construction, se fait dans la peine ; la dédicace se fait dans la joie.
Ce qui se passait, quand s’élevait cet édifice, c’est ce qui se passe maintenant quand se réunissent ceux qui croient au Christ. Lorsque l’on croit, c’est comme lorsque l’on coupe du bois dans la forêt et que l’on taille des pierres dans la montagne ; lorsque les croyants sont catéchisés, baptisés, formés, c’est comme s’ils étaient sciés, ajustés, rabotés par le travail des charpentiers et des bâtisseurs.
Cependant, on ne fait la maison de Dieu que lorsque la charité vient tout assembler. Si ce bois et cette pierre n’étaient pas réunis selon un certain plan, s’ils ne s’entrelaçaient pas de façon pacifique, s’ils ne s’aimaient pas, en quelque sorte, par cet assemblage, personne ne pourrait entrer ici. Enfin, quand tu vois dans un édifice les pierres et le bois bien assemblés, tu entres sans crainte, tu ne redoutes pas qu’il s’écroule.
Le Christ Seigneur, parce qu’il voulait entrer et habiter en nous, disait, comme pour former son édifice : « Je vous donne un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez les uns les autres.3 C’est un commandement, dit-il, que je vous donne. » Vous étiez vieux, vous n’étiez pas une maison pour moi, vous étiez gisants, écroulés. Donc, pour sortir de votre ancien état, de votre ruine, aimez-vous les uns les autres.
Que votre charité considère encore ceci : cette maison est édifiée, comme il a été prédit et promis, dans le monde entier. En effet, quand on construisait la maison de Dieu après la captivité, on disait dans un psaume : « Chantez au Seigneur un chant nouveau ; chantez au Seigneur terre entière.4 » On disait alors : « un chant nouveau » ; le Seigneur a dit : « un commandement nouveau. » Qu’est-ce qui caractérise un chant nouveau, sinon un amour nouveau ? Chanter est le fait de celui qui aime. Ce qui permet de chanter c’est la ferveur d’un saint amour.
Ce que nous voyons réalisé ici physiquement avec les murs doit se réaliser spirituellement avec les âmes ; ce que nous regardons ici accompli avec des pierres et du bois, doit s’accomplir dans vos corps, avec la grâce de Dieu.
Rendons grâce avant tout au Seigneur notre Dieu : les dons les meilleurs, les présents merveilleux viennent de lui. Célébrons sa bonté de tout l’élan de notre coeur. Pour que soit construite cette maison de prière, il a éclairé les âmes de ses fidèles, il a éveillé leur ardeur, il leur a procuré de l’aide ; à ceux qui n’étaient pas encore décidés, il a inspiré la décision ; il a secondé les efforts de bonne volonté pour les faire aboutir. Et ainsi Dieu, « qui produit, chez les siens, la volonté et l’achèvement parce qu’il veut notre bien », c’est lui qui a commencé tout cela, et c’est lui qui l’a achevé.
Saint Augustin
(sermon pour une dédicace)
3 Evangile selon saint Jean, XIII 34.
4 Psaume XCVI (XCV) 1.

La liturgie
La liturgie de la dédicace vise essentiellement à préparer un lieu pour la célébration eucharistique, une demeure de Dieu parmi les hommes. « C’est, a écrit le R.P Louis Bouyer, la sacralisation du lieu où s’accomplit l’Eucharistie dans l’Eglise, mais on pourrait aussi bien dire du lieu où l’Eglise s’accomplit dans l’Eucharistie. »
La dédicace utilise largement le quadruple symbolisme de l’eau de l’huile, du feu et de la lumière. Certains de ses rites, de caractère apotropaïque remontent à la nuit des temps : toutes les religions, en effet, ont délimité des espaces sacrés en commen­çant par en détourner (c’est le sens du mot apotropaïque) les puissances maléfiques.
Il y a donc, dans la liturgie de la dédicace, une bénédiction de l’eau suivie d’une aspersion des fidèles et de l’autel : « O Dieu, cette eau, sanctifiez-la donc par votre bénédiction ; répandue sur nous, qu’elle devienne le signe de ce bain salutaire où, purifiés dans le Christ, nous sommes devenus le temple de votre Esprit. Nous vous en supplions, faites qu’elle soit délivrée de la maligne in­fluence des esprits impurs et que tous les maux s’en éloignent par la vertu de votre bienveillante protection. Quant à nous qui, avec tous nos frères, allons célébrer les divins mystères, accordez-nous de parvenir à la Jérusalem céleste. »
Déjà apparaît dans cette oraison de bénédiction ce qui est sous-jacent à toute la liturgie de la dédicace son aspect escha­tologique ; l’église de pierres est l’image et la préfiguration de l’Eglise du Ciel. Cette Eglise du Ciel, on n’y arrive que par le passage obligé de la Croix du Christ. Le mystère chrétien est mystère de mort et de résurrection ; cela est éclatant dans la liturgie baptismale. Le monde entier doit être reconquis par la Croix, cette Croix sur laquelle le Christ s’est offert à son Père dans le sacrifice par lequel il a racheté le monde. C’est pourquoi, dans le rite de la dédicace, douze croix sont tracées sur les murs de l’église et chacune d’elle est ointe de saint chrême par l’évêque après qu’il en ait largement répandu sur l’autel. En cette consécration de l’autel culmine d’ailleurs toute la liturgie de la dédicace.
Dans l’autel du sacrifice eucharistique on place solennellement des reliques de martyrs et de saints apportées en procession. Elles associent en quelque sorte, à l’unique sacrifice du Christ offert une fois pour toutes, les martyrs qui ont donné leur vie pour Lui et les autres saints qui ont vécu pour Lui, complétant, comme le dit saint Paul, ce qui manque à la Passion du Christ.
Après ce rite qui se déroule au chant de psaumes et d’antiennes, l’évêque embrase l’encens qu’il a répandu sur l’autel : au rite et au symbole de l’eau, puis de l’huile, s’ajoute celui du feu qui se complétera par l’illumination des cierges lorsque l’autel aura été recouvert de nappes neuves et blanches, tout comme les nouveaux baptisés sont revêtus de vêtements blancs. Des psaumes, des répons et des antiennes accompagnent ces rites significatifs par eux-mêmes mais dont les textes bibliques chantés accentuent encore le sens profond.
La prière consécratoire chantée par l’évêque, et la Préface qui introduit le canon de la messe qui suit, font percevoir « comment dans l’Eglise de la terre nous participons déjà à l’Eucharistie perpétuelle, à l’action de grâce perpétuelle des chœurs angéliques, et au culte éternel du Père par son Fils incarné. » L’une et l’autre formulent de la manière la plus expressive l’assomption et la rénovation, dans l’unique consécration du sacrifice chrétien, de toutes les formes de consécration antérieures, soit naturelles, soit de l’Ancien Testament.
« Nous vous supplions instamment, Seigneur, de daigner répandre votre grâce sanctificatrice sur cette église et sur cet autel, afin que ce.lieu soit toujours saint et cette table toujours prête pour le sacrifice du Christ. Qu’en ce lieu, l’onde de la grâce divine engloutisse les péchés des hommes afin que, morts au péché, vos fils renaissent à la vie céleste. »
« Qu’en ce lieu retentisse un sacrifice de louange qui vous soit agréable ; que monte sans cesse vers vous la voix des hommes unie aux chœurs des anges et la supplication pour le salut du monde. »
« Père Saint, vous qui avez fait du monde entier le temple de votre Gloire, afin que votre nom fût glorifié en tous lieux, vous ne refusez pas cependant que vous soient dédiés des lieux propres à la célébration des divins mystères : dans l’allégresse nous consacrons donc à votre majesté cette maison de prière que nous avons construite. »
« En ce lieu est abrité le mystère du vrai Temple et l’image de la Jérusalem céleste y est figurée d’avance : en effet, du Corps de votre Fils, né de la Vierge Marie, vous avez fait un temple qui vous est consacré et en qui habite la plénitude de la divinité. Vous avez établi l’Eglise comme la cité sainte, fondée sur les Apôtres. Elle a pour pierre d’angle le Christ Jésus et doit être construite de pierres choisies, vivifiées par l’Esprit et cimentées par la charité; Cité où vous serez tout en tous, à travers les siècles et où brillera éternellement la lumière du Christ. »

LES PREMIERS CHRÉTIENS : COMMENT VIVAIENT-ILS ? UN EXEMPLE DE VIE (1)

25 août, 2014

http://www.hermas.info/article-les-premiers-chretiens-comment-vivaient-ils-1-55995044.html

LES PREMIERS CHRÉTIENS : COMMENT VIVAIENT-ILS ? UN EXEMPLE DE VIE (1)

(Il existe d’autres articles sur le sujet)

Publié le 26 août 2010 par L’Equipe d’Hermas

SECTION I : UN EXEMPLE DE VIE

1. Une vie de sainteté
Les premiers chrétiens « observent strictement (les) commandements (du Christ), vivant saintement et justement, comme le Seigneur Dieu le leur a ordonné, lui rendant grâces à toute heure pour la nourriture, la boisson ou les autres biens » (1).
« Tel est, ô Roi [l'empereur Adrien], le commandement de la loi des chrétiens, et telle est leur manière de vivre. Comme des hommes qui connaissent Dieu, ils lui présentent des demandes qui sont convenables pour lui d’accorder et pour eux de recevoir. C’est ainsi qu’ils emploient toute leur vie. Et comme ils connaissent l’amour bienfaisant de Dieu pour eux, ils voient que toutes les glorieuses choses qui sont répandues sous nos yeux dans le monde ont été faites pour eux. Ce sont eux, vraiment, qui ont trouvé la vérité qu’ils ont recherchée, et de ce que nous avons examiné, nous avons appris que ce sont les seuls qui se soient approchés de la connaissance de la vérité » (2).
« La tempérance habite parmi (les chrétiens), ils honorent la continence, ils respectent le mariage, ils gardent la chasteté ; l’injustice est proscrite, le péché détruit, la justice pratiquée, la loi accomplie ; on rend à Dieu le culte qui lui est dû et on célèbre ses louanges ; la vérité domine, la grâce conserve, la paix met en sûreté ; la parole sainte conduit, la sagesse enseigne, la véritable vie est connue, et Dieu règne » (3).

2. Le service des autres
« Ils secourent ceux qui les offensent, en faisant en sorte qu’ils deviennent leurs amis ; ils prennent soin de faire du bien à leurs ennemis ; ils sont doux et d’un commerce agréable ; ils s’abstiennent de toute conversation malsaine et de toute impureté ; ils ne méprisent pas la veuve, n’oppressent pas l’orphelin ; et celui qui possède donne sans rechigner à celui qui n’a rien ; s’ils voient un étranger, ils l’accueillent sous leur toit, et se réjouissent de sa présence comme s’il était véritablement leur frère ; c’est pourquoi ils se donnent le nom de frères, non pas selon la chair, mais selon l’esprit ».
« Si l’un de leurs pauvres vient à mourir, chacun, selon ses possibilités, contribue à ses funérailles ; s’ils apprennent que quelqu’un d’eux est emprisonné ou persécuté au nom de leur Messie, alors tous pourvoient avec empressement à ses nécessités, et s’il leur est possible de le libérer, alors ils s’y emploient. Si parmi eux quelqu’un est pauvre, ou dans le besoin, et qu’ils n’ont pas assez de nourriture, alors ils jeûnent deux ou trois jours pour pourvoir au besoin de nourriture du nécessiteux » (4).

3. Citoyens de la terre et du ciel
« Nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons celle de l’avenir » (Hébreux, 13,14).
« Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère.
« Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire. Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les tue et c’est ainsi qu’ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de riches. Ils manquent de tout et ils ont tout en abondance. On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur justification. On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Alors qu’ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis qu’on les châtie, ils se réjouissent comme s’ils naissaient à la vie » (5).
« Ils ont reçu de Dieu des commandements qu’ils ont gravés dans leurs esprits et qu’ils observent dans l’espoir et l’attente du monde qui doit venir. C’est pourquoi ils ne commettent pas d’adultère ni de fornication, ne portent pas de faux témoignages, ne détournent pas ce qui ne leur appartient pas. Ils honorent leurs pères et leurs mères, et manifestent de la tendresse à leurs proches ; et lorsqu’ils jugent, ils le font avec droiture. Ils n’adorent pas les idoles faites à l’image de l’homme, et tout ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur fasse, ils ne le font pas eux-mêmes aux autres ; ils ne mangent pas la nourriture qui est consacrée aux idoles, car ils sont purs. Ils apaisent leurs oppresseurs et en font leurs amis ; ils font du bien à leurs ennemis ; et leurs femmes, ô Roi, sont pures comme des vierges, et leurs filles sont modestes ; et leurs hommes se gardent eux-mêmes de toute union illégitime et de toute impureté, dans l’espoir d’une récompense à venir dans l’autre monde » (6).

4. L’eucharistie
Dans l’un des premiers textes chrétiens, saint Justin explique comment on célèbre l’eucharistie dans les premiers temps.
« Le jour du soleil, comme on l’appelle, tous ceux qui habitent les villes ou les campagnes se réunissent dans un même lieu, et on lit les récits des apôtres ou les écrits des prophètes, selon le temps dont on peut disposer. Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait un discours pour exhorter à l’imitation de ces sublimes enseignements. Ensuite nous nous levons tous et nous prions (…) pour nous-mêmes et pour tous les autres, dans l’espoir d’obtenir, avec la connaissance que nous avons de la vérité, la grâce de vivre dans la droiture des oeuvres et dans l’observance des préceptes, et de mériter ainsi le salut éternel.
« Ensuite on apporte à celui qui est le chef des frères du pain, de l’eau et du vin. Il les prend et célèbre la gloire et chante les louanges du Père de l’univers, par le nom du Fils et du Saint-Esprit, et fait une longue action de grâces, pour tous les biens que nous avons reçus de lui (…).
« Quand le chef des frères a fini les prières et l’action de grâces, que tout le peuple y a répondu, ceux que nous appelons diacres distribuent à chacun des assistants le pain, le vin et l’eau eucharistiés, et ils en portent aux absents.
« Nous appelons cet aliment Eucharistie, et personne ne peut y prendre part, s’il ne croit la vérité de notre doctrine, s’il n’a reçu l’ablution pour la rémission de ses péchés et sa régénération, et s’il ne vit selon les enseignements du Christ. Car nous ne prenons pas cet aliment comme un pain ordinaire et une boisson commune. Mais de même que, par la parole de Dieu, Jésus-Christ, notre Sauveur, ayant été fait chair, a pris sang et chair pour notre salut ; de même aussi cet aliment, qui par l’assimilation doit nourrir nos chairs et notre sang, est devenu, par la vertu de l’action de grâces, contenant les paroles de Jésus-Christ lui-même, le propre sang et la propre chair de Jésus incarné : telle est notre foi. Les apôtres, dans leurs écrits, que l’on nomme Evangiles, nous ont appris que Jésus-Christ leur avait recommandé d’en agir de la sorte, lorsque ayant pris du pain, il dit : “Faites ceci en mémoire de moi: ceci est mon corps” ; et semblablement ayant pris le calice, et ayant rendu grâces: “Ceci est mon sang”, ajouta-t-il ; et il le leur distribua à eux seuls (…).
« Après l’assemblée, nous nous entretenons les uns les autres dans le souvenir de ce qui s’y est passé. Si nous avons du bien, nous soulageons les pauvres et nous nous aidons toujours ; et dans toutes nos offrandes, nous louons le Créateur de l’univers par Jésus-Christ son Fils et par le Saint-Esprit » (7).

5. La dimension chrétienne du travail
Les premiers chrétiens gardèrent très présent à l’esprit l’exemple de la vie de travail du Christ lui-même, car « il était considéré comme charpentier, et ce fut comme tel qu’il fabriqua des charrues et des attelages tandis qu’il vivait parmi les hommes, en enseignant de la sorte la nécessité d’une juste vie de travail » (8).
Le message chrétien sur cette structure du travail manifeste que le travail même le moins estimé aquiert une dimension nouvelle dans le Christ (9). La dimension surnaturelle du travail sera comme une incitation divine à dépasser largement l’impact des conditionnements sociaux, mais sans violence ni rébellion. Le travail avait, pour les premiers chrétiens, une valeur de signe distinctif entre le véritable croyant et le faux frère, et constituait aussi une manière délicate de vivre la charité pour n’être à la charge d’aucun frère (10).
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les premiers chrétiens étaient immergés dans un monde où le travail était conçu de manière péjorative. « Comme le travail était ce qui déterminait la vie de l’esclave, s’est imposée la distinction connue entre le travail “servile” et le travail “libre”, en identifiant le premier au travail proprement dit et le second à toute cette gamme d’activités qui, outre la culture, comprend les loisirs et les arts » (11).

L’EXPANSION DU CHRISTIANISME DANS L’EMPIRE ROMAIN

14 novembre, 2013

http://ilmsil.free.fr/branche6/les_grandes_religions/623Christianisme/05Lexpansionduchristianismedanslempireromain.htm

L’EXPANSION DU CHRISTIANISME DANS L’EMPIRE ROMAIN

En moins d’un siècle d’histoire, la doctrine prêchée par le prophète galiléen, Jésus de Nazareth, s’est répandue, dans l’ensemble de l’empire romain, non sans connaître de nombreuses difficultés, comme en témoigne d’ailleurs le livre des Actes des apôtres, lequel, sans être uniquement un livre historique, présente, à la manière d’une grande fresque, les premières décennies de l’histoire du christianisme.

Conflits avec le judaïsme
C’est dans le contexte des événements de Pâques et de la Pentecôte que le christianisme trouve son acte de naissance ; et c’est en prenant conscience de l’importance particulière dans l’histoire du peuple de dieu que les premiers chrétiens ont découvert l’originalité radicale du message et de la révélation de Dieu apporté en Jésus, mort et ressuscité, reconnu comme Christ et Seigneur. En se regroupant autour de la personne de ce Jésus, identifié au Messie promis par les prophètes des siècles précédents, et sans se couper des autres juifs dont ils gardaient toutes les convictions et toutes les pratiques rituelles, les premiers chrétiens découvraient également que le message de Jésus, son Évangile, était une Bonne nouvelle de salut s’adressant à tous les hommes : ils n’inventaient pas une nouvelle religion, mais ils voulaient donner au judaïsme sa dimension prophétique définitive, puisque le Christ leur donnait la véritable révélation de dieu, celle qui était attendue et espérée par des générations de juifs. Pourtant, Jésus lui-même avait été rejeté par ceux à qui il avait d’abord apporté le message du dieu qu’il appelait son Père, au grand scandale des autorités religieuses qui l’avaient livré aux mains de la puissance d’occupation…
La renaissance de l’idéal qu’il avait prêché, aux jours de sa vie publique, quelque temps après sa mort, ne pouvait échapper à ces mêmes chefs religieux juifs qui entrèrent en conflit avec les disciples de ce Jésus, qu’ils considéraient comme le fondateur d’une nouvelle secte à l’intérieur du judaïsme. Car c’est bien dans le foisonnement des sectes messianiques au premier siècle dans le monde juif que le christianisme prenait naissance. Malgré l’exécution sanglante de Jésus, la nouvelle communauté des disciples fut d’abord relativement bien acceptée par les milieux traditionnels, qui se rangèrent à l’avis d’un pharisien nommé Gamaliel : Si c’est des hommes que vient leur résolution ou leur Dieu, vous ne pourrez pas les faire disparaître. N’allez pas risquer de vous trouver en guerre avec Dieu (Ac. 5, 38-39).
Malgré les contestations venus des membres du parti pharisien, malgré le rejet beaucoup plus net des sadducéens, la première communauté fut donc relativement bien acceptée dans les milieux juifs jusqu’aux environs de 65, date à laquelle elle fut définitivement rejetée du judaïsme. La biographie de Paul apprend qu’il persécutait avec une ferveur inégalable cette doctrine qui menaçait l’intégrité de la foi juive, signe que la foi chrétienne n’était pas toujours très bien acceptée et que les docteurs de la Loi découvraient les dangers réels qu’elle pouvait faire courir au judaïsme officiel, signe aussi vraisemblablement que les chefs du peuple craignaient de voir les occupants romains intervenir militairement pour régler un conflit typiquement religieux. Le milieu palestinien n’accueillit guère la prédication des apôtres. Pourtant, une communauté se forma à Jérusalem autour de Jacques, non pas l’apôtre de Jésus, mais un homme juste qui fut institué par quelques apôtres comme le chef de la communauté de Jérusalem : c’est de lui et non pas des apôtres que dépendait la direction de l’Eglise locale de Jérusalem et de la Palestine. Les apôtres sont considérés comme les témoins privilégiés de la résurrection du Christ, mais pour répandre dans le monde cette Bonne Nouvelle du salut, ils ont été amenée à déléguer leurs pouvoirs à des hommes qui seront leurs successeurs et présideront aux destinées de l’Eglise.
Très vite, Évangile de Jésus-Christ est annoncé en dehors des limites territoriales de la Palestine ; la persécution que Paul entreprenait contre la communauté de Damas suffit à prouver l’existence d’un centre chrétien dans cette ville. Un autre centre important était celui d’Antioche, dont l’évangélisation devait remonter aux environs de l’année 37. La prédication évangélique s’adressait d’abord aux juifs, mais elle s’étendit rapidement aux païens, et c’est dans cette ville que le nom de ‘chrétiens’ fut donné pour la première fois aux disciples de Jésus. Ce terme était, à l’origine, un sobriquet, plus ou moins insultant, à consonance politique, signifiant ‘les partisans de Christ’. Mais cette nouvelle désignation pour les disciples atteste que la communauté chrétienne se distingue déjà assez fortement de la communauté juive : à Antioche par ce sobriquet, l’Eglise trouvait son acte officiel de naissance dans le monde romain. La prédication à Antioche auprès d’hommes qui n’étaient pas issus du judaïsme ne devait pas tarder à poser la question qui fut l’enjeu du concile de Jérusalem : fallait-il se convertir au judaïsme pour devenir disciple du Christ ? La réponse négative, faite lors de l’assemblée de Jérusalem, devait marquer la rupture officielle du christianisme avec le judaïsme.
Mais la réglementation adoptée par ce concile en 49. n’apportait pas une solution très nette, malgré les termes des décisions prises, au problème du judéo-christianisme. Et Pierre lui-même se laisser prendre au piège par les membres judaïsants de l’Eglise d’Antioche : son attitude peut paraître ambiguë, quand en présence des envoyés de Jacques de Jérusalem, il ne partage plus ses repas avec les pagano-chrétiens, mais se cantonne uniquement dans la fréquentation des judéo-chrétiens, Paul lui reprochera cette attitude. Mais il se peut que Pierre n’ait jamais voulu montrer aux judéo-chrétiens qu’il était possible de continuer à observer la Loi juive tout en étant disciple du Christ, d’autant plus que le regain du nationalisme juif à l’époque aurait pu détourner ces chrétiens issus du judaïsme de la foi chrétienne pour retourner à leur religion d’origine. Si Paul estime qu’il importe pour l’Eglise naissante de se tourner résolument vers le monde païen, Pierre garde encore la nostalgie d’une communauté chrétienne gardant aussi fidèlement que possible les enseignements de la Loi mosaïque. La chute de Jérusalem, en 70, devait mettre fin à toute I’espérance messianique juive, et donner raison, mais à titre posthume à Paul qui avait voulu libérer le christianisme de la tutelle du judaïsme pour le tourner vers le monde païen, en le portant jusqu’au coeur de l’empire, à Rome même.
L’expansion de la foi chrétienne, au premier siècle, a bénéficié du droit d’exercice de la religion juive, considérée par l’empire romain comme une religion licite et autorisée’ dans toute l’étendue des territoires soumis à la puissance de Rome. Les très nombreuses sectes juives permettaient une intense activité du judaïsme, non seulement en Palestine, mais aussi dans toute la Diaspora, c’est-à-dire dans tous les pays où les juifs se trouvaient dispersés depuis des siècles. Malgré les conflits qui ont pu opposer le christianisme naissant au judaïsme, il faut reconnaître que la nouvelle foi a largement bénéficié de la tolérance de la religion juive à l’Intérieur de l’empire.

Les premières persécutions         
Le procurateur romain Ponce-Pilate, qui avait finalement condamné Jésus à mort, ne devait pas être mécontent, à l’époque même de Jésus, de voir les chefs religieux juifs se quereller pour des motifs strictement religieux : il trouvait dans ces querelles intestines une occasion favorable de pouvoir asseoir encore plus fortement la puissance romaine sur cette région de Palestine où différents mouvements de sédition narguaient le pouvoir en place. Mis en demeure par les chefs du peuple de condamner Jésus, et par crainte de perdre son poste, Pilate avait ordonné la crucifixion de Jésus, qui s’était prétendu roi des Juifs et qui s’était ainsi constitué dans l’opposition officielle au pouvoir de l’empereur. Dans les premiers temps de l’Eglise, les communautés chrétiennes ne constituaient pas un groupe suffisamment important pour inquiéter le pouvoir romain. Mais la question juive, avec ses mouvements de sédition en Palestine, amenèrent les gouverneurs romains à s’intéresser au phénomène chrétien à l’intérieur même du judaïsme, officiellement toléré.
La désignation de ‘chrétiens’ faite à Antioche, en 42, porte naturellement la marque du fait que la communauté s’est séparée de la foi juive traditionnelle et qu’elle est donc suspecte en raison de ses coutumes propres. Les chrétiens furent alors accusés non plus de sédition contre le pouvoir en place, mais plutôt de misanthropie, de crime contre le genre humain, car ils se situaient manifestement en opposition par rapport à la civilisation gréco-romaine : les chrétiens étaient accusés de pratiquer l’inceste et de commettre des meurtres rituels dans leur adoration d’un âne. C’est le premier jugement émis en monde païen sur l’attitude des chrétiens. Sous le règne de Néron, en 64, les premières mesures contre les chrétiens sont prises par l’empereur : Tacite, l’historien romain, rapporte que c’est pour faire taire les rumeurs relatives au grand incendie de Rome que Néron livra les chrétiens aux supplices :
Pour faire taire les rumeurs relatives è l’incendie de Rome, Néron désigna comme accusés des individus détestés par leurs abominations, et que le vulgaire appelle chrétiens. Ce nom leur vient de Chrestos qui, sous Tibère, avait été livré au supplice par le procurateur Ponce-Pilate. Réprimée un instant, cette exécrable superstition débordait à nouveau, non seulement en Judée, berceau du fléau, mais aussi à Rome, où tout ce qu’on connaît d’atroce et d’infâme afflue de toutes parts. On arrêta d’abord ceux qui confessaient leur foi puis, sur leurs indications, une multitude d’autres, accusés non tant d’avoir mis le feu à la ville que de haine contre le genre humain (Annales XV, 44)
Après Néron, les empereurs, trop occupés par la guerre juive, cessent les persécutions contre les chrétiens. Sous Domitien, une nouvelle persécution se fait jour, en 81, s’inscrivant directement dans la ligne de la répression du messianisme juif, qui voulait rétablir sur le trône d’Israël un descendant de la maison de David. Mais à Rome, cet empereur s’en prend également è l’aristocratie et à la classe intellectuelle : des chrétiens, nouveaux convertis, se trouvèrent donc soumis à cette persécution, parce qu’ils étaient convaincus d’athéisme, c’est-à-dire de refus des dieux. Cette même persécution, sous Domitien, fut plus violente dans les provinces de l’Asie Mineure : elle permit à l’auteur de l’Apocalypse d’adresser un message d’espérance à tous les chrétiens soumis aux supplices en raison de leur foi. Malgré l’observation des consignes pratiques d’un Paul, qui recommandait à ses chrétiens la soumission à l’empereur, il semble que le pouvoir romain ait facilement confondu le christianisme avec le messianisme juif et le zélotisme, qui constituaient des menaces permanentes pour l’empire.
L’arrivée de la dynastie des Antonins au pouvoir à Rome, en 96, inaugure une période de détente pour les chrétiens. Mais cette détente n’empêche pas le fait d’une précarité de la situation des chrétiens pendant tout le deuxième siècle : le nom même de chrétien constituait déjà un chef d’accusation et les dénonciations pouvaient être nombreuses, sans être orchestrées par le pouvoir central. Quand ils étaient arrêtés et qu’ils refusaient d’abjurer, il fallait les condamner, simplement du fait qu’ils appartenaient à une secte qui pratiquait, disait-on, des usages contraires à la morale et qui refusait de rendre un culte aux dieux. Les empereurs pouvaient être tolérants, les masses populaires païennes reportaient sur un bouc émissaire, facile à trouver, toutes les difficultés qui pouvaient être les leurs. Les chrétiens sont considérés comme des êtres singuliers, qui vivent en marge de la société établie… Pour faire face à cette situation, les chrétiens ont essayé de dissiper tous les malentendus qui les concernaient : des intellectuels participèrent à cette campagne d’information pour laver le nom de ‘chrétien’ de toutes les accusations injustifiées portées contre ceux qui avaient placé leur foi en Jésus-Christ.
Le but des écrivains apologistes était de montrer que l’Idéal du christianisme s’inspirait bien de l’idéal de l’hellénisme et qu’il le menait même à son parfait achèvement, le réalisant véritablement. S’adressant aux empereurs, Justin fait appel aux sentiments philosophiques de vertu et de piété des romains pour montrer que les chrétiens observent une doctrine et une morale qui se situent dans la droite ligne des plus grands penseurs grecs. Au milieu du deuxième siècle, cet auteur affirme qu’il existe une convergence entre la pensée grecque la meilleure et le christianisme : après avoir fréquenté toutes les écoles philosophiques qui existaient alors, Justin comprend que la véritable philosophie ne puisse pas venir des forces humaines, mais qu’elle est l’objet d’une révélation même de Dieu. Et il tentera, jusqu’au martyre, de prouver que le christianisme est l’accomplissement et le couronnement de toute la réflexion philosophique sur l’homme et sur Dieu : Je fus pris d’amour pour les prophètes et pour ces hommes amis du Christ… Je reconnus que c’était là la seule philosophie sure et profitable (Dialogue avec Tryphon).
Le but de tous les apologistes n’était pas seulement de réclamer aux empereurs un statut légal pour les chrétiens ; leur ambition était nettement plus vaste, puisqu’ils présentaient ces chrétiens comme les héritiers de la plus pure tradition philosophique de la Grèce antique dont le prestige régnait encore dans la civilisation romaine. Dans la deuxième partie de ce deuxième siècle, la situation juridique des chrétiens reste précaire, car les calomnies populaires ne cessent de les poursuivre ; mais l’oeuvre des apologistes leur a permis de se faire connaître : Ils sont sortis du ghetto dans lequel on voulait les enfermer. L’administration de l’empire ne peut même pas s’empêcher d’employer des hommes compétents, du simple fait qu’ils sont chrétiens. Mais, à la fin de la dynastie des Antonins, après l’assassinat de Commode, en 193, l’empire se trouve dans un état d’anarchie redoutable : le temps des empereurs philosophes est révolu. Toutefois, la situation des chrétiens s’améliore quelque peu, puisque l’empereur Septime Sévère a dans son entourage des chrétiens, estimant que le christianisme est une force avec laquelle il faut désormais compter. Pourtant, en 203, ce même empereur signe un édit interdisant tout prosélytisme aux chrétiens : c’est la première mesure juridique portée contre l’ensemble des chrétiens. Cette mesure imposait aux fonctionnaires de l’empire de limiter l’expansion du christianisme et cet édit devait déterminer une nouvelle persécution plus ou moins violente selon les empereurs de cette nouvelle dynastie. L’édit de Sévère était tel que seuls ceux qui acceptaient de suivre la nouvelle doctrine pouvaient être inquiétés : la mesure prise ne frappait pas les anciens chrétiens, mais simplement les nouveaux convertis et aussi ceux qui se chargeaient de leur formation, les catéchistes, dont le rôle constituait, en lui-même, une violation de la loi. Les martyrs sont alors principalement des néophytes et des catéchumènes…
Mais lorsque le dernier des Sévères, Alexandre, est assassiné, en 235, le pouvoir passant entre les mains de chefs militaires qui voient dans les chrétiens un facteur de désunion dans l’empire, la persécution va se généraliser : Maximin s’en prend à toute l’élite romaine, et en particulier aux évêques de l’empire, l’évêque de Rome Pontien étant exilé… Plus tard, en 250, sous Dèce, une recrudescence de la persécution se fait jour : Dèce, pour affermir l’unité romaine, veut rassembler tous ses sujets autour de la religion d’empire, et pour ce faire, il ordonne à tous les citoyens de participer à un sacrifice général : beaucoup de chrétiens connaîtront alors le martyre, mais certains feront défection, en sacrifiant aux idoles ou en se procurant un certificat attestant qu’ils ont sacrifié… En 257, un édit interdit le culte chrétien et les réunions dans les cimetières, il oblige également les chefs religieux à sacrifier. L’année suivante, une nouvelle mesure ordonne l’exécution immédiate des prêtres qui n’ont pas sacrifié aux idoles de la religion romaine et la confiscation des biens des chrétiens les plus riches. En 260, pourtant, l’empereur Gallien recommande la tolérance pour les chrétiens, en vue de maintenir davantage l’unité intérieure devant la pression des peuples barbares qui menaçait la puissance romaine livrée à des querelles intestines : il autorise le culte dans les églises qui sont restituées aux chrétiens et les rassemblements dans les cimetières.
Un nouveau statut du christianisme était alors en voie de constitution : le christianisme n’était pas encore une religion officiellement reconnue, mais il était toléré. Pendant quarante années, les communautés chrétiennes seront présentes dans la vie quotidienne de l’empire, sans être jamais inquiétées par le pouvoir. Pendant cette période de calme et de paix le christianisme pouvait s’implanter, s’enraciner dans les sociétés, mais aussi s’étendre dans des régions de plus en plus vastes. Aux alentours de l’année 300, le pourtour de la Méditerranée est conquis au mode de vie proposé par la foi chrétienne, et même les limites les plus éloignées de l’empire sont gagnées par la foi. Toutes les classes sociales de l’empire ont connu l’infiltration, et non plus seulement les classes méprisées et les esclaves. Mais le paganisme n’était pas encore disparu : l’arrivée au pouvoir de Dioclétien, en 284, allait souligner l’attachement impérial aux traditions antiques romaines ; pendant près de vingt ans, pourtant, les chrétiens ne sont pas plus persécutés qu’auparavant : seuls, quelques cas de martyre peuvent être signalés, notamment dans le domaine des armées, certains militaires récemment convertis refusant de porter les armes et de pratiquer la violence, ou refusant de participer au culte impérial. Il semble que les chrétiens aient d’abord été expulsés de l’armée, avant que ne commence la grande persécution. En 303, un premier édit impérial interdit le culte chrétien, ordonne la confiscation des livres sacrés et la destruction des églises ; un second édit ordonne l’arrestation du clergé chrétien ; le troisième édit nuançait cette généralisation de la persécution, en permettant aux prisonniers qui acceptaient de sacrifier aux idoles de recouvrer leur liberté ; enfin, un quatrième édit reprenait l’édit de Dèce, ordonnant à tous les citoyens de l’empire de participer aux sacrifices romains, sous peine des pires supplices. Ces différents édits sont suivis avec plus ou moins de rigueur selon les provinces de l’empire : il y eut toujours des païens accommodants qui délivrèrent de faux certificats de sacrifices, des chrétiens apostats, d’autres qui s’évadèrent de leurs prisons, mais aussi un grand nombre d’authentiques martyrs qui payèrent de leur vie ces édits de Dioclétien. Il fallut aux chrétiens attendre 3l1 pour qu’ils retrouvent la tolérance qu’ils avaient connue à la fin du troisième siècle. Mais, avant cette date de 311, qui est celle de l’édit de tolérance de Galère, un autre événement de l’histoire romaine allait marquer l’avenir de l’Eglise : c’était la proclamation de Constantin empereur.
Ce Constantin était un païen tolérant qui s’est converti très progressivement au christianisme et qui reçut le baptême peu de temps avant sa mort. Revenant des provinces bretonnes, où il avait été proclamé empereur, sa victoire sur le successeur de Galère, Maximin Daïa, lui ouvre la route de l’empire oriental. Mais, dès sa victoire au pont Milvius, en octobre 312, il manifeste une grande sympathie pour le christianisme, en leur accordant la liberté de culte et la restitution immédiate de tous les biens qui leur avaient été confisqués, allant même jusqu’à distribuer de l’argent à l’Eglise et à l’exempter d’impôts.
Le règne de Constantin allait amener la paix pour l’Eglise dans le monde romain : l’Eglise reçoit un statut juridique officiel, puisque les sentences de ses tribunaux sont reconnues comme valides par les instances civiles. Les symboles chrétiens apparaissent sur les monnaies, première forme d’une propagande pour la foi chrétienne. Les lieux de culte se multiplient pour répondre au nombre croissant de convertis qui viennent regagner les rangs des communautés chrétiennes réparties dans tout l’empire Des chrétiens sont même admis à des postes officiels. Et Constantin fait élever ses enfants dans le christianisme. Cela permet de le considérer comme le premier empereur chrétien. Il interviendra même lors du premier concile oecuménique à Nicée… Pour l’Eglise, c’est la paix extérieure : tous les adversaires politiques qui pouvaient se dresser contre elle disparaissent, et elle peut désormais évangéliser le monde sans craindre de représailles de la part du pouvoir romain. En moins d’un siècle, le christianisme allait devenir la religion officielle, le paganisme étant interdit et les temples fermés ou détruits en 391.

Les Pères de l’Eglise
Un Père de l’Eglise est un savant, un écrivain ou un enseignant, souvent reconnu comme saint dans la tradition de l’Eglise, dont la doctrine est parfaitement orthodoxe. Mais c’est surtout un homme d’action, profondément engagé dans la vie de l’Eglise locale dont il est le pasteur, l’évêque, ou l’un des prêtres ; en tout cas, c’est lui qui exprime la théologie chrétienne en des termes qui le mettent d’emblée sur le même plan que les lettrés du monde païen. Comme les conversions, dans les premiers siècles de l’Eglise, s’effectuaient parmi les adultes, on comprend que ces chefs de communauté étaient des hommes d’action, et, de plus, comme ils étaient souvent issus de la classe dominante, ils pouvaient toujours assumer la défense des chrétiens auprès des autorités civiles. Mais le concept de ‘Père de l’Eglise’ comme savant, théologien à la doctrine orthodoxe, est beaucoup trop vaste : il peut désigner des hommes des origines du christianisme jusqu’à la fin des siècles. Ce concept s’est restreint aux auteurs chrétiens des premiers siècles, dont l’oeuvre a été exemplaire, en ce sens qu’elle a permis de traduire la pensée apostolique dans les termes de la pensée contemporaine et qu’elle est devenue en quelque sorte normative pour toutes les générations chrétiennes ultérieures.
Ces écrivains, reconnus officiellement par l’Eglise, vécurent de la fin du premier siècle (qui marque la fin de l’âge apostolique) au début du septième siècle pour l’Occident ou au milieu du huitième pour l’Orient. Jusqu’à la fin du deuxième siècle, la langue où Ils s’exprimaient était le grec : après, le latin devient beaucoup plus courant en Occident, alors que l’Orient continue d’utiliser la langue grecque, avant de permettre l’usage de langues orientales, comme le syriaque. De la fin du premier siècle jusqu’au milieu du deuxième, les auteurs ecclésiastiques sont appelés les ‘Pères apostoliques’, parce que la plupart d’entre eux ont eu des contacts directs avec les apôtres, et que leurs écrits se présentent comme l’exposé de la foi chrétienne selon le genre qui était celui du Nouveau Testament. La Didaché, ou doctrine des douze apôtres, est le plus ancien témoin de l’organisation des communautés chrétiennes et de leur liturgie. La foi chrétienne y affirme son originalité et pose ses règles de la vie communautaire, cultuelle et charismatique. Cette foi ne repose pas uniquement sur les textes évangéliques et apostoliques, mais aussi sur des paroles de Jésus qui continuaient de circuler par la tradition catéchétique orale. C’est une semblable tradition orale qui se trouve également dans la lettre que l’évêque de Rome, Clément, adresse à la communauté chrétienne de Corinthe dans laquelle des prêtres avaient été déposés par des laïcs. Fait important que cette lettre de Clément : elle souligne l’autorité que pouvait exercer déjà à l’époque l’Eglise de Rome sur les autres Églises locales.
Une autre personnalité romaine est connue par un de ses écrits : Hermas, l’auteur du Pasteur qui a été considéré un certain temps comme un texte canonique du Nouveau Testament, avant d’être écarté en raison de son rigorisme pénitentiel, et de son ascétisme qui le rapprochait de la secte des Esséniens. L’influence du judaïsme se faisait encore ressentir dans les communautés chrétiennes que visite Ignace d’Antioche lorsqu’il traverse l’Asie, afin de se rendre à Rome où il subira le martyre : selon lui, il est absurde de croire en Jésus-Christ et de continuer à judaïser, car, souligne-t-il, pour la plupart des judaïsants, le Christ ne serait pas mort, ce qui est en contradiction formelle avec la prédication des apôtres ; pour lutter contre toutes les tendances qui menace la foi chrétienne, Ignace recommande l’unité des chrétiens autour de l’évêque, de ses prêtres et diacres, affirmant ainsi l’existence d’une hiérarchie répartie selon trois ordres autour de l’évêque, qui unit en sa personne l’élément charismatique, hérité des apôtres, et l’autorité hiérarchique.
Papias, qui fut évêque d’Hiérapolis, en Asie Mineure, est un autre témoin de l’âge apostolique : il a sans doute pu écouter la prédication de saint Jean, et il rapporte dans ses écrits des échos de l’enseignement oral de ceux qui furent les premiers disciples des apôtres. Toutefois, il apparaît très vite comme une intelligence médiocre qui manque d’un jugement sûr ; Eusèbe de Césarée, au début du quatrième siècle, lui reprochera d’avoir contaminé plusieurs générations chrétiennes en proposant des affirmations qui ne se situent pas. Jusqu’au milieu du deuxième siècle, les Pères de l’Eglise gardent vivante la tradition venue des apôtres, empruntant les genres littéraires du Nouveau Testament, au point que parfois certains de leurs écrits ont pu être incorporés à ce dernier. Il en va tout autrement dans les générations suivantes : les Pères apologistes vont s’attacher à démontrer la vérité de la doctrine chrétienne en la situant dans le contexte du développement de la pensée philosophique gréco-romaine, en démontrant que cette foi nouvelle est l’accomplissement de tout l’effort philosophique des anciens, en défendant aussi la théorie et la pratique morales des disciples du Christ, si les Pères apostoliques s’adressaient presque exclusivement à des convertis au christianisme, les Pères apologistes s’adressent aux juifs et aux païens, pour démontrer aux uns que Jésus-Christ apporte la réalisation des prophéties de l’Ancien Testament, aux autres qu’il n’y a pas de motifs sérieux de persécuter les chrétiens.
Le témoin le plus important de cette forme de pensée est Justin de Naplouse : il était né dans une famille grecque et païenne, installée en Samarie, et il raconte lui-même, dans son dialogue avec Tryphon, comme il s’est mis en quête d’une sagesse qui aurait pu guider son existence : après avoir fréquenté les écoles philosophiques de son temps, il finit par se convertir au christianisme, et, en venant à Rome, il fonde une école sur le type même des écoles de philosophie païenne, vers le milieu du deuxième siècle. Entre 150 et 165, date de son martyre, il écrit deux suppliques aux empereurs romains pour leur montrer la discipline de vie que suivent les chrétiens et pour souligner que c’est à tort, sans connaître l’enseignement chrétien, que l’on attribue aux disciples du Christ une immoralité qu’ils essayent de combattre en eux-mêmes et dans le monde qu’ils fréquentent. Tatien, qui fut le successeur de Justin avant de se séparer de l’Eglise, poursuit l’oeuvre de son prédécesseur, mais en s’attachant surtout à montrer toutes les erreurs de la pensée païenne : il s’attaque avec violence à toutes les philosophies et aux cultes païens d’origine hellénique.
Avec Irénée de Lyon, né à Smyrne, vers 115, apparaît un nouveau genre de docteur de la foi. Dans sa jeunesse, il a connu Polycarpe, qui lui-même avait connu saint Jean ; ainsi, Irénée se trouve héritier de la tradition johannique. En 177, il est prêtre de l’Eglise de Lyon et il est amené à défendre la foi chrétienne authentique contre certaines perversions internes, venues des différentes écoles qui se prétendent chrétiennes, mais dans lesquelles les maîtres n’annoncent plus la vérité de Évangile, mais bien leur propre doctrine. A ces maîtres, Irénée oppose les chefs, à la fois charismatiques et hiérarchiques, que sont les évêques : leur autorité ne vient pas de leur valeur personnelle, mais de la mission qu’ils ont reçue par la tradition qui vient des apôtres et de la charge dont ils ont été investis qui est de transmettre dans la vérité la doctrine antérieure. Irénée entreprend de montrer que la succession des évêques remonte aux apôtres qui ont établi leurs successeurs dans l’autorité qu’ils avaient eux-mêmes reçue du Christ Jésus. C’est pourquoi l’enseignement que transmettent les évêques est le seul qui puisse avoir une valeur authentique pour la foi chrétienne. Et il exprime cet enseignement dans une oeuvre catéchétique qui se présente comme la réfutation de toutes les hérésies : Adversus haereses, oeuvre dans laquelle il exerce, le premier, un rôle véritable de théologien, en soulignant que le Christ a rétabli et restauré l’oeuvre de Dieu qui avait été détruite par le péché des hommes, que le message du Christ s’est transmis par les apôtres, lesquels ont prêché Évangile à toutes les nations, en commençant par Rome, ville dont l’évêque jouit d’un prestige particulier parmi ses pairs, puisqu’il est le successeur, en ligne directe de Pierre. Au troisième siècle, la lignée des Apologistes se poursuit, mais elle s’oriente plus explicitement vers l’étude théologique, telle qu’Irénée de Lyon l’avait perçue.
 Des écoles théologiques apparaissent dans toutes les grandes communautés chrétiennes, et particulièrement à Alexandrie, où un échange va se faire entre le christianisme et l’hellénisme. Clément d’Alexandrie, païen converti, va montrer les rapports qui existent entre la philosophie grecque et la doctrine chrétienne : toute l’oeuvre philosophique antique n’a fait que mener les hommes vers le Christ et elle peut aider alors le chrétien à approfondir sa foi et à parfaire sa vertu. La persécution, sous Septime Sévère, en 202, contraint Clément à l’exil. Son successeur à la tête de l’Eglise d’Alexandrie, Démétrius, choisit Origène pour le placer à la tête de l’école de catéchèse. Placer quelqu’un à la tête d’une école catéchétique était un choix difficile en cette époque de persécution, qui interdisait tout prosélytisme… Entre 205 et 211, Origène transforme cette école en confrérie religieuse, vivant dans l’ascèse, sans se distinguer des autres chrétiens : c’est la première forme de vie religieuse. En 213, il divise les cours de catéchèse en deux cycles : un premier cycle réservé aux illettrés présente les premiers éléments de la foi et de la doctrine chrétiennes, et un second cycle de genre universitaire, où tous les systèmes de connaissance sont présentés. Il enseigne lui-même dans cette école, la Didascalée, de 212 à 231. Il fait alors un séjour en Palestine où son ami, l’évêque Alexandre de Jérusalem, lui demande d’expliquer l’Écriture dans l’assemblée chrétienne et où un autre de ses amis, Théoctiste de Césarée, l’ordonne prêtre, contre l’avis de Démétrius d’Alexandrie, qui lui interdit alors d’enseigner dans la Didascalée. Origène se retire alors à Césarée, en ajoutant à l’enseignement une tâche de prédication. Plus tard, il permettra à des tachygraphes de transcrire les entretiens qu’il donnait à l’assemblée chrétienne ; mais une très grande partie de sa prédication est disparue, faute d’avoir été retranscrite, lors de ses entretiens. L’oeuvre d’Origène est considérable ; tout en accueillant les valeurs de la philosophie grecque, il dénonce clairement toutes les faiblesses du paganisme, et en ce sens, il faut oeuvre d’apologiste, dégageant alors l’originalité du christianisme, en manifestant la grandeur de l’homme pour la foi chrétienne. Prédicateur, il s’est révélé comme un homme de Dieu ; théologien, il a construit un système dans lequel il intégrait toutes les disciplines et toutes les traditions qu’il pouvait connaître. Une de ses oeuvres, à laquelle il travailla pendant une trentaine d’années, s’intitule les Hexaples – en six colonnes, il présente l’ensemble de la Bible :
1/ Texte hébreu, en caractères hébraïques
2/ Texte hébreu, en caractères grecs
3/ Traduction en grec : Aquila
4/ Traduction en grec : Symnaque
5/ Traduction en grec : Septante
6/ Traduction en grec : Theodotion
Son but était de donner un texte correct à la Septante, en la corrigeant à partir de I’original officiel hébraïque, et en la comparant systématiquement aux traductions autorisées en grec à son époque : il fondait ainsi la critique biblique. Sous la persécution de Dèce, en 253, Origène est arrêté, et il meurt des suites des tortures qu’il subit en prison. Ses incertitudes doctrinales lui ont valu de connaître une condamnation posthume de la part de l’Eglise, au sixième siècle : il diluait trop l’action du Christ dans une sorte de processus cosmique, qui évacuait ainsi l’historicité du christianisme et son caractère décisif pour l’ensemble de l’histoire de l’humanité. A Césarée, où Origène trouva refuge, lorsqu’il fut exilé d’Égypte, l’école qu’il y fonda devint la dépositaire de son oeuvre : c’est dans cette école qu’Eusèbe de Césarée reçut sa formation.
le milieu du troisième siècle est une période où l’Occident latin trouve sa pleine originalité dans une forme d’expression purement latine, car si l’usage du grec est encore reconnu comme officiel, le latin prend une place de plus en plus considérable. Novatien sera à cette époque le premier grand théologien de langue latine, bien que celui-ci fût condamné par un concile romain. En tout cas, l’Eglise est une communauté strictement organisée autour de l’évêque de Rome, en particulier Corneille, de ses prêtres, diacres et sous-diacres : la hiérarchie se trouve donc implantée dans une Eglise, dont l’autorité est reconnue par les autres Églises locales, auxquelles elle transmet ses décisions les plus importantes, et celles-ci sont bien accueillies, en particulier par l’Eglise de Carthage. Cette dernière se regroupe alors autour d’une personnalité importante, son évêque Cyprien, qui a laissé à la postérité une oeuvre littéraire importante. Évêque et donc pasteur responsable, il est amené à prendre des positions qui doivent assurer l’intégrité de l’Eglise. Dèce avait ordonné à tous les citoyens de son empire de participer à un sacrifice général aux dieux de l’empire ; les chrétiens ne pouvaient offrir ce sacrifice sans trahir du même coup leur propre foi.
Certains subirent le martyre plutôt que d’offrir de l’encens aux idoles, ce fut le cas de l’évêque de Rome, Fabien. Mais d’autres cédèrent aux pressions qui leur étaient faites ; ce fut le plus grand nombre, et même deux évêques africains consentirent à sacrifier aux idoles. Une fois la persécution terminée, il était important de déterminer l’attitude que l’Eglise devait avoir envers ceux qui avaient renié leur foi, afin de conserver la vie, envers ceux qui étaient appelés les ‘lapsi’. C’est le problème de la pénitence et de la réintégration des renégats dans la communauté qui se trouve ainsi posé. Certains prêtres carthaginois réconciliaient très facilement ceux qui avaient succombé, en estimant que les ‘confesseurs’ qui avaient subi le martyre sans perdre la vie pouvaient intercéder pour les ‘lapsi’, sans qu’il leur soit imposé de délai pénitentiel. Cyprien développe une conception qui rejoint la position commune de l’ensemble de l’Eglise : sans négliger le rôle d’intercession des confesseurs, il insiste sur la nécessité d’imposer une pénitence longue et sévère. Il se montre ainsi beaucoup plus exigeant que ses propres prêtres. Cyprien communique sa décision à l’Eglise de Rome et aux autres Églises Rome n’avait plus d’évêque depuis le martyre de Fabien, et c’est Novatien qui lui répond au nom des prêtres et des diacres de Rome, se déclarant d’accord avec Cyprien. Mais lorsque Corneille sera élu évêque de Rome, en 251, Novation dévoilera sa véritable position, en affirmant qu’aucune réconciliation n’est possible pour les ‘lapsi’, ce qui lui vaudra la condamnation d’un concile local réuni par Corneille, qui obtient le plein accord de Cyprien. Ce conflit à propos des renégats est le reflet d’un conflit entre deux options pour l’Eglise : peut-elle être le rassemblement d’une élite d’hommes spirituels ou doit-elle être une communauté qui rassemble tous les hommes ? A côté des plus grands saints et des martyrs, il y a place pour la foule innombrable des chrétiens ordinaires qui essaient de progresser dans la vie selon les exigences de Évangile
Au quatrième siècle, alors que l’Eglise a conquis une certaine liberté religieuse, il ne lui est plus nécessaire de défendre sa doctrine ou ses principes moraux : le temps des apologistes est achevé. Mais il devient important, pour la communauté chrétienne, de se définir une doctrine qui prenne en compte les données philosophiques. Le quatrième siècle sera l’âge des grands docteurs qui, au milieu des conflits dogmatiques, vont affirmer la foi de l’Eglise, dans une pure fidélité à Évangile Pendant les premières années de la persécution, sous Dioclétien, Eusèbe de Césarée, d’origine pourtant modeste, révise et édite tous les livres saints ainsi que les oeuvres d’Origène qui se trouvaient à Césarée : il compile tous les ouvrages qui lui sont accessibles et constitue ainsi des recueils qui lui serviront à composer ultérieurement ses grands ouvrages. Après avoir dû s’exiler, au cours de la persécution, il rentre à Césarée et y est élevé à l’épiscopat : c’est la grande période de sa vie où il devient le premier écrivain à composer une histoire de l’Eglise. Rapidement, Eusèbe est impliqué dans la crise suscitée dans l’Eglise par le prêtre Arius, pour qui il prend parti ; et, à partir du concile de Nicée, qui tentera de régler l’affaire arienne, il est de plus en plus engagé dans les polémiques ecclésiastiques… Il déploya son talent à montrer la mission presque providentielle que l’Empire romain, pacifié autour de Constantin, a pu jouer dans l’histoire de l’Eglise. Et lorsque Constantin meurt, Eusèbe compose un éloge de ce grand empereur, dont le règne était, selon lui, le signe même de l’action de Dieu qui veut assurer la victoire définitive de la foi chrétienne sur le paganisme.
Contemporain d’Eusèbe de Césarée, qu’il rencontra au cours du concile de Nicée, Athanase d’Alexandrie joua un grand rôle dans la définition dogmatique de la trinité, de la nature même du Dieu unique en trois personnes. A Nicée, il accompagnait son évêque, dont il était le diacre et le secrétaire personnel ; en 328, la foule, exaltant son ascétisme, l’acclame lorsqu’il est élu successeur de son évêque, Alexandre. Mais l’affaire arienne qui n’a pas été entièrement résolue à Nicée lui fera connaître une vie agitée par des exils répétés, une vie de proscrit éloigné de sa vie épiscopale. Et malgré les vicissitudes de son existence, il composa une oeuvre théologique magistrale, en prenant son appui sur les décisions conciliaires : il se place d’emblée dans la perspective de l’histoire du salut. Le Christ a pu sauver les hommes parce qu’il était vraiment Dieu, et ce salut qu’il apporte n’est autre qu’une divinisation de l’humanité : le Fils de Dieu s’est fait homme pour que tous les hommes puissent devenir enfants de Dieu. Telle est l’affirmation centrale de la pensée théologique d’Athanase, qui assurera la démarche trinitaire et christologique dans l’histoire ultérieure du dogme chrétien.

Les premières hérésies et les conciles oecuméniques
Le Concile de Nicée, dont il a déjà été question précédemment, marque une étape importante dans la vie de l’Eglise du quatrième siècle. Mais la déviation entreprise par le prêtre Arius n’était pas le premier écueil sur lequel la foi chrétienne aurait pu s’échouer. Dès les deux premiers siècles, les communautés locales, qui suivaient leurs traditions propres, connaissaient des tendances et des formes très diversifiées : l’unité de l’Eglise s’en trouvait menacée. Il y eut donc confrontation entre l’orthodoxie et l’hétérodoxie, la droite ligne de Évangile et les différentes déviations. La grande crise traversée par les communautés chrétiennes, à la fin du premier siècle et pendant une très grande partie du deuxième, est le gnosticisme. Ce dernier trouve son origine dans les zones marginales, au sens géographique et au sens spirituel, du judaïsme et du judéo-christianisme. Les ébionistes affirmaient que Jésus était un homme parmi tous les autres hommes, semblables à eux en tant que fils de Joseph et de Marie : cette conception de Jésus comme le prophète annoncé par Moïse, et non pas comme le propre Fils de Dieu, était une caractéristique de ce mouvement hétérodoxe à l’intérieur du judéo-christianisme. Les ébionistes pourraient très bien être les héritiers de sectaires Esséniens de Qumran, qui se seraient convertis au christianisme après la ruine du Temple de Jérusalem en 70. L’elkasaïsme est une autre secte qui apparaît vers l’année 100 : son fondateur aurait reçu une révélation, par un ange, lui annonçant la rémission des péchés commis après le baptême chrétien. Pour ce courant, Jésus est également un prophète ; et donc, l’elkasaïsme est un mouvement chrétien hétérodoxe. Mais il est aussi un courant juif hétérodoxe puisqu’il rejette de nombreuses pratiques du judaïsme et ne reconnaît que certaines parties de l’Ancien Testament. Les nicolaïtes condamnaient le Dieu de l’Ancien Testament qui avait trompé les espérances de la restauration d’Israël, et ils professaient une doctrine de la liberté totale, qui conduisait au libertinisme moral. Cérinthe, un autre judéo-chrétien hétérodoxe, est le premier représentant du courant gnostique : il maintenait la circoncision et le sabbat, attendait un royaume du Christ installé dans le monde matériel après la résurrection, avec la restauration du culte au Temple de Jérusalem ; le fait qu’il n’admet pas que le monde ait été créé par Dieu, mais bien par une puissance qui ignore Dieu, le place dans le gnosticisme proprement dit.
Son principal successeur, Carpocrate, rejette l’affirmation de la création du monde par le Dieu biblique ; ce monde aurait été créé par des anges ou ‘archontes’. Pour lui, Jésus est né de Joseph et une puissance divine est descendue sur lui, au moment de son baptême, sous l’apparence d’une colombe ; celui qui partage cette puissance divine descendue sur Jésus peut devenir son égal et accomplir les mêmes prodiges que lui. Carpocrate prônait également l’amoralisme. Puisque les archontes permettent ou imposent des vices aux hommes, autant les pratiquer tous sans attendre pour éviter d’être réincarné par les soins de ces mauvais anges dans des vies successives où l’on devrait encore subir tous les vices non encore pratiqués durant l’existence présente. Après Carpocrate, un des grands représentants du gnosticisme sera Marcion, le fils d’un évêque de Sinope, dans le Pont : il fut doté d’une bonne formation intellectuelle. Mais, alors qu’il était encore jeune, il fut exclu de la communauté chrétienne par son propre père. Il voyagea alors en Asie Mineure, pour faire connaître son interprétation de Évangile, mais il ne fut guère écouté des milieux chrétiens. Pour lui, le Dieu de l’Ancien Testament est un Dieu foncièrement mauvais, puisqu’il a créé l’homme faible et mortel et qu’il a permis sa chute dans le péché. Jésus a révélé l’existence du Dieu inconnu et bon : crucifié et ressuscité, Jésus est la seule et unique source de salut pour l’ensemble des hommes. Mais sa prédication, son Évangile a été falsifié par des judaïsants qui, bien que disciples immédiats de Jésus, se sont à nouveau soumis au Dieu de l’Ancien Testament. Seule, la position d’un Paul de Tarse pouvait être acceptée, à condition de la purifier de toutes les interprétations ajoutées par les judaïsants : à partir de là, il serait possible de retrouver la pureté de Évangile Avec ces données scripturaires, Marcion construit une doctrine du salut universel obtenu en menant une vie frugale, en s’abstenant du mariage et en vivant selon une discipline communautaire très forte. Sa doctrine eut un certain succès, puisque Justin, dans sa première Apologie, en 150, en signale l’existence, tout en la réfutant par ailleurs.
Tous les écrivains chrétiens, de la fin du deuxième siècle, publieront des textes s’attaquant à la théologie marcionnienne. Si Marcion était surtout un organisateur de communautés et un fondateur Églises, Valentin est un théologien et un mystique : il veut expliquer la conscience malheureuse des hommes par des raisons purement métaphysiques : la vie tragique de l’homme dans un monde hostile est l’illustration de ce que peut éprouver l’être spirituel qui se trouve enfermé dans une enveloppe charnelle, au coeur d’un monde strictement matériel. L’homme se sent appelé à une autre réalité, qui est la véritable révélation, la ‘gnose’, mais qui est réservée aux seuls spirituels purs, des hommes que la tradition juive n’a pas pu produire, puisqu’elle faisait de l’homme le responsable de son malheur collectif et individuel. L’homme spirituel aspire donc à sortir de la condition de déchéance dans laquelle il se trouve immergé pour réintégrer la patrie spirituelle qui était la sienne avant le commencement des temps…
Devant la multiplicité des courants qui traversent le deuxième siècle, l’autorité des évêques va s’affirmer : le christianisme change de visage pour s’organiser en une Eglise véritablement universelle (catholique), qui est apte à exprimer sa foi dans les concepts théologiques véhiculés à cette époque. Dans la première moitié du troisième siècle va surgir une nouvelle religion : le manichéisme, dont le fondateur, Mani, fut affilié, en même temps vraisemblablement que son père, à une secte baptiste ; il fréquenta des adeptes de différentes religions, ceux de la religion traditionnelle de l’Iran, le mazdéisme, ceux du brahmanisme et du bouddhisme, ceux du judaïsme et du christianisme – et particulièrement des disciples de Marcion. C’est en 240 que Mani aurait eu la révélation de sa mission, qui était de poursuivre l’oeuvre des grands initiateurs, Zoroastre, Bouddha, Jésus… L’Eglise qu’il veut établir est une communauté de parfaits auxquels peuvent s’adjoindre, mais à un degré inférieur, des hommes pécheurs et imparfaits : le monde matériel étant mauvais, il recommande de s’abstenir du mariage. L’influence du manichéisme se prolongera au Moyen-Age.
Au début du troisième siècle, à Rome, un certain Sabellius professe une doctrine qui porte directement atteinte au dogme de la Trinité, qui s’ébauchait dans l’Eglise : cette doctrine, le sabellianisme, est un modalisme ou un monarchianisme, en ce sens qu’elle donne une supériorité, non seulement chronologique mais aussi ontologique, au Dieu-Père, dont le Fils et l’Esprit ne sont que des modes. Une fois élu évêque de Rome, Calixte condamne Sabellius. Mais l’affaire n’en resta pas là. Elle rebondit quarante années plus tard, car certains évêques s’étaient même laissé gagner à la doctrine sabellienne et n’osaient plus parler du Fils. Cette forme hétérodoxe finissait par ne plus reconnaître les distinctions entre les personnes divines, qui étaient en quelque sorte confondues en une seule entité. Contre cette tentation hétérodoxe du monarchianisme sabellien, le prêtre Arius d’Alexandrie entreprit une réflexion pour tenter d’éclairer les relations qui pouvaient exister à l’intérieur de l’Être de Dieu. Mais la doctrine que se met à prêcher Arius est beaucoup plus philosophique que théologique : les personnes divines ne peuvent pas être confondues, mais elles ne peuvent pas davantage être égales. Pour sauvegarder, à l’intérieur de la Trinité, l’originalité du Père, non engendré et non devenu, seul à être vraiment sans principe, seul à être vrai Dieu, Arius fut conduit à dévaloriser le Verbe, en accordant au Père une supériorité ontologique. Il était ainsi amené à prôner une subordination du Fils par rapport au Père : le Fils ne peut pas être pleinement Dieu, puisqu’il a été engendré par le Père : il est un Dieu second, qui permet aux hommes d’approcher du mystère du seul vrai Dieu, qui est inconnaissable et inaccessible.
La réaction officielle de l’Eglise d’Alexandrie, dirigée alors par l’évêque Alexandre, ne se fit pas attendre : cet évêque réunit un concile local, rassemblant une centaine d’évêques Égypte et de Libye, qui anathématisent Arius et l’excommunient ainsi que ceux qui restaient fidèles à sa doctrine. Mais l’affaire n’en resta pas là, elle déborda les frontières de Égypte Arius rechercha des appuis auprès de ceux qui furent jadis ses condisciples : des synodes provinciaux, notamment en Palestine, réhabilitèrent Arius… D’une crise purement doctrinale à l’origine, on passe très vite à un conflit généralisé dans toute l’Eglise, car Alexandre ne reste pas inactif : il fait parvenir, sous forme de lettres, ses décisions aux évêques grecs et à Sylvestre de Rome. L’agitation dans le monde ecclésiastique prend donc une grande extension dans l’empire que Constantin vient de réunifier, en utilisant également la force que pouvait représenter le christianisme au début du quatrième siècle. Pour résoudre les problèmes qui divisaient l’Eglise et qui menaçaient ainsi l’unité de l’Empire, Constantin convoque un concile ; et celui-ci ne sera pas seulement local, mais puisque l’empereur se considère comme le maître absolu du monde, ce concile sera mondial, universel, oecuménique. L’empereur met à la disposition des évêques la poste impériale, dont les services devaient favoriser la participation des évêques les plus éloignés. Pourtant, le nombre des évêques présents ne fut pas excessivement élevé : les Occidentaux étaient peu nombreux à Nicée une ville proche de Nicomédie, le 20 mai 325, jour où l’empereur Constantin ouvrit et présida ce premier concile oecuménique. Le pape Sylvestre de Rome délégua, à sa place, deux prêtres romains. L’absence du pape au concile créa ainsi un précédent : dans la plupart des conciles ultérieurs, l’évêque de Rome se fera représenter, afin de ne pas trop peser de son autorité sur les évêques du monde et sur le déroulement de leurs délibérations. Selon les désirs de l’empereur, les évêques commencèrent par examiner la question arienne : malgré la présence de certains partisans d’Arius, les erreurs de celui-ci furent condamnées par une puissante majorité, qui confirma ainsi les décisions du concile local d’Alexandrie. Mais, pour enrayer le développement de l’hérésie, les Pères conciliaires voulurent proclamer la foi de l’Eglise, dans son authenticité :
D’une part, le concile voulait effacer les expressions impies des ariens et, d’autre part, employer des termes tirés de Écriture et admis par tous pour confesser que le Fils n’est pas tiré du néant, mais de Dieu, qu’il est Verbe et Sagesse, et non pas une créature ou un ouvrage, qu’il est le propre rejeton du Père.
C’est ainsi qu’Athanase d’Alexandrie, le diacre et secrétaire particulier de l’évêque Alexandre, résume le concile, dans son ouvrage ‘De decretis Nicaenae synodi’. Ainsi, les Pères conciliaires proclamèrent la vraie doctrine, sous forme d’un symbole, affirmant que Jésus, le Christ est vraiment le Fils de Dieu, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, et déclarant en plus qu’il est consubstantiel au Père (omoousioV). Un nouveau terme était ainsi introduit dans la doctrine chrétienne, un terme qui n’était pas issu de Écriture sainte, mais de la pensée philosophique ; le christianisme manifestait ainsi sa capacité de fécondité pour exprimer le donné de la révélation dans le cadre des cultures ambiantes. La doctrine chrétienne fut exprimée dans un symbole, qui serait, selon Eusèbe de Césarée, le symbole baptismal de l’Eglise de Césarée :
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles ; et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre ; qui, pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu, s’est incarné, s’est fait homme, a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts ; et nous croyons en l’Esprit-Saint. Pour ceux qui disent : II fut un temps où il n’était pas, et : Avant de naître, il n’était pas, et : il a été créé du néant, ou qui disent que le Fils est d’une autre substance ou d’une autre essence, ou qu’il est soumis au changement ou à l’altération, l’Eglise catholique et apostolique les anathématise.
Malgré cette profession de foi, exprimée le 19 juin 325, et la condamnation des erreurs ariennes, l’arianisme n’était pas encore totalement expurgé de l’Eglise, bien que Constantin lui-même prît les mesures nécessaires pour faire appliquer les décisions conciliaires : il exila deux évêques restés solidaires d’Arius. Et si les Pères conciliaires se séparent dans l’euphorie, les discussions vont rapidement reprendre dans les milieux ecclésiastiques, en raison du caractère trop matériel du terme homoousios Ce terme n’était pas scripturaire, ainsi qu’il a déjà été dit : dans la langue courante, il signifiait : fabriqué d’un même métal. Les évêques orientaux acceptèrent difficilement ce terme d’homoousios, qui semblait tolérer la présence d’un certain subordinatianisme.
Les discussions dureront avec âpreté dans l’Eglise pendant un demi-siècle : la définition de la consubstantialité du Père et du Fils dut attendre l’empereur Théodose pour s’imposer définitivement dans la doctrine chrétienne. D’autres tendances hérétiques se faisaient jour dans l’Eglise : elles concernaient également la personne de l’Esprit-Saint. Pour en terminer avec toutes ces discussions et erreurs, l’empereur Théodose réunit un nouveau concile à Constantinople, le deuxième concile oecuménique, mais qui ne rassembla guère que des évêques orientaux : le pape Damase ne fut même pas représenté à cette assemblée, qui se déroula de mai à juillet 381. Les Pères de Constantinople reprirent le Symbole de Nicée en lui incorporant de nouveaux éléments, déjà en usage dans l’une ou l’autre Eglise orientale ; ils développèrent le troisième article du Symbole, qui concerne l’Esprit-Saint, en le nommant Seigneur, en déclarant qu’il est source de vie et qu’il procède du Père, en un mot qu’il est Dieu :
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles ;
et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait ; qui, pour nous, les hommes et pour notre salut, est descendu des cieux, par le Saint Esprit s’est incarné de la Vierge Marie, et s’est fait homme ; il a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, a souffert, a été enseveli, est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, est monté aux cieux ; il siège à la droite du Père et il reviendra en gloire juger les vivants et les morts ; son règne n’aura pas de fin ;
et en l’Esprit Saint, le Seigneur, qui vivifie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié ; qui a parlé par les prophètes ;
et en l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique. Nous confessons un baptême pour la rémission des péchés. Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir.
La traduction latine de ce Symbole de la foi ajoutera ‘et du Fils’ après l’affirmation que l’Esprit ‘procède du Père’. Ce ‘Filioque’ fut d’abord introduit en Espagne, avant de se répandre dans les Églises de Gaule et de Germanie. Benoît VIII l’introduira définitivement dans le Credo de la liturgie latine, les Grecs n’admettant pas que l’on puisse ajouter une mention quelconque au symbole de la foi, proclamé par les Pères conciliaires. Ce n’est donc qu’au onzième siècle que cette profession de foi sera un texte normatif dans l’Eglise universelle : elle sera connue sous le nom de ‘symbole de Nicée-Constantinople’. Mais, après le concile de Constantinople, l’hérésie arienne est définitivement vaincue. L’empereur Théodose se charge en effet de poursuivre les ariens, tout en établissant une législation qui expurge son empire de toutes les survivances du paganisme. A la fin de son règne, le christianisme est devenu la religion officielle de tout le monde soumis à la puissance romaine. La crise arienne était enfin dissipée, et le christianisme avait acquis ses lettres de noblesse, tout en développant sa pensée théologique, dans une formulation du mystère chrétien dans les concepts philosophiques courants de cette époque.

 

BETHLEEM DANS L’HISTOIRE

12 décembre, 2010

du site:

http://198.62.75.1/www1/ofm/sites/TSbistoire_Fr.html

BETHLEEM DANS L’HISTOIRE
  
L’histoire de Bethléem ressemble à celle de toutes les villes du monde: au cours des siècles, ses habitants n’ont pas joui d’une grande paix. Le lieu de la naissance du Sauveur est aujourd’hui une modeste ville. Rien de splendide en cet endroit choisi par le Seigneur, et nous pourrions paraphraser le prophète Michée en disant: « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es qu’une des villes de Palestine, bien que de toi soit sorti le chef du peuple des croyants ».
Sous Hérode le Grand (37-4), la Palestine avait formé un seul Etat souverain, tout en étant vassal de Rome. A la mort du roi, comme Auguste avait aboli la dignité royale, le pays fut morcelé en plusieurs tétrarchies. En l’an 6 de l’ère chrétienne, sous le nom de Judée, il fut rattaché à la province impériale de Syrie, avec un procurateur résidant à Césarée-Maritime et directement responsable devant l’empereur. Des légions y furent envoyées en garnison, notamment la Xe légion Fretensis, qui séjournait à Jérusalem.
Si elle échappa au sort que Titus infligea à Jérusalem en 70, la ville de Bethléem fut par contre victime de la violence d’Hadrien, après la seconde révolte juive que Bar Kozeba avait fomentée contre les Romains (132-135).
Poussé par un calcul politique astucieux, Hadrien profana la sainteté de la grotte de la Nativité en faisant planter au-dessus un bosquet sacré en l’honneur de Tammouz-Adonis, de même qu’il avait érigé à Jérusalem, sur les lieux de la Passion et de la Résurrection, les statue de Vénus et de Jupiter. Comme les juifs étaient bannis, la population de Bethléem pouvait compter à cette époque de nombreux païens disposés à continuer des rites agrestes, autrefois communs en Orient. Des lieux de culte syncrétiste se trouvaient aussi en d’autres endroits; exemple : celui de Mambré. Minoritaires, les chrétiens d’origine juive, c’est-à-dire les judéo-chrétiens, ne pouvaient certainement pas s’opposer aux ordres impériaux. La Palestine fut donc officiellement païenne, comme tout le monde romain, jusqu’en 313, année où Constantin proclama la liberté du culte.
En 324, Hélène, mère de Constantin, visita la Terre sainte. Dès l’année suivante, à la demande de l’évêque Macaire de Jérusalem qu’il avait rencontré au premier concile œcuménique de Nicée, l’empereur affecta des sommes importantes à la construction d’églises. L’une d’elles fut érigée sur le lieu de la Nativité. Les traditions chrétiennes, jalousement gardées par les judéo-chrétiens, étaient tellement claires et enracinées que la localisation du site ne posa pas de problème: les travaux purent commencer en 326.
Bethléem devint très vite un centre important de vie monastique. Arrivé en 384, saint Jérôme s’y adonna pendant 36 ans à une extrême pénitence, tout en prenant une part active aux disputes théologiques contre les hérétiques et en se livrant à la tâche énorme dont l’avait charge le pape saint Damase, celle de réviser les vieilles traductions latines de la Bible et de composer une nouvelle version fondée sur les textes originaux hébreux et grecs (traduction dite La Vulgate).
En 386, la Romaine Paule, descendante des Gracques et des Scipions, s’établit à Bethléem avec sa fille Eustochium ; elle fut bientôt suivie de nombreuses femmes des grandes familles patriciennes de Rome. Paule consacra son immense fortune à l’érection de deux monastères (un pour saint Jérôme et ses disciples , un autre pour elle et ses religieuses) et d’un hospice pour les pèlerins. Saint Jérôme était le chef spirituel vénéré de toutes ces âmes qui s’efforçaient à Bethléem de vivre dans l’humilité, réchauffées par la lumière divine.
A la mort de saint Jérôme (420), la direction des monastères fut peut-être confiée à Eusèbe de Crémone, disciple du grand exégète. Il mourut malheureusement déjà deux ans plus tard et la vie monastique de Bethléem ne lui survécut pas longtemps.
Lorsque l’Empire romain fut divisé en deux, la Palestine fit partie de l’Orient (395). La prise de Rome par les Wisigoths d’Alaric (410) entraîna un afflux de réfugiés dans tout l’Orient. Nombre d’entre eux se dirigèrent vers Bethléem, au point que saint Jérôme se trouva dans l’impossibilité de les aider tous.
En 529, les Samaritains de Naplouse, en révolte contre Byzance, purent aisément saccager Bethléem, dont les murs délabrés n’offraient plus aucune résistance. Deux ans plus tard, à la demande de saint Sabas, délégué par le patriarche de Jérusalem, l’empereur Justinien fit reconstruire la basilique, édifier des églises et des monastères et entourer la ville d’une nouvelle enceinte de murs pour la protéger contre les attaques des pillards.
En guerre contre les Byzantins, les Perses de Chosroès II s’emparèrent de la Palestine en 614, accueillis avec faveur par les juifs qu’animait un esprit d’aversion contre le christianisme triomphant. Alors qu’ils avaient mis Jérusalem et ses environs à feu et à sang, les envahisseurs épargnèrent Bethléem. Ils renoncèrent à leurs projets de vandalisme à la vue d’une mosaïque de la basilique de la Nativité, où était représentée l’adoration des mages habillés en Perses. L’absence d’une description détaillée de l’ancienne basilique nous empêche de déterminer l’endroit où se trouvait cette mosaïque. Il est probable qu’elle décorait la partie supérieure de la façade. L’empereur Héraclius ne put libérer l’Empire d’Orient de ces envahisseurs et reconquérir la Palestine qu’en 629.
De nouveaux maîtres se présentèrent en 637 avec l’invasion des Arabes musulmans. Pour la première fois depuis trois siècles, Bethléem ne célébra pas la fête de Noël. Après avoir battu définitivement les Byzantins, le calife Omar occupa en 638 Jérusalem, dont le nom fut changé en el-Qouds, la Sainte. Il alla prier dans la basilique de la Nativité, instaura une politique de tolérance et garantit au patriarche Sophrone l’intégrité de l’église. La cohabitation des chrétiens et des musulmans fut supportable: les musulmans avaient le droit de prier dans l’abside sud, tournée exactement vers La Mecque, et les chrétiens veillaient à l’entretien de l’édifice. Cette communauté de la vie cultuelle n’est pas surprenante, les musulmans respectent le Christ comme prophète et honorent la Vierge Marie. On peut encore aujourd’hui rencontrer dans la basilique des pèlerins musulmans qui, après avoir visité Jérusalem et Hébron, s’arrêtent pour prier au lieu de la naissance de Jésus. Les musulmans vénéraient en outre la basilique parce qu’ils croyaient que les sépultures de David et de Salomon se trouvaient à proximité.
La conquête arabe entraîna toutefois le déclin de la vie chrétienne à Bethléem. Tandis qu’il existait au moins six couvents à l’époque de Justinien, le recensement des monastères de Terre sainte, le Commemoratorium de casis Dei, établi à la demande de Charlemagne en 808, relevait seulement 17 religieux à Bethléem (prêtres, moines, clercs et stylites).
Les successeurs d’Omar continuèrent la politique de tolérance jusqu’en 1009. Cette année-là, le fanatique calife égyptien el-Hâkim fit détruire le Saint-Sépulcre et déchaîna une véritable persécution contre les chrétiens. Mais Bethléem fut de nouveau épargnée, soit, selon les uns, qu’une intervention miraculeuse arrêtât el-Hâkim, soit, selon d’autres, que la basilique dût la protection au désir du calife de continuer à recevoir le tribut exigé des chrétiens depuis Omar.
En 1099, la ville ne put échapper à la furie des musulmans, qui la dévastèrent à l’approche des croisés. Craignant que la basilique ne fût détruite comme les autres églises, les habitants envoyèrent des messagers à Godefroi de Bouillon, caserné à Emmaüs, et l’invitèrent à s’emparer de leur ville. Godefroi chargea de cette mission Tancrède et cent cavaliers. Bientôt, au milieu de la jubilation de tous les chrétiens, le drapeau des croisés était hissé sur la basilique. La nuit de Noël 1100, le patriarche y couronna Baudouin premier roi de Jérusalem. Baudouin Il y reçut à son tour la couronne à Noël 1119. Ces rois évitaient ainsi le scandale de recevoir une couronne temporelle dans la ville où le Christ avait été couronné d’épines.
La conquête des croisés ouvrit un chapitre nouveau de l’histoire de Bethléem. Reconstruite, la ville devint une forteresse. On y érigea aussi un monastère pour les chanoines de Saint-Augustin chargés du service liturgique en latin. Les autorités de l’Eglise byzantine n’avaient pas accordé de prééminence particulière à la basilique : jusqu’aux croisades, celle-ci avait seulement constitué une paroisse du patriarcat de Jérusalem. En 1110, le roi Baudouin Ier obtint du pape Pascal II l’érection de la ville en siège épiscopal. Le diocèse eut d’ailleurs une existence brève et devint ensuite un siège titulaire.
En 1165-1169, l’empereur Manuel Porphyrogénète Comnène de Constantinople, le roi franc Amaury et l’évêque Raoul de Bethléem firent restaurer et décorer la basilique: l’édifice reçut une couverture de cèdre et de plomb; de nouvelles dalles de marbre remplacèrent le vieux pavement usé; un revêtement de marbre blanc orna les murs latéraux et un revêtement de mosaïque, la partie supérieure de la nef centrale; la voûte de la grotte de la Nativité fut décorée de mosaïques polychromes et dorées, dont certaines étaient faites de cubes de verre et de nacre.
Après la défaite de Hattîn et le départ des croisés (1187), Bethléem, comme la grande majorité des villes du Royaume franc, tomba au pouvoir de Saladin. A partir de 1192, à la demande d’Hubert Walter, évêque de Salisbury et ambassadeur de Richard Cœur de Lion, les musulmans autorisèrent de nouveau le culte latin pendant un certain temps contre le paiement d’un tribut par les fidèles.
Grâce à deux trêves (la première conclue entre l’empereur Frédéric II et le sultan d’Egypte Mélik el-Kàmil, la seconde entre le roi de Navarre et le sultan de Damas), Bethléem retourna sous l’autorité chrétienne de 1229 à 1244. Les chanoines de Saint-Augustin reprirent possession de leur siège et le monde chrétien eut de nouveau accès à la basilique.
En 1244, des bandes de Turcs Khwârizmiens triomphèrent des croisés et du sultan de Damas. Après le départ des Khwârizmiens, quelques années plus tard, le sort de la Palestine ne s’améliora pas sous les Mamelouks d’Egypte, dont le chef Baïbars expulsa les chrétiens de Bethléem et détruisit les murailles de la ville (1266). Le bannissement des chrétiens ne dura cependant pas longtemps. Les pèlerinages furent de nouveau tolérés; mais les chanoines de Saint-Augustin ne survécurent pas à ce second exil. Les nouveaux maîtres continuèrent à se servir des Lieux saints au profit des caisses de l’Etat et des poches des particuliers. Cette politique devait être largement exploitée plus tard par les Ottomans. Le Royaume franc prit fin en 1291. La Palestine demeura avec la Syrie sous l’autorité des Mamelouks, d’origine circassienne et turque, anciens esclaves devenus maîtres de l’Egypte en 1252. Au début du XIIIe siècle étaient arrivés en Terre sainte les premiers missionnaires franciscains. Pendant l’époque des croisades, comme chapelains et conseillers, ils procurèrent leur aide spirituelle aux combattants. Les périodes suivantes les virent plusieurs fois verser leur sang. Installés déjà au Cénacle en 1333, les « frères de la corde » entrèrent de 1335 à 1337 en possession des terrains sur lesquels s’élevaient le Cénacle et le Saint-Sépulcre; le 21 novembre 1342, Clément VI, par les bulles Gratias agimus et Nuper carissimae, leur concéda la garde des Lieux saints (Bullarium Franciscanum, Roma, 1902). En 1347, ils s’établirent définitivement à Bethléem, où ils travaillaient déjà depuis quelque temps, et obtinrent le droit d’officier dans la basilique. A la fin du XVe siècle existait encore l’enceinte des murs que renforçaient deux grosses tours, l’une à l’ouest sur le sommet de la colline, l’autre à proximité de la basilique. Sélim Ier de Constantinople, qui avait enlevé en 1517 la Palestine aux Mamelouks d’Egypte fit abattre l’enceinte et combler les fossés. Au XVIe siècle, Bethléem n’était plus qu’un village presque abandonné. Dans son Très dévot Voyage de Jérusalem (Anvers, 1608), Jean Zuallart, pèlerin en 1586, écrit: [ … 1 Bethléem moderne, qui est à present en pauvre estat, et mal habitée, n’y ayant plus que des petites cabanes, et vieux edifices ruinez: les Bethlehemites et habitans d’icelle sont tous pauvres gens Mores, c’est à dire Arabes Mahometistes et Chrestiens Suriens [ … 1 faisans des chapeletz et croix de bois, qu’ilz nous vendent, et pour ceste cause ilz ont accoustumez, d’enseigner à leurs enfans la langue Italienne [...] ».
Les Turcs avaient en fait manifesté de bonnes intentions au début, en essayant de donner au pays une saine administration et en encourageant un programme de reconstruction. (Qu’on se rappelle l’œuvre de Soliman le Magnifique qui releva en 1539-1542 les murailles de Jérusalem, encore admirées aujourd’hui.) Mais les Turcs avaient fini par exploiter et piller la région au point de l’acculer à la misère. Bethléem fut pendant 400 ans une des nombreuses victimes de la gabegie turque et connut en plus, à partir du XVIe siècle, les luttes sanglantes qui mirent aux prises les latins et les grecs pour l’hégémonie dans la basilique de la Nativité.
Les pères franciscains avaient en 1347 obtenu du sultan la possession de la grotte et, ensuite, acquis le droit de jouir de la basilique et de subvenir à son entretien. Le P. Gerardo Calveti, gardien du Mont-Sion, avait fait à la fin du XIVe siècle un voyage en Europe pour demander aux princes d’aider à la restauration du sanctuaire. En 1479, le père gardien Giovanni Tomacelli avait persuadé Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et le roi Edouard IV d’Angleterre de pourvoir à la réfection du toit. Ces faits, outre l’existence de nombreux firmans des sultans, confirmaient les droits des latins. Mais, au XVIe siècle, grâce à l’avidité des pachas et des beys, les grecs réussirent très souvent à racheter les biens acquis par les franciscains; des lieux saints furent même plusieurs fois cédés successivement aux uns et aux autres.
De plus, le sort des frères mineurs dépendait des guerres qui opposaient les Ottomans et les Républiques maritimes. Ainsi, en 1537, comme pour se venger de la destruction de sa flotte par les Génois, Soliman II incarcéra pendant trois ans les franciscains de Jérusalem et de Bethléem, d’abord dans la Tour de David et ensuite à Damas. La victoire des Ottomans sur la république de Venise (1669) rendit désespérée la situation des franciscains et améliora celle des grecs, qui furent autorisés à prendre possession de la basilique et de la grotte de la Nativité.
En 1690, les latins recouvraient leurs droits sur la grotte. Ils remplacèrent en 1717 l’étoile, alors vétuste, qui marquait le lieu de la naissance de Notre-Seigneur, par une nouvelle étoile portant l’inscription latine: Hic de Virgine Maria Jesus Christus natus est. Les grecs reprirent en 1757 possession de la basilique et de l’autel de la Nativité et enlevèrent en 1847 l’étoile qui attestait les droits des latins. Grâce à l’intervention du gouvernement français auprès de la Sublime-Porte, une autre étoile latine fut placée en 1853 sous la table de l’autel. L’étoile enlevée aurait été cachée dans le couvent grec de Mâr Saba où, d’après un journaliste juif, elle se trouvait encore quelques années avant 1949. Il y eut plusieurs tentatives ultérieures pour détacher de nouveau l’étoile; des clous furent même enlevés en 1950.
La disparition de l’étoile de Bethléem a constitué une des occasions de la guerre de Crimée (et, incidemment, la cause première de la création du corps italien des bersagliers). Mais, pour ce développement de l’affaire de l’étoile, comme pour le problème connu sous le nom de statu quo, et qui intéresse aussi les autres lieux saints, disons seulement ici que les communautés latine, grecque orthodoxe et arménienne orthodoxe sont copropriétaires de la basilique. (Entre 1810 et 1829, les arméniens orthodoxes avaient en effet réussi à s’établir dans la basilique et à prendre possession du bras nord du transept.) Les grecs orthodoxes ont le droit d’officier à leur autel, de même que les arméniens orthodoxes. Dans la grotte de la Nativité, les latins sont propriétaires d’un escalier, de la Crèche, de la voûte, des parois longues, ainsi que du pavement, et ils ont le droit de célébrer la messe à l’autel des Mages. Les grecs orthodoxes possèdent la petite abside de la Nativité, où ils célèbrent la messe. Ils partagent ce droit avec les arméniens orthodoxes. Les syriens orthodoxes peuvent officier dans la basilique deux fois par an (Noël et Pâques) et les coptes orthodoxes une fois par an (Noël). Chacune des communautés copropriétaires détient une des trois clés qui ouvrent et ferment la petite porte de la basilique. Les grecs orthodoxes peuvent exercer leur droit d’ouvrir et de fermer cette porte le matin et le soir, lorsque la cloche latine sonne l’angélus.
Le 25 avril 1873 eut lieu une violente agression des grecs orthodoxes, qui blessèrent huit pères franciscains et saccagèrent la grotte de la Nativité, enlevant tout ce qui avait quelque valeur. A la suite de cet événement, le sultan fit mettre une sentinelle pour veiller sans relâche à la paix dans la grotte de la Nativité. Les attaques des grecs ne cessèrent pourtant pas, et d’autres frères mineurs furent victimes de coups et de blessures. Après la première guerre mondiale, la sentinelle anglaise ne servit pas non plus à grand-chose: l’année 1928 vit de nouvelles violences.
La situation se présente différemment aujourd’hui: les rapports sont cordiaux et un certain esprit de collaboration facilite la cohabitation des trois communautés.
Mais reprenons le cours des événements historiques avec l’année 1831. En Egypte, le pouvoir était alors exercé par un Albanais, Mohammed Ali, qui avait combattu contre Napoléon comme bin-bashi (plus grand) des bashibozuq (troupes irrégulières turques). Ce soldat courageux, doublé d’un homme d’Etat, était devenu gouverneur, mais il désirait faire de l’Egypte un Etat indépendant de Constantinople. Il engagea donc les hostilités contre la Turquie et, durant une campagne, envoya en Palestine une armée de 30000 hommes sous les ordres de son fils Ibrâhîm Pacha. A partir de 1831, et pendant dix ans, la région dépendit de l’Egypte. Les chrétiens expulsèrent les musulmans de Bethléem et Ibrâhîm Pacha, pour punir ces derniers de leurs continuels actes de brigandage, ordonna en 1834 la destruction de leur quartier. Depuis lors, la population de Bethléem a été en majorité chrétienne jusqu’à une époque récente. En 1988 la ville comptait quelque 45500 habitants dont 33500 musulmans et 12000 chrétiens. Avec les deux intifadas (1987 et 2000) l’émigration n’a fait qu’empirer spécialement dans la population chrétienne.
Retombée au pouvoir des Turcs en 1841 et passée sous le Mandat britannique de 1917 à 1948 comme toute la Palestine, puis sous le Royaume hachémite de Jordanie de 1948 à 1967, la localité a fait partie des territoires occupés par Israël de juin 1967 à 1994 date à laquelle, la cité est passée sous autorité palestinienne.

Les Martyrs Scillitains

17 novembre, 2010

du site:

http://www.1000questions.net/fr/Qui-sont/martyrs_scillitain.html

Les Martyrs Scillitains 

1 Notice
Par Paul Monceaux 

    Le 17 juillet 180, à Carthage, devant le tribunal du proconsul d’Afrique Saturninus, étaient traduits douze chrétiens, sept, hommes et cinq femmes, qu’on venait d’arrêter dans la petite ville de Scillium, en Proconsulaire. Après un interrogatoire, où un certain Speratus joua le rôle principal, mais où tous refusèrent de renier leur foi, le proconsul les condamna à mort et les fit aussitôt décapiter.
    Le 17 juillet 180, à Carthage, devant le tribunal du proconsul d’Afrique Saturninus, étaient traduits douze chrétiens, sept, hommes et cinq femmes, qu’on venait d’arrêter dans la petite ville de Scillium, en Proconsulaire. Après un interrogatoire, où un certain Speratus joua le rôle principal, mais où tous refusèrent de renier leur foi, le proconsul les condamna à mort et les fit aussitôt décapiter.
    De ce document, qui a été souvent remanié aux siècles suivants, nous possédons cinq recensions latines et une traduction en grec. L’original était certainement en latin. Dans la série des recensions latines, on voit le texte s’altérer et s’interpoler de plus en plus ; mais la plus ancienne, sauf pour quelques mots, paraît être la reproduction fidèle du document officiel.
     C’est celle dont nous donnons ci-dessous la traduction, d’après l’édition de Von Gebhardt (Acta martyrum selecta, p. 22-27). Sur l’histoire des Scillitains et les recensions du procès-verbal, voir notre étude critique (Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, tome I, p. 61 et suiv).
     Les Actes des Scillitains, postérieurs d’une quinzaine d’années aux Actes de saint Justin, sont le plus ancien document de l’hagiographie africaine, même de l’Afrique chrétienne. A ce titre, ils présentent pour l’historien un intérêt de premier ordre. Mais ils valent aussi en eux-mêmes, par la beauté sévère de la scène, par l’éloquence des faits saisis sur le vif.

2 Les Actes
ACTES DES MARTYRS SCILLITAINS

   Sous le consulat de Praesens, consul pour la seconde fois, et de Claudianus, le seize des calendes d’août, à Carthage, dans le secretarium (salle d’audience), comparurent Speratus, Nartzalus et Cittinus, Donata, Secunda, Vestia.
    – Le proconsul Saturninus dit: «Vous pouvez obtenir le pardon de notre seigneur l’empereur, si vous revenez à la raison ».
    – Speratus dit : « Jamais, nous n’avons rien fait de mal, ni participé à aucune iniquité. Jamais, nous n’avons rien dit de mal. Au contraire, quand on nous maltraitait, nous avons rendu grâces,parce que nous honorons notre empereur ».
    – Le proconsul Saturninus dit : « Nous aussi, nous sommes religieux, et notre religion est simple ; nous jurons par le génie de notre seigneur l’empereur, nous prions pour son salut. Vous aussi, vous devez le faire ».
    – Speratus dit : « Si tu veux m’écouter tranquillement, je vais t’expliquer le mystère de la simplicité ».
    – Le proconsul Saturninus dit : « Tu vas attaquer notre religion; je ne t’écouterai pas. Jurez plutôt par le génie de notre seigneur l’empereur.»
    – Speratus dit : « Moi, je ne connais pas l’empire de ce monde ; mais plutôt je sers ce Dieu qu’aucun homme n’a vu ni ne peut voir avec ses yeux. Je n’ai pas commis de vol ; si j’achète quelque chose, je paie l’impôt. C’est que je connais mon Seigneur, l’empereur des rois de toutes les nations. »
    – Le proconsul Saturninus dit à tous les autres : « Abandonnez cette croyance ».
    – Speratus dit : «La croyance mauvaise, c’est de commettre l’homicide, de rendre un faux témoignage ».
    – Le proconsul Saturninus dit : « Ne vous associez pas à cette folie. »
    – Cittinus dit : « Nous ne craignons personne, si ce n’est le Seigneur notre Dieu qui est au ciel ».
    – Donata dit : « Nous honorons César en tant que César, mais nous ne craignons que Dieu ».
    – Vestia dit : « Je suis chrétienne ».
    – Secunda dit : « Je le suis, je veux l’étre ». – Le proconsul Saturninus dit à Speratus : « Tu persistes à te dire chrétien ? »
    – Speratus dit : « Je suis chrétien ». Et tous firent la même déclaration.
    – Le proconsul Saturninus dit : « Est-ce que vous voulez un sursis pour réfléchir ? »
    – Speratus dit : « Dans une chose si claire, il n’y a pas à réfléchir ».
    – Le proconsul Saturninus dit : « Qu’y a-t-il dans votre boîte ? »
    – Speratus dit : « Les Livres sacrés et les Epîtres de Paul, homme juste ».
    – Le proconsul Saturninus dit: «Profitez d’un ajournement à trente jours, et souvenez-vous. » – Speratus répéta : « Je suis chrétien. » Et tous firent de même.
    – Alors le proconsul Saturninus lut sa sentence sur la tablette : « Speratus, Nartzalus, Cittinus, Donata, Vestia, Secunda, et tous les autres, ont confessé qu’ils vivaient suivant le rite chrétien. Attendu qu’on leur a offert la faculté de revenir à la religion traditionnelle des Romains, et qu’ils ont refusé avec obstination, nous les condamnons à périr par le glaive. »
    – Speratus dit : « Nous rendons grâces à Dieu ».
    – Nartzalus dit : « Aujourd’hui, martyrs, nous sommes au ciel. Grâces à Dieu ! »
    – Le proconsul Saturninus lit faire par le héraut la proclamation suivante : « Speratus, Nartzalus, Cittinus, Veturius, Felix, Aquilinus, Laetantius, Januaria, Generosa, Vestia, Donata, Secunda, sont conduits au supplice par mon ordre ».
    – Tous les martyrs s’écrièrent : « Grâces à Dieu ! »
    Et ils furent aussitôt décapités pour le nom du Christ.

- Fête le 17 juillet

( Extrait de «La vraie Légernde dorée», par Paul Monceaux, de l’Institut, Professeur au Collège de France, Paris 1928, éditions Payot.)  

Aristote au Mont Saint Michel

20 novembre, 2009

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http://www.ichtus.fr/ichtus_article_impression.php3?id_article=418

Livres en vitrine

Aristote au Mont Saint Michel

Date de mise en ligne : 18 juillet 2008

Date de publication : juillet 2008

Malgré les travaux de nombreux médiévistes, nous assistons à une réécriture de l’histoire qui fait dire à certains que les « racines de l’Europe sont autant chrétiennes que musulmanes ». Ainsi s’impose l’idée d’une chrétienté qui devrait tout à l’Islam dans le domaine de la transmission du savoir grec, responsable de son essor culturel et scientifique et que le haut Moyen-âge aurait oublié. C’est cette thèse, cette théorie de la dette qui repose sur des raccourcis, des approximations et un parti prit idéologique, que Sylvain Gouguenheim entend réfuter en présentant une histoire dense et complexe qui n’obéit pas au schéma simpliste et lacunaire qui a cours de nos jours.
 
Aristote au Mont Saint Mchel
Sylvain Gougenheim – Editions du Seuil – 21€Aristote au Mont Saint Michel raconte l’histoire de la sauvegarde, de la transmission et de l’exploitation du savoir grec, depuis Byzance qui se tourna vers ses origines grecques, puis les chrétiens Syriaques et les moines d’Occident.

Les grands centres d’études grecques ne se situaient pas en terre d’Islam, mais à Byzance qui avait pris le relais de la culture antique. Les relations avec Constantinople se sont toujours maintenues par le biais d’échanges culturels directs, telle la circulation des manuscrits et des lettrés grecs et latins. Car en Occident les élites étaient à la recherche d’un tel savoir. Si le Moyen-âge s’est réapproprié la culture antique, il fut un temps où il l’avait presque perdue. Néanmoins des brides de savoir grec ont toujours subsisté et l’Occident chrétien a mené une quête pluri séculaire pour le retrouver, convaincu que c’était là que résidait la matrice de sa civilisation. Cette permanence d’un intérêt pour le savoir grec explique en partie les « Renaissances » culturelles successives de Charlemagne au XIIe siècle. On assista alors au développement de la culture livresque. Si l’Europe a une dette, c’est bien envers Constantinople, l’Empire Romain d’Orient.

Les Chrétiens syriaques n’ont pas tous choisi l’exil et sont restés chez eux, pour résister à l’islamisation en s’accommodant du pouvoir musulman. Le savoir et la science des Grecs ont été conservés et transmis grâce à ces communautés et au rayonnement de leurs innombrables monastères. Au alentour de l’an Mil, la moitié de la population du Moyen Orient était chrétienne. Le syriaque est une langue issue d’une branche de l’araméen, parlée par l’ensemble de ces populations chrétiennes, qui pratiquaient également le grec. Les syriaques avaient traduit dans leur langue Aristote, Galien, Hippocrate, Ptolémée pour comprendre les Grecs et lutter contre les hérésies. Ils les ont traduits à leur tour du syriaque à l’arabe. Ils ont même du créer un vocabulaire arabe pour les termes médicaux, techniques et scientifiques qui n’existaient pas dans cette langue réputée « parfaite ». Les conquérants étaient des guerriers, des marchands, pas des ingénieurs ou des savants, d’où une absence totale de termes scientifiques en arabe. L’Orient musulman doit tout à l’Orient chrétien.

Toujours dans le domaine des traductions, si l’Occident eut recourt au travail des chrétiens syriaques, il entreprit à son tour ses propres traduction du grec au latin. 50 ans avant les traductions d’Espagne (traductions d’après des versions arabes), oeuvra à l’abbaye du Mont Saint Michel un personnage hors du commun, Jacques de Venise. Ce clerc Italien qui vécut à Constantinople, traduisit du grec en latin les œuvres philosophiques et scientifiques d’Aristote avant 1127 et poursuivi son œuvre jusqu’à sa mort vers 1150. Ses traductions connurent un succès stupéfiant, ainsi que celles d’autres traducteurs, demeurés anonymes, qui ont également toutes précédé les traductions venues d’Espagne.

Il ne fait pas de doute que ces traducteurs ont œuvré sur demandes des abbés et des théologiens du nord de la France et d’Angleterre, ce qui leur permit de disposer de l’intégralité des manuscrits d’Aristote et de les faire fructifier. Car ces textes aussitôt traduits, étaient commentés, et cela dans la première moitié du XIIe siècle, au Mont Saint Michel.

Comment cet héritage a-t-il été exploité ? La Grèce avait inventé la politique et l’Europe s’en est inspirée, même s’il faut nuancer « le miracle grec ». Face aux pouvoirs d’une papauté en plein essor, les rois et leurs juristes se sont tournés vers la pensée politique antique, tel Philippe le Bel qui imposa l’antériorité et l’extériorité du pouvoir laïc face à celui de l’Eglise. En Orient musulman, qui disposait des textes d’Aristote depuis 400 ans, personne n’eut une telle audace, nul n’a élaboré de vision laïque du pouvoir. Aristote n’a pas fait évoluer la pensée politique des Abbassides ou des Seldjoukides. Le système juridique gréco-romain n’a jamais eu cours en terre d’Islam, car le droit doit « demeurer dans l’orbite tracée par le Coran » (p 162). En Occident, la naissance de « l’Etat moderne » est l’héritage politique et juridique des mondes gréco-romain et germanique.

Les auteurs musulmans placent la perfection à l’origine, donc ne peuvent ne serait-ce qu’envisager l’idée de progrès. La culture grecque a peu pénétré le monde islamique, car les Arabes musulmans n’ont jamais su le grec, ils n’ont eu accès qu’à des textes traduits et la langue est le premier véhicule de la pensée. La culture grecque a été sélectionnée en Occident, mais il en est resté l’esprit. L’Islam a pris ce qui l’intéressait, mais a rejeté l’esprit. Seule la logique avec quelques restrictions a été admise ; la littérature, la tragédie, la philosophie ont été repoussées. L’héritage grec fut trié selon les exigences du coran. Les deux civilisations, grecque et l’Islam, ne se sont pas mélangées.

Dans le monde chrétien, la philosophie a investi la théologie l’amenant à se modifier. En Islam, le logos grec fut écarté de la réflexion théologique, politique et juridique. Seuls quelques ouvrages mathématiques ou d’optique ont trouvé grâce. Aristote a eu une bien faible influence, alors que ses conceptions du monde, de la science, de la politique ont bouleversé l’Occident. A partir de la foi en un dieu unique, le christianisme et l’Islam ont développé des systèmes de pensée et des pratiques sociales totalement éloignés l’une de l’autre. Les échanges culturels ont été minimes et la civilisation européenne n’a rien emprunté à l’islam en tant que religion.

L’intermédiaire arabe, sans être inexistant, n’a pas eu l’impact qu’on lui attribue. Ce livre s’arrête au XIIe siècle, à l’époque de Saint Louis où l’on peut dater les débuts de la science moderne qui sont au crédit des seuls Européens. Si l’Occident a progressé avec la Physique et les Métaphysique d’Aristote, il s’est surtout développé en exerçant son esprit critique sur ces œuvres. Sans doute à cause de sa longue habitude de l’exercice de la critique, il se libère de la pensée d’Aristote au XVIe siècle.

Avertissement

Vous n’êtes pas sans ignorer qu’il existe aujourd’hui une polémique à propos de cet ouvrage. En effet, Sylvain Gougenheim a osé démontrer que la transmission du savoir grec est passée en Occident en négligeant la case Islam. Proposer une thèse qui ne correspond pas à l’historiquement correct imposé par le législateur, fait que cet historien est victime d’une « fatwa » non pas de n’importe quelle mosquée, mais de ses « distingués » collègues de l’Ecole Normale Supérieure. Dans une pétition, publiée dans Télérama, ses recherches sont dénoncées comme non scientifiques, mais « il serait fastidieux de relever les erreurs » et il est reproché à l’auteur de faire une trop belle part à ce que notre culture doit aux chrétiens. Vous n’êtes pas sans savoir que le mot « chrétien » est devenu un gros mot pour ceux qui cultive ce curieux penchant qui consiste à se dénigrer soi-même. L’ignorance de la tradition culturelle européenne est à ce point patente chez certains professeurs qui croient que ce qu’ils méconnaissent n’existe pas. Rappelons-leur que la rigidité idéologique n’a jamais été favorable à la recherche et qu’ils devraient plutôt s’interroger sur leur responsabilité dans le classement désastreux des universités françaises à l’échelle mondiale.

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L’histoire du Mont Saint-Michel commence par une légende elle même étroitement liée à celle du Monte Gargano, dans les Pouilles (Italie) :

20 novembre, 2009

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http://www.le-mont-saint-michel.org/histoire.htm

L’histoire du Mont Saint-Michel commence par une légende elle même étroitement liée à celle du Monte Gargano, dans les Pouilles (Italie) :

Au début du VIIIème siècle, en 708, Aubert, évêque d’Avranches, suite à une apparition de l’archange Saint-Michel reçoit l’ordre de construire un édifice dans lequel seraient loués les mérites de l’archange. Le pauvre évêque croyant follir n’ose rien faire et décide d’attendre.
 
 Une seconde fois l’archange lui apparaît, et Aubert doute toujours. Mais à la troisième apparition de l’archange plus aucun doute ne subsiste à l’esprit de l’évêque, car Saint-Michel, furieux de ne point avoir été écouté laisse à Aubert une preuve de son pouvoir: dans le crâne de l’évêque apparaît un trou circulaire. Mais l’évêque ne doit pas trop en souffrir car il ne mourra que des années plus tard. Aujourd’hui le crâne d’Aubert est conservé dans la basilique d’Avranches. Cette histoire est-elle vrai ou fausse? Personne ne peut apporter la preuve qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Quoi qu’il en soit, l’évêque certain que ces visions n’étaient point à mettre sur le compte de la folie, entreprend les travaux commandés par l’archange. Il fait construire un petit oratoire en forme de grotte pouvant contenir une centaine de personnes. Il ne reste rien de cette construction sauf un mur visible dans l’une des salles de l’abbaye (Notre Dame sous terre). En 709, construction d’une petite église par Aubert. 
 
Pendant deux siècles des chanoines accueilleront les pèlerins mais au fil du temps ils délaisseront leur mission. Las de cette chose le duc de Normandie, Richard 1er, décide de remplacer les chanoines par des moines bénédictins venus de l’abbaye de Saint-Wandrille. Cela se passe en 966, c’est cette année qui est retenue comme celle de la fondation de l’abbaye. Les bénédictins sont de grands bâtisseurs. Ils font construire une église et quelques bâtiments. Les pèlerins affluent de plus en plus nombreux et la renommée du Mont Saint-Michel ne tarde à être connue de par tout le royaume. Par temps de brouillard, de nombreux pèlerins se perdent sur les grèves et périssent noyés. De plus, les lises, sortes de sables mouvants, ensevelissent les imprudents qui s’aventurent dans la baie sans l’aide d’un guide. Au pied de l’abbaye, une petite ville se construit. Les maisons pour la plupart en bois servent à accueillir les pèlerins. Dès le début du millénaire le métier d’hôtelier existe donc déjà au Mont Saint-Michel. Au sommet du rocher, les moines quant à eux ne perdent pas leur temps, grâce à de nombreux dons, ils bâtissent une vaste église et plusieurs bâtiments annexes: un réfectoire (lieu où les moines prennent leurs repas), un dortoir (lieu où ils dorment), une salle de travail, un promenoir (lieu de détente), une aumônerie (lieu où les pauvres sont reçus et reçoivent l’aumône qui consiste souvent en un léger repas). Quand le duc de Normandie Guillaume le Conquérant décide d’envahir l’Angleterre, il demande son aide à l’abbé du Mont. Celui-ci fait armer quatre bateaux. Après la victoire d’Hastings, Guillaume en signe de reconnaissance fera don de plusieurs territoires Anglais à l’abbaye. En un siècle l’abbaye s’est considérablement enrichie et agrandie. Mais en ce début de XIIème siècles, les malheurs vont se succéder. En 1103 le côté nord de la nef de l’église s’effondre. Dix ans plus tard un incendie se déclare dans une maison de la ville. Le feu se propage de maison en maison et finit par atteindre l’abbaye. Moins de vingt ans après cette catastrophe un nouvel incendie enflamme de nouveau l’abbaye. Cette fois s’en est trop pour les moines qui se relâchent et ne font plus sérieusement leur office. 
Pourtant un homme parvient à lui seul à redonner à l’abbaye son éclat antérieur: Robert de Thorigny, élu abbé en 1154. Diplomate il parvient à réconcilier le roi de France avec le duc de Normandie. Erudit, il acquiert un nombre important de livres ( les livres à cette époque ont beaucoup de valeur) et en écrit quelques-uns. Bâtisseur, il fait construire plusieurs bâtiments dont une plus vaste aumônerie pour accueillir plus de pèlerins. A sa mort l’abbé Robert de Thorigny laisse une abbaye plus puissante, plus riche et totalement revitalisée au niveau spirituel. Dès le début du XIIIème siècle, le duc de Normandie et le roi de France entrent en guerre. Les Bretons alliés pour l’occasion au roi de France montent une armée et marchent vers le Mont qu’ils enflamment. En 1204 la Normandie est rattachée au royaume de France.  
 
Le roi de France Philippe-Auguste, pour dédommager le monastère du préjudice causé par les Bretons alloue une forte somme d’argent à l’abbaye. Cet argent est immédiatement investi dans la construction de la Merveille. La construction de ce bâtiment sur un terrain aussi peu propice (le terrain est en pente) est un véritable tour de force. En 1228 le cloître, sommet de l’édifice, est achevé. Très peu d’évènements viendront marquer le reste du XIIIème siècle, les abbés se succèdent, tous apportent leur marque dans la construction du Mont: pour remplacer l’ancienne palissade en bois, des tours et des remparts sont construits, les logis abbatiaux sont également bâtis durant cette période. Au début du XIVème siècle commence la guerre dite de Cent Ans. L’abbaye perd la totalité de ses revenus provenant de ses prieurés Anglais. En 1356, les Anglais s’emparent de Tombelaine et prennent pour cible le Mont Saint-Michel. Le chevalier Du Guesclin est nommé chef de la garnison du Mont. A la tête de ses troupes il remporte victoire sur victoire et éloigne pour plusieurs années la menace Anglaise. Pierre le Roy est élu abbé en 1386, conscient du danger que représentent les Anglais, il décide de construire de nouvelles défenses pour l’entrée de l’abbaye. La tour Perrine, la tour des Corbins et plus particulièrement le Châtelet donne à l’entrée du monastère une défense infranchissable. Les Anglais après une période de répit reprennent l’offensive et, après la défaite du roi de France à Azincourt, plus rien ne semble pouvoir les arrêter. Robert Jolivet le nouvel abbé, organise, grâce à de nombreux impôts, la construction des remparts afin de protéger la ville qui devient elle-même une protection pour l’abbaye. 
 En homme prévoyant, il fait construire une citerne pour alimenter en eau douce les moines, les soldats et les habitants du Mont. Quand Rouen, capitale de la Normandie tombe aux mains des Anglais, toute la région sauf le Mont Saint-Michel est occupée par les Anglais. Devant tant de puissance l’abbé Robert Jolivet abandonne son monastère et propose ses services au roi d’Angleterre. En 1424, les Anglais assiègent le Mont, mais l’aide de l’abbé est inutile. Il a si bien conçu le système défensif de la ville que rien ne parvient à l’ébranler. 
Les Montois (nom donné aux habitants du Mont) parviennent même par quelques attaques éclairs à décourager les Anglais. En 1425, après avoir subi une défaite plus cuisante que les autres, les Anglais se replient. 
 
Après cette victoire, malgré les menaces qui pèsent toujours sur la région, les pèlerins affluent au Mont pour rendre hommage a l’ultime défenseur du royaume: l’archange Saint-Michel. En 1433, un incendie ravage une partie de la ville, les Anglais voulant profiter de cette occasion regroupent leur armée et préparent l’attaque. En 1434, les Anglais se ruent sur le Mont Saint-Michel, une bataille sanglante s’en suit. Les Anglais parviennent à faire une brèche dans le rempart et pénètrent dans la ville en criant déjà victoire. Heureusement, le capitaine du Mont réorganise ses troupes et contre-attaque si puissamment que les Anglais prennent la fuite en abandonnant deux bombardes. La victoire des troupes Montoises redonne confiance aux armées Françaises et, sur tout le territoire, les Anglais reculent. La bataille de Formigny, en 1450 apportera finalement la paix à la Normandie.  

Histoire des Eglises coptes et éthiopiennes

19 novembre, 2009

du site:

http://www.mariedenazareth.com/10020.0.html?&L=0

Histoire des Eglises coptes et éthiopiennes

L’Eglise copte d’Egypte et l’Eglise d’Ethiopie ont une longue histoire commune. Nous les présentons ensemble.

L’Eglise copte d’Egypte

L’Eglise d’Alexandrie a été fondée par l’évangéliste Marc.

Du I° au V° siècle, les Egyptiens et les Grecs cohabitent harmonieusement.

L’École d’Alexandrie rayonne avec Clément d’Alexandrie, Origène et de nombreux autres.

Le siège épiscopal de cette ville a connu des hommes illustres : Pierre martyr (300-311), Athanase (328-373), Cyrille (412-444), connus pour leur doctrine.

Dans les déserts, il y avait d’illustres ascètes comme S. Antoine, S. Paul l’ermite, S. Pacôme, qui furent les fondateurs de la vie érémitique et cénobitique, qui se répandit ensuite dans le monde entier.

Après le concile de Chalcédoine, les « Non-Chalcédoniens », ou « monophysites » formèrent leur propre hiérarchie. Depuis lors il y eut deux hiérarchies parallèles: une « Copte », l’autre « Melchite ».

Favorisés par l’invasion arabe, les coptes deviennent largement majoritaires. A partir du VIIe siècle, la langue copte fut souvent remplacée par la langue arabe, et aujourd’hui les livres liturgiques présentent un texte bilingue copte et Arabe, ça et là mêlé avec quelques formules grecques, vestiges de la langue originaire.

Durant la dynastie Abbasside (750-863), les chrétiens subirent une très forte persécution. Des milliers de Coptes apostasièrent et ils se firent musulmans. D’environ six millions de Coptes au moment de l’invasion arabe, ils étaient moins de la moitié vers la fin du IX° siècle.

Au XV° siècle, le délégué du patriarche, signa le 4 février 1442 l’union de l’Église copte avec l’Église romaine. L’union eut malheureusement une très brève durée.

Après l’invasion turque, en 1517, ce fut le débarquement en Egypte de Napoléon Bonaparte en 1798.

A partir du royaume de Mohammed Ali (1805-1849), beaucoup de Coptes qui jusqu’alors étaient restés exclus de la vie civile et économique du pays, réussissent à se faire une position et à occuper de plus en plus des places importantes. Les monastères refleurissent.

Depuis lors, l’Église copte a continué d’augmenter et elle atteint aujourd’hui le chiffre d’environ cinq millions de fidèles orthodoxes, avec une petite minorité protestante ou catholique.

Le 12 février 1988 un accord commun a été signé avec l’Eglise catholique romaine.

Il exprime la foi commune en notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus Christ, le Verbe incarné, parfait dans sa divinité et parfait dans son humanité. Son humanité et sa divinité sont sans mélange ni confusion. Et son humanité ne fut à aucun moment séparée de sa divinité. Les erreurs passées d’Eutiche et de Nestorius sont anathématisées. 

L’Eglise éthiopienne

La première évangélisation s’est faite, selon la tradition, par l’eunuque de la reine Candace (Ac 8, 26 s), ou bien, au IV° siècle, par des marchands qui passent du monde gréco-romain aux Indes. L’Eglise éthiopienne reçoit alors son « abuna » (l’évêque d’Axum) de l’église égyptienne (Alexandrie).

Au VII° siècle, l’invasion arabe isole l’Ethiopie et la rend plus dépendante de l’Egypte.

Au X° siècle, le règne tyrannique de Judith la juive a détruit en grande partie la culture et la civilisation éthiopienne, qui était florissante.

Au XIII° et XIV° siècle le monachisme est florissant et l’autorité des moines dépasse celle de l’évêque. De nombreux livres religieux sont traduits dans la langue éthiopienne, le Gheez.

Au XV° siècle, l’église éthiopienne participe au concile de Florence (1438-1441) qui souscrit à l’acte d’union avec l’Eglise catholique. Au XVI° siècle, l’invasion du musulman Mahomet Gragn détruit les maisons, les bibliothèques, les églises et les monastères.

Au XVII° siècle, les missionnaires jésuites, trop liés à la colonisation, ne peuvent pas rester sur place.

Au XIX° siècle, l’amharique devient la langue officielle.

Au XX° siècle les évêques sont progressivement nommés parmi les éthiopiens (et non plus des égyptiens).

Aujourd’hui, l’Ethiopie compte environ 30 millions d’habitants dont 20 millions d’orthodoxes et une petite minorité de catholiques qui se partagent entre le rite romain et le rite éthiopien.

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Mgr Georges Gharib,

cours à la faculté théologique pontificale « Marianum »,

Rome 2000-2001