Archive pour la catégorie 'ENCYCLIQUES (sur l’)'

LA MÈRE DU RÉDEMPTEUR DEVIENT MÈRE UNIVERSELLE (JEAN PAUL II)

22 octobre, 2013

http://www.mariedenazareth.com/965.0.html?&L=0

LA MÈRE DU RÉDEMPTEUR DEVIENT MÈRE UNIVERSELLE (JEAN PAUL II)

Jean Paul II, audience du 23 avril 1997

Après avoir rappelé la présence de Marie et des autres femmes au pied de la Croix du Seigneur, saint Jean rapporte que : «Jésus donc voyant sa mère, et se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère: « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple: « Voici ta mère » »
(Jn 19, 26-27)

La révélation de la mission maternelle de Marie :
Ces paroles, particulièrement émouvantes, constituent une « scène de révélation » : elles révèlent les sentiments profonds du Christ mourant et contiennent une grande richesse de significations pour la foi et la spiritualité chrétienne.
En effet, en se tournant vers sa Mère et le disciple qu’il aimait, le Messie crucifié établit, à la fin de sa vie terrestre, de nouvelles relations d’amour entre Marie et les chrétiens.
De telles expressions, parfois uniquement interprétées comme une manifestation de la piété filiale de Jésus envers sa Mère, vont bien au-delà de la nécessité matérielle de résoudre un problème familial.
En effet, une analyse attentive du texte, confirmée par l’interprétation de nombreux Pères et par le sentiment ecclésial commun, nous place, lors de l’épisode où Jésus confie Marie et Jean l’un à l’autre, devant l’un des faits les plus importants pour comprendre le rôle de la Vierge dans l’économie du salut.
En réalité, les paroles de Jésus mourant révèlent que son intention première n’est pas celle de confier sa Mère à Jean, mais de remettre le disciple à Marie, en lui confiant une nouvelle mission maternelle.
En outre, la dénomination « femme », également utilisée par Jésus lors des Noces de Cana pour conduire Marie vers une nouvelle dimension de sa qualité de Mère, révèle combien les paroles du Sauveur ne sont pas le fruit d’un simple sentiment d’affection filiale, mais entendent se situer sur un plan plus élevé.
La mort de Jésus, bien qu’elle provoque la plus grande des souffrances à Marie, ne change pas en elle-même ses conditions habituelles de vie : en effet, en abandonnant Nazareth pour commencer sa vie publique, Jésus avait déjà laissé sa Mère seule.

A l’heure de l’accomplissement du salut :
En outre, la présence au pied de la Croix de sa parente, Marie de Cléophée, laisse supposer que la Vierge entretenait de bonnes relations avec sa famille et sa parenté, chez qui elle aurait pu être accueillie après la mort de son Fils. Au contraire, les paroles de Jésus assument leur signification la plus authentique au sein de sa mission salvifique. Prononcées au moment du sacrifice rédempteur, elles tirent précisément de cette circonstance sublime leur valeur la plus élevée.

En effet, après les paroles que Jésus adresse à sa Mère, l’Évangéliste rapporte un fait significatif : «Après quoi, sachant que désormais tout était achevé… » (Jn 19, 28), comme s’il voulait souligner qu’Il a mené à terme son sacrifice en confiant sa Mère à Jean et, en lui, à tous les hommes, dont elle devient la Mère dans l’œuvre de salut. La réalité accomplie par les paroles de Jésus, c’est-à-dire la nouvelle maternité de Marie à l’égard du Disciple constitue un nouveau signe du grand amour qui a conduit Jésus à offrir sa vie pour tous les hommes.

Une maternité universelle :
Au Calvaire, cet amour se manifeste par le don d’une mère, la sienne, qui devient ainsi également notre mère. Il faut rappeler que, selon la tradition, Jean est celui que la Vierge a effectivement reconnu comme son fils ; mais ce privilège a été interprété par le peuple chrétien, dès le début, comme le signe d’une génération spirituelle concernant l’humanité tout entière. La maternité universelle de Marie, la « Femme » des noces de Cana et du Calvaire, rappelle Eve, « Mère de tous les vivants » (Gn 3, 20). Toutefois, alors que cette dernière avait contribué à l’entrée du péché dans le monde, la nouvelle Eve, Marie, collabore à l’événement salvifique de la Rédemption.

Ainsi dans la Vierge, la figure de la « femme » est rétablie et la maternité assume la mission de diffuser parmi les hommes la vie nouvelle dans le Christ. En vue de cette mission, on demande à Marie d’accepter le sacrifice, très douloureux pour Elle, de la mort de son Fils unique. L’expression de Jésus :  » Femme, voici ton Fils « , permet à Marie de comprendre la nouvelle relation maternelle qui devait prolonger et amplifier la précédente. Son « oui » à ce projet constitue donc son assentiment au sacrifice du Christ, qu’Elle accepte généreusement en adhérant à la volonté divine.

Même si dans le dessein de Dieu, la maternité de Marie était destinée, dès le début, à s’étendre à toute l’humanité, c’est seulement au Calvaire qu’en vertu du sacrifice du Christ, elle se manifeste dans sa dimension universelle. Les paroles de Jésus : «Voici ton Fils», accomplissent ce qu’elles expriment, constituant Marie mère de Jean et de tous les disciples destinés à recevoir le don de la Grâce divine.

Un lien d’amour personnel :
Sur la Croix, Jésus n’a pas proclamé de façon formelle la maternité universelle de Marie, mais il a instauré une relation maternelle concrète entre Elle et le disciple bien-aimé.

Dans ce choix du Seigneur, l’on peut entrevoir la préoccupation que cette maternité ne soit pas interprétée de façon vague, mais qu’elle indique la relation intense et personnelle de Marie avec chaque chrétien.
Puisse chacun d’entre nous, précisément en vertu du caractère concret de la maternité universelle de Marie, connaître pleinement en Elle sa propre Mère, en se remettant avec confiance à son amour maternel.

PAPE FRANÇOIS: HOMÉLIE POUR LA JOURNÉE « EVANGELIUM VITAE »

17 juin, 2013

http://www.zenit.org/fr/articles/la-vie-du-chretien-genere-la-vie

LA VIE DU CHRÉTIEN GÉNÈRE LA VIE

HOMÉLIE POUR LA JOURNÉE « EVANGELIUM VITAE »

Rome, 16 juin 2013 (Zenit.org) Pape François

« Celui qui se laisse conduire par l’Esprit Saint est réaliste, il sait évaluer et apprécier la réalité, et il est aussi fécond : sa vie génère la vie autour de lui », déclare le pape François.
Le pape a célébré la messe pour la Journée « Evangelium Vitae », dans le cadre de l’Année de la foi, ce dimanche 16 juin 2013, place Saint-Pierre.
Le chrétien n’est pas « une personne qui vit « dans les nuages » » mais « une personne qui pense et agit dans la vie quotidienne selon Dieu, une personne qui laisse sa vie être animée, nourrie par l’Esprit Saint pour qu’elle soit remplie », a-t-il souligné durant son homélie.

Homélie du pape François :
Chers frères et sœurs,
Cette célébration a un très beau nom : l’Évangile de la Vie. Avec cette Eucharistie en l’Année de la foi, nous voulons rendre grâce au Seigneur pour le don de la vie, dans toutes ses manifestations ; et en même temps, nous voulons annoncer l’Évangile de la Vie.
En partant de la Parole de Dieu que nous avons écoutée, je voudrais vous proposer trois points simples de méditation pour notre foi : d’abord, la Bible nous révèle le Dieu Vivant, le Dieu qui est Vie, et source de la vie ; en second lieu, Jésus-Christ donne la vie, et l’Esprit-Saint nous maintient dans la vie ; troisièmement, suivre le chemin de Dieu conduit à la vie, tandis que suivre les idoles conduit à la mort.
1. La première lecture, tirée du Second livre de Samuel, nous parle de vie et de mort. Le roi David veut cacher l’adultère commis avec la femme d’Urie le Hittite, un soldat de son armée, et pour faire cela, il ordonne de placer Urie en première ligne pour qu’il soit tué dans la bataille. La Bible nous montre le drame humain dans toute sa réalité, le bien et le mal, les passions, le péché et ses conséquences. Quand l’homme veut s’affirmer soi-même, s’enfermant dans son égoïsme et se mettant à la place de Dieu, il finit par semer la mort. L’adultère du roi David en est un exemple. Et l’égoïsme porte au mensonge, par lequel on cherche à tromper soi-même et le prochain. Mais Dieu, on ne peut le tromper, et nous avons entendu comment le prophète dit à David : tu as fait ce qui est mal aux yeux de Dieu (cf. 2S 12,9). Le roi est mis en face de ses œuvres de mort – en vérité ce qu’il a fait est une œuvre de mort, et non de vie -, il comprend et demande pardon : « J’ai péché contre le Seigneur ! » (v.13), et le Dieu miséricordieux qui veut la vie et qui toujours nous pardonne, lui pardonne, lui rend la vie ; le prophète lui dit : « Le Seigneur a pardonné ton péché : tu ne mourras pas ».
Quelle image avons-nous de Dieu ? Peut-être nous apparaît-il comme un juge sévère, comme quelqu’un qui limite notre liberté de vivre. Mais toute l’Écriture nous rappelle que Dieu est le Vivant, celui qui donne la vie et indique le chemin de la vie en plénitude. Je pense au début du Livre de la Genèse : Dieu modèle l’homme avec la poussière du sol, insuffle dans ses narines une haleine de vie et l’homme devient un être vivant (cf. 2,7). Dieu est la source de la vie ; c’est grâce à son souffle que l’homme a la vie, et c’est son souffle qui soutient le chemin de son existence terrestre. Je pense aussi à la vocation de Moïse, quand le Seigneur se présente comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, comme le Dieu des vivants ; et envoyant Moïse au pharaon pour libérer son peuple, il révèle son nom : « Je suis Celui qui est », le Dieu qui se rend présent dans l’histoire, qui libère de l’esclavage, de la mort, et porte la vie au peuple parce qu’il est le Vivant. Je pense aussi au don des Dix Commandements : une route que Dieu nous indique pour une vie vraiment libre, pour une vie pleine ; ils ne sont pas un hymne au « non » – tu ne dois pas faire ceci, tu ne dois pas faire cela, …. Non ! -. Ils sont un hymne au « oui » à Dieu, à l’Amour, à la vie. Chers amis, notre vie atteint sa plénitude seulement en Dieu, parce lui seul est le Vivant !
2. Le passage de l’évangile d’aujourd’hui nous fait faire un pas en avant. Jésus rencontre une femme pécheresse durant un repas dans la maison d’un pharisien, suscitant le scandale de ceux qui sont présents : Jésus se laisse approcher par une pécheresse et même lui remet les péchés, disant : « Si ses nombreux péchés sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre, montre peu d’amour » (Lc 7,47). Jésus est l’incarnation du Dieu vivant, Celui qui porte la vie face à tant d’œuvres de mort, face au péché, à l’égoïsme, à la fermeture sur soi-même. Jésus accueille, aime, soulage, encourage, pardonne et donne d’une façon nouvelle la force de marcher, redonne vie. Dans tout l’évangile, nous voyons comment Jésus, par les gestes et les paroles, porte la vie de Dieu qui transforme. C’est l’expérience de la femme qui oint avec du parfum les pieds du Seigneur : elle se sent comprise, aimée, et répond par un geste d’amour, se laisse toucher par la miséricorde de Dieu et obtient le pardon, elle commence une nouvelle vie. Dieu, le Vivant, est miséricordieux. Etes-vous d’accord ? Disons-le ensemble : Dieu, le Vivant, est miséricordieux ! Tous : Dieu, le Vivant, est miséricordieux ! Une nouvelle fois : Dieu, le Vivant, est miséricordieux !
Cela a été aussi l’expérience de l’apôtre Paul, comme nous avons entendu dans la seconde lecture : « Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2,20). Quelle est cette vie ? C’est la vie-même de Dieu. Et qui nous introduit dans cette vie ? L’Esprit Saint, don du Christ ressuscité. C’est Lui qui nous introduit dans la vie divine comme vrais fils de Dieu, comme fils dans le Fils Premier-né, Jésus Christ. Nous, sommes-nous ouverts à l’Esprit Saint ? Nous laissons-nous guider par lui ? Le chrétien est un homme spirituel, et cela ne signifie pas qu’il soit une personne qui vit « dans les nuages », hors de la réalité (comme si elle était un fantasme). Non ! Le chrétien est une personne qui pense et agit dans la vie quotidienne selon Dieu, une personne qui laisse sa vie être animée, nourrie par l’Esprit Saint pour qu’elle soit remplie, en véritable enfant ; et cela signifie réalisme et fécondité. Celui qui se laisse conduire par l’Esprit Saint est réaliste, il sait évaluer et apprécier la réalité, et il est aussi fécond : sa vie génère la vie autour de lui.
3. Dieu est le Vivant, Il est le Miséricordieux ! Jésus nous porte la vie de Dieu, l’Esprit Saint nous introduit et nous maintient dans la relation vitale de vrais enfants de Dieu. Mais souvent – nous la savons par expérience – l’homme ne choisit pas la vie, n’accueille pas l’ »Évangile de la Vie », mais se laisse guider par des idéologies et des logiques qui mettent des obstacles à la vie, qui ne la respectent pas, parce qu’elles sont dictées par l’égoïsme, par l’intérêt, par le profit, par le pouvoir, par le plaisir et elles ne sont pas dictées par l’amour, par la recherche du bien de l’autre. C’est l’illusion constante de vouloir construire la cité de l’homme sans Dieu, sans la vie et l’amour de Dieu – une nouvelle Tour de Babel ; c’est penser que le refus de Dieu, du message du Christ, de l’Évangile de la vie conduit à la liberté, à la pleine réalisation de l’homme. Le résultat est qu’au Dieu vivant, on substitue des idoles humaines et passagères, qui offrent l’ivresse d’un moment de liberté, mais qui à la fin sont porteuses de nouveaux esclavages et de mort. La sagesse du Psalmiste dit : « Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard » (Ps 19,9). Rappelons-nous : Dieu, le Vivant, est miséricordieux ! Le Seigneur est le Vivant, il est miséricordieux !
Chers frères et sœurs, regardons Dieu comme le Dieu de la vie, regardons sa loi, le message de l’Évangile comme une voie de liberté et de vie. Le Dieu vivant nous rend libres ! Disons oui à l’amour et non à l’égoïsme, disons oui à la vie et non à la mort, disons oui à la liberté et non à l’esclavage de tant d’idoles de notre temps ; en un mot, disons oui à Dieu qui est amour, vie et liberté, et jamais ne déçoit (cf. 1Jn 4,8 ; Jn 11,25 ; Jn 8,32), à Dieu qui est le Vivant et le Miséricordieux. Seule la foi dans le Dieu Vivant nous sauve ; dans le Dieu qui en Jésus Christ nous a donné sa vie, et par le don de l’Esprit Saint nous fait vivre en vrais enfants de Dieu. Cette foi nous rend libres et heureux. Demandons à Marie, Mère de la Vie, qu’elle nous aide à accueillir et à témoigner toujours de l’ »Évangile de la Vie ». Qu’il en soit ainsi !

Caritas in veritate : un « cri du coeur » pour une plus grande humanisation

13 juillet, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-21569?l=french

Caritas in veritate : un « cri du coeur » pour une plus grande humanisation

Entretien avec le père Thomas Williams

ROME, Lundi 13 juillet 2009 (ZENIT.org) – La nouvelle encyclique n’est une victoire ni pour la « gauche » ni pour la « droite », mais plutôt un appel aux hommes et aux femmes de bonne volonté à « explorer activement de nouvelles voies pour promouvoir un développement durable ». C’est ce qu’a déclaré un professeur de doctrine sociale à l’Université pontificale Regina Apostolorum, à Rome.
 
Le père Thomas D. Williams, Légionnaire du Christ américain, a répondu aux questions de ZENIT sur « L’amour dans la vérité » (Caritas in veritate), la troisième encyclique, tant attendue, de Benoît XVI, sur le développement humain intégral, clé pour comprendre l’enseignement social catholique, publiée le 7 juillet dernier.
 
Le père Williams replace « Caritas in Veritate » dans le courant de la tradition de l’Eglise et examine ce que l’encyclique y apporte de nouveau.
 
ZENIT : Qu’a voulu faire Benoît XVI avec cette encyclique ?
 
P. Williams : Plusieurs choses. La parution de cette encyclique était prévue initialement il y a deux ans, pour célébrer le 40e anniversaire de l’encyclique sociale « Populorum Progressio » (Le développement des peuples) de Paul VI, publiée en 1967. Un certain nombre de difficultés rencontrées en chemin, notamment des lacunes dans les premières ébauches du document et la crise économique mondiale, se sont conjuguées pour retarder de façon significative la sortie du texte. Malgré tout, Benoît XVI réussit à éclairer certaines contributions importantes de l’encyclique de Paul VI, notoirement difficile à lire et à comprendre.
 
Benoît XVI souligne, par exemple, l’insistance de Paul VI à réaffirmer le rôle déterminant de l’Evangile pour l’édification d’une société de liberté et de justice. Il note également l’importance que Paul VI accorde à la dimension mondiale de la justice sociale, et à l’ « idéal chrétien d’une unique famille de peuples ».
 
ZENIT : Est-ce pour cela que le pape a affirmé que « Populorum Progressio » mérite d’être considérée comme l’encyclique « Rerum Novarum » de l’époque contemporaine ?
 
P. Williams : En partie, oui. Plus fondamentalement, peut-être, Benoît XVI est conscient que la grande « encyclique léonine » traitait spécifiquement du problème économique de la révolution post-industrielle et de la proposition socialiste pour y remédier. Léon XIII y répondit en affirmant le droit naturel à la propriété privée, les erreurs radicales de la solution socialiste, et la nécessité de susciter des associations de travailleurs pour contrecarrer le despotisme capitaliste.
 
Par ailleurs, « Populorum Progressio » a mis plutôt l’accent sur le caractère central du développement humain intégral, un concept plus large que celui spécifiquement économique mis en relief dans « Rerum Novarum », et celui auquel Benoît XVI adhère pleinement dans « Caritas in Veritate ».
 
Benoît XVI observe que seule une plus juste compréhension du bien de la personne humaine et de la société peut fournir les bases nécessaires pour parvenir à une société véritablement juste. Et c’est la totalité de la personne qui est concernée, dans chacune de ses dimensions, pas seulement la dimension économique, mais aussi culturelle, émotionnelle, intellectuelle, spirituelle et religieuse.
 
Le Saint-Père affirme avec force que toute l’Eglise, dans tout son être et tout son agir tend à promouvoir le développement intégral de l’homme. Cette affirmation ne prend, bien entendu, tout son sens que si nous comprenons le développement humain dans la perspective de la vocation temporelle et éternelle de la personne humaine.
 
ZENIT : Cette encyclique sera-t-elle considérée comme une victoire pour la « gauche » ou la « droite » ?
 
P. Williams : Le magistère papal évite à juste titre les catégories politiques droite/gauche, ou conservateur/libéral. Honnêtement, il y a beaucoup dans cette encyclique qui, pris isolément, pourrait être utilisé pour soutenir les positions les plus diverses, y compris des positions opposées.
 
A ce propos, il est particulièrement important d’être attentif à l’invitation de Benoît XVI lui-même à lire l’encyclique dans le contexte de la tradition continue de l’Eglise, plutôt qu’en dehors de cette tradition. Il est également important, comme les papes l’ont toujours dit et répété, de discerner les parties de l’encyclique qui relèvent des principes fondamentaux proclamés en permanence par l’Eglise pour une juste organisation de la société, et celles qui représentent les suggestions contingentes pour atteindre ces objectifs.
 
Benoît XVI affirme clairement que l’objectif de renouveau social est la réalisation du développement humain intégral prenant en considération le bien commun. Tout ce qui contribue avec efficacité à la réalisation de cet objectif sera adopté et tout ce qui lui fait obstacle sera écarté.
 
En outre, tout en préconisant une intervention des autorités publiques sur les marchés économiques nationaux et mondiaux, le Saint-Père constate également que des solutions purement techniques et institutionnelles ne peuvent jamais suffire, et condamne le gaspillage des bureaucraties. Ses paroles doivent être une stimulation pour les hommes et les femmes de bonne volonté à explorer activement de nouvelles voies pour promouvoir le développement durable dont le monde en voie de développement a si désespérément besoin.
 
ZENIT : Benoît XVI identifie-t-il de nouveaux problèmes sociaux du moment présent ?
 
P. Williams : Il en signale quelques-uns. Benoît XVI relève ainsi la forte déclaration du pape Jean-Paul II, en 1995, à propos des questions de respect de la vie, en particulier l’avortement, qui avaient remplacé le problème des travailleurs pour devenir la question de justice sociale fondamentale de l’époque contemporaine. Benoît XVI fait référence à plusieurs reprises aux liens forts qui existent entre éthique de la vie et éthique sociale, et épingle la contradiction criante quand, tout en affirmant d’un côté l’importance des valeurs comme la justice et la paix, d’un autre côté on tolère et même on encourage les atteintes aux droits les plus fondamentaux à la vie.
 
Benoît XVI établit aussi un lien entre droit à la liberté religieuse, et progrès et développement humain. Il dénonce le fondamentalisme religieux – spécialement sous forme de violence et de terrorisme pour des motifs religieux- qui freine le développement. Il fait remarquer, dans le même temps, que « la promotion programmée de l’indifférence religieuse ou de l’athéisme pratique » bloque également un véritable progrès humain en promouvant une caricature matérialiste d’épanouissement de l’homme dépourvu de transcendance.
 
ZENIT : Si Benoît XVI insiste sur une compréhension du développement plus large que celle purement économique et théologique, il n’en consacre pas moins de nombreuses pages à ces aspects du développement. Y a-t-il là une contradiction ?
 
P. Williams : Non. Benoît XVI commence par réaffirmer un principe cher à la tradition de l’Eglise : le progrès matériel ne peut jamais être la seule mesure d’un développement humain authentique. Cela dit, la prospérité matérielle constitue un élément essentiel d’un authentique progrès, et doit être prise également en considération. L’Eglise n’a jamais estimé que la pauvreté économique est un bien à rechercher, mais qu’elle est plutôt un mal à vaincre. Benoît XVI développe ce point et explore un certain nombre de mesures possibles pour y parvenir.
 
Comment précisément y parvenir, c’est naturellement une question très débattue, et Benoît XVI fait remarquer aussitôt que l’Eglise « n’a pas de solutions techniques à offrir ». Il insiste, toutefois, sur la nécessité d’un changement fondamental des comportements. L’égoïsme sera toujours l’ennemi du développement, on le retrouve au coeur de nombre des problèmes économiques et sociaux auxquels est confronté le monde moderne.
 
Globalement, l’encyclique peut se lire comme un « cri du coeur » du pape pour une plus grande humanisation des marchés économiques, des régimes politiques, des associations et institutions, cette humanisation exigeant sur le plan personnel l’abandon d’une approche globale pragmatique en faveur d’une conscience morale bien formée. Ce que le Saint-Père dit explicitement à propos de la protection de l’environnement peut s’appliquer à toutes les autres questions abordées dans la lettre : « le point déterminant est la tenue morale de la société dans son ensemble ».

Propos recueillis par Kathleen Naab

Traduit de l’anglais par E. de Lavigne