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MAURICE BLONDEL OU LA PHILOSOPHIE AU SERVICE DE L’ÉVANGÉLISATION – UNE PRÉSENCE CHRÉTIENNE CONTAGIEUSE

16 juillet, 2013

http://www.zenit.org/fr/articles/maurice-blondel-ou-la-philosophie-au-service-de-l-evangelisation

MAURICE BLONDEL OU LA PHILOSOPHIE AU SERVICE DE L’ÉVANGÉLISATION

UNE PRÉSENCE CHRÉTIENNE CONTAGIEUSE

Rome, 12 juillet 2013 (Zenit.org) Robert Cheaib

La nouvelle évangélisation a plusieurs visages et tant de nuances. Ou plutôt, elle devrait en avoir pour compénétrer un tissu déchristianisé à divers degrés et pour différentes raisons, ou pour entrer en dialogue avec des terrains jamais christianisés.
Dans ce contexte il ne fait aucun doute que le témoignage vécu est important, ainsi qu’une foi mûre et capable de se décliner avec la capacité réceptive de l’homme contemporain. A cet égard la contribution charismatique que le pape François est en train d’apporter est prophétique.
Le Saint-Père est un témoignage vivant qui atteste de le fraîcheur de l’Evangile, de son actualité. Je suis en effet positivement surpris lorsque, à différentes occasions, je rencontre des amis qui étaient des anticléricaux invétérés et qui – sachant que j’appartiens au cercle des catholiques – sans être interpelés me parlent de sujets de foi vers lesquels, jadis, ils avaient des murailles invulnérables. Je me souviens d’une jeune fille – autrefois athée – qui me parlait de la « divinisation » à laquelle nous sommes appelés, comme nous le rappelle le pape François.
Mais il y a des catégories de personnes à ne pas oublier dans le processus de la nouvelle évangélisation. C’est la catégorie des penseurs, ceux qui cherchent Dieu en cherchant la vérité, en voulant la comprendre. La catégorie des boxeurs de la philosophie. Ceux qui – s’ils étaient touchés par la grâce – seraient de ces saints qui aiment Dieu surtout « par tout leur esprit ». Si je devais choisir un « saint » patron pour cette catégorie, je n’hésiterais pas à élire Maurice Blondel.

Quelques notes de biographie
Maurice Blondel est né à Dijon le 2 novembre 1861 dans une famille  naïvement religieuse qui a beaucoup influencé sa vision du monde. La vie de Blondel a lieu dans une France plongé dans le nihilisme et dans le scientisme idéologique, hostile à la foi chrétienne.
Il n’est pas exagéré de résumer l’élan de Blondel pour l’élaboration d’une « apologétique philosophique » du christianisme en utilisant l’objection qu’un vieux camarade de lycée fit un jour au très jeune philosophe : « Pourquoi serais-je obligé de l’enquérir et de tenir compte d’un fait divers survenu il y a 1900 ans dans un coin obscur de l’Empire romain, alors que je me fais gloire d’ignorer tant de grands événements contingents dont la curiosité appauvrirait ma vie intérieure? ».
En acceptant la légitimité de cette question, Maurice Blondel affirme l’inévitabilité d’établir la possibilité ou la réalité mais surtout la nécessité pour l’homme d’adhérer à la réalité surnaturelle. Aussi Blondel s’applique-t-il à connaître « l’état d’âme des ennemis de la foi », pour pouvoir leur donner les réponses les plus adéquates et les plus efficaces.

Un problème commun
Maurice Blondel essaya de combler le vide qui séparait la philosophie française de la fin du XIXème siècle et la foi catholique en posant un problème commun à l’intérêt de la philosophie et la foi: la question du sens de la vie. Son chef-d’œuvre L’Action commencer, en effet, par cette question: « Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens? ».
La problématique du sens brille à l’horizon de la personne en concomitance avec le fait tout simple et primordial d’exister, de ne plus être dans le néant, un néant que l’homme, même au prix du sang, ne peut plus acquérir, car désormais il existe et le néant pour lui n’existe donc plus.
L’Action exprime la recherche consciencieuse d’un point où greffer le surnaturel chrétien dans l’immanence de l’existence humaine. A partir de l’incipit et tout au long du parcours de sa thèse, Blondel est soutenu par la double fidélité au christianisme et à la raison.
Raisonner avec Blondel nous fait comprendre un fait capital: la Bonne Nouvelle (l’Evangile) serait vraiment tel s’il répondait à une soif enracinée et radicale dans l’homme. Cela n’implique pas que l’Evangile pourrait venir des exigences de l’homme. Maurice Blondel refusait radicalement ce genre de réduction ou de déduction. Ce que le philosophe d’Aix-en-Provence veut dire c’est que l’Evangile – divinement humain – suscite et ressuscite chez l’homme des dimensions et des ouvertures qui, autrement, s’éparpilleraient et se perdraient.

Synchroniser les ailes de foi et raison
L’objectif de cet article n’est pas de résumer la pensée de Blondel, mais de tracer brièvement son style et son intentionnalité. Nous pouvons dire que le profil de Maurice Blondel correspond parfaitement à la lecture que Jean Paul II fait de cette synergie entre la foi et la raison dans l’encyclique Fides et Ratio:
« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le connaissant et L’aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même ».
Si tout auteur sérieux féconde sa pensée à partir de sa vie et vice-versa, Maurice Blondel constitue un cas de fusion presque total entre la vie et la mission. Yvette Périco, une spécialiste de Blondel observe : «L’Action n’est pas seulement l’œuvre, mais la longue vie de Maurice Blondel. En lui, « pensée » et « vie » ont été unis dans une profondeur peu commune ».
La philosophie de Maurice Blondel puise à pleines mains  à son expérience de foi et sa propre formation spirituelle personnelle, nourrie à l’école de grandes figures comme Augustin, Bernard de Clairvaux et Ignace de Loyola.
Ce cheminement centré sur la recherche sincère propre à Blondel a savamment uni l’obsequium fidei au sapere aude, en unissant dans sa propre existence « l’angoisse de l’investigateur à la sérénité et confiante docilité de l’enfant ».  Il est convaincu que « la philosophie doit être la sainteté de la raison ».
Comme chrétien il ne pouvait pas dissocier sa croyance de sa pensée ; comme philosophe il ne pouvait assumer aucune donnée sans la faire passer au crible de la critique. Au regard de cette double fidélité, Blondel opte pour « la méthode des implications », en partant des expériences les plus immanentes et basilaires qui sont communes à tous pour arriver à un aréopage commun où proclamer le numineux, l’inconnu.
Dans sa jeunesse, Blondel a consacré de longues années au discernement, pour voir si le Seigneur l’appelait au sacerdoce. Dans une des pages de son journal intime il parle de la péricope de la guérison du possédé qui, après sa délivrance, prie Jésus de rester avec lui, mais le Seigneur le renvoie annoncer l’œuvre de Dieu à sa famille. Maurice Blondel arrive à comprendre, grâce au conseil d’un prêtre, que son appel est d’annoncer le Christ dans le monde.
Une image qu’il présente dans son journal rend mieux cette idée : «rester hors du sanctuaire pour orienter ceux qui sont hors de la foi et garder simplement avec une pieuse reconnaissance et une ferveur entretenue l’onction de cette pensée du sacerdoce qui m’a ouvert un chemin dont elle ne devait pas être le terme ».
« L’idée de sacerdoce » qui a animé tout le parcours de Blondel sera incarnée dans un « sacerdoce de la raison », et vécue par notre philosophe dans un ministère humble de recherche, d’apologie, de témoignage prophétique qui portera ses fruits dans la réflexion de divers philosophes et théologiens (Henri de Lubac, Auguste Valensin, Gaston Fessard, Henri Bouillard, etc) et dans la vie de tant de disciples et convertis (comme les philosophes et amis de Blondel Jacques Paliard et Paul Archambaul.  Alors que parmi les convertis émerge tout particulièrement la figure de Méhémet-Ali Mulla-Zade, turc, filleul de Blondel converti de l’islam et devenu ensuite Mgr Paul Mulla).
Qui a côtoyé notre auteur peut  dire comme  Xavier Tilliette : « ce penseur est un prêtre, enveloppé dans son habit sacerdotal, au milieu d’une foule de philosophes et théologiens, avec un secret dans son cœur: il porte l’écrin, le viatique, comme Tarcisius. Il transporte l’hostie de page en page, marque page fragile et lumineux, hôte inconnu sous ses « pseudonymes ».
*
Cet article est inspiré de l’œuvre de Robert Cheaib: « Itinerarium cordis in Deum », disponible sur le lien suivant:

http://http://www.amazon.it/Itinerarium-Prospettive-pre-logiche-meta-logiche-mistagogia/dp/8830812498/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1369996143&sr=1-1&tag=zenilmonvisda-21

LE RÔLE DES AUGUSTINS DANS LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION

13 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31111?l=french

LE RÔLE DES AUGUSTINS DANS LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION

Par le Prieur général, le P. Robert F. Prevost

Traduction d’Océane Le Gall

ROME, mardi 12 juin 2012 (ZENIT.org) – Les Ordres mendiants, nés il y a plusieurs siècles, ont aujourd’hui une valeur très importante que nous pouvons partager et offrir à l’Eglise, a expliqué le P. Robert F. Prevost, Prieur général de l’ordre de Saint-Augustin lors de la réunion des Supérieurs généraux des ordres Mendiants.
Le P. Prévost participera, ainsi que le cardinal Prosper Grech, également de l’Ordre de Saint Augustin, à la XIIIème assemblée générale ordinaire du Synode des évêques sur La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne qui se tiendra à Rome du 7 au 28 octobre prochain.
Les Supérieurs généraux des Ordres mendiants se sont réunis pour réfléchir précisément à ce qu’ils peuvent apporter à l’Eglise dans le cadre de ce synode et de cette nouvelle évangélisation. A ce propos, le P. Prevost pense que « leurs charismes peuvent aujourd’hui être utiles » et méritent d’être soulignés.
Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation est intervenu à leur rencontre pour parler du rôle que les religieux peuvent avoir dans ce domaine et sur les défis qu’ils sont appelés à affronter.
Dix membres de l’Union des supérieurs généraux ont été élus pour participer au Synode, dont 5 appartiennent aux Ordres mendiants : les Ministres généraux des Frères mineurs, Frères conventuels et frères capucins, le Maitre Général des pères dominicains et le Prieur général de l’Ordre de Saint Augustin.
Les ordres mendiants ont fait leur apparition au XIIIe siècle à un moment de profond changement pour la société marquée par la renaissance des villes et la naissance des universités.
Les nouveaux Ordres religieux conservent la dimension spirituelle et contemplative propre aux Ordres monastiques, leur mode de vie et de prière, mais mettent leurs communautés au service de l’Eglise.
Le Prieur général de l’Ordre de Saint-Augustin explique : « Dans le respect de nos charismes, nous pensons comme Ordres mendiants qu’il est important de nous rencontrer pour réfléchir à certains aspects de notre vie, en particulier à la pauvreté évangélique et la fraternité qui sont pour nous, Augustins, des éléments très importants. La vie commune est un élément fondamental de notre charisme auquel s’ajoute naturellement celui du service apostolique ».
Concernant le prochain synode sur la nouvelle évangélisation et la présence des Ordres mendiants aux travaux, le P. Prevost relève qu’ils y auront une « place importante » et se dit convaincu qu’encore aujourd’hui, de par leur expérience et leur histoire, leur identité et action, ces ordres ont « beaucoup à dire et à offrir » à la communauté chrétienne, « non pas individuellement en tant que frères, prêtres ou religieux, mais en tant que communauté et fraternité ».
Ainsi, durant leur réunion, pères et frères des Ordres mendiants ont beaucoup insisté sur cette dimension communautaire, se penchant sur la théologie de leur vie religieuse et sur les défis du monde actuel qui, selon eux, à encore aujourd’hui besoin du message qu’ils peuvent offrir.
Le P. Prevost a passé en revue les trois domaines d’action où les Augustins auraient leur part à jouer dans ce processus de la nouvelle évangélisation : le service pastoral selon le charisme de saint Augustin, le dialogue entre foi et raison, le témoignage de la fraternité, toujours et quoi qu’il arrive, partout où l’Eglise a besoin.
« Pour nous Augustins, a-t-il dit, il est important de fonctionner en termes de communauté. Nous sommes des frères consacrés et nous offrons au monde le témoignage que nous rendons sous les divers aspects de notre vie. Je parle de notre engagement de foi qui naît de notre vie spirituelle, de la dimension contemplative faite de silence, d’écoute, d’ouverture à la présence de Dieu, au mystère de la présence de Dieu. »
Face à toutes ces personnes qui, aujourd’hui, ne savent plus comment entreprendre une recherche de Dieu, thème de prédilection des Augustins, le P. Prevost pense que les religieux de l’Ordre de Saint-Augustin « ont des choses à dire ».
Mais dans cette optique, a-t-il ajouté, et « toujours ouverts à la mission de l’Eglise », il est important que les religieux se trouvent aussi « là où les besoins se font le plus sentir ».
« Notre ordre n’a jamais eu qu’une seule dimension dans son apostolat. Certes, la culture, l’étude, la recherche, et l’enquête théologique son bien présentes : encore aujourd’hui beaucoup d’Augustins travaillent dans ces domaines et ils peuvent contribuer à la mission de l’Eglise dans un monde qui change rapidement. »
« Répondre aux défis du monde d’aujourd’hui dans ce domaine », est très important estime le P. Prevost : « Le pape, citant aussi saint Augustin, parle de la nécessité d’un binôme foi et raison : je pense que nous, Augustiniens, nous avons un devoir qui nous attend dans cette nouvelle ».
Le prieur général de l’Ordre de Saint-Augustin souligne un autre champ d’action : « Vivre un mode de vie communautaire qui peut être un modèle pour le monde, aujourd’hui en crise au niveau économique et au plan de la dignité des personnes ».
« En tant que communautés dites ‘internationales’, nous pouvons être une présence prophétique qui dit au monde qu’il est possible de vivre ensemble, qu’il est possible de surmonter les différences en reconnaissant la valeur des différentes cultures et indiquant la voie qu’il faut prendre pour marcher ensemble », a fait remarquer le P. Prevost, avant de conclure : « En tant qu’Ordre de Saint-Augustin, nous pouvons aussi être ‘témoignage’, et encourager d’autres à vivre en dialogue, compréhension, justice et acceptation de la dignité des personnes pour marcher ensemble vers le Royaume ».

Les grandes étapes de l’évangélisation

25 novembre, 2011

du site:

http://qe.catholique.org/4058-les-grandes-etapes-de-l-evangelisation

Les grandes étapes de l’évangélisation

L’évangélisation -comme la sainteté à laquelle elle conduit- est un travail de longue haleine : ce travail commence sur soi-même avant de rayonner sur les autres et il est surtout le fruit durable de communautés ecclésiales vivantes, unies et missionnaires, avant de devenir par osmose, l’œuvre de toute l’Eglise au fil des siècles.
L’Eglise du Christ, parce qu’elle est faite d’hommes, a continuellement besoin de se réformer pour être fidèle à sa mission. C’est pourquoi, à chaque époque de renouveau, l’Esprit Saint suscite des maîtres et des témoins qui entraînent l’Eglise sur le chemin d’une « nouvelle évangélisation » ; celle-ci revêt alors des aspects différents selon les époques, les lieux et les cultures. Il s’agit toujours avec les force de l’Esprit Saint, de témoigner et d’annoncer le Christ. Si nous observons les nouveautés de l’Histoire, nous pouvons distinguer dans le flux et le reflux de la montée du christianisme des vagues de plus forte amplitude qui peuvent servir de repères. Pour chaque étape, nous mettrons en relief une figure particulièrement significative.

Une Bonne Nouvelle transmise de personne à personne
A partir de l’Eglise de Jérusalem – issue de la Pentecôte et consciente de sa nouveauté par rapport à la communauté juive où elle est née- la première évangélisation s’est développée dans les pays du Proche-Orient et du pourtour méditerranéen jusqu’en Mésopotamie et en Arménie à l’Est, et aux Iles Britanniques à l’Ouest. Cette époque est marquée par la persécution de la part des autorités juives et du pouvoir romain. Pierre et les apôtres, Philippe et de nombreux chrétiens, Paul après sa conversion, ne ménagent pas leur peine, annonçant à tous la nouvelle extraordinaire et joyeuse de Dieu, venu sur la Terre où il est mort et ressuscité, continuant de vivre au milieu de ses disciples. Cette « bonne nouvelle » attirait beaucoup de personnes qui vivaient l’expérience de la misère et de l’injustice, mais pressentait la grandeur et la bonté du vrai Dieu. C’était, dans le Christ, la découverte du créateur de l’univers, non pas lointain mais proche, parce que fait homme, et la découverte de son dessein sur les hommes, non pas abstrait mais concret et plein d’amour. C’était la révélation de la « folie » de la croix, qui change toute douleur en amour et fait de chaque moment de la vie une étape vers la plénitude du bonheur, en Dieu. C’était la découverte de l’amour réciproque, qui faisait dire aux païens jusque dans l’arène des martyrs : « regardez comme ils s’aiment ». Si l’évangélisation est surtout le fait de pionniers, comme Paul, tous ont conscience de la mission : la vie exemplaire des premiers chrétiens attirait les contemporains de manière capillaire et silencieuse. La « bonne nouvelle » se transmettait de l’un à l’autre par les parents, les amis, les commerçants, les voyageurs… Lorsqu’en 313 l’empereur Constantin libère l’empire de son carcan païen et reconnaît la liberté de conscience et de culte, il fait droit à une situation de fait : les forces vivent de l’empire sont devenues chrétiennes.

L’esprit chrétien pénètre mentalités et institutions
La période qui s’étend du Vème au Xème siècle marque l’écroulement de la « chrétienté antique », de culture gréco-romaine, et la lente formation de la « chrétienté médiévale », de style « féodal » en Europe. A l’époque brillante des Pères de l’Eglise (IVème siècle) succèdent de longs siècles apparemment obscurs (Vème- Xème siècle). Mais cet « hiver », qui suit le temps des fruits mûrs, porte la sève d’un printemps nouveau. Le « Moyen-Âge » (entre « l’Antiquité » et les « Temps modernes ») commence avec les grandes migrations vers le sud des peuples du nord de l’Europe (Vème et VIème siècle) et se prolonge jusqu’à l’éclosion de l’humanisme de la Renaissance (XIVème et XVème siècle). L’esprit chrétien survit à la chute de l’empire romain d’Occident (476) et pénètre peu à peu les mentalités et les institutions nouvelles, s’efforçant de les modeler selon l’idéal évangélique. L’évangélisation et la civilisation des « barbares » – comme on appelait les peuples nordiques qui avaient envahi l’empire- fut surtout l’œuvre des moines et des papes. Deux grandes figurent dominent cette deuxième grande vague d’évangélisation : Benoît (vers 480 -547) e, fondateur des bénédictains, et Grégoire « le Grand » (540-604), pape. Vers l’âge de 20 ans, Benoît, originaire de Nurcie, en Ombrie, quitte Rome où il est étudiant, pour suivre « son désir de plaire à Dieu seul ». Après une alternance de vie solitaire et de vie commune avec des moines, Benoît émigre avec quelques disciples vers le sud. Ils entreprennent l’évangélisation de la région et construisent le monastère du Mont Cassin que Benoît gouvernera jusqu’à sa mort. L’œuvre de Saint Benoît se poursuivra à travers les siècles grâce à la « Règle », le code de vie qu’il avait rédigé pour ses moines dont « Ora et Labora » (prie et travail) est le mot d’ordre. Les abbayes et monastères couvrent bientôt l’Europe et deviennent des oasis de charité et de paix, des modèles et des écoles de vie sociale dans le bouillonnement des peuples du haut Moyen-Âge.

Renouveau spirituel avec Bernard, François, Dominique
Après une période assombrie par les guerres, les épidémies et la famine (fin IXème -début XIème siècle), l’Europe connaît une paix relative : le commerce se développe, des villes se fondent et s’agrandissent. A côté des chevaliers et des paysans, se développe la classe des bourgeois, marchands et artisans des villes et des bourgs. D’autre part, après la rupture malheureuse du « schisme d’Orient », entre l’Eglise de Rome et celle de Constantinople (1504), une troisième grande vague de renouveau spirituel se prépare avec des saints comme Bernard de Clairvaux qui, en 1112, avec 30 compagnons, entre à l’abbaye de Cîteaux. L’exemple des cisterciens entraîne beaucoup de chrétiens dans le mouvement du renouveau : laïcs, clercs, religieux, membres de la curie romaine. Dans la foulée du VIème concile de Latran (1215), la nouvelle évangélisation voit le jour avec « deux colonnes de l’Eglise » : François avec la pauvreté et Dominique avec la science. Face à l’absolutisme des princes et des évêques, souvent plus seigneurs que pasteurs, face à l’âpreté du gain qui provoquait tant de luttes intestines, beaucoup aspirait à une fraternité plus réelle entre les hommes.

L’incrédulité combattue par l’amour et non la force
Fils d’un riche marchand drapier d’Assise, le jeune François (1182-1226) était épris d’idéal chevaleresque, mais Dieu lui fait comprendre qu’il avait mieux à faire que de se mettre au service d’un seigneur de la terre. L’âme en fête, il se met à parcourir le pays vivant d’aumônes et prêchant le pardon et la fraternité selon le cœur de Dieu. A la différence des « vaudois » (pour qui seules comptaient les Ecritures, sans clergé ni sacrements) et des « cathares » ( qui voyaient le Bien et le Mal absolus se faire la guerre dans le champ clos de l’humanité), novateurs hérétiques qui divisaient la chrétienté, François ne pense pas à réformer l’Eglise mais à ressembler au Christ dans la pauvreté parfaite. Les disciples affluent : bourgeois, artisans, chevaliers, paysans, prêtres. Ainsi naît la famille fransiscaine (1210). Le « poverello » lance ses frères sur les chemins du monde pour gagner les âmes au Christ : Italie, France, Espagne, Hongrie, Allemagne, Proche-Orient, Egypte, Maroc… Son influence est immense : il est à l’origine d’un nouveau style de vie chrétienne. Donnant la primauté à l’exemple sur la parole, il a rénové l’esprit missionnaire. L’incrédulité doit être combattue par l’amour et non par la force, en prêchant plutôt qu’en luttant : c’est l’abandon du style des croisades et par avance la condamnation de l’Inquisition. Le renouveau se répand dans le peuple grâce au « Tiers Ordre ». formé de milliers de chrétiens, qui ne pouvant entrer au couvent, se groupent en fraternités laïques liées à l’Ordre, pour vivre sa spiritualité et seconder son apostolat. Franciscains et dominicains ont contribué à intérioriser les convictions religieuses des fidèles. L’instruction, jusqu’ alors réservée aux clercs, a progressé dans le peuple de Dieu et permis à un plus grand nombre de laïcs de s’exprimer, y compris sur les questions de la foi.

Premiers humanistes et Réforme
Affaiblie par le » schisme d’Occident », l’Eglise se trouve confrontée au vaste mouvement de la Renaissance (début XVème -fin XVIème siècle), qui accompagne l’accroissement de la population, le développement du commerce et de la finance et les grandes inventions scientifiques et techniques. Le progrès de l’imprimerie favorise la circulation des idées (1440). L’usage de la boussole renouvelle l’art de la navigation et rend possible des grands voyages d’exploration (Christophe Colomb « découvre » l’Amérique en 1422). En 1543, Nicolas Copernic élabore le système héliocentrique (le soleil et non la terre au centre du mouvement des planètes). Les mentalités changent, l’esprit critique se développe. Le Moyen-Âge était centré sur la religion avec une tendance à l’objectivité ; l’époque nouvelle porte son attention sur l’homme dans la subjectivité. Cependant les premiers « humanistes » sont chrétiens : Erasme, Thomas More, Guillaume Budé… comme les grands artistes : Fra Angelico, Raphaël, Michel Ange, Léonard de Vinci… Dans cette fermentation des esprits qui représente la crise de puberté du monde moderne, les responsables de l’Eglise auraient dû se comporter en éducateurs, mettant leur contemporains devant l’idéal évangélique : transformer en rapport de liberté, la subordination de l’homme médiéval au principe d’autorité, travailler à intérioriser la foi dans le cœur des fidèles, au lieu de l’imposer… Malheureusement, ceux qui gouvernaient l’Eglise à ce moment là étaient plus ou moins impliqués dans la crise qu’ils auraient dû guérir. C’est sans aucun doute les causes profondes de l’effritement de l’unité chrétienne avec Luther (en 1521), Calvin (en 1533) et Henri VIII d’Angleterre (en 1583).

Vers les autres continents
Face aux abus et aux scandales qui s’étaient répandus « de la tête aux membres », l’Eglise connaît enfin une vague de réforme, malheureusement tardive, avec le Concile de Trente (1545-1563) et les saints, qui ont été promoteurs de son actualisation : c’est le 4ème grand mouvement de retour au sérieux de l’Evangile. L’évangélisation fait des progrès en Afrique, en Asie du Sud-Ouest (Philippines) et en Amérique Latine avec des missionnaires issus d’ordre religieux anciens et nouveaux. Charles Borromée (1538-1584) est l’âme de la réforme catholique en Europe : cardinal et secrétaire d’Etat à 21 ans, jeune archevêque de Milan, il réalise en sa personne le modèle du pasteur, proposé par le Concile travaillant à redonner aux prêtres le goût de la prière et de l’apostolat, accomplis « avec amour » : « C’est ainsi que nous aurons la force d’engendrer le Christ en nous et chez les autres ». Il fonde plusieurs séminaires, visite régulièrement les paroisses et jette les bases du célèbre « catéchisme » du Concile de Trente. Parmi les nombreux fondateurs de l’époque, Ignace de Loyola (1491-1556), chevalier espagnol, comprend que Dieu le veut à son service. Il fait retraite au monastère de Monserrat, en Catalogne, donne son épée et son cheval aux moines, son bel habit à un mendiant et, simplement vêtu, se rend à Manrèse, une ville des environs, où il soigne les malades de l’hôpital. C’est là qu’il rédige les « Exercices Spirituels », fruit de sa rencontre avec Dieu. En 1528, à Paris où il étudie, se forme le premier noyau de la « Compagnie de Jésus » (les jésuites), approuvée par le pape en 1540. La compagnie donnera des missionnaires magnifiques tels que François-Xavier (1506-1552), l’apôtre de Goa, du Malacca et du Japon ; beaucoup d’entre eux mourront martyrs.

De l’autodéfense au service de la société
Le temps qui sépare le Concile de Trente (XVIème siècle) et le second Concile du Vatican (XXème siècle) correspond à une période où l’Eglise vit en autodéfense. La contestation s’est d’abord attaquée à la structure hiérarchique et sacramentelle, au nom d’une Eglise spirituelle, s’appuyant presque uniquement sur la Parole de Dieu (la justification par la « foi seule ») : ce fût l’essor du protestantisme sous tous ses aspects (XVIème siècle). La critique s’est ensuite attaquée à la Parole de Dieu, c’est-à-dire à la Révélation au nom de la raison. La foi est mise en doute par la raison : c’est le rationalisme du XVIIIème siècle qui triomphe avec la Révolution française (intronisation de la déesse « raison » dans la cathédrale de Paris en 1793). Enfin on nie l’existence même de Dieu au nom d’une conception matérialiste de l’univers : c’est l’athéisme des XIXème et XXème siècles avec Freud, Marx, Nietzsche… Après la « mort de Dieu », proclamée par les athées, se profile la mort de l’humanité par une apocalypse atomique ! Durant cette période, notre monde a traversé révolutions, guerres civiles et mondiales, génocides, etc… Faces aux besoins immenses de l’humanité, l’Eglise -grâce aux congrégations nouvelles et anciennes- a continué d’éduquer la jeunesse, de secourir les pauvres, de soigner les malades, de prêcher des missions… Si l’Eglise a perdu son influence sur de larges couches sociales, traditionnellement catholiques, la conscience chrétienne s’est affinée et le christianisme a progressé dans le monde (2 milliards de chrétiens dont 1 milliard de catholiques). Les chrétiens « séparés » commencent à se rencontrer et avancent sur le chemin de la réconciliation, grâce au mouvement œcuménique. Avec la page de l’ouverture du monde moderne et de la première encyclique sociale préparée par des Papes clairvoyants comme Léon XIII (1878-1903), l’Eglise catholique connaît un renouveau spirituel et missionnaire avec le Concile de Vatican II (1962-1965) et les « mouvements ecclésiaux », qui représentent un véritable don de Dieu pour la nouvelle évangélisation et pour l’activité missionnaire (Jean-Paul II Redemptoris Missio). L’Eglise a pris une conscience plus claire de sa nature, réalisé sa réforme (plus de collégialité à tous les niveaux) et entrepris une approche plus juste du monde contemporain.

En dialogue avec le monde
Aujourd’hui, malgré la déchristianisation, la sécularisation et le développement des sectes nous commençons par être portés par la « lame de fond » du retour à Dieu dans notre société. C’est la 5ème grande vague d’une « nouvelle évangélisation » qui ne fait que commencer et qui va s’amplifiant, en raison d’une convergence entre le message de l’Eglise et l’attente de l’humanité. Après avoir vécu en autodéfense, l’Eglise n’a plus peur : elle est entrée en dialogue, tous azimuts avec le monde. Les XXIème siècle laisse espérer qu’il sera celui de grandes découvertes spirituelles au service de la paix et de la fraternité universelle. La figure de Jean-Paul II est particulièrement remarquable, lui, qui à l’imitation de l’apôtre Paul, parcourt le monde pour affermir les Eglises dans la foi et les entraîner à travailler avec lui à la régénération de l’humanité, invitant tous ses frères, les hommes, à ouvrir les portes au Rédempteur. Grâce à lui, le Pape n’apparaît plus seulement comme le directeur des catholiques , mais comme le défenseur des droits de Dieu et de chaque personne humaine. Comme Grégoire le Grand -avec l’aide des moines- a sauvé l’Eglise et la civilisation du danger des barbares en travaillant à leur évangélisation, de même face aux idéologies modernes qui ont engendré des politiques tyranniques porteuses de tant de souffrances, Jean-paul II, secondé par le clergé, les mouvements et les communautés nouvelles ou renouvelées dans l’esprit du Concile, reporte l’Eglise à sa mission, tout en mettant la base d’un nouvel humanisme. Ce ne sont pas les idéologies mais la foi, qui transforme le monde de manière durable et bénéfique. Les nouvelles générations, stimulées par les « Journées Mondiales de la Jeunesse » se préparent suivant le voeu de Jean-Paul II à faire des diocèses, paroisses, communautés, mouvements et associations, des « lieux et des écoles de communion » pour le monde.

Michel LEMONNIER (dominicain)

LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION, PAR LE CARD. CLAUDIO HUMMES

23 février, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-27050?l=french

LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION, PAR LE CARD. CLAUDIO HUMMES

« Face au nouveau paganisme »

ROME, Lundi 21 février 2011 (ZENIT.org) – « Face au nouveau paganisme », est le titre de la réflexion sur la nouvelle évangélisation, du cardinal Claudio Hummes, préfet émérite de la Congrégation pour le clergé, publiée par L’Osservatore Romano en langue française du 17 février 2011.
« Face au nouveau paganisme »
Avec le motu proprio Ubicumque et semper, Benoît XVI a institué le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, motivé par l’urgence missionnaire incontestable et complexe face à laquelle se trouve aujourd’hui l’Eglise, et par les circonstances actuelles particulières à affronter. Ainsi, encore une fois, notre bien-aimé Pape nous envoie, avec la force de l’Esprit Saint, pour accomplir joyeusement le mandat du Seigneur Ressuscité : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19).
Depuis le début de son pontificat, Benoît XVI parle de l’urgence missionnaire. En 2005, s’adressant aux évêques allemands, il disait déjà : « Vous-mêmes, chers confrères, vous avez affirmé (…) ‘Nous sommes devenus une terre de mission’. Cela vaut pour de grandes parties de l’Allemagne. C’est pourquoi je considère que dans toute l’Europe (…) nous devrions réfléchir sérieusement sur la façon dont aujourd’hui nous pouvons réaliser une véritable évangélisation, pas seulement une nouvelle évangélisation, mais souvent une véritable et réelle première évangélisation. Les personnes ne connaissent pas Dieu, ne connaissent pas le Christ. Il existe un nouveau paganisme et il n’est pas suffisant que nous cherchions à conserver le troupeau existant, même si cela est très important ». En de nombreuses autres occasions, Benoît XVI est revenu sur le thème de l’urgence missionnaire.
Au Brésil, en inaugurant la cinquième Conférence générale de l’épiscopat de l’Amérique latine et des Caraïbes, en 2007, le Pape affirma : « La foi en Dieu a animé la vie et la culture de ces pays durant plus de cinq siècles. (…) Actuellement, cette même foi doit affronter de sérieux défis, car le développement harmonieux de la société et l’identité catholique de ses peuples sont en jeu ». A la fin, la Conférence décida de lancer une mission continentale permanente.
En effet, en Amérique latine, et en particulier au Brésil, la croissance irréfrénable des sectes pentecôtistes et la déchristianisation, conséquence de l’avènement de la culture post-moderne sécularisée, relativiste et laïciste, sont la cause d’une forte diminution du nombre de personnes qui se déclarent catholiques. Aujourd’hui, sur le continent latino-américain, les catholiques courent le risque réel d’être réduits à moins de la moitié de la population.
Dans son motu proprio, Benoît XVI indique là où la nouvelle évangélisation est la plus urgente, c’est-à-dire « en particulier dans les régions d’antique christianisation », comme l’Europe, et dans d’autres où « sont conservées de manière très vivante des traditions de piété et de religiosité chrétienne, mais ce patrimoine moral et spirituel risque aujourd’hui d’être perdu sous l’impact de multiples processus, dont la sécularisation et la diffusion des sectes ».
« Seule une nouvelle évangélisation peut assurer la croissance d’une foi transparente et profonde », affirme le Pape. Il s’agit tout d’abord de nous lever et d’aller à la rencontre des catholiques qui se sont éloignés: ceux que nous, l’Église, nous avons baptisés et que nous avions alors promis d’évangéliser, mais nous n’avons malheureusement pas fait avec succès, en raison de nombreuses circonstances contraires ou par omission, à accomplir ou à renouveler continuellement.
Le défi est de leur apporter ou de leur porter à nouveau la première annonce du Seigneur ressuscité et de son Royaume, pour les conduire à une rencontre forte, personnelle et communautaire avec Jésus Christ vivant et offrir ainsi l’opportunité d’adhérer profondément et personnellement au Seigneur. Même l’homme et la femme de la post-modernité peuvent être à nouveau touchés par une rencontre personnelle avec le Christ, mort et ressuscité. Les premiers destinataires de la nouvelle évangélisation sont cependant tous les pauvres des villes et des campagnes

L’Osservatore Romano – 17 février 2011