Archive pour la catégorie 'fête du Seigneur'

Homélie sur la Transfiguration du Seigneur – Latin Patriarchate of Jerusalem (par Latin Patriarchate of Jerusalem)

5 août, 2011

du site:

http://www.lpj.org/newsite2006/patriarch-twal/index.html

News from the Latin Patriarchate of Jerusalem

H.B. Patriarch Fouad Twal

Homélie sur la Transfiguration du Seigneur
Voyage en France – mars 2009

Chers amis,
Je suis heureux d’être et de prier avec vous aujourd’hui. Ensemble, nous allons méditer les lectures de ce jour.

La Transfiguration de Jésus se situe quelques jours après la profession de foi de Pierre, disant au Christ : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant” (Mt 16, 16 ; Mc 8, 29 ; Lc 9, 20). Pierre vient donc d’avoir une révélation intérieure du Père l’instruisant de l’identité de cet Homme qu’on appelle le Christ : il est le Fils de Dieu, le Verbe fait chair. Puis il apprend – sans comprendre – que ce Fils va monter à Jérusalem, souffrir, mourir et puis ressusciter le troisième jour. Aujourd’hui, Pierre reçoit une nouvelle révélation du Père ; mais cette fois il ne la reçoit pas seul, car il s’agit là d’une révélation publique destinée être diffusée “par la parole de deux ou trois témoins” (Mt 18, 16). En effet, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et c’est devant eux trois qu’Il est transfiguré sous le regard du Père.
Aujourd’hui, c’est le dimanche de la Transfiguration. Mais j’ose également l’appeler le dimanche de la Contradiction, tant il est vrai que, dans notre vie présente, ces deux réalités ne peuvent aller l’une sans l’autre.
Comme nous allons le voir, les lectures de ce jour nous présentent trois personnages hors du commun.
1. Dans la première lecture, le Bon Dieu soumet Abraham à une épreuve qui dépasse la logique humaine. Il lui demande de sacrifier son fils unique, duquel doit sortir une grande descendance. C’est l’aventure folle de l’amour, de la part de Dieu mais aussi de la part des hommes. Et Abraham, sans comprendre ce mystère, accepte le défi et prend les mesures nécessaires pour sacrifier Isaac. L’histoire d’Isaac annonce le sacrifice de Jésus, et il nous est facile de faire un parallèle entre : Isaac portant le bois pour l’holocauste jusqu’au sommet du mont Moriah et Jésus portant le bois de la croix jusqu’au sommet du Golgotha. Quelle foi en acte impressionnante, Seigneur! Quelle obéissance héroïque, et qui effraie! Obéissance et foi, deux vertus qui aujourd’hui ne trouvent pas beaucoup de clients…
Et nous-mêmes? Où en sommes-nous aujourd’hui de cette foi et de cette obéissance?
Combien de fois nous trouvons-nous devant des situations critiques, dramatiques, où la logique humaine défaille, et où pourtant Dieu nous demande de nous mettre sur les rangs, d’aller à contre-courant d’une majorité qui a mis Dieu et ses enseignements de côté pour faire ce qui lui plaît? Pour nous, chrétiens de Terre Sainte, tout comme pour vous, chrétiens de France, le critère de jugement et d’action ne dépend pas de ce que pense et dit la majorité. Nous ne suivons pas la majorité. Nous, c’est une personne et une seule que nous suivons, et c’est ainsi que nous faisons peuple, que nous formons l’Eglise. C’est en quelque sorte une pyramide renversée.
2. Dans la deuxième lecture, nous trouvons saint Paul, Apôtre sans frontière, qui nous demande de dépasser toute peur et toute hésitation dans nos engagements et nos décisions, même si nous allons à contre-courant : “Si Dieu est avec nous qui sera contre nous?” Lorsque saint Paul parle ainsi de la contradiction et de l’adversité, il vit dans sa chair ce qu’il dit : il sait ce que signifie “avoir des gens contre soi”, lui qui dans une autre épître dresse la liste de toutes les souffrances qui lui ont été infligées par les membres du peuple juif – son peuple – après sa conversion radicale sur la route de Damas. C’est sa propre expérience qui lui remonte au coeur lorsqu’il s’écrie : “Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le supplice ?” Et il conclut par cette magnifique déclaration de foi amoureuse : “Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est en Jésus Christ notre Seigneur!”
En cette année paulinienne, demandons à l’Apôtre des nations d’intercéder pour nous : puissions-nous être, comme lui, saisis et terrassés par l’amour du Christ et ne plus avoir peur de rien! Puissions-nous ne plus avoir peur ou honte de notre identité chrétienne! Demandons cette année que quelque chose de radical change en nous.
3. Dans l’Evangile, nous lisons comment Jésusprend avec lui trois de ses disciples et leur dévoile qui Il est. Il dévoile la Gloire qu’il habite depuis toujours, Jésus nous invite à le contempler…
Cette page d’Evangile nous apprend également que Jésus a des privilégiés parmi ses apôtres. Des privilégiés qui ont reçu plus que les autres, des privilégiés desquels Il attend plus que les autres, des privilégiés qui deviennent plus responsables pour pouvoir affermir et aider les autres.
Aujourd’hui, je représente au milieu de vous les chrétiens de Terre Sainte. Quel Privilège le Seigneur nous a donné là! Mais des amis, pèlerins et touristes ont la joie d’y venir eux aussi, une ou plusieurs fois dans leur vie, et c’est aussi un privilège. Nous nous préparons avec joie à recevoir fin juillet plus d’un millier de jeunes français, originaires de nombreux diocèses de France. Ils viendront en pèlerins découvrir la Terre Sainte et les racines de leur foi, mais également nous rendre une visite fraternelle et rencontrer les jeunes chrétiens de Palestine et d’Israël. Leur visite signifie beaucoup pour nous. Elle signifie que nous ne sommes pas oubliés, que nous ne sommes pas seuls dans notre mission et notre travail en Terre Sainte. Ces jeunes pèlerins sont les bienvenus. Vous êtes tous les bienvenus!
Quant aux chrétiens qui vivent en Terre Sainte depuis des siècles, leur présence n’est pas une présence comme les autres : elle est une vocation et une mission. Ils doivent témoigner au monde entier que le Salut a été donné en Jésus, le Christ, né, mort et ressuscité sur cette terre trois fois sainte. Une mission comporte des sacrifices. Il est du devoir de l’Église d’aider les fidèles à assumer ces sacrifices, de les encourager à ne pas délaisser la terre de nos racines, malgré le conflit et les problèmes de toute sorte qui se posent depuis 60 ans.
Des chrétiens privilégiés, des chrétiens responsables, des chrétiens qui témoignent : voilà ce qui nous manque aujourd’hui. De là mon appel à tous les autres chrétiens : venez nous voir, venez nous visiter, venez prier avec nous et pour nous. Donnez-nous la certitude que nous ne sommes pas seuls, que nous ne sommes pas abandonnés, mais que nous formons ensemble une seule famille chrétienne internationale, que nous formons ensemble l’Eglise universelle née de la foi, du témoignage et de la prédication des apôtres.
Nous chrétiens, en Terre Sainte, en France et dans le monde entier, nous sommes appelés à être transfigurés, transformés et purifiés au milieu de nos sociétés, pour pouvoir témoigner du Christ. Nous sommes appelés à être un signe de contradiction, à marcher à contre-courant et hors des sentiers battus, à l’exemple de Jésus et des Apôtres qui nous ont précédés.
“De la nuée, une voix se fait entendre : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le”. Tout est là. Il s’agit d’entendre. Mieux : il s’agit d’écouter la Parole, cette Parole incarnée qui vivifie mais qui dérange. Ecouter cette Parole et la mettre en pratique coûte cher car elle signifie : renoncer, aimer, pardonner. “Ecouter” signifie prendre les Béatitudes au sérieux. Or qui a envie aujourd’hui d’entendre proclamer bienheureux les pauvres, les affamés et les souffrants?
Décrivant le Christ transfiguré, saint Matthieu ajoute que “son visage prit l’éclat du soleil” (Mt 17, 2). Le visage… Le visage d’une personne, n’est-ce pas ce qui la distingue principalement de toute autre personne? Le visage d’une personne est ce qui exprime le mieux sa dignité, son état d’âme, sa noblesse de créature à l’image de Dieu. En méditant sur la signification profonde du visage, voici la question qui me vient à l’esprit : quel visage offrons-nous au regard des autres? Quelle image donnons-nous de nous-mêmes? Que disent de nous nos actes, nos choix et notre comportement politique, social et religieux?
A l’image du Christ, nos vies sont des montées vers Jérusalem, nos vies sont des chemins de croix : l’Evangile de ce jour nous invite à le reconnaître. Pierre confesse que Jésus est le Messie, le Fils du Dieu vivant, mais l’instant d’après il s’insurge contre l’idée de sa mort : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » La croix est au cœur de toute vie humaine. Et nous sommes tous comme Pierre, parce que nous refusons que ce chemin qui mène à Jérusalem passe par la croix avant de nous mener à la gloire. Nous refusons  de suivre ce chemin parce que nous avons peur de la croix, de la souffrance. Et pourtant nous connaissons bien la condition posée par le Seigneur : “Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il porte sa croix et me suive.”
En Terre Sainte, les événements nous aident à comprendre que nous ne pouvons pas faire l’économie de la croix. Nous savons par expérience que nous ne pouvons pas vivre, aimer ou travailler à Jérusalem sans la croix. C’est notre pain quotidien. C’est le cadre où se déroule notre mission : avec ou sans la guerre à Gaza, avec ou sans les murs de séparation, avec ou sans la violence, avec ou sans les interdictions, avec ou sans les roquettes désespérées qui partent vers Ashkelon.
Comme Pierre, nous aimerions figer dans l’éternité les moments heureux de notre vie… Avec Pierre nous sommes tentés de dire : “Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes” au moment où nous contemplons Jésus dans sa gloire, et non pas lorsque nous le voyons suspendu à la croix ou traînant le poids de notre misère. Jésus a eu son heure, nous aurons notre heure nous aussi : il y a dans notre vie des moments où toutes les assurances sautent et où il ne nous reste que la foi nue.
Comme saint Thomas, nous disons au Seigneur que nous l’aimons, que nous le suivrons partout et que “nous mourons avec lui” (Jn 11, 16). Le Seigneur sait que ce n’est pas toujours  vrai
Mais la bonne Nouvelle, c’est que Dieu est bon, qu’il nous aime, qu’il est plein de tendresse! Il veut que notre foi grandisse et s’épanouisse pour prendre toute son ampleur spirituelle, sociale, culturelle, communautaire et politique.
Seigneur Jésus, nous croyons en Toi, mais Tu fais bien de fortifier notre foi. Merci Seigneur! Amen.

La centralité de la Transfiguration dans la spiritualité orthodoxe

5 août, 2011

du site:

http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/theologie/Transfiguration.htm

EGLISE ORTHODOXE D’ESTONIE 
 
La centralité de la Transfiguration dans la spiritualité orthodoxe

conférence prononcée par le Métropolite Stephanos de Tallinn

lors de la XXXIe Rencontre Internationale et interconfessionnelle des Religieuses et des Religieux à Neuendettelsau – Allemagne du Sud le 16 juillet 2006

Quel est le sens de la Transfiguration, l’une des douze grandes fêtes de l’année liturgique et quelles en sont les conséquences pour la vie du monde, c’est à cela que je vais m’efforcer de vous répondre tout en espérant par avance votre indulgence.
Mon propos en effet ne sera jamais qu’un pâle reflet de la profondeur qui se dégage de cet immense mystère. Bien plus, pour pouvoir s’approcher de la lumière de la Transfiguration, il faut d’abord prendre la résolution de gravir son propre Thabor qui est le lieu du cœur libéré de toutes ses passions. Si en effet c’est l’Esprit Saint qui nous transfigure, qui fait naître, grandir et vivre le Christ en nous, alors il faut lui faire de la place en nous purifiant de tout ce qui peut faire obstacle au rayonnement de l’Amour divin. Rappelons-nous de ce que disait déjà le moine Pacôme au 4e siècle : « Dans la pureté de son cœur, l’homme voit le Dieu invisible comme dans un miroir ». La transfiguration intérieure, soulignait le Patriarche Bartholomée tout récemment, « exige un changement radical ou, pour utiliser le vocabulaire théologique, la metanoïa …Nous ne pouvons pas être transformés, si nous n’avons pas d’abord été purifiés de tout ce qui s’oppose à la transfiguration, si nous n’avons pas compris ce qui défigure le cœur humain ». (1) Sinon à quoi bon raisonner sur la nature de la grâce, si l’on ne ressent pas en soi son action ?
Avant d’aller plus loin, commençons par voir ce qu’il en est du temps, du moment où se passe l’événement de la Transfiguration.
Saint Nicodème l’Hagiorite, tout comme Eusèbe de Césarée et bien d’autres dans l’Eglise, est convaincu que la Transfiguration eut lieu quarante jours avant la Passion, autrement dit au mois de février et non pas en août comme c’est le cas maintenant et il reprend vertement Meletios d’Athènes, qui prétend que la Transfiguration eut lieu le 6 août, par ces termes : « il aurait dû appuyer ces dires par quelque témoin et non pas avancer des paroles non contrôlées et non soutenues par des témoignages » et il s’étonne de voir comment « il est possible de croire de telles allégations, qui sont dépourvues de témoignages et de vraies certitudes » ! (2)
Alors, pourquoi le 6 août et non pas au mois de février ? Certainement pour des raisons de pédagogie. Au mois de février en effet, nous tombons en pleine période de Carême, ce qui risque à cause du jeûne propre à ce temps liturgique d’atténuer l’éclat festif de cette solennité, laquelle met en évidence la joie des chrétiens pour la gloire future dont ils seront un jour revêtus. La fête est donc déplacée en août et non pas de façon fortuite : du 6 août au 14 septembre, jour de l’invention de la Sainte Croix, il y a quarante jours, tout comme il y a quarante jours entre la Transfiguration et la Passion du Christ. Il y a donc bien un lien réel entre le Thabor et le Golgotha.
« Ce syndrome du Thabor-Golgotha, écrit Kallistos Ware, se retrouve dans les textes liturgiques du 6 août. Ainsi les deux premiers stichères des grandes vêpres, qui décrivent le moment de la Transfiguration, commencent d’une manière signifiante par ces mots : avant ta Crucifixion,ô Seigneur !…Dans le même esprit, aux matines, le premier stichère des laudes débute par ces mots : avant ta précieuse Croix et ta Passion… Le lien entre la Transfiguration et la Crucifixion est souligné de la même manière dans le kondakion de la fête : Tu t’es transfiguré sur la montagne, Christ notre Dieu, laissant tes disciples contempler ta gloire autant qu’ils le pouvaient, de sorte que, te voyant crucifié, ils puisssent comprendre que ta souffrance était volontaire… Il convient donc que les disciples du Christ, au moment de la Crucifixion, se souviennent de la théophanie du Thabor et qu’ils comprennent que le Golgotha est également une théophanie. La Transfiguration et la Passion doivent être comprises dans les termes l’une de l’autre, et également bien sûr, dans les termes de la Résurrection » (3).
Thabor-Golgotha : tout est susceptible d’être transfiguré mais cela n’est possible qu’a travers la Croix, par laquelle la joie est donnée dans le monde entier. Gloire et souffrance, autrement dit kénose et sacrifice de la Croix d’une part et grande joie de la Transfiguration et de la Résurrection d’autre part, vont donc de pair : dans notre vie comme dans celle du Christ lui-même, Thabor et Golgotha – ces deux collines – constituent bien un seul et même mystère. Pour nous chrétiens, la leçon est claire : nous sommes présents avec le Christ dans la gloire du sommet de la montagne, nous sommes aussi présents avec lui à Gethsémani et au Golgotha. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : toute notre espérance découle de cette grande certitude, que la Transfiguration conduit à la Croix et la Croix mène à la Résurrection.
Quand nous lisons l’Evangile, nous voyons que de cet événement il se dégage trois moments pour notre édification spirituelle : d’abord la montée, c’est-à-dire l’ascèse, la purification du coeur , la lutte contre les passions ; ensuite le repos, la joie, la contemplation de la présence de Dieu, la communion à Dieu ; et enfin, la redescente dans la plaine, dans le quotidien, dans la banalité de l’instant. Cette succession constitue la trame de notre existence selon que notre vie dans l’Eglise suit ce rythme comme une sorte de respiration liturgique et plus particulièrement lorsque nous nous préparons à la Divine Eucharistie. La Transfiguration a, en ce sens, un caractère eschatologique ; elle est, selon les mots de saint Basile, l’inauguration de la glorieuse parousie, du second Avènement du Christ.
Venez, gravissons la montagne du Seigneur jusque dans la maison de notre Dieu et contemplons la gloire de la Transfiguration, gloire que tient du Père le Fils unique de Dieu ; à sa lumière prenons la lumière ; puis, élevés par l’Esprit, nous chanterons dans tous les siècles la consubstantielle Trinité ( doxastikon de la litie ). Ainsi, d’ « abord nous montons, nous escaladons, nous gravissons le chemin ardu pour arriver aux pieds du Seigneur. Puis nous communions dans la vision de Dieu, dans la certitude de sa présence dans nos cœurs. Enfin, nous redescendons au bas de la montagne, pour y retrouver nos frères et sœurs et le monde entier qui ignore Dieu. Notre monde, en proie aux forces sataniques, livré au péché et aux ténèbres. Tout est lié. Si vraiment nous parvenons à entrer dans la plénitude de la Transfiguration, ce n’est pas pour la garder jalousement pour nous, pour notre propre rassasiement, pour notre propre satisfaction ni notre propre béatitude. C’est pour nous remplir de Dieu, nous remplir tellement de sa présence, de sa grâce, de son Esprit, de cet Esprit qui nous brûle comme un feu car l’Esprit Saint est feu ;… le feu qui ne se consume pas ou plutôt qui consume seulement nos impuretés et qui illumine et qui console et qui réjouit et qui fortifie les cœurs … Pour être les témoins de la grâce de Dieu dans le monde » (4).
Reste le plus important à commenter : le thème de la lumière du Thabor. Qu’est-ce que cette lumière qui irradie du Christ sur la montagne et les apôtres ? C’est, répondent les Pères de l’Eglise, la manifestation de la gloire de Dieu. « La lumière inaccessible et sans déclin qui a brillé sur le mont Thabor…est l’énergie divine. Comme telle, elle est la lumière une de la Sainte Trinité », écrit le Père Sophrony, un grand spirituel du XXe siècle.
Mais encore ? En ce jour sur le Thabor, le Christ, lumière qui a précédé le soleil, révèle mystiquement l’image de la Trinité, chantons-nous au cours des vêpres de la fête. Tout en étant trinitaire, la gloire de la Transfiguration est de même plus spécifiquement christique. La lumière incréée qui rayonne du Seigneur Jésus le révèle comme « vrai Dieu de vrai Dieu…, consubstantiel au Père », selon la formule du Credo :Lumière immuable, ô Verbe, proclame l’exapostilaire de la fête, Lumière du Père inengendré, dans ta lumière en ce jour au Thabor nous avons vu la lumière du Père, la lumière de l’Esprit qui éclaire le monde et ailleurs, dans laudes, …la voix du Père clairement te proclama son Fils bien-aimé partageant même trône et consubstantiel…Ce qui fera dire à Saint Jean Damascène : « le Christ a été transfiguré non pas en assumant ce qu’il n’était pas, mais en manifestant à ses disciples ce qu’il était, ouvrant leurs yeux ». Et saint André de Crète d’ajouter : « A cet instant, le Christ n’est pas devenu plus radieux ou plus exalté. Loin de là : il est resté ce qu’il était avant ». Aussi, selon Paul Evdokimov, « le récit évangélique ne parle pas de la transfiguration du Seigneur, mais de celle des apôtres ». La Transfiguration au Thabor ne fut pas celle du Christ, disent les Pères de l’Eglise, mais celle des apôtres par l’Esprit Saint.
Avant d’aller plus loin dans notre propos, il convient de préciser « qu’il n’y a pas de juxtaposition de l’humain et du divin en Christ, mais il y a irradiation de la divinité dans l’humanité du Christ, et cette humanité du Christ, qui nous englobe tous, nous communions plus directement avec elle dans les sacrements, c’est-à-dire, précise Olivier Clément, essentiellement dans le baptême et l’eucharistie (5). C’est une humanité déifiée et donc déifiante, la déification ne signifiant pas une évacuation de l’humain qui serait remplacé par le divin, mais justement une transfiguration, un accomplissement, une plénitude du divin : l’humanité du Christ est pénétrée, transfigurée, par la gloire dont l’imprègne l’Esprit Saint ; c’est un sôma pneumatikon, un «corps spirituel comme dit Paul, c’est-à-dire un corps pénétré par l’Esprit, par la vie divine, par le feu divin ; non pas un corps dématérialisé mais au contraire un corps pleinement vivifié. De la même manière, par le mystère de l’Eglise, la chair de la terre, assimilée par l’Esprit au corps glorieux du Christ, devient – selon Grégoire Palamas – pour les chrétiens une source intarissable de sanctification ».
La Transfiguration n’a pas été un phénomène circonscrit dans le temps et l’espace. Le Christ n’a pas changé à ce moment-là : ce sont les apôtres qui ont reçu pour un moment la faculté de voir le Christ tel qu’il était dans sa réalité la plus profonde, afin qu’ils comprennent la signification véritable de la Croix, disent les textes liturgiques et le texte de l’Evangile : Jésus s’entretenait avec Moïse et Elie de sa Passion. La gloire vient par la Croix et la Croix sera alors l’engloutissement de la mort dans la lumière.
C’est donc parce que les Apôtres ont changé qu’ils ont pu voir le changement, la transfiguration dans la forme divine du Christ ; non pas son essence divine, qui est inatteignable et que par conséquent ils n’auraient pas pu supporter mais ses énergies – en quelque sorte les rayons du soleil – par lesquelles, dans son amour infini, il sort éternellement de lui-même pour se rendre connaissable et visible. Par la lumière de Dieu les apôtres se sont trouvés pénétrés, illuminés ; ils ont pu se voir, voir Dieu et resplendir à leur tour puisque Dieu, selon Grégoire Palamas, s’est rendu visible non seulement à leur intellect (nous ) mais aussi à leurs sens corporels qui ont été « changés par la puissance de l’Esprit divin ». Accessible aux sens et à l’intellect, la lumière divine « transcende en même temps toutes les dimensions de notre condition de créatures, nos sens et notre intellect … L’homme peut donc contempler, avec ses yeux de chair transformés, la lumière du Christ, comme les disciples ont pu, de leurs yeux transfigurés, contempler la gloire du Christ sur le Mont Thabor » (6). Tout comme les apôtres il nous est possible à nous aussi de voir Dieu avec les sens du corps, non pas les sens ordinaires mais, redisons-le à nouveau, changés par la puissance de l’Esprit divin. Changement contenu, toujours selon Grégoire Palamas, dans « l’assomption même de notre nature par l’union avec le Verbe de Dieu ». C’est dans la mesure où nous sommes en Christ que l’humanité du Christ pénétrée par la lumière de l’Esprit se communique à notre humanité.
Ainsi, pour Grégoire Palamas, la lumière divine est une donnée pour l’expérience mystique ; c’est le caractère visible de la Divinité, des énergies dans lesquelles Dieu se communique et se révèle à ceux qui ont purifié leurs cœurs.
Palamas en effet s’est trouvé face au problème suivant : comment l’homme peut connaître Dieu tout en reconnaissant en même temps que Dieu est par nature inconnaissable ? Pour en rendre raison, il explique que Dieu est tout entier essence et tout entier énergie, imparticipable dans son essence mais en même temps participable dans ses énergies. L’énergie divine c’est donc le mode existentiel de Dieu dans lequel celui-ci se manifeste et se communique. L’énergie divine, c’est Dieu en tant qu’il sort de lui-même.
Pour Olivier Clément, il y a ici antinomie (7): « Dieu tout entier se manifeste et Dieu tout entier ne se manifeste pas ; tout entier il est conçu et tout entier il est inconcevable pour l’intelligence ; tout entier il est participé et tout entier il est imparticipable. Il y a participation à la vie divine et en même temps il y a transcendance totale et inaccessible de Dieu. Voilà ce que va tenter de cerner cette distinction de la suressence inaccessible et des énergies participables. Ce n’est pas une séparation. Cela ne veut pas dire … qu’en Dieu il y a une frontière infranchissable : d’un côté l’essence, de l’autre les énergies. Cela désignerait plutôt deux modes d’existence de Dieu : d’une part, Dieu dans son altérité inobjectivable, dans la profondeur inaccessible de son existence personnelle, qui est amour inépuisable, unitrinité, et d’autre part Dieu dans le don total qu’il fait de lui-même, dans la toute présence qu’il nous donne. Cette distinction ne met pas en cause l’unité de Dieu…Il ne faut pas dire que tout cela – l’essence et les énergies – est une seule chose, mais que tout cela appartient à un seul Dieu vivant… »
« L’homme a été créé en vue de la déification. Mais l’homme en tant que créature possède aussi sa consistance propre, il n’est pas de nature divine. Pour décrire le mystère de cette union de la personne humaine avec son Créateur, Palamas a écarté l’idée d’une union selon l’essence (kat’ousian ) qui s’applique seulement aux personnes trinitaires entre elles, tout comme celle d’une union selon l’hypostase ou la personne ((kath’ypostasin ) qui ne s’applique qu’à l’union des natures divine et humaine dans la personne du Christ. Le seul mode d’union avec Dieu possible pour la nature humaine est celui qui s’exerce selon la grâce (kata harin ), c’est-à-dire selon l’énergie, cette énergie divine étant répandue à travers l’Eglise par l’Esprit Saint. On voit en quoi l’Esprit joue un rôle éminent dans cette doctrine inséparablement théologique et spirituelle… » C’est seulement ainsi que l’homme deviendra alors de plus en plus homme à mesure qu’il passera de l’ auto-nomie de la déchéance à la théo-nomie libératrice, restaurant la communion perdue avec Dieu (8).
« Celui qui participe à l’énergie divine…devient lui-même, en quelque sorte, lumière ; il est uni à la lumière et avec la lumière il voit en pleine conscience tout ce qui reste caché à ceux qui n’ont pas cette grâce ; il surpasse ainsi non seulement les sens corporels, mais aussi tout ce qui peut être connu ( par l’intelligence ) car les cœurs purs voient Dieu (…) qui, étant la lumière habite en eux et se révèle à ceux qui l’aiment, à ses bien-aimés » (9). L’union à Dieu, la vision lumineuse est pour l’homme à la fois pleinement objective, pleinement consciente, pleinement personnelle parce que tout être humain porte en lui l’image du Créateur, de sa participation libre à la vie divine. « L’homme, écrit Cyrille d’Alexandrie, reçut dès l’origine le contrôle de ses désirs et pouvait suivre librement les inclinations de son choix parce que la Déité, dont il est l’image, est libre ». Ainsi, cette union ne se résout jamais en une intégration de la personne humaine dans l’Infini divin ; elle est au contraire l’accomplissement de sa destinée libre et personnelle. De là également l’insistance des spirituels byzantins sur la nécessité d’une rencontre personnelle avec le Christ, lieu où, par excellence, ont convergé une fois pour toutes l’expérience de l’homme par Dieu et celle de Dieu par l’homme. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » proclame saint Paul.
La théologie de la lumière est donc inhérente à la spiritualité orthodoxe : l’une est impossible sans l’autre. Derrière cette doctrine, on trouve l’idée fondamentale de l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, la Sainte Trinité. Le thème constant de saint Jean l’Evangéliste est l’union personnelle et organique entre Dieu et l’homme ; pour Saint Paul, nous venons de le voir, la vie chrétienne est avant tout vie en Christ. Le mystère de la Rédemption signifie donc la récapitulation de notre nature par le Christ, Nouvel Adam et dans le Christ. Le mystère de la Pentecôte nous rappelle que l’œuvre de notre déification s’accomplit en nous par le Saint Esprit, Donateur de la grâce, celle-ci n’étant pas considérée par les Pères grecs comme un effet créé ; elle est l’énergie même de la Divinité se communiquant dans l’Esprit Saint. « Tu es devenue belle, mon âme, en t’approchant de ma lumière ; ton approche a attiré sur toi la participation de Ma beauté. S’étant approchée de la lumière, écrit Grégoire de Nysse, l’âme devient lumière ». La double économie du Verbe et du Paraclet a pour but l’union des êtres créés avec Dieu. Ici cependant, Créateur et créature ne fusionnent pas en un seul être ; dans la théologie mystique orthodoxe, l’homme ne perd jamais sa propre intégrité. Même déifié il reste distinct mais non séparé de Dieu : l’homme déifié ne perd pas son libre arbitre mais c’est tout aussi librement, par amour, qu’il se conforme à la volonté de Dieu. L’homme ne devient pas Dieu par nature, mais il est seulement créé dieu, un dieu par grâce. L’Eglise Orthodoxe écarte de cette façon toute forme de panthéisme.
Pour saint Syméon le Nouveau Théologien (10) l’expérience de la lumière, qui est la vie spirituelle consciente ( gnosis ), révèle la présence de la grâce acquise par la personne. « Nous ne parlons pas des choses que nous ignorons, dit-il, mais de ce qui nous est connu nous rendons témoignage. Car la lumière brille déjà dans les ténèbres, dans la nuit et dans le jour, dans nos cœurs et dans nos esprits. Elle nous illumine, cette lumière sans déclin, sans changement, inaltérable, jamais éclipsée ; elle parle, elle agit, elle vit et elle vivifie, elle transforme en lumière ceux qu’elle illumine. Dieu est lumière et ceux qu’il rend dignes de le voir le voient comme lumière ; ceux qui l’ont reçu, l’ont reçu comme lumière. Car la lumière de sa gloire précède sa Face et il est impossible qu’Il apparaisse autrement que dans la lumière. Ceux qui n’ont pas vu cette lumière n’ont pas vu Dieu car Dieu est lumière. Ceux qui n’ont pas reçu cette lumière n’ont pas encore reçu la grâce car en recevant la grâce, on reçoit la lumière divine et Dieu… »
La fête de la Transfiguration nous rappelle ainsi que le mystère de la déification de l’homme ne peut se réaliser qu’à travers l’illumination de tout l’être, par laquelle Dieu se révèle. Ce n’est pas un état passager qui ravit, qui arrache pour un moment l’être humain à son expérience habituelle. C’est une vie pleinement consciente dans la lumière divine, dans la communion incessante avec Dieu.
Dieu en s’incarnant n’a pas seulement sanctifié l’humanité mais aussi le monde entier. Et le monde est inexorablement lié à l’homme comme « le lieu de Dieu » où se découvre la gloire de la Trinité à la racine même des choses. Pour cette raison, la vocation de l’homme consiste, dans sa liberté personnelle, à transcender l’univers non pas pour l’abandonner mais pour le contenir, lui dire son sens, lui permettre de correspondre à sa secrète sacramentalité, le « cultiver », lui parfaire sa beauté, bref le transfigurer et non pas le défigurer. La Bible, ne l’oublions pas, présente le monde comme un matériau qui doit aider l’homme à prendre historiquement conscience de sa liberté offerte par Dieu. C’est dans le monde que l’homme exprime sa liberté et qu’il se présente comme une existence personnelle devant Dieu (11). La conséquence en est que l’homme ne peut faire transparaître Dieu en soi-même sans faire transparaître Dieu dans le monde ou sans se faire transparent comme image de Dieu dans le monde.
Ainsi l’homme représente pour l’univers l’espoir de recevoir la grâce et de s’unir à Dieu car il n ’y a pas de discontinuité entre la chair du monde et celle de l’homme, l’univers est englobé dans la nature humaine. C’est aussi le risque de la déchéance et de l’échec dès lors que, détourné de Dieu, l’homme ne verra des choses que l’apparence, « la figure qui passe » ( 1 Cor 7,31 ) et leur donnera en conséquence un « faux nom ». Tout ce qui se passe en l’homme a bien une signification universelle et s’imprime sur l’univers. La révélation biblique nous place devant un anthropocentrisme résolu, « non pas physique mais spirituel puisque le destin de la personne humaine détermine le destin du cosmos » (12). L’univers ne connaît pas l’homme, mais l’homme connaît l’univers. L’homme a besoin de l’univers, mais l’univers a surtout besoin de l’homme. Autrement dit : l’homme se présente comme l’axe spirituel de tout le créé, de tous ses plans, de tous ses modes parce qu’il est le résumé de l’univers ( microcosme ) et l’image de Dieu ( microtheos ) et parce qu’enfin Dieu s’est fait homme pour s’unir au cosmos tout entier.
Les textes patristiques soutiennent très fréquemment l’idée que l’homme est un être de raison (logikos ) à cause précisément de sa création à l’image même de Dieu. C’est ce qu’affirme entre autres avec netteté saint Athanase le Grand lorsqu’il traite de ce sujet. De même nous pouvons comprendre que l’homme est créateur car il est à l’image par excellence de son Créateur. Il est aussi souverain car le Christ, à l’image duquel il a été créé, est le Seigneur et le Roi qui domine l’univers. Il est libre, car il est à l’image de la liberté absolue. Il est enfin responsable pour toute la création comme il en est et la conscience et par-dessus tout le prêtre puisqu’il a pour modèle le Christ, Grand Prêtre. Mais il ne suffit pas de dire que l’homme est microcosme parce qu’il récapitule en lui tout l’univers. Sa vraie grandeur réside dans le fait qu’il est « appelé à être Dieu », à devenir « Eglise mystique » puisqu’il est la jointure entre le divin et le terrestre et que de lui diffuse la grâce sur toute la création (13). C’est dire que la situation du cosmos, sa transparence ou son opacité, sa libération en Dieu ou son asservissement à la corruption et à la mort dépendent de l’attitude fondamentale de l’homme, de sa transparence ou de son opacité à la lumière divine et à la présence du prochain. C’est la capacité de communion de l’homme qui conditionne l’état de l’univers. Du moins initialement et maintenant en Christ, dans son Eglise.
« La Transfiguration est quelque chose qui concerne la cosmologie, qui concerne notre sentiment même de l’être des choses. L’être des choses est potentiellement sacramentel. Il y a une potentialité sacramentelle dans la matière, qui s’exprime dans la Transfiguration : le monde a été créé pour être transfiguré. Cette transfiguration, c’est l’homme qui doit l’accomplir ; en Christ qui est l’homme parfait, elle est accomplie mais elle est secrète, elle est enfouie, cachée dans la détresse de l’histoire, et le monde reste figé dans son opacité, par le péché et le refus des hommes. C’est pourquoi la création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement du nouveau ciel et de la nouvelle terre. Il s’agit de faire monter à la surface du monde l’incandescence secrète. L’image employée ici par saint Maxime le Confesseur est justement l’image du buisson ardent. Le monde en Christ est secrètement, liturgiquement, sacramentellement, buisson ardent, et il s’agit – c’est cela la sanctification – de faire transparaître, à travers les visages et les regards, cette incandescence secrète » (14).
La Transfiguration devient ainsi la clef de l’histoire véritable, qui est l’histoire de la lumière, qui est l’histoire du feu, ce feu toujours présent mais qui a besoin pour tout embraser que des hommes se laissent consumer puisque le cœur de l’homme, quand il est touché par la lumière divine, devient le cœur du monde et communique la lumière, découvre les choses et les êtres dans leur vérité christique, c’est-à-dire dans la lumière de la Transfiguration : Selon Grégoire Palamas, « l’homme authentique, quand il prend comme chemin la lumière, s’élève ou plutôt est élevé sur les cimes éternelles ; il commence à contempler les réalités qui sont au-delà du monde, mais sans être séparé de la matière qui l’accompagne dès le début, car il ne s’élève pas sur les ailes imaginaires de son raisonnement, mais réellement, par la puissance indicible de l’Esprit » (15).
En fait, ce qu’il nous faut témoigner, c’est que le christianisme est la religion de la personne, de la communion, de la liberté, de la transfiguration non seulement de chaque être mais aussi de tout le cosmos. Nous ne sommes pas orphelins dans la prison indéfinie du monde : Dieu est la source d’une vie plus forte que la mort, la source de la joie qui vient à nous dans un immense mouvement d’incarnation : l’humain et le divin enfin s’unissent sans se confondre, le Christ est ressuscité. Toute notre existence est désormais déchiffrée à partir de la lumière qui jaillit du tombeau vide. Le néant n’existe pas : notre vérité d’homme, dès ici-bas, c’est bien la résurrection.
Aussi, pour celui qui acquiert l’amour, « les ténèbres se dissipent et la lumière véritable paraît déjà » ( Jn 1,8 ). La lumière divine apparaît ici-bas dans le monde, dans le temps. Elle se révèle dans l’histoire mais elle n’est pas de ce monde, c’est le commencement de la parousie dans les âmes saintes et sanctifiés, prémices de la manifestation finale lorsque Dieu apparaîtra dans sa lumière inaccessible à tous ceux qui demeurent dans les ténèbres des passions, à ceux qui vivent attachés aux biens périssables. A ceux-là, ce jour apparaîtra soudain, inattendu, comme le feu que l’on ne peut supporter. Ceux par contre qui marchent dans la lumière ne connaîtront pas le Jour du Seigneur, car ils sont toujours avec Dieu, en Dieu.

+Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.

BIBLIOGRAPHIE :

( 1) : Patriarche Œcuménique BARTHOLOMEE: « La Transfiguration exige la metanoïa », in SOP n° 306, Paris – mars 2006, pp.23 -25.
( 2) : P.B.PASCHOS : « La Théologie de la Transfiguration « in EROS ORTHODOXIAS ( en grec ), Ed. Apostoliki Diaconia de l’Eglise de Grèce, Athènes 1978, pp. 51 – 57.
( 3) : Ev.Kallistos WARE : « La Transfiguration du Christ et la souffrance du monde », in SOP n° 294, Paris – janvier 2005, pp. 20-26.
( 4) : Boris BOBRINSKOY : « La Transfiguration » , Homélie. Bussy-en-Othe, 19 août 1995.
( 5) : Olivier CLEMENT : « Saint Grégoire Palamas et la Théologie de la Transfiguration », supplément au SOP n° 131, Paris septembre-octobre 1988, pp. 1 – 17.
( 6) : Michel STAVROU : « La transfiguration du corps et du cosmos dans la théologie byzantine », in SOP n° 247, Paris – avril 2000, pp. 24 – 28.
( 7) : Olivier Clément, loc.cit.
( 8) : Michel Stavrou, loc.cit.
( 9): Grégoire PALAMAS : « Sermon pour la fête de la Présentation de la Mère de Dieu », éd. Sophocles, 176-177.
(10) : Syméon le Nouveau Théologien : Homélie LXXIX.
(11) :Constantin GREGORIADIS : « Le Monde en tant que création et la révolte de l’Humanisme autonome » in CONTACTS n° 57, Paris 1967, pp. 75 – 78.
(12) : Olivier CLEMENT : a) « Questions sur l’Homme », STOCK, Paris 1972 ;
b) « La Résurrection chez Berdiaev », CONTACTS n° 78-79, p.213
(13) : a) Panayotis NELLAS : « Théologie de l’image. Essai d’anthropologie orthodoxe » in CONTACTS n° 84, Paris 1973, pp.261-268.
b) Athanase le Grand : « Incarnation du Verbe »,3, PG 25,101 B ; 4, PG 25, 104 CD
c) R.BERNARD : « L’Image de Dieu d’après saint Athanase », Aubier, Paris 1952, pp. 2 et 91 – 126.
d) Vladimir LOSSKY : « Théologie mystique de l’Eglise d’Orient », Aubier, Paris, 1990, pp. 109 – 129.
e) Nicolas CABASILAS : « La Vie en Christ », 3,PG 150, 572 B.
(14) : Olivier Clément, loc.cit.
(15) : Olivier Clément, loc.cit.

Jean Paul II [4 juin 1999] : Mémoire de la consécration du genre humain au Sacré-Cœur de Jésus

30 juin, 2011

du site:

http://www.adoperp.com/adoration/magistere/jeanpaul2/sacrecoeur_Bille.html

JEAN PAUL II

Mémoire de la consécration du genre humain au Sacré-Cœur de Jésus

Message à Mgr Louis-Marie Billé pour le 100e anniversaire de la consécration au Sacré-Cœur (4 juin 1999)

À MONSEIGNEUR LOUIS-MARIE BILLE, ARCHEVÊQUE DE LYON, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE

Au moment où de nombreux pèlerins s’apprêtent à célébrer solennellement à Paray-le-Monial la fête du Sacré-Cœur et à faire mémoire de la consécration du genre humain au Sacré-Cœur de Jésus, faite par le Pape Léon XIII il y a cent ans, je suis heureux, à travers vous, de leur adresser mes cordiales salutations et de m’unir par la prière à leur démarche spirituelle, ainsi qu’à celle de toutes les personnes qui font en ce jour un acte d’offrande au Sacré-Coeur.
À la suite de saint Jean Eudes, qui nous a appris à contempler Jésus lui-même, le cœur des coeurs, dans le cœur de Marie et à les faire aimer tous les deux, le culte rendu au Sacré-Cœur s’est répandu, notamment grâce à sainte Marguerite-Marie, religieuse de la Visitation à Paray-le-Monial. Le 11 Juin 1899, invitant tous les évêques à s’associer à sa démarche, Léon XII demandait au Seigneur d’être le Roi de tous les fidèles, ainsi que des hommes qui l’ont abandonné ou de ceux qui ne le connaissent pas, le suppliant de les amener à la Vérité et de les conduire vers Celui qui est la Vie. Dans l’Encyclique Annum sacrum, il avait exprimé sa compassion pour les hommes qui sont loin de Dieu et son désir de les confier au Christ Rédempteur.
L’Église ne cesse de contempler l’amour de Dieu, manifesté de manière sublime et particulière sur le Calvaire, lors de la passion du Christ, sacrifice qui est rendu sacramentellement présent à chaque Eucharistie. Du cœur très aimant de Jésus procèdent tous les sacrements, mais surtout le plus grand de tous, le sacrement d’amour, par lequel Jésus voulut être le compagnon de notre vie, la nourriture de nos âmes, sacrifice d’une valeur infinie  » (Saint Alphonse de Liguori, Méditation II sur le cœur aimant de Jésus à l’occasion de la neuvaine en préparation de la fête du Sacré-Cœur). Le Christ est un foyer brûlant d’amour qui appelle et qui apaise:  » Venez à moi […] car je suis doux et humble de cœur  » (Mt 11, 28-29).
Le cœur du Verbe incarné est le signe de l’amour par excellence; aussi ai-je personnellement souligné l’importance pour les fidèles de pénétrer le mystère de ce cœur débordant d’amour pour les hommes, qui contient un message d’une extraordinaire actualité (cf. Encyclique Redemptor hominis, 8). Comme l’écrivait Saint Claude La Colombière:  » Voici le Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné, jusqu’à s’épuiser et à se consumer afin de témoigner son amour  » (Écrits spirituels, 9).
À l’approche du troisième millénaire,  » l’amour du Christ nous presse  » (2 Co 5, 14), pour que nous fassions connaître et aimer le Sauveur, qui a versé son sang pour les hommes.  » Pour eux, je me consacre moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, consacrés dans la vérité  » (Jn 17, 19). J’encourage donc vivement les fidèles à adorer le Christ, présent dans le Saint-Sacrement de l’autel, le laissant guérir nos consciences, nous purifier, nous illuminer et nous unifier. Dans la rencontre avec Lui, les chrétiens puiseront la force pour leur vie spirituelle et pour leur mission dans le monde. En effet, dans le cœur à cœur avec le divin Maître, découvrant l’amour infini du Père, ils seront de vrais adorateurs en esprit et en vérité. Leur foi en sera ravivée; ils entreront dans le mystère de Dieu et seront profondément transformés par le Christ. Dans les épreuves et dans les joies, ils conformeront leur vie au mystère de la Croix et de la Résurrection du Sauveur (cf. Concile oecuménique Vatican II, Gaudium et spes, 10). Ils deviendront chaque jour davantage des fils dans le Fils. Alors, par eux, l’amour se répandra dans le cœur des hommes, pour que se construise le Corps du Christ qui est l’Église et que s’édifie aussi une société de justice, de paix et de fraternité. Ils seront des intercesseurs de l’humanité tout entière, car toute âme qui s’élève vers Dieu élève aussi le monde et contribue mystérieusement au salut gratuitement offert par notre Père des cieux.
J’invite donc tous les fidèles à poursuivre avec piété leur dévotion au culte du Sacré-Cœur de Jésus, en l’adaptant à notre temps, pour qu’ils ne cessent d’accueillir ses insondables richesses, qu’ils y répondent avec joie en aimant Dieu et leurs frères, trouvant ainsi la paix, entrant dans une démarche de réconciliation et affermissant leur espérance de vivre un jour en plénitude auprès de Dieu, dans la compagnie de tous les saints (cL Litanies du Sacré-Cœur). Il convient aussi de transmettre aux générations futures le désir de rencontrer le Seigneur, de fixer leur regard sur Lui, pour répondre à l’appel à la sainteté et pour découvrir leur mission spécifique dans l’Église et dans le monde, réalisant ainsi leur vocation baptismale (cf. Concile oecuménique Vatican Il, Lumen gentium, 10). En effet, la  » charité divine, don très précieux du Cœur du Christ et de son Esprit « , se communique aux hommes, pour qu’ils soient, à leur tour, des témoins de l’amour de Dieu (Pie XII, Encycl. Haurietis aquas, III).
Invoquant l’intercession de la Vierge Marie, Mère du Christ et de l’Église, à laquelle j’ai consacré les hommes et les nations le 13 mai 1982, je vous accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique, ainsi qu’à tous les fidèles qui, à l’occasion de la fête du Sacré-Cœur, se rendront en pèlerinage à Paray-le-Monial ou qui participeront avec dévotion à une célébration liturgique ou à un autre moment de prière au Sacré-Cœur.

Jean-Paul II, du Vatican, le 4 juin 1999.

SERMON POUR LA FETE-DIEU par SAINT THOMAS D’AQUIN,

25 juin, 2011

du site:

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&localdate=20110626&id=52&fd=1

SERMON POUR LA FETE-DIEU par SAINT THOMAS D’AQUIN,

Docteur des Docteurs de l’Église

(prononcé au Consistoire, devant le Pape et les Cardinaux)

          Révérendissimes Pères, les souvenirs pleins d’allégresse qu’évoque la solennité de ce jour nous invitent à entourer de joyeuses louanges le Corps très saint du Christ. Quoi de plus doux, quoi de plus suave au cœur des élus que de chanter les trésors de la divine charité et d’exalter l’ardeur d’un amour sans mesure ? C’est qu’à la table de la grâce nouvelle, tous les jours, par les mains du prêtre, Dieu donne à ses enfants et aux héritiers de son royaume sa chair en nourriture et son sang en breuvage. Ce sont là tes œuvres admirables, ô Christ, toi dont la puissance est infinie et la bonté sans bornes ! Dans cet aliment sacré et ce pain super-substantiel qu’annonçaient les prodiges antiques, tu as trouvé le secret d’une union merveilleuse et auguste : la chair immaculée de Jésus-Christ, l’Agneau sans tache, devient le remède de ceux que le fruit défendu avait rendus malades et qui avaient perdu l’éternelle et immarcescible couronne.
        Ô prodige qu’on ne peut trop exalter ! Effusion permanente de la bonté divine et d’une miséricorde sans mesure ! Dans ce sacrement, consommation de tous les sacrifices, Il demeure, ce Dieu, indéfectiblement avec nous ; Il y est pour jusqu’à la fin des siècles ; Il donne aux fils d’adoption le pain des anges et les enivre de l’amour qu’on doit aux enfants.
        Ô humilité singulière, délices de Dieu, et que le Christ pratique après l’avoir prêchée lui-même ! Il ne se refuse à personne ; Il ne craint pas de prendre pour habitacle même un cœur souillé.
        Ô pureté, qui semblable à celle du soleil n’est ternie par aucune fange et ne craint nulle contagion, mais qui gagne les âmes et en fait disparaître toute tache ! Ô nourriture des esprits bienheureux, qui sans cesse nous renouvelle et jamais ne s’épuise ! Tu n’es ni brisée, ni divisée, ni transformée ; mais, gardant ton intégrité et ta nature, tu nous rappelles le buisson antique, la farine et l’huile miraculeuses qui ne diminuaient pas.
        Ô Sacrement admirable, où Dieu se cache et où notre Moïse à nous se couvre le visage du manteau de ses œuvres, objet de louanges dans toutes nos générations ! Par la vertu des paroles sacrées, instrument de la puissance divine, les substances symboliques sont changées en chair et en sang ; les espèces sacramentelles subsistent sans support, et pourtant nulle loi naturelle n’a souffert violence. Par la vertu de la consécration, un seul Christ, parfait et intègre, se trouve en divers endroits, comme une parole se communique, toujours identique à elle-même. Quand l’hostie se divise, Jésus s’y trouve comme un même visage dans les fragments d’un miroir brisé. Les fidèles l’offrent à Dieu sous les deux espèces, quoiqu’il soit tout entier sous chacune d’elles, et c’est à bon droit qu’on agit ainsi, car ce sacrement donne aux hommes le double salut du corps et de l’Âme, et il rappelle l’amertume d’une double Passion.
        Ô Vertu ineffable du Sacrement, qui embrase notre cœur du feu de la charité et marque du sang de l’Agneau immaculé, au-dessus de leurs deux battants, les linteaux de nos portes !
        Ô véritable viatique de notre exil militant, soutien des voyageurs, force des faibles, antidote des infirmités, accroissement des vertus, abondance de la grâce et purification des vices, réfection des âmes, vie des débiles et union des membres dans l’organisme unique de la charité !
        Sacrement ineffable de la foi, Tu augmentes notre charité et nous communiques l’espérance ; soutien de l’Église, Tu éteins la concupiscence et parfais le corps mystique du Christ. Voici la substance de l’arbre de vie, ô Seigneur Jésus ! 
        Ô Pasteur et nourriture, prêtre et sacrifice, aliment et breuvage des élus, pain vivant des esprits, remède à nos faiblesses quotidiennes, festin suave, source de tout renouveau !
        Ô sacrifice de louange et de justice, holocauste de la nouvelle grâce, repas excellent, non de volailles ou de taureaux, mais de viandes plus succulentes et de ce vin délicieux qui renouvelle les amis de Dieu et enivre ses élus !
        Ô table de bénédiction, table de proposition garnie d’une nourriture substantielle ! Table immense où tout est prodige étonnant ! Table plus douce que toute douceur, plus délectable que toute saveur, plus suave que tout parfum, plus magnifique que toute parure, plus succulente que toute nourriture ! Table que le Christ a préparée à ses amis et commensaux, que le père de famille sert à son fils de retour, après le repas de l’agneau symbolique. Vous êtes le bain sacré que figuraient les antiques piscines, ô notre Pâque, immolation du Christ, et vous exigez la conversion du vice à la vertu, donnant ainsi la liberté aux Hébreux de l’esprit.
        Ô nourriture qui rassasie et ne dégoûte point, qui demande la mastication de la foi, le goût de la dévotion, l’union de la charité, et que divise non les dents du corps, mais le courage de la croyance !
        Ô viatique de notre pèlerinage, qui attire les voyageurs sur les sommets des vertus !
        Ô pain vivant, engendré au ciel, fermenté dans le sein de la Vierge, cuit sur le gibet de la croix, déposé sur l’autel, caché sous les espèces sacramentelles, confirme mon cœur dans le bien et assure ses pas dans le chemin de la vie; réjouis mon âme, purifie mes pensées. Voici le pain, le vrai pain, consommé, mais non consumé, mangé, mais non transformé ; il assimile et il ne s’assimile pas ; il renouvelle sans s’épuiser ; il perfectionne et conduit au salut ; il donne la vie, confère la grâce, remet les péchés, affaiblit la concupiscence ; il nourrit les âmes fidèles, éclaire l’intelligence, enflamme la volonté, fait disparaître les défauts, élève les désirs.
        Ô calice de toutes suavités, où s’enivrent les âmes généreuses ! Ô calice brûlant, calice qui tourne au sang du Christ ; sceau du Nouveau Testament, chasse le vieux levain, remplis notre intime esprit, pour que nous soyons une pâte nouvelle, et que nous mangions les azymes de la sincérité et de la vérité.
        Ô vrai repas de Salomon, cénacle de toute consolation, soutien dans la présente tribulation, aliment de joie et gage de la félicité éternelle, foyer de l’unité, source de vertu et de douceur, symbole de sainteté ! La petitesse de l’hostie ne signifie-t-elle pas l’humilité, sa rondeur l’obéissance parfaite, sa minceur l’économie vertueuse, sa blancheur la pureté, l’absence de levain la bienveillance, sa cuisson la patience et la charité, l’inscription qu’elle porte la discrétion spirituelle, les espèces qui demeurent sa permanence, sa circonférence la perfection consommée ?
        Ô pain vivifiant, ô azyme, siège caché de la toute-puissance ! Sous de modestes espèces visibles se cachent d’étonnantes et sublimes réalités.
        Ô Corps, ô Âme, et Toi de tous deux inséparable, ô Substance Divine ! De ce dont on chante les grandeurs dans ce sacrement auguste, ô bon Jésus, seules, pour la foi, après la consécration, les espèces sacramentelles demeurent ; ce qui est mangé sans être assimilé ne souffre ni augmentation ni diminution ; ce que tous reçoivent en entier, mille ne le possèdent pas plus qu’un seul, un seul le possède autant que mille. Ce que contiennent tous les autels, les parcelles intactes ou brisées le contiennent toutes ; ta chair est mangée véritablement, c’est véritablement ton sang que nous buvons. Et tu es ici le prêtre, et tu es aussi l’hostie, et les saints Anges sont là présents, qui exaltent ta magnificence et louent ta souveraine majesté. C’est là ta puissance, Seigneur, qui seule opère de grandes choses ; elle dépasse tout sentiment et toute compréhension, tout génie, toute raison et toute imagination. C’est Toi qui as institué et confié à tes disciples ce sacrement où tout est miracle.
        N’approche donc pas de cette table redoutable sans une dévotion respectueuse et un fervent amour, homme ! Pleure tes péchés et souviens-toi de la Passion. Car l’Agneau immaculé veut une âme immaculée qui le reçoive comme un pur azyme.
        Recours au bain de la confession ; que le fondement de la foi te porte ; que l’incendie de la charité te consume ; que la douleur de la Passion te pénètre ; qu’un droit jugement t’éprouve.
        Approche de la table du Seigneur, de cette table magnifique et puissante, de telle sorte que tu parviennes un jour aux noces du véritable Agneau, là où nous serons enivrés de l’abondance de la maison de Dieu; là où nous verrons le Roi de gloire, le Dieu des vertus dans toute sa beauté; là où nous goûterons la Pain vivant dans le royaume du Père, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la puissance et l’empire demeurent jusqu’à la fin des siècles. Amen.

            Traduction du P. Sertillanges (Les plus belles pages de saint Thomas d’Aquin)

jeudi 02 juin 2011 Ascension du Seigneur, solennité

2 juin, 2011

du site:

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&localdate=20110602&id=15&fd=1

jeudi 02 juin 2011 Ascension du Seigneur, solennité

L’Ascension du Seigneur

        « Aujourd’hui notre Seigneur Jésus-Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui. Écoutons ce que nous dit l’Apôtre : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans s’éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et pourtant ce qu’il nous a promis ne s’est pas encore réalisé dans notre corps.   
        Lui a déjà été élevé au dessus des cieux ; cependant il souffre sur la terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu’il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J’avais faim, et vous m’avez donné à manger. Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi sur la terre, de telle sorte que par la foi, l’espérance et la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ?     Lui, alors qu’il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l’amour, mais en lui.   
        Lui ne s’est pas éloigné du ciel lorsqu’il en est descendu pour venir vers nous ; et il ne s’est pas éloigné de nous lorsqu’il est monté pour revenir au ciel. Il était déjà là-haut, tout en étant ici-bas ; lui-même en témoigne : Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel. Il a parlé ainsi en raison de l’unité qui existe entre lui et nous : il est notre tête, et nous sommes son corps. Cela ne s’applique à personne sinon à lui, parce que nous sommes lui, en tant qu’il est Fils de l’homme à cause de nous, et que nous sommes fils de Dieu à cause de lui.   
        C’est bien pourquoi saint Paul affirme : Notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, bien qu’étant plusieurs, ne forment qu’un seul corps. De même en est-il pour le Christ. Il ne dit pas: Le Christ est ainsi en lui-même, mais il dit : De même en est-il pour le Christ à l’égard de son corps. Le Christ, c’est donc beaucoup de membres en un seul corps. Il est descendu du ciel par miséricorde, et lui seul y est monté, mais par la grâce nous aussi sommes montés en sa personne. De ce fait, le Christ seul est descendu, et le Christ seul est monté ; non pas que la dignité de la tête se répande indifféremment dans le corps, mais l’unité du corps ne lui permet pas de se séparer de la tête. «    

Prière :                   
Dieu qui élèves le Christ au dessus de tout, ouvre nous à la joie et à l’action de la grâce, car l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire : nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen    
(Préparée par le Département de Théologie Spirituelle de  L’Université Pontificale de la Sainte-Croix)

De saint Augustin, sermon pour l’Ascension, 98, 1-2 (PLS 2, 494-495)

Samedi Saint (Fraternités de Jérusalem)

22 avril, 2011

du site:

http://jerusalem.cef.fr/homelies/index.php?hid=405

per  Fraternités de Jérusalem

Samedi Saint

Joseph de Nazareth, gardien de la vie de J?sus
Joseph d?Arimathie, gardien de sa mort

Quand Jésus est venu dans le monde,
Joseph de Nazareth a accueilli le nouveau-né.
Et à l’heure de quitter ce monde
pour rejoindre le Père,
c’est à un autre Joseph, d’Arimathie,
qu’est confié son corps mort.
Le premier avait enfreint la loi juive
en refusant de dénoncer publiquement Marie (Mt 1,19),
et il ouvrit la porte de la Maison de David à l’Enfant.
Le second, pourtant membre du Conseil,
refusa de donner son assentiment au dessein,
et à l’acte des autres (Lc 23,51) qui avaient condamné Jésus,
et lui offrit une sépulture taillée dans le roc
et ferma la porte du tombeau.

L’Ecriture dit de ces deux Joseph
qu’ils étaient des «hommes justes» (Mt 1,19 ; Lc 23,50).
Le premier fut le gardien
du mystère de l’Incarnation du Verbe
en protégeant le sceau de la virginité de Marie.
Le deuxième fut le gardien
du mystère de la Résurrection du Christ
par la pierre roulée et scellée
devant l’entrée du tombeau.
L’un a protégé la vie,
l’autre a protégé la mort de Jésus.

Hérode voulait tuer l’Enfant-Roi qui venait de naître
car il avait peur pour sa royauté.
Et les membres du Haut-Clergé de Jérusalem
voulaient empêcher Jésus, l’unique Grand-Prêtre
qui a offert sa vie en sacrifice rédempteur,
de ressusciter d’entre les morts
car ils avaient peur pour leur ministère sacerdotal.
Deux Joseph dont le nom signifie en hébreu
«celui qui retranche»,
permettront à Jésus de donner sa vie librement
sans qu’on la lui prenne,
et de faire de sa mort une pâque vers la vie éternelle.
Retranché des mains du roi et des grands-prêtres,
Jésus s’est révélé comme le Vivant,
le Premier et le Dernier,
celui qui détient les clés de la mort
et de l’Hadès (Ap 1,17-18).

Celui qui fut couché dans une mangeoire à orge
a été broyé sur la croix,
offert comme Pain de vie,
et couché à même le roc.
Nu, il est sorti du sein maternel,
enveloppé par Joseph dans les langes,
Nu, il retourne dans le sein du Père,
enveloppé par l’autre Joseph dans le linceul.
La première naissance
annonce la deuxième naissance.
Car cette mort de Jésus
n’est pas un point final.
Elle est une pâque.
Si Jésus est bien mort,
il n’en demeure pas moins
que la vie en lui n’est pas morte.
Il est né à la vie en Sauveur.
Et il descend aux Enfers dans sa mort
en Prince de la Vie (Ac 3,15).
Celui qui est né à la vie
devient le premier-né d’entre les morts.
«Le premier-né d’entre les morts s’en est allé,
nous dit l’Apôtre Pierre, prêcher le salut
aux prisonniers de l’ombre» (1 P 3,19).
Il est descendu dans les profondeurs de la mort,
afin que les morts entendent la voix
du Fils de Dieu et que ceux
qui l’auront entendue vivent (Jn 5,25).

Cette nuit, nous célèbrerons sa victoire.
Nous n’entendrons plus alors parler de
ces deux Joseph mais ne les oublions pas.
Tous deux se sont fait disciples de Jésus.
Comme eux, attachons-nous au Christ,
laissons-le vivre en nous et avec lui,
nous passerons de la mort à la vie.

Le vendredi saint – Sainte Gertrude d’Helfta : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13)

21 avril, 2011

du site:

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20110421

Le vendredi saint : Célébration de la Passion du Seigneur

Commentaire du jour
Sainte Gertrude d’Helfta (1256-1301), moniale bénédictine
Les Exercices, VII none (trad. SC 127, p. 281s rev.)
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13)

      Ô Amour, tu retiens mon Jésus, mon doux salut, si fortement attaché à la croix, qu’expirant sous ta main, il meurt d’amour. Amour, que fais-tu ? Tu ne t’épargnes pas et tu ne te donnes pas de repos, que tu n’aies secouru les malheureux. Tu n’assignes aucune mesure à l’amour… Amour, ton savoir-faire a touché le cœur de mon Jésus avec tant de force que, brisé par l’amour, ce cœur s’est flétri. Amour, te voilà content, te voilà désormais satisfait, puisque mon Jésus est suspendu, mort devant tes yeux : mort, vraiment mort, afin que j’aie, moi, la vie en abondance ; mort, afin que le Père m’adopte pour enfant avec plus de tendresse ; mort afin que moi je vive plus heureusement…

      Ô mort qui porte tant de fruits, de grâce, que sous ta protection, ma mort soit tranquille et sans crainte. Mort du Christ qui apportes la vie, de grâce, puissé-je me fondre sous tes ailes (Ps 35,8). Mort d’où découle la vie, fais qu’une très douce étincelle de ton action vivifiante brûle en moi à jamais. Mort glorieuse, mort fructueuse, mort somme de tout mon salut, aimable contrat de mon rachat, pacte très ferme de ma réconciliation, mort triomphale, douce et pleine de vie, en toi brille pour moi une charité telle qu’au ciel et sur terre on n’en a pas trouvé de comparable.

     Ô mort du Christ que j’aime de tout mon cœur, tu es la confiance spirituelle de mon cœur. Mort très aimante, en toi sont contenus pour moi tous les biens. Prends-moi, je t’en prie, sous ta bienveillante protection, afin qu’à ma mort, doucement je repose sous ton ombre (Ct 2,3). Mort très miséricordieuse, toi tu es ma vie très heureuse. Toi, tu es mon meilleur partage (Ps 15,5). Toi, tu es ma rédemption surabondante. Tu es mon très précieux héritage.

Vendredi Saint – 22 avril 2011 _ Homélie

21 avril, 2011

du site:

http://www.homelies.fr/messe,vendredi.saint,3624.html

Vendredi Saint – 22 avril 2011

Famille de Saint Joseph

Homélie-Messe  

« Venez et vous verrez » (Jn 1, 39). Cette invitation adressée par Jésus à ses premiers disciples, prend ici tout son sens. Il nous faut oser venir à sa suite et contempler la Passion de « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29).
Comment aurions-nous reconnu que Dieu est amour, don sans mesure, si nous ne l’avions vu dans la chair se donner comme il le fit ? Jésus n’a pas que donné son temps, son enseignement, sa compassion active ; il s’est donné non seulement comme des parents se donnent à leurs enfants : tout cela ne suffisait pas pour exprimer son amour. Il a voulu aller plus loin encore et nous aimer « jusqu’au bout » il nous a livré sa vie. Et ce don ultime, il ne l’a pas fait seulement à ceux qui le chérissaient – ses disciples, ses proches, qui eussent été reconnaissants – mais il s’est offert aussi et surtout à ceux qui le haïssaient, car il n’est pas venu pour sauver les justes, mais les pécheurs.
« En ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5, 8).
Comment aurions-nous pu imaginer que Dieu est don de soi inconditionnel, offert même aux mécréants que nous sommes et à qui il propose gratuitement sa vie immortelle, si nous ne l’avions contemplé dans la Passion du Fils unique ? Jésus crucifié nous révèle l’horrible état de notre humanité livrée au malin plaisir de l’Ennemi auquel elle fut asservie par le péché. Mais il nous dit en même temps que désormais Dieu n’est plus absent de ce monde hostile : « Jésus s’est livré » afin d’être solidaire de l’homme jusque dans sa déchéance.
“Je crois au Dieu livré” : y a-t-il pauvreté plus radicale que celle de la Crèche, déréliction plus grande que celle de la Croix, abandon plus total que celui de l’Eucharistie ? “S’il fallait ajouter mille mort en Croix pour ton salut, je le ferai avec joie, et pour toi seul”, nous dit Jésus. Comment avoir peur d’un tel Dieu ? Où est-il le dieu vengeur, castrateur, ennemi de l’homme, jaloux de son bonheur ? Que la contemplation du vrai visage de Dieu – celui qu’il nous révèle sur la Croix – purifie nos conscience de ses idoles lancinantes, chasse toute peur, pour que nous puissions accueillir le don du Père en son Fils Jésus-Christ. Que le flot de tendresse jaillissant du Cœur du Christ chasse toute culpabilité et toute angoisse devant sa souffrance et sa mort. Elles sont nôtres les blessures de l’Agneau : comment nous les reprocherait-il, puisqu’ils nous les offre pour que nous y trouvions la guérison.
« Ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui, ce jour-là ; c’était environ la dixième heure » (Jn 1, 39), c’est-à-dire quatre heures de l’après-midi, l’heure de la mort de Jésus. C’est là qu’il nous faut demeurer avec lui, afin d’apprendre de Dieu lui-même qui nous sommes à ses yeux, le prix que nous avons pour lui. Pas un instant de repli sur lui-même : jusqu’au cœur de sa Passion, Jésus est tout donné : « Ne pleurez pas sur moi, pleurez plutôt sur vous-mêmes et vos enfants » ; « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34) ; « Aujourd’hui tu seras avec moi en Paradis » (Lc 23, 43) ; et enfin : « Femme, voici ton fils ; voici ta mère (Jn 19, 26-27) ». A tous ceux qui persévère dans la contemplation de l’Agneau immolé offert pour le salut du monde, Jésus donne sa Mère. C’est auprès d’elle que le disciple est désormais invité à demeurer pour découvrir à la lumière de l’Esprit dont elle est comblée, le vrai visage du Dieu qui se fait proche ; c’est à son école qu’il peut apprendre à aimer en « esprit et vérité ».
« Je répandrai sur la maison de David et sur l’habitant de Jérusalem un esprit de bonne volonté et de supplication. Alors ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé. Ils célèbreront le deuil sur lui, comme pour le fils unique. Ils le pleureront amèrement comme on pleure un premier-né. Ce jour-là une Source jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem en remède au péché et à la souillure » (Za 12, 10. 13, 1).
Demeurons au pied de cette Source, afin de pouvoir confesser, non par ouï dire mais parce que nous en aurons fait l’expérience personnelle : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41).

« Venez, faisons de notre amour
comme un encensoir immense et universel,
prodiguons cantiques et prières
à celui qui a fait de sa Croix
un encensoir à la divinité,
et nous a tous comblé de richesses par son Sang. » (Saint Ephrem)

Jeudi Saint avril 2011 – Homélie

20 avril, 2011

du site:

http://www.homelies.fr/homelie,jeudi.saint,3131.html

Jeudi Saint -  avril 2011

Famille de Saint Joseph

Homélie -Messe  

Le mystère que nous célébrons en trois jours, résume toute la mission de l’Incarnation et le porte à son accomplissement. Il tient en quelques mots : Jésus est celui qui nous a aimés. On ne peut rien dire d’autre de lui que cela : il a aimé. Aimé parfaitement, aimé jusqu’au bout. Saint Jean l’annonçait dès les premiers versets que nous avons entendus : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». Tout est dit. Tout va être accompli. Jésus entre souverainement dans sa Passion et va être consacré Grand Prêtre.
Fidèle à son habitude, saint Jean nous place dès l’introduction dans une perspective très ample : « avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ».
L’évangéliste nous livre dans ce verset le sens et le but de l’Incarnation et du mystère pascal : sorti de Dieu qui l’a envoyé, Jésus, par la Croix, retourne vers lui avec le monde, pour le monde. Jésus a choisi de vivre ces heures par amour pour nous, pour nous faire vivre en Dieu. Voilà simplement ce que raconte le lavement des pieds.
La scène est très solennelle. Jésus quitte d’abord la table qu’il présidait. Nous voyons le Verbe de Dieu qui ne retient pas sa dignité et accepte volontairement l’abaissement. Jésus dépose ensuite son vêtement. Il nous l’a enseigné : le Bon Berger dépose sa vie, il s’en dessaisit. Puis Jésus lave les pieds de ses disciples. Nous y voyons ou le geste humiliant de l’esclave ou le geste déférent du disciple envers son maître ; nous voyons en tous cas que Jésus a choisi la dernière place. C’est en plongeant en cet abîme d’humilité que Jésus mène à son terme la mission du salut que le Père lui a confiée. En cette heure où il entre souverainement dans sa Passion, en cette heure où le Père a tout remis entre ses mains, notre Seigneur manifeste une autorité qui se traduit dans l’humilité du Serviteur.
Ce que nous contemplons ce soir est le mystère de Jésus Serviteur du Père.
L’attitude de saint Pierre nous introduit dans cette contemplation. Elle est d’abord superficielle : « Toi, Seigneur, tu veux me laver les pieds ! ». Pierre refuse le chemin d’humilité où Jésus s’engage et où il l’appellera. Mais Pierre ne refuse pas l’enseignement de Jésus en bloc. Son « Toi, Seigneur » montre qu’il refuse que ce soit Jésus, le Seigneur, qui prenne cette place. S’il est aussi vif, c’est parce qu’il est personnellement impliqué, parce qu’il est personnellement ébranlé. L’image qu’il avait de Jésus comme Seigneur ne lui permet pas de supporter ce spectacle.
Ce constat vaut pour nous. Découvrir que le Christ n’est pas vraiment tel que nous l’imaginons ou tel que nous voudrions qu’il soit, ébranle les fondements de notre relation avec lui, et, par conséquence, met en cause l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes. C’est aussi en cela que la Passion est une épreuve décapante. Nous y découvrons notre Dieu sous un visage déconcertant, et souvent, avant de susciter la compassion, cela remet en cause ce que nous croyons être ou ce que pensions devoir devenir.
Jésus rassure Pierre. Il lui révèle alors que ce chemin d’humilité est la condition d’accès à la vie éternelle. Avoir part avec Jésus, c’est partager sa vie au ciel avec le Père.
Pierre réagit de nouveau très vivement. Devant la perspective d’une union parfaite et totale à Dieu, son enthousiasme se réveille, et il passe du tout ou rien. « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! ». Nous entendons ici que cet enthousiasme n’est pas le signe d’une conversion. Pierre n’a pas quitté ses vieux schémas puisqu’il banalise le lavement des pieds. Il le met au même plan qu’une pratique hygiénique ou qu’un bain. Jésus est obligé de le reprendre : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver : on est pur tout entier. ». La logique de Pierre n’est pas celle de l’évangile. Jésus lave uniquement les pieds parce nous avons à recevoir petit à petit le don de Dieu. Il nous est livré tout entier, mais notre condition ne nous permet pas d’y accéder intégralement et instantanément. Jésus disait : « plus tard, tu comprendras ». Cela fait partie de notre chemin d’humilité, cela explique qu’il nous faut trois jours entiers pour méditer chaque année le mystère de Pâque et que sans cesse nous avons à recevoir de Dieu.
« Après leur avoir lavé les pieds, il reprit son vêtement et se remit à table. » Nous achevons le grand mouvement de l’Incarnation et de la Rédemption que raconte le lavement des pieds. Jésus, après avoir accompli le service de son Père, reprend la vie dont il s’était dessaisi, et retrouve le trône de gloire que le Père lui réserve.
« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? », demande-t-il. Sans doute, nous le comprenons à présent. Suivre Jésus est marcher sur le chemin d’humilité qu’il a lui-même emprunté pour un jour partager avec lui sa gloire.
Mais Jésus nous pousse plus loin. « Vous m’appelez ‘Maître’ et ‘Seigneur’, et vous avez raison, car vraiment je le suis ». Il insiste par trois fois pour dire qu’il est le Seigneur. Autrement dit, le geste du lavement des pieds est fait par Jésus qui est et n’a jamais cessé d’être ‘Seigneur’. Le lavement des pieds est un service qui ne peut être accompli que par le Seigneur.
Quand il poursuit « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » il ne fait donc pas un raisonnement à fortiori. Jésus ne veut pas seulement dire : « puisque le seigneur s’est montré humble, vous qui n’êtes que des disciples, ne vous prenez pas pour plus que vous êtes, et restez humbles ». Car le lavement des pieds n’est pas pratiqué par les disciples mais par le maître.
Ce soir est donc particulièrement émouvant. Jésus va nous quitter, et avant de partir, il nous demande de prendre sa suite. Il nous dit : vous qui êtes mes disciples, maintenant conduisez-vous en maîtres ; vous qui m’avez suivi et écouté, maintenant montrez le chemin. C’est ce que rapporte saint Jean : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ».
Le mystère que nous célébrons est donc celui d’une royauté tellement humble qu’elle nous associe à son œuvre de salut. En s’abaissant à nos pieds, Jésus nous transmet quelque chose de sa seigneurie, et la déposition du vêtement montre que ce geste du lavement des pieds tire son efficacité du don de la vie.
Que le prêtre, dans quelques instants, dépose à son tour son vêtement liturgique pour s’abaisser aux pieds de certains d’entre nous, montre que notre présence ici ce soir nous engage personnellement dans ce mouvement spirituel. C’est cela célébrer l’eucharistie. Non seulement accueillir le don ineffable qui nous est fait, mais choisir de nous offrir nous-mêmes en Christ pour qu’il nous ramène enfin, dans la communion et la joie, dans la maison du Père.
Frère Dominique

Le jeudi saint : Messe du soir du Jeudi-saint en mémoire de la Cène du Seigneur – Jean-Paul II – Homélie

20 avril, 2011

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http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20110421

Le jeudi saint : Messe du soir du Jeudi-saint en mémoire de la Cène du Seigneur

Commentaire du jour
Jean-Paul II  -Homélie (trad. L’Osservatore romano rev.)


« Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne »

      « Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, ayant aimé les siens…, les aima jusqu’à la fin. » Et voilà que, pendant le repas pascal, la dernière avant son départ vers le Père, se révèle un signe nouveau : le signe de la Nouvelle Alliance. « Jusqu’à la fin » veut dire : jusqu’à se donner lui-même pour eux. Pour nous. Pour tous. « Jusqu’à la fin » veut dire : jusqu’à la fin des temps. Jusqu’à ce que lui-même revienne une autre fois.

      Depuis cette soirée de la dernière Cène, nous tous, fils et filles de la Nouvelle Alliance dans le sang du Christ, nous rappelons sa Pâque, son départ grâce à la mort sur la croix. Mais nous ne nous la rappelons pas seulement. Le sacrement du Corps et du Sang rend présent son sacrifice. Il nous y fait participer toujours de nouveau. Dans ce sacrement, le Christ crucifié et ressuscité est constamment avec nous, constamment il revient à nous sous la forme du pain et du vin, jusqu’à ce qu’il vienne de nouveau, afin que le signe fasse place à la réalité ultime et définitive. Que rendrai-je pour l’amour « jusqu’à la fin » ?

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