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PAPE FRANÇOIS – (DE LA VIE FAMILIALE…LA CONVIVIALITÉ)

18 novembre, 2015

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PAPE FRANÇOIS – (DE LA VIE FAMILIALE…LA CONVIVIALITÉ)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 11 novembre 2015

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous réfléchirons aujourd’hui sur une qualité caractéristique de la vie familiale que l’on apprend dès les premières années de vie: la convivialité, c’est-à-dire l’aptitude à partager les biens de la vie et à être heureux de pouvoir le faire. Partager et savoir partager est une vertu précieuse! Son symbole, son « icône », est la famille réunie autour de la table domestique. Le partage du repas — et donc, non seulement de la nourriture, mais également des sentiments d’affection, des récits, des événements… — est une expérience fondamentale. Quand il y a une fête, un anniversaire, une commémoration, on se retrouve autour de la table. Dans certaines cultures, on a coutume de le faire également lors des deuils, pour être proches de ceux qui sont dans la peine à la suite de la perte d’un membre de leur famille. La convivialité est un thermomètre sûr pour mesurer la santé des relations: si en famille il y a quelque chose qui ne va pas, ou une blessure cachée, on le comprend tout de suite à table. Une famille qui ne mange presque jamais ensemble, où qui ne se parle jamais à table, mais qui regarde la télévision, ou le smartphone, est une famille « peu famille ». Quand les enfants à table sont accrochés à leur ordinateur, au téléphone portable, et ne s’écoutent pas entre eux, cela n’est pas une famille, c’est un pensionnat. Le christianisme a une vocation spéciale pour la convivialité, tous le savent. Le Seigneur Jésus enseignait volontiers à table, et il représentait parfois le royaume de Dieu comme un banquet de fête. Jésus choisit la table également pour remettre à ses disciples son testament spirituel — il le fit à dîner — condensé dans le geste mémorial de son sacrifice : don de son Corps et de son Sang comme nourriture et boisson de salut, qui nourrissent l’amour véritable et durable. Dans cette perspective, nous pouvons bien dire que la famille est « chez elle » à la Messe, précisément parce qu’elle apporte à l’Eucharistie sa propre expérience de convivialité et l’ouvre à la grâce d’une convivialité universelle, de l’amour de Dieu pour le monde. En participant à l’Eucharistie, la famille est purifiée de la tentation de se refermer sur elle-même, fortifiée dans l’amour et dans la fidélité, et elle élargit les frontières de sa fraternité selon le cœur du Christ. À notre époque, marquée par tant de fermetures et par trop de murs, la convivialité, engendrée par la famille et dilatée par l’Eucharistie, devient une opportunité cruciale. L’Eucharistie et les familles qui en sont nourries peuvent vaincre les fermetures et construire des ponts d’accueil et de charité. Oui, l’Eucharistie d’une Église de familles, capables de redonner à la communauté le levain actif de la convivialité et de l’hospitalité réciproque, est une école d’inclusion humaine qui ne craint pas la comparaison ! Il n’y a pas de petits, d’orphelins, de personnes faibles, sans défense, blessées et déçues, désespérées et abandonnées, que la convivialité eucharistique des familles ne puisse nourrir, restaurer, protéger et accueillir. La mémoire des vertus familiales nous aide à comprendre. Nous-mêmes avons connu, et connaissons encore, les miracles qui peuvent se produire quand une mère a un regard et de l’attention, de la sollicitude et des soins pour les enfants d’autrui, en plus des siens. Jusqu’à hier, une mère suffisait pour tous les enfants de la cour! Et nous savons également bien quelle force acquiert un peuple dont les pères sont prêts à agir pour protéger les enfants de tous, car ils considèrent les enfants comme un bien commun, qu’ils sont heureux et orgueilleux de protéger. Aujourd’hui, de nombreux contextes sociaux dressent des obstacles à la convivialité familiale. C’est vrai, aujourd’hui cela n’est pas facile. Nous devons trouver la manière de la récupérer. A table on parle, à table on écoute. Pas de silence, ce silence qui n’est pas le silence des moniales, mais qui est le silence de l’égoïsme, où chacun pense à soi, ou à la télévision ou à l’ordinateur… et on ne parle pas. Non, pas de silence. Il faut retrouver cette convivialité familiale, tout en l’adaptant à l’époque. On dirait que la convivialité est devenue quelque chose que l’on achète et qui se vend, mais ainsi c’est aussi une autre chose. Et la nourriture n’est pas toujours le symbole d’un juste partage des biens, capable d’atteindre celui qui n’a ni pain ni affection. Dans les pays riches, nous sommes poussés à dépenser pour une nourriture excessive, et ensuite nous le sommes à nouveau pour remédier à l’excès. Et cette « affaire » insensée détourne notre attention de la faim véritable, du corps et de l’âme. Quand il n’y a pas de convivialité, l’égoïsme est présent, chacun pense à lui-même. D’autant plus que la publicité l’a réduite à une langueur pour un goûter et à une envie de petits gâteaux. Alors qu’un grand nombre, trop de nos frères et sœurs ne peuvent pas s’asseoir à table. C’est un peu une honte ! Regardons le mystère du banquet eucharistique. Le Seigneur rompt son Corps et verse son Sang pour tous. Il n’y a vraiment aucune division qui puisse résister à ce Sacrifice de communion ; seule l’attitude de fausseté, de complicité avec le mal peut exclure de celui-ci. Toute autre distance ne peut résister à la puissance sans défense de ce pain rompu et de ce vin versé, Sacrement de l’unique Corps du Seigneur. L’alliance vivante et vitale des familles chrétiennes, qui précède, soutient et embrasse dans le dynamisme de son hospitalité les difficultés et les joies quotidiennes, coopère avec la grâce de l’Eucharistie, qui est en mesure de créer une communion toujours nouvelle avec sa force qui inclut et qui sauve. La famille chrétienne montrera précisément ainsi l’ampleur de son véritable horizon, qui est l’horizon de l’Église Mère de tous les hommes, de tous ceux qui sont abandonnés et exclus, dans tous les peuples. Prions pour que cette convivialité familiale puisse croître et mûrir pendant le temps de grâce du prochain jubilé de la miséricorde. Je salue cordialement les pèlerins de langue française. C’est aujourd’hui la fête liturgique de Saint Martin qui a évangélisé les campagnes de France. Je salue aussi les Hongrois, car il est né en Hongrie. Je confie à sa protection vos communautés et vos familles, afin que, nourries régulièrement de l’Eucharistie, elles puissent toujours devenir pour le monde des écoles de cordialité, d’accueil et de charité.

Que Dieu vous bénisse.

DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II AU COURS DE LA RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

5 octobre, 2015

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DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II AU COURS DE LA RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

Place Saint Pierre
Samedi 20 octobre 2001

1. Chères familles de cette nation bien-aimée, qui êtes venues à Rome pour confirmer votre foi et votre vocation, je vous salue une par une, en vous serrant contre moi dans une profonde étreinte. Je salue également les familles qui ont été invitées, originaires de divers pays de l’Europe centrale et orientale, et que je viens de rencontrer. Mon salut s’étend au Cardinal Camillo Ruini, Président de la Conférence épiscopale italienne, aux autres cardinaux et évêques présents, ainsi qu’aux Autorités politiques et civiles.
J’accueille chacun avec une grande affection sur cette Place, coeur de l’Eglise universelle. Elle se transforme ce soir, grâce à la présence joyeuse de tant de familles chrétiennes, en une grande Eglise domestique. Je vous remercie de votre accueil chaleureux et de la joie que vous me donnez en me sentant, à mon tour, accueilli dans votre coeur.
Ce rendez-vous constitue une nouvelle étape du chemin qui, l’année dernière, nous a vus réunis ici sur la Place Saint-Pierre, avec un grand nombre d’entre vous et de nombreuses autres familles du monde entier, afin de célébrer le grand Jubilé. Nous sommes ici pour confirmer ce chemin et pour tourner à nouveau notre regard vers Jésus-Christ, Lumière qui « vous appelle à illuminer à travers votre témoignage le chemin de l’humanité sur les routes du nouveau millénaire » (Discours lors de la veillée du 14 octobre 2000, n. 9; cf. ORLF n. 43 du 24 octobre 2000).
2. Pour cette rencontre, vous avez choisi le thème suivant: « Croire dans la famille, c’est construire l’avenir ». Il s’agit d’un thème exigeant qui nous invite à réfléchir sur la vérité de la famille et, dans le même temps, sur son rôle pour l’avenir de l’humanité. Certaines questions peuvent nous guider dans cette réflexion: « Pourquoi croire dans la famille? ». Ainsi que: « Dans quelle famille croire? ». Et enfin: « Qui doit croire en la famille? ».
Pour répondre à la première question, nous devons partir d’une vérité originelle et fondamentale: Dieu croit fermement dans la famille. Depuis le début, depuis le « principe », en créant l’être humain à son image et ressemblance, homme et femme, il a voulu placer au centre de son projet la réalité de l’amour entre l’homme et la femme (cf. Gn 1, 27). Toute l’histoire du salut est un dialogue passionné entre le Dieu fidèle, que les prophètes décrivent souvent comme le fiancé et l’époux, et la communauté élue, l’épouse, souvent tentée par l’infidélité, mais toujours attendue, recherchée et à nouveau aimée par son Seigneur (cf. Is 62, 4-5; Os 1-3). La confiance que le Père nourrit envers la famille est tellement profonde que, c’est aussi en pensant à elle, qu’il a envoyé son Fils, l’Epoux, venu racheter son épouse, l’Eglise, et en elle chaque homme et chaque famille (cf. Lettre aux familles, n. 18).
Oui, chères familles, « l’Epoux est avec vous! ». De cette présence, accueillie et partagée, naît cette force sacramentelle particulière et extraordinaire qui transforme votre union intime de vie en signe efficace de l’amour entre le Christ et l’Eglise, et qui vous transforme en sujets responsables, acteurs de la vie ecclésiale et sociale.
3. Le fait que Dieu ait placé la famille comme fondement de la coexistence humaine et comme paradigme de la vie ecclésiale, exige de la part de tous une réponse décisive et convaincue. Dans Familiaris consortio, dont c’est le vingtième anniversaire, je disais: « Famille, deviens ce que tu es » (cf. n. 17). J’ajoute aujourd’hui, « Famille, crois en ce que tu es »; crois dans ta vocation qui est d’être un signe lumineux de l’amour de Dieu.
Cette rencontre nous permet de rendre grâce à Dieu pour les dons accordés à son Eglise et aux familles qui, au cours de ces années, ont précieusement recueilli les enseignements conciliaires et ceux contenus dans Familiaris consortio. En outre, nous devons être reconnaissants à l’Eglise qui est en Italie et à ses pasteurs d’avoir contribué de façon déterminante à la réflexion sur le mariage et sur la famille, à travers des documents importants, tels qu’Evangélisation et sacrement du mariage qui, dès 1975, ont permis d’accomplir un véritable tournant dans la pastorale familiale, et en particulier le Directoire sur la pastorale familiale, publié en juillet 1993.
4. La deuxième interrogation nous invite à réfléchir sur un aspect d’une grande actualité, car aujourd’hui, l’on enregistre autour de l’idée de famille des opinions extrêmement différentes, qui laissent penser qu’il n’existe plus aucun critère la qualifiant et la définissant. A côté de la dimension religieuse de la famille, il existe également sa dimension sociale. La valeur et le rôle de la famille sont tout aussi évidents de cet autre point de vue. Aujourd’hui, malheureusement, nous assistons à la diffusion de points de vues déformés et plus que jamais dangereux, alimentés par des idéologies relativistes, diffusés de façon envahissante par les médias. En réalité, pour le bien de l’Etat et de la société, il est d’une importance fondamentale de sauvegarder la famille fondée sur le mariage, entendu comme un acte qui ratifie l’engagement réciproque exprimé et réglementé publiquement, la responsabilité à l’égard du conjoint et des enfants, la garantie des droits et des devoirs comme noyau social primordial sur lequel se fonde la vie de la nation.
Si l’on n’est pas convaincu que l’on ne peut, en aucune façon, assimiler la famille fondée sur le mariage à d’autres formes de regroupement affectif, c’est la structure sociale elle-même et son fondement juridique qui sont menacés. Le développement harmonieux et le progrès d’un peuple dépendent dans une large mesure de sa capacité d’investir dans la famille, en garantissant au niveau législatif, social et culturel, la réalisation pleine et effective de ses fonctions et de ses tâches.
Chères familles, dans un système démocratique, il devient fondamental de laisser la parole aux raisons qui motivent la défense de la famille fondée sur le mariage. Celle-ci est la principale source d’espérance pour l’avenir de l’humanité, comme cela est bien exprimé dans la deuxième partie du thème choisi pour cette rencontre. Notre espérance est donc que des individus, des communautés et des sujets sociaux croient toujours davantage dans la famille fondée sur le mariage, lieu d’amour et de solidarité authentique.
5. En réalité, afin de regarder l’avenir avec confiance, il est nécessaire que tous croient dans la famille, en assumant les responsabilités correspondant à leur propre rôle. Nous répondons ainsi à la troisième question, dont nous sommes partis: « Qui doit croire en la famille? » Je voudrais tout d’abord souligner que les premiers garants du bien de la famille sont les conjoints eux-mêmes, que ce soit en vivant de façon responsable, chaque jour, les engagements, les joies et les difficultés, ou bien en laissant la parole, à travers des formes associatives et des initiatives culturelles, à des instances sociales et législatives en mesure de soutenir la vie familiale. Le travail accompli au cours de ces années par le Forum des associations familiales est connu et apprécié; je lui exprime ma satisfaction pour ce qu’il a accompli et également pour l’initiative intitulée Family for family, par laquelle on entend renforcer les rapports de solidarité entre les familles italiennes et celles des pays de l’Est européen.
Une responsabilité particulière pèse sur les hommes politiques et sur les gouvernants, à qui il revient d’appliquer la norme constitutionnelle et de percevoir les exigences les plus authentiques de la population composée en très grande majorité de familles, qui ont fondé leur union sur le lien du mariage. On attend donc à juste titre des interventions législatives centrées sur la dignité de la personne humaine et sur l’application correcte du principe de subsidiarité entre l’Etat et la famille; des interventions en mesure de permettre de résoudre des questions importantes, et sous de nombreux aspects décisives pour l’avenir du pays.
6. Il est en particulier important et urgent de réaliser pleinement un système scolaire et éducatif ayant son centre dans la famille et dans sa liberté de choix. Il ne s’agit pas, comme certains l’affirment de façon erronée, d’enlever quelque chose à l’école publique pour le donner à l’école privée, mais plutôt de surmonter une injustice substantielle qui pénalise toutes les familles, empêchant que se manifeste une liberté d’initiative et de choix effective. Ceux qui désirent exercer le droit fondamental d’orienter l’éducation de leurs enfants, en choisissant des écoles qui offrent un service public tout en n’appartenant pas à l’Etat, doivent ainsi faire face à des charges supplémentaires.
Il est également souhaitable d’effectuer un saut qualitatif décisif dans la programmation des politiques sociales, qui devraient toujours davantage prendre en compte le caractère central de la famille, pour répondre à ses nécessités en effectuant des choix dans le domaine de la planification du logement, de l’organisation du travail, de la détermination du salaire et des critères d’imposition. Une attention particulière doit également être réservée à la préoccupation légitime de nombreuses familles, qui dénoncent une dégradation croissante des moyens de communication qui, en véhiculant des scènes de violence, des banalités et de la pornographie, se révèlent toujours moins attentifs à la présence des mineurs et à leurs droits. Les familles ne peuvent pas être abandonnées à elles-mêmes par les institutions et par les forces sociales, dans l’effort de garantir à leurs enfants des milieux de vie sains, positifs et riches de valeurs humaines et religieuses.
7. Chères familles, en affrontant ces grands défis ne vous découragez pas et ne vous sentez pas seules: le Seigneur croit en vous; l’Eglise marche avec vous; les hommes de bonne volonté vous regardent avec confiance!
Vous êtes appelées à être les acteurs de l’avenir de l’humanité, en modelant le visage de ce nouveau millénaire. Dans cette tâche, que vous assiste et que vous guide la Vierge Marie, notre Mère, ici présente parmi nous à travers l’une de ses images particulièrement vénérée. Je confie à la Madone de Lorette, Reine de la Famille, qui dans la maison de Nazareth, avec son époux Joseph, a fait l’expérience des joies et des épreuves de la vie familiale, chacune de vos espérances, en invoquant sa protection céleste. Très chers époux, que le Seigneur vous confirme dans l’engagement pris à travers les promesses du mariage le jour de vos noces. Le Pape et l’Eglise prient pour vous. Je vous bénis de grand coeur, ainsi que vos enfants.

PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE – RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

23 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/september/documents/papa-francesco_20150922_cuba-famiglie.html

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
ET VISITE AU SIÈGE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

(19-28 SEPTEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption, Santiago de Cuba

Mardi 22 septembre 2015

Nous sommes en famille. Et lorsqu’on est en famille, on se sent chez soi. Merci à vous, familles cubaines, merci, Cubains, de faire que je me sens tous les jours en famille, de faire que je me sens chez moi. Merci pour tout. Cette rencontre avec vous en vient à être comme la ‘‘cerise sur le gâteau’’. Terminer ma visite par cette rencontre en famille est un motif de rendre grâce à Dieu pour la ‘‘chaleur’’ qui émane de personnes qui savent recevoir, qui savent accueillir, qui savent faire sentir qu’on est chez soi. Merci à tous les Cubains.
Je remercie Monseigneur Dionisio García, archevêque de Santiago, pour les salutations qu’il m’a adressées au nom de vous tous, ainsi que le couple qui a eu le courage de partager avec nous ses aspirations, ses efforts pour faire du foyer une ‘‘Eglise domestique’’.
L’Evangile de Jean nous présente comme premier événement public de Jésus les noces de Cana, à l’occasion de la fête d’une famille. Il s’y trouve avec Marie, sa mère, et certains de ses disciples. Ils partageaient la fête de famille.
Les noces sont des moments particuliers dans la vie de beaucoup de personnes. Pour les ‘‘plus âgés’’, parents, grands-parents, c’est une occasion pour recueillir le fruit de la semence. Cela réjouit le cœur de voir les enfants grandir et de voir qu’ils peuvent fonder un foyer. C’est l’occasion de voir, tout d’un coup, que tout ce pour quoi on a lutté valait la peine. Accompagner les enfants, les soutenir, les stimuler pour qu’ils puissent avoir le courage de construire leurs vies, de former leurs familles, est un grand défi pour les parents. D’autre part, la joie des jeunes époux. Et tout un avenir qui commence, tout a la ‘‘saveur’’ d’une maison nouvelle, d’une espérance. Lors des mariages, le passé dont nous héritons et l’avenir qui nous attend s’unissent toujours. Il y a mémoire et espérance. L’occasion s’y présente toujours de remercier de tout ce qui nous a permis d’arriver jusqu’à ce jour, grâce au même amour reçu.
Et Jésus commence sa vie publique précisément à la faveur d’un mariage. Il s’insère dans cette histoire de semences et de récoltes, de rêves et de recherches, d’efforts et d’engagements, de travaux ardus qui ont labouré la terre pour que celle-ci donne son fruit. Jésus commence sa vie dans une famille, dans un foyer. Et il est, précisément, au cœur de nos foyers où, constamment, il continue de s’introduire, il continue d’être partie prenante. Cela lui plaît d’intervenir dans la famille.
Il est intéressant d’observer comment Jésus se manifeste aussi par la nourriture, au cours de dîners. Manger avec diverses personnes, visiter diverses maisons a été une occasion, privilégiée par Jésus, pour faire connaître le projet de Dieu. Il va dans la maison de ses amis – Marie et Marthe –, mais il n’est pas sélectif, eh ? peu lui importe s’il y a des publicains ou des pécheurs, comme Zachée. Il se rend dans la maison de Zachée. Non seulement il agissait ainsi, mais en envoyant ses disciples annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, il leur a dit : restez dans la maison où l’on vous reçoit, mangeant et buvant ce que l’on vous sert (cf. Lc 10, 7). Mariages, visites dans les familles, dîners, ces moments ont certainement quelque chose de ‘‘spécial’’ dans la vie des personnes pour que Jésus choisisse de s’y manifester.
Je me rappelle que dans mon précédent diocèse beaucoup de familles me disaient que l’unique moment qu’elles avaient pour être ensemble était ordinairement le dîner, le soir, après le travail, et lorsque les enfants avaient terminé leurs devoirs pour l’école. C’était un moment spécial de la vie familiale. On parlait de la journée, de ce que chacun avait fait, on mettait de l’ordre dans la maison, on rangeait les vêtements, on programmait des tâches importantes pour les jours suivants, les enfants se querellaient, mais c’en était le moment. Ce sont des moments où l’on arrive aussi fatigué si bien que l’une ou l’autre discussion, l’une ou l’autre ‘‘querelle’’ voit le jour entre mari et femme, mais il ne faut pas en avoir peur… moi, j’ai plutôt peur des couples qui me disent que jamais, jamais, ils ne sont disputés. Bizarre, c’est bizarre ! Jésus choisit ces moments pour nous montrer l’amour de Dieu, Jésus choisit ces espaces pour entrer dans nos maisons et nous aider à découvrir l’Esprit vivant et agissant dans nos maisons et dans notre vie quotidienne. C’est à la maison que nous apprenons la fraternité, où nous apprenons la solidarité, où nous apprenons à ne pas être des dominateurs. C’est à la maison que nous apprenons à recevoir la vie et à en être reconnaissants comme une bénédiction, et c’est là que nous apprenons que chacun a besoin des autres pour aller de l’avant. C’est à la maison que nous expérimentons le pardon, et que nous sommes invités à pardonner continuellement, à nous laisser transformer. C’est curieux, à la maison, il n’y a pas de place pour les ‘‘masques’’, nous sommes ce que nous sommes et, d’une manière ou d’une autre, nous sommes invités à chercher le meilleur pour les autres.
C’est pourquoi la communauté chrétienne désigne les familles du nom d’églises domestiques, parce que c’est dans la chaleur du foyer que la foi imprègne chaque coin, illumine chaque espace, construit la communauté. Car en ces moments, c’est comme si les personnes apprenaient à découvrir l’amour concret et l’amour agissant de Dieu.
Dans beaucoup de cultures, aujourd’hui, ces espaces disparaissent progressivement, ces moments en famille sont en train de disparaître ; peu à peu tout conduit à la séparation, à l’isolement. Les moments passés en commun, pour être ensemble, pour être en famille, deviennent rares. Donc, on ne sait pas attendre, on ne sait pas demander l’autorisation, on ne sait pas demander pardon, on ne sait pas remercier, parce que la maison se vide progressivement non pas des personnes, mais elle se vide des relations, elle se vide des contacts humains, elle se vide des rencontres, entre parents, enfants, grands-parents, petits-enfants, frères. Récemment, quelqu’un qui travaille avec moi m’a raconté que son épouse et ses enfants étaient partis en vacances et qu’il était resté seul, parce qu’il devait travailler ces jours-là. Le premier jour, la maison était toute silencieuse, ‘‘en paix’’, il était heureux, rien n’était désordonné. Le troisième jour, quand je lui demande comment il allait, il me répond : je voudrais qu’ils reviennent déjà tous. Il sentait qu’il ne pouvait vivre sans son épouse et ses enfants. Et ça, c’est beau, c’est beau.
Sans famille, sans la chaleur du foyer, la vie devient vide ; les réseaux, qui nous soutiennent dans l’adversité, les réseaux qui nous alimentent dans la vie quotidienne et motivent la lutte pour la prospérité, commencent à manquer. La famille nous sauve de deux phénomènes actuels, deux choses qui arrivent de nos jours : la fragmentation, c’est-à-dire la division, et le phénomène de masse. Dans les deux cas, les personnes deviennent des individus isolés, faciles à manipuler, à gouverner. Et ainsi, nous trouvons dans le monde des sociétés divisées, cassées, séparées ou très affectées par le phénomène de masse, qui sont une conséquence de la rupture des liens familiaux, lorsque se perdent les relations qui nous constituent comme personnes, qui nous enseignent à être des personnes. Et, bon, on oublie comment dire papa, maman, fils, fille, grand-père, grand-mère… on est en train d’oublier ces relations qui sont le fondement. Elles sont le fondement du nom que nous portons.
La famille est école d’humanité, une école qui enseigne à avoir à cœur les besoins des autres, à être attentif à la vie des autres. Quand nous avons de bonnes relations en familles, les égoïsmes diminuent – ils existent, parce que tous nous avons quelque chose d’égoïste -, mais lorsqu’on ne mène pas une vie de famille, il se crée ces personnalités que nous pouvons qualifier comme ceci : ‘‘je, moi, mon, avec moi, pour moi’’, totalement centrées sur elles-mêmes, qui ignorent la solidarité, la fraternité, le travail en commun, l’amour, la discussion entre frères. Elles les ignorent. Malgré tant de difficultés, comme nos familles en sont aujourd’hui affectées dans le monde, n’oublions pas une chose, s’il vous plaît : les familles ne sont pas un problème, elles sont d’abord une opportunité. Une opportunité que nous devons préserver, protéger et accompagner. C’est une façon de dire qu’elles sont une bénédiction. Lorsque tu commences à considérer la famille comme un problème, tu te fatigues, tu n’avances pas, parce que tu es très centré sur toi-même.
L’on discute beaucoup aujourd’hui sur l’avenir, sur le monde que nous voulons léguer à nos enfants, sur la société que nous voulons pour eux. Je crois que l’une des réponses possibles réside dans le fait de vous voir – cette famille qui a parlé-, chacun de vous : laissons un monde avec des familles. C’est le meilleur héritage. Léguons un monde de familles. Certes, il n’existe pas de famille parfaite, il n’existe pas d’époux parfaits, de parents parfaits ni d’enfants parfaits, et si elle ne se fâche pas – je dirais – de belle-mère parfaite. Ils n’existent pas. Ils n’existent pas, mais cela n’empêche pas que vous soyez la réponse pour demain. Dieu nous incite à l’amour et l’amour engage toujours la personne qui aime. L’amour s’engage toujours en faveur des personnes aimées. Par conséquent, prenons soin de nos familles, véritables écoles de demain. Prenons soin de nos familles, véritables espaces de liberté. Prenons soin de nos familles, véritables centres d’humanité. Et ici, me vient à l’esprit une scène : lorsque, durant les Audiences du mercredi, je passe saluer les gens ; beaucoup, beaucoup de femmes me montrent leur ventre et me disent Padre : ‘‘Le bénissez-vous pour moi?’’. Je vais proposer quelque chose à toutes ces femmes qui sont ‘‘enceintes de l’espérance’’, car un enfant est une espérance : en ce moment, qu’elles se touchent le ventre. S’il y en avait ici, qu’elles le fassent ici. De même que celles qui sont en train d’écouter à la radio ou à la télévision. Et moi, à chacune d’elles, à chaque garçon ou fille qui est là, dedans, attendant, je donne la bénédiction. Donc, que chacune se touche le ventre, et moi je donne la bénédiction, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Et je souhaite qu’il naisse en bonne santé, qu’il croisse bien, que vous puissiez bien l’allaiter. Caressez l’enfant que vous attendez.
Je ne saurais terminer sans faire mention de l’Eucharistie. Vous avez dû vous rendre compte que Jésus veut utiliser comme lieu de son mémorial, un repas. Il choisit comme espace de sa présence parmi nous un moment concret de la vie familiale. Un moment vécu et que tous peuvent comprendre, le dîner.
Et l’Eucharistie est le repas de la famille de Jésus, qui par toute la terre se réunit pour écouter sa Parole et se nourrir de son Corps. Jésus est le Pain de Vie de nos familles, il veut être présent en nous alimentant de son amour, en nous soutenant de sa foi, en nous aidant à marcher avec son espérance, pour qu’en toute circonstance nous puissions expérimenter qu’il est le vrai Pain du ciel.
Dans quelques jours, je participerai avec les familles du monde à la Rencontre Mondiale des Familles et, dans moins d’un mois, au Synode des Evêques, qui a comme thème la Famille. Je vous demande, s’il vous plaît, de prier à ces deux intentions, pour que nous sachions tous nous aider à prendre soin de la famille, pour que nous sachions continuer à découvrir l’Emmanuel, c’est-à-dire le Dieu qui vit au milieu de son Peuple en faisant de chaque famille, et toutes les familles, son foyer. Je compte sur vos prières. Merci.

Salutation finale du Pape à partir de la terrasse :

(Je vous salue. Je vous remercie… pour l’accueil… pour la chaleur… merci). Les Cubains sont vraiment aimables, gentils et font qu’on se sent chez soi. Merci beaucoup. Et je veux dire un mot d’espérance. Un mot d’espérance qui, peut-être, nous fera tourner le regard par derrière et par devant. En regardant par derrière, la mémoire. La mémoire de ceux qui nous ont donné la vie, et surtout, la mémoire des grands-parents. Une salutation spéciale aux grands-parents. Ne négligeons pas les grands-parents. Les grands-parents sont notre mémoire vivante. Et en regardant par devant, les enfants et les jeunes, qui sont la force d’un peuple. Un peuple qui prend soin de ses grands-parents et qui prend soin de ses enfants ainsi que de ses jeunes, a la victoire assurée. Que Dieu vous bénisse et permettez-moi de vous donner la bénédiction, mais à une condition. Vous allez devoir payer quelque chose. Je vous demande de prier pour moi. C’est la condition. Que Dieu Tout-Puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Au revoir, merci !

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE -26. COMMUNAUTÉ (DE LA PRÉSENTATION EN ITALIEN)

16 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150909_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 9 septembre 2015

LA FAMILLE -26. COMMUNAUTÉ (DE LA PRÉSENTATION EN ITALIEN)

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je voudrais aujourd’hui arrêter notre attention sur le lien entre la famille et la communauté chrétienne. C’est un lien, pour ainsi dire, « naturel », car l’Église est une famille spirituelle et la famille est une petite Église (cf. Lumen gentium, n. 9).
La communauté chrétienne est la maison de ceux qui croient en Jésus comme source de la fraternité entre tous les hommes. L’Église marche au milieu des peuples, dans l’histoire des hommes et des femmes, des pères et des mères, des fils et des filles : c’est l’histoire qui compte pour le Seigneur. Les grands événements des puissances de ce monde sont écrits dans les livres d’histoire et restent là. Mais l’histoire des liens d’affections humains s’écrit directement dans le cœur de Dieu ; et c’est l’histoire qui demeure pour l’éternité. Tel est le lieu de la vie et de la foi. La famille est le lieu de notre initiation — irremplaçable, indélébile — à cette histoire. À cette histoire de vie en plénitude, qui finira dans la contemplation de Dieu pour toute l’éternité au Ciel, mais qui commence en famille ! C’est pour cela que la famille est si importante.
Le Fils de Dieu apprit l’histoire humaine par cette voie, et il la parcourut jusqu’au bout (cf. He 2, 18 ; 5, 8). Il est beau de recommencer à contempler Jésus et les signes de ce lien: Il naquit dans une famille et c’est là qu’« il apprit le monde » : une échoppe, quatre maisons, une petit village de rien du tout. Pourtant, en vivant pendant trente ans cette expérience, Jésus assimila la condition humaine, l’accueillant dans sa communion avec le Père et dans sa mission apostolique elle-même. Ensuite, quand il quitta Nazareth et qu’il commença sa vie publique, Jésus forma autour de lui une communauté, une « assemblée », c’est-à-dire une convocation de personnes. Cela est la signification du mot « église ».
Dans les Évangiles, l’assemblée de Jésus a la forme d’une famille accueillante, non d’une secte exclusive, fermée: on y trouve Pierre et Jean, mais aussi l’affamé et l’assoiffé, l’étranger et le persécuté, la pécheresse et le publicain, les pharisiens et les foules. Et Jésus ne cesse d’accueillir et de parler avec tous, même avec celui qui ne s’attend plus à rencontrer Dieu dans sa vie. C’est une leçon forte pour l’Église ! Les disciples eux-mêmes sont choisis pour prendre soin de cette assemblée, de cette famille des hôtes de Dieu.
Pour que cette réalité de l’assemblée de Jésus soit vivante aujourd’hui, il est indispensable de raviver l’alliance entre la famille et la communauté chrétienne. Nous pourrions dire que la famille et la paroisse sont les deux lieux dans lesquels se réalise cette communion d’amour qui trouve sa source ultime en Dieu lui-même. Une Église vraiment selon l’Évangile ne peut avoir que la forme d’une maison accueillante, avec les portes ouvertes, toujours. Les églises, les paroisses, les institutions qui ont les portes fermées ne doivent pas s’appeler églises, elles doivent s’appeler musées !
Et aujourd’hui, cela est une alliance cruciale. « Contre les “centres de pouvoir” idéologiques, financiers et politiques, nous plaçons nos espérances dans ces centres de l’amour évangélisateurs, riches de chaleur humaine, fondés sur la solidarité et la participation » (Conseil pontifical pour la famille, Les enseignements de J.M. Bergoglio – Le Pape François sur la famille et sur la vie 1999-2014, lev 2014, 189), et également sur le pardon entre nous.
Renforcer le lien entre famille et communauté chrétienne est aujourd’hui indispensable et urgent. Assurément, il y a besoin d’une foi généreuse pour retrouver l’intelligence et le courage de renouveler cette alliance. Parfois, les familles n’acceptent pas, en disant qu’elles ne sont pas à la hauteur : « Père, nous sommes une famille pauvre et aussi un peu éclatée », « nous n’en sommes pas capables », « nous avons déjà tellement de problèmes à la maison », « nous n’avons pas les forces ! ». C’est vrai. Mais personne n’est digne, personne n’est à la hauteur, personne n’a les forces ! Sans la grâce de Dieu, nous ne pourrions rien faire. Tout nous est donné ; donné gratuitement ! Et le Seigneur n’arrive jamais dans une nouvelle famille sans faire quelque miracle. Rappelons-nous de celui qu’il fit aux noces de Cana ! Oui, le Seigneur, si nous nous remettons entre ses mains, nous fait accomplir des miracles — mais des miracles de tous les jours ! — quand le Seigneur est là, dans cette famille.
Naturellement, la communauté chrétienne doit elle aussi participer. Par exemple, chercher à dépasser des attitudes trop directives et trop fonctionnelles, favoriser le dialogue interpersonnel et la connaissance et l’estime réciproque. Que les familles prennent l’initiative et sentent la responsabilité d’apporter leurs dons précieux pour la communauté. Nous devons tous être conscients que la foi chrétienne se joue sur le terrain ouvert de la vie partagée avec tous, la famille et la paroisse doivent accomplir le miracle d’une vie plus communautaire pour la société entière.
À Cana, se trouvait la Mère de Jésus, la « mère du bon conseil ». Ecoutons ses paroles : « Faites ce qu’il vous dira » (cf. Jn 2, 5). Chères familles, chères communautés paroissiales, laissons-nous inspirer par cette Mère, faisons tout ce que Jésus nous dira et nous nous trouverons face au miracle, au miracle de chaque jour ! Merci.
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le Séminaire Saint-Joseph de Bordeaux, accompagné du Cardinal Jean-Pierre Ricard – qu’il soit le bienvenu – , et toutes les familles venues de Suisse et de France.
Chères familles, vous êtes indispensables à la vie de nos paroisses. Je vous invite à vous y engager généreusement, et à faire vivre aux plus jeunes l’expérience de l’amour de Dieu, de la charité fraternelle et de l’accueil de l’autre.

Que Dieu vous bénisse et vous garde !

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE – L’ÉVANGÉLISATION

9 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150902_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE – L’ÉVANGÉLISATION

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 2 septembre 2015

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre dernier bout de chemin de catéchèses sur la famille, ouvrons les yeux sur la façon dont celle-ci vit la responsabilité de communiquer la foi, de transmettre la foi, aussi bien en son sein qu’à l’extérieur.
Dans un premier temps, certaines expressions évangéliques peuvent nous venir à l’esprit, qui semblent opposer les liens de la famille et le fait de suivre Jésus. Par exemple, ces paroles fortes que nous connaissons tous et avons entendues : « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Qui ne prend pas sa croix et ne suit pas derrière moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37-38).
Naturellement, Jésus n’entend pas par là effacer le quatrième commandement, qui est le premier grand commandement envers les personnes. Les trois premiers sont en rapport à Dieu, et ce verset est en rapport aux personnes. Et nous ne pouvons pas non plus penser que le Seigneur, après avoir accompli son miracle pour les époux de Cana, après avoir consacré le lien conjugal entre l’homme et la femme, après avoir restitué fils et filles à la vie familiale, nous demande d’être insensibles à ces liens ! L’explication n’est pas là. Au contraire, quand Jésus affirme la primauté de la foi en Dieu, il ne trouve pas de comparaison plus significative que les sentiments familiaux. Et d’autre part, ces mêmes liens familiaux, au sein de l’expérience de la foi et de l’amour de Dieu, sont transformés, sont « investis » d’un sens plus grand et deviennent capables de se dépasser, pour créer une paternité et une maternité plus amples, et pour accueillir comme des frères et sœurs ceux qui se trouvent aux confins de tout lien également. Un jour, à celui qui lui dit qu’il y avaient dehors sa mère et ses frères qui le cherchaient, Jésus répondit, indiquant à ses disciples : « Voici ma mère et mes frères ! Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère » (Mc 3, 34-35).
La sagesse des sentiments qui ne s’achètent ni ne se vendent est le meilleur don du génie familial. C’est précisément en famille que nous apprenons à grandir dans cette atmosphère de sagesse des liens. Leur «grammaire» s’apprend là, autrement il est bien difficile de l’apprendre. Et c’est précisément le langage à travers lequel Dieu se fait comprendre de tous.
L’invitation à mettre les liens familiaux dans le domaine de l’obéissance de la foi et de l’alliance avec le Seigneur ne les gêne pas ; au contraire, elle les protège, les libère de l’égoïsme, les met à l’abri de la dégradation, les sauve pour la vie qui ne meurt pas. La diffusion d’un style familial dans les relations humaines est une bénédiction pour les peuples : elle ramène l’espérance sur la terre. Quand les sentiments familiaux se laissent convertir au témoignage de l’Évangile, ils deviennent capables de choses impensables, qui font toucher du doigt les œuvres de Dieu, ces œuvres que Dieu accomplit dans l’histoire, comme celles que Jésus a accomplies pour les hommes, les femmes, les enfants qu’il a rencontrés. Un seul sourire miraculeusement arraché au désespoir d’un enfant abandonné, qui recommence à vivre, nous explique mieux que mille traités théologiques l’action de Dieu dans le monde. Un seul homme et une seule femme, capables de risquer et de se sacrifier pour le fils de quelqu’un d’autre et pas seulement pour le leur, nous expliquent des choses de l’amour que beaucoup de scientifiques ne comprennent plus. Et là où il y a ces sentiments familiaux, naissent ces gestes du cœur qui sont plus éloquents que les mots. Le geste de l’amour… Cela fait réfléchir.
La famille qui répond à l’appel de Jésus remet l’administration du monde à l’alliance de l’homme et de la femme avec Dieu. Pensez au développement de ce témoignage, aujourd’hui. Imaginons que le gouvernail de l’histoire (de la société, de l’économie, de la politique) soit remis — enfin ! — à l’alliance de l’homme et de la femme, afin qu’ils le gouvernent avec le regard tourné vers la génération suivante. Les thèmes de la terre et de la maison, de l’économie et du travail, joueraient une musique bien différente !
Si nous redonnons un rôle — à partir de l’Église — à la famille qui écoute la Parole de Dieu et la met en pratique, nous deviendrons comme le bon vin des noces de Cana, nous fermenterons comme le levain de Dieu !En effet, l’alliance de la famille avec Dieu est appelée aujourd’hui à contrecarrer la désertification communautaire de la ville moderne. Mais nos villes ont été désertées par manque d’amour, par manque de sourire. Il y a tant de divertissements, tant de choses pour perdre du temps, pour faire rire, mais il manque l’amour. Le sourire d’une famille est capable de vaincre cette désertification de nos villes. Et cela est la victoire de l’amour de la famille. Aucune ingénierie économique et politique n’est en mesure de substituer cet apport des familles. Le projet de Babel érige des gratte-ciel sans vie. L’Esprit de Dieu, en revanche, fait fleurir les déserts (cf. Is 32, 15). Nous devons sortir des tours et des salles blindées des élites, pour fréquenter à nouveau les maisons et les espaces ouverts des multitudes, ouvertes à l’amour de la famille.
La communion des charismes — ceux qui sont donnés au sacrement du mariage et ceux qui sont accordés à la consécration pour le Royaume de Dieu — est destinée à transformer l’Église en un lieu pleinement familial pour la rencontre avec Dieu. Avançons sur ce chemin, ne perdons pas l’espérance. Là où il y a une famille ayant de l’amour, cette famille est capable de réchauffer le cœur de toute une ville avec son témoignage d’amour.
Priez pour moi, prions les uns pour les autres, afin que nous devenions capables de reconnaître et de soutenir les visites de Dieu. L’Esprit apportera une joyeuse pagaille dans les familles chrétiennes, et la ville de l’homme sortira de la dépression !
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les personnes venues du Sénégal, accompagnées de Mgr Paul Mamba, Évêque de Ziguinchor, et les pèlerins de l’archidiocèse de Libreville.
Chères familles, que le Saint Esprit vous donne de rayonner toujours l’Évangile autour de vous. La société a besoin de votre témoignage de foi et de votre générosité.
Que Dieu vous garde et vous bénisse !

PAPE FRANÇOIS – (LA FAMILLE, LE TEMPS DE LA PRIÈRE.)

3 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150826_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – (LA FAMILLE, LE TEMPS DE LA PRIÈRE.)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 26 août 2015

Chers frères et sœurs, bonjour!

Après avoir réfléchi sur la manière dont la famille vit les temps de la fête et du travail, nous prenons à présent en considération le temps de la prière. La plainte la plus fréquente des chrétiens concerne précisément le temps: «Je devrais prier davantage…; je voudrais le faire, mais souvent je n’ai pas le temps». Nous l’entendons sans cesse. Le regret est sincère, assurément, car le cœur humain cherche toujours la prière, même sans le savoir; et s’il ne la trouve pas, il n’est pas en paix. Mais pour qu’ils se rencontrent, il faut cultiver dans son cœur un amour «chaleureux» pour Dieu, un amour affectif.
Nous pouvons nous poser une question très simple. C’est une bonne chose de croire en Dieu de tout son cœur, d’espérer qu’il nous aide dans les difficultés, de ressentir le devoir de lui rendre grâce. Tout cela est juste. Mais aimons-nous un peu le Seigneur? La pensée de Dieu nous émeut-elle, nous émerveille-t-elle, nous attendrit-elle?
Pensons à la formulation du grand commandement, qui soutient tous les autres: «Tu aimeras Yahvé, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir » (Dt 6, 5; cf. 22, 37). La formule utilise la langage intensif de l’amour, en le transposant à Dieu. Voilà, l’esprit de prière habite avant tout là. Et s’il habite là, il y habite tout le temps et n’en sort jamais. Réussissons-nous à penser à Dieu comme à la caresse qui nous tient en vie, avant laquelle il n’existe rien? Une caresse de laquelle rien, même pas la mort, ne peut nous détacher? Ou bien pensons-nous à lui seulement comme le grand Etre, le Tout-Puissant qui a fait toute chose, le Juge qui contrôle chaque action? Tout cela est vrai, naturellement. Mais ce n’est que quand Dieu est celui pour qui tous ceux que nous aimons éprouvent de l’affection, que le sens de ces mots prend sa plénitude. Alors nous nous sentons heureux, et aussi un peu perdus, car il pense à nous et surtout il nous aime! Cela n’est-il pas impressionnant? Cela n’est-il pas impressionnant que Dieu nous caresse avec un amour de Père? C’est si beau! Il pouvait simplement se faire reconnaître comme l’Etre suprême, donner ses commandements et attendre les résultats. En revanche, Dieu a fait infiniment plus que cela. Il nous accompagne sur le chemin de la vie, il nous protège, il nous aime.
Si l’affection pour Dieu n’allume pas le feu, l’esprit de la prière ne réchauffe pas le temps. Nous pouvons aussi multiplier nos paroles, «comme le font les païens» dit Jésus; ou bien également exhiber nos rites «comme le font les pharisiens» (cf. Mt 6, 5.7). Un cœur habité par l’affection pour Dieu fait devenir prière également une pensée sans mots, ou une invocation devant une image sacrée, ou un baiser envoyé vers l’Eglise. C’est beau quand les mamans enseignent à leurs petits enfants à envoyer un baiser à Jésus ou à la Vierge. Combien de tendresse se trouve en cela! A ce moment le cœur des enfants se transforme en lieu de prière. Et c’est un don de l’Esprit Saint. N’oublions jamais de demander ce don pour chacun de nous! C’est parce que l’Esprit de Dieu a cette manière spéciale de dire dans nos cœurs «Abba» – «Père», qu’il nous enseigne à dire «Père» précisément comme le disait Jésus, d’une manière que nous ne pourrions jamais trouver seuls (cf. Ga 4, 6). C’est en famille que l’on apprend à demander et à apprécier ce don de l’Esprit. Si on l’apprend avec la même spontanéité avec laquelle on apprend à dire «papa» et «maman», on l’a appris pour toujours. Quand cela se produit, le temps de toute la vie familiale est enveloppé au sein de l’amour de Dieu, et cherche spontanément le temps de la prière.
Le temps de la famille, nous le savons bien, est un temps compliqué et rempli de personnes, d’affaires et de préoccupations. Il y en a toujours peu, il ne suffit jamais, il y a tant de choses à faire. Celui qui a une famille apprend vite à résoudre une équation que même les grands mathématiciens ne savent pas résoudre: en vingt-quatre heure, il réussit à faire ce qui demande le double du temps! Il y a des mamans et des papas qui pourraient remporter le prix Nobel pour cela. De 24 heures ils réussissent à en faire 48: je ne sais pas comment ils font, mais ils se bougent et le font! Il y a tellement de travail dans une famille!
L’esprit de la prière restitue le temps à Dieu, sort de l’obsession d’une vie à laquelle il manque toujours le temps, retrouve la paix des choses nécessaires, et découvre la joie de dons inattendus. De bonnes guides pour cela sont les sœurs Marthe et Marie, dont parle l’Evangile que nous avons écouté; elles apprirent de Dieu l’harmonie des rythmes familiaux: la beauté de la fête, la sérénité du travail, l’esprit de la prière (cf. Lc 10, 38-42). La visite de Jésus, qu’elles aimaient bien, était leur fête. Mais un jour, Marthe apprit que le travail de l’hospitalité, bien qu’important, n’est pas tout, mais qu’écouter le Seigneur, comme le faisait Marie, était la chose vraiment essentielle, la «meilleure part» du temps. La prière jaillit de l’écoute de Jésus, de la lecture de l’Evangile. N’oubliez pas, il faut tous les jours lire un passage de l’Evangile. La prière jaillit de l’intimité avec la Parole de Dieu. Cette intimité existe-t-elle dans notre famille? Avons-nous un Evangile à la maison? L’ouvrons-nous quelques fois pour le lire ensemble? Le méditons-nous en récitant le chapelet? L’Evangile lu et médité en famille est comme un bon pain qui nourrit le cœur de tous. Et le matin et le soir, et quand nous nous mettons à table, apprenons à dire ensemble une prière, avec beaucoup de simplicité: c’est Jésus qui vient parmi nous, comme il allait dans les familles de Marthe, Marie et Lazare. Il y a une chose qui me tient beaucoup à cœur et que j’ai constatée dans les villes: il y a des enfants qui n’ont pas appris à faire le signe de la croix! Mais toi maman, papa, apprends à ton enfant à prier, à faire le signe de la croix: cela est l’un des beaux devoirs des mamans et des papas!
Dans la prière de la famille, dans ses moments forts et dans ses passages difficiles, nous sommes confiés les uns aux autres, pour que chacun de nous en famille soit protégé par l’amour de Dieu!
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les séminaristes du diocèse de Meaux, accompagnés de Monseigneur Jean-Yves Nahmias.
Je vous invite à prier ensemble en famille à partir de la lecture de l’Évangile qui nourrit le cœur de chacun, et de la méditation du Rosaire. Vos familles s’en trouveront davantage unies dans les moments forts comme dans les moments difficiles.

Que Dieu vous bénisse !

L’ALLIANCE ET LA FAMILLE AU TRAVERS DE L’ANCIEN TESTAMENT

5 août, 2015

http://larevuereformee.net/articlerr/n220/lalliance-et-la-famille-au-travers-de-lancien-testament

L’ALLIANCE ET LA FAMILLE AU TRAVERS DE L’ANCIEN TESTAMENT

Ronald BERGEY*

I. Alliance et famille
La « famille », dans l’Ancien Testament, est une « maison » (bayit) et « fonder une famille » se dit « construire une maison » (banâh bayit; Dt 25:9; Né 7:4)1. Une maison est aussi solide que ses fondations. La famille n’échappe pas à cette règle. La famille vétérotestamentaire est fondée solidement sur l’alliance établie par Dieu entre lui et son peuple. Dans la relation d’alliance, la famille est revêtue de son caractère particulier, ce qui permet de dégager son rôle primordial au sein d’Israël.
Dans la liste habituelle des mandats législatifs créationnels en Genèse 1 et 2, les première et septième ordonnances vont de pair2. Les deux se rapportent à la famille. La position de ces ordonnances, au début du canon des Ecritures, indique la prééminence de la famille au sein de la société3. Elle en est la pierre angulaire.
La première ordonnance, le premier des 613 commandements, a trait à la procréation: « …Soyez féconds, multipliez-vous… » (Gn 1:28) Cet ordre est donné à l’humanité (‘adam), créée bisexuée, « mâle et femelle » (zakar ûneqébâh 1:27)4. Ceci montre que la vie humaine doit normalement se transformer en vie de famille. La bénédiction divine, qui précède ce mandat (« Dieu les bénit et Dieu leur dit… »), dote ce couple de la capacité de la réaliser. Le reste de la Genèse en est la preuve. Ce livre, depuis les récits de la création jusqu’à la fin des histoires des Pères fondateurs du peuple de Dieu, est divisé en dix tôlédôt, à savoir dix sections introduites par « voici des engendrements… » ou, plus couramment, « voici la postérité de… ». Il s’agit de la métamorphose continue de l’humanité, mâle et femelle, en parents d’enfants.
La septième et dernière ordonnance créationnelle postule que: « …l’homme (‘îsh) quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme (‘ishâh), et ils deviendront une seule chair. » (2:24) En réalité, cette septième ordonnance aurait pu être la première puisqu’elle suit l’exclamation d’Adam à l’instant même où la femme se trouve à ses côtés: « C’est l’os de mes os, la chair de ma chair… » (2:23)5 Ce mandat reflète une société déjà bien développée et organisée en famille. Il stipule sa permanence et son évolution à partir de la vie conjugale, de l’union de l’homme et de la femme, voire l’union physique par laquelle les deux deviennent une seule chair (basar ‘ehad)6. Les première et septième ordonnances font un ensemble puisque c’est par cette union que la bénédiction divine de fécondité se concrétise.
Ces deux mandats posent les fondements de la famille et la revêtent de son caractère allianciel. Ces prescriptions elles-mêmes ainsi que la bénédiction qui précède l’une d’elles sont des éléments constitutifs, entre autres en Genèse 1 et 2, d’une alliance7. Puis, dans tous les codes légaux de l’alliance mosaïque, elles font l’objet de législation régissant la vie conjugale et familiale8. La mise en pratique de ces lois amène sur la famille et sur la terre les bénédictions divines rattachées à l’alliance; la famille croît et les récoltes abondantes la font vivre (Lv 26:4-5, 9-13; Dt 28:4-5, 9-10). La bénédiction la plus tangible et désirée, mis à part une longue vie sur la terre, est celle d’une famille nombreuse (Lv 26:9; Dt 28:4; Ps 127:3; 128).
Ce caractère allianciel de la famille est appuyé par ailleurs: le mariage, le début de la vie familiale, est qualifié « alliance ». Malachie, qui commente la « seule [chair] » de Genèse 2:24, parle de « la femme de ton alliance »9. En Ezéchiel 16:8, le Seigneur dépeint les débuts de son rapport d’alliance avec son peuple en langage de mariage: « J’étendis sur toi le pan de mon manteau, je couvris ta nudité, je te fis un serment, je contractais une alliance avec toi… et tu fus à moi. »10 Les expressions « étendre le pan d’un manteau sur » et « couvrir la nudité » évoquent les coutumes du mariage. L’expression « être à » quelqu’un signifie « être l’épouse de » ou « se marier avec » (Dt 21:13). Ce mariage est scellé par un serment, une alliance faite par l’époux, le Seigneur, avec son épouse, le peuple11. En Proverbes 2:17, l’infidélité aux liens conjugaux constitue la rupture d’une alliance divine: « La femme qui abandonne l’ami de sa jeunesse oublie l’alliance de son Dieu. »
Enfin, deux mots clefs de la septième ordonnance s’appliquent aux rapports d’alliance. Il s’agit des deux termes aux sens opposés dans l’expression « l’homme quittera (‘azab) son père et sa mère et s’attachera (dabaq) à sa femme ». « Quitter » signifie rompre le rapport d’alliance (Jr 1:16; Os 4:10; Pr 2:17; cf. Es 62:4) tandis que « s’attacher » se réfère à la fidélité à l’union d’alliance du peuple avec le Seigneur12.

II. Alliance, famille et paternité
Si le portrait familial se trouve dans le cadre d’une alliance, la question qui se pose est la suivante: quel rôle joue la famille, à cet égard, au sein de la nation d’Israël? Pour cerner ce rôle, il faut comprendre quelle est la place de la famille dans la structure sociale de parenté. Cette structure s’organise à trois niveaux: tribu, clan et famille13.
La tribu (shebet ou matteh)14 est le niveau de parenté le plus étendu des trois. Elle constitue la charpente de la société israélite et de sa division territoriale. Les douze tribus et leurs territoires portent les noms des descendants d’Israël.
Le clan (mishpahâh) est l’échelon intermédiaire de parenté entre la tribu et la famille. Les clans se composent d’un nombre assez large de familles. Comme pour la tribu, les caractères fondamentaux du clan relèvent de la parenté et de l’identité territoriale15. La lignée de parenté est garantie par l’endogamie, c’est-à-dire le mariage à l’intérieur du clan pour préserver le système de tenure de la terre (Nb 36:1-12).
La « maison » (bayit) ou la « maison du père » (bêt-ab; ou « maison paternelle ») constitue le niveau de parenté fondamental (Gn 12:1; 24:38, 40; Ex 6:14; Nb 1:2; Jg 9:1; 1 Ch 2:55). Même s’il s’agit d’une famille élargie, elle correspond au plus proche, à ce que nous appelons la « famille ». R. de Vaux précise que « la famille se compose de ceux qu’unissent à la fois la communauté de sang et la communauté d’habitation »16. C’est le maillon fort ou faible dans la chaîne sociale de parenté. Il s’agit du lieu privilégié où la conjugalité et la parentalité se conjuguent.
C.J.H. Wright a clairement démontré que la famille, la bêt-ab, comme élément fondamental de parenté, est le pivot autour duquel s’articule le rapport d’alliance entre Dieu et Israël17. Ces trois composantes de la communauté de parenté, tribu, clan et famille, sont inextricablement liées, non seulement par le sang et par l’habitation, mais aussi par la nature du fonctionnement de l’alliance. Un exemple mettra en lumière ce point.
Après la défaite d’Israël à Aï, à cause de la désobéissance d’une seule personne, la chasse à l’homme pour trouver le coupable s’est petit à petit rétrécie. Selon les instructions du Seigneur, l’enquête devait commencer par une tribu (shebet), passer par un clan (mishpahäh) pour être réduite à une famille (« maison, bayit)18. D’abord, la tribu de Juda a été désignée, puis le clan de Zérah et, enfin, la maison de Zabdi. A l’intérieur de cette dernière se trouvait le coupable, Akân (Jos 7:16-18).
L’acte de ce membre d’une famille a eu des conséquences énormes pour les clans et les tribus, voire pour tout Israël. Il ne s’agissait pas seulement de leur défaite. Plus grave encore, le rapport d’alliance risquait d’être rompu si le mal au sein d’une famille n’était pas extirpé. Le Seigneur dit: « Israël a péché: ainsi ils ont enfreint l’alliance que je leur avais prescrite… » (7:11) Le texte ne dit pas: « Akân a péché; il a transgressé l’alliance que j’ai prescrite. » L’acte d’un membre d’une famille avait des répercussions au niveau de l’alliance pour tous les échelons de parenté, pour tout Israël. Il est clair qu’en termes d’incident, il s’agit d’un cas particulier. Mais, en réalité, il est question d’une norme qui est à l’œuvre et régit la vie sociale, dans le cadre de l’alliance, à partir d’une famille.
Qu’il s’agisse d’un principe directeur est d’autant plus évident au cinquième commandement du Décalogue: « Honore ton père et ta mère… » (Ex 20:12; Dt 5:16) La position de ce commandement est significative. Cette prescription relative à l’autorité parentale et à l’obéissance de l’enfant envers ses parents est au premier rang du second tableau de la loi. Il s’agit du fondement des cinq autres commandements ayant trait à l’éthique sociale: la proscription du meurtre, de l’adultère, du vol, du faux témoignage et de la convoitise (Ex 20:13-17; Dt 5:17-21). Sa prééminence explique aussi pourquoi l’honneur dû aux parents fait l’objet d’un nombre de stipulations civiles (Ex 20:12; 21:15, 17; Dt 14:1-2; 21:18-21; 27:16), d’admonestations prophétiques (Es 1:2; Am 2:7; Mal 1:6; 3:24) et d’exhortations sapientielles (Pr 20:20; 30:11, 17).
Dans un cas extrême, la peine capitale est prescrite pour le fils indocile et rebelle qui n’écoute pas ses parents (Ex 21:15, 17; Lv 20:9; Dt 21:18-21) aussi bien que pour l’adultère, la violation du septième commandement (Lv 20:10; Dt 22:22). Cette sanction s’explique en partie par le fait que, d’un côté, le rejet de l’autorité parentale constitue une rupture entre l’enfant et ses parents et, de l’autre, l’adultère constitue une rupture de la vie conjugale. L’un ou l’autre brise la famille de l’intérieur. L’alliance est rompue en son sein.
Mais la sévérité de cette peine s’explique mieux par le fait que cette fracture ne menace pas seulement la famille, mais aussi la nation entière. Pourquoi? Comme dans l’incident d’Akân, ce mal au sein d’une famille enfreint l’alliance établie avec tout Israël. Voilà quelle est la raison de cette sanction si sévère. Comme la rébellion d’un enfant, l’exécution de cette peine a des conséquences à l’échelle nationale: « Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi, afin que tout Israël apprenne et soit dans la crainte. »19 Evidemment, l’objet principal de cette menace ne réside pas dans son exécution, mais dans son effet dissuasif.
Vu le rôle charnière de la famille dans les relations d’alliance, le cinquième commandement et cette peine ont comme but sa préservation. La mise en relation de la famille avec la législation, accompagnée de menaces et de promesses, la protège de toute dislocation au sein de la société. Comme le dit Wright, l’Ancien Testament montre « un souci profond de protéger la famille… de l’intérieur de la perturbation de son autorité domestique et du mépris de son intégrité sexuelle ». Il ajoute: « Toute atteinte contre la stabilité de la famille menaçait par là même la relation d’alliance de la nation avec Dieu. »20 Si les fondements sont ébranlés, tout l’édifice social s’écroulera.

III. Alliance, famille, paternité et médiation
Quelle est la spécificité du rôle de la famille au sein du peuple de Dieu? Wright répond à cette question: « La famille revêt une importance charnière dans la médiation du rapport d’alliance. La continuité de ce rapport dépend en grande partie des fonctions didactiques et catéchétiques des têtes des maisons. »21
L’alliance a été établie par Dieu pour régir la vie de son peuple. Régir les relations entre membres de l’alliance requiert des médiateurs, car vivre en communauté, comme le montre l’histoire du peuple de l’alliance, n’est pas une affaire simple. C’est pourquoi Dieu a suscité entre lui et son peuple des médiateurs, des oints, prophètes, prêtres et rois.
Le rôle de ces médiateurs est le maintien des relations des membres de l’alliance. Dans une société organisée en plusieurs niveaux de paternité, Dieu a, dans un premier temps, confié cette mission à la famille. Ce service de médiation fonctionne, d’abord, au sein de la famille. Pourtant ce ministère ne se limite pas là. La famille constitue le premier maillon dans la chaîne de médiation suscitée par Dieu entre lui et son peuple entier. Puisque Dieu a suscité d’autres médiateurs de l’alliance, quelle est la nature du rôle de médiation confié à la famille?
Elle a trait à la médiation sacerdotale. Il faut préciser, pourtant, qu’il y a une différence fondamentale entre ce sacerdoce, que nous qualifions de familial, et la médiation du sacerdoce classique. Pour ce dernier, la médiation a lieu dans le contexte du culte. Les prêtres ont une mission religieuse, mission accomplie dans le cadre des institutions. La parole de Dieu, rattachée aux actes cultuels, est institutionnellement liée22. Ainsi, les prêtres exercent leurs ministères de médiation de façon ponctuelle et localisée, notamment aux fêtes sacrées de pèlerinage au sanctuaire (Dt 31:9-13; Né 8)23.
Alors, comment combler le fossé, d’un côté, entre le foyer et le sanctuaire et, de l’autre, entre le quotidien et l’année ponctuée par les fêtes, si ce n’est par l’intermédiaire de la famille où ce rôle de médiation est joué au foyer tous les jours. Nous examinerons brièvement les ministères sacerdotaux de médiation en parallèle avec les rôles spécifiques au sein de la famille.
Le ministère primordial de la médiation sacerdotale est l’enseignement de la Parole. Ce service didactique a été confié aux prêtres (Dt 33:10; 17:11; 2 Ch 15:3; 17:9; Esd 7:6, 10; Né 8). Or, il est également à l’œuvre dans la famille, car le père et la mère l’exercent aussi: « …mes paroles… vous les enseignerez à vos fils et vous leur en parlerez… dans ta maison… » (Dt 11:18-19; cf. Ex 13:8s; Dt 6:6-7; 8:5; Pr 1:8; 31:1) L’accent, dans ce passage et d’autres, est mis sur le quotidien: « …Tu inculqueras [ces paroles] à tes fils et tu en parleras quand tu seras dans ta maison… quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. » Dt 6:6-7; 11:19) Il s’agit de la formation permanente, sur place, ce qui ne faisait pas partie du cursus des prêtres.
Le second ministère sacerdotal principal de médiation est sacramental. Les sacrements illustrent les actions divines. Les prêtres président aux rites et aux liturgies lors des fêtes et aux sacrifices du peuple (Dt 25:1; 33:10; 1 Ch 23:31). Tout comme le prêtre, le père, lui aussi, exerce un ministère sacramental. Comme l’explique Wright: « Certains actes cultuels essentiels tels la circoncision, la Pâque et le rachat des fils aînés se pratiquaient au sein de la famille. »24 Le père a à répondre, à la maison, aux questions posées par les enfants quant à la signification des choses rituellement symbolisées. J.A. Soggin a étudié cinq passages de questions et réponses25. Il les qualifie de « catéchétiques » en raison de la récurrence de la formule: « Lorsque vos fils vous demanderont: que signifie ce rite? Vous répondrez… » (Ex 12:26s; 13:14s; Dt 6:20-24; Jos 4:6-7; 4:21-23) Le père préside à ces rites qui mettent en lumière les œuvres divines. Il offre des sacrifices pour ses enfants (Jb 1:5; cf. Gn 22; 31:54; 46:1). Il conduit toute sa famille au pèlerinage (1 S 1:3s)26.
Les prêtres figurent dans une collection de lois relatives aux autorités civiles et religieuses (Dt 16:18-18:22)27. La médiation sacerdotale comprend le pouvoir de prononcer des jugements (Dt 17:8-13; 21:5; cf. Ez 44:23s). Cette même autorité est investie au sein de la famille. Elle est résumée dans le cinquième commandement. Ce commandement est au cœur de toutes les lois relatives au respect des autorités médiatrices. Le respect quotidien envers les parents se traduit en respect pour toutes les autorités, les autorités civiles, juges et rois, ou les autorités religieuses, prêtres et prophètes.
Les parents n’ont pas seulement le droit de correction, mais aussi de jugement. Comme nous l’avons vu, de sévères sanctions renforcent le respect des parents. La rébellion juvénile est un acte passible de la peine capitale. Les parents qui se trouvaient dans la situation tragique de ne plus pouvoir contrôler leur enfant qu’ils s’étaient efforcés de corriger avaient à décider de son sort malheureux et à l’amener au lieu du jugement. La même sanction décidée au fils rebelle s’applique à celui qui refuse d’agir en conformité avec le jugement du prêtre: « L’homme qui agira avec audace sans écouter le prêtre…, cet homme mourra. » (Dt 17:12) Non seulement la peine, mais aussi l’expression concernant l’effet sur Israël de l’exécution de l’homme audacieux renvoient au cas de l’enfant rebelle: « Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël. Tout le peuple l’apprendra, sera dans la crainte et n’aura plus tant d’audace. » (Dt 17:13; cf. 21:21) Ce rapprochement de l’autorité sacerdotale et de l’autorité parentale est voulu.
La médiation est couronnée par la bénédiction. Dieu, auteur de l’alliance, a béni son œuvre de création. Il a béni le couple, mâle et femelle, pour le doter de la fécondité et du pouvoir de gérer le monde créé28. L’objet ultime de la médiation sacerdotale est la bénédiction divine. Elle est transmise. Comme médiateurs, les prêtres prononçaient la bénédiction divine sur le peuple pour faire germer la grâce divine semée par leurs services29..
Pour faire croître la connaissance du Seigneur chez ses enfants, le père prononce sur eux la bénédiction divine (Gn 27:48-49; 28:1, 3-4; 48:15s; 49:1s). Sa bénédiction couronne tous les autres ministères parentaux. Transmise à l’enfant qui honore son père et sa mère, la bénédiction amène une vie longue et heureuse: « …afin que tes jours se prolongent et que tu sois heureux… » (Ex 20:12; Dt 5:16) Cette même bénédiction est promise aux parents qui transmettent la foi: « Pour que vos jours et les jours de vos fils sur la terre… durent aussi longtemps que le ciel sera au-dessus de la terre. » (Dt 11:21) Comme le montre la promesse au cœur de l’alliance abrahamique, la famille bénie est une source de bénédiction physique et spirituelle pour tous les clans (mishpahôt) de la terre (Gn 12:2-3). C’est la bénédiction, par la médiation suscitée entre Dieu et Israël, qui permet au peuple de l’alliance de réaliser la plénitude de la vie jusqu’à la vie éternelle (Ps 133:3; Ga 3:8-9, 13-14).
Par l’instrumentalité de ces ministères d’ordre sacerdotal – parole et sacrement, autorité et bénédiction -, la famille exerce son rôle de médiation de l’alliance au sein d’Israël. Loin de circonvenir ou de concurrencer la médiation des prêtres, Dieu l’a suscitée, de façon complémentaire, au sein de la famille, fondement et pilier de la société, où tous les jours tous les ministères sont exercés. C’est ainsi que la connaissance de l’alliance, avec ses servitudes et ses privilèges, est transmise d’une génération à l’autre. La famille qui exerce ses responsabilités construit solidement sa maison sur les fondations de l’alliance. Elle se protège et est protégée des bouleversements pouvant venir aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur. Les enfants apprennent de leurs parents l’autorité et les limites de la liberté. De leurs frères et sœurs, ils apprennent la justice et l’injustice. C’est ainsi que la famille pose, en même temps, les fondements pour l’édifice social entier. Cet édifice s’avère aussi solide que ses fondements.

* R. Bergey est professeur d’Ancien Testament et d’hébreu à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

NOTES SUR LE SITE

PAPE FRANÇOIS – (LA FAMILLE -18. FAMILLE ET MALADIE)

17 juin, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150610_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – (LA FAMILLE -18. FAMILLE ET MALADIE)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 10 juin 2015

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur la famille et au cours de cette catéchèse, je voudrais évoquer un aspect très commun de la vie de nos familles, celui de la maladie. C’est une expérience de notre fragilité, que nous vivons principalement en famille, dès l’enfance, puis surtout en tant que personnes âgées, lorsque commencent les maux. Dans le cadre des liens familiaux, la maladie des personnes que nous aimons est vécue avec un « supplément » de souffrance et d’angoisse. C’est l’amour qui nous fait ressentir ce « supplément ». Très souvent, pour un papa et une maman, il est plus difficile de supporter la maladie d’un fils, d’une fille, que la leur. Nous pouvons dire que la famille est depuis toujours l’« hôpital » le plus proche. Aujourd’hui encore, dans de nombreuses parties du monde, l’hôpital est un privilège réservé à de rares personnes et souvent, il est éloigné. Ce sont la maman, le papa, les frères, les sœurs, les grands-mères qui assurent les soins et qui aident à guérir.
Dans les Évangiles, de nombreuses pages rapportent les rencontres de Jésus avec les malades et son zèle pour les guérir. Il se présente publiquement comme une personne qui lutte contre la maladie et qui est venu guérir l’homme de tout mal : le mal de l’esprit et le mal du corps. La scène évangélique qui vient d’être évoquée par l’Évangile de Marc est très éloquente. Elle dit : « Le soir venu, quand fut couché le soleil, on lui apportait tous les malades et les démoniaques » (1, 32). Si je pense aux grandes villes d’aujourd’hui, je me demande où sont les portes devant lesquelles apporter les malades en espérant qu’ils soient guéris ! Jésus n’a jamais évité de les soigner. Il n’a jamais passé son chemin, il n’a jamais tourné son regard d’un autre côté. Et quand un père ou une mère, ou encore simplement des amis lui amenaient un malade afin qu’il le touche et le guérisse, il n’hésitait pas ; la guérison venait avant la loi, même celle aussi sacrée que le repos du sabbat (cf. Mc 3, 1-6). Les docteurs de la loi reprochaient à Jésus de guérir le jour du sabbat, il faisait le bien le jour du sabbat. Mais l’amour de Jésus était de donner la santé, de faire le bien: et cela vient toujours en priorité !
Jésus envoie ses disciples accomplir sa même œuvre et leur donne le pouvoir de guérir, c’est-à-dire de s’approcher des malades et d’en prendre soin jusqu’au bout (cf. Mt 10, 1). Nous devons bien garder à l’esprit ce qu’il dit aux disciples dans l’épisode de l’aveugle de naissance (Jn 9, 1-5). Les disciples — avec l’aveugle devant eux ! — discutaient pour savoir qui avait péché, parce qu’il était né aveugle, lui ou ses parents, pour avoir provoqué sa cécité. Le Seigneur dit clairement : ni lui, ni ses parents ; il est ainsi afin que s’accomplissent en lui les œuvres de Dieu. Et il le guérit. Voilà la gloire de Dieu ! Voilà le devoir de l’Église ! Aider les malades, ne pas se perdre en bavardages, aider toujours, consoler, soulager, être proches des malades ; tel est le devoir.
L’Église invite à la prière constante pour nos proches atteints par la maladie. La prière pour les malades ne doit jamais manquer. Nous devons même prier davantage, tant personnellement qu’en communauté. Pensons à l’épisode évangélique de la femme cananéenne (cf. Mt 15, 21-28). C’est une païenne, elle n’appartient pas au peuple d’Israël, mais c’est une païenne qui supplie Jésus de guérir sa fille. Jésus, pour mettre sa foi à l’épreuve, répond d’abord durement : « Je ne peux pas, je dois d’abord penser aux brebis d’Israël ». La femme n’abandonne pas — une mère qui demande de l’aide pour sa créature ne cède jamais ; nous savons tous que les mères luttent pour leurs enfants — et répond : « Même aux petits chiens, lorsque les maîtres ont mangé, on donne quelque chose ! », voulant dire ainsi : « Traite-moi au moins comme un petit chien ! ». Alors Jésus lui dit : « Femme, grande est ta foi ! Qu’il t’advienne selon ton désir ! » (n. 28).
Face à la maladie, même en famille, apparaissent des difficultés, à cause de la faiblesse humaine. Mais, en général, le temps de la maladie accroît la force des liens familiaux. Et je pense à combien il est important d’éduquer les enfants très tôt à la solidarité pendant le temps de la maladie. Une éducation qui met à l’abri de la sensibilité envers la maladie humaine, rend le cœur aride. Et fait en sorte que les jeunes sont « anesthésiés » face à la souffrance des autres, incapables d’affronter la souffrance et de vivre l’expérience de la limite. Combien de fois voyons-nous arriver au travail un homme, une femme, le visage las, qui montre des signes de fatigue, et qui à la question : « Que t’arrive-t-il ? » répond : « Je n’ai dormi que deux heures parce qu’à la maison, nous veillons à tour de rôle sur la petite fille, le petit garçon, le malade, le grand-père, la grand-mère ». Et la journée continue avec le travail. Ces choses sont héroïques, c’est cela l’héroïcité des familles ! Ces héroïcités cachées qui se font avec tendresse et courage lorsqu’il y a quelqu’un de malade à la maison.La faiblesse et la souffrance de nos liens d’affection les plus chers et les plus sacrés peuvent être, pour nos enfants et petits-enfants, une école de vie — il est important d’éduquer les enfants, les petits enfants, à comprendre cette proximité de la maladie dans la famille — et le deviennent lorsque les moments de la maladie sont accompagnés par la prière et par la proximité affectueuse et attentionnée de la famille. La communauté chrétienne sait bien que la famille, dans l’épreuve de la maladie, ne doit pas être laissée seule. Et nous devons dire merci au Seigneur pour ces belles expériences de fraternité ecclésiale qui aident les familles à traverser le moment difficile de la douleur et de la souffrance. Cette proximité chrétienne, entre familles, est un véritable trésor pour la paroisse, un trésor de sagesse, qui aide les familles dans les moments difficiles et fait comprendre le Royaume de Dieu mieux que tant de discours ! Ce sont des caresses de Dieu.

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE – 2. MÈRE

15 janvier, 2015

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PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE – 2. MÈRE

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 7 janvier 2015

Chers frères et sœurs, bonjour. Aujourd’hui, nous poursuivons les catéchèses sur l’Église et nous réfléchirons sur l’Église mère. L’Église est mère. Notre Sainte Mère l’Église.
En ces jours, la liturgie de l’Église a placé devant nos yeux l’icône de la Vierge Marie Mère de Dieu. Le premier jour de l’année est la fête de la Mère de Dieu, à laquelle succède l’Épiphanie, avec le souvenir de la visite des Mages. L’évangéliste Matthieu écrit : « Entrant alors dans le logis, ils virent l’enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage » (Mt 2, 11). C’est la Mère qui, après l’avoir engendré, présente le Fils au monde. Elle nous donne Jésus, elle nous montre Jésus, elle nous fait voir Jésus.
Nous poursuivons les catéchèses sur la famille et dans la famille, il y a la mère. Chaque personne humaine doit la vie à une mère, et presque toujours, elle lui doit une grande partie de son existence successive, de sa formation humaine et spirituelle. Mais la mère, bien qu’étant très exaltée du point de vue symbolique — beaucoup de poésies, beaucoup de belles choses qui nous parlent de façon poétique de la mère — est peu écoutée et peu aidée dans la vie quotidienne, peu considérée dans son rôle central dans la société. Souvent, on profite même de la disponibilité des mères à se sacrifier pour les enfants pour « économiser » sur les dépenses sociales.
Il arrive également que dans la communauté chrétienne, la mère ne soit pas toujours considérée, qu’elle soit peu écoutée. Pourtant, au centre de la vie de l’Église, il y a la Mère de Jésus. Peut-être les mères, prêtes à tant se sacrifier pour leurs enfants, et souvent également pour ceux des autres, devraient-elles recevoir davantage d’écoute. Il faudrait comprendre davantage leur lutte quotidienne pour être efficaces au travail et attentives et affectueuses en famille ; il faudrait mieux comprendre à quoi elles aspirent pour exprimer les fruits les meilleurs et les plus authentiques de leur émancipation. Une mère avec des enfants a toujours des problèmes, toujours du travail. Je me souviens, à la maison, nous étions cinq enfants et tandis que l’un d’entre nous faisait une bêtise, l’autre pensait déjà à en faire une autre, et notre pauvre mère courait de l’un à l’autre, mais elle était heureuse. Elle nous a beaucoup donné.
Les mères sont l’antidote le plus fort à la diffusion de l’individualisme égoïste. « Individu » signifie « qui ne peut pas se partager ». Les mères, en revanche, se « partagent », à partir du moment où elles portent un enfant pour le mettre au monde et l’élever. Ce sont elles, les mères, qui détestent le plus la guerre qui tue leurs enfants. Si souvent j’ai pensé à ces mamans lorsqu’elles ont reçu la lettre : « Je vous informe que votre fils est mort en défendant sa patrie… ». Pauvres femmes ! Comme une mère souffre ! Ce sont elles qui témoignent de la beauté de la vie. L’archevêque Oscar Arnulfo Romero disait que les mères vivent un « martyre maternel ». Dans l’homélie pour les funérailles d’un prêtre assassiné par les escadrons de la mort, il dit, faisant écho au Concile Vatican ii : « Nous devons tous être disposés à mourir pour notre foi, même si le Seigneur ne nous accorde pas cet honneur… Donner la vie ne signifie pas seulement être tués ; donner la vie, avoir un esprit de martyre, cela signifie donner dans le devoir, dans le silence, dans la prière, dans l’accomplissement honnête du devoir, dans ce silence de la vie quotidienne, donner sa vie peu à peu ? Oui, comme la donne une mère qui, sans crainte, avec la simplicité du martyre maternel, conçoit en son sein un fils, lui donne le jour, l’allaite, l’élève, et s’occupe de lui avec affection. C’est donner la vie. C’est le martyre ». Voilà pour la citation. Oui, être mère ne signifie pas seulement mettre au monde un fils, c’est également un choix de vie. Que choisit une mère, quel est le choix de vie d’une mère ? Le choix de vie d’une mère est le choix de donner la vie. Et cela est grand, cela est beau.
Une société sans mères serait une société inhumaine, parce que les mères savent témoigner toujours, même dans les pires moments, de la tendresse, du dévouement, de la force morale. Les mères transmettent souvent également le sens le plus profond de la pratique religieuse : dans les premières prières, dans les premiers gestes de dévotion qu’un enfant apprend, est inscrite la valeur de la foi dans la vie d’un être humain. C’est un message que les mères croyantes savent transmettre sans beaucoup d’explications : celles-ci arriveront après, mais la semence de la foi réside dans ces premiers, très précieux instants. Sans les mères, non seulement il n’y aurait pas de nouveaux fidèles, mais la foi perdrait une bonne partie de sa chaleur simple et profonde. Et l’Église est mère, avec tout cela, c’est notre mère ! Nous ne sommes pas orphelins, nous avons une mère ! La Vierge, la mère Église, est notre maman. Nous ne sommes pas orphelins, nous sommes fils de l’Église, nous sommes fils de la Vierge, et nous sommes fils de nos mères.
Très chères mamans, merci, merci pour ce que vous êtes dans la famille et pour ce que vous donnez à l’Église et au monde. Et à toi, bien-aimée Église, merci, merci d’être mère. Et à toi, Marie, mère de Dieu, merci de nous faire voir Jésus. Et merci à toutes les mamans ici présentes : nous les saluons par un applaudissement !
Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier la délégation d’imams français engagés dans les relations islamo-chrétiennes, ainsi que le groupe venant de divers médias français. En ce temps de Noël, je souhaite à tous de poursuivre avec courage votre engagement au service de la paix, de la fraternité et de la vérité.

Que Dieu vous bénisse.

 

APPORT DU JUDAISME À LA LITURGIE CHRÉTIENNE DU MARIAGE – POINTS DE CONTACT ET RUPTURE ADRIEN NOCENT

4 novembre, 2014

http://www.notredamedesion.org/en/dialogue_docs.php?a=3b&id=1037

APPORT DU JUDAISME À LA LITURGIE CHRÉTIENNE DU MARIAGE – POINTS DE CONTACT ET RUPTURE

ADRIEN NOCENT

L’espace habituellement accordé à un article ne permet évidemment pas de traiter ce sujet dans sa totalité ni même dans ses dimensions bibliques, liturgiques, théologiques et culturelles. Je retiendrai ici quelques éléments qui intéressent particulièrement, me semble-t-il, cette revue.
Rappel de quelques points fondamentaux
Quand on parle de la liturgie chrétienne du mariage, il convient de distinguer, dès la IVe siècle, les liturgies orientales de celles d’Occident. Dans le cas présent cette distinction est d’autant plus importante qu’elle comporte, de la part de ces deux Eglises, des attitudes différentes.
En Orient, dès le Die siècle semble-t-il, on trouve déjà une liturgie spécifique du sacrement du mariage qui se rapproche assez sensiblement de l’Ancien Testament. Aussi n’est-il pas étonnant que cette liturgie des fiançailles et du mariage soit plus ou moins proche des célébrations juives.
En Occident, à part la bénédiction de l’épouse, qui n’est pas le sacrement proprement dit, on ne trouve pas de liturgie spécifique du mariage avant le XIe siècle finissant. La cérémonie se calque sur les usages courants, surtout à Rome, dès que ces usages ne contrarient pas la foi ni les moeurs chrétiennes. La lettre à Diognète est nette à ce sujet: les chrétiens se marient comme les autres.’ Le mariage occidental chrétien sera avant tout marqué par le Droit, et E consensus sera signifié, selon les diverses cultures, pat les arrhes, l’anneau, et, dans les Gaules par exemple, par la bénédiction de la chambre nuptiale.
Quand le mariage devra se faire en présence du ministre de l’Eglise, in fade Ecclesiae,2 le rituel romain « païen » des fiançailles et celui du mariage seront réunis. Aujourd’hui encore, quelque peu corrigé par un choix très riche de lectures, le mariage chrétien reste fort juridique dans la liturgie même du sacrement, sans qu’une place suffisante soit faite à la théologie du mariage et à l’Alliance dont les deux époux sont l’image?

I. Liens de la liturgie chrétienne du mariage avec l’Ancien Testament
La bénédiction de l’épouse, déjà mentionnée dans le Sacramentaire de Vérone révèle de façon évidente ses liens avec la formule de bénédiction par laquelle Raguel donne sa fille Sarah en mariage à Tobie (Tob. Vulg. 8,5). On peut dire que l’ensemble des rituels chrétiens du mariage ont été inspirés par cette bénédiction. Dans l’Ancien Testament, on ne trouve pas mentionnée la présence de prêtres à la célébration qui se fait habituellement chez le fiancé, mais parfois aussi chez l’épouse (Gen. 29,21-24; Jug. 14,12; Tob. Vulg. 8,23)? Cela correspond à ce que nous voyons, au moins dans les Eglises chrétiennes d’Occident, et particulièrement en Gaule, où se trouve attestée en premier cette coutume des nuits de Tobie (Tob. Vulg. 6,16; 8,4) dans les mariages chrétiens, Ritzer, tentant une reconstitution de la bénédiction nuptiale de la femme dans le Sacramentaire de Vérone, souligne dans son texte les références. Donnons ici quelques fragments qui nous intéressent:
…Père, c’est toi qui as engendré tout ce qui vit (Gen. 1,24), qui as donné aux hommes la mission de se multiplier (Gen. 1,28; 9,1-7) et qui as créé de tes propres mains une compagne pour Adam, afin que l’os sorti de son os présente la même forme, malgré la différence admirable des sexes (Gen. 2,18-24). Ainsi ton ordre de partager /a couche nuptiale, de croître et de multiplier en si grand nombre, a noué des alliances dans le genre humain, afin de lier entre eux les habitants de toute la terre (Gen. 1,28; 9,1-7) le sexe le plus faible uni au plus fort réalise une unité à partir des deux (Cf. Gen. 1,24)… Veuille sanctifier la vigueur juvénile de ta servante que voici, qui se marie, afin qu’introduite dans une communauté de vie bonne et bénie, elle garde les préceptes de la loi éternelle (Cf. Eccli. 17,9 et suiv.); qu’elle se souvienne qu’elle n’est pas tant appelée à jouir de ce qui est permis dans le mariage qu’à se soucier avec amour des gages de la fidélité conjugale (Tob. Vulg. 6,22; 8,9)3
Malheureusement, comme le souligne Ritzer: «Le contenu biblique et théologique de cette oraison est voilé, au point d’être méconnaissable, par le vêtement de la rhétorique de l’Antiquité finissante ».
Dans le rituel de Vatican II, les lectures de l’Ancien Testament sont intéressantes; elles donnent un apport nouveau; nous les étudierons plus loin sommairement.
Outre la bénédiction nuptiale, les formulaires de la Messe prouvent leur dépendance de l’Ancien Testament. Ainsi, dans le Veronense, la seconde oraison du début de la Messe, exprimée d’une manière si concise: …et cuita creator es operis, esta dispositor;° le prologue à la bénédiction de la femme: … et instituis Luis quibus propagationem humani generis ordinasti,° et le début de cette bénédiction: Pater, mundi conditor, multiplb candae originis institutor, qui Adae comitem luis manb bus addidisti, cuius ex ossibus osso crescentia parem formam admirabili diversitate signarent, déjà cité plus haut.’° Les allusions à la Genèse sont évidentes.
Le sacramentaire gélasien comporte une Préface, reprise telle quelle, en son texte authentique, dans le rituel du mariage de Vatican II. La doctrine qui s’y exprime est nettement biblique; sa théologie est riche et correspond à une saine vision du mariage: … ut mull tiplicandis adoptivorum les sanctorum conubiorum
cunditas pudica serviret – « qu’une chaste fécondité serve à multiplier les fils d’adoption ». Malgré la christiani. sation du texte qui parle des « fils d’adoption de Dieu », la signification profonde du mariage est développée selon la Genèse. »

II. Points de contact avec la liturgie judéorabbinique
Nous reprenons ici très sommairement certains points qui nous intéressent pour souligner les liens de la liturgie chrétienne du mariage avec la liturgie juive. Nous voulons seulement retenir ici quelques usages: les dons en argent, un document qui reconnaît l’union contractée et qui assimile en quelque sorte les fiançailles au mariage lui-même, le rôle de la couronne, l’usage de la huppah et la coupe de vin.
Si la formule de Mishnah Qiddushin » note que l’on prend une femme en mariage par de l’argent, par un document écrit ou par le concubitus, en pratique on ne connaît que les fiançailles dites du Kesef (argent) et de la Ketubah (document). La formule était plus ou moins celle-ci: « Sois-moi consacrée par le moyen de cette pièce d’argent». Plus tard, une formule écrite remplacera cette remise d’argent, mais la mention de la remise de l’argent y restera incluse. » Le rituel des fiançailles assimile en fait les fiancés aux mariés.
En Orient les fiançailles restent, encore de nos jours, un rite important aussi bien pour le Droit que pour la liturgie. Les fiançailles, telles que les voit saint Jean Chrysostome, sont des fiançailles avec « arrhes », celles-ci étant une garantie. L’anneau les remplacera par la suite. Nous voyons que Justinien dans ses Novelles force les mariés d’un certain rang social à un contrat écrit. »
L’usage de couronner les deux époux, que l’on trouve dans le rituel juif du mariage, constitue, depuis les VI`-VII` siècles et jusqu’à nos jours, un acte important de la liturgie gréco-byzantine chrétienne. Déjà à cette époque, selon le témoignage de saint Grégoire de Naziance, le prêtre accomplissait souvent lui-même ce couronnement des époux. » Saint Jean Chrysostome donne la signification chrétienne de ce geste: « On met une couronne sur la tête des époux, symbole de leur victoire, car ils s’avancent invaincus vers le port du mariage, eux qui n’ont pas été esclaves du plaisir. Si quelqu’un, esclave du plaisir, s’est livré aux prostituées, pourquoi a-t-il encore une couronne sur la tête, lui qui n’est qu’un vaincu ». » Quand se formera une liturgie du mariage proprement dite, la célébration ne se fera plus dans la famille mais dans l’église, devant le prêtre qui donnera les couronnes. Le couronnement, dans les eucologes imprimés, reprend les usages mentionnés déjà dans les manuscrits. Le prêtre couronne d’abord l’époux en disant: « Le serviteur de Dieu, N. est couronné avec la servante de Dieu N., au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », formule reprise pour le couronnement de l’épouse. Quand le prêtre enlève les couronnes, il dit à l’époux:
« Sois loué comme Abraham, béni comme Isaac et fécond comme Jacob, marchant dans la paix et observant dans la justice les commandements de Dieu ».

A l’épouse, il dit:
« Et toi, épouse, sois louée comme Sarah, heureuse comme Rébecca et féconde comme Rachel, trouvant la joie auprès de ton mari et observant les prescriptions de la Loi, car c’est là ce qui plaît à Dieu ». »

Le couronnement est devenu tellement important qu’il signifie en fait « marier ». Les rites orientaux donnent diverses interprétations de ce geste, toutes d’une grande richesse théologique. Le rite copte est particulièrement intéressant par ses recours à l’Ancien Tes. tament:
« Toi qui as couronné tes saints de couronnes impérissables, bénis ces couronnes… Qu’elles soient pour les époux couronnes de gloire et d’honneur (Ps. 8,6), de salut et de bénédiction, de joie, de concorde, de réjouissance et d’allégresse, de vertu et de justice, de sagesse, d’intelligence, de force et de stabilité. Couronne-les de gloire et d’honneur. Le Père bénit, le Fils couronne, l’Esprit Saint perfectionne ». »
Que dire de l’usage juif de la huppah et de ce qui lui correspond peut-être dans certains rituels de l’Occident?
Dans les fiançailles judéo-rabbiniques, après le repas, le couple prend place sous la huppah (tente ou balda. quin).’° Ce rite apparaît comme le sommet de la célébration; c’est la première fois que les époux sont réunis ensemble.
Ici se pose un problème en ce qui concerne le rituel du mariage chrétien. Le titre donné, dans le Sacramentaire de Vérone, à la bénédiction de l’épouse après le Pater de la Messe est: « velatio sponsae il° On sait, par ailleurs que, dans le rituel « païen » romain, la fiancée se voilait d’un voile rouge, le flammeum, et qu’elle se couronnait de lauriers. Le rituel romain aurait-il voulu reprendre ce rite du voile pour la bénédiction de l’épouse? On peut légitimement en douter. Assez nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agissait ici d’un autre voile. Le Pape Sirice, à la fin du IVe siècle et, de même, Ambroise de Milan citent dans leurs lettres le voile qui est étendu sur les époux durant la bénédiction?’ Il s’agit donc d’un autre voile qui est ici étendu durant la bénédiction et qui couvre les deux époux, comme le rapporte saint Paulin de Nole (milieu du V’ siècle), lorsqu’il décrit le mariage d’un lecteur. » Le même rite se retrouve en Normandie comme en Espagne.
On a pensé que cette « velatio », qui concerne en fait les deux époux, rite qui, encore de nos jours, est observé dans certains diocèses de France, se rapproche plutôt du rite juif de la buppah, qui symbolise l’union des deux époux destinés à vivre ensemble, et qui légitime leur cohabitation. Dans le mariage judéo-rabbinique, les paroles finales de la bénédiction qui, en fait, se rapportent, comme le rite de la huppah, aux fiançailles, sont les suivantes: « Béni sois-tu, Seigneur, toi qui as sanctifié Israël par la huppah et les fiançailles»?’
Ce rite est à rapprocher de la bénédiction de la chambre nuptiale, si importante en Gaule romano-mérovingienne où elle a été la forme la plus ancienne de la liturgie du mariage. Plusieurs textes anciens nous le prouvent et nous pourrions citer ici de nombreux textes de bénédiction, si nous pouvions prolonger cet article?’ On trouve les mêmes rites, ou à peu près, dans la liturgie hispanique et en Angleterre. »
Un autre rite, celui de la bénédiction d’une coupe de vin, trouve des parallèles dans la liturgie juive. Le mariage judéo-rabbinique comporte une bénédiction ou plutôt plusieurs bénédictions qui se font sur une coupe de vin. » Dans l’Eglise gréco-byzantine on voit que la bénédiction de la coupe commune se fait après la cominunion des époux. » Cette bénédiction rappelle les noces de Cana et le don que le Christ fit alors aux époux. Cependant il s’agit ici d’une coupe de vin consacré. La Gaule aura comme coutume plus tard de bénir le pain et le vin, en rappelant, surtout quand il s’agit seulement de la bénédiction du vin, les noces de Cana. Les divers « Ordos » ( = cérémoniaux), à partir du XIe siècle, prévoient que le prêtre donne le plus souvent cette bénédiction après le mariage et devant la porte de la maison des époux. L’époux et l’épouse boivent à cette coupe qui leur est donnée par le prêtre ou qu’ils se donnent mutuellement. » Il s’agit ici surtout d’usages populaires, importés souvent, d’Angleterre 29 en Normandie par exemple, qui pouvaient parfaitement entrer dans le cadre de la liturgie du mariage, sans en faire toutefois strictement partie, et qui étaient ainsi reconnus par les Eglises romano-franques. Cet usage, se référant aux noces de Cana, signifie aussi que les époux prennent ensemble la responsabilité de leur vie commune. Vers la fin du XIIIe siècle, ce rite prend de l’extension dans le centre de la France: l’époux mord dans le pain et sa femme fait de même, puis l’époux et l’épouse boivent ensemble la coupe de vin. Normalement cela se faisait après la célébration de la messe; mais parfois le rite était lié à celui de la bénédiction de la chambre nuptiale, comme nous le voyons dans un rituel de Paris du XV` siècle. »

III L’apport chrétien à la liturgie du mariage
L’Eglise chrétienne a voulu déclarer nettement que le mariage consiste non pas dans le « concubitus » mais dans le « consensus ». Cette précision du Droit a pu parfois, à certaines époques, voiler le contenu théologique très riche du sacrement de mariage pour lui conférer un caractère avant tout juridique. /1 faut reconnaître que la liturgie, celle d’Occident en particulier, a souvent de la peine à dépasser cet aspect juridique et à établir une théologie profonde qui rejoigne la vie des conjoints. Et cependant le Nouveau Testament fournissait des textes d’une théologie fort profonde et riches d’enseignements vitaux.
Il nous faut ici faire un retour à l’Ancien Testament. Nous aurions pu le faire au début de cet article; il nous a paru meilleur de résumer ici la doctrine de l’Ancien Testament, en montrant comment celle du Nouveau Testament est à la fois en continuité et en discontinuité avec elle.

Le concept de mariage et son évolution
Dans les pays de l’Ancien Orient, la sexualité était sacralisée, ce qui se manifeste dans la création de mythes divers et dans l’organisation de divers rituels? L’histoire de l’amour des dieux en constitue le fondement, une sorte d’archétype que la societé cherche à reproduire. La sexualité coïncide alors avec l’histoire des dieux. La fécondité, la procréation, est liée à la création, oeuvre d’un dieu père et mère, et la sacralisation de la sexualité est en relation étroite avec cet archétype divin. L’amour, en tant que sentiment et volupté, est donc souvent décrit dans la mythologie et signifié dans les rites?
La révélation biblique est en continuité, d’une certaine manière, avec cette vision sociologique païenne, mais elle rompt avec elle sur le plan idéologique et rituel. En effet, puisque le Seigneur est unique (Deut. 6A), les mythes sexuels tombent, car il n’y a qu’un seul Dieu et il n’existe aucune déesse. De la même manière disparaissent les rites sexuels comme la prostitution sacrée (Dent. 23,18-19) ou l’acte magique de l’union sexuelle avec les animaux (Is. 22,18; Deut. 27,21; Lev. 18,23). Cependant Israël continue à considérer comme sacrée la sexualité parce que la vie s’origine en Dieu; ce qui explique les lois du Lévitique concernant l’impureté. Deux textes bibliques sont significatifs. Le plus ancien, celui de la Genèse chap. 2, montre comment l’homme et la femme se possèdent mutuellement; ils sont semblables et forment une seule chair (2,21-23; 2,18; 2,24). Le texte, plus récent, de Genèse 1,27 souligne l’identique dignité de l’homme et de la femme, dans le respect de la monogamie; tous les deux sont maîtres de la création (1,28-29). La fécondité a sa source en Dieu et la création des deux sexes est l’oeuvre de Dieu qui est bonne (1,31). La parole créatrice de Dieu, qui exprime sa volonté, est donc la source d’où le mariage tire son caractère sacré, et le premier couple créé est, de soi, le modèle idéal de la société familiale. Les rapports interpersonnels du couple sont marqués par la chair, et le couple a une fonction sociale qui est sa fécondité. Sous la motion des prophètes, on chemine vers l’idéal matrimonial post-exilien. Cependant nous trouvons des exemples intéressants de mariages dans la tradition antérieure, datant d’avant le VII? siècle. Dans le couple Abraham-Sarah, le concubinat est encore légal et la femme est encore quasi-esclave de son mari (Gen. 13,10-19); il s’agit d’ailleurs d’assurer la fécondité pour la formation d’un peuple (Gen. 29,32). Cependant il serait injuste d’exclure le vrai amour de ces unions; voir par exemple Jacob qui reste quatorze ans au service de Laban pour obtenir Rachel comme épouse (Gen. 29,20-30). Mais ce qui est premier, c’est la fécondité et la race, même si nous trouvons pour le moins étranges les procédés employés à cette fin. Tout le chapitre 38 de la Genèse en est un exemple. »
Cependant, à partir de l’Exil, la vision du mariage change profondément. Parmi les livres prophétiques et sapientiaux, ceux du prophète Malachie, des Proverbes, du Siracide et de Tobie nous livrent des textes importants sur l’indissolubilité du mariage (Mal. 2,14-16): pour la sauvegarder, il faut être prudent avec l’étrangère, l’amour physique et sensuel ne se conçoit pas en-dehors de la fidélité (Prov. 5,1-14; 7,1-27) et le livre nous fait un portrait de l’épouse parfaite (Prov. 31). Le Siracide, lui, décrivant les traits de l’épouse méchante, donne aussi un catalogue des vertus de l’épouse-modèle (25,13 – 26,18). Pour la théologie biblique, le livre de Tobie est de première importance: le couple est sans doute toujours dans une condition dramatique, exposé au mal (Tob. Vulg. 6,14-15). Cependant un amour chaste et saint est possible, et la procréation en sera le fruit, but du mariage (Tob. Vulg. 6,21-22). On admirera la prière de Tobie et de Sarah, laquelle sera reprise par la liturgie chrétienne qui y introduit le thème de l’Alliance de Dieu avec son peuple, celle du Christ avec son Eglise. Quoiqu’il en soit des diverses thèses à propos du Cantique des Cantiques, on doit noter que la fécondité n’est pas évoquée dans le livre, mais bien la joie de l’amour humain et physique. Nous sommes dans un milieu paradisiaque et, du point de vue théologique, on peut y voir l’image d’un couple dont la condition est déjà restaurée, une vision eschatologique du couple humain?
Quand le Christ parle du mariage, il renvoie au texte de la Genèse (1,27; 2,24); il renvoie donc à l’image de l’archétype idéal avant la faute. Le Christ est venu reconstruire le Royaume et il ne peut y voir que le couple idéal. S’il était permis jadis de renvoyer sa femme proprer duritiam cordis (à cause de leur dureté de coeur), cela n’est maintenant plus possible dans le Royaume nouveau qui se construit (Mt 19,1-9). La polygamie n’a donc plus de place dans ce royaume, ni le divorce non plus (Mt 19,6); comment pourrait-on répudier sa femme et en épouser une autre? Ce serait un adultère (Mt 5,32; 19,9). Et pourtant les difficultés du couple subsistent, et la miséricorde y trouve sa place: la femme adultère est pardonnée (Jn 8,3-9); le Christ est venu « appeler les pécheurs à la conversion » (Mc 2,15-17; Lc 18,9-14; Jn 8,11). La loi nouvelle est plus exigeante que l’ancienne: regarder une femme avec désir est déjà un adultère; cependant la charité peut tout effacer et « les pécheurs et les prostituées précéderont beaucoup d’autres dans le Règne du ciel » (Mt 21(31,32).
L’Eglise, dans sa vie et son expérience, fait de l’idéal du Christ une décision et une règle de vie ferme et définitive, et le divorce est sévèrement prohibé (I Cor. 7,10-11). Sans doute le couple ne cesse de se heurter à des problèmes qui ne sont pas abstraits et qui exigent des solutions pratiques et urgentes. Si déjà l’Ancien Testament s’en préoccupait, les Lettres des Apôtres tentent de donner une solution (Cf. Col. 3,18-19; Eph. 5,21-23; I Tim. 2,9-15; I Pet. 3,1-7). Cependant il reste difficile pour un baptisé, malgré sa conformité de principe au Christ, d’intégrer la sexualité dans sa vie chrétienne.
C’est à cette intégration de la sexualité dans leur vie d’époux chrétiens que saint Paul veut aider les fidèles de Corinthe (I Cor. 7,1-9). En ces temps de déséquilibre où ils vivent, la continence peut être un péril qu’il dénonce (I Cor. 7,1,3,5); aussi les époux ont des droits et des devoirs mutuels (I Cor. 7,3-4). Si la continence, dans la vie du royaume en formation, se présente comme un idéal, elle ne peut être le fait de tous: les dons sont divers, selon la ligne de vie que Dieu indique (I Cor. 7,5-6; 7,7,17,20,24). Pourtant le mariage ne supprime pas la chasteté, il la suppose, dans un don réciproque et le rejet de tout égoïsme (I Cor. 7,3-4), et cela exige que la sexualité soit quelque peu dominée par l’ascèse (I Cor. 7,2,5). Heureusement l’Esprit aide le baptisé à faire mourir en lui les oeuvres du corps (Rom. 8,13). Le baptisé est celui qui veut avoir part à la mort du Seigneur pour avoir part aussi à sa résurrection (Rom. 6,1-14).

Le mystère du Christ et l’Eglise
Il y a un élément que l’Eglise du Christ a mis en relief dès ses débuts: le mystère du Christ et de l’Eglise. Pour les prophètes, l’archétype divin du couple était l’Alliance de Dieu avec les hommes, imparfaite mais que l’on recherchait en l’espérent pour le dernier jour. Le Christ, par son mystère pascal, est venu réaliser pleinement cette Alliance; elle est devenue objectivement parfaite. La mort et la résurrection du Christ sont un tournant décisif dans la vie du monde. Le modèle des épousailles n’est plus abstrait mais il existe en fait, et l’Alliance de Dieu avec les hommes devient un mystère nuptial par le Christ. D’ailleurs le Christ lui-même se considère comme l’Epoux, et il ne pourrait comprendre que les invités à la noce soient dans le deuil et la pénitence quand l’Epoux est avec eux; viendront les jours où il ne sera pas là, alors on jeûnera (Mt 9,15; Mc 2,19-20; Lc 5,34,35). La parabole des noces, que Jésus raconte à ses disciples, est fort nette à ce sujet: le Roi prépare un repas de fête pour son fils. On ne peut en douter: le Roi est Dieu et le fils est le Christ. Il s’agit du mystère nuptial du Royaume assimilé au mystère du Christ-Epoux (Mt 8,11). La parabole des vierges met aussi en relief la personne du Christ comme Epoux (Mt 25,1-13). Le récit de l’Apocalypse qui décrit l’Agneau et le rite de ses noces ne peut qu’impressionner le lecteur: la fiancée ornée, présentée à son époux, c’est toute l’humanité représentée tantôt par une femme, tantôt par une cité, la Jérusalem céleste et nouvelle (Apoc. 21,2,10-27), annoncée déjà par Ezéchiel (chap. 40) et par Isaïe (chap. 54 et 60-62).
Mais c’est surtout dans la lettre aux Ephésiens que ce mystère nuptial sera présenté avec une doctrine ferme (Eph. 5,21-32). Saint Paul y établit le lien du mystère du Christ avec l’Eglise. Adam était la figure, l’annonce de l’Adam qui devait venir (Rom. 5,14). Si le premier Adam a transmis à tous les hommes le péché, le second Adam a renouvelé le monde entier, et le Christ donne au monde de pouvoir participer à son état de Ressuscité (Rom. 5,15-18,21; 6,5-11; 1 Cor. 15,49; Eph. 4,23-24). Face au Christ qui renouvelle ainsi la face du monde se trouve le monde lui-même. Le Christ se comporte envers l’humanité comme le fait l’époux envers son épouse; le Christ l’a aimée et s’est donné à elle (Gal. 2,20). La lettre aux Ephésiens résume clairement et succintement cette doctrine: « Et vous, maris, aimez vos épouses comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est donné lui-même pour elle, pour la rendre sainte en la purifiant par le bain d’eau accompagné de la parole, pour faire paraître devant lui son Eglise, toute glorieuse, sans tache ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et immaculée (Eph. 5,25-27). L’amour du Christ a transformé l’homme avant de se l’unir; pour devenir épouse pure du Christ, la race humaine a été transformée. C’est le premier miracle de l’amour nuptial du Christ qui, pour le réaliser, s’est totalement offert. Son amour est rédempteur et son épouse est devenue son propre corps (Eph. 5,28-31). Nous avons ici l’origine de ce qui fait de l’homme et de la femme un seul corps (Gen. 2,24): le Christ « qui est avant toute chose et en qui tout subsiste; il est la tête du corps, c’est-à-dire de l’Eglise » (Col. 1,15-17). Cette doctrine est appliquée au couple humain que Dieu a crée â son image (Gen. 1,26-27). Si la sexualité appartient à la création primitive, ce n’est pas cependant à ce fait qu’elle doit son caractère sacré: le prototype originel se référait déjà à la plénitude des temps (Gen. 4,4). La signification du couple devait déjà être entrevue dans le mystère des rapports entre Dieu et l’homme. L’amour de l’homme pour la femme a été signifié de manière suprême par le Verbe de Dieu qui a racheté l’humanité. La femme, par rapport à l’homme, trouve son vrai sens à cause du Verbe de Dieu, son Créateur et Rédempteur. Si bien que pour le christianisme, le type du mariage est réalisé dans l’Incarnation du Fils de Dieu, par laquelle toute l’humanité est introduite en une union d’amour indissoluble. La liturgie de l’Epiphanie a lié magnifiquement le thème des noces de Cana à celui de l’Alliance et du mariage: « Hodie coelesti Sponso iuncta est Ecclesia, quoniam in Iordane lavat Christus eius crimina: currunt curn numeribus magi ad regales nuptias, et ex aqua facta vino laetantur convivae (Antienne du Benedictus des Laudes). « Aujourd’hui l’Eglise est unie à son Epoux, car dans le Jourdain le Christ lave ses fautes; les mages s’empressent avec leurs présents aux noces royales, et les convives se réjouissent de l’eau devenue vin»?’
Ainsi dans l’Evangile de saint Jean, à l’eau de la purification des juifs, liée à l’Ancienne Alliance, est substitué le vin, signe de la Nouvelle Alliance dans le sang du Christ, et le thème de l’Alliance a comme toile de fond l’évènement de Cana dont le cadre est un mariage et un banquet nuptial.
On peut penser, évidemment, qu’il s’agit ici de la présentation littéraire et mystique d’un idéal que nous sommes incapables de vivre. Mais nous savons que, sur le plan de la foi, toute vie chrétienne est nuptiale et chaque chrétien vit ce mystère dans sa situation particulière et selon son charisme, non sans difficultés et sans luttes, divisé entre la chair et l’esprit (Gal. 5,16-17; Rom. 7,14-25). Saint Paul, conscient de ce drame, ajoute que, comme membre du Christ, de l’Eglise-Epouse, le chrétien a été purifié par le bain d’eau (Eph. 5,26). Il a été tiré de la corruption de l’humanité pécheresse pour respecter l’Alliance dans sa pureté. Aussi l’Apôtre ose-t-il dicter aux époux leur manière de vivre, une vie morale liée au sacrement de mariage par lequel se reproduit en eux le mystère nuptial du Christ. Les relations mutuelles du Christ et de l’Eglise deviennent ainsi principe et modèle pour la vie des époux (Eph. 5,21-32). Chacun d’eux, lié par l’Alliance et la communion avec Dieu, trouve la vraie union avec l’autre; l’amour charnel est transfiguré par l’amour et la charité; ils sont « une seule chose dans le Christ » (Gal. 3,27-28).

IV La Liturgie de Vatican II
Il faut bien le dire, à part le Lectionnaire qui offre des lectures spécifiant fort bien ce qu’est le mariage ainsi que ses fondements vétéro- et némtestamentaires, le rituel du mariage lui-même reste trop au niveau du juridisme, des promesses, trop exclusivement au niveau humain sacralité, sans suffisamment montrer qu’ici l’amour humain se surpasse dans l’Alliance, assumée par Dieu et réalisée pleinement en lui par son Fils dans l’Esprit.
Nous serions cependant injustes, si nous ne corrigions pas immédiatement ce que nous venons d’affirmer. En fait, jusqu’ici le mariage se faisait avant la célébration de la Messe, remontant ainsi à l’époque où les promesses étaient échangées à la maison ou, plus tard, « in facie ecclesiae ». Dans le rituel Vatican II, le sacre ment du mariage est introduit dans la célébration même de la messe, et aussi bien les lectures proclamées que la célébration eucharistique lui donnent la signification d’Alliance qui nous réclamions. Sans doute cela se réalise d’une manière trop discrète pour être évidente pour tous. Il aurait fallu que la formule même du mariage soit précédée d’une phrase qui puisse indiquer nettement et concrètement que la promesse faite par les époux reproduit celle de l’Alliance entre Dieu et l’humanité dans le Christ et l’Esprit, et que les époux deviennent ainsi pour le monde type de cette Alliance.
Si nous voulons préciser un peu davantage ces défectuosités du nouveau rituel, deux points seraient à retenir, en plus de celui que nous venons de souligner plus haut: le manque de référence à l’Alliance dans le sacrement lui-même, trop exclusivement centré sur le contrat et le fait que les époux se donnent mutuellement l’anneau. Cette coutume remonte déjà au XIe siècle, en Allemagne par exemple, tandis qu’en Normandie on garda très longtemps le rite de l’unique anneau donné à la femme par l’époux, rite qu’on voit encore pratiqué
Paris au XVe siècle et qui exprimait bien l’Alliance, celle du mari (Christ) avec son épouse (Eglise). On a glissé, de nos jours, vers un déplorable égalitarisme. En effet, il y avait là une complémentarité soulignée par la bénédiction réservée seulement à l’épouse et que la réforme de Vatican II a, cette fois, fait donner aux deux époux, autre forme d’égalitarisme assez simpliste.
N’eût-il pas été plus significatif de revenir à la pratique de l’unique anneau, en donnant une catéchèse de ce geste qui symbolise l’Alliance rendue possible par le Christ, et de laisser par ailleurs à l’épouse sa bénédiction qui la consacrait comme collaboratrice dans la construction du Royaume? e Ce sont là des suggestions qui pourront sembler bien loin des conceptions de l’anthropologie actuelle; mais, précisément, cette anthropologie ne devait-elle pas être dépassée et instruite, afin d’être élevée au niveau du don de Dieu et du Christ qui, avant tout, consacre l’Alliance et la fidélité?
Cependant, plutôt que d’en rester à la critique négative, voyons comment, pour sa part, le Lectionnaire a enrichi la théologie et l’expérience du mariage. Ici encore nous trouvons le recours à l’Ancien Testament et aux perspectives du Nouveau. Il n’est pas possible d’examiner toutes les lectures proposées au choix des époux. Nous voulons au moins en donner les références en les situant chacune brièvement.
Les lectures de l’Ancien Testament sont au nombre de huit. La première, tirée de la Genèse, raconte la création de l’homme et de la femme (Gen. 1,26-28, 31a). Nous avons souligné plus haut les implications théologiques de ce passage. Dans les deux autres lectures de la Genèse, nous trouvons une affirmation insistante de l’unité du mariage: « Les deux seront une seule chair » (Gen. 2,18-24) et la bénédiction de Rebecca: « O toi, notre soeur, puisses-tu devenir milliers de myriades et que ta race puisse conquérir la porte de ses ennemis » (Gen. 24,48-51, 58-67). Rebecca se voile en rencontrant son futur mari et Isaac introduit Rebecca dans la tente: « Il prit Rebecca comme femme et l’aima ».
Deux lectures du livre de Tobie sont encore offertes au choix. La première (Tob. Vulg. 7, 9c-10, 11c-17) nous donne une idée du rituel du mariage dans l’Ancien Testament: Raguel prend la main droite de sa fille et la met dans la main droite de Tobie en disant: « Le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob soit avec vous, qu’il vous unisse et accomplisse en vous sa bénédiction ». Ensuite est rédigé le document du mariage et ils mangent ensemble. La seconde lecture est prise en Tobie Vulg. 8,5-10. Ici le texte souligne comment le mariage juif ne peut se passer comme celui des païens. Suit la prière bien connue où nous trouvons l’affirmation que le mariage ne consiste pas seulement dans l’amour physique mais aussi dans celui d’une postérité.
Les trois autres lectures proposées sont celles que nous avons déjà rencontrées plus haut: le passage du Cantique des Cantiques (chap. 8) « L’amour est plus fort que la mort » dont nous avons souligné les particularités, entre autres cette vision paradisiaque du couple que le mariage chrétien voudrait concrétiser dans la vie d’aujourd’hui; le passage du Siracide (26,1-4; 16-21) décrivant les qualités de la bonne épouse; et celui de Jérémie (31,31-32a-33-34) qui annonce l’Alliance nouvelle, et laquelle nous trouvons l’archétype du mariage chrétien.
Comme secondes lectures, le lectionnaire propose onze textes écrits par les Apôtres, lettres ou vision de l’Apocalypse. La lettre de saint Paul aux Romains, au chapitre 8, a besoin d’être expliquée pour que son choix se justifie. Le centre de ce passage (Rom. 8,316-35; 37-39) est cette phrase: « Qui nous séparera de l’amour du Christ »? C’est une référence aux épousailles du Christ et de l’Eglise, et par conséquent à celles de tout chrétien, et particulièrement de ces deux époux qui deviennent types de l’Alliance. Un autre passage de la lettre aux Romains est proposé aux époux: « Offrez vos corps comme un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu » (Rom. 12,1-2; 9-18). Le texte se réfère au culte spirituel. On pourrait n’en rester ici qu’au plan de la vie morale, saint Paul énumérant par la suite les attitudes que ce culte exige.
Mais l’offrande de nos corps à Dieu se réalise, dans le mariage, par l’offrande mutuelle des corps; ainsi la sexualité s’insère dans cette oblativité, image de l’Alliance du Christ avec l’Eglise. Saint Paul écrit aux Corinthiens (I Cor. 6 13c-15a; 17-20): « Votre corps est le temple de l’Esprit ». Le corps du baptisé appartient au Seigneur et il est membre du Corps du Christ. Le texte cité plus haut le rappelle: si le chrétien est une personne libre, en raison même de sa liberté, la perversion lui est prohibée. Et certains mariages, tel celui contracté avec une prostituée, ne pourraient être qu’une profanation du Temple de l’Esprit. L’union au Christ est intime comme l’union charnelle, et le couple chrétien doit, dans ses relations, tenter d’imiter la sainteté de l’intimité divine, sans profanation aucune.
Dans la première lettre aux Corinthiens (12,31-13,8a), saint Paul affirme l’importance de la charité et en énumère les qualités. Cet enseignement convient à tous les chrétiens et à tous les moments de la vie; cependant, dans le contexte du mariage, il parait opportun de rappeler ce primat de la charité. Une autre lecture le fait encore: la lettre aux Colossiens (3,12-17) qui s’adresse encore à tous les chrétiens mais qui trouve bien sa place dans le contexte du mariage, car seule la charité permet l’oblation, le don total à l’autre, sans retour égoïste sur soi. La première lettre de saint Pierre, elle aussi, est un appel fervent à l’union entre frères.
Deux autres lectures sont tirées de la première lettre de saint Jean: l’une spécifie que l’amour doit se concrétiser « en actes et en vérité » (I Jn. 3,18-24); l’autre est l’affirmation que Dieu est amour (I Jn. 4,7-12): amour de Dieu pour son peuple et amour du Christ pour l’Eglise qui sont les archétypes du mariage, lequel devient lui-même présence de l’Alliance divine parmi nous. C’est ce mystère nuptial que présente Paul dans une autre lecture de la messe (Eph. 5,2a; 21-33) utilisée fréquemment dans les lectionnaires anciens: « Ce sacrement est grand, je l’affirme, dans le Christ et l’Eglise », qui est le point de départ de la théologie du mariage.
Le Lectionnaire de la messe de mariage comporte aussi dix péricopes évangéliques dont le choix a été délicatement réalisé et qui suppose de la part des futurs époux et du prêtre qui bénit leur union une réflexion quelque peu approfondie.
Quelques-unes concernent tous les chrétiens, mais s’adaptent à la situation concrète des mariés: ainsi les Béatitudes (Mt 5, 1-12). « Réjouissez-vous, car grande est votre récompense dans les cieux ». Le couple chrétien doit se préoccuper de réaliser en lui ces béatitudes qui guideront ses progrès et sa marche vers l’eschatologie. Nous l’avons rappelé, le thème de l’Alliance, du renouvellement, de la palingenèse est évoqué par saint Jean dans son récit des noces de Cana (In 2,1-11). Ce serait diminuer sensiblement la portée du choix de ce texte pour les noces chrétiennes, que s’attarder seulement au fait que le Christ les a bénites en y prenant part. Nous avons voulu insister, plus haut, sur la valeur de ce texte, indiquant comment la fête de l’Epiphanie lie ensemble le thème de l’Alliance et celui du mariage qui en est une reproduction. Les époux chrétiens sont donc « lumière » pour le monde. C’est ce que rappelle la lecture choisie dans saint Matthieu (5,13-16). Les époux sont lumière pour les autres chrétiens, parce qu’ils sont un signe de la réalisation de l’Alliance de Dieu avec son peuple et du Christ avec l’Eglise. «Cc que Dieu a uni, l’homme ne peut le séparer », c’est le thème d’une autrelecture (Mt 19,3-6). « Car ils ne sont plus deux mais une seule chair », affirme Marc dans une autre péricope proposée (Mc 10,6-9).
Plusieurs autres lectures magnifient l’amour; il est le plus grand commandement (Mt 22,35-40); il s’agit de s’aimer les uns les autres (Jn 15,12-16), de rester dans l’amour de Dieu (Jn 15,9-12). En fait, nous ne sommes pas seulement « réunis » dans le Christ, mais nous sommes « une seule chose » (Jn 17,20-26) et si cela vaut pour tous les chrétiens, cela est signifié plus concrètement par les époux; unis au Christ; ils «construisent leur maison sur le roc » (Mt 7,21; 24-29), et leur union peut résister à toutes les tempêtes, parce que fondée sur ce qui en est l’archétype: l’amour du Christ et de l’Eglise.
Comme nous le voyons, Vatican II a fait un grand effort pour offrir, à l’occasion du mariage, un choix de lectures qui en éclairent le fondement doctrinal. Nous aurions pu partir de ce Lectionnaire pour exposer l’apport chrétien à la doctrine du mariage que nous trouvons dans l’Ancien Testament. Cependant la liturgie n’est pas d’abord un cours ni un corps de doctrine. Il faut la laisser nous parler, car c’est le Christ lui-même qui nous parle et qui « proclame encore aujourd’hui son évangile »?
La liturgie chrétienne est donc en réelle continuité avec la liturgie juive du mariage. Cependant, ici comme pour l’Eucharistie par exemple, des formes semblables peuvent avoir un contenu plus riche et souvent nouveau.

Adrien Nocent, O.S.B. – Professeur de liturgie, à l’Institut Pontifical St. Anselme, Rome

 

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