Archive pour la catégorie 'ENZO BIANCHI: MÉDITATIONS RÉFLEXIONS'

UN TEMPS DE SILENCE POUR QUE DIEU PARLE

12 novembre, 2018

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UN TEMPS DE SILENCE POUR QUE DIEU PARLE

Essaie que le lieu de la lectio divina et l’heure de la journée te permettent aussi le silence extérieur, préliminaire nécessaire au silence intérieur. « Le Maître est là et il t’appelle » (cf. Jn 11,28), et pour entendre sa voix tu dois faire taire les autres voix, pour écouter la Parole, tu dois baisser le ton de tes paroles. Il y a des temps mieux adaptés au silence que d’autres : le coeur de la nuit, tôt le matin, tard le soir… Vois selon ton horaire de travail, mais reste fidèle à ce temps et détermine-le dans ta journée une fois pour toutes. Ce n’est pas sérieux d’aller au Seigneur dans la prière seulement quand tu as un trou dans tes engagements, comme si le Seigneur était un bouche-trou. Et ne dit jamais : « Je n’ai pas le temps », parce que c’est comme si tu te déclarais idolâtre : le temps de la journée est à ton service, ce n’est pas toi qui dois être esclave du temps.
Enveloppe-toi donc de silence, et le temps de la lectio divina rythmera ta vie. Tu sais qu’il faut prier toujours, sans jamais te lasser (cf. Le 18,1-8; I Thess. 5,17), mais tu sais aussi qu’il faut des temps précis, explicitement et visiblement donnés à la prière, pour soutenir la mémoire de Dieu dans toute la journée. Es-tu un amoureux du Seigneur, ou t’efforces-tu de le devenir ? Alors tu ne dédaigneras pas de lui consacrer un peu du temps que tu consacres habituellement, chaque jour et sans fatigue, à ta femme, à tes proches ou à tes amis.
Et n’oublie pas que ce temps pour la lectio doit être suffisamment long, pas seulement un petit moment. Tu dois reprendre ton calme, être en paix, quelques minutes ne suffisent pas. Pour la lectio, il faut au moins une heure, disent les Pères…
Combien de paroles entends-tu dans la journée, combien de lectures fais-tu ! Que les paroles n’étouffent pas la Parole : en cela aussi, tu dois être vigilant. Si les paroles mondaines sont si abondantes, comment la Parole de Dieu peut-elle avoir concrètement la primauté sur elles ? Faire la lectio divina avec ponctualité, chaque jour, ne te dispense pas de vérifier le rapport entre la Parole et les paroles. Celles-ci, par leur quantité et leur qualité, peuvent étouffer la voix divine et ne pas permettre à celle-là de croître et de donner son fruit en toi (cf. Mc 4,13-20).Quel sens cela a-t-il de lire de tout, de trouver sa nourriture dans des sujets mondains, de faire des lectures qui laissent de profondes traces d’impureté dans le coeur, et de prétendre ensuite vivre de la Parole « qui sort de la bouche de Dieu » ? Si tu n’es pas vigilant dans ta vie sur le rapport Parole/paroles, tu es condamné à rester un dilettante, un « écoutant » paralysé en face de ce qui devrait être un vrai chemin d’initiation.

Tiré de:
ENZO BIANCHI, Prier la Parole. Une introduction à la lectio divina
Bellefontaine, 1996 (nouvelle édition).

ENZO BIANCHI: LES ENJEUX DE LA LECTIO DIVINA AUJOURD’HUI

15 septembre, 2015

http://orthodoxeurope.org/page/11/2/4.aspx

ENZO BIANCHI: LES ENJEUX DE LA LECTIO DIVINA AUJOURD’HUI

Enzo Bianchi, biographie:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Enzo_Bianchi

«Il n’y a pas de doute que (le) primat de la sainteté et de la prière n’est concevable qu’à partir d’une écoute renouvelée de la Parole de Dieu. (…) Il est nécessaire, en particulier, que l’écoute de la Parole devienne une rencontre vitale, selon l’antique et toujours actuelle tradition de la lectio divina permettant de puiser dans le texte biblique la parole vivante qui interpelle, qui oriente, qui façonne l’existence [1] .» Par ces mots, pour la toute première fois, une lettre apostolique adressée à l’ensemble des fidèles indique la lectio divina comme une pratique féconde pour la vie spirituelle de tous les chrétiens. Cette invitation forte de Jean Paul II arrive de manière particulièrement opportune en ce commencement du troisième millénaire. En effet, nous sommes aujourd’hui en mesure de constater la place centrale que l’Écriture a retrouvée dans la vie de l’Église catholique et de l’apprécier.
Après des siècles de désaffection, nous assistons depuis quelques décennies à une redécouverte de la Bible de la part des croyants catholiques, qui n’avaient plus de contact direct avec elle et qui, par conséquent, n’avaient pas la possibilité d’en faire l’aliment quotidien de leur vie de foi et de leur témoignage dans le monde. L’Église catholique continuait, certes, à vivre de la «Parole de Dieu», surtout dans la liturgie, mais ce n’était plus une Parole de Dieu écoutée, célébrée, méditée, conservée dans le cœur de telle manière qu’elle nourrisse la foi des personnes et des groupes.
Replacée aujourd’hui au centre de la vie ecclésiale, la Bible réactive un processus resté statique et même atrophié pendant des siècles: à travers la fréquentation assidue des Écritures, le chrétien alimente sa foi, peut discerner quelle est sa place parmi les autres hommes, et surtout se plonge dans ce processus d’epignosis , de pleine connaissance du Christ, et donc du mystère de Dieu, qui le conduit à une foi de croyant adulte (téleios , parfait). Aujourd’hui, la prédication, en particulier dans le cadre de la liturgie, se nourrit des Saintes Écritures et fait résonner la Parole de Dieu dans la communauté chrétienne. Oui, la Parole de Dieu poursuit sa course, comme le souhaite l’Apôtre: «Priez, afin que la Parole du Seigneur accomplisse sa course» (2Th 3,1). Sans risque de se tromper, on peut déceler actuellement une demande, une faim, un désir profond de la Parole de Dieu, surtout dans les pays latins.
Je suis convaincu que parmi tous les fruits du Concile Vatican II, le plus évident fut précisément cette restitution de la Parole de Dieu au peuple de Dieu [2] . Cependant, à presque quarante ans de le fin du Concile, il y a encore d’importants objectifs à atteindre. Et avant tout, il est nécessaire de prendre pleinement conscience de ce qu’implique la fréquentation assidue des Écritures. Dans le présent article, je ne puis que soulever quelques points, que j’ai déjà traités par ailleurs dans plusieurs publications [3] .

Parole et Eucharistie
La connexion étroite entre Parole et Eucharistie, qui trouve ses racines dans le témoignage des Écritures, qui est attestée par les Pères de l’Église depuis Ignace d’Antioche, qui est confirmée par les auteurs cisterciens et victorins au Moyen Age [4] , a été solennellement réaffirmée dans plusieurs documents du Concile Vatican II (SC 48.51.56; DV 21.26; AG 6.15; PO 18; PC 6). Des expressions comme Corpus Christi intellegitur etiam Scriptura Dei [5] , Corpus Christi puto Evangelium [6] , ou celles, peut-être moins connues, comme: «Se nourrir de la chair et du sang du Christ non seulement dans le mystère de l’autel, mais aussi dans la lecture des Écritures» [7] , ou bien: «Le pain du Christ et sa chair sont la Parole de Dieu» [8] , ces expressions, attestées et répétées de différentes manières par la grande tradition catholique, sont reprises aujourd’hui par la catéchèse. Et pourtant, il subsiste encore une sorte de timidité à affirmer qu’entre l’Écriture et l’Eucharistie il y a un rapport intrinsèque, une périchorèse . Trop souvent encore, la Parole n’est comprise que comme une simple introduction à la célébration du sacrement. On ne lui reconnaît pas la capacité de réaliser l’alliance: faire entrer le croyant dans une relation vivifiante avec Dieu. Dans une certaine mesure, l’idée persiste que c’est le sacrement qui donne la grâce, tandis que la Parole biblique donne un enseignement ou explique le sacrement.
Dans la réception de la Constitution Dei Verbum , cela me semble être un point crucial qui mérite d’être approfondi. La réception de ce document restera en effet partielle et incomplète aussi longtemps que, du point de vue théologique, spirituel et liturgique, on n’aura pas exploré à fond l’étroite connexion entre Parole et Eucharistie. La Parole doit être englobée dans l’économie sacramentelle, jusqu’à être comprise elle-même comme un sacrement, c’est-à-dire comme une transmission de force et de grâce, et non pas seulement comme un moyen de communiquer des vérités, des enseignements ou des préceptes moraux. Il s’agit donc de faire mûrir la conscience chrétienne jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de saisir le caractère sacramentel de l’Écriture. Lorsque, par l’épiclèse, la Parole de Dieu devient tangible, elle provoque une rencontre entre l’auditeur et Dieu, débouchant ainsi sur une célébration de l’alliance [9] .

La lecture assidue de l’Écriture
Si l’Écriture a retrouvé, dans les grandes lignes, une place centrale dans certains domaines de la vie ecclésiale (liturgie, pastorale, catéchèse), il faut bien reconnaître que c’est loin d’être le cas dans la vie personnelle des fidèles catholiques qui ne pratiquent pas une lecture quotidienne et zélée des Écritures. Certes, il y des prêtres, des religieux, des laïcs qui sont davantage sensibilisés à la Bible parce que mieux préparés culturellement; il y a des mouvements d’Église dont la spiritualité s’appuie pleinement sur la lecture biblique; mais la plus grande partie des fidèles n’a aucun contact personnel avec l’Écriture Sainte. Même si la Bible se trouve dans chaque famille, elle n’est bien souvent qu’un élément décoratif et il est plutôt rare qu’elle soit utilisée pour prier ou pour écouter la Parole de Dieu. On observe même une certaine méfiance à l’égard d’une lecture assidue de la Bible, considérée comme une pratique étrangère à la tradition catholique. En outre, elle est entravée par le manque de formation des prêtres qui, de ce fait, font preuve de peu d’empressement pour inviter les fidèles à cette lecture et surtout ne peuvent pas leur donner une initiation véritablement suffisante.
Et pourtant, une lecture personnelle de la Bible est particulièrement bienvenue dans le cadre de la société actuelle pluraliste, diversifiée, multi-religieuse et multi-culturelle, où les chrétiens ne forment plus un ensemble cohérent et où leur situation de diaspora apparaît de plus en plus évidente. Pour que la foi ait un enracinement solide et profond, il faut la fréquentation permanente de cette source vive de vie spirituelle. Un peu partout, on enregistre une baisse de fréquentation de la messe quotidienne, voire sa disparition pure et simple. Le chrétien doit donc trouver un aliment pour sa foi dans l’écoute directe de l’Écriture. La vie communautaire n’est plus assez intense pour permettre au chrétien de façonner sa foi et l’aider à la vivre dans le monde. C’est donc la Parole de Dieu dans l’Écriture Sainte qui lui permettra de se nourrir spirituellement, de trouver les règles de conduite, de discerner les signes des temps et de prier.
Je voudrais dire ici quelques mots concernant les jeunes générations, qui vivent aujourd’hui une crise de leur vie spirituelle dans l’Église catholique. La pastorale est en effet confrontée à une diminution de la vie spirituelle. La codification institutionnelle de la foi et la réduction de l’Évangile à des principes moraux ont fait naître l’idée que la vie chrétienne consistait en un vague engagement social et en un style de vie altruiste, fondé sur des valeurs comme l’honnêteté, la tolérance, la générosité, davantage que dans une relation personnelle avec Dieu par l’intermédiaire du Christ. Le Dieu chrétien, au lieu d’être Celui qu’a révélé Jésus Christ et que l’on connaît à travers les Écritures, est réduit à une espèce de symbole chargé d’exprimer l’altruisme des relations. Les instances ecclésiales ne semblent plus être capables d’initier à la vie intérieure. Bien plus que par une croissance dans la foi et dans la sainteté, elles semblent intéressées par la pastorale de la charité, en faveur de laquelle elles investissent beaucoup d’argent et dépensent beaucoup d’énergie.
Pourquoi beaucoup de jeunes, dans leur recherche de spiritualité, de méditation et de contemplation, se tournent-ils vers l’Orient orthodoxe et même vers l’Extrême-Orient? N’est-ce pas, entre autres, à cause du manquement de notre Église? Quels moyens sont proposés, concrètement, pour l’écoute et la méditation de l’Écriture, à une génération qui comprend la prière beaucoup plus comme une méditation que comme un discours fait à Dieu? C’est là un point crucial dans la transmission de la foi aux générations futures. Le judaïsme nous a montré comment la foi peut survivre dans la diaspora grâce à la fréquentation personnelle et assidue de l’Écriture et grâce à la sanctification du sabbat qui lui est liée. Dans une intervention mémorable au Conseil des Conférences épiscopales européennes, le cardinal Ratzinger a souligné avec force que, de nos jours également, le sensus fidei grandit par la fréquentation assidue de l’Écriture. Citons une de ses paroles: «Je suis persuadé que la lectio divina est un élément fondamental dans la formation du sensus fidei et par conséquent notre tâche la plus importante [10] .»

«Divina eloquia cum legente crescunt»

Quand la Parole de Dieu résonne dans une communauté, elle suscite, renouvelle et soutient la fides ex auditu (Rm 10,17). Elle cherche aussi à conduire les auditeurs à l’obéissance de la foi (oboeditio fidei : Rm 1,5), grâce à la puissance de l’Esprit Saint qui accompagne toujours la Parole et entraîne les croyants dans une croissance spirituelle. La Parole du Seigneur édifie donc la communauté en édifiant chaque fidèle. Nous pourrions même dire avec Luc que «la Parole de Dieu croît tandis que le nombre des croyants augmente considérablement» (Ac 6,7) ou que la Parole de Dieu croît dans la mesure où elle se répand: «La Parole de Dieu croissait et se multipliait» (Ac 12,24). La croissance de la communauté signifie le croissance de la Parole, parce que la communauté est le fruit de la Parole efficace de Dieu, mais aussi le lieu où cette Parole est vécue. S’il est vrai que Scripturae faciunt christianos [11] , il est également vrai que divina eloquia cum legente crescunt [12] , ce qui veut dire que la Parole de Dieu croît par la lecture qui en est faite en Église et trouve son explication vivante par la vie même de l’Église. Nous connaissons bien les paroles de Grégoire le Grand: «Bien des passages de la sainte Écriture que je n’arrivais pas à comprendre seul, je les ai compris en me mettant en face de mes frères (coram fratribus meis positus intellexi )… Et je me suis aperçu que l’intelligence m’en était donnée grâce à eux [13] .»
Pour cette raison, la fréquentation assidue des Écritures, en particulier sous la forme de la lectio divina , doit être une occupation à la fois personnelle et collective, dans les paroisses et les groupes chrétiens, et non pas seulement, comme c’est le cas habituellement, dans les communautés religieuses. Que l’on pense à la signification profonde que pourrait avoir une lectio divina qui préparerait la célébration eucharistique du dimanche et qui ferait de l’homélie l’aboutissement de cet acte de lecture! Il est donc important et souhaitable que se répande la pratique de la lectio divina communautaire, aujourd’hui trop rare. Un plus grand effort est nécessaire en ce domaine: il faut avoir le courage d’instaurer de nouvelles manières de faire, susceptibles de produire des fruits.
La communauté, du reste, est inséparable de l’Écriture, car le livre, sans la communauté, n’est rien; mais la communauté sans le livre ne peut pas subsister; c’est en lui qu’elle trouve son identité et sa vocation. Il est impossible de s’en tenir au principe de la sola Scriptura , et la raison en est l’Église. Liber et speculum : par cette formule, Bernard de Clairvaux définit la communauté comme miroir du livre et le livre comme miroir de la communauté [14] .

Parole et histoire
Il faut enfin parler du rapport entre la Parole de Dieu et l’histoire, et de la meilleure manière d’aborder ce problème. Pour comprendre correctement la lecture, il s’agit avant tout de repérer trois tentations.
1. La tentation fondamentaliste, qui prétend comprendre la Parole de Dieu sans la fatigue et la patience de l’étude biblique, sans le recours à l’analyse historico-critique et aux autres méthodes exégétiques, sans une herméneutique sous la conduite de l’Esprit. Il n’est pas inutile de rappeler ici le jugement porté par un document de la Commission biblique pontificale sur le fondamentalisme: «Le fondamentalisme invite, sans le dire, à une forme de suicide de la pensée [15] .»
2. La tentation spiritualiste, qui pense atteindre le message sans confrontation avec la lettre du texte, avec la dure écorce de la parole humaine. Il y a alors un grand risque de manipulation de la Parole de Dieu, de subjectivisme, de réduction du texte biblique à une dimension psychologique ou affective.
3. La tentation de s’en tenir à l’histoire, à l’analyse de ce qui est écrit, sans s’intéresser au message. Le risque, dans ce cas, est d’établir une coupure entre le lecture biblique et le problème du sens.
Ces tentations se manifestent surtout là où l’on ne tient pas compte des deux chemins pour toute lecture biblique: celui qui va de l’Écriture à la vie (cf. Lc 4,16-30) et celui qui va de la vie à l’Écriture (cf. Lc. 24,13-35). Le chemin qui va de l’Écriture à la vie est certainement celui que les communautés chrétiennes empruntent le plus, et à juste titre. Lui donner une primauté signifie que l’on reconnaît la seigneurie de la Parole de Dieu sur la communauté. La Parole inspire, suscite l’adhésion, provoque la foi. Il est pourtant nécessaire d’emprunter également l’autre chemin, qui demande une attention aux événements, une analyse des situations, pour y déceler un appel, un signe aussi bien dans l’espace que dans le temps. Ce chemin comporte certes le danger d’instrumentaliser la Parole de Dieu, d’en faire le support d’une pré-compréhension idéologique: dans ce cas, la Parole n’est plus le critère pour discerner les signes des temps, mais elle devient l’objet d’une interprétation tendancieuse. Pourtant, c’est un chemin qu’il est nécessaire de parcourir pour parvenir à un témoignage vivant de la foi dans le monde d’aujourd’hui.

Conclusion
J’ai énuméré ici certains des enjeux qui se présentent sur la route de la lecture assidue des Écritures et de la lectio divina . Mais il est certain que, malgré les difficultés et les problèmes, l’avenir de l’Église sera marqué par la pratique de plus en plus répandue de la lecture des Écritures. Si le second millénaire a été marqué par une sorte de mise en quarantaine de l’Écriture, les prochaines décennies, au début du troisième millénaire, continueront à être marquées par l’impulsion dynamique donnée par la Constitution Dei Verbum . C’est ce que requièrent la nouvelle situation de diaspora des chrétiens, la confrontation avec les autres religions, ainsi que le besoin de donner toujours davantage une forme méditative et réceptive à la prière.
En donnant une place accrue à la Parole de Dieu dans la vie de chaque chrétien comme dans la vie des communautés, on va à l’essentiel: on permet à la sequela sancti Evangelii de façonner toujours plus l’existence des croyants. La vie des chrétiens doit devenir une exégèse vivante de l’Écriture, de la Parole faite chair dans le monde et dans l’histoire, au milieu des hommes.
C’est ce que Jean Paul II, animé d’un regard prophétique, nous invite à faire: «Nous nourrir de la Parole, pour que nous soyons des “serviteurs de la Parole” dans notre mission d’évangélisation, c’est assurément une priorité pour l’Église au début du nouveau millénaire [16] .» Voilà bien l’enjeu décisif de la lectio divina aujourd’hui.

[1] Novo millennio ineunte 39, dans La documentation catholique 2240 (21 janvier 2001), p. 67-89.
[2] Cf. E. Bianchi, «Le caractère central de la Parole de Dieu», dans La réception de Vatican II , éd. par J.-P. Jossua et G. Ruggieri, Cerf, Paris 1985, p. 157-185.
[3] Cf. E. Bianchi, La lettura spirituale della Bibbia , Piemme, Casale Monferrato 1998; Id., L’essere povero come condizione essenziale per leggere la Bibbia , Qiqajon, Bose 1991; Id., Dall’ascolto della Parola alla preghiera liturgica , Qiqajon, Bose 1990; Id., «Lectio divina et vie monastique», dans La Vie spirituelle 714 (1995), p. 145-159.
[4] Cf. Y.M.-J. Congar, «Les deux formes du pain de vie dans l’évangile et dans la tradition», dans Parole de Dieu et sacerdoce. Mélanges Weber , Desclée, Paris-Tournai-Rome-New-York 1962, p. 21-58; E. Lipinski, «La Parole et le Pain», dans Id., Essais sur la révélation et la Bible , Cerf, Paris 1970, p. 65-90; W. Vogels, «La parole de Dieu comme nourriture», dans La Pâque du Christ, mystère de salut. Mélanges F.-X. Durwell , Cerf, Paris 1982, p. 33-50. Pour une perspective historico-théologique, cf. A. Milano, La Parola nell’Eucaristia , Dehoniane, Rome 1990.
[5] De unitate Ecclesiae conservanda , PL 117, 519A.
[6] Origène, In Ps . 147.
[7] Jérôme, Comm. in Eccles. 3,13.
[8] Références et citations dans E. Bianchi, La lettura spirituale della Bibbia , op. cit., p. 42-64.
[9] Sur le thème de l’efficacité et la puissance de la Parole, cf. I. de la Potterie, «L’efficacité de la Parole de Dieu», dans Lumen Vitae 10 (1955), p. 57-62; F.L. Moriarty, «Word as Power in the Ancient Near East», dans A Light unto My Past . Old Testament Studies in Honor of Jacob M. Myers , éd. par H.N. Bream, R.D. Heim, C.A. Moore, Temple University Press, Philadelphie 1974, p. 345-362; A.C. Thiselton, «The Supposed Power of Words in the Biblical Writings», dans Journal of Theological Studies 25 (1974), p. 283-299; F.E. Crowe, «The Power of Scriptures: An Attempt at Analysis», dans Word and Spirit. Essays in Honor of David Michael Stanley , éd. par J. Plevnik, Regis College Press, Willovrdale (Ontario) 1975, p. 323-347.
[10] Cité dans E. Bianchi, Ai presbiteri , Qiqajon, Bose 1999, p. 6.
[11] Ainsi J. Caillot paraphrasant Augustin: J. Caillot, L’évangile de la communication , Cerf, Paris 1989, p. 162.
[12] Grégoire le Grand, Hom. in Hiez. 17,8. Cf. P.C. Bori, L’interpretazione infinita. L’emeneutica cristiana antica e le sue trasformazioni , Il Mulino, Bologne 1987.
[13] Hom. in Hiez. 2,1.
[14] Cf. E. Bianchi, «La Parole construit la communauté», dans Collectanea Cisterciensia 4 (1998), p. 323-332. Sur le rapport entre écoute et communauté, cf. les observations intéressantes de G. Lafont, Dieu, le temps et l’être , Cerf, Paris 1986, p. 126 et passim.
[15] Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église , dans La documentation catholique 2085 (2 janvier 1994), p. 27. Le document a été rendu public le 18 novembre 1993.
[16] Novo millennio ineunte 40, loc. cit.