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ORIGINE ET DEVELOPPEMENT DU CULTE DU SACRE-COEUR

26 juin, 2014

http://moulins.visitation.free.fr/sacrecoeur-origine.htm

ORIGINE ET DEVELOPPEMENT DU CULTE DU SACRE-COEUR

[d'après une petite brochure éditée par le monastère de la Visitation de Paray-le-Monial]

Les choix de Dieu
« O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles ! Qui, en effet, a jamais connu la pensée du Seigneur ? Qui en fut jamais le conseiller ?  » (Rm 11, 33-34).
Les voies de Dieu, les choix de Dieu sont souvent déconcertants aux yeux des hommes : ils sont généralement à l’opposé des leurs. Pour l’accomplissement de ses plus grands desseins, ne voit-on pas Dieu, dans l’Ancien Testament, tirer d’un pays inconnu des êtres plus ignorés encore ? Son Fils unique lui-même, Jésus, Sauveur du monde, naîtra à Bethléem. Sa mère sera Marie, épouse de Joseph, modestes artisans dont il n’était rien dit :  » Les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur  » (1S 16, 7).
 » Nul n’a jamais vu Dieu, le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître « , affirme saint Jean. En effet :  » Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique « . Ecoutons-le. Un jour, prenant la parole, il dit :  » Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir « . Ces mystères cachés, révélés aux petits, quels sont-ils ?

La Révélation principale
L’essentielle révélation du Christ qu’il importe à tout homme de connaître et de ne jamais oublier, trois petits mots, en quelques traits de feu, suffisent à l’énoncer :  » DIEU EST AMOUR « . Ces trois mots ont jailli du cœur de l’apôtre bien-aimé, seul près de Marie, avec Marie-Madeleine et quelques femmes, à l’heure où le Christ expirait, donnant aux hommes la preuve du « plus grand amour « .
Il écrira :  » Un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et, aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, afin que vous croyiez vous aussi « . Au véritable Agneau pascal s’applique la parole :  » Pas un os ne lui sera brisé « . Il est dit encore :  » Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé « .
Très tôt, les mystiques et les saints ont contemplé la plaie du côté du Christ, pénétrant jusqu’au cœur de celui qui a versé son sang pour le salut du monde et répandu l’eau vive de l’Esprit.

Le choix du  » cher Paray « 
Au XVIIè siècle, la France sort meurtrie des guerres dites  » de religion « , qui ont opposé violemment des frères chrétiens. Le jansénisme, de son côté, insuffle dans l’Eglise plus de crainte que d’amour. Plus que jamais, il est nécessaire de redécouvrir l’Evangile, Bonne Nouvelle de Dieu. Amour.
Paray possède, depuis longtemps déjà, un prieuré bénédictin, rattaché à l’Abbaye de Cluny, dont les moines ont bâti l’admirable basilique d’aujourd’hui. Il existe aussi, depuis 1618, une  » Mission  » des Jésuites. Mais, en 1626, cette ville, où l’on prie, désire encore et obtient, avec l’accord de sainte Jeanne de Chantal, des moniales de la Visitation Sainte-Marie, ordre fondé à Annecy, en 1610. – Le fondateur, saint François de Sales (décédé en 1622), avait écrit :  » Vraiment, notre petite congrégation est un ouvrage du cœur de Jésus et de Marie. Le Sauveur mourant nous a enfantés par l’ouverture de son sacré Cœur « . Il avait même été inspiré de donner pour emblème à l’ordre :  » Un unique cœur percé de deux flèches « , surmonté d’une croix, entouré d’une couronne d’épines et gravé des noms de Jésus et Marie. -
Entre Paray et Cluny, un petit village : Verosvres. C’est là que sera baptisée, le 25 juillet 1647, Marguerite Alacoque, née trois jours plus tôt, en la fête de sainte Marie Madeleine.
Dès son enfance, elle a horreur du péché, aime prier et rester près du saint Sacrement. Vers l’âge de quatre ans, au cours d’une Messe entendue à genoux, elle se sent pressée, entre les deux élévations, de se consacrer totalement à Dieu. Le Seigneur lui dira plus tard :  » C’est moi qui te pressais de le faire… Et puis, je te mis en dépôt au soin de ma sainte Mère, afin qu’elle te façonnât selon mes desseins « .
Prédestinée, elle connaît très tôt la souffrance : elle n’a que huit ans à la mort de son père. Chargée de la tutelle de ses cinq enfants, sa mère reste peu au logis. Marguerite est mise dans un pensionnat, où elle communie à neuf ans et désire imiter les religieuses. Mais la maladie la terrasse : durant quatre ans, il lui est impossible de marcher. Elle prie la Vierge Marie et se trouve guérie dès qu’elle lui fait vœu d’être  » un jour l’une de ses filles « . La santé retrouvée, elle se sent portée  » à la vanité et à l’affection des créatures « . D’un naturel aimable et gai, elle oublie ses promesses et va jusqu’à se déguiser, au temps du carnaval : ce qu’elle se reprochera amèrement.
Elle aime les pauvres, partage avec eux ce qu’elle a, leur apprend le catéchisme. Sa charité est remarquable : elle appellera  » chères bienfaitrices  » de son âme les trois personnes de la famille paternelle qui exercent, sur la veuve et sa fille, une autorité exagérée.
De toute leur affection, les siens pressent Marguerite de se marier. Elle lutte. Non. Dieu le veut : elle sera religieuse. Aux Sainte-Marie.  » Dès qu’on me nomma Paray, écrit-elle, mon cœur se dilata de joie « . Son frère la conduit donc au  » cher Paray « , le 25 mai 1671. Là, au parloir de la Visitation, elle entend intérieurement :  » C’est ici que je te veux « . Quittant tout le 20 juin, elle reçoit l’habit religieux et le nom de Marguerite-Marie, le 25 août 1671.
Eprise de vérité, elle saisit très vite – et on le lui dit – que l’esprit de l’Ordre ne veut rien d’extraordinaire. Les responsables s’interrogent. Elle craint son renvoi. Le Seigneur la rassure :  » Dis à ta supérieure qu’il n’y a rien à craindre pour te recevoir, que je réponds pour toi… « .
En 1672, elle fait dix jours de retraite en compagnie de son Souverain Maître, avant d’émettre ses vœux le 6 novembre. Le bosquet du jardin lui devient alors  » un endroit de grâce « , surtout par les lumières qu’elle y reçoit sur le mystère de la Passion.  » Mais, précise-t-elle, c’est ce qui m’a donné tant d’amour pour la croix « .
Objet de grâces spéciales, un 1er juillet, pendant le Te Deum des Matines, une lumière divine vient reposer sur ses bras, sous  » la figure d’un petit enfant « , et elle est guérie d’une extinction de voix.

Les principales Révélations de Paray
On est au 27 décembre 1673, fête du  » disciple que Jésus aimait « , celui qui, à la Cène, reposa sur son cœur. Et le Seigneur choisit ce jour pour se révéler à celle qu’il va nommer :  » la disciple bien-aimée de mon sacré Cœur « .
Marguerite-Marie est en prière devant le saint Sacrement quand elle se sent plus fortement investie que de coutume de la présence divine. Oubliant tout, elle s’abandonne à la force de l’Esprit d’amour. Le Christ la fait  » reposer fort longtemps sur sa divine poitrine  » où, écrit-elle,  » il me découvrit les merveilles de son amour et les secrets inexplicables de son sacré Cœur, qu’il m’avait toujours tenu cachés jusqu’alors qu’il me l’ouvrit pour la première fois. Mais d’une manière si effective et sensible qu’il ne me laissa aucun lieu d’en douter.  » Il lui dit :  » MON DIVIN CŒUR EST SI PASSIONNE D’AMOUR POUR LES HOMMES ET POUR TOI EN PARTICULIER QUE NE POUVANT PLUS CONTENIR EN LUI-MEME LES FLAMMES DE SON ARDENTE CHARITE, IL FAUT QU’IL LES REPANDE PAR TON MOYEN, ET QU’IL SE MANIFESTE A EUX POUR LES ENRICHIR DE SES PRECIEUX TRESORS QUE JE TE DECOUVRE… « 
Ce divin Cœur lui est ensuite spécialement représenté les premiers vendredis du mois  » comme un soleil brillant d’une éclatante lumière « .  » Une fois entre les autres, écrit-elle sans autre précision, que le saint Sacrement était exposé… Jésus-Christ, mon doux Maître, se présenta à moi tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils « . Des flammes sortaient de toute part,  » mais surtout de son adorable poitrine qui ressemblait à une fournaise « . Il lui découvre alors  » son tout aimant et tout aimable Cœur qui était la vive source de ces flammes « , et lui redit l’excès de sa tendresse pour les hommes, dont il ne reçoit  » que des ingratitudes et des méconnaissances « . Il en souffre et ajoute :  » S’ILS ME RENDAIENT QUELQUE RETOUR D’AMOUR, J’ESTIMERAIS PEU TOUT CE QUE J’AI FAIT POUR EUX ET VOUDRAIS, S’IL SE POUVAIT, EN FAIRE ENCORE DAVANTAGE « . La Sainte devra suppléer à ces ingratitudes : communier souvent, en plus des premiers vendredis du mois, et veiller une heure avec lui tous les jeudis, de onze heures à minuit.
Eprouvée en sa santé, elle s’unit à la croix et Dieu la visite. Les trois Personnes de la Sainte Trinité lui apparaissent une fois  » sous la forme de trois jeunes hommes vêtus de blanc, tous resplendissants de lumière, de même âge, grandeur et beauté « .
L’apparition la plus célèbre est celle de juin 1675. Un jour de l’octave de la Fête-Dieu, le saint Sacrement est exposé : Marguerite-Marie l’adore. Lui découvrant  » son divin Cœur « , Notre Seigneur lui dit :  » VOILA CE CŒUR QUI A TANT AIME LES HOMMES, QU’IL N’A RIEN EPARGNE JUSQU’A S’EPUISER ET SE CONSOMMER POUR LEUR TEMOIGNER SON AMOUR. ET, POUR RECONNAISSANCE, JE NE RECOIS DE LA PLUPART QUE DES INGRATITUDES, PAR LEURS IRREVERENCES, ET PAR LES FROIDEURS ET LES MEPRIS QU’ILS ONT POUR MOI DANS CE SACREMENT D’AMOUR… C’EST POUR CELA QUE JE TE DEMANDE QUE LE PREMIER VENDREDI D’APRES L’OCTAVE DU SAINT SACREMENT SOIT DEDIE A UNE FETE PARTICULIERE POUR HONORER MON CŒUR, EN COMMUNIANT CE JOUR-LA ET EN LUI FAISANT REPARATION D’HONNEUR… « 
Le Christ avait promis à Marguerite-Marie de lui envoyer  » un sien serviteur « . Or, au début de 1675, le P. La Colombière était arrivé à la Résidence des Jésuites. Dès sa première conférence aux Visitandines, ignorant tout, il l’avait distinguée. Interrogeant ensuite la supérieure, il l’assura que c’était  » une âme de grâce « . A ce guide éclairé, Marguerite-Marie a tout confié et, le vendredi suivant la grande révélation, 21 juin, en union avec elle, le Père se consacre lui-même au Cœur de Celui qui le nommait son  » fidèle et parfait ami « . Dans la ferveur de leur don total, offrant souffrances et humiliations rencontrées, tous deux cherchent alors à faire connaître la nouvelle dévotion. Mais en septembre 1676, le religieux, envoyé en Angleterre, quitte Paray – où il reviendra mourir en 1682.

La paix du soir
 » Ne te suffis-je pas ?  » dit le Seigneur à sa  » disciple bien-aimée « , restée seule. Toute sa force est au saint Sacrement et en la Vierge Marie. Travaillant un jour dans une petite cour proche de la chapelle, « l’aimable Cœur  » de Jésus lui est représenté  » plus brillant qu’un soleil « , environné de Séraphins qui désirent souffrir en sa personne et la réjouir en la leur.
Grâces particulières, épreuves particulières continuent de tisser sa vie, mais sa vertu a fini par éclater aux yeux de ses compagnes qui ne lui mesurent plus leur affection. En mai 1684, elle est élue assistante de la Communauté et, en fin d’année, elle est nommée Maîtresse des novices. Elle leur fera connaître le Cœur du Christ.
Le jour de sa propre fête, 20 juillet 1685, tombant un vendredi, elle les invite à honorer ce Cœur sacré, dont elle leur a donné une  » image tracée avec une plume  » sur un papier. – Cette  » première image du sacré Cœur  » n’est visiblement qu’un symbole d’amour : celui du Cœur qui nous  » aima jusqu’à l’extrême « . En effet, les tableaux qui ont ravi la Sainte de Paray représentent la Sainte Trinité : le Père sous un visage humain, le Fils sous la figure d’un cœur et l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe. Elle n’écrit pas  » le Sacré-Cœur « , mais bien :  » le sacré Cœur de N.S.J.C.  » ou encore :  » ce sacré… ce divin Cœur  » car elle n’a jamais séparé le Cœur du Christ de sa personne humano-divine. -
Aux premiers hommages rendus par les novices, aucune autre sœur n’a voulu s’unir. Mais, l’année suivante, le vendredi après l’octave de la Fête-Dieu, 21 juin, toute la Communauté répond elle-même au désir du Cœur divin en l’honorant pour la première fois. Elle s’engage alors à lui faire faire un tableau, puis à lui bâtir sa première chapelle dans le jardin. Celle-ci sera bénie solennellement le 7 septembre 1688.
Quelques messages pour Louis XIV sont donnés par le Christ à sa disciple en 1689 : elle essaie de les transmettre. Mais, en 1690, le jour de ses quarante-trois ans et fête de sainte Madeleine, elle commence à se préparer à la mort qu’elle sent approcher. Le culte nouveau se répand désormais : sa tâche est finie. Malade, elle s’alite au début d’octobre et meurt le 17, après avoir dit :  » Je n’ai plus besoin que de Dieu seul et de m’abîmer dans le Cœur de Jésus-Christ « . Le lendemain matin, on se redit dans la ville :  » La Sainte est morte « . De nombreuses grâces lui sont de suite attribuées et, le 13 mai 1920, l’Eglise elle-même la proclame  » Sainte « .

Paray : source inépuisable
La Sainte n’est plus. Son message demeure. Avant 1690, le culte du Sacré-Cœur — déjà éveillé dans les esprits, avec celui du Cœur de Marie, par saint Jean Eudes — s’étendait surtout par le moyen des Confréries. On désire plus. Dès 1692, l’institution d’une fête est en vain sollicitée du Saint-Siège. En France, plusieurs évêques autorisent, dans leurs diocèses, la célébration de messes du Sacré Cœur (à Paray, en 1721). Enfin, sur les instances de son roi, de l’évêque de Cracovie et de tout son épiscopat, la Pologne, la première, obtient de Rome, en 1765, la concession avec messe et office propres. La même année, à la demande de la reine Marie Leczinska, les évêques de France adoptent la fête et, en 1856, ils en obtiennent l’extension à toute l’Eglise.
En 1873, commence à Paray l’ère des grands pèlerinages. Le 29 juin, on y voit un groupe de députés français. Ce même jour, perdue dans la foule, Mlle Emilie Tamisier a l’inspiration de lancer les Congrès Eucharistiques Internationaux. Lille organise le premier en 1881. – Lourdes est choisie pour le centenaire de cette œuvre voulue pour remercier le Christ du don le plus précieux de son Cœur : l’Eucharistie. -
En 1875, est posée à Montmartre la première pierre de « la basilique du Vœu National « , qui rayonne désormais sur Paris. A l’aube du XXè siècle, en 1899, le genre humain est consacré au Cœur de Jésus par Léon XIII, qui appelait Paray : la  » cité chérie du ciel « .
Jean XXIII aimait aussi cette cité qu’il a visité cinq fois. En 1959, première année de son Pontificat, en la fête de Marguerite-Marie, il envoyait spontanément un long télégramme disant à tous son union. Six ans plus tard, le bicentenaire du décret de 1765 unit la Pologne à la France : l’archevêque de Cracovie vient à Paray en  » simple pèlerin « . Nul ne pressentait alors qu’en 1978 cette même fête nous donnerait en lui le pape Jean-Paul II…
Nombreux sont les pèlerins de tous pays qui, chaque année, viennent prier en la Chapelle de la Visitation où le Christ a voulu rappeler aux hommes son amour. Lui seul peut satisfaire leur soif de tendresse. Depuis 1975, des groupes de  » Renouveau  » tiennent, à Paray, leurs sessions d’été. L’année précédente, étant à Vézelay, où l’on vénère Marie Madeleine, la première à connaître l’infinie miséricorde de son Seigneur, ils ont compris qu’ils devaient rencontrer eux-mêmes ce divin Cœur. Au cours de leurs sessions, ils passent chaque nuit des heures d’adoration près du saint Sacrement exposé au lieu des apparitions. Ils y puisent force, lumière et joie. On vient et revient en ce lieu choisi : pourquoi ne pas le faire aussi ? Le Christ nous y invite :  » Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et, moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger  » (Mt 11, 28-30).

[imprimatur : Paray, 1er mai 1981, Mgr Gaidon, év.-aux. d'Autun]
Cette petite brochure, que l’on peut encore se procurer aisément, est fort bien faite et nous introduit facilement dans la spiritualité propre au Sacré-Cœur de N.S.J.C.
Depuis 1981, date de sa parution, Paray n’attire pas moins de pèlerins. Nombreux toujours sont ceux qui, du monde entier, viennent s’y ressourcer. Le pape Jean-Paul II lui-même y vint en 1986 y vénérer sainte Marguerite-Marie et se recueillir sur le lieu des apparitions. Paray est aussi aujourd’hui un centre important de la Communauté de l’Emmanuel, qui y attire beaucoup de jeunes, et puise la force de poursuivre sa mission.
Car l’esprit du Sacré-Cœur est un esprit missionnaire : il s’agit d’accomplir le règne social de N.S.J.C. en ce monde.
Historiquement, le développement du culte du Sacré-Cœur est aussi étroitement lié à celui du sentiment national, plus particulièrement en France. Il nous faut rappeler que, durant la Révolution Française et les années qui suivirent, les Vendéens, révoltés face au régime anticlérical et antichrétien, et autres chouans prirent pour insigne un cœur surmonté d’une croix, tous deux rouges sur fond blanc, avec cette devise :  » Dieu et le Roy « . C’est ce même Sacré-Cœur que l’on retrouva accolé aux couleurs tricolores sur nombre de poilus français durant la  » Grande Guerre « . La Visitation de Nantes l’avait déjà brodé au XIXème siècle, et s’il se développa alors il n’apparut donc pas pour la première fois durant cette  » Grande Guerre « . Plus près de nous, qui n’a pas remarqué les nombreux drapeaux français ornés du Sacré-Cœur en leur milieu brandis par maints jeunes lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris en 1997 ? En fait, c’est toute la France chrétienne qui se retrouve derrière un culte né chez elle, dans une petite ville de province, culte riche de sens et de foi nous l’avons vu !
On oublie malheureusement bien souvent les origines  » visitandines  » du culte du Sacré-Cœur, on oublie bien souvent aussi que saint François de Sales voyait déjà l’Institut de la Visitation Sainte-Marie comme un  » ouvrage du cœur de Jésus et de Marie « , de nombreuses années avant les apparitions donc. Il est par conséquent important de le rappeler ici.

QUELLE EST L’ORIGINE DE LA FÊTE-DIEU ?

17 juin, 2014

http://www.fr.josemariaescriva.info/article/quelle-est-lorigine-de-la-feate-dieu

QUELLE EST L’ORIGINE DE LA FÊTE-DIEU ?

Mots: Eucharistie

La solennité de la Fête-Dieu fut instaurée au XIIIème siècle, dans un contexte historique et culturel précis, afin que la foi du Peuple de Dieu en Jésus-Christ vivant et réellement présent dans le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie soit ouvertement déclarée.

Benoît XVI en parle ainsi :
A l’âge de seize ans, sainte Julienne de Cornillon eut une première vision, qui se répéta ensuite plusieurs fois dans ses adorations eucharistiques. La vision présentait la lune dans toute sa splendeur, dont le diamètre était traversé par une bande noire. Le Seigneur lui fit comprendre la signification de ce qui lui était apparu. La lune symbolisait la vie de l’Eglise sur terre, la ligne opaque représentait en revanche l’absence d’une fête liturgique, pour l’institution de laquelle il était demandé à Julienne de se prodiguer de façon efficace: c’est-à-dire une fête dans laquelle les croyants pouvaient adorer l’Eucharistie pour faire croître leur foi, avancer dans la pratique des vertus et réparer les offenses au Très Saint Sacrement.[…]
Jacques Pantaléon de Troyes, qui avait connu la sainte au cours de son ministère d’archidiacre à Liège, fut lui aussi conquis à la bonne cause de la fête du Corpus Domini. Ce fut précisément lui, devenu Pape sous le nom d’Urbain IV, qui institua en 1264 la solennité du Corpus Domini comme fête de précepte pour l’Eglise universelle, le jeudi suivant la Pentecôte.

Jusqu’à la fin du monde
Détail du reliquaire qui contient le corporal avec les gouttes de sang du miracle eucharistique de 1263 à Bolsène. Il se trouve à la cathédrale d’Orvieto, en Italie.
Dans la Bulle d’institution, intitulée Transiturus de hoc mundo (11 août 1264), le Pape Urbain évoque à nouveau très discrètement, les expériences mystiques de Julienne, soutenant leur authenticité, et il écrit: «Bien que l’Eucharistie soit chaque jour solennellement célébrée, nous considérons juste que, au moins une fois par an, l’on en honore la mémoire de manière plus solennelle. En effet, les autres choses dont nous faisons mémoire, nous les saisissons avec l’esprit et avec l’intelligence, mais nous n’obtenons pas pour autant leur présence réelle. En revanche, dans cette commémoration sacramentelle du Christ, bien que sous une autre forme, Jésus Christ est présent avec nous dans sa propre substance. En effet, alors qu’il allait monter au ciel, il dit: “Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde” (Mt 28, 20)».
Le Pape lui-même voulut donner l’exemple, en célébrant la solennité du Corpus Domini à Orvieto, la ville où il demeurait alors. C’est précisément sur son ordre que, dans la cathédrale de la ville l’on conservait — et l’on conserve encore — le célèbre corporal portant les traces du miracle eucharistique qui avait eu lieu l’année précédente, en 1263 à Bolsène.
Un prêtre, alors qu’il consacrait le pain et le vin, avait été saisi de doutes profonds sur la présence réelle du Corps et du Sang du Christ dans le sacrement de l’Eucharistie. Miraculeusement quelques gouttes de sang commencèrent à jaillir de l’hostie consacrée, confirmant de cette manière ce que notre foi professe.

Des textes touchants
Urbain IV demanda à l’un des plus grands théologiens de l’histoire, saint Thomas d’Aquin — qui a cette époque accompagnait le Pape et se trouvait à Orvieto —, de composer les textes de l’office liturgique de cette grande fête. Ces derniers, encore en usage aujourd’hui dans l’Eglise, sont des chefs-d’œuvre, dans lesquels se fondent la théologie et la poésie. Ce sont des textes qui font vibrer les cordes du cœur pour exprimer la louange et la gratitude au Très Saint Sacrement, alors que l’intelligence, pénétrant avec émerveillement dans le mystère, reconnaît dans l’Eucharistie la présence vivante et véritable de Jésus, de son Sacrifice d’amour qui nous réconcilie avec le Père, et nous donne le salut. […]

Un « printemps eucharistique »
Je voudrais affirmer avec joie qu’il y a aujourd’hui dans l’Eglise un «printemps eucharistique»: combien de personnes demeurent en silence devant le Tabernacle, pour s’entretenir en une conversation d’amour avec Jésus! Il est réconfortant de savoir que beaucoup de groupes de jeunes ont redécouvert la beauté de prier en adoration devant le Très Saint Sacrement. Je pense par exemple à notre adoration eucharistique à Hyde Park, à Londres. Je prie afin que ce «printemps eucharistique» se répande toujours davantage dans toutes les paroisses, en particulier en Belgique, la patrie de sainte Julienne. Le vénérable Jean-Paul II, dans l’encyclique Ecclesia de Eucharistia, constatait que «dans beaucoup d’endroits, l’adoration du Saint-Sacrement a une large place chaque jour et devient source inépuisable de sainteté. La pieuse participation des fidèles à la procession du Saint-Sacrement lors de la solennité du Corps et du Sang du Christ est une grâce du Seigneur qui remplit de joie chaque année ceux qui y participent. On pourrait mentionner ici d’autres signes positifs de foi et d’amour eucharistiques» (n. 10).
En nous souvenant de sainte Julienne de Cornillon renouvelons nous aussi la foi dans la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Comme nous l’enseigne le Compendium du catéchisme de l’Eglise catholique, «Jésus Christ est présent dans l’Eucharistie d’une façon unique et incomparable. Il est présent en effet de manière vraie, réelle, substantielle: avec son Corps et son Sang, avec son Âme et sa divinité. Dans l’Eucharistie, est donc présent de manière sacramentelle, c’est-à-dire sous les espèces du pain et du vin, le Christ tout entier, Dieu et homme» (n. 282).
Chers amis, la fidélité à la rencontre avec le Christ eucharistique dans la Messe dominicale est essentielle pour le chemin de foi, mais essayons aussi d’aller fréquemment rendre visite au Seigneur présent dans le Tabernacle! En regardant en adoration l’Hostie consacrée, nous rencontrons le don de l’amour de Dieu, nous rencontrons la Passion et la Croix de Jésus, ainsi que sa Résurrection.

Source de joie

C’est précisément à travers notre regard d’adoration que le Seigneur nous attire à lui dans son mystère, pour nous transformer comme il transforme le pain et le vin. Les saints ont toujours trouvé force, consolation et joie dans la rencontre eucharistique. Avec les paroles de l’hymne eucharistique, Adoro te devote nous répétons devant le Seigneur, présent dans le Très Saint-Sacrement: «Fais que, toujours davantage, en toi je croie, je place mon espérance, je t’aime!». Merci.

TEXTES DE SAINT JOSÉMARIA : L’ASCENSION DU SEIGNEUR

30 mai, 2014

http://www.fr.josemariaescriva.info/article/l27ascension-du-seigneur

SAINT JOSÉMARIA TEXTES DE SAINT JOSÉMARIA

L’ASCENSION DU SEIGNEUR

La liturgie nous propose, une fois de plus, le dernier mystère de la vie de Jésus-Christ parmi les hommes : son Ascension au ciel.
Quand le Christ passe , 117

Comment ne nous manquerait-Il pas ?
Il m’a toujours paru logique que la Très Sainte Humanité de Jésus-Christ monte dans la gloire du Père, et cela m’a toujours rempli de joie, mais je pense aussi que cette tristesse, propre au jour de l’Ascension, est une marque de l’amour que nous ressentons pour Jésus Notre Seigneur. Lui qui, étant Dieu parfait, s’est fait homme, homme parfait, chair de notre chair et sang de notre sang, nous quitte pour aller au ciel. Comment ne nous manquerait-Il pas ?
Quand le Chrtist passe , 117
Entreprendre cette tache dans le monde
La fête de l’Ascension du Seigneur nous suggère aussi une autre réalité : ce Christ, qui nous pousse à entreprendre cette tache dans le monde, nous attend au ciel. En d’autres termes, cette vie terrestre, que nous aimons, n’est pas définitive ; car nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle de l’avenir, la cité immuable.
Mais prenons garde de ne pas interpréter la Parole de Dieu en l’enfermant dans l’étroitesse de nos horizons. Le Seigneur ne nous demande pas d’être malheureux lors de notre chemin sur terre, et de n’attendre notre consolation que de l’au-delà. Dieu nous veut heureux ici-bas, mais dans l’attente impatiente de l’accomplissement définitif de cet autre bonheur que Lui seul peut nous donner entièrement.
Sur cette terre, la contemplation des réalités surnaturelles, l’action de la grâce dans nos âmes, l’amour du prochain, fruit savoureux de l’amour de Dieu, supposent déjà une anticipation du ciel, le début de quelque chose qui doit croître de jour en jour. Nous, chrétiens, nous n’admettons pas de double vie, nous maintenons dans notre vie une unité simple et forte, dans laquelle se fondent et se mêlent toutes nos actions.
Le Christ nous attend.
Nous vivons déjà comme des citoyens du ciel, tout en étant pleinementau citoyens de la terre, au milieu des difficultés, des injustices et des incompréhensions, mais aussi avec la joie et dans la sérénité de qui se sait l’enfant bien-aimé de Dieu. Persévérons au service de notre Dieu et nous verrons augmenter en nombre et en sainteté cette armée chrétienne de paix, ce peuple de corédempteurs. Soyons des âmes contemplatives, à tout moment en dialogue constant avec le Seigneur : de la première pensée de la journée à la dernière, dirigeant sans cesse notre cœur vers Jésus-Christ Notre Seigneur, auquel nous parvenons par notre Mère Sainte Marie, et, par Lui, au Père et à l’Esprit Saint.
Accourons à sa Mère
Si, malgré tout, l’Ascension de Jésus au ciel nous laisse dans l’âme un arrière-goût d’amertume et de tristesse, accourons à sa Mère, comme le firent les apôtres : ils retournèrent alors à Jérusalem… et ils priaient d’un seul cœur… avec Marie, Mère de Jésus.
Quand le Christ passe , 126
Pensons maintenant à ces journées qui suivirent l’Ascension, dans l’attente de la Pentecôte. Les disciples remplis de foi par le triomphe du Christ ressuscité et d’un ardent désir de l’Esprit Saint, veulent se sentir unis, et nous les trouvons cum Maria Matre Iesu , avec Marie, la Mère de Jésus (cf. Ac 1, 14). La prière des disciples accompagne celle de Marie, car c’était la prière d’une famille unie.
Quand le Christ passe , 142
Servir, donc ; l’apostolat n’est rien d’autre
Jésus est monté au ciel, disions-nous. Mais le chrétien peut Le fréquenter dans la prière et l’Eucharistie, comme le firent les douze premiers apôtres, s’enflammer de zèle apostolique pour accomplir avec Lui ce service de corédemption qui consiste à semer la paix et la joie. Servir, donc ; l’apostolat n’est rien d’autre. Si nous comptons seulement sur nos propres forces, nous n’arriverons à rien dans le domaine surnaturel ; si nous sommes instruments de Dieu, nous parviendrons à tout : je peux tout en celui qui me rend fort (Ph 4, 13). Dieu, en son infinie bonté, a voulu se servir de ces instruments maladroits. C’est ainsi que l’apôtre n’a pas d’autres fins que de laisser faire le Seigneur, de se montrer entièrement disponible, pour que Dieu réalise son œuvre de salut à travers ses créatures et à travers l’âme qu’il a choisie.
Quand le Christ passe , 120

SAINT THOMAS D’AQUIN: LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION DE DIEU

24 mars, 2014

http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/opuscules/59humanitejesus.htm#_Toc71287491

(Je propose chapitres V, VI, VII, bien sûr, l’étude est beaucoup plus large, pour en savoir plus sur le lien mentionné ci-dessus)

SAINT THOMAS D’AQUIN, DOCTEUR DE L’ÉGLISE

LIVRE I: LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION DE DIEU

CHAPITRE V: UN ANGE EST ENVOYÉ POUR ANNONCER LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION

Conçue et ordonnée dans l’éternité, préparée sur la terre, attendue des justes, l’incarnation du Sauveur est enfin sur le point de s’accomplir. Dieu envoie un ange pour l’annoncer à Marie. Saint Luc le rapporte en ces termes: « L’ange Gabriel fut envoyé de Dieu en une ville de Galilée appelée Nazareth, à une Vierge qui avait épousé un homme nommé Joseph, de la maison de David, et cette Vierge s’appelait Marie. L’ange, étant entré dans le lieu où elle était, lui dit: « Je vous salue, pleine de  grâces, le Seigneur est avec vous; vous êtes bénie entre toutes « les femmes. » Marie, l’ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle pensait en elle-même quelle pouvait être cette salutation. L’ange lui dit: « Ne craignez point, Marie; car vous avez trouvé « grâce devant Dieu; voici que vous concevrez dans votre sein, et « vous enfanterez un Fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. » (Luc., 1, 26-31). Il y a trois choses à considérer au sujet de cette annonciation: l’envoi nième de l’ange, la manière dont il apparut à Marie et l’ordre dans lequel il accomplit sa mission. Tout d’abord, il est dit que l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu. Sur quoi il faut bien comprendre trois choses: la dignité du messager, la profondeur du mystère et sa convenance. I. C’est un ange qui est envoyé, c’est-à-dire la plus digne des créatures, parce que c’est la plus semblable à Dieu, comme Ézéchiel le dit du premier des anges: « Vous étiez le sceau de la ressemblance divine. » (Ezech., XXVIII, 12). En effet, plus la nature de l’ange est subtile et sa substance épurée, plus l’image de Dieu s’y trouve véritablement exprimée. De plus, Gabriel était de l’ordre des archanges, et, par conséquent, d’une haute dignité. « Ce n’est pas le premier ange venu, dit saint Grégoire, que Dieu envoie à la Vierge Marie, mais c’est l’archange Gabriel. Un tel mystère méritait la venue du plus grand des anges pour apporter le plus sublime des messages. » II. La profondeur du mystère est indiquée parle nom de l’ange. Gabriel signifie la force de Dieu. « Le Seigneur, dit saint Grégoire, envoie à Marie l’ange Gabriel, dont le nom veut dire la force de Dieu; c’est qu’il venait annoncer celui qui a daigné apparaître parmi les hommes pour vaincre les puissances de l’air. » Il annonçait le Roi et le Seigneur dont il est parlé dans les psaumes: « Ouvrez vos portes, ô prince des cieux; et vous, portes éternelles, ouvrez-vous afin de laisser entrer le Roi de gloire. Où est le Roi de gloire? C’est le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans les combats. » (Ps., XXIII, 7-8). Mystère véritablement profond, dans lequel, selon saint Jean Damascène, apparaissent à la fois la bonté, la justice, la sagesse, la puissance la bonté, puisque, loin de mépriser l’infirmité de sa créature, il a été ému jusqu’au fond des entrailles en la voyant tomber, et lui a tendu la main pour la relever; la justice, parce que l’homme, ayant été vaincu par le démon, Dieu n’appela pas un tiers pour vaincre son tyran, mais il donna la victoire et la vengeance à un homme, c’est-à-dire à celui-là même qui avait été réduit en servitude par le péché; la sagesse, parce que l’Incarnation est la solution la plus simple et la plus aisée d’une difficulté qui semblait impossible à dénouer; la puissance enfin et la vertu infinie de Dieu, car, qu’un Dieu se soit fait homme, c’est l’ouvrage le plus grand qui se puisse concevoir. III. Il y a dans cette mission de l’ange Gabriel des convenances admirables. « Tout ce qui vient de Dieu est dans l’ordre, » dit saint Paul. (Rom., XIII, 1). C’est Dieu qui, selon la parole du Sage, « atteint d’une extrémité à l’autre avec force et dispose tout avec douceur » (Sagesse VIII, 1), c’est-à-dire que, depuis l’éternité qui précède les siècles jusqu’à l’éternité qui les suit, durant tout le temps qui s’écoule entre ces deux termes extrêmes, Dieu opère partout avec une perfection souveraine; car l’extrémité, le terme, la fin, signifie la perfection. Cet ordre parfait, qui paraît dans toutes les oeuvres de Dieu, brille dans le mystère de l’Annonciation. En effet, d’abord il est d’accord avec le plan de Dieu qui est de communiquer aux hommes les choses divines par le moyen des anges. C’est la pensée de saint Denys au chapitre IV de la Hiérarchie céleste, lorsqu’il dit que les célestes essences qui contemplent Dieu le réfléchissent d’abord en elles-mêmes, en recevant l’illumination, et qu’ensuite elles nous transmettent par leur intermédiaire les manifestations supérieures. Et, plus loin, appliquant ce qu’il adit, il ajoute que le divin mystère de l’humanité du Christ a été d’abord enseigné par les anges et que c’est par eux que la grâce de le connaître est descendue jusqu’à nous. Ainsi, l’ange Gabriel vient instruire le prêtre Zacharie et il annonce la naissance de Jean qui doit arriver contre toute attente par la grâce divine. Il apprend aussi à Marie de quelle manière ineffable un Homme-Dieu sera formé dans ses entrailles, et, en même temps, un autre ange instruit Joseph, un autre encore annonce aux pasteurs la bonne nouvelle, et avec lui toute la multitude des armées célestes chante avec des transports de louanges aux habitants de la terre cette admirable doxologie ou hymne de gloire « Gloire à Dieu au plus haut des cieux. » Ce même mystère convient aussi à la réparation de la nature humaine. « C’est bien justement dit Bède, que l’oeuvre de la réparation de l’homme commence par l’envoi d’un ange à la Vierge qui allait devenir si sacrée par l’enfantement d’un Dieu, puisque, pour perdre l’homme, le démon avait envoyé le serpent à la femme afin de la tromper par l’esprit d’orgueil. » Enfin, la mission de l’ange convenait à la parfaite virginité de Marie, comme saint Jérôme le fait observer: « C’est à bon droit, dit-il, que l’ange est envoyé à la Vierge; en effet, l’âme vierge est soeur des anges; car Vivre dans la chair sans rien tenir de la chair, ce n’est plus une vie terrestre, mais divine. »   CHAPITRE VI: DE QUELLE MANIÈRE L’ANGE APPARUT A MARIE  Les anges peuvent apparaître de trois manières, selon les trois modes de vision qui peuvent être donnés à l’homme: la vision intellectuelle, la vision imaginaire et la vision corporelle. La vision intellectuelle est la vision de l’essence même ou de la substance spirituelle de l’ange; elle est réservée à la patrie céleste. La vision imaginaire représente l’ange sous certaines figures ou ressemblances des choses corporelles; c’est de cette manière qu’un ange apparut en songe à Joseph, comme il est rapporté en saint Matthieu (II, 13 et 19). La vision corporelle a lieu lorsque l’ange apparaît dans un corps emprunté; c’est ainsi que Gabriel se montra à la Bienheureuse Vierge Marie. Saint Augustin met ces paroles dans la bouche de Marie: « L’archange Gabriel vint à moi avec un visage resplendissant, vêtu d’habits éclatants, admirablement beau dans sa démarche. » Et saint Ambroise, expliquant le passage de saint Luc où il est dit que la Sainte Vierge se troubla des paroles de l’ange (Luc., I, 29), fait cette remarque: « C’est le propre des vierges de craindre, de trembler en présence d’un homme, et de redouter sa conversation. » Ces paroles des deux saints Docteurs supposent évidemment que l’archange Gabriel apparut corporellement à Marie. Et il convenait qu’il en fût ainsi, d’abord à cause du mystère qui était annoncé. Ce mystère était l’Incarnation du Dieu invisible, mais qui voulait se rendre visible à nous; et le messager qui l’annonce est invisible de sa nature, mais il apparaît sous une forme visible. On peut même généraliser ceci et remarquer que toutes les apparitions qui eurent lieu sous l’ancienne loi se rapportaient figurativement à la grande manifestation du Fils de Dieu dans la chair. De plus, comme la Bienheureuse Vierge devait concevoir Dieu, non pas seulement dans son esprit, mais aussi dans ses entrailles, il convenait que les sens mêmes de son corps si noble et si auguste eussent la joie de voir l’ange. Enfin, il le fallait encore pour qu’elle fût plus assurée de la merveille qui lui était annoncée. Car nous possédons une certitude bien plus grande des choses placées sous nos yeux que de celles qui ne sont que présentées à notre imagination. Voilà pourquoi l’ange n’apparut pas en songe à Marie, mais visiblement et corporellement. La grandeur de la révélation que Marie recevait de l’ange exigeait une apparition solennelle et digne du grand événement qui en était le motif. Il se présente cependant sur ce sujet une difficulté. Saint Augustin dit que la vision intellectuelle est plus noble que la vision corporelle. Il semblerait donc que l’apparition de l’ange à la Sainte Vierge, si elle fut corporelle, n’a pas été aussi digne qu’elle devait l’être. — Mais saint Augustin parle de la vision intellectuelle considérée seule, en elle-même, et comparée à la vision corporelle aussi prise à part. Or, la Bienheureuse Vierge ne vit pas seulement l’ange des yeux du corps, elle reçut aussi de sa vision une illumination intellectuelle; c’est pourquoi cette apparition fut plus noble qu’une simple vue de l’esprit. Elle aurait été toutefois plus excellente encore et aurait atteint la suprême noblesse si Marie avait vu par son intelligence l’essence spirituelle de l’ange; mais l’état de la vie présente ne le comportait pas.   CHAPITRE VII: DE L’ORDRE DANS LEQUEL S’ACCOMPLIT LA MISSION DE L’ANGE GABRIEL L’ange Gabriel accomplit sa mission auprès de Marie dans un ordre parfaitement juste et convenable. Il faut considérer trois circonstances de son apparition. D’abord, il aborde la Sainte Vierge en la saluant, ensuite il apaise son trouble et la console, et enfin il annonce qu’elle sera Mère de Dieu et comment elle le deviendra. Dans la première circonstance, on voit paraître l’excellence de cette Vierge, dans la seconde l’ardent désir qu’elle avait du salut du genre humain, et dans la troisième la merveilleuse grandeur de la bonté divine. I. Considérons d’abord le salut que l’ange adresse à Marie: « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes. » « Oui, dit saint Jérôme, elle est vraiment pleine de grâce. La grâce n’est donnée aux autres que partiellement; mais toute la plénitude de la grâce se répand à la fois dans Marie. Elle est vraiment remplie de grâce, la Vierge par qui toute créature a été inondée comme d’une pluie abondante des dons du Saint Esprit. » – « Il n’est personne, dit de son côté saint Bernard, qui ne reçoive de sa plénitude. Le malade obtient par elle sa guérison, le captif sa délivrance, l’affligé sa consolation, le pécheur son pardon, le juste un surcroît de grâce; les anges reçoivent une nouvelle allégresse, toute la Sainte Trinité une nouvelle gloire, et le Fils de l’homme la chair dans laquelle il s’est fait homme. » – « Je vois, ajoute ailleurs saint Bernard, dans ses entrailles, la grâce de la divinité, dans son coeur la grâce de la charité, sur ses lèvres la grâce de la bonté et de l’affabilité, dans ses mains la grâce de la miséricorde et de la largesse. » « Le Seigneur est avec vous, » continue l’ange. » Celui qui envoyait l’ange à la Vierge était déjà dans l’âme de la Vierge, dit saint Jérôme, et le Seigneur avait devancé son messager. » Aussi l’ange pouvait, comme saint Augustin le remarque, lui tenir ce discours: « Le Seigneur est avec vous bien plus qu’avec moi. Car il est dans votre coeur, et il sera dans votre sein, il remplit votre âme afin de remplir vos entrailles. » Et il pouvait ajouter, selon saint Bernard: « Ce n’est pas seulement le Seigneur, le Fils de Dieu que vous revêtez de la chair, qui est avec vous; mais c’est encore l’Esprit Saint par l’opération duquel vous concevez le Fils de Dieu. » L’ange poursuit, dans le texte sacré « Vous êtes bénie entre les femmes. » Vous seule entre toutes, et avant toutes les autres; » car, dit saint Jérôme, tout ce qu’Eve a répandu de malédiction a été ôté par la bénédiction accordée à Marie. » Trois malédictions pesaient sur les femmes: la malédiction de l’opprobre quand elles étaient stériles; en effet, Rachel, en donnant le jour à Joseph après une longue stérilité, s’écrie: « Dieu a éloigné mon opprobre (Gen XXX, 23); « la malédiction du péché, quand elles devenaient mères; c’est ce dont se plaint David « Voici que j’ai été conçu dans l’iniquité, ma mère m’a conçu dans le péché (Ps. L, 7); « la malédiction de la peine dans l’enfantement car Dieu avait dit à Eve « Tu enfanteras tes fils dans la douleur. » (Gen., III, 16). Seule, la Bienheureuse Vierge est bénie entre toutes les femmes, car elle a uni la fécondité à la virginité, une sainteté parfaite à la fécondité, et un enfantement sans douleurs à cette parfaite sainteté. Abondance de grâce, présence intime de Dieu, excellence de la bénédiction divine, ces trois privilèges que l’ange salue en Marie nous font assez connaître quelle est la suréminente dignité de cette Vierge. II. « Ne craignez point, Marie, dit l’ange, vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. » Ce sont les paroles par lesquelles l’ange, après avoir salué Marie, la rassure dans son trouble et la console. Ce qui avait troublé la Sainte Vierge, ce n’était pas la vue, mais le discours de l’ange. Elle était habituée à ces sortes de visions et ne s’en étonnait plus, aussi l’Evangéliste attribue t-il expressément son trouble aux paroles de l’ange. « L’archange Gabriel, dit saint Pierre Damien, vint avec une douce figure, mais avec des discours terribles; sa vue n’émut guère Marie, mais ses discours la troublèrent étrangement, et c’est pourquoi il dit: « Ne craignez pointa Marie, vous « avez trouvé grâce devant le Seigneur. » On peut voir dans ces dernières paroles comme remarque saint Bernard, quelle sollicitude avait Marie pour le salut de tout le genre humain. Elle a trouvé grâce, la grâce qu’elle souhaitait. Mais quelle était cette grâce? La paix entre Dieu et les hommes, la destruction de la mort, la réparation de la vie, voilà ce qu’elle a trouvé devant le Seigneur. Avec quelle ardeur elle désira donc le salut de l’homme Elle souhaite pour les hommes la grâce du salut; la souhaitant, elle la trouve, et, l’ayant trouvée, elle la répand sur toutes les âmes. « Marie, dit saint Bernard, par la véhémence de son désir, par la ferveur de sa charité, par la pureté de sa prière a atteint jusqu’à cette source sublime, dont la plénitude du coeur môme du Père, est descendue en elle, comme en un canal qui nous l’a distribuée non pas telle qu’elle est en elle-même, mais telle que nous étions capables de la recevoir. » Remarquons, en passant que l’ange Gabriel dit à Zacharie, père de Jean-Baptiste aussi bien qu’à Marie: « Ne craignez pas. » L’ange qui apparaît aux pasteurs à la naissance de Jésus les rassure aussi en leur disant de ne point craindre. Ce soin de rassurer les hommes est le propre des bons anges, comme nous le lisons dans la vie de saint Antoine « Il n’est pas difficile de faire le discernement des bons et des mauvais esprits. Si à la crainte que cause leur apparition succède la joie, c’est que l’ange vient de la part de Dieu, car la sécurité de l’âme atteste la présence d’une majesté céleste. Si, au contraire, la frayeur persévère, c’est l’ennemi qui est apparu. » III. L’ange, après avoir salué et consolé Marie, lui annonce qu’elle deviendra Mère de Dieu: « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. » Voici que: par ces mots, l’ange lui montre le mystère étonnant et inouï qui va s’accomplir. Il le montre non pas sans doute à son regard corporel, mais à son intelligence, dans la lumière de la foi; ce qui fait dire à saint Jérôme: « Ce que la nature n’a point possédé dans son sein, ce que l’oeil n’a point connu, que la raison n’a point deviné, que l’esprit de l’homme ne saurait comprendre; un mystère qui étonne le ciel, qui confond la terre, qui surprend même les esprits célestes, voilà ce que Gabriel annonce à Marie de la part de Dieu et ce qui est accompli par Jésus-Christ. » Assurément, notre foi nous fait découvrir ici une grande charité et une grande puissance, où il faut reconnaître l’action de Dieu même. Aussi la Sainte Vierge dit-elle: « Le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses, » (Luc, 1,49). « Non, lui fait dire saint Bernard, développant cette parole, ce bien qui me fait déclarer bienheureuse par toutes les générations, je ne me l’attribue pas à moi-même, je ne le rapporte pas à mes mérites, mais bien à celui qui a fait ces grandes choses. Que je sois vierge, cela est grand; que je sois mère, cela est grand; que le sois vierge et mère à la fois, voilà ce qui est grand par-dessus tout. » Marie atteste elle-même sa grandeur quand elle dit que le Tout-Puissant a fait en elle de grandes choses; ineffablement grandes, en vérité, car elle est mère et vierge, et Mère du Seigneur; et l’Eglise dit qu’elle n’a point eu son égale dans le passé et que personne ne l’égalera dans la suite des siècles.

HOMÉLIE DE JEAN PAUL II – ANNONCIATION À NAZARETH (2000) – 25 MARS 2000 – SOLENNITÉ DE L’ANNONCIATION

24 mars, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/travels/2000/documents/hf_jp-ii_hom_20000325_nazareth_fr.html

HOMÉLIE DE JEAN PAUL II

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE DANS LA BASILIQUE DE L’ANNONCIATION À NAZARETH EN LA SOLENNITÉ DE L’ANNONCIATION

Samedi, 25 mars 2000 -  Solennité de l’Annonciation

« Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon ta parole » (Angelus).

Monsieur le Patriarche, Vénérés frères dans l’épiscopat, Révérend Père Custode, Très chers frères et soeurs,

1. 25 mars 2000, solennité de l’Annonciation en l’année du grand Jubilé:  aujourd’hui les yeux de toute l’Eglise sont tournés vers Nazareth. J’ai désiré revenir dans la ville de Jésus, pour ressentir encore une fois, en contact avec ce lieu, la présence de la femme au sujet de laquelle saint Augustin a écrit:  « Il choisit la mère qu’il avait créée; il créa la mère qu’il avait choisie » (cf. Sermo 69, 3, 4). Il est particulièrement facile de comprendre ici pourquoi toutes les générations appellent Marie bienheureuse (cf. Lc 1, 48). Je salue cordialement Sa Béatitude le Patriarche Michel Sabbah, et je le remercie de ses aimables paroles d’introduction.  Avec  l’Archevêque  Boutros Mouallem et vous tous, évêques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, je me réjouis de la grâce de cette solennelle célébration. Je suis heureux d’avoir l’opportunité de saluer le Ministre général franciscain, le Père Giacomo Bini, qui m’a accueilli à mon arrivée, et d’exprimer au Custode, le Père Giovanni Battistelli, ainsi qu’aux Frères de la Custodie, l’admiration de toute l’Eglise pour la dévotion avec laquelle vous accomplissez votre vocation unique. Avec gratitude, je rends hommage à la fidélité à la tâche qui vous a été confiée par saint François et qui a été confirmée par les Pontifes au cours des siècles. 2. Nous sommes réunis pour célébrer le grand mystère qui s’est accompli ici il y a deux mille ans. L’évangéliste Luc situe clairement l’événement dans  le  temps  et  dans l’espace:  « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David; et le nom de la vierge était Marie » (Lc 1, 26-27). Cependant, pour comprendre ce qui se passa à Nazareth il y a deux mille ans, nous devons revenir à la lecture tirée de la Lettre aux Hébreux. Ce texte nous permet d’écouter une conversation entre le Père et le Fils sur le dessein de Dieu de toute éternité. « Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit:  Voici, je viens [...] pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 5-7). La Lettre aux Hébreux nous dit que, obéissant à la volonté du Père, le Verbe éternel vient parmi nous pour offrir le sacrifice qui dépasse tous les sacrifices offerts lors de la précédente Alliance. Son sacrifice est le sacrifice éternel et parfait qui rachète le monde. Le dessein divin est révélé graduellement dans l’Ancien Testament, en particulier dans les paroles du prophète Isaïe, que nous venons d’entendre:  « C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe:  Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (7, 14). Emmanuel:  Dieu avec nous. A travers ces paroles, l’événement unique qui devait s’acccomplir à Nazareth dans la plénitude des temps est préannoncé, et c’est cet événement que nous célébrons aujourd’hui avec joie et un bonheur intense. 3. Notre pèlerinage jubilaire a été un voyage dans l’esprit, commencé sur les traces d’Abraham « notre Père dans la foi » (Canon Romain; cf. Rm 11, 12). Ce voyage nous a conduits aujourd’hui à Nazareth, où nous rencontrons Marie la  plus  authentique   des   filles d’Abraham. C’est Marie, plus que quiconque, qui peut nous enseigner ce que signifie vivre la foi de « Notre Père ». Marie est de nombreuses façons, vraiment différente d’Abraham; mais, d’une manière plus profonde, « l’ami de Dieu » (cf. Is 41, 8) et la jeune femme de Nazareth sont très semblables. Tous deux, Abraham et Marie, reçoivent une promesse merveilleuse de Dieu. Abraham devait devenir le père d’un fils, duquel devait naître une grande nation. Marie devait devenir la Mère d’un Fils qui aurait été le Messie, l’Oint du Seigneur. Gabriel dit:  « Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils [...] Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son Père [...] et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 31-33). Tant pour Abraham que pour Marie la promesse arrive de façon totalement inattendue.  Dieu  change  le  cours quotidien de leur vie, bouleversant les rythmes établis et les attentes normales. La promesse apparaît impossible tant à Abraham qu’à Marie. La femme d’Abraham, Sara, était stérile et Marie n’est pas encore mariée:  « Comment sera-t-il, – demande-t-elle à l’ange – puisque je ne connais pas d’homme? » (Lc 1, 34). 4. Comme à Abraham, il est également demandé à Marie de répondre « oui » à quelque chose qui n’est jamais arrivé auparavant. Sara est la première des femmes stériles de la Bible à concevoir grâce à la puissance de Dieu, précisément comme Elisabeth sera la dernière. Gabriel parle d’Elisabeth pour rassurer Marie:  « Et voici qu’Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse » (Lc 1, 36). Comme Abraham, Marie aussi doit avancer dans l’obscurité, en ayant confiance en Celui qui l’a appelée. Toutefois, sa question « comment sera-t-il? » suggère que Marie est prête à répondre « oui » malgré les peurs et les incertitudes. Marie ne demande pas si la promesse est réalisable, mais seulement comment elle se réalisera. Il n’est donc pas suprenant qu’à la fin elle prononce son fiat:  « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). A travers ces paroles, Marie se révèle une vraie fille d’Abraham et devient la Mère du Christ et la Mère de tous les croyants. 5. Pour pénétrer encore plus profondément ce mystère, revenons au moment du voyage d’Abraham lorsqu’il reçut la promesse. Ce fut lorsqu’il accueillit dans sa maison trois hôtes mystérieux (cf. Gn 18, 1-5) en leur offrant l’adoration due à Dieu:  tres vidit et unum adoravit. Cette rencontre mystérieuse préfigure l’Annonciation, lorsque Marie est puissamment entraînée dans la communion avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint. A travers le fiat prononcé par Marie à Nazareth, l’Incarnation est devenue le merveilleux accomplissement de la rencontre d’Abraham avec Dieu. En suivant les traces d’Abraham, nous  sommes  donc  parvenus  à  Nazareth, pour chanter les louanges de la femme « qui apporte la lumière dans le monde » (Hymne Ave Regina Caelorum). 6. Nous sommes cependant venus ici également pour la supplier. Que demandons-nous, nous pèlerins en voyage dans le troisième millénaire chrétien, à la Mère de Dieu? Ici, dans la ville que le  Pape  Paul VI,  lorsqu’il  visita   Nazareth, définit « L’école de l’Evangile. Ici on apprend à observer, à écouter, à méditer, à pénétrer le sens, si profond et mystérieux, de cette très simple, très humble, très belle apparition » (Allocution à Nazareth, 5 janvier 1964), je prie tout d’abord pour un grand renouveau de la foi de tous les fils de l’Eglise. Un profond renouveau de foi:  non seulement une attitude générale de vie, mais une profession consciente et courageuse du Credo:  « Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et homo factus est » A Nazareth, où Jésus « croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 52), je demande à la Sainte Famille d’inspirer tous les chrétiens à défendre la famille, à défendre la famille contre les nombreuses menaces qui pèsent actuellement sur sa nature, sa stabilité et sa mission. Je confie à la Sainte Famille les efforts des chrétiens et de toutes les personnes de bonne volonté pour défendre la vie et promouvoir le respect pour la dignité de chaque être humain. A Marie, la Theotókos, la grande Mère de Dieu, je consacre les familles de Terre Sainte, les familles du monde. A Nazareth, où Jésus a commencé son ministère public, je demande à Marie d’aider l’Eglise à prêcher partout la « Bonne nouvelle » aux pauvres, précisément comme Il l’a fait (cf. Lc 4, 18). En cette « année de grâce du Seigneur », je Lui demande de nous enseigner la voie de l’humble et joyeuse obéissance à l’Evangile dans le service à nos frères et à nos soeurs, sans préférences et sans préjudices.

« O Mère du Verbe Incarné, ne rejette pas ma prière, mais écoute-moi de façon bienveillante et exauce-moi. Amen ». (Memorare).

PRÉSENTATION DU SEIGNEUR – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

31 janvier, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2006/documents/hf_ben-xvi_hom_20060202_presentation-lord_fr.html

  MESSE POUR LES RELIGIEUX ET LES RELIGIEUSES EN LA FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR

JOURNÉE DE LA VIE CONSACRÉE

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane

Jeudi 2 février 2006

Chers frères et soeurs!

La fête de la Présentation de Jésus au Temple, célébrée aujourd’hui, quarante jours après sa naissance, nous présente un moment particulier de la vie de la Sainte Famille:  conformément à la loi de Moïse, le petit Jésus est amené par Marie et Joseph au temple de Jérusalem pour être offert au Seigneur (cf. Lc 2, 22). Syméon et Anne, inspirés par Dieu, reconnaissent dans cet Enfant le Messie tant attendu et ils prophétisent à son sujet. Nous sommes en présence d’un mystère, à la fois simple et solennel, dans lequel la sainte Eglise célèbre le Christ, le Consacré du Père, premier-né de la nouvelle humanité. La suggestive procession des cierges au début de notre célébration nous a fait revivre la majestueuse entrée, chantée dans le Psaume responsorial, de Celui qui est « le roi de gloire », « le vaillant des combats » (Ps 23, 7.8). Mais qui est le Dieu vaillant qui entre dans le temple? C’est un Enfant; c’est l’Enfant Jésus, dans les bras de sa mère, la Vierge Marie. La Sainte Famille accomplit ce que prescrivait la Loi:  la purification de la mère, l’offrande du premier-né à Dieu et son rachat à travers un sacrifice. Dans la première Lecture, la Liturgie parle de l’oracle du prophète Malachie:  « Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur » (Ml 3, 1). Ces paroles transmettent toute l’intensité du désir qui a animé l’attente du peuple juif au cours des siècles. Enfin, l’ »Ange de l’alliance » entre dans sa maison et se soumet à la Loi:  il vient à Jérusalem pour entrer avec une attitude d’obéissance dans la maison de Dieu. La signification de ce geste acquiert une dimension plus grande dans le passage de l’Epître aux Hébreux, proclamé aujourd’hui comme seconde Lecture. Ici nous est présenté le Christ, le médiateur qui unit Dieu et l’homme en abolissant les distances, en éliminant toute division et en abattant tous les murs de séparation. Le Christ vient en tant que « grand prêtre miséricordieux et fidèle pour expier les péchés du peuple » (He 2, 17). Nous remarquons ainsi que la médiation avec Dieu ne se réalise plus dans la sainteté-séparation de l’ancien sacerdoce, mais dans la solidarité libératrice avec les hommes. Il commence, encore Enfant, à marcher sur le chemin de l’obéissance, qu’il parcourra jusqu’au bout. L’Epître aux Hébreux met bien cela en lumière quand il dit:  « C’est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté… des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort… tout Fils qu’il était, apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance; après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel » (cf. He 5, 7-9). La première personne qui s’associe au Christ sur le chemin de l’obéissance, de la foi éprouvée et de la douleur partagée, est sa mère Marie. Le texte évangélique nous la montre dans l’acte d’offrir son Fils:  une offrande inconditionnelle qui l’implique à titre personnel:  Marie est la Mère de Celui qui est « gloire de son peuple Israël » et « lumière pour éclairer les nations », mais aussi « signe en butte à la contradiction » (cf. Lc 2, 32.34). Et elle-même, dans son âme immaculée, devra être transpercée par l’épée de la douleur, démontrant ainsi que son rôle dans l’histoire du salut ne se limite pas au mystère de l’Incarnation, mais se complète dans la participation pleine d’amour et de douleur à la mort et à la résurrection de son Fils. En amenant son Fils à Jérusalem, la Vierge Marie l’offre à Dieu en tant qu’Agneau véritable qui ôte les péchés du monde; elle le tend à Syméon et à Anne comme annonce de rédemption;  elle  le  présente  à tous comme lumière pour une marche assurée sur le chemin de la vérité et de l’amour.

Les paroles qui, au cours de cette rencontre, viennent aux lèvres du vieux Syméon – « mes yeux ont vu ton salut » (Lc 2, 30) – trouve un écho dans l’âme de la prophétesse Anne. Ces personnes justes  et pieuses, baignées par la lumière du Christ, peuvent contempler dans l’Enfant Jésus « la consolation d’Israël »  (Lc  2,  25).  Leur attente se transforme ainsi en lumière qui éclaire l’histoire. Syméon est porteur d’une antique espérance et l’Esprit du Seigneur parle à son coeur:  c’est pourquoi il peut contempler celui que de nombreux prophètes et rois avaient désiré voir, le Christ, la lumière qui illumine les nations. Dans cet Enfant, il reconnaît le Sauveur, mais il pressent dans l’Esprit qu’autour de Lui se jouera le destin de l’humanité, et qu’il devra souffrir beaucoup à cause de ceux qui le rejetteront; il proclame son identité et sa mission de Messie avec les paroles qui forment l’un des hymnes de l’Eglise naissante, d’où se dégage toute la joie communautaire et eschatologique de l’attente salvifique réalisée. L’enthousiasme est si grand que vivre et mourir sont la même chose, et la « lumière » et la « gloire » deviennent une révélation universelle. Anne est une « prophétesse », une femme sage et pieuse qui interprète le sens profond des événements historiques et du message de Dieu qu’ils recèlent. C’est pourquoi elle peut « louer Dieu » et parler « de l’Enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » (Lc 2, 38). Le long veuvage consacré au culte dans le temple, la fidélité aux jeûnes hebdomadaires, la participation à l’attente de ceux qui aspiraient au salut d’Israël se concluent dans la rencontre avec l’Enfant Jésus. Chers frères et soeurs, en cette fête de la Présentation du Seigneur, l’Eglise célèbre la Journée de la Vie consacrée. Il s’agit d’une occasion opportune pour louer le Seigneur et lui rendre grâce pour le don inestimable que représente la vie consacrée, sous ses différentes formes; c’est dans le même temps un encouragement à promouvoir dans tout le peuple de Dieu la connaissance et l’estime envers les personnes qui sont totalement consacrées à Dieu. De même que, en effet, la vie de Jésus, dans son obéissance et son dévouement au Père, est la parabole vivante du « Dieu avec nous », ainsi, le dévouement concret des personnes consacrées à Dieu et aux frères devient un signe éloquent de la présence du Royaume de Dieu pour le monde d’aujourd’hui. Votre façon de vivre et d’oeuvrer est en mesure de manifester sans amoindrissements la pleine appartenance à l’unique Seigneur; votre manière de vous remettre complètement entre les mains du Christ et de l’Eglise constitue une annonce forte et claire de la présence de Dieu dans un langage compréhensible à nos contemporains. Tel est le premier service que la vie consacrée rend à l’Eglise et au monde. Au sein du Peuple de Dieu, les personnes consacrées sont comme des sentinelles qui aperçoivent et annoncent la vie nouvelle déjà présente dans notre histoire. Chers frères et soeurs qui avez embrassé la vocation d’une consécration particulière, je m’adresse à présent plus précisément à vous, pour vous saluer avec affection et vous remercier de tout coeur pour votre présence. J’adresse un salut particulier à Mgr Franc Rodé, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, et à ses collaborateurs, qui concélèbrent avec moi cette Messe. Que le Seigneur renouvelle chaque jour en vous et en chaque personne consacrée la réponse joyeuse à son amour gratuit et fidèle. Chers frères et soeurs, comme des cierges allumés, faites rayonner toujours et en tout lieu l’amour du Christ, lumière du monde. Que la Très Sainte Vierge Marie, la Femme consacrée, vous aide à vivre pleinement votre vocation et mission spéciales dans l’Eglise pour le salut du monde.

Amen!

LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR

31 janvier, 2014

http://www.jeunes-cathos.fr/questions-de-foi/catecheses-et-reflexions/la-presentation-du-seigneur-2

LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR

Célébrée dès le IIIe siècle à Jérusalem, la fête de la Présentation du Seigneur est fixée au 2 février (quarante jours après le 25 décembre) par le calendrier Justinien vers l’an 430. Une catéchèse de Mgr Christian Kratz

Cette fête s’appela d’abord « la fête de la Rencontre », puis « la saint Syméon ». Plus tard, elle devint la fête de la Purification avant que le pape Paul VI en 1970 n’en fit une fête du Seigneur en invitant les fidèles à célébrer « la Présentation de Jésus au temple ». Au-delà des différents accents qui ont marqué cette fête dans l’histoire, il est utile de nous demander ce que l’Eglise souhaite nous dire à travers l’événement de la Présentation que nous rapporte l’évangéliste Luc. 1) Il y a d’abord le rappel qu’en Jésus, Dieu est entré « physiquement » dans l’aventure humaine. A Noël, l’incroyable s’est produit : le Créateur de l’univers, le Maître des temps et de l’histoire, s’est fait petit enfant, s’est compromis avec l’homme au point d’avoir pris chair, acceptant librement, par amour, de connaître les joies, les peines, les combats de toute existence. Lorsque Marie présente Jésus au temple, elle accomplit l’obligation qui incombe à toute famille juive de rendre grâce et d’offrir le fils premier-né à l’Auteur de la vie. Jésus est bien d’une famille, d’une époque, d’une religion; il s’est fait notre compagnon de route pour toujours … 2) Il y a ensuite l’affirmation, par la bouche du vieillard Syméon, que Jésus est « la lumière des nations ». Né dans un pays situé, membre d’un peuple concret, il n’en est pas moins celui qui doit combler l’espérance de tous les hommes et apporter au monde une Bonne nouvelle qui dépasse tout ce que l’être humain peut imaginer. A travers le destin singulier de Jésus de Nazareth, Dieu met en oeuvre son projet : chercher et sauver ceux qui étaient perdus, donner à tous ceux qui y consentent de devenir ses fils et ses filles , ouvrir chacune et chacun à la vérité d’un amour sans frontière et sans limite. 3) Il y a enfin l’annonce que la mission de Jésus passera par le rejet et la mort. Le mystère pascal est inséparable de celui de l’Incarnation. Si Dieu est venu chez nous, s’il a visité son peuple et scellé en Jésus les épousailles avec l’humanité, c’est pour nous libérer de nous-mêmes, de notre orgueil et de notre désespoir, de notre prétention à nous faire le centre de toute chose, et finalement de la fatalité du mal et de la mort. Dieu s’est invité chez nous pour nous inviter chez Lui ! Dieu a partagé notre vie pour nous faire partager la sienne ! En nous manifestant une proximité inouïe et en triomphant du tombeau, Jésus trace pour l’homme un chemin de lumière et d’espérance. Désormais nous savons et nous croyons que la vie n’est pas une cruelle absurdité, que l’amour n’est pas un rêve impossible, que la vie a vaincu la mort … Nous sommes formidablement aimés, désirés, attendus. Rien ni personne ne pourra jamais éteindre l’espérance qui s’est levée en Jésus; malgré tous les obstacles, toutes les difficultés, l’homme a un avenir : Dieu s’est manifesté pour que, du plus profond de sa liberté humaine, il choisisse de répondre à l’Amour et de désirer la Vie.

La fête de la Présentation de Jésus au temple appelle de notre part une triple attitude : 1) Une attitude d’émerveillement. Pour apprécier à sa juste valeur le don que Dieu nous fait en Jésus, il faut à nouveau nous laisser surprendre par l’incroyable et retrouver cette capacité d’émerveillement que nos richesses, le matérialisme ambiant et la frénésie de consommation ont tendance à émousser. Nous n’aurons jamais fini de comprendre à quel point nous sommes aimés et jusqu’où Dieu est allé pour nous libérer. Le pire réside peut-être dans l’habitude, nous « savons » depuis longtemps, cela ne nous touche plus beaucoup, nous ne consentons plus à laisser vivre notre coeur d’enfant, un coeur aimant, pauvre et disponible qui sait accueillir et se réjouir du cadeau de la vie et de la présence de Dieu donnant sens, profondeur et cohérence à l’existence humaine. 2) Une attitude d’offrande. Tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes, nous l’avons reçu ! Nous n’en sommes pas propriétaires, mais gestionnaires ! Il nous faut le « rendre » à Dieu dans l’action de grâce et la louange, aux autres dans la solidarité et le partage. Le baptême chrétien nous a fait « prêtres », c’est-à-dire hommes et femmes désireux « d’offrir leur vie en sacrifice saint capable de plaire à Dieu. » Parce que Dieu nous a tout donné, il attend une réponse radicale de notre part, il n’attend pas « quelque chose », il nous attend, il nous veut tout entiers au service de l’amour et de la vie. 3) Une attitude d’espérance. Malgré toutes les incertitudes et toutes les épreuves qui affectent notre existence humaine, nous savons que notre vie a un sens, une signification et une direction. Nous venons de l’Amour, nous marchons vers un formidable rendez-vous d’amour et nous sommes sur terre pour apprendre à aimer. Cette espérance-là, nous en vivons et nous en témoignons en paroles et en actes car déjà nous voyons apparaître dans la grisaille des jours « les cieux nouveaux et la terre nouvelle » où l’Amour sera définitivement vainqueur.

3 JANVIER: LE SAINT NOM DE JÉSUS – PRIÈRES DE SAINTE GERTRUDE LA GRANDE

2 janvier, 2014

http://prieresetdevotions.blogspot.it/2009/01/le-saint-nom-de-jsus-prires-de-sainte.html

3 JANVIER: LE SAINT NOM DE JÉSUS – PRIÈRES DE SAINTE GERTRUDE LA GRANDE

O bon Jésus, très doux Jésus, Fils de Dieu et de la Vierge Marie, vous qui êtes toute pitié et tout amour, ayez pitié de moi, dans votre grande miséricorde. O doux Jésus, par le sang précieux que vous avez répandu pour les pécheurs, je vous supplie de laver tous mes péchés et de jeter les yeux sur l’humble et indigne serviteur qui implore votre pardon et invoque le saint Nom de Jésus. Que signifie Jésus, sinon Sauveur? Ainsi donc, ô Jésus, en raison de votre saint Nom, soyez-moi un Jésus et sauvez-moi. Ne souffrez pas que je me perde, moi que vous avez racheté de votre précieux sang. O bon Jésus, que mon péché ne soit point ma perte, puisque votre infinie bonté a daigné me créer. Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi, puisque c’est encore l’heure de la pitié, avant que sonne l’heure de la malédiction et du jugement. Doux Jésus, si votre justice voulait me condamner, j’en appelle à votre amour, et je me réfugie en lui. Jésus plein d’amour, Jésus si désirable, doux Jésus, comptez-moi parmi vos élus. Jésus, salut de ceux qui espèrent en vous, Jésus, espoir de ceux qui se réfugient en vous, Jésus, douceur de ceux qui vous aiment, faites que je vous aime, que je vous demeure fidèle, et qu’après cette misérable vie je vienne à vous dans la paix. Amen.

14 SEPTEMBRE: FÊTE DE LA CROIX GLORIEUSE – LE TRIOMPHE

13 septembre, 2013

 http://www.stignace.net/homelies/stecroixb.htm

14 SEPTEMBRE: FÊTE DE LA CROIX GLORIEUSE

Père Jean-Marc Furnon

LE TRIOMPHE

            Parler de la Croix Glorieuse c’est parler de la joie des chrétiens. Avant le Concile on disait le triomphe de la Sainte Croix en utilisant le mot « triomphe », en référence, par exemple, au triomphe d’un général romain ayant remporté une grande victoire. Il entrait dans Rome et le peuple romain l’acclamait en lui faisant un triomphe.
            Cette fête de la Croix Glorieuse, fêtée le 14 septembre, date des premiers siècles de l’Eglise. En ce temps là les nations qui occupaient la Palestine ne permettaient pas facilement aux chrétiens de vénérer l’endroit où la croix de Jésus avait été plantée en terre, le tombeau où l’on l’avait enterré, le jardin de la Résurrection. Or, il se trouve qu’au IV° siècle, Constantin, empereur de Rome se convertit au christianisme et les chrétiens purent alors retrouver la sainte Croix et bâtir, en 335, une basilique sur les lieux saints.
            La croix fut alors portée en triomphe. Ce fut comme la joie des Rameaux ou l’arrivée du Pape aux JMJ. On lui fit un triomphe !

LE SERPENT ET L’AGNEAU
            L’exaltation de la croix c’est littéralement Jésus « élevé », Jésus mis en croix ; comme dit l’évangile de Jean : « ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé ». Sur le mât au désert, il y avait un objet en bronze à la forme de serpent. Le serpent qui rampe et qui tue est bien l’image du péché ; ce serpent qui a trompé Eve et Adam sur les intentions de Dieu. Mettre une représentation du serpent sur le mât c’est exhiber ce qui était dissimulé, c’est le mettre à distance et, déjà, lui enlever de sa nocivité en nommant l’origine du mal. C’est l’initiative de Dieu pour la guérison.
            Sur la croix, il y a le corps de Jésus élevé à la vue de tous. Le regarder de l’extérieur c’est voir la faute, la honte du genre humain, c’est voir un corps humilié, quelqu’un dont on préfère se détourner à cause de la laideur et de l’horreur.
            Le regarder comme les premiers chrétiens l’ont vu c’est voir au-delà de l’apparence : l’agneau, le Serviteur souffrant. Car c’est l’agneau innocent qui est là : lui qui a imploré le pardon de Dieu pour ceux qui l’ont rejeté et mis à mort. Sur lui se concentrent les refus de l’humanité, les violences : « Dieu l’a fait pour nous péché » écrira saint Paul aux Corinthiens. Saint Jean dira en citant l’Ecriture : « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé ».
            Le mystère est que la transformation du Serviteur en image de péché est justement ce qui révèle sa justice et que cette révélation transforme le cœur des spectateurs et des accusateurs. C’est le pardon et la guérison du cœur qui permet à l’homme de reconnaître dans le Serviteur souffrant que l’on a rejeté, l’innocent que Dieu avait envoyé. A commencer par le centurion de l’armée romaine : « Vraiment cet homme était fils de Dieu ».
            Parler de l’exaltation de la croix c’est dire que Jésus mis en croix a été glorifié ; comme dit l’épître aux Philippiens de ce jour : « Dieu l’a élevé au dessus de tout ».

TEMOINS DE LA CROIX DU CHRIST
            Dans l’histoire des hommes, nous les chrétiens, nous sommes fiers de la croix du Christ car nous y reconnaissons le signe de la vie : du bois de la croix a été partagé à toute l’humanité un fruit qui guérit, le fruit de l’arbre de vie du jardin de la Genèse. Que notre seule fierté, comme dit l’apôtre, soit la croix de notre Seigneur Jésus Christ.
            Parce que les chrétiens sont des êtres de chair et de sang, les chrétiens ont dit leur amour du Christ en dressant des croix au carrefour des chemins, en embrassant la croix, en la fleurissant, en l’acclamant, en la mettant dans leur maison, en la portant sur eux.
            La guérison du cœur est un don qui nous vient du ciel et le don qui vient du ciel demande un travail de notre part qui est le travail de croire : croire que Jésus a remporté la victoire sur le mal et sur la mort. Seule la croix guérit véritablement car elle guérit de la mort, alors que les signes précédents, l’image du serpent, ne faisaient que la retarder. Le triomphe de Jésus c’est d’être glorifié dans son corps ressuscité et de nous entraîner avec lui dans sa vie.
Les chrétiens, lorsqu’ils sont touchés par le malheur, brutalement ou de manière lancinante sont appelés à garder les yeux fixés sur le Christ, croyant qu’il nous entraîne vers la vie. Nous ne savons pas comment mais nous le croyons même si l’angoisse monte de tous côtés. Voilà le mystère de la croix glorieuse dans nos vies.

LA CENTRALITÉ DE LA TRANSFIGURATION DANS LA SPIRITUALITÉ ORTHODOXE

5 août, 2013

http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/theologie/Transfiguration.htm

LA CENTRALITÉ DE LA TRANSFIGURATION DANS LA SPIRITUALITÉ ORTHODOXE

CONFÉRENCE PRONONCÉE PAR LE MÉTROPOLITE STEPHANOS DE TALLINN

lors de la XXXIe Rencontre Internationale et interconfessionnelle des Religieuses et des Religieux à Neuendettelsau – Allemagne du Sud le 16 juillet 2006

Quel est le sens de la Transfiguration, l’une des douze grandes fêtes de l’année liturgique et quelles en sont les conséquences pour la vie du monde, c’est à cela que je vais m’efforcer de vous répondre tout en espérant par avance votre indulgence.
Mon propos en effet ne sera jamais qu’un pâle reflet de la profondeur qui se dégage de cet immense mystère. Bien plus, pour pouvoir s’approcher de la lumière de la Transfiguration, il faut d’abord prendre la résolution de gravir son propre Thabor qui est le lieu du cœur libéré de toutes ses passions. Si en effet c’est l’Esprit Saint qui nous transfigure, qui fait naître, grandir et vivre le Christ en nous, alors il faut lui faire de la place en nous purifiant de tout ce qui peut faire obstacle au rayonnement de l’Amour divin. Rappelons-nous de ce que disait déjà le moine Pacôme au 4e siècle : « Dans la pureté de son cœur, l’homme voit le Dieu invisible comme dans un miroir ». La transfiguration intérieure, soulignait le Patriarche Bartholomée tout récemment, « exige un changement radical ou, pour utiliser le vocabulaire théologique, la metanoïa …Nous ne pouvons pas être transformés, si nous n’avons pas d’abord été purifiés de tout ce qui s’oppose à la transfiguration, si nous n’avons pas compris ce qui défigure le cœur humain ». (1) Sinon à quoi bon raisonner sur la nature de la grâce, si l’on ne ressent pas en soi son action ?
Avant d’aller plus loin, commençons par voir ce qu’il en est du temps, du moment où se passe l’événement de la Transfiguration.
Saint Nicodème l’Hagiorite, tout comme Eusèbe de Césarée et bien d’autres dans l’Eglise, est convaincu que la Transfiguration eut lieu quarante jours avant la Passion, autrement dit au mois de février et non pas en août comme c’est le cas maintenant et il reprend vertement Meletios d’Athènes, qui prétend que la Transfiguration eut lieu le 6 août, par ces termes : « il aurait dû appuyer ces dires par quelque témoin et non pas avancer des paroles non contrôlées et non soutenues par des témoignages » et il s’étonne de voir comment « il est possible de croire de telles allégations, qui sont dépourvues de témoignages et de vraies certitudes » ! (2)
Alors, pourquoi le 6 août et non pas au mois de février ? Certainement pour des raisons de pédagogie. Au mois de février en effet, nous tombons en pleine période de Carême, ce qui risque à cause du jeûne propre à ce temps liturgique d’atténuer l’éclat festif de cette solennité, laquelle met en évidence la joie des chrétiens pour la gloire future dont ils seront un jour revêtus. La fête est donc déplacée en août et non pas de façon fortuite : du 6 août au 14 septembre, jour de l’invention de la Sainte Croix, il y a quarante jours, tout comme il y a quarante jours entre la Transfiguration et la Passion du Christ. Il y a donc bien un lien réel entre le Thabor et le Golgotha.
« Ce syndrome du Thabor-Golgotha, écrit Kallistos Ware, se retrouve dans les textes liturgiques du 6 août. Ainsi les deux premiers stichères des grandes vêpres, qui décrivent le moment de la Transfiguration, commencent d’une manière signifiante par ces mots : avant ta Crucifixion,ô Seigneur !…Dans le même esprit, aux matines, le premier stichère des laudes débute par ces mots : avant ta précieuse Croix et ta Passion… Le lien entre la Transfiguration et la Crucifixion est souligné de la même manière dans le kondakion de la fête : Tu t’es transfiguré sur la montagne, Christ notre Dieu, laissant tes disciples contempler ta gloire autant qu’ils le pouvaient, de sorte que, te voyant crucifié, ils puisssent comprendre que ta souffrance était volontaire… Il convient donc que les disciples du Christ, au moment de la Crucifixion, se souviennent de la théophanie du Thabor et qu’ils comprennent que le Golgotha est également une théophanie. La Transfiguration et la Passion doivent être comprises dans les termes l’une de l’autre, et également bien sûr, dans les termes de la Résurrection » (3).
Thabor-Golgotha : tout est susceptible d’être transfiguré mais cela n’est possible qu’a travers la Croix, par laquelle la joie est donnée dans le monde entier. Gloire et souffrance, autrement dit kénose et sacrifice de la Croix d’une part et grande joie de la Transfiguration et de la Résurrection d’autre part, vont donc de pair : dans notre vie comme dans celle du Christ lui-même, Thabor et Golgotha – ces deux collines – constituent bien un seul et même mystère. Pour nous chrétiens, la leçon est claire : nous sommes présents avec le Christ dans la gloire du sommet de la montagne, nous sommes aussi présents avec lui à Gethsémani et au Golgotha. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : toute notre espérance découle de cette grande certitude, que la Transfiguration conduit à la Croix et la Croix mène à la Résurrection.
Quand nous lisons l’Evangile, nous voyons que de cet événement il se dégage trois moments pour notre édification spirituelle : d’abord la montée, c’est-à-dire l’ascèse, la purification du coeur , la lutte contre les passions ; ensuite le repos, la joie, la contemplation de la présence de Dieu, la communion à Dieu ; et enfin, la redescente dans la plaine, dans le quotidien, dans la banalité de l’instant. Cette succession constitue la trame de notre existence selon que notre vie dans l’Eglise suit ce rythme comme une sorte de respiration liturgique et plus particulièrement lorsque nous nous préparons à la Divine Eucharistie. La Transfiguration a, en ce sens, un caractère eschatologique ; elle est, selon les mots de saint Basile, l’inauguration de la glorieuse parousie, du second Avènement du Christ.
Venez, gravissons la montagne du Seigneur jusque dans la maison de notre Dieu et contemplons la gloire de la Transfiguration, gloire que tient du Père le Fils unique de Dieu ; à sa lumière prenons la lumière ; puis, élevés par l’Esprit, nous chanterons dans tous les siècles la consubstantielle Trinité ( doxastikon de la litie ). Ainsi, d’ « abord nous montons, nous escaladons, nous gravissons le chemin ardu pour arriver aux pieds du Seigneur. Puis nous communions dans la vision de Dieu, dans la certitude de sa présence dans nos cœurs. Enfin, nous redescendons au bas de la montagne, pour y retrouver nos frères et sœurs et le monde entier qui ignore Dieu. Notre monde, en proie aux forces sataniques, livré au péché et aux ténèbres. Tout est lié. Si vraiment nous parvenons à entrer dans la plénitude de la Transfiguration, ce n’est pas pour la garder jalousement pour nous, pour notre propre rassasiement, pour notre propre satisfaction ni notre propre béatitude. C’est pour nous remplir de Dieu, nous remplir tellement de sa présence, de sa grâce, de son Esprit, de cet Esprit qui nous brûle comme un feu car l’Esprit Saint est feu ;… le feu qui ne se consume pas ou plutôt qui consume seulement nos impuretés et qui illumine et qui console et qui réjouit et qui fortifie les cœurs … Pour être les témoins de la grâce de Dieu dans le monde » (4).
Reste le plus important à commenter : le thème de la lumière du Thabor. Qu’est-ce que cette lumière qui irradie du Christ sur la montagne et les apôtres ? C’est, répondent les Pères de l’Eglise, la manifestation de la gloire de Dieu. « La lumière inaccessible et sans déclin qui a brillé sur le mont Thabor…est l’énergie divine. Comme telle, elle est la lumière une de la Sainte Trinité », écrit le Père Sophrony, un grand spirituel du XXe siècle.
Mais encore ? En ce jour sur le Thabor, le Christ, lumière qui a précédé le soleil, révèle mystiquement l’image de la Trinité, chantons-nous au cours des vêpres de la fête. Tout en étant trinitaire, la gloire de la Transfiguration est de même plus spécifiquement christique. La lumière incréée qui rayonne du Seigneur Jésus le révèle comme « vrai Dieu de vrai Dieu…, consubstantiel au Père », selon la formule du Credo :Lumière immuable, ô Verbe, proclame l’exapostilaire de la fête, Lumière du Père inengendré, dans ta lumière en ce jour au Thabor nous avons vu la lumière du Père, la lumière de l’Esprit qui éclaire le monde et ailleurs, dans laudes, …la voix du Père clairement te proclama son Fils bien-aimé partageant même trône et consubstantiel…Ce qui fera dire à Saint Jean Damascène : « le Christ a été transfiguré non pas en assumant ce qu’il n’était pas, mais en manifestant à ses disciples ce qu’il était, ouvrant leurs yeux ». Et saint André de Crète d’ajouter : « A cet instant, le Christ n’est pas devenu plus radieux ou plus exalté. Loin de là : il est resté ce qu’il était avant ». Aussi, selon Paul Evdokimov, « le récit évangélique ne parle pas de la transfiguration du Seigneur, mais de celle des apôtres ». La Transfiguration au Thabor ne fut pas celle du Christ, disent les Pères de l’Eglise, mais celle des apôtres par l’Esprit Saint.
Avant d’aller plus loin dans notre propos, il convient de préciser « qu’il n’y a pas de juxtaposition de l’humain et du divin en Christ, mais il y a irradiation de la divinité dans l’humanité du Christ, et cette humanité du Christ, qui nous englobe tous, nous communions plus directement avec elle dans les sacrements, c’est-à-dire, précise Olivier Clément, essentiellement dans le baptême et l’eucharistie (5). C’est une humanité déifiée et donc déifiante, la déification ne signifiant pas une évacuation de l’humain qui serait remplacé par le divin, mais justement une transfiguration, un accomplissement, une plénitude du divin : l’humanité du Christ est pénétrée, transfigurée, par la gloire dont l’imprègne l’Esprit Saint ; c’est un sôma pneumatikon, un «corps spirituel comme dit Paul, c’est-à-dire un corps pénétré par l’Esprit, par la vie divine, par le feu divin ; non pas un corps dématérialisé mais au contraire un corps pleinement vivifié. De la même manière, par le mystère de l’Eglise, la chair de la terre, assimilée par l’Esprit au corps glorieux du Christ, devient – selon Grégoire Palamas – pour les chrétiens une source intarissable de sanctification ».
La Transfiguration n’a pas été un phénomène circonscrit dans le temps et l’espace. Le Christ n’a pas changé à ce moment-là : ce sont les apôtres qui ont reçu pour un moment la faculté de voir le Christ tel qu’il était dans sa réalité la plus profonde, afin qu’ils comprennent la signification véritable de la Croix, disent les textes liturgiques et le texte de l’Evangile : Jésus s’entretenait avec Moïse et Elie de sa Passion. La gloire vient par la Croix et la Croix sera alors l’engloutissement de la mort dans la lumière.
C’est donc parce que les Apôtres ont changé qu’ils ont pu voir le changement, la transfiguration dans la forme divine du Christ ; non pas son essence divine, qui est inatteignable et que par conséquent ils n’auraient pas pu supporter mais ses énergies – en quelque sorte les rayons du soleil – par lesquelles, dans son amour infini, il sort éternellement de lui-même pour se rendre connaissable et visible. Par la lumière de Dieu les apôtres se sont trouvés pénétrés, illuminés ; ils ont pu se voir, voir Dieu et resplendir à leur tour puisque Dieu, selon Grégoire Palamas, s’est rendu visible non seulement à leur intellect (nous ) mais aussi à leurs sens corporels qui ont été « changés par la puissance de l’Esprit divin ». Accessible aux sens et à l’intellect, la lumière divine « transcende en même temps toutes les dimensions de notre condition de créatures, nos sens et notre intellect … L’homme peut donc contempler, avec ses yeux de chair transformés, la lumière du Christ, comme les disciples ont pu, de leurs yeux transfigurés, contempler la gloire du Christ sur le Mont Thabor » (6). Tout comme les apôtres il nous est possible à nous aussi de voir Dieu avec les sens du corps, non pas les sens ordinaires mais, redisons-le à nouveau, changés par la puissance de l’Esprit divin. Changement contenu, toujours selon Grégoire Palamas, dans « l’assomption même de notre nature par l’union avec le Verbe de Dieu ». C’est dans la mesure où nous sommes en Christ que l’humanité du Christ pénétrée par la lumière de l’Esprit se communique à notre humanité.
Ainsi, pour Grégoire Palamas, la lumière divine est une donnée pour l’expérience mystique ; c’est le caractère visible de la Divinité, des énergies dans lesquelles Dieu se communique et se révèle à ceux qui ont purifié leurs cœurs.
Palamas en effet s’est trouvé face au problème suivant : comment l’homme peut connaître Dieu tout en reconnaissant en même temps que Dieu est par nature inconnaissable ? Pour en rendre raison, il explique que Dieu est tout entier essence et tout entier énergie, imparticipable dans son essence mais en même temps participable dans ses énergies. L’énergie divine c’est donc le mode existentiel de Dieu dans lequel celui-ci se manifeste et se communique. L’énergie divine, c’est Dieu en tant qu’il sort de lui-même.
Pour Olivier Clément, il y a ici antinomie (7): « Dieu tout entier se manifeste et Dieu tout entier ne se manifeste pas ; tout entier il est conçu et tout entier il est inconcevable pour l’intelligence ; tout entier il est participé et tout entier il est imparticipable. Il y a participation à la vie divine et en même temps il y a transcendance totale et inaccessible de Dieu. Voilà ce que va tenter de cerner cette distinction de la suressence inaccessible et des énergies participables. Ce n’est pas une séparation. Cela ne veut pas dire … qu’en Dieu il y a une frontière infranchissable : d’un côté l’essence, de l’autre les énergies. Cela désignerait plutôt deux modes d’existence de Dieu : d’une part, Dieu dans son altérité inobjectivable, dans la profondeur inaccessible de son existence personnelle, qui est amour inépuisable, unitrinité, et d’autre part Dieu dans le don total qu’il fait de lui-même, dans la toute présence qu’il nous donne. Cette distinction ne met pas en cause l’unité de Dieu…Il ne faut pas dire que tout cela – l’essence et les énergies – est une seule chose, mais que tout cela appartient à un seul Dieu vivant… »
« L’homme a été créé en vue de la déification. Mais l’homme en tant que créature possède aussi sa consistance propre, il n’est pas de nature divine. Pour décrire le mystère de cette union de la personne humaine avec son Créateur, Palamas a écarté l’idée d’une union selon l’essence (kat’ousian ) qui s’applique seulement aux personnes trinitaires entre elles, tout comme celle d’une union selon l’hypostase ou la personne ((kath’ypostasin ) qui ne s’applique qu’à l’union des natures divine et humaine dans la personne du Christ. Le seul mode d’union avec Dieu possible pour la nature humaine est celui qui s’exerce selon la grâce (kata harin ), c’est-à-dire selon l’énergie, cette énergie divine étant répandue à travers l’Eglise par l’Esprit Saint. On voit en quoi l’Esprit joue un rôle éminent dans cette doctrine inséparablement théologique et spirituelle… » C’est seulement ainsi que l’homme deviendra alors de plus en plus homme à mesure qu’il passera de l’ auto-nomie de la déchéance à la théo-nomie libératrice, restaurant la communion perdue avec Dieu (8).
« Celui qui participe à l’énergie divine…devient lui-même, en quelque sorte, lumière ; il est uni à la lumière et avec la lumière il voit en pleine conscience tout ce qui reste caché à ceux qui n’ont pas cette grâce ; il surpasse ainsi non seulement les sens corporels, mais aussi tout ce qui peut être connu ( par l’intelligence ) car les cœurs purs voient Dieu (…) qui, étant la lumière habite en eux et se révèle à ceux qui l’aiment, à ses bien-aimés » (9). L’union à Dieu, la vision lumineuse est pour l’homme à la fois pleinement objective, pleinement consciente, pleinement personnelle parce que tout être humain porte en lui l’image du Créateur, de sa participation libre à la vie divine. « L’homme, écrit Cyrille d’Alexandrie, reçut dès l’origine le contrôle de ses désirs et pouvait suivre librement les inclinations de son choix parce que la Déité, dont il est l’image, est libre ». Ainsi, cette union ne se résout jamais en une intégration de la personne humaine dans l’Infini divin ; elle est au contraire l’accomplissement de sa destinée libre et personnelle. De là également l’insistance des spirituels byzantins sur la nécessité d’une rencontre personnelle avec le Christ, lieu où, par excellence, ont convergé une fois pour toutes l’expérience de l’homme par Dieu et celle de Dieu par l’homme. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » proclame saint Paul.
La théologie de la lumière est donc inhérente à la spiritualité orthodoxe : l’une est impossible sans l’autre. Derrière cette doctrine, on trouve l’idée fondamentale de l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, la Sainte Trinité. Le thème constant de saint Jean l’Evangéliste est l’union personnelle et organique entre Dieu et l’homme ; pour Saint Paul, nous venons de le voir, la vie chrétienne est avant tout vie en Christ. Le mystère de la Rédemption signifie donc la récapitulation de notre nature par le Christ, Nouvel Adam et dans le Christ. Le mystère de la Pentecôte nous rappelle que l’œuvre de notre déification s’accomplit en nous par le Saint Esprit, Donateur de la grâce, celle-ci n’étant pas considérée par les Pères grecs comme un effet créé ; elle est l’énergie même de la Divinité se communiquant dans l’Esprit Saint. « Tu es devenue belle, mon âme, en t’approchant de ma lumière ; ton approche a attiré sur toi la participation de Ma beauté. S’étant approchée de la lumière, écrit Grégoire de Nysse, l’âme devient lumière ». La double économie du Verbe et du Paraclet a pour but l’union des êtres créés avec Dieu. Ici cependant, Créateur et créature ne fusionnent pas en un seul être ; dans la théologie mystique orthodoxe, l’homme ne perd jamais sa propre intégrité. Même déifié il reste distinct mais non séparé de Dieu : l’homme déifié ne perd pas son libre arbitre mais c’est tout aussi librement, par amour, qu’il se conforme à la volonté de Dieu. L’homme ne devient pas Dieu par nature, mais il est seulement créé dieu, un dieu par grâce. L’Eglise Orthodoxe écarte de cette façon toute forme de panthéisme.
Pour saint Syméon le Nouveau Théologien (10) l’expérience de la lumière, qui est la vie spirituelle consciente ( gnosis ), révèle la présence de la grâce acquise par la personne. « Nous ne parlons pas des choses que nous ignorons, dit-il, mais de ce qui nous est connu nous rendons témoignage. Car la lumière brille déjà dans les ténèbres, dans la nuit et dans le jour, dans nos cœurs et dans nos esprits. Elle nous illumine, cette lumière sans déclin, sans changement, inaltérable, jamais éclipsée ; elle parle, elle agit, elle vit et elle vivifie, elle transforme en lumière ceux qu’elle illumine. Dieu est lumière et ceux qu’il rend dignes de le voir le voient comme lumière ; ceux qui l’ont reçu, l’ont reçu comme lumière. Car la lumière de sa gloire précède sa Face et il est impossible qu’Il apparaisse autrement que dans la lumière. Ceux qui n’ont pas vu cette lumière n’ont pas vu Dieu car Dieu est lumière. Ceux qui n’ont pas reçu cette lumière n’ont pas encore reçu la grâce car en recevant la grâce, on reçoit la lumière divine et Dieu… »
La fête de la Transfiguration nous rappelle ainsi que le mystère de la déification de l’homme ne peut se réaliser qu’à travers l’illumination de tout l’être, par laquelle Dieu se révèle. Ce n’est pas un état passager qui ravit, qui arrache pour un moment l’être humain à son expérience habituelle. C’est une vie pleinement consciente dans la lumière divine, dans la communion incessante avec Dieu.
Dieu en s’incarnant n’a pas seulement sanctifié l’humanité mais aussi le monde entier. Et le monde est inexorablement lié à l’homme comme « le lieu de Dieu » où se découvre la gloire de la Trinité à la racine même des choses. Pour cette raison, la vocation de l’homme consiste, dans sa liberté personnelle, à transcender l’univers non pas pour l’abandonner mais pour le contenir, lui dire son sens, lui permettre de correspondre à sa secrète sacramentalité, le « cultiver », lui parfaire sa beauté, bref le transfigurer et non pas le défigurer. La Bible, ne l’oublions pas, présente le monde comme un matériau qui doit aider l’homme à prendre historiquement conscience de sa liberté offerte par Dieu. C’est dans le monde que l’homme exprime sa liberté et qu’il se présente comme une existence personnelle devant Dieu (11). La conséquence en est que l’homme ne peut faire transparaître Dieu en soi-même sans faire transparaître Dieu dans le monde ou sans se faire transparent comme image de Dieu dans le monde.
Ainsi l’homme représente pour l’univers l’espoir de recevoir la grâce et de s’unir à Dieu car il n ’y a pas de discontinuité entre la chair du monde et celle de l’homme, l’univers est englobé dans la nature humaine. C’est aussi le risque de la déchéance et de l’échec dès lors que, détourné de Dieu, l’homme ne verra des choses que l’apparence, « la figure qui passe » ( 1 Cor 7,31 ) et leur donnera en conséquence un « faux nom ». Tout ce qui se passe en l’homme a bien une signification universelle et s’imprime sur l’univers. La révélation biblique nous place devant un anthropocentrisme résolu, « non pas physique mais spirituel puisque le destin de la personne humaine détermine le destin du cosmos » (12). L’univers ne connaît pas l’homme, mais l’homme connaît l’univers. L’homme a besoin de l’univers, mais l’univers a surtout besoin de l’homme. Autrement dit : l’homme se présente comme l’axe spirituel de tout le créé, de tous ses plans, de tous ses modes parce qu’il est le résumé de l’univers ( microcosme ) et l’image de Dieu ( microtheos ) et parce qu’enfin Dieu s’est fait homme pour s’unir au cosmos tout entier.
Les textes patristiques soutiennent très fréquemment l’idée que l’homme est un être de raison (logikos ) à cause précisément de sa création à l’image même de Dieu. C’est ce qu’affirme entre autres avec netteté saint Athanase le Grand lorsqu’il traite de ce sujet. De même nous pouvons comprendre que l’homme est créateur car il est à l’image par excellence de son Créateur. Il est aussi souverain car le Christ, à l’image duquel il a été créé, est le Seigneur et le Roi qui domine l’univers. Il est libre, car il est à l’image de la liberté absolue. Il est enfin responsable pour toute la création comme il en est et la conscience et par-dessus tout le prêtre puisqu’il a pour modèle le Christ, Grand Prêtre. Mais il ne suffit pas de dire que l’homme est microcosme parce qu’il récapitule en lui tout l’univers. Sa vraie grandeur réside dans le fait qu’il est « appelé à être Dieu », à devenir « Eglise mystique » puisqu’il est la jointure entre le divin et le terrestre et que de lui diffuse la grâce sur toute la création (13). C’est dire que la situation du cosmos, sa transparence ou son opacité, sa libération en Dieu ou son asservissement à la corruption et à la mort dépendent de l’attitude fondamentale de l’homme, de sa transparence ou de son opacité à la lumière divine et à la présence du prochain. C’est la capacité de communion de l’homme qui conditionne l’état de l’univers. Du moins initialement et maintenant en Christ, dans son Eglise.
« La Transfiguration est quelque chose qui concerne la cosmologie, qui concerne notre sentiment même de l’être des choses. L’être des choses est potentiellement sacramentel. Il y a une potentialité sacramentelle dans la matière, qui s’exprime dans la Transfiguration : le monde a été créé pour être transfiguré. Cette transfiguration, c’est l’homme qui doit l’accomplir ; en Christ qui est l’homme parfait, elle est accomplie mais elle est secrète, elle est enfouie, cachée dans la détresse de l’histoire, et le monde reste figé dans son opacité, par le péché et le refus des hommes. C’est pourquoi la création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement du nouveau ciel et de la nouvelle terre. Il s’agit de faire monter à la surface du monde l’incandescence secrète. L’image employée ici par saint Maxime le Confesseur est justement l’image du buisson ardent. Le monde en Christ est secrètement, liturgiquement, sacramentellement, buisson ardent, et il s’agit – c’est cela la sanctification – de faire transparaître, à travers les visages et les regards, cette incandescence secrète » (14).
La Transfiguration devient ainsi la clef de l’histoire véritable, qui est l’histoire de la lumière, qui est l’histoire du feu, ce feu toujours présent mais qui a besoin pour tout embraser que des hommes se laissent consumer puisque le cœur de l’homme, quand il est touché par la lumière divine, devient le cœur du monde et communique la lumière, découvre les choses et les êtres dans leur vérité christique, c’est-à-dire dans la lumière de la Transfiguration : Selon Grégoire Palamas, « l’homme authentique, quand il prend comme chemin la lumière, s’élève ou plutôt est élevé sur les cimes éternelles ; il commence à contempler les réalités qui sont au-delà du monde, mais sans être séparé de la matière qui l’accompagne dès le début, car il ne s’élève pas sur les ailes imaginaires de son raisonnement, mais réellement, par la puissance indicible de l’Esprit » (15).
En fait, ce qu’il nous faut témoigner, c’est que le christianisme est la religion de la personne, de la communion, de la liberté, de la transfiguration non seulement de chaque être mais aussi de tout le cosmos. Nous ne sommes pas orphelins dans la prison indéfinie du monde : Dieu est la source d’une vie plus forte que la mort, la source de la joie qui vient à nous dans un immense mouvement d’incarnation : l’humain et le divin enfin s’unissent sans se confondre, le Christ est ressuscité. Toute notre existence est désormais déchiffrée à partir de la lumière qui jaillit du tombeau vide. Le néant n’existe pas : notre vérité d’homme, dès ici-bas, c’est bien la résurrection.
Aussi, pour celui qui acquiert l’amour, « les ténèbres se dissipent et la lumière véritable paraît déjà » ( Jn 1,8 ). La lumière divine apparaît ici-bas dans le monde, dans le temps. Elle se révèle dans l’histoire mais elle n’est pas de ce monde, c’est le commencement de la parousie dans les âmes saintes et sanctifiés, prémices de la manifestation finale lorsque Dieu apparaîtra dans sa lumière inaccessible à tous ceux qui demeurent dans les ténèbres des passions, à ceux qui vivent attachés aux biens périssables. A ceux-là, ce jour apparaîtra soudain, inattendu, comme le feu que l’on ne peut supporter. Ceux par contre qui marchent dans la lumière ne connaîtront pas le Jour du Seigneur, car ils sont toujours avec Dieu, en Dieu.

+Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.

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