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1 JANVIER – MARIE MÈRE DE DIEU
(Quatrième dimanche d’Avent – B
Homélie du Frère Jean-Philippe REVEL))
Ou centre de la vie de Marie il y a sa maternité divine, au centre du mystère de Marie, au centre de notre foi, il y a la maternité divine de Marie. Et la liturgie syrienne dans un texte que nous lisions hier soir aux Vigiles de ce quatrième dimanche de l’Avent, s’exprime ainsi : « Entre le ciel et la terre qui étaient dans la joie, une Vierge et un Ange ont fait la paix. Gabriel a reçu un message de son Maître, et il est venu saluer Marie, disant : « Paix à toi, ô bienheureuse Marie, car ton Fils a ouvert une porte entre le Père et le monde. Par la maternité divine de Marie, la porte du Paradis qui avait été fermée par le péché de l’homme a été à nouveau ouverte. Le ciel et la terre, dans la joie, se sont réunis dans le sein de Marie, dont la liturgie nous dit : « ce sein qui était rempli du ciel », Dieu se fait homme : le Père donne son Fils au monde, le monde, par Marie, donne une chair humaine au Fils de Dieu. ».
Ce mystère de la maternité de Marie est un mystère de grâce, car si Marie donne vie, naissance à Jésus, sa maternité est une maternité virginale, c’est-à-dire : Marie, mère en toute vérité de Jésus est mère d’une ma mère unique, d’une manière qui est en dehors des lois normales de la nature. Marie qui vient de dire à l’ange : « Je ne connais point d’homme » a reçu cette réponse : « c’est l’Esprit Saint qui viendra sur toi, c’est Lui qui te couvrira de son ombre. » La maternité de Marie est une oeuvre de Dieu, ce n’est pas une oeuvre humaine. Le Christ n’est pas né de la volonté de l’homme, Il n’est pas né de la chair et du sang, mais de Dieu comme nous le proclamons dans le prologue de l’évangile de saint Jean, au matin de Noël : « Lui qui est né non de la chair et du sang, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu ». C’est l’Esprit Saint qui a façonné l’Enfant dans le sein de Marie. Ce mystère est lourd de signification, non seulement pour Marie, mais pour l’Église, mais pour le monde, pour tous les temps. L’Enfant né dans le sein de Marie est l’œuvre de la grâce, c’est-à-dire l’œuvre gratuite de la bienveillance de Dieu, c’est Dieu Lui-même, personnellement, qui rend Marie féconde, qui fait de Marie une mère, qui accomplit en elle cette plénitude de sa vocation de femme, de femme par excellence en en faisant non seulement la mère de son enfant, mais la mère de l’Enfant de Dieu, du Fils de Dieu. Œuvre de la grâce qui a tout mené du début jusqu’à la fin, car rien, dans la maternité de Marie, ne peut s’expliquer à simples vues humaines ni à un niveau et à un raisonnement d’homme. La maternité de Marie est divine à la fois parce que le fruit de cette maternité est Dieu le Fils, et aussi parce que l’œuvre de cette maternité est réalisée par Dieu, l’Esprit Saint. Le Père envoie l’Esprit pour susciter, dans le sein de Marie, son propre Fils en chair d’homme.
Maternité divine de Marie, maternité de grâce. Mais cette oeuvre de la grâce, Dieu ne l’a pas faite à côté de Marie, à côté de notre nature humaine, en dehors du sein de Marie, en dehors de sa volonté propre. Marie a été appelée à participer pleinement, librement, totalement à cette oeuvre de grâce qui s’accomplit en elle, Marie est mère non seulement parce que Dieu façonne son Fils dans son sein, mais elle est mère parce qu’elle a voulu être mère parce qu’elle a dit : « qu’il me soit fait selon ta parole. Je suis la servante du Seigneur », humble servante certes, incapable par moi-même d’une oeuvre aussi extraordinaire, mais participant pleinement à cette oeuvre qui s’accomplit en moi et par moi. Dieu, par sa grâce, ne violente pas la liberté humaine, Dieu, par sa grâce, n’ajoute pas quelque chose qui viendrait de l’extérieur de notre liberté humaine. Il vient au cœur de la liberté de Marie, Il vient au cœur de la chair de Marie pour susciter en elle, avec elle, par elle, l’œuvre qu’Il accomplit par pure grâce Et c’est là que nous voyons comment en Marie se réalise d’une façon unique, mais en même temps d’une façon qui est typique, c’est-à-dire qui est normative, qui est comme une lumière pour notre propre vie comment se réalise l’union de la grâce toute puissante de Dieu avec l’humble, mais forte liberté de l’être humain. Dieu n’a pas pris Marie par surprise, Il ne l’a pas, en quelque sorte forcée, mais Il s’est offert à la liberté de Marie pour la vivifier, la transformer et l’amener au-delà de ce dont elle est capable par elle-même.
Et non seulement cette œuvre de grâce s’accomplit avec la pleine liberté de Marie, mais encore cette grâce de Dieu avait préalablement restauré radicalement cette liberté de Marie pour que son « Oui » soit plus total et plus parfait. Et c’est cela le sens de notre foi en l’Immaculée Conception de Marie. Quand l’ange salue Marie, Il vient lui annoncer cette grâce suprême que va être l’œuvre vivificatrice de l’Esprit Saint en son sein pour façonner en chair humaine le Fils de Dieu. Il vient Lui annoncer cette grâce, cette grâce des grâces, et Il la salue en Lui disant : « Toi qui est comblée de grâce », c’est-à-dire que la liberté humaine, la nature humaine de Marie, à laquelle s’adresse l’ange est déjà remplie de la grâce de Dieu. Et cette grâce de Dieu qui comble la nature humaine de Marie dès sa naissance n’est pas pour se substituer à cette nature humaine, à cette liberté, pour la conduire par force. Elle est au contraire, pour lui donner la plénitude de sa spontanéité, de sa capacité d’acquiescer, de coopérer à l’œuvre de Dieu. C’est parce que Marie est radicalement graciée qu’elle est totalement libre. Et le péché en nous n’est pas comme nous le croyons quelquefois la revendication de notre liberté contre une quelconque tyrannie que les commandements de Dieu exerceraient sur les capacités qui sont les nôtres de faire n’importe quoi. Le péché n’est donc pas en nous revendication d’une liberté frustrée, il est au contraire, aliénation de notre liberté, soumission de notre liberté à l’esclavage, il est destruction en nous de cette spontanéité de vivre, choix d’une force de pesanteur, de mort et d’usure. C’est la ruse du tentateur de nous faire croire que nous serons libres en faisant ce que bon nous semble. En réalité nous aliénons notre liberté parce que nous nous faisons les esclaves de ce qui n’est même pas nous, de ce qui n’est en tout cas pas la vérité profonde de nous-mêmes ce don libre, gratuit, glorieux et joyeux de nous -mêmes à l’appel qui nous est adressé.
Car être libre, c’est s’élancer sur le chemin de la vie, c’est sentir en soi le jaillissement profond de cette force de vie qui nous conduit vers la vraie vie, c’est-à-dire vers l’appel que Dieu nous adresse. C’est cela être libre, et non pas la possibilité de s’égarer à droite à gauche pour s’embourber dans je ne sais quel marécage qui va nous retenir, nous alourdir, nous paralyser progressivement. La liberté, c’est la liberté de l’oiseau qui vole dans le ciel, c’est la liberté d’une course éperdue vers le but. En préservant Marie dès sa conception, de toute attache au péché, de toute lourdeur et de tout endurcissement du péché, Dieu l’a rendue libre, Dieu l’a rendue plus légère, plus agile, plus capable de spontanéité et de réponse et de coopération à cette œuvre de grâce qui est œuvre de vie, et non pas œuvre de mutilation, non pas un carcan qui s’imposerait à nous. Marie, pleinement libre et libre par grâce, peut librement répondre à cet appel de l’ultime grâce qui Lui est donnée de devenir la mère du Fils de Dieu. Et ainsi, de bout en bout, toute la vie, tout le mystère de Marie est un mystère de grâce, c’est-à-dire de cette intention gratuite de Dieu qui n’est pas mesurée par nos mérites mais qui est le geste spontané du cœur de Dieu œuvre de grâce et en même temps oeuvre de la réponse aussi spontanée et aussi jaillissante du cœur de Marie libre parce que totalement sous la mouvance de la grâce de Dieu.
C’est parce que Marie dans sa nature, est ainsi rendue totalement transparente à la puissance vivifiante de Dieu, parce qu’elle est totalement offerte, librement offerte à cette grâce de Dieu, c’est pour cela qu’elle est le paradis nouveau. En elle est restaurée l’humanité telle que Dieu l’avait créée, telle que Dieu avait voulu, de ses mains, la façonner pour sa gloire et pour notre bonheur. Cette humanité qui s’est détournée de Dieu, qui s’est enfermée dans les limites de son péché, Dieu l’avait voulue pleine de joie, pleine de grâce. Et en Marie, le paradis nouveau est restauré. Et ce paradis, c’est précisément celui auquel nous sommes, nous aussi, appelés, celui vers lequel le Fils de Marie doit nous conduire en restaurant en nous ce qui a été abîmé, détruit. Et la fécondité de grâce qui s’est réalisé dans le sein de Marie doit se réaliser en chacun de nous. Si Marie a mis au monde le Fils de Dieu, c’est pour que le Fils de Dieu, à travers Marie, nous mette nous-mêmes de nouveau au monde, au monde nouveau, au monde éternel, dans le paradis nouveau. Nous sommes des êtres incomplets, mutilés, enchaînés, nous sommes des êtres qui ne sont pas complètement eux-mêmes, pas pleinement capables de l’exercice de leur liberté. Il faut que, par la grâce de Dieu, notre liberté . soit restaurée pour que nous puissions à nouveau, comme l’oiseau, voler à travers le ciel, courir vers le but qui nous est proposé, nous élancer vers cet appel de Dieu. Et pour cela, il faut que le Christ, vrai Dieu et vrai homme, Fils du Père et notre frère vienne par sa grâce fraternellement communicative, opérer la restauration de notre humanité. Et de même que Marie a donné le Fils de Dieu au monde, de même elle va donner chacun de nous au Père par l’œuvre de son Fils qui vient nous vivifier et nous restructurer.
C’est pourquoi le but de toute Révélation, le but de l’Incarnation rédemptrice du Christ, le but de toute notre vie chrétienne sous la mouvance du Christ, c’est de revenir davantage nous-mêmes, de redevenir pleinement ce que Dieu veut que nous soyons, c’est-à-dire pleinement libres par pure grâce afin de pouvoir, comme Marie, répondre, avec une spontanéité semblable à la sienne, à cet appel de la grâce de Dieu. Et cela s’opère chaque jour, car depuis notre baptême, jour après jour, la grâce de Dieu travaille en nous à cette restauration.
Frères et sœurs, en méditant ce mystère de la maternité de Marie, de cette coopération entre la créature libre et la grâce première du Créateur, nous méditons aussi sur l’appel qui nous est adressé, sur la vocation qui est la nôtre et dont Marie est non seulement l’exemplaire, mais dont elle est aussi la mère, car elle doit nous initier à ce jeu de la grâce et de la liberté, de l’acquiescement à la spontanéité de Dieu qui éveille notre propre spontanéité.
Que cette fête de Noël où Marie est ainsi au cœur du mystère, soit la fête de notre renouvellement, la fête pour chacun d’entre nous, d’une nouveauté réelle, d’une nouveauté de vie, d’une plus grande liberté dans la proximité de Dieu et la réponse à son appel.
AMEN