Archive pour la catégorie 'Fête de Saint Paul'

LE RETOURNEMENT DE PAUL SUR LE CHEMIN DE DAMAS

25 janvier, 2016

http://www.croire.com/Definitions/Bible/Saint-Paul/Le-retournement-de-Paul-sur-le-chemin-de-Damas

LE RETOURNEMENT DE PAUL SUR LE CHEMIN DE DAMAS

28 JUIN 2008 – 29 JUIN 2009

Comme toute conversion, celle de Paul sur le chemin de Damas résiste à toutes les explications. Paul lui-même nous offre quelques clés pour s’approcher du mystère. Par le P. Marchadour, bibliste.

Paul est alors un jeune homme d’à peu près 35 ans. Né dans la diaspora, il a vécu dans un environnement culturel hellénistique, tout en étant fortement protégé dans son identité juive. Comme sa famille, il appartient à la tradition pharisienne, ce mouvement spirituel laïc né au IIe siècle avant Jésus en Israël. Ici le livre des Actes et les lettres concordent : « Je suis pharisien, fils de pharisien », dit Paul (Actes 23,6). Dans sa lettre aux Philippiens il se présente fièrement : « circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d’Hébreux ; pour la loi pharisien » (Philippiens 3,5). Il a même été élevé « selon la tendance la plus stricte de la religion, en pharisien » (Actes 26,5-15).

Un fou de Dieu Saul a été formé pour pratiquer et faire respecter la tradition pharisienne, en particulier dans toutes les exigences de la Loi. C’est son zèle pour la Torah qui explique son hostilité contre les disciples de Jésus. et la « persécution » qu’il mène contre l’Église (Actes 22,4; 26,11; Galates 1,13 ; Philippiens 3,6). Quel genre d’intervention musclée pouvait-il se permettre alors que Rome avait le monopole des arrestations, des incarcérations et des exécutions ? À moins que ce soit un genre de  lynchage populaire, commis hors légalité, comme ce fut le cas pour Étienne (Actes 7,57-58). Par contre le comportement de Paul montre qu’il avait des informations assez précises sur le mouvement de Jésus pour en mesurer la dangerosité pour l’avenir du judaïsme auquel il croyait. Est-ce le rôle revendiqué par Jésus qui l’inquiète, ou bien est-il scandalisé par les disciples juifs de Jésus, qui rejettent les exigences de la Torah avec ses 613 commandements ? Un tel renoncement aux fondements de toute sa vie croyante lui est insupportable.

L’irruption du Christ Et voici que son combat, qu’il croit sincèrement conforme au projet de son Dieu, est remis en question radicalement à la suite de l’irruption de Jésus dans sa vie, à la fois fracassante et discrète. Fracassante : c’est la triple version qu’en donnent les Actes des Apôtres (Ac 9 ; 22 ; 26). L’homme plein de certitudes sur son Dieu, se fait renverser sur le chemin de Damas. Ses yeux de chair se ferment pour s’ouvrir devant le révélateur qu’il combattait : Il tombe à terre, est aveuglé par la lumière de Dieu : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? Je suis Jésus que tu persécutes ». C’est tellement bouleversant que Luc n’hésite pas à nous le raconter trois fois. L’un des éléments les plus solides de ces trois récits, est le rôle d’Ananie, le premier chrétien qui a introduit dans l’Église Saül le converti. Le même Paul manifeste une grande pudeur dans son courrier. De ce qui est survenu sur le chemin de Damas, il ne parle que lorsqu’il y est contraint, pour se défendre contre les attaques. Il en parle en des termes allusifs : « Il m’est aussi apparu, à moi l’avorton. (1 Corinthiens 15, 8)? N’ai-je pas vu Jésus notre Seigneur ? (1 Corinthiens 9,1). Dieu a jugé bon de révéler en moi son fils (Galates 1,15) ?J’ai été saisi moi-même par le Christ Jésus? » (Philippiens 3,12). C’est par ces images que Paul le converti tente de rendre compte de l’expérience indicible qui fut la sienne.

Père Alain Marchadour, bibliste – Prions en Église, août 2008

LA CONVERSION DE PAUL RACONTÉE PAR L’AUTEUR DES ACTES DES APÔTRES

25 janvier, 2016

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1516.html  

LA CONVERSION DE PAUL RACONTÉE PAR L’AUTEUR DES ACTES DES APÔTRES

Dans le livre des Actes des Apôtres il y a trois récits de la conversion de Paul. Le premier (Ac 9) est fait par le narrateur, les deux autres (Ac 22 et 26) par Paul lui-même. Ces trois récits relatent la même intervention de Dieu sur le chemin de Damas, mais comportent un certain nombre de divergences. Que disent ces trois récits ? Leur répétition montre tout d’abord l’importance que l’auteur accorde à la conversion de Paul. Leurs divergences sont autant de clins d’oeils adressés au lecteur et d’invitations à en chercher le sens. Avec son génie de conteur, Luc nous invite à entrer progressivement dans le mystère de la conversion de Paul.

À l’approche de Damas Le premier récit de conversion (Ac 9) relate l’aller-retour de Saul (le nom de Paul au début du récit) de Jérusalem à Damas. Mandaté par le grand prêtre, Saul arrive devant Damas en persécuteur sanguinaire. Mais, aux portes de la ville le Seigneur l’attend. Le lieu a une certaine importance. Il est en effet un endroit symbolique, un lieu de passage mais aussi de jugement. Les rois grecs, quand ils visitaient leur royaume, s’arrêtaient aux portes des villes pour écouter les doléances de leurs sujets et leur rendre justice. Ce n’est pas pour rien que, dans l’œuvre de Luc, beaucoup de choses se passent aux portes des villes. Jésus ressuscite un jeune homme aux portes de Naïn, il guérit un aveugle aux portes de Jéricho, il pleure sur Jérusalem à l’approche de la ville… L’épisode de la porte de Damas est bien une scène de jugement. Saul en effet rencontre le Seigneur, qui est à la fois le juge et la victime et qui lui demande des comptes. L’interrogatoire est bref et la sentence immédiate. Elle révèle la vraie nature du persécuteur : il est aveugle. Cependant elle n’écrase pas le condamné. Elle le relève au contraire et lui indique le chemin de la conversion. Saul doit faire confiance à une communauté : « On te dira ce que tu dois faire ». Les témoins de la scène ne voient personne mais entendent la voix. Saul, lui, a-t-il vu le ressuscité ? Pour le moment nous ne le savons pas. Terrassé par le Seigneur et aveuglé par sa lumière, Saul entre maintenant dans la ville, conduit par la main de ses compagnons. Il en sortira ballotté dans un panier le long des remparts de la ville.

Il est l’instrument choisi La deuxième intervention divine se passe chez un disciple de Jésus, Ananie, à qui le Seigneur communique son projet sur Saul : « Cet homme est l’instrument que je me suis choisi pour répondre de mon Nom devant les nations païennes, les rois et les Israélites. » Nous lecteurs, nous assistons à cette scène et nous savons maintenant à quoi Saul est destiné. Mais comment Saul va-t-il le savoir ? Par Ananie, en principe, qui devrait logiquement lui communiquer le message divin. Mais Ananie ne le fait pas. Observons bien ce qui se passe. Ananie va trouver Saul dans la maison de Judas. Il lui impose les mains et le guérit, mais il ne transmet pas le message reçu. Nous sommes donc dans une situation étrange : les lecteurs savent quelque chose que le héros principal de cette histoire ignore. Cet effet littéraire n’est pas gratuit. Il montre que Saul n’est pas une simple marionnette entre les mains de Dieu. Ce dernier a un projet sur Saul, mais il ne lui impose pas. Il lui laisse du temps pour qu’il le découvre par lui-même

Il a vu le Seigneur Saul se rend maintenant à Jérusalem. Il quitte le groupe de disciples qui l’ont accueilli pour la première fois pour rencontrer le groupe des apôtres. Une boucle est bouclée. Paul est revenu à son point de départ, mais il ne fréquente plus les mêmes personnes. De l’entourage du grand prêtre, il est passé dans le cercle des chrétiens. Quand il se présente à Jérusalem Barnabas dit aux apôtres que Saul « a vu le Seigneur qui lui a parlé ». Le narrateur de cette histoire s’efface donc devant un membre de la communauté chrétienne et lui laisse le soin d’interpréter l’événement du chemin de Damas et de révéler aux apôtres, et aussi à nous les lecteurs, que Saul a bien vu le Seigneur ressuscité. Les apparitions du Seigneur ne sont pas d’abord un fait observable par un historien. Ils sont d’abord l’objet d’un témoignage de croyant.

Mettez-moi Saul à part pour une œuvre Au chapitre 13 des Actes, Saul est à Antioche. L’Esprit Saint demande à la communauté de le mettre à part, avec Barnabé, pour « une œuvre » qu’il ne définit pas. Nous avons le même phénomène littéraire que plus haut. Nous, lecteurs, savons à quoi Saul est destiné, mais Saul ne le sait toujours pas. Il va donc de synagogue en synagogue annoncer Jésus ressuscité. Devant l’opposition des Juifs, il décide de se tourner vers les païens. Apparemment il a décidé cela par lui-même, en accord avec Barnabas. Il a enfin découvert ce à quoi il était destiné. L’Esprit Saint lui a laissé le temps. Au retour de mission il rend compte à la communauté de « l’œuvre » qu’il vient d’accomplir : « Ouvrir aux païens les portes de la foi » (Ac 14,27). Sous la forme du récit Luc vient de nous montrer comment Dieu avait un projet sur Paul mais n’a pas tiré les ficelles. Il l’a laissé trouver par lui-même son chemin. Initiative humaine et plan de Dieu peuvent faire bon ménage.

Deuxième récit de conversion Le deuxième récit de conversion (Ac 22) est fait par Paul lui-même dans le Temple de Jérusalem. Devant la foule juive, il raconte les événements du chemin de Damas. À part quelques variantes secondaires, Paul reprend les mêmes éléments que nous avons déjà entendus. Mais il apporte deux précisions. Ananie d’abord transmet le message à Paul qui doit être témoin du Christ « devant tous les hommes », donc également devant les païens. Et Paul raconte ensuite qu’il a eu une vision dans le Temple de Jérusalem au cours de laquelle le Seigneur lui a dit : « Va, c’est au loin, vers les nations païennes, que je vais, moi, t’envoyer . » Le lecteur apprend donc par la bouche de Paul des choses qu’il ne savait pas. Ainsi Paul n’a pas décidé par lui-même de passer aux païens. Il a été encouragé par le Seigneur en personne. Et cette vision s’est déroulée au Temple. On remarque la portée symbolique de ce lieu.

Troisième récit de conversion Alors qu’il est en captivité à Césarée, la ville païenne, Paul raconte une troisième fois sa conversion. Ses interlocuteurs sont des descendants d’Hérode le Grand ainsi que le gouverneur romain Festus. Il y a de nouvelles variantes. Cette fois-ci il n’est plus question de la cécité temporaire de Paul ni du rôle d’Ananie. Plus question non plus de l’extase du Temple. Mais Paul parle de la rencontre avec le Nom de Jésus. Paul qui combattait ce Nom par tous les moyens l’a rencontré sur sa route, en travers de son chemin. Le Seigneur a parlé à Paul et lui dit : « Je t’ai destiné à être serviteur et témoin de la vision où tu viens de me voir ….Je t’envoie vers le peuple et les nations païennes pour leur ouvrir les yeux, les détourner des ténèbres vers la lumière… afin qu’ils reçoivent le pardon des péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés, par la foi en moi » (Ac 26,14-18). Maintenant tout est dit. Le narrateur du livre des Actes des Apôtres a laissé Paul faire lui-même le bilan de sa vie. La conversion et la vocation de l’ancien persécuteur forment un tout. Appartenant tout entier au Christ, il témoigne devant les Juifs et les païens. Ce que le Seigneur a annoncé à Ananie s’est accompli : « Cet homme est un instrument que je me suis choisi pour répondre de mon nom devant les nations païennes, les rois et les Israélites » (Ac 9,15).

 

BENOÎT XVI – LA CONVERSION DE PAUL (2008)

24 janvier, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080903.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 3 septembre 2008         

LA CONVERSION DE PAUL

Chers frères et sœurs,

La catéchèse d’aujourd’hui sera consacrée à l’expérience que saint Paul fit sur le chemin de Damas et donc sur ce que l’on appelle communément sa conversion. C’est précisément sur le chemin de Damas, au début des années 30 du i siècle, et après une période où il avait persécuté l’Eglise, qu’eut lieu le moment décisif de la vie de Paul. On a beaucoup écrit à son propos et naturellement de différents points de vue. Il est certain qu’un tournant eut lieu là, et même un renversement de perspective. Alors, de manière inattendue, il commença à considérer « perte » et « balayures » tout ce qui auparavant constituait pour lui l’idéal le plus élevé, presque la raison d’être de son existence (cf. Ph 3, 7-8). Que s’était-il passé? Nous avons à ce propos deux types de sources. Le premier type, le plus connu, est constitué par des récits dus à la plume de Luc, qui à trois reprises raconte l’événement dans les Actes des Apôtres (cf. 9, 1-19; 22, 3-21; 26, 4-23). Le lecteur moyen est peut-être tenté de trop s’arrêter sur certains détails, comme la lumière du ciel, la chute à terre, la voix qui appelle, la nouvelle condition de cécité, la guérison comme si des écailles lui étaient tombées des yeux et le jeûne. Mais tous ces détails se réfèrent au centre de l’événement:  le Christ ressuscité apparaît comme une lumière splendide et parle à Saul, il transforme  sa  pensée  et  sa  vie  elle-même. La splendeur du Ressuscité le rend aveugle:  il apparaît ainsi extérieurement ce qui était sa réalité intérieure, sa cécité à l’égard de la vérité, de la lumière qu’est le Christ. Et ensuite son « oui » définitif au Christ dans le baptême ouvre à nouveau ses yeux, le fait réellement voir. Dans l’Eglise antique le baptême était également appelé « illumination », car ce sacrement donne la lumière, fait voir réellement. Ce qui est ainsi indiqué théologiquement, se réalise également physiquement chez Paul:  guéri de sa cécité intérieure, il voit bien. Saint Paul a donc été transformé, non par une pensée, mais par un événement, par la présence irrésistible du Ressuscité, de laquelle il ne pourra jamais douter par la suite tant l’évidence de l’événement, de cette rencontre, avait été forte. Elle changea fondamentalement la vie de Paul; en ce sens on peut et on doit parler d’une conversion. Cette rencontre est le centre du récit de saint Luc, qui a sans doute utilisé un récit qui est probablement né dans la communauté de Damas. La couleur locale donnée par la présence d’Ananie et par les noms des rues, ainsi que du propriétaire de la maison dans laquelle Paul séjourna (cf. Ac 9, 11) le laisse penser. Le deuxième type de sources sur la conversion est constitué par les Lettres de saint Paul lui-même. Il n’a jamais parlé en détail de cet événement, je pense que c’est parce qu’il pouvait supposer que tous connaissaient l’essentiel de cette histoire, que tous savaient que de persécuteur il avait été transformé en apôtre fervent du Christ. Et cela avait  eu  lieu  non à la suite d’une réflexion personnelle, mais d’un événement fort, d’une rencontre avec le Ressuscité. Bien que ne mentionnant pas de détails, il mentionne plusieurs fois ce fait très important, c’est-à-dire que lui aussi est témoin de la résurrection de Jésus, de laquelle il a reçu directement de Jésus lui-même la révélation, avec la mission d’apôtre. Le texte le plus clair sur ce point se trouve dans son récit sur ce qui constitue le centre de l’histoire du salut:  la mort et la résurrection de Jésus et les apparitions aux témoins (cf. 1 Co 15). Avec les paroles de la très ancienne tradition, que lui aussi a reçues de l’Eglise de Jérusalem, il dit que Jésus mort crucifié, enseveli, ressuscité, apparut, après la résurrection, tous d’abord à Céphas, c’est-à-dire à Pierre, puis aux Douze, puis à cinq cents frères qui vivaient encore en grande partie à cette époque, puis à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et à ce récit reçu de la tradition, il ajoute:  « Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis » (1 Co 15, 8). Il fait ainsi comprendre que cela est le fondement de son apostolat et de sa nouvelle vie. Il existe également d’autres textes dans lesquels la même chose apparaît:  « Nous avons reçu par lui [Jésus] grâce et mission d’Apôtre » (cf. Rm 1, 5); et encore:  « N’ai-je pas vu Jésus notre Seigneur? » (1 Co 9, 1), des paroles avec lesquelles il fait allusion à une chose que tous savent. Et finalement le texte le plus diffusé peut être trouvé dans Ga 1, 15-17:  « Mais Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère, dans sa grâce il m’avait appelé, et, un jour, il a trouvé bon de mettre en moi la révélation de son Fils, pour que moi, je l’annonce parmi les nations païennes. Aussitôt, sans prendre l’avis de personne, sans même monter à Jérusalem pour y rencontrer ceux qui étaient les Apôtres avant moi, je suis parti pour l’Arabie; de là, je suis revenu à Damas ». Dans cette « auto-apologie » il souligne de manière décidée qu’il est lui aussi un véritable témoin du Ressuscité, qu’il a une  mission  reçue  directement  du Ressuscité. Nous pouvons ainsi voir que les deux sources, les Actes des Apôtres et les Lettres de saint Paul, convergent et s’accordent sur un point fondamental:  le Ressuscité a parlé à Paul, il l’a appelé à l’apostolat, il a fait de lui un véritable apôtre, témoin de la résurrection, avec la charge spécifique d’annoncer l’Evangile aux païens, au monde gréco-romain. Et dans le même temps, Paul a appris que, malgré le caractère direct de sa relation avec le Ressuscité, il doit entrer dans la communion de l’Eglise, il doit se faire baptiser, il doit vivre en harmonie avec les autres apôtres. Ce n’est que dans cette communion avec tous qu’il pourra être un véritable apôtre, ainsi qu’il l’écrit explicitement dans la première Epître aux Corinthiens:  « Eux ou moi, voilà ce que nous prêchons. Et voilà ce que vous avez cru » (15, 11). Il n’y a qu’une seule annonce du Ressuscité car le Christ est un. Comme on peut le voir, dans tous ces passages Paul n’interprète jamais ce moment comme un fait de conversion. Pourquoi? Il y a beaucoup d’hypothèses, mais selon moi le motif était tout à fait évident. Ce tournant dans sa vie, cette transformation de tout son être ne fut pas le fruit d’un processus psychologique, d’une maturation ou d’une évolution intellectuelle et morale, mais il vint de l’extérieur:  ce ne fut pas le fruit de sa pensée, mais de la rencontre avec Jésus Christ. En ce sens, ce ne fut pas simplement une conversion, une maturation de son « moi », mais ce fut une mort et une résurrection pour lui-même:  il mourut à sa vie et naquit à une autre vie nouvelle avec le Christ ressuscité. D’aucune autre manière on ne peut expliquer ce renouveau de Paul. Toutes les analyses psychologiques ne peuvent pas éclairer et résoudre le problème. Seul l’événement, la rencontre forte avec le Christ, est la clé pour comprendre ce qui était arrivé; mort et résurrection, renouveau de la part de Celui qui s’était montré et avait parlé avec lui. En ce sens plus profond, nous pouvons et nous devons parler de conversion. Cette rencontre est un réel renouveau qui a changé tous ses paramètres. Maintenant il peut dire que ce qui auparavant était pour lui essentiel et fondamental, est devenu pour lui « balayures »; ce n’est plus un « gain », mais une perte, parce que désormais seul compte la vie dans le Christ. Nous ne devons toutefois pas penser que Paul ait été ainsi enfermé dans un événement aveugle. Le contraire est vrai, parce que le Christ ressuscité est la lumière de la vérité, la lumière de Dieu lui-même. Cela a élargi son cœur, l’a ouvert à tous. En cet instant il n’a pas perdu ce qu’il y avait de bon et de vrai dans sa vie, dans son héritage, mais il a compris de manière nouvelle la sagesse, la vérité, la profondeur de la loi et des prophètes, il se l’est réapproprié de manière nouvelle. Dans le même temps, sa raison s’est ouverte à la sagesse des païens; s’étant ouvert au Christ de tout son cœur, il est devenu capable d’un large dialogue avec tous, il est devenu capable de se faire tout pour tous. C’est ainsi qu’il pouvait réellement devenir l’apôtre des païens. Si l’on en revient à présent à nous-mêmes, nous nous demandons:  qu’est-ce que tout cela veut dire pour nous? Cela veut dire que pour nous aussi le christianisme n’est pas une nouvelle philosophie ou une nouvelle morale. Nous ne sommes chrétiens que si nous rencontrons le Christ. Assurément, il ne se montre pas à nous de manière irrésistible, lumineuse, comme il l’a fait avec Paul pour en faire l’apôtre de toutes les nations. Mais nous aussi nous pouvons rencontrer le Christ, dans la lecture de l’Ecriture Sainte, dans la prière, dans la vie liturgique de l’Eglise. Nous pouvons toucher le cœur du Christ et sentir qu’il touche le nôtre. C’est seulement dans cette relation personnelle avec le Christ, seulement dans cette rencontre avec le Ressuscité que nous devenons réellement chrétiens. Et ainsi s’ouvre notre raison, s’ouvre toute la sagesse du Christ et toute la richesse de la vérité. Prions donc le Seigneur de nous éclairer, de nous offrir dans notre monde de rencontrer sa présence:  et qu’ainsi il nous donne une foi vivace, un cœur ouvert, une grande charité pour tous, capable de renouveler le monde.

Benoit XVI: Fête de la Conversion de saint Paul Apôtre 2012

4 juillet, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2012/documents/hf_ben-xvi_hom_20120125_week-prayer.html

CÉLÉBRATION DES VÊPRES EN CONCLUSION DE LA SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Fête de la Conversion de saint Paul Apôtre Basilique Saint-Paul-hors-les-murs Mercredi 25 janvier 2012

Chers frères et sœurs !

C’est avec une grande joie que j’adresse mes salutations chaleureuses à vous tous qui êtes réunis dans cette Basilique en la fête liturgique de la conversion de saint Paul, pour conclure la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, en cette année au cours de laquelle nous célébrerons le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, que le bienheureux Jean XXIII annonça précisément dans cette basilique le 25 janvier 1959. Le thème offert à notre méditation au cours de la Semaine de prière que nous concluons aujourd’hui est : « Tous, nous serons transformés par la victoire de Jésus Christ, notre Seigneur » (cf. 1 Co 15, 51-58). La signification de cette mystérieuse transformation, dont nous parle la seconde lecture brève de ce soir, nous est merveilleusement indiquée par l’expérience personnelle de saint Paul. Suite à l’événement extraordinaire sur le chemin de Damas, Saul, qui se distinguait par le zèle avec lequel il persécutait l’Eglise naissante, fut transformé en un inlassable apôtre de l’Evangile de Jésus Christ. Dans l’expérience de cet extraordinaire évangélisateur apparaît clairement que cette transformation n’est pas le résultat d’une longue réflexion intérieure ni même le fruit d’un effort personnel. Elle est avant tout l’œuvre de la grâce de Dieu qui a agi selon ses voies impénétrables. C’est pour cette raison que Paul, en écrivant à la communauté de Corinthe quelques années après sa conversion, affirme, comme nous l’avons entendu lors de la première lecture de ces Vêpres : « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce à mon égard n’a pas été stérile » (1 Cor 15, 10). Par ailleurs, si l’on considère attentivement l’expérience de saint Paul, on comprend que la transformation qu’il a connue dans son existence ne se limite pas au plan éthique — comme conversion de l’immoralité à la moralité —, ni au plan intellectuel — comme changement de sa façon de comprendre la réalité —, mais il s’agit plutôt d’un renouveau radical de son être, semblable par bien des aspects à une renaissance. Une telle transformation trouve son fondement dans la participation au mystère de la Mort et de la Résurrection de Jésus Christ, et se présente comme un chemin graduel de configuration à Lui. A la lumière de cette conscience, saint Paul, lorsque par la suite, il sera appelé à défendre la légitimité de sa vocation apostolique et de l’Evangile qu’il annonce, dira : « Et ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). L’expérience personnelle vécue par saint Paul lui permet d’attendre avec une espérance fondée l’accomplissement de ce mystère de transformation, qui concernera tous ceux qui ont cru en Jésus Christ ainsi que toute l’humanité et la création tout entière. Dans la seconde brève lecture qui a été proclamée ce soir, saint Paul, après avoir développé une longue argumentation destinée à renforcer chez les fidèles l’espérance de la résurrection, en utilisant les images traditionnelles de la littérature apocalyptique de son époque, décrit en quelques lignes le grand jour du jugement dernier, où s’accomplit le destin de l’humanité : « En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale… les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés » (1 Co 15, 52). Ce jour-là, tous les croyants seront rendus conformes au Christ et tout ce qui est corruptible sera transformé par sa gloire : « Il faut, en effet — dit saint Paul —, que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité » (v. 53). Alors le triomphe du Christ sera finalement complet, parce que, nous dit encore saint Paul en montrant que les anciennes prophéties des Ecritures se réalisent, la mort sera vaincue définitivement et, avec elle, le péché qui l’a faite entrer dans le monde et la Loi qui fixe le péché sans donner la force de le vaincre : « La mort a été engloutie dans la victoire. / Où est-elle, ô mort, ta victoire ? / Où est-il, ô mort, ton aiguillon ? / L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la force du péché, c’est la Loi » (vv. 54-56). Saint Paul nous dit donc que chaque homme, à travers le baptême dans la mort et la résurrection du Christ, participe à la victoire de Celui qui le premier a vaincu la mort, en entamant un chemin de transformation qui se manifeste dès lors dans une nouveauté de vie et qui atteindra sa plénitude à la fin des temps. Il est très significatif que le texte se conclue par une action de grâce : « Mais grâces soient à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ ! » (v. 57). Le chant de victoire sur la mort se transforme en chant de gratitude élevé au Vainqueur. Nous aussi ce soir, en célébrant les louanges vespérales de Dieu, nous voulons unir nos voix, nos esprits et nos cœurs à cet hymne d’action de grâce pour ce que la grâce divine a opéré dans l’Apôtre des nations et pour le merveilleux dessein salvifique que Dieu le Père accomplit en nous au moyen du Seigneur Jésus Christ. Tandis que nous élevons notre prière, nous sommes convaincus que nous serons transformés nous aussi et configurés à l’image du Christ. Cela est particulièrement vrai dans la prière pour l’unité des chrétiens. En effet, lorsque nous implorons le don de l’unité des disciples du Christ, nous faisons nôtre le souhait exprimé par Jésus Christ à la veille de sa passion et de sa mort dans la prière adressée au Père : « Afin que tous soient un » (Jn 17, 21). C’est pour cette raison que la prière pour l’unité des chrétiens n’est rien d’autre que la participation à la réalisation du projet divin pour l’Eglise, et l’engagement actif pour le rétablissement de l’unité est un devoir et une grande responsabilité pour tous. Bien que faisant l’expérience à notre époque de la situation douloureuse de la division, nous chrétiens pouvons et devons regarder vers l’avenir avec espérance, car la victoire du Christ signifie le dépassement de tout ce qui nous empêche de partager la plénitude de la vie avec Lui et avec les autres. La résurrection de Jésus Christ confirme que la bonté de Dieu l’emporte sur le mal, l’amour va au-delà de la mort. Il nous accompagne dans la lutte contre la force destructrice du péché qui entâche l’humanité et la création de Dieu tout entière. La présence du Christ ressuscité nous appelle tous, en tant que chrétiens, à agir ensemble pour la cause du bien. Unis dans le Christ, nous sommes appelés à partager sa mission, qui est celle d’apporter l’espérance là où dominent l’injustice, la haine et le désespoir. Nos divisions rendent notre témoignage au Christ moins lumineux. L’objectif de la pleine unité que nous attendons dans une espérance active et pour laquelle nous prions avec confiance, n’est pas une victoire secondaire, mais elle est importante pour la famille humaine. Dans la culture aujourd’hui dominante, l’idée de victoire est souvent associée à un succès immédiat. Dans l’optique chrétienne, en revanche, la victoire est un long processus de transformation et de croissance dans le bien qui, à nos yeux d’hommes, n’apparaît pas toujours linéaire. Celle-ci arrive selon les temps de Dieu, et non les nôtres, et exige de nous une foi profonde et une persévérance patiente. Bien que le Royaume de Dieu fasse définitivement irruption dans l’histoire avec la résurrection de Jésus, celui-ci n’est pas encore pleinement réalisé. La victoire finale adviendra uniquement avec la seconde venue du Seigneur, que nous attendons avec une espérance patiente. Notre attente pour l’unité visible de l’Eglise doit elle aussi être patiente et confiante. C’est uniquement dans de telles dispositions que trouvent tout leur sens notre prière et notre engagement quotidien pour l’unité des chrétiens. L’attitude d’attente patiente ne signifie pas passivité ou résignation, mais une réponse prompte et attentive à toute possibilité de communion et de fraternité, que le Seigneur nous donne. Dans ce climat spirituel, je voudrais adresser des saluts particuliers, en premier lieu au cardinal Monterisi, archiprêtre de cette basilique, à l’abbé et à la communauté des moines bénédictins qui nous accueillent. Je salue le cardinal Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, et tous les collaborateurs de ce dicastère. J’adresse mes salutations cordiales et fraternelles à Son Eminence le métropolite Gennadios, représentant le patriarcat œcuménique, et au révérend chanoine Richardson, représentant personnel à Rome de l’archevêque de Canterbury, et à tous les représentants des diverses Eglises et communautés ecclésiales, réunis ici ce soir. En outre, je suis particulièrement heureux de saluer plusieurs membres du Groupe de travail composé de représentants de diverses Eglises et communautés ecclésiales présentes en Pologne, qui ont préparé les documents de travail pour la Semaine de prière de cette année, auxquels je voudrais exprimer ma gratitude et mes meilleurs vœux en vue de poursuivre sur le chemin de la réconciliation et d’une fructueuse collaboration, ainsi que les membres du Global Christian Forum qui sont à Rome ces jours-ci pour réfléchir sur l’élargissement de la participation au mouvement œcuménique de nouveaux sujets. Et je salue aussi le groupe d’étudiants de l’Institut œcuménique de Bossey du Conseil œcuménique des Eglises. Je souhaite confier à l’intercession de saint Paul tous ceux qui, par leur prière et leur engagement, travaillent pour la cause de l’unité des chrétiens. Même si on peut parfois avoir l’impression que le chemin vers le plein rétablissement de la communion est encore très long et pavé d’obstacles, j’invite tous à renouveler leur détermination à poursuivre, avec courage et générosité, l’unité qui est volonté de Dieu, en suivant l’exemple de saint Paul qui, devant les difficultés en tout genre, a conservé toujours ferme la confiance en Dieu qui conduit à l’accomplissement de son œuvre. D’ailleurs, sur ce chemin, ne manquent pas les signes positifs d’une fraternité renouvelée et d’un sens partagé de responsabilité face aux grandes problématiques qui affligent notre monde. Tout cela est un motif de joie et de grande espérance et doit nous encourager à poursuivre notre engagement pour parvenir tous ensemble à l’objectif final, en sachant que nos efforts ne sont pas vains dans le Seigneur (cf. 1 Co 15, 58). Amen.

AUDIENCE GÉNÉRALE – SAINT PAUL, L’ »ABBÀ » – BENOÎT XVI

24 janvier, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120523_fr.html  

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE – SAINT PAUL, L’ »ABBÀ »

Place Saint-Pierre

Mercredi 23 mai 2012

Chers frères et sœurs,

Mercredi dernier, j’ai montré que saint Paul dit que l’Esprit Saint est le grand maître de la prière et nous enseigne à nous adresser à Dieu à travers les termes affectueux des enfants, en l’appelant « Abbà, Père ». C’est ce qu’a fait Jésus ; même dans les moments les plus dramatiques de sa vie terrestre, Il n’a jamais perdu la confiance dans le Père et l’a toujours invoqué à travers l’intimité du Fils bien-aimé. Au Gethsémani, lorsqu’il sent l’angoisse de la mort, sa prière est : « Abba… Père, tout est possible pour toi. Eloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36). Dès les premiers pas de son chemin, l’Eglise a accueilli cette invocation et l’a faite sienne, en particulier dans la prière du Notre Père, dans laquelle nous disons chaque jour : « Notre Père, qui es aux cieux… que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6, 9-10). Dans les lettres de saint Paul, nous la retrouvons par deux fois. L’apôtre, nous venons de l’entendre, s’adresse aux Galates à travers ces paroles : « Et voici la preuve que vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant “Abba !” » (Ga 4, 6). Et au centre de ce chant à l’Esprit Saint qui est le chapitre huit de la Lettre aux Romains, saint Paul affirme : « L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c’est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant : “Abba !” » (Rm 8, 15). Le christianisme n’est pas une religion de la peur, mais de la confiance et de l’amour au Père qui nous aime. Ces deux affirmations denses nous parlent de l’envoi et de l’accueil du Saint Esprit, le don du Ressuscité, qui fait de nous des fils dans le Christ, le Fils unique, et nous place dans une relation filiale avec Dieu, une relation de profonde confiance, comme celle des enfants ; une relation filiale semblable à celle de Jésus, même si son origine et son importance sont différentes : Jésus est le Fils éternel de Dieu qui s’est fait chair, en revanche, nous devenons fils en Lui, dans le temps, à travers la foi et les sacrements du baptême et de la confirmation ; grâce à ces deux sacrements, nous sommes plongés dans le Mystère pascal du Christ. L’Esprit Saint est le don précieux et nécessaire qui fait de nous des fils de Dieu, qui réalise cette adoption filiale à laquelle sont appelés tous les êtres humains car, comme le précise la bénédiction divine de la Lettre aux Ephésiens, Dieu, dans le Christ, « nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ » (Ep 1, 4). L’homme d’aujourd’hui ne perçoit sans doute pas la beauté, la grandeur et le réconfort profond contenus dans le mot « père », par lequel nous pouvons nous adresser à Dieu dans la prière, parce qu’aujourd’hui, la figure paternelle n’est souvent pas suffisamment présente et souvent, elle n’est pas assez positive dans la vie quotidienne. L’absence du père, le problème d’un père non présent dans la vie de l’enfant est un grand problème de notre temps, parce qu’il devient difficile de comprendre dans sa profondeur ce que veut dire que Dieu est Père pour nous. De Jésus lui-même, de sa relation filiale avec Dieu, nous pouvons apprendre ce que signifie véritablement « père », quelle est la véritable nature du Père qui est dans les cieux. Des critiques de la religion ont dit que parler du « Père », de Dieu, serait une projection de nos pères au ciel. Mais c’est le contraire qui est vrai : dans l’Évangile, le Christ nous montre qui est le père et comment doit être un véritable père, afin que nous puissions comprendre la véritable paternité, apprendre également la véritable paternité. Pensons aux paroles de Jésus dans le sermon sur la montagne, où il dit : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 44-45). C’est précisément l’amour de Jésus, le Fils unique — qui parvient au don de soi sur la croix — qui nous révèle la véritable nature du Père : Il est l’Amour, et nous aussi, dans notre prière de fils, nous entrons dans ce circuit d’amour, amour de Dieu qui purifie nos désirs, nos comportements marqués par la fermeture, la suffisance, l’égoïsme typique de l’homme ancien. Nous pourrions donc dire qu’en Dieu, la nature de Père possède deux dimensions. Tout d’abord, Dieu est notre Père, parce qu’il est notre Créateur. Chacun de nous, chaque homme et chaque femme est un miracle de Dieu, il est voulu par Lui et Dieu le connaît personnellement. Lorsque dans le Livre de la Genèse, on dit que l’être humain est créé à l’image de Dieu (cf. 1, 27), on veut exprimer précisément cette réalité : Dieu est notre père, pour Lui, nous ne sommes pas des êtres anonymes, impersonnels, mais nous avons un nom. Il y a une phrase dans les Psaumes qui me touche toujours, lorsque je la prie : « Tes mains m’ont fait » dit le psalmiste (Ps 119, 73). Chacun de nous peut dire, dans cette belle image, la relation personnelle avec Dieu : « Tes mains m’ont fait, tu m’a pensé et créé et voulu ». Mais cela ne suffit pas encore. L’Esprit du Christ nous ouvre à une deuxième dimension de la paternité de Dieu, au-delà de la création, car Jésus est le « Fils » au sens plénier, « de la même substance que le Père », comme nous professons dans le Credo. En devenant un être humain comme nous, à travers l’Incarnation, la Mort et la Résurrection, Jésus nous accueille à son tour dans son humanité et dans sa condition même de Fils; ainsi, nous pouvons entrer nous aussi dans son appartenance spécifique à Dieu. Assurément, notre condition de fils de Dieu ne possède pas la même plénitude que Jésus ; nous devons le devenir toujours davantage, le long du chemin de toute notre existence chrétienne, en grandissant à la suite de Jésus, dans la communion avec Lui pour entrer toujours plus intimement dans la relation d’amour avec Dieu le Père, qui soutient la nôtre et donne son sens véritable à la vie. C’est cette réalité fondamentale qui nous est révélée quand nous nous ouvrons à l’Esprit Saint et Il nous fait nous adresser à Dieu en lui disant : « Abbà ! , Père ! ». Nous sommes réellement allés au-delà de la création dans l’adoption avec Jésus; unis, nous sommes réellement en Dieu et fils d’une manière nouvelle, dans une dimension nouvelle. Mais je voudrais à présent revenir aux deux passages de saint Paul que nous sommes en train d’analyser en ce qui concerne cette action de l’Esprit Saint dans notre prière ; ici aussi, il y a deux passages qui se correspondent, mais qui contiennent une nuance différente. En effet, dans la Lettre aux Galates l’apôtre affirme que l’Esprit crie en nous « Abbà ! Père ! » ; dans la Lettre aux Romains, il dit que c’est nous qui nous écrions « Abbà ! Père ! ». Et saint Paul veut nous faire comprendre que la prière chrétienne n’est jamais, n’a jamais lieu en sens unique allant de nous à Dieu, ce n’est pas seulement une «action à nous», mais elle est l’expression d’une relation réciproque dans laquelle Dieu agit le premier : c’est l’Esprit Saint qui crie en nous, et nous pouvons crier car l’impulsion vient de l’Esprit Saint. Nous ne pourrions pas prier si n’était pas inscrit dans la profondeur de notre cœur le désir de Dieu, notre condition de fils de Dieu. Depuis qu’il existe, l’homo sapiens est toujours à la recherche de Dieu, il cherche à parler avec Dieu, car Dieu s’est inscrit lui-même dans nos cœurs. La première initiative vient donc de Dieu et, avec le baptême, Dieu agit à nouveau en nous, l’Esprit Saint agit en nous; il est le premier initiateur de la prière pour que nous puissions réellement parler avec Dieu et dire « Abbà » à Dieu. Sa présence ouvre donc notre prière et notre vie, elle ouvre aux horizons de la Trinité et de l’Église. En outre, nous comprenons, cela est le deuxième point, que la prière de l’Esprit du Christ en nous et la nôtre en Lui, n’est pas seulement un acte individuel, mais un acte de l’Église tout entière. En priant, notre cœur s’ouvre, nous entrons en communion non seulement avec Dieu, mais précisément avec tous les fils de Dieu, car nous sommes une seule chose. Quand nous nous adressons au Père dans notre intimité, dans le silence et le recueillement, nous ne sommes jamais seuls. Celui qui parle avec Dieu n’est pas seul. Nous sommes dans la grande prière de l’Église, nous sommes une partie d’une grande symphonie que la communauté chrétienne qui est présente dans toutes les parties de la terre à chaque époque élève à Dieu ; certes, les musiciens et les instruments sont différents — et cela est un élément de richesse —, mais la mélodie de louange est unique et en harmonie. Alors, chaque fois que nous disons : « Abbà ! Père ! » c’est l’Église, toute la communion des hommes en prière qui soutient notre invocation et notre invocation est l’invocation de l’Église. Cela se reflète également dans la richesse des charismes, des ministères, des tâches, que nous accomplissons dans la communauté. Saint Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Église sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous » (1 Co 12, 4-6). La prière guidée par l’Esprit Saint, qui nous fait dire « Abbà ! Père ! » avec le Christ et en Christ, nous insère dans l’unique grande mosaïque de la famille de Dieu, dans laquelle chacun a une place et un rôle important, en profonde unité avec le tout. Une dernière remarque : nous apprenons à crier « Abbà ! Père ! » également avec Marie, la Mère du Fils de Dieu. L’accomplissement de la plénitude du temps, dont parle saint Paul dans la Lettre aux Galates (cf. 4, 4), a lieu au moment du « oui » de Marie, de sa pleine adhésion à la volonté de Dieu : « Me voici, je suis la servante du Seigneur » (Lc 1, 38). Chers frères et sœurs, apprenons à goûter dans notre prière la beauté d’être des amis, ou plutôt des fils de Dieu, de pouvoir l’invoquer avec la familiarité et la confiance qu’un enfant éprouve envers ses parents qui l’aiment. Ouvrons notre prière à l’action de l’Esprit Saint pour qu’en nous, il s’écrie à Dieu « Abba ! Père ! » et pour que notre prière change, convertisse constamment notre manière de penser, notre action, pour la rendre toujours plus conforme à celle du Fils unique, Jésus Christ. Merci. 

CONVERSION DE L’APÔTRE PAUL – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI 2008

24 janvier, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2008/documents/hf_ben-xvi_hom_20080125_week-prayer_fr.html  

CÉLÉBRATION DES VÊPRES DE LA SOLENNITÉ DE LA CONVERSION DE L’APÔTRE PAUL EN CONCLUSION DE LA SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs Vendredi 25 janvier 2008

Chers frères et sœurs,

la fête de la Conversion de saint Paul nous place à nouveau en présence de ce grand Apôtre, choisi par Dieu pour être son « témoin devant tous les hommes » (Ac 22, 15). Pour Saul de Tarse, le moment de la rencontre avec le Christ ressuscité sur le chemin de Damas marqua le tournant décisif de sa vie. C’est alors que se réalisa sa transformation complète, une véritable conversion spirituelle. En un instant, par une intervention divine, le persécuteur acharné de l’Eglise de Dieu se retrouva être un aveugle titubant dans l’obscurité, mais avec désormais une grande lumière dans son cœur, qui allait le porter, sous peu, à devenir un ardent apôtre de l’Evangile. La conscience que seule la grâce divine avait pu accomplir une semblable conversion ne quitta jamais Paul. Alors qu’il avait déjà donné le meilleur de lui-même, se consacrant inlassablement à la prédication de l’Evangile, il écrivit avec une ardeur renouvelée:  « J’ai travaillé plus qu’eux tous:  oh! non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » (1 Co 15, 10). Inlassable comme si l’œuvre de la mission dépendait entièrement de ses efforts, saint Paul fut toutefois toujours animé par la profonde persuasion que toute sa force provenait de la grâce de Dieu agissant en lui. Ce soir, les paroles de l’Apôtre sur le rapport entre effort humain et grâce divine résonnent, remplies d’une signification tout à fait particulière. Au terme de la Semaine de Prière pour l’unité des chrétiens, nous sommes encore plus conscients de ce que l’œuvre de la recomposition de l’unité, qui requiert toute notre énergie et nos efforts, est vraiment infiniment supérieure à nos possibilités. L’unité avec Dieu et avec nos frères et sœurs est un don qui vient d’en-Haut, qui jaillit de la communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et qui croît et se perfectionne en elle. Il n’est pas en notre pouvoir de décider quand ou comment cette unité se réalisera pleinement. Seul Dieu pourra le faire! Comme saint Paul, nous aussi nous faisons reposer notre espérance et notre confiance « dans la grâce de Dieu qui est avec nous ». Chers frères et sœurs, c’est ce que veut implorer la prière que nous élevons ensemble vers le Seigneur, afin que ce soit Lui qui nous éclaire et qui nous soutienne dans notre recherche constante d’unité. L’exhortation de Paul aux chrétiens de Thessalonique assume alors toute sa valeur:  « Prier sans cesse » (1 Th 5, 17), qui a été choisi comme thème de la Semaine de prière de cette année. L’Apôtre connaît bien cette communauté née de son activité missionnaire et nourrit pour elle de grandes espérances. Il en connaît aussi bien les mérites que les faiblesses. Parmi ses membres, en effet, les comportements, attitudes et débats susceptibles de créer des tensions et des conflits ne manquent pas; et Paul intervient pour aider la communauté à cheminer dans l’unité et dans la paix. En conclusion de son épître, avec une bonté presque paternelle, il ajoute une série d’exhortations très concrètes, en invitant les chrétiens à favoriser la participation de tous, à soutenir les faibles, à être patients, à ne rendre à personne le mal pour le mal, à rechercher toujours le bien, à être toujours plus joyeux et à rendre grâces en toute circonstance (cf. 1 Th 5, 12-22). Au centre de ces exhortations, il demande impérativement de « prier sans cesse ». De fait, les autres admonitions perdraient de leur force et de leur cohérence si elles n’étaient pas soutenues par la prière. L’unité avec Dieu et avec les autres se construit avant tout par une vie de prière, par la recherche constante de la « volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus » (cf. 1 Th 5, 18).

L’invitation adressée par saint Paul aux Thessaloniciens est toujours actuelle. Face aux faiblesses et aux péchés qui empêchent encore la pleine communion des chrétiens, chacune de ces exhortations a conservé sa pertinence, mais ceci est particulièrement vrai pour l’impératif « prier sans cesse ». Que deviendrait le mouvement œcuménique sans la prière personnelle ou commune, afin « que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi » (Jn 17, 21)? Où trouver l’ »élan supplémentaire » de foi, de charité et d’espérance dont notre recherche de l’unité a tant besoin aujourd’hui? Notre désir d’unité ne devrait pas se limiter à des occasions ponctuelles, mais devrait devenir partie intégrante de toute notre vie de prière. Les artisans de la réconciliation et de l’unité, à chaque phase de l’histoire, ont été des hommes et des femmes formés par la Parole de Dieu et par la prière. C’est la voie de la prière qui a ouvert la route au mouvement œcuménique, tel que nous le connaissons aujourd’hui. A partir du milieu du XVIII siècle, divers mouvements de renouveau spirituel sont apparus, désireux de contribuer par le biais de la prière à la promotion de l’unité des chrétiens. Depuis le début, des groupes de catholiques, animés par des personnalités religieuses de renom, ont activement participé à des initiatives similaires. La prière pour l’unité a également été soutenue par mes vénérés Prédécesseurs, comme le Pape Léon XIII qui, dès 1895, recommandait l’introduction d’une neuvaine de prière pour l’unité des chrétiens. Ces efforts, accomplis selon les possibilités de l’Eglise de l’époque, entendaient réaliser la prière prononcée par Jésus lui-même au Cénacle « afin que tous soient un » (Jn 17, 21). Il n’existe donc pas d’œcuménisme authentique qui ne s’enracine pas dans la prière. Cette année, nous célébrons le centième anniversaire de l’ »Octave pour l’unité de l’Eglise ». Il y a cent ans, le Père Paul Wattson, à l’époque encore ministre épiscopalien, conçut une octave de prière pour l’unité, qui fut célébrée pour la première fois à Graymoor (New York) du 18 au 25 janvier 1908. Ce soir, c’est avec une grande joie que j’adresse mes salutations au Ministre général et à la délégation internationale des Frères et des Sœurs franciscaines de l’Atonement, Congrégation fondée par le Père Paul Wattson et qui promeut son héritage spirituel. Dans les années trente du siècle dernier, l’octave de prière connut d’importantes adaptations sous l’impulsion de l’abbé Paul Couturier, de Lyon, lui aussi grand promoteur de l’œcuménisme spirituel. Son invitation à « prier pour l’unité de l’Eglise telle que le Christ la désire et selon les instruments qu’il désire », permit aux chrétiens de toutes les traditions de s’unir en une seule prière pour l’unité. Nous rendons grâce à Dieu pour le grand mouvement de prière qui, depuis cent ans, accompagne et soutient ceux qui croient dans le Christ, dans leur recherche d’unité. La barque de l’œcuménisme n’aurait jamais quitté le port si elle n’avait pas été poussée par ce vaste courant de prière et par le souffle de l’Esprit Saint. En même temps que la Semaine de prière, de nombreuses communautés religieuses et monastiques ont invité et aidé leurs membres à « prier sans cesse » pour l’unité des chrétiens. En cette occasion qui nous voit réunis, évoquons en particulier la vie et le témoignage de Sœur Marie-Gabrielle de l’Unité (1914-1936), sœur trappiste du monastère de Grottaferrata (actuellement Vitorchiano). Quand sa supérieure, encouragée par l’abbé Paul Couturier, invita les sœurs à prier et à faire don d’elles-mêmes pour l’unité des chrétiens, Sœur Marie-Gabrielle se sentit immédiatement concernée et n’hésita pas à consacrer sa jeune existence à cette grande cause. Nous célébrons aujourd’hui même le vingt-cinquième anniversaire de sa béatification par mon prédécesseur, le Pape Jean-Paul II. Cet événement eut lieu dans cette basilique, le 25 janvier 1983 précisément, durant la célébration de clôture de la Semaine de Prière pour l’Unité. Dans son homélie, le Serviteur de Dieu souligna les trois éléments sur lesquels se construit la recherche de l’unité:  la conversion, la croix et la prière. C’est sur ces trois éléments que se fondèrent aussi la vie et le témoignage de Sœur Marie-Gabrielle. L’œcuménisme a un fort besoin, aujourd’hui comme hier, du grand « monastère invisible » dont parlait l’abbé Paul Couturier, de cette vaste communauté de chrétiens de toutes les traditions qui, sans bruit, prient et offrent leur vie pour que l’unité se réalise. En outre, depuis exactement quarante ans, les communautés chrétiennes du monde entier reçoivent pour la Semaine des méditations et des prières préparées conjointement par la Commission « Foi et Constitution » du Conseil œcuménique des Eglises et par le Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens. Cette heureuse collaboration a permis d’élargir le vaste cercle de prière et de préparer ses contenus d’une manière plus appropriée. Ce soir, je salue cordialement le Rév. Samuel Kobia, Secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises, venu à Rome afin de s’unir à nous pour le centenaire de la Semaine de prière. Je suis heureux de la présence des membres du « Groupe mixte de travail », que je salue affectueusement. Le Groupe mixte est l’instrument de coopération entre l’Eglise catholique et le Conseil œcuménique des Eglises dans notre recherche commune d’unité. Et, comme chaque année, j’adresse aussi mes fraternelles salutations aux Evêques, aux prêtres, aux pasteurs des diverses Eglises et Communautés ecclésiales qui ont des représentants ici à Rome. Votre participation à cette prière est l’expression tangible des liens qui nous unissent en Jésus Christ:  « Que deux ou trois soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Dans cette basilique historique, le 28 juin prochain, s’ouvrira l’année consacrée au témoignage et à l’enseignement de l’Apôtre Paul. Que sa ferveur inlassable pour construire le Corps du Christ dans l’unité, nous aide à prier sans cesse pour la pleine unité de tous les chrétiens! Amen!   Copyright 2008 – Libreria Editrice Vaticana

DEUX PRIÈRES DE L’APÔTRE PAUL – Éph. 3:14-21 ; Col. 1:9-20

23 janvier, 2014

http://www.bibliquest.org/PF/PF-nt10et12-Deux_prieres_de_Paul_ME1948.htm

DEUX PRIÈRES DE L’APÔTRE PAUL

Éph. 3:14-21 ; Col. 1:9-20

Paul Fuzier

ME 1948 p. 3. Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest

Table des matières :
1 La prière pour les Éphésiens
1.1 Premier amour
1.2 Que l’homme intérieur soit fortifié
2 La prière pour les Colossiens
2.1 Que Christ ait la première place
2.2 Amour dans la vérité — tenir ferme le chef
2.3 Connaissance de Sa volonté — marcher d’une manière digne du Seigneur — Lui plaire à tous égards
3 Conclusion

Dans le premier numéro du Messager Évangélique de l’année 1947, nous rappelions les paroles de l’apôtre : « il y a ce qui me tient assiégé tous les jours, la sollicitude pour toutes les assemblées » (2 Cor. 11:28). Nous le faisions dans le sentiment de besoins multiples, demandant à Dieu qu’Il nous accorde d’être animés du même esprit. Continuons à intercéder avec persévérance pour toutes les assemblées. Plus que jamais nous avons besoin de le faire !
Dieu a voulu nous conserver dans sa Parole quelques-unes des prières formulées par l’apôtre en faveur des assemblées auxquelles il pensait avec tant d’amour. Il nous semble particulièrement opportun, au début de cette nouvelle année, d’arrêter notre attention sur deux d’entre elles.

1 La prière pour les Éphésiens

1.1 Premier amour
L’apôtre Paul, divinement inspiré, a adressé une épître aux chrétiens d’Éphèse, et plus tard l’apôtre Jean communiqua à cette assemblée ce que lui disait pour elle la « grande voix » qu’il entendit à Patmos, dans la journée dominicale. Qu’est-ce qui caractérisait alors cette assemblée ? L’abandon du premier amour. « J’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour ». Longtemps auparavant, Dieu savait, quel travail l’ennemi allait opérer dans les cœurs. Il avait donc conduit l’apôtre Paul à adresser à ces croyants l’exhortation qui convenait et l’avait amené à exprimer cette requête : « … afin que, selon les richesses de sa gloire, il vous donne d’être fortifiés en puissance, par son Esprit, quant à l’homme intérieur ; de sorte que le Christ habite, par la foi, dans vos cœurs et que vous soyez enracinés et fondés dans l’amour ; afin que vous soyez capables de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, et la profondeur et la hauteur, — et de connaître l’amour du Christ, qui surpasse toute connaissance ; afin que vous soyez remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu » (Éph. 3:16 à 19). En lisant Apoc. 2:4, nous comprenons quel discernement avait l’apôtre de l’état des Éphésiens, et nous voyons comment Dieu dirigeait son fidèle serviteur pour qu’il présentât l’exhortation nécessaire et demandât, dans sa prière, exactement ce qui convenait afin que ces croyants fussent gardés des pièges que l’adversaire allait placer devant eux. Du côté de Dieu, jamais rien ne peut manquer !
Nous gémissons sur tant de misère et de manquements, sur tant de choses qui témoignent de l’abandon du premier amour. Cet abandon est la conséquence du fait que nous ne savons pas assez boire à la source, que nous sommes trop peu « enracinés et fondés dans l’amour ». Il y eut, dans l’histoire d’Israël, un moment qui correspondait à la fraîcheur du premier amour. Huit siècles après, l’Éternel déclare à son peuple, par la bouche du prophète : « Je me souviens de toi, de la grâce de ta jeunesse, de l’amour de tes fiançailles… », et dit de lui : « Mon peuple a fait deux maux : ils m’ont abandonné, moi, la source des eaux vives, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau » (Jér. 2:2, 13). C’est la même histoire, qu’il s’agisse du peuple terrestre ou de l’Église responsable.
C’est aussi l’illustration de tant de déclins individuels !

1.2 Que l’homme intérieur soit fortifié
Si nous voulons retrouver plus de vie, plus de fraîcheur, plus de fidélité dans notre témoignage, n’oublions pas que le secret est renfermé dans la prière que l’apôtre adressait à Dieu pour les Éphésiens. Notre « homme intérieur » a besoin d’être fortifié et, pour cela, il faut le nourrir de Christ — de Christ agneau rôti, manne et vieux blé du pays. Aucune autre nourriture ne peut nous fortifier « quant à l’homme intérieur » ! Pourquoi sommes-nous si faibles ? Sans aucun doute, parce que nous sommes mal nourris. C’est une vérité incontestée dans le domaine physique, c’est une vérité aussi dans le domaine spirituel. Avons-nous dès l’enfance spirituelle « désiré ardemment le pur lait intellectuel » ? (1 Pierre 2:2). Si, au lieu de nous occuper de Christ et de la Parole, de nous attacher au « sain enseignement », nous allons courir, çà et là, pour chercher des « coloquintes sauvages » (2 Rois 4:38-41), nous nous affaiblirons individuellement et nous deviendrons une cause de faiblesse pour l’assemblée. Le Saint Esprit, dont l’activité a toujours pour but de nous rafraîchir et de nous « fortifier en puissance », veut nous amener à la « source des eaux vives » et nous nourrir de Christ seul (Jean 7:37-39 ; 16:13-15). Ne contristons pas le Saint Esprit, « afin que Christ habite par la foi dans nos cœurs » et soit l’unique objet de nos affections. Nourris de Lui et de son amour, « enracinés et fondés dans l’amour », nous retrouverons le premier amour abandonné, car c’est de son amour même que notre amour vivra !

2 La prière pour les Colossiens

2.1 Que Christ ait la première place
En écrivant à l’assemblée de Colosses, l’apôtre pensait aussi à celle de Laodicée et il combattait par la prière pour les Laodicéens comme pour les Colossiens. « Car je veux que vous sachiez quel combat j’ai pour vous et pour ceux qui sont à Laodicée, et tous ceux qui n’ont point vu mon visage en la chair, afin que leurs cœurs soient consolés, étant unis ensemble dans l’amour.. » (Col. 2:1 et 2). En terminant sa lettre, il demande « qu’elle soit lue aussi dans l’assemblée des Laodicéens » (4:16). Sans doute les besoins étaient-ils les mêmes à Colosses et à Laodicée. De même qu’à Éphèse, une seconde épître a été adressée à Laodicée (Apoc. 3:14-22). Nous avons vu ce qui caractérisait Éphèse lorsque la deuxième épître lui a été envoyée, nous savons aussi ce qui en était de Laodicée. Beaucoup de prétentions : « je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien », tandis que l’état réel était tout différent : « tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu… ». À Laodicée, Christ n’a pas la première place (Col. 1:18), Il n’a même pas la dernière, Il est à la porte ! « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe… ».
Comme pour Éphèse. Dieu savait aussi, à l’avance, ce qu’il en serait de Laodicée et, par le ministère de l’apôtre, Il adressait à cette assemblée l’exhortation exactement appropriée à ses besoins. C’est la personne de Christ que présente l’apôtre dans son épître aux Colossiens qui devait aussi être lue aux Laodicéens. Il fait briller ses gloires : image du Dieu invisible, premier-né de toute la création, premier-né d’entre les morts, chef du Corps, de l’Assemblée. Et l’exhortation essentielle est celle-ci : tenez ferme le chef ! Serait-Il à la porte, si Laodicée avait tenu ferme le chef ?

2.2 Amour dans la vérité — tenir ferme le chef
Comme autrefois à Colosses, bien des fausses doctrines sont enseignées dans la chrétienté aujourd’hui. Notre manque de discernement spirituel nous met en danger de les recevoir. Certes, c’est une chose excellente et désirable que d’avoir « le cœur large » envers tous les enfants de Dieu. Mais si l’amour ne s’allie pas à la vérité c’est un faux amour, qui nous conduit vite à des associations regrettables, à l’acceptation (volontaire ou tacite) de doctrines opposées à l’enseignement des Écritures. On ne veut pas passer pour un « esprit étroit », on se glorifie même d’une certaine largeur de vue et l’on entr’ouvre la porte — que l’ennemi aura vite fait d’ouvrir complètement — qui conduira à la ruine d’un témoignage fidèle. En présence de tels dangers, écoutons ce que dit l’apôtre aux Colossiens et aux Laodicéens : « Comme donc vous avez reçu le Christ Jésus, le Seigneur, marchez en Lui, enracinés et édifiés en Lui, et affermis dans la foi, selon que vous avez été enseignés, abondant en elle avec des actions de grâces. Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie, par la philosophie et par de vaines déceptions, selon l’enseignement des hommes, selon les éléments du monde, et non selon Christ » (2:6 à 8). Tenons ferme le Chef ! C’est seulement ainsi que nous pourrons être « remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant par la connaissance de Dieu : étant fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire, pour toute patience et constance, avec joie, rendant grâces au Père.. » (Col. 1:9-12).

2.3 Connaissance de Sa volonté — marcher d’une manière digne du Seigneur — Lui plaire à tous égards
Être rempli de la connaissance de sa volonté, c’est être débarrassé de toute volonté propre et ne connaître rien d’autre que la volonté de Dieu. Écouter, garder et pratiquer, « ce sera là votre sagesse et votre intelligence » (Deut. 4:1 et 6 ; cf. Col. 1:9). Ce n’est pas une connaissance théorique de la volonté de Dieu, elle a en vue un but pratique : « pour marcher d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards ». Marcher par l’Esprit, marcher dans l’amour, marcher comme des enfants de lumière, marcher soigneusement, marcher dans la vérité (Gal. 5:16 à 26 ; Éph. 5:2, 8, 15 ; 2 Jean 4), c’est cela « marcher d’une manière digne du Seigneur », reflétant les caractères du divin Modèle. Dans une telle marche, nous pouvons « Lui plaire à tous égards » et jouir de Sa communion, ce qui est indispensable pour « porter du fruit en toute bonne œuvre » (cf. Jean 15:1 à 6). Dieu est alors connu d’une manière réelle et pratique, dans ses caractères, dans tout ce qu’Il est Lui-même (c’est davantage que « la connaissance de sa volonté ») et l’âme peut croître et se développer, puisant dans cette connaissance de Dieu ce qui lui donnera son plein accroissement. La force morale qu’elle a trouvée lui procurera, au milieu des épreuves du désert, « patience et constance, avec joie ». Le racheté est ainsi conduit jusqu’au plus haut degré, il devient un adorateur : « rendant grâces au Père… ». Dieu est connu comme Père (il faut le connaître comme tel pour pouvoir adorer, cf. Jean 4:23) — c’est plus intime que « la connaissance de Dieu ». Il faut d’abord obéir pour « connaître Dieu » ; ensuite, l’on peut jouir de son amour, le Saint Esprit non contristé nous faisant goûter la douceur de notre relation avec Lui comme Père : connaissance de sa volonté — connaissance de Dieu — rendant grâces au Père… Le croyant peut rendre grâces en pensant à tout ce que Dieu a fait pour lui, à tout ce qu’Il lui a donné en lui donnant le « Fils de son amour » !

3 Conclusion

Notre Dieu est toujours le Même, invariable dans son amour et dans les tendres soins de son amour. Ne sait-Il pas à quels dangers nous serons exposés tout au long de cette année nouvelle, si nous avons à la passer ici-bas ? Beaucoup mieux que nous-mêmes, Il connaît nos besoins et Il veut y répondre parfaitement, nous avertissant, nous exhortant et nous fournissant à l’avance toutes les ressources nécessaires, comme Il le faisait autrefois pour Éphèse et Laodicée. Prenons donc courage, au milieu de tout ce qui est susceptible de nous décourager et puisons abondamment aux ressources divines qui demeurent jusqu’à la fin. « Enracinés et fondés dans l’amour », attachons-nous à Christ, « tenons ferme le chef », nourrissons-nous et nourrissons les âmes de sa Personne et de son amour, afin que nous soyons tous « remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant par la connaissance de Dieu : étant fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire, pour toute patience et constance, avec joie, rendant grâces au Père… ».

Oh ! si mes yeux pouvaient sans cesse
Suivre cet astre glorieux ;
Si je pouvais de ta tendresse
Voir tous les reflets radieux ;

Mon âme alors, pleine de zèle,
Saurait t’aimer plus ardemment,
Et, connaissant mieux son Modèle,
Prendrait tout son accroissement.

VIE ET VOYAGES DE SAINT PAUL APÔTRE – 4- LE CITOYEN ROMAIN

23 janvier, 2014

http://www.cursillos.ca/action/st-paul/paul04-romain.htm

VIE ET VOYAGES DE SAINT PAUL APÔTRE

4- LE CITOYEN ROMAIN

Paul appartenait aux trois cultures les plus importantes de son temps : la culture romaine, la culture grecque et la culture hébraïque. Son éducation et ses racines lui donnaient ainsi une largueur d’esprit, une polyvalence exceptionnelle.

Sa culture latine Ce Juif de Tarse était fier de son appartenance à la citoyenneté romaine. « Je suis citoyen romain ». Il utilisera ce titre à son avantage en de nombreuses occasions. Être citoyen romain, c’était bénéficier d’un statut très particulier qui donnait le droit de participer à la vie publique et surtout qui accordait des garanties judiciaires et fiscales à ceux de la minorité qui avaient ce privilège. C’était le plus grand titre de noblesse de l’Empire romain et le seul symbole de « standing » social à cette époque. Paul profitera toute sa vie de cette dignité qu’il tenait de son père. Il n’existait alors que quatre à cinq millions de citoyens romains dans un empire d’environ 55 millions d’habitants, soit moins de dix pour cent de la population totale. La citoyenneté romaine conférait trois privilèges principaux : le droit de vote, le droit d’immunité contre les sanctions déshonorantes et le droit d’être jugé devant le plus haut tribunal de l’Empire. Pour ce qui est du droit de vote, nous ne savons pas si Paul l’a exercé dans sa ville de Tarse. Il pouvait participer à l’assemblée du peuple où se discutait et se décidait tout ce qui concernait la vie et l’organisation de la cité. Seuls les citoyens romains avaient ce droit de participation aux assemblées. Les femmes, les esclaves, les affranchis et les étrangers en étaient exclus. Les Grecs appelaient ce système démocratie, de demos (peuple) et kratia (gouvernement). En réalité, ce n’était pas un «gouvernement du peuple», mais plutôt le gouvernement d’une élite restreinte de citoyens privilégiés. Le second avantage incluait l’immunité contre les sanctions déshonorantes. Dans la ville de Philippes, Paul obtiendra des excuses de la part des juges qui l’avaient condamné à être battu de verges sans jugement. Plus tard, à Jérusalem, c’est en invoquant ce privilège qu’il échappera de justesse à la flagellation. Condamné à mort, il ne sera ni crucifié, ni brûlé dans les jardins de Néron, ni jeté aux bêtes féroces dans l’arène, comme bon nombre de chrétiens. Il sera décapité, mort plus honorable pour un citoyen romain. Le troisième privilège sera utile à Paul lors de la première audience devant le nouveau gouverneur Festus, à Césarée maritime. En désespoir de cause, pour échapper aux conjurés qui avaient décidé de l’assassiner, il demandera d’être jugé devant la cour suprême de l’empereur, à Rome (Actes 25, 11), requête qui lui sera accordée. Il se peut que cet « appel à César » ait été une erreur tactique de la part de Paul. En effet, comme le remarquait le roi Agrippa après l’audience : « On aurait pu relâcher cet homme s’il n’en avait appelé à César » (Actes 26, 32) ; mais Paul connaissait beaucoup mieux ses compatriotes juifs que le roi Agrippa. S’il était retourné à Jérusalem, il aurait été assassiné en chemin. Rome a été une attraction irrésistible pour Paul de Tarse. Centre de tous les pouvoirs, cette ville semble avoir joué un rôle déterminant dans son programme missionnaire. Son avance progressive, délibérée et hardie, d’Est en Ouest, correspond à un plan préétabli de conquête pour le Christ, jusqu’à la capitale du monde. Rome devenait pour lui le symbole de l’universalité du christianisme. La citoyenneté romaine explique en grande partie la largeur d’esprit de Paul, sa compréhension des non-Juifs et son loyalisme à l’égard de l’État, loyalisme qui lui inspira des paroles bienveillantes et des invitations à la prière pour les détenteurs de l’autorité publique.

La citoyenneté romaine fut un atout important dans son effort pour faire éclater l’étroitesse d’esprit du judaïsme de son temps et en arriver à un christianisme universel.

VIE ET VOYAGES DE SAINT PAUL APÔTRE – 6- LE PHARISIEN DE CULTURE HÉBRAÏQUE

23 janvier, 2014

http://www.cursillos.ca/action/st-paul/paul06-hebreu.htm

VIE ET VOYAGES DE SAINT PAUL APÔTRE

6- LE PHARISIEN DE CULTURE HÉBRAÏQUE

Paul était Juif, fils de Pharisien, destiné au rabbinat. Il parle plus d’une fois dans ses lettres, et avec fierté, de son éducation juive. Je suis « Hébreu, fils d’Hébreux » (Philémon 3, 5), «membre de la tribu de Benjamin». Il aura passé de longues heures à l’école de la synagogue sous la direction du «hazzan» à apprendre par coeur les Écritures. Il les cite de mémoire environ deux cents fois dans ses lettres. étoile de DavidPaul est resté jusqu’au bout passionnément attaché au peuple qui est le sien, à cette nation qui défiait l’histoire et qui continue à le faire aujourd’hui encore : « Je souhaiterais être moi-même anathème et séparé du Christ, pour mes frères, ceux de ma race, selon la chair. Eux qui sont israélites, à qui appartiennent l’adoption filiale ; la gloire, les alliances, la législation, le culte et les promesses ; et aussi les patriarches, et de qui est issu le Christ selon la chair » (Romains 9, 3-5). Les pharisiens, contrairement aux Saducéens, étaient très proches du peuple, ouvrant des écoles, accueillant les pauvres et les malades, aidant les immigrants et les nouveaux arrivés. Après la destruction de Jérusalem et la fin de l’État juif, en l’an 70, les Pharisiens ont été d’une importance vitale pour ce peuple en détresse. Ce sont eux qui ont sauvé Israël. C’est à eux que le judaïsme doit sa survie. Chez les Juifs, la maison paternelle était «un sanctuaire familial», consacré à la pratique de la vertu et à l’observance des devoirs imposés par la tradition et par la Loi. Les pharisiens ne mangeaient que des aliments kasher, ce  qui garantissait leur pureté et évitait toute souillure. Paul se rendait régulièrement à la synagogue et observait rigoureusement le repos sabbatique. Il payait la dîme et jeûnait conformément aux commandements de la Loi. Dès le début du jour, il se tournait dans la direction du Temple de Jérusalem et prononçait sa première prière : «Écoute Israël, notre Dieu est le vrai Dieu, le Dieu unique.» Au moins trois fois pendant la journée – le matin, l’après-midi et le soir -, il remerciait Dieu pour les faveurs obtenues. Dans la maison paternelle, Paul respirait une atmosphère essentiellement religieuse. Dans cet environnement fleurissait aussi le nationalisme juif, qui le reliait à Jérusalem et à la Palestine. Au temps de César-Auguste et de Tibère, les Juifs de la Diaspora étaient protégés par les empereurs qui sévissaient quand on les molestait. Ils disposaient d’une juridiction propre, quoique limitée, et on leur permettait de suivre leurs règles alimentaires. Ils étaient dispensés du service militaire, pour ne pas être obligés à combattre le jour du sabbat. Ils avaient l’autorisation de célébrer leur culte à condition d’y mettre la forme : les sacrifices en l’honneur de Yahvé avaient pour les Romains valeur d’hommages à l’empereur-dieu. Mieux encore : on leur permettait de lever un impôt annuel pour le Temple de Jérusalem et d’acheminer cette contribution vers la ville sainte. Après sa rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas et au cours de ses voyages missionnaires, Paul est entré en conflit avec les Juifs orthodoxes et avec les judéo-chrétiens. Sans jamais renié son peuple, il est resté déchiré entre l’amour qu’il avait pour lui et sa fidélité au Christ, sauveur de tous. Paul de Tarse était un homme aux multiples facettes, d’une grande richesse culturelle et religieuse : à la fois romain, grec et juif, pharisien et chrétien, contemplatif et homme d’action, évangélisateur et docteur, écrivain audacieux et théologien profond. On ne peut comprendre ce grand missionnaire qu’à travers sa riche personnalité et l’attachement à sa foi en Jésus-Christ. Peu de gens étaient mieux préparé que lui pour annoncer la Bonne Nouvelle « à toutes les Nations ». Avec Paul, nous assistons à la naissance du christianisme universel, « où il n’y a ni Juif ni Grec, ni homme libre ni esclave, ni homme ni femme », mais un nouveau peuple de fils et de filles tous aimés de Dieu.

PAUL LE CONVERTI. APÔTRE OU APOSTAT. UN UNIVERSITAIRE DE CONFESSION JUIVE S’INTÉRESSE À SAINT PAUL

24 janvier, 2013

http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=256

ESPRIT & VIE – REVUE CATHOLIQUE DE FORMATION PERMANENTE

PAUL BONY

PAUL LE CONVERTI. APÔTRE OU APOSTAT. UN UNIVERSITAIRE DE CONFESSION JUIVE S’INTÉRESSE À SAINT PAUL

Exceptionnellement, dans ce numéro et dans le prochain, nous publierons les analyses de deux livres importants dans notre rubrique Études bibliques. Nous débutons par le livre d’Alan Segal, Paul le converti. Apôtre ou apostat [1].
« Les chercheurs juifs contemporains, qui pourraient apporter aux chrétiens un éclairage nouveau sur Paul, lisent rarement ses écrits et presque jamais en tant qu’expérience religieuse ayant une valeur ; ils voient en lui un apostat. Ce jugement a une certaine raison d’être […] mais le terme « apostat » doit être discuté et nuancé avec soin » (p. 13). Ainsi s’exprime Alan Segal dans l’introduction de son ouvrage sur Paul, qui se signale à la fois par le sérieux de la recherche exégétique et par l’attitude d’ouverture d’un universitaire de confession juive. À son point de vue, la connaissance de Paul est précieuse pour l’histoire du christianisme mais aussi pour l’histoire juive : il est « l’un des deux seuls pharisiens à nous avoir laissé des écrits personnels » (voir Ph 3, 5 [2]). « En tant qu’unique juif du ier siècle à avoir rendu compte de son expérience mystique sous forme de confessions (2 Co 12, 1-10), il devrait être traité comme une source majeure pour l’étude du judaïsme à l’époque » (p. 7). Naturellement A. Segal ne peut adopter la foi chrétienne de Paul. Mais il se garde bien de minimiser la valeur de son expérience religieuse.
Il est donc fort intéressant de parcourir cette présentation de Paul en trois parties : Paul le juif, Paul le converti, Paul l’apôtre. L’exposé est nourri d’informations historiques sur les courants du judaïsme du ier siècle, il est bien au fait des études pauliniennes exégétiques les plus récentes, il exploite aussi les recherches contemporaines des sciences humaines sur la « conversion ». Nous en rendrons compte en identifiant cinq clés de lecture que propose notre auteur de manière constante à travers les trois parties de son ouvrage, et nous exprimerons brièvement notre point de vue au fur et à mesure.
1. Le langage de « conversion »
Conversion ?
C’est un terme auquel A. Segal tient beaucoup. D’autres chercheurs préfèrent parler de vocation prophétique. Ils mettent l’accent sur l’appel à l’apostolat. Et il est bien vrai que Paul n’emploie jamais à son sujet le terme de « conversion », comme il le fait quand il s’agit de désigner le mouvement des païens qui se convertissent au Dieu vivant et vrai en se détournant des idoles et de l’immoralité (1 Th 1, 9-10). Pourtant A. Segal estime légitime d’employer ce terme de « conversion » emprunté aux sciences sociales, pour caractériser le passage que fit Paul de son appartenance à la mouvance pharisienne à l’engagement dans une communauté judéo-chrétienne et, rapidement, à une communauté chrétienne de « Gentils », où les judéo-chrétiens étaient de plus en plus minoritaires, sinon même absents.
Qu’il s’agisse d’un processus subit ou d’un processus graduel, la « conversion », comme changement d’appartenance communautaire entraîne une réévaluation radicale de l’existence antérieure, il provoque aussi un engagement de prosélytisme intense pour communiquer, et, de ce fait, affermir chez le sujet lui-même, le bien-fondé de son adhésion. Les disciples galiléens de Jésus n’avaient pas fait l’expérience d’une conversion en ce sens ; mais Paul, oui. « Paul fut à la fois converti et appelé » (p. 21). Il faut parler de conversion parce qu’il y eut dans la vie de Paul un changement radical. Du point de vue de la mission, Paul est un militant engagé, mais quant à l’expérience religieuse, il est un converti » (p. 22). La confusion naît ici de ce que les anciens comme les modernes se servent du terme de « converti ». Mais il impliquait chez les juifs une notion de repentance que Paul ne juge pas appropriée à son cas. Ces réserves faites, je maintiens que Paul est et reste un converti au sens moderne du terme » (p. 42). L’indice le plus décisif que les sciences humaines donnent d’un processus de conversion est la « reconstruction biographique » (p. 50). Or, cette réécriture de son passé de juif pharisien, à la lumière de sa foi nouvelle, est particulièrement caractéristique de Paul (Ga 1 ; 1 Co 15 ; Ph 3).
Transformation
Paul utilise parfois un terme qui se rapproche de ce que les modernes mettent sous la conversion : la transformation, la métamorphose, le passage d’un état à un autre (Rm 12, 2). « Paul laisse entendre que la métamorphose est ce à quoi chaque croyant est promis à la fin des temps. Pour comprendre ce que Paul entend par conversion, il faut voir en lui l’un des tout premiers adeptes de la mystique apocalyptique de la métamorphose divine » (p. 43). Autrement dit, ce que Paul dit avoir expérimenté est une « transformation du moi », certes encore inachevée, mais déjà initiée ; elle n’est pas réservée à Paul, mais proposée à tous ceux qui seront comme lui des « convertis » à l’existence en Christ Jésus (2 Co 3, 15-18).
« Jamais nous ne connaîtrons l’expérience de Paul. Mais nous pouvons voir comment il la reconstruit. Rétrospectivement, Paul interprète sa première expérience de chrétien comme une conversion (extatique). Nous ne discuterons pas son opinion personnelle. La démonstration la plus limpide de la conversion de Paul consiste tout simplement à comparer celui-ci avec d’autres chrétiens qui, comme lui, venaient du judaïsme, mais dont l’entrée en christianisme ne modifia en rien leurs dispositions envers la Torah (voir Ac 15, 5), et qui en cela s’opposèrent à Paul. Il était possible de passer du judaïsme pharisaïque au christianisme sans une expérience de conversion comparable à celle de Paul. Il y a des chrétiens dont la foi dans le Christ ne fit que parachever leur croyance antérieure dans le judaïsme. Mais Paul n’est pas l’un de ces juifs. Il n’est en aucun cas le pharisien dont la foi dans le Christ confirme le judaïsme ; bien plutôt, sa conversion a sensiblement transformé sa conception du christianisme. Elle l’a amené à réévaluer la foi de ses ancêtres, et a ainsi créé chez lui une nouvelle compréhension de la mission de Jésus » (p. 111).
Inscription sociale
A. Segal pense que la conversion de Paul ne dut pas être aussi soudaine que Luc le dit en vue de faire de cette conversion un exemple de la puissance de l’Esprit, et cela, pour l’édification de ses lecteurs. Les sciences humaines relèvent l’influence de la communauté d’adhésion sur la manière de retranscrire l’événement de la conversion. Il doit en aller de même pour Paul. « Les déclarations de Paul concernant son passé sont donc très largement influencées par ses engagements présents. » « Paul est l’exemple du converti actif, qui reconstruit son univers. Mais plus important encore est l’effet qu’exerce l’environnement social de Paul » (p. 53).
On ne chicanera pas sur le métalangage de « conversion ». On s’accordera avec A. Segal sur le fait d’un changement radical survenu dans le cours de l’existence de Paul pharisien, comme lui-même l’atteste ; il ne s’agit ni de conversion morale, ni de « changement de religion », mais d’un déplacement du centre de toute une existence. On doit admettre aussi que l’expérience apostolique de Paul dans la mission parmi les Nations a coloré la manière dont il a rendu compte, vingt ans après, de l’événement de Damas. Mais on ne peut négliger l’insistance que Paul met sur la révélation personnelle qui lui a été faite et qui lui a donné une intelligence tout à fait originale de l’Évangile, quitte à ce que celle-ci se précise et se renforce au cours de son ministère apostolique comme au contact des autres courants du christianisme primitif.

[1] Alan A. Segal, Paul le converti. Apôtre ou apostat, Traduit de l’anglais par Anne Paumier, Patrice Ghirardi et Jean-François Séné, Paris, Éd. Bayard, 2003. Le titre original n’est pas indiqué. Le voici : Paul the Convert : the Apostolate and Apostasy of Saul the Pharisee, Yale, University Press, 1990. Le titre de la traduction française ne comporte curieusement pas le point d’interrogation que supposerait sa phraséologie.
[2] L’autre auteur juif est Flavius Josèphe, et encore celui-ci n’est-il pas vraiment pharisien.

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