« Je veux voir Dieu », du P. Marie-Eugène de l’Enfant Jésus
11 mars, 2010du site:
http://www.zenit.org/article-23730?l=french
« Je veux voir Dieu », du P. Marie-Eugène de l’Enfant Jésus
Par le P. Louis Menvielle, à l’occasion d’une publication récente
ROME, Mardi 9 mars 2010 (ZENIT.org) – Les éditions du Vatican viennent de publier une nouvelle traduction en italien de l’ouvrage : « Je veux voir Dieu », du Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, carme et fondateur de l’Institut Notre-Dame de Vie. Le Père Louis Menvielle est vice-postulateur de la cause de béatification de l’auteur. Il a accepté de présenter l’auteur et son œuvre au rayonnement international, aux lecteurs de Zenit, alors que s’approche l’anniversaire de sa « naissance au ciel », le 27 mars.
Zenit – Qui est le Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus ?
Père Louis Menvielle – C’est un carme déchaux français de la première moitié du 20ème siècle (1894-1967). Henri Grialou (c’est son nom séculier) est né dans un modeste foyer de mineur de l’Aveyron, dans le centre de la France. Saisi par Dieu depuis qu’il est tout petit, il désire être prêtre. Au petit séminaire, il découvre la petite sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus. Nous sommes en 1908, il a 13 ans : il reste définitivement marqué par cette amitié surnaturelle qui influera sur sa vie et sur sa mission. Un père carme écrira de lui qu’il est un des meilleurs spécialistes de la petite Thérèse.
Au grand séminaire, il découvre saint Jean de la Croix et se sent fortement saisi par le réformateur carme espagnol du 16ème siècle : il comprend qu’il est appelé à marcher à sa suite et à lui ressembler. Sur son lit de mort, il avouera : « Au fond de mon âme, c’est avec saint Jean de la Croix que je vis ».
C’est ainsi qu’il entre au noviciat des carmes dès son ordination sacerdotale, en février 1922. Il apprend à connaître Thérèse d’Avila, la grande réformatrice du carmel, et trouve en elle la mère des spirituels qu’il décrit : « ardente et lumineuse…, sublime et équilibrée, une âme royale, maternelle et divine, le génie humain en ce qu’il a de plus concret et de plus universel » (Je veux voir Dieu, p. 443). Dès le noviciat, il fait de très hautes expériences mystiques qui marqueront toute sa vie.
1923, 1925, 1926, c’est la période de la béatification et de la canonisation de Thérèse de Lisieux, puis de la proclamation de Jean de la Croix comme Docteur de l’Eglise. Notre jeune carme (28-31 ans) prêche beaucoup en divers milieux français et perçoit partout, en particulier chez les laïcs, une soif spirituelle qui trouve une réponse adaptée dans l’enseignement du carmel. Il comprend alors que sa mission est de « conduire les âmes à Dieu » et de les former à l’union de la contemplation et de l’action en leur montrant le chemin de l’oraison et de la vie dans l’Esprit.
1929, quelques jeunes femmes qui veulent se donner à Dieu lui demandent de les guider. Elles réalisent peu à peu la pensée qu’il avait de former un groupe où l’on unirait action et contemplation en plein monde pour porter Dieu là où les hommes ne le connaissent pas. Le don du sanctuaire de Notre-Dame de Vie, en Provence (Venasque), lui permet d’y commencer son œuvre. L’Institut Notre-Dame est né (1932).
1937 : le Père Marie-Eugène est élu conseiller général des carmes à Rome et le restera 17 ans. A la mort du père général, il dirige l’ordre pendant dix huit mois, jusqu’au chapitre de 1955. C’est pendant cette période romaine que Pie XII le nomme visiteur apostolique des carmels de France et lui demande de les unir en fédération. Travailleur infatigable, il trouve aussi le temps de publier en deux tomes son maître ouvrage : Je veux voir Dieu (1949 et 1951).
En 1955, il rentre en France où il pourra s’occuper de plus près de sa fondation sans oublier sa province carmélitaine d’Avignon puisqu’il exerce son troisième mandat de provincial des carmes lorsqu’il meurt, le 27 mars 1967.
Zenit – Où en est sa cause de béatification ?
Père Louis Menvielle – Sa cause de béatification est ouverte depuis 1985 et les enquêtes diocésaines sur les vertus héroïques et sur le miracle sont aujourd’hui en attente de jugement à la Congrégation pour les causes des saints à Rome. Les témoignages révèlent qu’à travers le monde, ceux qui le connaissent trouvent en lui à la fois un père qui se penche sur toutes les détresses qu’on lui présente, et un maître qui fait entrer, par la foi, dans le mystère de Dieu, et conduit à la sainteté par les chemins de l’oraison et de l’apostolat sous la motion de l’Esprit Saint.
Dans la préface de la traduction italienne de « Je veux voir Dieu », le cardinal Cottier o.p., théologien émérite de la Maison pontificale, voit en lui un précurseur du Concile Vatican II.
Zenit – Avant de parler de l’ouvrage : « Je veux voir Dieu », finissons de présenter l’auteur : qu’est devenu l’Institut qu’il a fondé ?
Père Louis Menvielle – De fait, « Je veux voir Dieu » est né de l’enseignement qui a présidé à la fondation de Notre-Dame de Vie. Il explique dans l’avant-propos du livre comment il a dû donner cet enseignement du carmel pendant plusieurs années à un groupe de professeurs de l’enseignement secondaire et de l’université. C’est à la fin d’une de ces conférences, que des jeunes femmes, que j’ai déjà mentionnées, lui ont dit leur disponibilité pour réaliser la pensée qu’il portait.
Notre-Dame de Vie est aujourd’hui un institut séculier de droit pontifical, composé de trois branches autonomes : prêtres diocésains et laïcs, hommes et femmes. Aux 600 membres de l’Institut répartis sur les différents continents, s’ajoute une centaine de foyers. En plus des prêtres diocésains, quelques prêtres incardinés dans l’Institut répondent à ses besoins plus immédiats comme, par exemple, dans le Studium de Notre Dame de Vie, à Venasque, qui est une structure internationale de formation théologique, spirituelle et sacerdotale délivrant les diplômes de licence et de master (reconnus par Rome et correspondant aux accords de Bologne).
Zenit – Que dire de cette œuvre maîtresse « Je veux voir Dieu » ?
Père Louis Menvielle – Conduire les hommes à Dieu. Voilà le but du livre. Le titre le dit bien : « je veux voir Dieu ».
Ce titre, c’est d’abord le cri de Thérèse d’Avila enfant qui a expliqué à ses parents pourquoi elle voulait partir se faire décapiter chez les Maures : « Je veux voir Dieu, et pour voir Dieu, il faut mourir ». Ce cri, c’est bien l’expression de la soif, consciente ou non, de toute femme, de tout homme créé par Dieu. Regardez comment le Catéchisme de l’Eglise catholique commence avec le paragraphe sur le désir de Dieu et finit par la partie morale avec ce cri : « Je veux voir Dieu ».
Avant de voir Dieu face à face, au Ciel, on est appelé à le rencontrer dès maintenant dans la foi. Vivant du charisme du carmel et pétri de son enseignement qu’il a assimilé grâce à sa propre expérience mystique, le Père Marie-Eugène prend son lecteur par la main dès les premières pages du livre et le conduit à travers les chapitres sur le chemin de la croissance spirituelle qui aboutit à la plénitude de notre vocation baptismale, ce que l’on appelle la sainteté.
Un tableau général en début d’ouvrage indique bien la structure de la vie spirituelle et la répartition des chapitres du livre. Les deux premières parties présentent les fondements de la vie spirituelle et décrivent les toutes premières étapes que franchissent ceux qui se mettent en marche. On y découvre l’oraison, cet « échange d’amour où l’on s’entretient souvent, seul à seul, avec ce Dieu dont on se sait aimé » (Thérèse d’Avila), on prend l’habitude de rechercher ce Dieu vivant qui appelle secrètement, on apprend la fidélité au Christ.
On se prépare ainsi aux ascensions suivantes qui sont un pur don de Dieu. Elles conduisent à la ressemblance d’amour avec le Christ et à la disponibilité sous la motion de l’Esprit pour construire l’Eglise avec lui : c’est le thème des trois dernières parties. Je signale en particulier la troisième, qui donne les principes essentiels de cette vie « spirituelle », et la cinquième, qui décrit la plénitude de l’amour. « Je veux voir Dieu », décrit comment on grandit dans l’amour, comment on se livre à l’action de l’Esprit, comment on unit l’action et la contemplation, comment on devient un apôtre pour l’Eglise.
Zenit – A qui s’adresse cet ouvrage ?
Père Louis Menvielle – Le Père Marie-Eugène a toujours voulu atteindre tout le monde. « Des gens qui cherchent Dieu, il y en a partout. Ah, si je pouvais les atteindre tous et leur parler de l’Amour infini ! », s’est-il exclamé un jour. « Je veux voir Dieu », est un moyen de les atteindre pour leur parler de l’Amour infini. Ce livre parle de Dieu et du moyen de le rencontrer pour se livrer à son action transformatrice. De ce point de vue, il est accessible à tous. C’est un vade-mecum pour la marche vers la sainteté. Les témoignages de laïcs sans formation spéciale ou de jeunes en formation spirituelle ou de formateurs abondent : n’importe qui peut trouver la nourriture qu’il recherche pour prier et participer à la mission de l’Eglise.
Dans la préface, le cardinal Cottier écrit que « Je veux voir Dieu » est non seulement un « guide spirituel », mais aussi un « traité de théologie mystique ». En effet, la compétence intellectuelle et spirituelle de l’auteur, l’ampleur et la précision du sujet en font aussi un ouvrage de référence incontournable en théologie spirituelle. Des professeurs l’utilisent pour leurs cours, des étudiants le prennent comme base pour leurs travaux de mémoire ou de thèse. Mais que les intellectuels prennent garde : dans ce livre, les principes sont au service de la vie. Le mot « pratique » revient 223 fois. C’est la priorité du Père Marie-Eugène : l’enseignement le plus rigoureux doit conduire aux réalisations concrètes de la croissance vers la sainteté.
Zenit – Pourquoi en avoir fait une nouvelle traduction italienne ?
Père Louis Menvielle – La première édition (1949-1951) était en deux volumes : « Je veux voir Dieu » et « Je suis fille de l’Eglise ». Très vite le Père Marie-Eugène s’est rendu compte que la présentation de la croissance spirituelle est un tout qu’on ne peut diviser en deux ouvrages séparés. Il a donc réuni les deux tomes en un seul volume avec le titre général : « Je veux voir Dieu ». Une première traduction italienne avait été faite dans les années 1950 et publiée sous les titres : « Voglio vedere Dio » et « Sono figlia della Chiesa », qui correspondent aux deux volumes parus au départ. Comme la première édition italienne est épuisée, une nouvelle traduction a été réalisée par Maria Rosaria Del Genio et vient d’être publiée aux éditions du Vatican.
La préface du cardinal Cottier montre comme ce livre reste d’actualité. Il y a quelques années, le général des carmes le qualifiait de « chef d’œuvre », de « somme de vie spirituelle » et plaçait son « auteur parmi les grands maîtres de spiritualité que Dieu a donnés à l’Eglise par le carmel ».
De fait, le succès de cet ouvrage a été immédiat. Les rééditions se sont multipliées en diverses langues. « Je veux voir Dieu » est aujourd’hui diffusé à plus de 100 000 exemplaires en six langues. Les éditions chinoise, coréenne, lettone, lituanienne et portugaise sont en cours. La diffusion ininterrompue du livre et l’intérêt qu’il suscite confirment cette affirmation du père général. Pour finir, je peux citer une autre appréciation, celle d’un jésuite, professeur de théologie dans un scolasticat, qui a écrit au Père Marie-Eugène au moment de la parution de l’ouvrage. Elle synthétise bien ce que les lecteurs trouvent en lisant « Je veux voir Dieu » :
« J’ai singulièrement goûté votre ouvrage et à bien des titres : doctrine sûre, tout ensemble si riche et si nuancée ; exposé dense, positif, toujours serein et si respectueux des âmes ; tracé lumineux de l’itinéraire de sainte Thérèse, de saint Jean de la Croix, et de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Tout à la fois sobre et chaud, toujours si juste et bienveillant ; orientations sages et rapides aux tournants délicats ou dans les problèmes plus épineux. Je ne doute pas que la fatigue que dissimulent ces pages lumineuses se révèle très féconde ; que bien des âmes y entrevoient la fraîcheur de la source vive et y puisent un élan renouvelé pour s’acheminer vers elle pour y participer à la mesure du don de Dieu ».