Archive pour la catégorie 'judaïsme'

La Prière Juive

14 novembre, 2011

du site:

http://www.lafoimapaix.org/pages/connaitre-israel/la-priere-juive.html

La Prière Juive

LA PRIERE JUIVE  1°

    Je me suis appuyé sur des articles de nos Frère Paul Ghennassia et Emmanuel Rodriguez parus dans la revue T. M. P. I., pour nous aider, (nous les croyants des nations), à mieux connaître les Juifs et le mouvement Messianique lié au Peuple d’Israël . Mieux connaître c’est aussi mieux comprendre les pratiques et les coutumes (1) du peuple d’Israël et faire disparaître les préjugés .
    Puissent ces articles nous aider a mieux exprimer et vivre nos moments de Louanges et de prières, dans quelque contexte et endroit que ce soit . Nos louanges nos prières, celles qui doivent monter jusqu’a l’oreille de L’Eternel . Nous pourrons remarquer la profondeur et la puissance de leurs louanges et prières, mais aussi combien elles sont empreintes et fondées sur la Parole De Dieu .
    Très tôt dans l’histoire de l’Eglise s’est développée une attitude anti-juive qui, de nos jours encore, influence la position du christianisme face au judaïsme . Une image faussée et déformée de la Synagogue prévaut la plupart du temps . Pour avoir fréquenté personnellement et sur invitation , une Synagogue et les Frères qui là compose, je puis assurer que j’y est trouvé un véritable enrichissement pour ma vie spirituelle . J. T.

La Synagogue
    Habituellement, elle désigne un bâtiment, mais son sens originel est assemblée ; une assemblée de dix hommes, au minimum, que le judaïsme appelle le minyane . Ces hommes se regroupent dans le but de prier car pour les Juifs la prière collective est essentielle . Un minyane est donc composé d’au moins dix hommes et peut se réunir partout pour prier .  Ce nombre de dix se réfère, entre autres, au récit de Genèse 18/32, lorsque Abraham implorait l’Eternel au sujet de Sodome et Gomorrhe . Abraham a osé diminuer, chaque fois, le nombre de justes requis pour que L’Eternel épargne la ville . L’Eternel aurait épargné la ville s’il s’y était trouvé seulement dix justes . Cette approche est la base de la prière d’intercession pour la ville ou le pays . Elle nous plonge dans le mystère de la prière .
    Certains théologiens chrétiens ont vu une contradiction entre cette tradition du minyane et la déclaration de Yeshoua-Jesus en Matthieu 18/20 : Car là ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieux d’eux .  Le rabbin Elie Soloveitchik dans son commentaire de l’Evangile de Matthieu  Kol Koré , relève la déclaration suivante du Talmud :  En quelque lieu où des hommes se réunissent pour adorer, où des justes siègent au tribunal et où un homme, même seul, s’adonne à l’étude de la Torah, la Chéhinah (la gloire de Dieu) est présente . (Abin Ben-Adda, Talmud : Berakot 6a) .
    Les Evangiles nous montrent Yéshoua (Jésus) menant la vie d’un Juif fidèle en ce qui concerne l’observation de la loi de Moïse . En Luc 4/19, il est dit que c’était son habitude d’aller à la synagogue le jour du shabbath (Jour mis a part et consacré a l’Eternel) . Dans les Evangiles la synagogue (Assemblée) est mentionnée plus de 40 fois . La prière joue un rôle essentiel dans le judaïsme qui considère que Dieu l’a prévue pour remplacer les sacrifices sanglant d’animaux devenus impossibles après la destruction du temple . Nous lisons à ce sujet dans Osée 6/6 : Car je veux, la loyauté et non les sacrifices, et la connaissance de Dieu plus que les holocaustes . Osée 14/3 dit également . Prenez avec vous des paroles de repentance et revenez à l’Eternel . Dites-lui : pardonne toute faute et reçois-nous favorablement ! Nous t’offrirons, au lieu de taureaux l’hommage de nos lèvres . Cela nous montre aussi Les conditions et l’état de notre cœur, requis en sa présence .

La Priere Et Ses Trois Formes Dans Le Judaïsme
    Les prières sont avant tout des bénédictions (Béni soit Dieu…), des louanges et des actions de grâce ; les Juifs expriment également des requêtes personnelles . Ils rendent grâce à Dieu pour la Création, pour le don de la Torah (sa parole- son Verbe),  pour la Chéhinah (sa gloire brillant sur nous) et pour la rédemption (notre relation nouvelle avec Lui, a cause de Jésus .
    C’est depuis l’époque d’Esdras que les synagogues se sont développées et devinrent des lieux de prière, d’étude de la Torah et de rassemblement . La prière est une affaire personnelle, mais le concept de la prière en commun existe aussi dans la Bible . La prière personnelle en est une force ; ajoutée à celles des autres, elle devient encore plus puissante . Il en va de la prière comme d’une corde, plus ses brins sont nombreux, plus solide et efficace elle devient .
    Les Juifs pieux prient trois fois par jour. Ces trois moments de prières se nomment : Cha’harite – prière du matin ; Min’ha – prière de l’après-midi ; Arvite – prière du soir. Les trois temps quotidiens de prière qui nous ont été transmis par Esdras, le scribe versé dans les Ecritures, correspondent aux moments des sacrifices ; les prières du matin et de l’après-midi aux sacrifices eux-mêmes, celles du soir, au sacrifice par le feu des entrailles des victimes du jour.
    La tradition (1) enseigne que ce furent les patriarches, Abraham, Isaac et Jacob qui instituèrent la prière offerte trois fois par jour .
    Selon la pensée hébraïque, David transcrivit toutes ses expériences dans les Psaumes . Tout ce qu’un homme peut vivre au cours de son existence s’y trouve écrit . C’est pourquoi, les Juifs les utilisent pour exprimer tous leurs besoins (Ephésien 5/19) . Quand ils se trouvent au Mur Occidental, en dehors des services réguliers, ils récitent des Psaumes . Ils répandent ainsi leur cœur devant Dieu . Il va de soi que les Juifs parlent également à Dieu d’une manière spontanée, La prière n’est pas figée .

Pessouké Dezimra
    Les Juifs se préparent à la prière selon un rite qui sert à la purification du cœur et des pensées afin que celui qui prie ose se présenter devant Dieu et son trône (2) . Dans le temple le prêtre devait se laver les mains dans la cuve d’airain avant de vaquer à la prière et aux sacrifices . C’est par la lecture répétée chaque jour de certains Psaumes, de cantiques et de louange, que la communauté se prépare à se tenir devant Dieu .
    Pessouké Dezimra  signifie texte de louange et prépare l’assemblée à la prière du  Chema Israël et de  Chemoné Esréh  l’un à la suite de l’autre . Les textes constituant Pessouké Dezimra  sont les suivants : 1 Chroniques 16/8-36 (Psaume d’action de grâce) – Psaumes 100 (Psaume d’invitation au bonheur et aux actions de grâce) et 145/1 (Hymne a la Compassion) et pour terminer Exode 14/30 et 15/19 (Hymne de reconnaissance pour la délivrance du fardeau de imposé par l’ennemi). La lecture de ces passages de la Bible est introduite par une bénédiction et se termine de même .
     La bénédiction qui introduit Pessouké Dezimra, nommé Barouh Chéamar est particulièrement significative . Selon la tradition, cette prière a été transcrite par les hommes de Grande Assemblée il y a environ 2400 ans . La prière  Barouh Chéamar consiste en 87 mots hébreux, ce qui représente la valeur numérique du terme  Paz  signifiant  or fin  Psaume 19/11 . Le thème de cette prière est le nom de Dieu avec ses multiples significations . Connaître ce nom, c’est connaître ses divers attributs, mentionnés brièvement dans cette prière .

Loué soit l’Eternel qui a créé l’univers par sa parole .
Loué soit celui dont l’action est conforme à la parole .
Loué soit celui qui ordonne et maintient .
Loué soit celui qui a tiré le monde du néant .
Loué soit celui qui étend sa miséricorde sur la terre .
Loué soit celui qui récompense ses fidèles .
Loué soit celui qui dissipe les ténèbres et fait naître la lumière .
Loué soit le Tout-Puissant qui est et qui existe éternellement .
Loué soit celui qui n’admet ni iniquité, ni oubli, ni partialité, ni don corrupteur dans le jugement ; il est juste dans toutes ses voies, bienfaisant dans toutes ses actions .
Loué soit le libérateur et Sauveur .
Loué soit celui qui a ordonné le repos à son peuple Israël le saint jour du Shabbath .
Loué soit-il, loué soit son Nom, et béni soit son souvenir d’éternité en éternité .
Sois loué, Eternel notre Dieu, Roi de l’Univers, Roi tout-puissant et saint, principe de toute miséricorde,
Sois loué glorifié par la bouche de ton peuple,
Sois loué célébré et exalté par les louanges de tes pieux et fidèles serviteurs . Et par les cantiques de ton serviteur David nous te louons, ô Eternel notre Dieu !
Nous te glorifions, nous publions ta puissance et ta majesté . Nous te proclamons notre Roi,
nous te sanctifions et nous t’exaltons, ô toi notre Roi, notre Dieu unique et Eternel !
Sois loué Eternel, notre Roi, célébré par des actions de grâces .

    Cette représentation fondamental de la louange et des actions de grâces, lié à une profonde connaissance du Nom de Dieu et au besoin de l’honorer, ressort d’une manière évidente des écrits de shaliah Paul Apôtre Paul . Il commence la plupart de ses lettres par la louange, en offrant des actions de grâce à Dieu pour tout ce qu’il fait à l’égard de son peuple . En Philippiens 4/6, Apôtre Paul résume en un seul verset : Ne vous inquiétez de rien ; mais en toutes choses, par la prière et la supplication, avec des actions de grâce, faites connaître à Dieu tout vos besoins ou demandes .
     Pessouké Dezimra se terminent par une prière nommée  Yichtaba’h  ce qui signifie : sois loué . A nouveau le nom de Dieu se trouve au cœur de cette prière . Les sages (ceux qui ont la connaissance) attirent l’attention sur la prédominance du nombre quinze dans cette prière . En hébreux, ce nombre est écrit au moyen des lettres yod et hé, deux des lettres du tétragramme sacré (yod, hé, vav, hé), jamais prononcé, qui est le nom même de Dieu .
 (1) (Les tradition et coutumes ne peuvent être mauvaises que lorsqu’elles introduisent des erreurs et entraînent a des comportement qui ne glorifient pas L’Eternel . J. T. )
(2) (Esaïe 58 et 59 nous en instruisent pleinement, nous et nos pasteurs .  J. T. )

L’Amen – de l’Amen du peuple au Jésus-Amen (théo-logie)

4 novembre, 2011

du site:

http://alexandre2.pagesperso-orange.fr/amen.htm

théo-logie
 
L’Amen – de l’Amen du peuple au Jésus-Amen
 
Ce que je voudrais montrer ici, c’est la façon dont les premiers chrétiens ont compris, repris à leur compte, puis développé dans une direction très particulière, le sens du mot amen, en particulier à partir de l’usage que les Psaumes font de ce terme.
1
Le mot amen n’est pas aussi souvent employé par la Bible hébraïque qu’on pourrait le croire, il ne s’y trouve que vingt-cinq fois. Encore faut-il préciser que le seul livre du Deutéronome le comprend douze fois à lui tout seul, en un seul paragraphe !
En ce qui concerne les Psaumes, l’amen! vient du peuple et fait suite à des paroles de louanges adressées à Dieu : il s’agit de la réponse du peuple aux acclamations qui concluent les quatre premiers des cinq livres qui composent le recueil des Psaumes. Le peuple est appelé à répondre amen! C’est la réponse de la foi, émouna, d’une même racine verbale signifiant fonder, soutenir, rendre ferme. C’est ce qu’on trouve par exemple au Psaume 106,48 : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de l’éternité jusqu’à l’éternité. Et tout le peuple dira : Amen!
Si l’on voulait exprimer le sens de cet amen! de façon tout à fait complète, il faudrait, je pense, en passer par cette longue périphrase : « Nous reconnaissons publiquement que ce qui vient d’être dit est vrai et nous nous fondons totalement sur cette vérité ». Il s’agit donc d’une réponse, et c’est là un point très important. Mais cette réponse est publique, d’une part, et d’autre part elle n’est pas simplement l’expression d’un accord banal : elle est un engagement total. On y risque sa vie comme dans une ordalie. 
On peut constater cela dans la toute première mention du mot amen dans la Bible, en Nombres 5,22 : la femme dira : Amen! Amen! : il s’agit pour elle d’accepter ainsi, devant le prêtre, les termes d’une dangereuse ordalie destinée à prouver sa fidélité conjugale, mise en doute par son mari. Elle y court le risque de mourir, mais aussi la chance d’être mère.
Cette citation montre par ailleurs que le mot peut s’employer à l’occasion dans des cas où la réponse du fidèle ne suit pas nécessairement une doxologie liée à la confession de la foi en Dieu. Mais inversement, le mot amen peut au contraire être un attribut de Dieu lui-même : élohé amen, Dieu de l’amen. On peut trouver cela en une unique occurrence, en Ésaïe 65,16 : Celui qui voudra être béni dans le pays voudra l’être par le Dieu de l’amen ; et celui qui jurera dans le pays jurera par le Dieu de l’amen. D’après le contexte, il s’agit sans doute d’affirmer alors que la réponse de Dieu à son fidèle véritable sera toujours positive.
Mais dans ces deux derniers cas, il s’agit d’exceptions, et l’emploi le plus courant du mot amen concerne la réponse positive du croyant à une parole qui l’engage totalement devant Dieu, à la vie à la mort. C’est par exemple le prophète qui répond ainsi à un oracle. Cela ne se trouve que dans Jérémie (11,5 et 28,6), et l’on sait les dangers que cette réponse du prophète pouvait attirer sur lui. La plupart du temps, cependant, cet engagement n’est pas individuel, il est le plus souvent collectif : les doxologies des Psaumes le montrent, c’est tout le peuple croyant qui est appelé à dire amen!
2
Comment les premières générations d’Israélites qui aient confessé, dans le Nazôréen Jésus, le Messie attendu, ont-ils reçu et utilisé ce terme issu de leur culture religieuse ?
Il est à noter que l’on trouve le mot amen plus de quatre-vingts fois dans le Nouveau Testament, soit bien plus que dans toute la Bible hébraïque. Il y a donc une insistance particulière sur ce que ce mot recouvre, et ceci pour une raison fondamentale, à mon sens, et sur laquelle je reviendrai. Mais je vais d’abord essayer de regrouper ces nombreux emplois en quelques catégories :
– On trouve souvent, dans l’ensemble des épîtres, un amen! à la suite de doxologies, conformément à l’usage du livre des Psaumes ; c’est aussi le cas de la doxologie finale ajoutée au Notre Père, cette prière juive proposée par Jésus à ses disciples dans l’évangile selon Matthieu (6,13). 
– D’autres rares emplois sont liés à une réflexion particulière, comme dans la première épître de Paul aux Corinthiens (14,16). Il s’agit du don des langues, ou glossolalie, dont Paul affirme qu’il n’édifie que celui qui le pratique, contrairement au don de prophétie. C’est pourquoi il écrit : Comment le peuple répondrait-il alors amen! puisqu’il ne sait pas ce que tu dis ? Mais là encore, nous retrouvons peu ou prou l’emploi hébraïque classique du mot amen : une réponse de foi qui engage le peuple qui la proclame.
– Notons surtout, car plus inhabituel, le grand nombre des paroles de Jésus commençant dans les évangiles par Amen! ou Amen! Amen!.
– Il y a enfin, comme un aboutissement, l’usage particulier que le livre de l’Apocalypse fait du terme.
Je vais simplement reprendre quelques exemples significatifs tirés de ces emplois.
Dans sa seconde épître aux Corinthiens (1,20), Paul donne expressément au mot amen une valeur nouvelle, typiquement chrétienne : Pour ce qui concerne les promesses de Dieu, c’est en lui (Jésus) qu’est le oui ; c’est pourquoi encore l’amen par lui est prononcé par nous à la gloire de Dieu. Dans cette phrase, on remarque que c’est bien toujours le peuple qui dit amen!, mais qu’il le fait par Jésus, confessé un peu plus haut comme Fils de Dieu et Messie. Autrement dit, la foi du peuple est la foi de Jésus et de nul autre. Le peuple croyant ne fait que prendre à son compte, dans la même logique d’engagement total que celle dont j’ai déjà parlé, le « oui » radical que Jésus a voulu émettre en réponse aux intentions de Dieu. Car dans cette optique, Dieu n’a trouvé parmi les humains qu’un seul être qui lui dise un « oui » sans réserve, dans sa vie comme dans sa mort. C’est ce que signifie, on l’oublie trop souvent, le titre de Fils de Dieu conféré par les chrétiens à Jésus. C’est en effet le rôle d’un fils d’obéir en tout à son père… du moins dans la culture juive de l’époque. Et la qualité de fils, la justesse filiale, est conférée par adoption à tous ceux qui se mettent au bénéfice de l’amen! radical assumé par le Fils unique. Telle est du moins la logique de Paul.
C’est évidemment la même logique que l’on trouve dans un autre emploi paulinien, la doxologie finale de l’épître de Paul aux Romains (16,27). Paul y écrit : À Dieu, seul sage, soit la gloire aux siècles des siècles, par Jésus-Christ. Amen!, et le mot amen! y est employé très exactement dans le même sens que dans les doxologies des Psaumes, à cette différence que sa validité y est liée à l’action du Christ Jésus.
J’en viens maintenant à cette façon particulière qu’a le Jésus des évangiles de faire débuter certains de ses enseignements par le mot amen. Dans les trois premiers évangiles, les synoptiques, on trouve l’expression amen! je vous le dis plus de cinquante fois ! Chez Jean, l’amen est d’ailleurs redoublé : amen! amen! je vous le dis. Nos commentaires chrétiens précisent qu’il s’agit d’une façon de s’exprimer que les rabbins de l’époque n’utilisaient pas. Consulté, un rabbin actuel confirme que cela est plus qu’improbable en effet ; si cela est vrai, ce qui ne me surprendrait pas, j’y verrais volontiers la raison suivante : le Jésus des évangiles se placerait ainsi ouvertement comme celui qui a l’autorité suffisante, non pour se borner à commenter les textes révélés, mais bien pour délivrer directement certains enseignements venus de Dieu. En d’autres termes, il revendiquerait et mettrait ainsi en avant la qualité d’unique véritable fidèle, de seul être dont le « oui » dit à Dieu, l’amen!, est véridique. Que ce soit là une expression de la foi des évangélistes, élaborée postérieurement à la rédaction des épîtres de Paul et à l’élaboration doctrinale qu’elles contiennent, ou, ce qui reste tout à fait plausible, qu’il s’agisse de paroles authentiques de Jésus, on peut constater que cela correspond à la conception que je viens d’exposer à propos de Paul : l’enseignement de Jésus est celui du seul être qui puisse parler au nom de Dieu parce qu’il est le seul qui lui obéisse absolument, qui lui soit absolument lié, le seul dont les paroles sont en elles-mêmes une confession véritable, un amen.
En ce qui concerne l’Apocalypse, on peut trouver une amplification radicale de cette conception. Bien sûr, on y retrouve la pratique de la doxologie accompagnée d’un amen! collectif, comme dans ce passage : C’était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’agneau. (…) Ils disaient : Amen! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles (7,9-12). Mais on peut noter qu’ici, la doxologie devient l’expression d’une foi universelle.
Le passage suivant dit la cause de cette universalité : le Christ y est lui-même l’objet, aux côtés de Dieu, d’une doxologie exprimée cette fois par quatre animaux qui représentent les empires de la terre, voire l’ensemble de la création : À celui qui siège sur le trône (Dieu) et à l’agneau (Jésus), louange, honneur, gloire et pouvoir pour les siècles des siècles. Et les quatre animaux disaient : Amen! (5,13-14).
Enfin, je citerai ce passage, qui marque un apogée dans la célébration du Christ : À l’ange de l’église qui est à Laodicée, écris : Ainsi parle l’Amen, le témoin fidèle et véritable, le principe de la création de Dieu (3,14). Ici, l’amen! n’est plus l’expression de la foi collective, ni même l’expression de la foi, seule authentique, de Jésus, c’est le Christ lui-même qui est l’amen. Nous sommes là au point extrême de la conception selon laquelle Jésus est à lui seul le confesseur véritable. Il l’est parce qu’il est le principe de la création de Dieu. En d’autres termes, il est la Parole éternelle de Dieu, celle par qui toutes choses furent créées.
Au travers de cet itinéraire, à la vérité trop rapide, qui suit la chronologie de l’emploi du terme amen dans l’ensemble des Écritures considérées comme canoniques par les chrétiens, j’espère avoir montré un aspect de la façon dont s’est élaborée la doctrine chrétienne concernant le Christ. Partant en particulier de l’usage doxologique des Psaumes, usage qui n’a jamais cessé d’être en vigueur chez les chrétiens, l’emploi du mot amen a subi une transformation et connu une importance croissante. On est parti d’un engagement collectif du peuple croyant répondant à la glorification du Dieu unique ; puis est venue la conception selon laquelle Jésus de Nazareth était l’unique croyant véritable, le seul Fils obéissant, le seul confessant véridique, et que l’on devait donc le reconnaître comme Messie, comme Christ. Enfin, est venue au jour la doctrine selon laquelle ce Christ n’est autre que la Parole éternelle de Dieu, seule capable de manifester cette gloire du Créateur, seul Amen.   
 
Communication orale, Amitié Judéo-chrétienne, Paris XIIe, 1999

DE L’ARCHE DE NOÉ À LA VISION D’ISAÏE: LA PAIX ET LA LIBERTÉ (Par le rabbin David Rosen)

29 octobre, 2011

 du site:

http://www.zenit.org/article-29350?l=french

DE L’ARCHE DE NOÉ À LA VISION D’ISAÏE: LA PAIX ET LA LIBERTÉ

Par le rabbin David Rosen

ROME, vendredi 28 octobre 2011 (ZENIT.org) – Dans l’arche de Noé, les animaux vivaient en paix, mais ils n’avaient pas le choix. Le prophète Isaïe, lui, propose une vision de paix qui vient de la „connaissance“ intérieure de Dieu. Le rabbin Rosen a proposé, à Assise, une méditation sur la paix et la liberté humaine inspirée par le prophète et ses commentateurs.

A l’image de Dieu
Dans son intervention à Sainte-Marie-des-Anges, jeudi matin, le rabbin David Rosen, directeur international pour les Affaires interreligieuses du Comité juif américain (AJC), a aussi exprimé sa gratitude envers Jean Paul II et Benoît XVI pour leur initiative.
Il a fait observer que « ce que les hommes et les femmes recherchent est une idée de la paix qui est à la fois « l’expression sublime de la volonté divine » et de « l’image divine dans laquelle chaque être humain est créé. »
Le rabbin Rosen a offert une réflexion à partir de la notion biblique de pèlerinage : « Un pèlerinage est par définition beaucoup plus qu’un voyage. En hébreu, on traduit le pèlerinage par l’expression « aliyah la’regel », c’est-à-dire « montée à  pied ». Le concept biblique de montée avait une signification à la fois littérale et spirituelle. Littérale puisqu’on montait les monts de Judée jusqu’à Jérusalem, le Temple saint. Mais le symbolisme physique voulait inspirer à l’esprit du pèlerin la conscience intérieure d’une montée spirituelle, de s’approcher toujours davantage de Dieu, et donc un accord avec la volonté divine et avec les commandements. »

De Jérusalem, la parole de Dieu
Le rabbin a longuement cité la vision de paix du prophète Isaïe : « Ce concept de pèlerinage, de montée, est centrale, a-t-il fait remarquer, dans la vision prophétique de l’établissement du Royaume des cieux sur la terre : la vision messianique de la paix universelle. Dans les paroles du prophète Isaïe : « Des peuples nombreux viendront et ils diront : « Allons, montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob, pour qu’il nous enseigne ses voies et que nous puissions marcher  sur ses sentiers, parce que de Sion sortira la loi et de Jérusalem la parole du Seigneur ». Il sera juge entre les nations et arbitre entre des peuples nombreux. Ils rompront leurs épées et en feront des charrues, et de leurs lances des faucilles. Une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre et ils n’apprendront plus l’art de la guerre » (Is 2,3-4). »
Le rabbin Rosen a aussi lu la suite de la prophétie, cette étonnante vision de la paix universelle entre les créatures: « Et le prophète continue : « Le loup habitera avec l’agneau ; le léopard se couchera avec l’enfant ; le veau et le lion paîtront ensemble et un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse paîtront ensemble et leurs petits se coucheront ensemble ; le lion se nourrira de paille comme le bœuf. Un nourrisson jouera sur le trou du serpent et un enfant mettra sa main dans le repaire de la vipère. Ils ne feront pas de mal et ne détruiront pas ma montagne sainte, parce que la terre sera remplie de la connaissance du Seigneur comme les eaux recouvrent la mer » (11,6-9). »
Entre l’arche et Isaïe, la liberté
Et pour expliquer le sens de ce passage biblique, le rabbin a cité le passionnant commentaire du rabbin Meir Simcha de Dwinsk, qui a vécu il y a quelque cent ans : « Il remarque que cette vision de paix s’est déjà réalisée une fois dans l’histoire religieuse de l’humanité, à l’intérieur de l’arche de Noé. Là, les prédateurs ont dû vivre en végétariens, et leurs proies potentielles ont pu vivre en paix. Cependant, fait remarquer le rabbin Meir Simcha, la différence profonde entre la situation dans l’arche de Noé et la vision d’Isaïe c’est que dans l’arche ils n’avaient pas la possibilité de choisir. C’était la seule option possible pour les animaux, pour survivre au déluge. La vision d’Isaïe naît au contraire de la « connaissance du Seigneur » : c’est une vision qui jaillit de la compréhension spirituelle la plus intime et de la volonté libre. »
Puis le rabbin a proposé cette actualisation pour le monde d’aujourd’hui : « Pour beaucoup, dans le monde, la paix est une nécessité pragmatique – et en effet, c’est vrai, nous ne devons en aucune façon diminuer la bénédiction  que représente pour notre monde un tel pragmatisme. Cependant, ce que les hommes et les femmes de foi cherchent et ce à quoi ils aspirent, c’est de « monter à la montagne du Seigneur », c’est une idée de la paix en tant qu’expression sublime de la volonté divine et de l’image divine dans laquelle chaque être humain est créé. »
Il l’a appliqué aussi à l’initiative de Jean-Paul II en lui rendant hommage ainsi qu’à Benoît XVI: « Du fait qu’il a manifesté cette aspiration de façon aussi visible ici, à Assise, il y a 25 ans, nous avons une dette de gratitude envers la mémoire du bienheureux Jean-Paul II, et nous devons être profondément reconnaissants envers son successeur, le pape Benoît XVI, d’avoir continué ce chemin. »
Pour la bénédiction et la guérison de l’humanité
Reprenant sa réflexion sur la paix à partir d’Isaïe, le rabbin Rosen a ajouté : « Les sages du Talmud nous enseignent que non seulement la paix est le nom de Dieu (Shabbat 10b, cf. Gdc 6,24), mais c’est aussi le présupposé indispensable pour la rédemption, comme il est écrit  (Is 52,7): « Il annonce la  paix… il annonce le salut » (Deuter. Rabbah 20,10). En outre, nos sages soulignent qu’il n’y a pas d’autre valeur à la recherche de laquelle nous soyons obligés de sortir de notre route comme pour la paix, ainsi qu’il est écrit (Ps 34,15): « Cherche la paix et poursuis-la ». »
Cette belle conclusion aussi a été empruntée à Isaïe : « Puisse la rencontre d’aujourd’hui fortifier tous les hommes et les femmes de foi et de bonne volonté pour que nous multiplions nos efforts et que nous fassions de cet objectif une réalité qui apporte véritablement la bénédiction et la guérison à l’humanité, comme il est écrit : « Paix, paix à ceux qui sont loin et à ceux qui sont proches, et moi je les guérirai » (Is 57,19). »

Anita S. Bourdin

L’étoile à six branches

25 octobre, 2011

du site:

http://www.lueur.org/textes/etoile-david.html

L’étoile à six branches

Pasteur Daniel Mochamps

Quelle est la signification de l’Etoile de David ?

(Je pense que ce site est l’Eglise baptiste)

La réponse à cette question sera certainement l’une de celles qui feront le moins référence à la Bible. En effet, ce signe distinctif à charge symbolique si forte ne fait pas partie des symboles mentionnés par la Bible.
Un motif décoratif
On le trouve comme motif décoratif commun au Moyen-Orient aussi bien qu’en Europe dès le troisième millénaire avant notre ère (début de l’âge du bronze). Ce n’est qu’au VIIe siècle av. J.C. que l’on trouve sa trace en tant que décoration utilisée dans un sceau judéen retrouvé à Sidon.
C’est en fait un symbole universel que l’on retrouve dans des endroits aussi différents que le Maroc, les Canaries, le Mexique (anciennes traditions olmèques), le Tibet, le Brésil, chez les Druzes et jusqu’à l’étoile du shérif aux Etats-Unis.
A l’époque du temple de Zorobabel, le second temple de Jérusalem achevé vers 515 av. J.C., ce symbole devint d’un usage assez courant parmi les Judéens de retour de l’exil babylonien aussi bien que parmi les autres nations du Proche Orient. On le trouve sur des bâtiments et sur des objets manufacturés, en tant que motif décoratif. En tout cas, ce symbole n’avait aucune signification proprement hébraïque ou juive et ceci restera vrai tardivement.
Sur les amulettes
Au Moyen Age le symbole prend le nom de « bouclier de David » et orne souvent des talismans magiques destinés à conjurer le mauvais oeil. Il faudra attendre le XIIIe s. pour trouver l’étoile à six branches dans la décoration de quelques synagogues allemandes et sur des manuscrits en langue hébraïque. Mais ce symbole n’était désigné par aucun nom et n’avait aucune signification particulière, religieuse ou autre.
Après le Moyen Age, l’étoile à six branches fut encore largement utilisée par tous, Juifs et non Juifs dans les livres imprimés et dans les motifs des armoiries.
Les objets rituels
A Prague, la communauté juive avait fait figurer le bouclier de David comme motif dans son sceau. Cet usage se répandit ensuite dans les communautés juives d’Europe à partir du XVIIe s. et le symbole finit par figurer sur des objets rituels.
Ensuite, chez certains adeptes de la Kabbale, le symbole finit par devenir un signe ésotérique symbolisant la rédemption.
Un signe confessionnel
Enfin, au XIXe s., le bouclier de David fut peu à peu confessionnalisé et adopté comme signe d’identification général correspondant à la croix pour les chrétiens. Au congrès sioniste de 1897, le bouclier de David fut choisi comme symbole du mouvement sioniste puis figura sur le drapeau de l’Etat d’Israël. Les nazis contribuèrent tristement à accroître la charge symbolique du bouclier de David.
La Kabbale
Pour la Kabbale juive et l’alchimie, le bouclier de David, sous le nom de Sceau de Salomon, constitue une image du monde. Les différents triangles entrecroisés qui composent le symbole représentent les éléments : le feu, l’eau, l’air et la terre alors qu’aux quatre pointes latérales correspondent les quatre propriétés fondamentales de la matière, le froid, le chaud, le sec et l’humide. Le triangle supérieur dirigé vers le haut, qui est alors de couleur blanche, représente Dieu et les forces d’évolution. L’autre triangle complémentaire et opposé, de couleur noire, représente, lui, l’involution, les forces terrestres. Pour les kabbalistes juifs, c’est là le symbole de l’action de Dieu dans le monde des mortels.
Pour les alchimistes, le sceau de Salomon représente la Pierre philosophale, qui comprend les sept métaux de l’art royal associés aux sept planètes qui résument la totalité du ciel (Argent-Lune, PlombSaturne, Fer-Mars, Vénus-Cuivre, Jupiter-Etain, Mercure-Mercure, Or-Soleil).
Signalons aussi la symbolique des francs-maçons chez lesquels le sceau de Salomon représente les officiers de la fraternité.
Le nouveau culte
Pour revenir au plan biblique, il faut remarquer que pour le Nouveau Testament, les objets, les signes symboliques ou sacrés n’ont plus court. Ceux qui étaient mentionnés par l’Ancien Testament appartenaient à une étape préparatoire qui est maintenant dépassée en Christ, dans la nouvelle alliance. Le premier culte, celui de l’ancienne alliance avec tout son appareil, est aboli en faveur de l’établissement du culte de la nouvelle alliance (He 10.9). Cependant, il est propre à la nature humaine de vouloir toucher ou voir ce qui est exprimé en mots. Il nous faut donc faire preuve de beaucoup de sobriété dans l’usage des signes et symboles. Nous n’avons besoin d’aucun symbole pour vivre la réalité de la victoire de Christ sur toute Autorité et tout Pouvoir, qu’il a traînés dans son cortège triomphal après sa victoire à la croix (Col 2.15).
Magen David (appelé aussi bouclier de David), d’après un alphabet magique très répandu
Ce sont les idées ésotériques de la Kabbale, qui se répandirent largement au Moyen Age, qui ont favorisé l’usage de ces amulettes. Aujourd’hui, ce sont des bijoux porte-bonheur.

Rosh Hashana 2011/5772 le 28-29 september, les rites du Nouvel An juif

30 septembre, 2011

du site:

http://carolineplume.suite101.fr/rosh-hashana-2011-les-rites-du-nouvel-an-juif-a13410

Rosh Hashana 2011, les rites du Nouvel An juif

7 juin 2010

Caroline Plume

Shofar au mur des Lamentations -
En 2011, le Nouvel An juif débute le 28 septembre. Retour sur les célébrations, traditions et rites de la nouvelle année dans le judaïsme.
Le premier et deuxième jour du mois de Tichri, septième mois du calendrier hébraïque, est célébré le Nouvel An juif ou Rosh Hashana, également appelé « fête des trompettes » : le Shofar, corne de bélier, sonne dès la prière du matin à la synagogue, en souvenir de l’épisode biblique au cours duquel Abraham sacrifia un animal à la place de son fils Isaac. Il pourra sonner près de cent fois, les sons longs alternant avec les sons courts, évoquant les sanglots du repentir pour les uns, la mise en alerte, la « convocation » pour les autres.
Que signifie le Nouvel An juif ?
Passage à la nouvelle année, Rosh Hashana est aussi le jour du jugement de la Création et du couronnement de Dieu comme Roi de l’Univers. Il s’agit d’une fête plus solennelle que joyeuse qui ouvrira, en septembre 2011, l’an 5772 du calendrier hébraïque.
Le 28 septembre au soir, un premier « Seder » ou repas cacher, véritable festin dans les communautés sépharades, marquera le début des festivités du Nouvel An. Un deuxième repas en marquera la fin le lendemain. Le troisième jour est en principe un jour de jeûne. Les deux premiers jours sont des jours chômés pour les communautés juives, qui se consacrent exclusivement à cette célébration afin de se souhaiter la bonne année (Shana Tova) dans le respect des rites.
Selon la tradition, de grands événements se sont produits à Rosh Hashana : la création du monde, la naissance des patriarches Abraham, Isaac, Jacob, les destructions du Temple, la conception d’enfants issus de femmes stériles de la Bible, la libération de Joseph des prisons égyptiennes, la fin du travail forcé des Hébreux sous le joug des Egyptiens… et un jour le Jugement Dernier, et la résurrection des morts.
Loin de la Saint-Sylvestre, une fête grave et solennelle
Les communautés sont invitées, à l’occasion de la nouvelle année, à faire le bilan de l’année écoulée, et à faire pénitence dans l’attente de Yom Kipour, le « Grand Pardon », célébré dix jours plus tard : dix jours pour les « moyens », la catégorie de personnes se situant entre les justes et les mécréants, pour faire le point sur leurs actions, reconnaître leurs torts et prendre de nouvelles résolutions pour l’année qui commence !
Les cérémonies à la synagogue sont empreintes de solennité et se déroulent sous le signe du blanc, symbole de pureté : les étoffes enveloppant les rouleaux de la Torah, la tenture de l’armoire sainte et du pupitre sont blanches. Un fidèle sonnera le shofar à plusieurs reprises, afin d’éveiller les consciences et de les inviter au repentir. Les poèmes spécialement composés et prières liturgiques sont d’une grande richesse.
Plus populaire, la cérémonie du Tashlikh : on vide ses poches dans un cours d’eau le premier jour de la fête en fin d’après-midi, comme pour se délester de ses péchés et de ses fautes au fond de la mer. On peut aussi, à titre symbolique, secouer son mouchoir au-dessus de l’eau ou y jeter une pierre.

Les mots des religions : « Shabbat »

22 septembre, 2011

Grand Rabbin Haïm Korsia : le shabbat, et la vue Israélite sur le travail du dimanche 
   
http://www.travail-dimanche.com/expertises-etudes-reflexions/grand-rabbin-ha-m-korsia-le-shabbat-et-la-vue-israelite-sur-le-travail-du-dimanche.html

Canal Académie, 25/4/10

Les mots des religions : « Shabbat »

Avec le grand Rabbin Haïm Korsia, aumônier général israélite des armées françaises
Le shabbat, c’est-à-dire le jour d’« abstinence » qui correspond au samedi, est un des fondements les mieux ancrés de la religion judaïque. Haïm Korsia, aumônier général israélite des Armées, nous explique ce que signifie ce partage du repos pour la communauté juive, effectuant un parallèle avec la polémique sur le travail.
« Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite ; et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre, qu’il avait créée en la faisant. » Genèse, 2 : 2-3
Comme chacun sait, le shabbat est le jour de repos assigné au dernier jour de la semaine, c’est-à-dire le samedi dans la conception juive. Le « jour » au sens hébraïque débutant non pas au lever du soleil mais à la tombée de la nuit, il s’étend en fait du vendredi soir au samedi soir : ainsi en hiver, le shabbat commence et se termine en fin d’après-midi, alors qu’il n’est pas observé avant 21 heures autour du solstice d’été.
« Avec 3500 ans d’avance sur les grands acquis sociaux qui ont permis de définir un jour d’arrêt de travail », note Haïm Korsia, le shabbat, quatrième des dix commandements (Exode 20 et Deutéronome 5), a dès les origines du judaïsme imposé l’idée que « le rythme humain c’est : six jours de travail, un jour de repos ».
Un temps pour soi, un temps pour tous
Un jour de repos, mais pas un jour de paresse. Le shabbat est avant tout réservé à l’étude, à la vie de famille et au partage, dans l’idée que le temps pour soi est aussi un temps pour Dieu. Le shabbat, par ses trente-neuf prohibitions que recense le Talmud, « ramène l’homme à sa dimension réelle », analyse le Grand Rabbin. N’ayant pas le droit d’utiliser l’électricité, d’emprunter un véhicule motorisé ou de se servir des technologies modernes, il ne lui reste en effet que ses pieds pour se déplacer et sa bouche pour communiquer : si l’on veut voir quelqu’un, on fait l’effort d’aller à lui, de le regarder et de lui parler en face-à-face, à l’opposé des rapports virtuels et distants du reste de la semaine. Mais ce qu’apprécie le plus Haïm Korsia, « un avantage extraordinaire aujourd’hui », c’est peut-être encore l’éphémère bannissement de la télévision et surtout du téléphone…
Shabbat est traditionnellement l’occasion de trois repas meilleurs que l’ordinaire, les « shalosh seoudot ».
Auditionné à l’Assemblée nationale en 2008, Haïm Korsia avait à l’époque pris position sur la question du travail le dimanche. Parallèle du shabbat puisque le jour du Seigneur chez les chrétiens, le dimanche, a en effet conservé une certaine sacralité républicaine. Pour Korsia, « il est important d’avoir un temps qui soit un temps pour tous ». Le rythme de la création suppose, au bout d’un certain intervalle, à l’instar du Dieu de la Genèse, de s’arrêter et de regarder son œuvre.
Il est essentiel de reconnaître aux hommes une identité autre que celle de travailleurs et de producteurs, et de leur permettre de cultiver cette identité en leur offrant cette « respiration commune ». «  Quand les hommes partagent le temps  », explique Korsia, «  ils deviennent réellement des “contemporains”, au sens étymologique du terme ; c’est ça, vivre ensemble 
».

LA MUSIQUE JUIVE : Aux ORIGINES

25 août, 2011

du site:

http://www.judaicultures.info/La-musique-juive-aux-origines.html

LA MUSIQUE JUIVE : Aux ORIGINES

1 – « La Bible et la musique. Par Léon Algazi,

Néanmoins, l’hypothèse de cette filiation peut se soutenir. Les premières synagogues et le dernier Temple ont , en effet, coexisté durant trois siècles environ. Il est donc fort probable que les chants qui servirent à l’établissement du culte synagogal ne furent pas autres que ceux des Lévites. Certes, il y eut l’exil qui priva les Juifs d’un centre spirituel, mais ce malheur devait avoir, parmi d’autres conséquences, celle de rendre plus jaloux l’attachement des exilés à la tradition. Le Chant de Sion en bénéficia au même titre que les autres éléments du patrimoine national. La connaissance des mélodies reçues contribuait d’ailleurs à conserver une lecture exacte et bien prosodiée du texte sacré. Pieusement, amoureusement, on continuait de se les transmettre de père en fils, de maître à disciples, durant des centaines d’années…
Malheureusement, notre antique notation musicale, la notation taamique, ne fut jamais appliquée aux textes des prières proprement dites. Que les mélodies synagogales de l’antiquité ne soient donc pas arrivées intactes jusqu’à nous et que ce qu’on appelle « le chant traditionnel » ait subi des transformations profondes, nul ne songe à le nier. Ces altérations sont attestées par la multiplicité des traditions musicales actuelles, variant selon les pays et les communautés. Il est même indéniable que des emprunts ont dû être faits par nos hazanim (chantres) au chant populaire, comme à la musique savante des peuples au milieu desquels se sont fondées et ont évolué les communautés juives de la Dispersion…
On note même des exemples d’infiltrations de cantiques chrétiens, des Noëls notamment, – dans la liturgie juive. En revanche, Georges Oudard, M. Amédée Gastoué, entre autres spécialistes du plain-chant dans l’Eglise, ont affirmé l’origine juive d’une partie au moins des mélodies grégoriennes… Le génie d’un peuple, d’un individu, ne crée rien ex nihilo. Mais il assimile les matériaux qu’il emploie, et leur imprime, si dissemblables soient-ils, le sceau de sa personnalité. Or, ce qui frappe, à l’analyse des mélodies hébraïques traditionnelles des rites les plus différents, en usage dans les contrées les plus éloignées les unes des autres, c’est précisément leur air de famille…Au demeurant, il n’est que de se remémorer tels chants d’Israël rendus célèbres par les adaptations de quelques musiciens modernes ou contemporains, – Le Kol Nidré, certains Kaddish. – pour reconnaître que le chant hébraïque a son style, sa physionomie, sa personnalité…
Fait pour la prière de l’homme, il demeure constamment humain. Fait pour purifier et ennoblir les sentiments naturels, et non pour les abolir, il est tour à tour suppliant et débordant de gratitude, joyeux et poignant, impérieux et tendre ; jamais désespéré, car il ne cesse d’être religieux. Fait pour implorer et louer Dieu, il est persuasif et émouvant, au point de pouvoir se passer de la parole : on chante beaucoup « à bouche fermée » dans certaines synagogues. Sa véhémence elle-même a un caractère traditionnel : elle est fille de la Bible. » (Léon Algazi, Le chant hébraïque de la Synagogue française, 9-10 : 13.) Source : Anthologie Juive, de Edmond Fleg, éd. Flammarion (1951).
2)- « Musiques juives, musiques hybrides, par Hervé Roten,
« …Le terme générique « musique juive » recouvre en fait des réalités musicales fort diverses. Il n’existe pas une, mais des musiques juives, chacune d’entre elles résultant d’une histoire et d’un environnement culturel spécifiques…
La musique hébraïque antique : les racines sumériennes, babyloniennes, assyriennes, égyptiennes… ..Au début du XVI° siècle, des humanistes chrétiens s’intéressent aux système des accents bibliques (teamim) qu’ils essayent de transcrire musicalement . (cf. notamment les manuscrits de Johannes Reuchlin (De accentibus et orthographia linguae hebraicae, Haguenau, 1518), de J. Böschenstein (Munich Co. Hebr. 401) ou encore de Sebastian Münster (Institutiones grammaticae in hebream linguam, Bâle, 1524). Cependant, ce n’est véritablement qu’à partir du XIX° siècle qu’un certain nombre de chantres européens commencent à noter leur pratique de la hazanut . A cette époque, la musique est généralement considérée comme l’émanation culturelle du génie des peuples…
Et les Juifs ? Leur musique remonterait aux temps les plus reculés et recèlerait les secrets d’une ou musique primitive qui aurait conservé le « pureté » le ses origines bibliques. Les premières recherches musicologiques ont fait vaciller le mythe… L’interdiction de l’image dans le culte mosaïque et l’absence de toute notation musicale entretiennent à ce sujet un flou artistique particulièrement gênant…Il subsiste de nombreux témoignages écrits faisant état d’une pratique musicale : à ce titre la Bible, la Mishnah, le Talmud, les manuscrits de Qumran (Mer Morte) ou encore les écrits de Flavius Josèphe fournissent des renseignements appréciables sur les pratiques musicales de l’ancien Israël. Sont notamment cités : des instruments à cordes de type lyre tels le Kinor, le nevel ou nevel asor (probablement un nevel de petite taille) ; des instruments à vent comme le shofar (corne de bélier ou de bouc), la hatsotserah (trompette en métal précieux, généralement en argent) ou le halil (chalumeau probablement à double tuyau), et enfin des instruments à percussion : cymbales (tsiltsalim ou metiltayim), tambourin (tof) ou encore cloches (paamonim).
Le chant est également mentionné dans la Bible. Il peut être d’ordre profane (chant de l’eau ou du labour, airs de ralliement, chants de guerre et de triomphe, chants de fêtes populaires) ou comporter un caractère sacré (Cantique de Moïse – Exode, XV, 1-21- et de Déborah – Juges V -). Toutefois, au cours de la période nomade, la musique ne joue qu’un rôle mineur dans l’accomplissement des préceptes religieux : son utilisation est généralement spontanée et souvent restreinte à l’accompagnement des processions ou des cérémonies. Il faudra attendre l’établissement de la royauté (vers 1025 av.J.C), l’instauration du premier orchestre cultuel par le roi David et l’édification du premier Temple de Jérusalem par son fils Salomon, pour que se mette en place un culte ritualisé accompagné de musiques.
…le don des Lois écrite et orale au mont Sinaï -acte fondateur par excellence du judaïsme – ne comporte aucune mention musicale…Le texte biblique relatant l’énonciation divine des dix commandements indique que le peuple hébreu rassemblé au bas de la montagne sacrée « voit les voix… » du Créateur (Exode xx,18)…à défaut de les entendre. Ce récit, …laisse transparaître que dans la tradition juive, la musique hébraïque n’est pas d’essence divine.
Selon toute vraisemblance, la musique des temps bibliques puise ses racines dans les musiques sumérienne, babylonienne et assyrienne. A l’époque de Joseph et pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux ont enrichi de musiques égyptiennes ce fonds originel. Durant l’exil babylonien (586-538 avant J.C.) les musiciens juifs ont probablement intégré les orchestres de cour des rois assyriens et babyloniens selon le coutume en usage à l’époque. Enfin, au cours des trois derniers siècles précédant l’ère chrétienne, la musique du royaume de Juda a été fortement influencée par la civilisation hellénistique ; en témoignent les nombreux noms d’instruments grecs qui figurent dans le livre de Daniel (III,5) ainsi que les descriptions de Ben Sira (II° siècle av. JC.) des pratiques musicales profanes inspirées des mœurs grecques (festins, créatin de théâtres, concours musicaux…) A cette même époque, l’essor de le synagogue favorise la création d’une esthétique musicale résolument fonctionnelle. La musique synagogale, essentiellement vocale, sert d’écrin expressif et mnémotechnique aux cantilations bibliques, psaumes, et autres prières communes récitées durant le culte. Lorsqu’au II° siècle de l’ère vulgaire les Romains mettent un terme à l’existence de la Judée, la musique hébraïque…s’est profondément transformée. Mais l’absence de tout système de notation musicale datant de cette époque ne permet pas de la reconstituer de façon tangible. »
« L’adoption de la métrique arabe dans la poésie religieuse… « …A l’égal des mythes fondateurs, c’est dans l’exil que se délite l’hébreu, le judéen, et que se forge la nouvelle identité juive. Regroupés en communautés, les fils de Moïse organisent leur existence en la ritualisant. La Synagogue, et le culte qui s’y déroule, sont au cœur de leur vie. De par son pouvoir émotionnel et fédérateur, la musique unit les hommes dans la prière… Rappelons qu’à ses débuts, l’office synagogal comportait principalement des prières de base comme le Shema, le Halel, la Tefilah (ou Amidah) et la récitation des psaumes. A cela s’ajoutait la lecture de la Torah les lundis, jeudis et samedis. Jusqu’à la destruction du Second Temple (70 après J.C.) différents rituels de prières coexistaient au sein du culte synagogal. C’est sous l’impulsion de Gamaliel II (milieu du 1er siècle de l’ère chrétienne – avant 132) que fut adopté un nouveau rituel unifié appelé Avodah shebalev (« culte du cœur ») qui se développa dans toutes les synagogues et fut appliqué sans grands changements jusqu’à la fin de l’époque talmudique.
C’est d’ailleurs en partie pour apporter un peu de variété à cet office quelque peu sclérosé que naquirent les piyutim vers le V° siècle de l’ère chrétienne. A l’origine, le piyut est une poésie religieuse destinée à remplacer les prières obligatoires, notamment lors des offices de shabbat et des fêtes. Cette évolution fut probablement liée à la restriction de la liberté d’enseignement et de prières sous Justinien 1er (décret de 553). Malgré de sévères critiques, notamment de la part des membres des grandes Académies de Babylone, la poésie religieuse, forte de son succès populaire, se répandit dans toutes les communautés juives. Et au fil des siècles, certains piyutim furent intégrés aux prières selon un choix propre à chaque communauté.
Sur le plan musical, la floraison de la poésie religieuse eut un impact considérable. La création de nouveaux textes entraîna le recours à une musique d’un genre nouveau. Dans un premier temps, les Piyutim furent chantés dans un style psalmodié ou dans un rythme libre déterminé par la place des accents dans la phrase. Mais le X° siècle, à l’instar de la poésie arabe, Dounash ben Labrat (c.920- c.980 ?) introduisit dans son œuvre la notion de mètre, soit l’existence d’un rapport de proportionnalité entre les différentes valeurs de durée. Cette innovation, loin d’être anodine, dénote l’influence de la civilisation arabe sur les communautés juives séfarades. Sur un plan linguistique, l’hébreu n’établit pas de différenciations entre syllabes longues et courtes. Lui appliquer un cadre métrique revenait à lui imposer une déclamation qui n’existe pas naturellement dans la langue hébraïque…ce qui n’empêcha pas l’initiative de Dounash ben Labrat de remporter un vif succès et d’être rapidement imitée par bon nombre de ses confrères.
L’adoption de la métrique arabeentraîna fréquemment le recours à une poésie de forme strophique. Chaque couplet était habituellement chanté sur une mélodie plus ou moins identique, l’assimilation du texte par le fidèle s’en trouvant ainsi grandement facilitée. La musique n’était ainsi plus un simple véhicule du texte, sans réelle existence . Bien au contraire, le texte devait se plier à une musique préétablie.
Ce renversement sémantique allait encore s’accentuer avec l’utilisation de timbres mélodiques de provenances diverses. L’emprunt de « timbres » est un phénomène communément répandu dans la musique juive : un air généralement à la mode et connu de tous est plaqué sur de nouvelles paroles. De nombreux piyutim comportent ainsi en tête le nom d’une mélodie préexistante sur laquelle est chanté le texte. En dehors des airs empruntés au répertoire traditionnel juif, on trouve mention de timbres espagnols, provençaux, italiens et allemands. Particulièrement apprécié du public, ce procédé donna lieu à de nombreuses controverses de la part du corps rabbinique ; il est toutefois demeuré jusqu’à nos jours une des caractéristiques majeures de l’hymnodie hébraïque…et une des plus grandes sources d’hybridation de la musique juive.
Ménestrels et troubadours juifs transcendent frontières et différences religieuses…
A un tout autre niveau, les ménestrels, troubadours ou trouvères juifs ont également contribué à introduire de nombreux airs étrangers dans la musique juive. Lorsqu’ils parcouraient les pays d’Europe et se livraient à leur art devant un public composé indifféremment de Juifs et de non-Juifs, les ménestrels exécutaient des chants poétiques en tous points semblables à ceux de leurs collègues non-Juifs. Lorsqu’ils se produisaient devant une assemblée juive, ils ajoutaient à leur répertoire quelques sujets tirés de la Bible ou du Midrash qu’ils chantaient dans la langue vernaculaire. On a ainsi retrouvé dans la genizah du Caire le carnet d’un ménestrel juif, datant de 1382, contenant la notation de chants d’inspiration profane ou sacrée avec des paroles allemandes écrites en caractères hébraïques.
Il ne faut pas sous-estimer l’impact des musiciens errants sur l’évolution de la vie musicale en Europe. Ces ménestrels contribuèrent à dresser une Europe musicale sans frontière qui transcendait les différences religieuses. Ils servaient de liens entre les communautés juives isolées et leur environnement. Ils étaient les porteurs d’une tradition instrumentale internationales. Lorsqu’ils accompagnaient les danses lors des mariages ou d’autres occasions, lorsqu’ils élaboraient le programme musical de ces festivités, ils transféraient inconsciemment une grande partie de leur répertoire dans les quartiers juifs. Ces mélodies de danses profanes, ces airs entraînants ne tardaient pas à s’infiltrer dans l’oreille des gens et des paytanim, si bien qu’au bout de quelque temps, on les retrouvait tout naturellement dans le répertoire des chants synagogaux. Indépendamment de l’idéal esthétique préconisé par des mélomanes férus de théorie musicale, la grande masse des fidèles imposait ainsi son goût pour une musique simple aux accents populaires.
Cet intérêt pour la culture séculaire et laïque apparaît particulièrement intense en Espagne, en Italie et dans le sud de la France. Ainsi dès 1230-40, les Juifs d’Andalousie et du sud de l’Europe chrétienne intègrent l’enseignement musical dans l’éducation de leurs enfants. Sensiblement à la même époque, plusieurs traités musicaux rédigés en arabe sont traduits en hébreu. En Provence, les Juifs étudient la pratique musicale de leur époque ; en témoigne la traduction hébraïque de notes prises en cours par un élève de l’école de musique de Jean Vaillant, musicien établi à Paris au début du XV° siècle. Cependant des persécutions de plus en plus fréquentes et surtout l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 vont entraîner un repli des communautés juives sur elles-mêmes et l’émergence de courants mystiques où la musique occupera une place centrale. » (par Hervé Roten , Les cahiers du judaïsme n°5, Automne 1999, publié par l’Alliance Israëlite Universelle)

Une grande figure féminine du judaïsme : Myriam

8 août, 2011

du site:

http://bibleterremer.allmyblog.com/77-myriam-soeur-de-moise-1.html
 
Myriam, soeur de Moïse 1      

Une grande figure féminine du judaïsme : Myriam
    
  Choisir une seule personne pour représenter la femme dans le judaïsme n’a pas été facile. Non pas parce qu’aucun nom ne me venait à l’esprit, mais au contraire parce qu’en choisissant l’une plutôt que l’autre, j’avais l’impression d’être «injuste ».
      En effet, de nombreuses femmes ont joué un rôle important dans le judaïsme et ont marqué son histoire. Un rabbin du site Modia définit d’ailleurs ainsi la femme juive : « Force inimaginable, capable de s’opposer à la brutalité déferlante des hommes. C’est l’image du peuple juif lui-même. »   ( Le ton est donné ! )
      Pour que vous ayez une idée de la place de la femme dans notre religion, je ne peux pas m’empêcher de citer en introduction ces grandes figures sans lesquelles le peuple juif ne serait pas ce qu’il est, et que j’aurais pu choisir pour mon exposé de ce soir…
Les trois matriarches, bien sûr : Sarah, Rébecca et Léa, épouses respectives des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, à l’origine du peuple juif lui-même. Elles représentent le bon sens et sont de bon conseil. Dieu lui-même dit à Abraham : « Pour tout ce que Sarah te dit, obéis à sa voix. » (Genèse, 21,12)
Rachel, seconde femme et préférée de Jacob. Elle est appelée « Imanou », c’est-à-dire « Notre mère [ à tous ] » parce qu’elle est considérée, encore à l’heure actuelle, comme la protectrice des enfants d’Israël et des voyageurs.
Esther : célébrée lors de la fête de Pourim. Elle a sauvé tout son peuple de l’extermination totale organisée par Aman, sous le règne du roi Assuérus de Perse, grâce à son intelligence et à sa persévérance.
Ruth : L’histoire de Ruth, qui se déroule à l’époque où les Juges dirigeaient le peuple d’Israël, est rapportée par un livre qui lui est consacré. Il s’agit de montrer comment une femme étrangère (une non juive qui se convertira par la suite) est non seulement entrée dans le peuple d’Israël, mais est à l’origine des règles régissant l’attitude de la femme juive. Le récit met l’accent sur la loyauté exemplaire de la Moabite Ruth, vis-à-vis de sa belle-famille et vis-à-vis de D.ieu.
Déborah : Selon le livre des Juges (chapitres 4 et 5), c’est une prophétesse et la seule femme mentionnée par la Bible parmi les Juges d’Israël. Elle exerça cette fonction pendant 40 ans, de 1260 à 1221 avant l’ère chrétienne. Elle est représentée, siégeant sous un palmier, où tout le peuple pouvait lui demander conseil et d’où elle lançait ses ordres de combat. Elle est également l’un des premiers portraits d’une femme dans un rôle héroïque et militaire.
La liste, bien sûr, n’est pas exhaustive …
   Mais parmi toutes ces grandes destinées, une, celle de Myriam, a fini par s’imposer à mon esprit, non seulement par sa vie et ses actions, mais également par la valeur symbolique de son existence et par la représentation qu’elle donne de l’image de la femme dans le judaïsme.
   De plus, le parcours de Myriam va me permettre de vous montrer quelques aspects de la démarche d’investigation de la réflexion juive.
   C’est pourquoi, dans un premier temps, je vous parlerai de la vie biblique et plus ou moins historique de Myriam, en tant que femme tout simplement.
   Puis j’évoquerai les différents récits annexes, anecdotiques ou « midrachiques », écrits ultérieurement à son sujet.
   Enfin, j’aborderai, à travers la place de Myriam dans son peuple, celle de la femme, plus généralement, dans le judaïsme.
 
I]  La vie de Myriam :
    Le prénom Myriam a plusieurs significations, aussi représentatives l’une que l’autre. Son premier sens est « Celle qui élève ». Puis, selon l’origine étymologique, Myriam signifie « souhaité un enfant », « amertume », « rebelle » ou « aimée » / « la bien-aimée » et l’on verra que chacune de ces traductions correspond à une étape de la vie de Myriam, sœur de Moïse/Moché et de Aaron, fille de Yokheved et de Amram.
    La vocalisation araméenne Mariam a donné le grec Maria, d’où le français Marie.
  Myriam a d’abord été appelée « amertume » (mar en hébreu signifie « amer ») parce qu’au moment de sa naissance, le Peuple Juif était entré dans la phase la plus difficile de l’exil égyptien. Replaçons-nous dans le contexte…
   Le pain quotidien des esclaves juifs en leur exil égyptien était bien amer. Ce qui avait commencé comme des travaux forcés n’en finissait plus de dégénérer en exactions d’une indicible cruauté. Le summum de l’horreur fut atteint avec le décret de Pharaon d’assassiner tous les nouveau-nés mâles.
  Si le travail physique était éreintant, l’atteinte morale n’en était pas moins dramatique. La cellule familiale était éclatée : les épouses étaient séparées de leurs maris qui devaient demeurer sur leurs lieux de travail plus ou moins lointains. Le peuple était démoralisé et déprimé. Tout espoir  en de meilleurs lendemains semblait impossible. Peu à peu le peuple juif perdit toute identité réelle, se fondit dans le « paysage » égyptien et  oublia la plupart de ses valeurs premières.
    Cependant, un groupe d’esclaves ne se laissa pas abattre et conserva par devers tout une étincelle d’optimisme. Ces esclaves conservèrent leur dignité humaine et continuèrent à croire en une vie meilleure. Ils encourageaient quotidiennement leurs familles avec une énergie surhumaine, et restaient confiants que leurs prières seraient exaucées.
     Ces esclaves étaient les femmes du peuple hébreu. C’est pourquoi le Talmud affirme : « Par le mérite des femmes vertueuses de cette génération, nos ancêtres furent délivrés d’Égypte. »
   La tradition rapporte qu’après une journée de travail épuisant, les femmes polissaient malgré tout leurs miroirs et les utilisaient pour se faire belles pour leurs maris. A tel point que ces miroirs seront utilisés lors de la construction du Tabernacle ! À la nuit tombée, les femmes se faufilaient dans le camp des hommes, et les réconfortaient, physiquement et moralement.
  Elles avaient des paroles douces et apaisantes. « Ne perdons pas espoir. Nous ne serons pas les esclaves de ces dégénérés toute notre vie. Dieu nous a promis qu’Il nous prendra en pitié et qu’Il nous délivrera. » (Rav Loubavitch)
   De nombreuses femmes conçurent lors de ces visites, donnant ensuite naissance aux enfants qui allaient assurer la continuité du Peuple Juif.
 Comment ces femmes juives ont-elles pu garder espoir dans cette situation désespérée ?  Elles avaient un chef et un guide. Son nom était Myriam, malgré son très jeune âge.  Le Talmud commente : «  Israël eut trois excellents chefs. Ce fut Moïse, Aaron et Myriam. » Et dans le livre de Michée, l’un des douze prophètes de l’Ancien Testament, nous pouvons lire : « Avec Moché et Aharone, elle est l’un des 3 instruments de vie donnés par Hachém à Son peuple.  Mais, sans elle, rien n’aurait eu lieu. Elle a réussi à aimer dans les situations les plus difficiles et a pu ainsi sauver sa famille, parents, frère et son peuple tout entier, et dans la joie, en plus. Elle doit donc être connue et comprise pour connaître et comprendre le judaïsme. »  Myriam devint donc rapidement le guide des femmes. Mais d’où tira-t-elle son courage et son don de vision, dès son plus jeune âge ?
   Myriam était née à une époque où l’oppression de l’exil était à son paroxysme. « Et ils [les Égyptiens] rendirent leurs vies amères  avec un travail difficile. » (Exode 1, 14)
   Née dans la pire période d’asservissement, Myriam ressentait l’amertume et la douleur de son peuple. Ses premières années furent marquées par la réalité déchirante de l’exil du Peuple Juif.   Témoin des meurtres et des tourments, elle pleurait avec ses frères, adressait à Dieu d’incessantes prières et nourrissait un espoir sans bornes en un avenir meilleur.    Elle fut personnellement exposée aux décrets du cruel Pharaon. Personne ne saisissait l’amertume de l’exil mieux que Myriam.
   Pourtant, l’autre signification de son nom est « rébellion » (de la racine meri).
   Malgré la noirceur de l’époque de sa naissance, Myriam se révolta depuis son plus jeune âge contre la mentalité d’esclave qui minait son peuple.
   Bien qu’elle partageât la douleur de ses frères, jamais elle ne s’abandonna à la peur ou au désespoir. Bien qu’elle fût exposée à la cruauté la plus abjecte, elle ne céda jamais à la corruption morale ou à l’abattement. Avec courage et volonté, elle fut la gardienne vigilante de la foi en l’avenir.
   Dans le texte de la Torah, Myriam nous est d’abord présentée, de façon cachée, au moment où le nouveau Pharaon monte sur le trône d’Égypte. « Il se leva un roi nouveau sur l’Égypte… Et il s’adressa aux sages-femmes des Hébreux, dont le nom de l’une était Chifra et le nom de l’autre Pouah. »
   « Et il dit :  » Lorsque vous accoucherez les femmes des Hébreux, vous regarderez sur le siège d’enfantement : si c’est un fils, faites-le périr. Si c’est une fille, qu’elle vive.  » »
   Malgré ce décret, « les sages-femmes craignaient Dieu : elles ne firent point ce que leur avait dit le roi d’Égypte… » (Exode 1, 8-17)
  Rachi, grand commentateur du XIème siècle, explique que les noms des sages-femmes mentionnés dans la Torah étaient les noms professionnels de Yokheved et de Myriam.
   Yokheved (la mère de Myriam) était appelée Chifra parce qu’elle était experte dans l’art d’embellir (de la racine chafar) et de laver le nouveau-né. Myriam, bien qu’elle fût encore une enfant, excellait dans l’art de murmurer (de la racine pa’ah) à l’oreille du nouveau-né et de calmer un bébé qui pleure avec sa douce voix, d’où son nom : « Pouah ».     On appelait aussi Myriam ainsi parce qu’elle faisait revivre les bébés en soufflant dans leur bouche, et elle faisait des bulles avec du vin pour amuser les enfants. On trouve ici sa caractéristique qui est de faire revivre, ce qu’elle fera également envers ses parents, envers son  peuple, etc.     D’après le Midrache (conte explicatif de la Torah), Myriam fut aussi appelée Pouah suite à un autre épisode : « Elle dévoila (de la racine hofiya) son visage avec aplomb devant Pharaon, en disant « Malheur à cet homme, quand Dieu se vengera de lui ! »
   Voici la suite : « Pharaon fut très en colère en entendant ces paroles et voulut la faire tuer. Mais Yokheved l’apaisa en disant  » Ne lui accordez pas d’attention. Elle n’est qu’une enfant qui ne réalise pas à qui elle s’adresse, ni même ce qu’elle dit.  » »
    Il faut dire que Myriam n’avait que cinq ans à ce moment-là ! Malgré son très jeune âge, elle tint donc tête au plus puissant souverain du monde, le réprimandant avec audace pour sa cruauté envers son peuple.
   Courageusement, elle et sa mère continuèrent d’ignorer l’ordre de Pharaon de tuer tous les nouveau-nés mâles, se souciant même de leur prodiguer soins et nourriture afin qu’ils survivent.   Un autre événement de l’enfance de Myriam reflète encore sa force de caractère et sa capacité à résister à l’injustice.
   Le Talmud relate que lorsque Pharaon décréta que les bébés soient jetés dans le Nil, Amram, le père de Myriam, décida de divorcer de sa femme.  En tant que figure centrale du Peuple Juif en son temps, l’attitude d’Amram constituait un exemple pour tous ceux de sa génération. Son raisonnement était que si aucun enfant ne naissait, des bébés innocents ne seraient pas tués.
Et tous les hommes de cette génération suivirent l’exemple d’Amram et divorcèrent de leurs épouses.
   Constatant cela, Myriam s’approcha de son père et s’écria :
    « Mon père ! Ton décret est pire que celui de Pharaon. Lui n’a condamné que les garçons, mais toi tu as décrété que notre peuple sera dépourvu aussi bien de garçons que de filles !
   « Pharaon est un homme méchant et donc il est peu probable que son décret ne tienne. Mais toi, tu es un juste et ton décret sera accompli.
   « De plus, Pharaon ne peut faire du mal que dans ce monde. Les enfants assassinés sont innocents et ont une part dans le monde futur. Mais ton décret va les en priver, car, si un enfant ne vient jamais au monde, comment pourrait-il avoir une part dans le monde futur ?
 Tu dois réépouser ma mère. Elle est destinée à avoir un fils qui délivrera Israël. » 
   Myriam avait six ans lorsqu’elle fit face à son père et elle prophétisait déjà. Aaron avait deux ans et Moïse devait naître un an plus tard. Quoi qu’il en soit, les mots de Myriam eurent sur son père un impact si profond qu’il la fit paraître devant le Sanhédrine (la cour suprême juive) pour qu’elle réitère sa requête.
Les membres du Sanhédrine répondirent à Amram « Tu as interdit (que nous restions mariés à nos épouses), tu dois maintenant permettre. »
Pour montrer l’exemple à tous, Amram amena alors sa femme sous une magnifique ‘houpa (dais nuptial). Aaron et Myriam dansaient et chantaient devant eux, comme devant une jeune mariée. Myriam chantait sans interruption « Ma mère va enfanter un fils qui délivrera Israël ! »
   Quand les hommes juifs virent cette cérémonie, ils reprirent tous leurs épouses. Une génération entière fut transformée grâce au courage et à la vision de la petite Myriam qui eut assez d’assurance pour déclarer son opinion et dire sa prophétie.
 Peu de temps après, Yokheved donna naissance à un fils et vit « qu’il était bon ».
    Au moment de la naissance de Moïse, la maison se remplit entièrement de la lumière divine qui émanait de lui. Amram embrassa Myriam sur sa tête et lui dit « Ma fille, ta prophétie s’est accomplie. »
   La joie de cet instant fut brisée, cependant, avec la prise de conscience que ce garçon devrait être pris pour être tué.
   « Et lorsque Yokheved ne put le cacher plus longtemps, elle lui prépara un berceau d’osier… elle y plaça l’enfant et le déposa dans les roseaux sur la rive du fleuve. A ce moment-là, Myriam n’est pas encore nommée en tant que telle dans la torah ; elle est simplement celle qui surveille et sauve Moïse : « Sa sœur se tint à distance, pour observer ce qui lui arriverait. » (Exode 2, 3-4)
  Lorsqu’elles abandonnèrent Moïse au fleuve, Yokheved, démoralisée, frappa Myriam sur sa tête et dit « Ma fille, où est ta prophétie maintenant ? »
Mais Myriam s’obstina dans son optimisme.
Elle se tint au bord du fleuve non pas pour voir si, mais comment sa prophétie se réaliserait.
   Elle ressentait, elle aussi, la douleur et l’amertume de cette situation où son petit frère leur était arraché. Mais en même temps, elle était animée par son esprit rebelle et sa conviction : elle ne succomberait pas au désespoir.
  Telle était Myriam. Elle avait cette double qualité de ressentir la douleur dans toute son intensité tout en se révoltant contre son emprise pour découvrir une lueur d’espoir et de volonté tout au fond de soi.
   Depuis le fourré où elle s’était cachée, Myriam observait donc le tournant de la vie pourtant si ténue de son petit frère. Ce fut elle qui vit Bityah, la fille de Pharaon, descendre se baigner dans le Nil. Tout le monde sait qu’en découvrant le panier sur la rive du fleuve et entendant les cris déchirants du nourrisson qui s’y trouvait, Bityah décida de le sauver et de l’adopter.
    Myriam était là, à observer sur la rive du Nil, alors que l’avenir de son peuple tout entier était suspendu au sort précaire d’un nourrisson qui dérivait dans un petit panier sur ce fleuve gigantesque. Mais pas un instant sa foi en la libération de son peuple ne faillit. Plus tard, en tant que leader des femmes, Myriam transmettra ces qualités à leurs cœurs meurtris, ce qui mènera le peuple entier vers la délivrance.
     C’est pourquoi ce fut une Myriam pleine d’assurance qui s’approcha de Bityah pour lui suggérer qu’elle amène le bébé à une nourrice juive. Et à l’insu de Bityah, Myriam ramena Moïse à sa propre mère.
   Moïse resta donc dans sa famille, bénéficiant au cours de sa première enfance d’un environnement nourricier tant matériellement que spirituellement, jusqu’à ce qu’il fût sevré. Ce n’est qu’après avoir reçu l’amour et l’enseignement de ses parents que Moïse fut ramené au palais royal pour y accomplir son destin de chef et de guide.
    Plusieurs décennies passent, Moïse grandit et revient de Midian en tant que libérateur de son peuple, désigné par Dieu. Les dix plaies s’abattent sur l’Égypte pour la punir de sa cruauté et délivrer le peuple hébreu de son oppression. Celui-ci sort du pays triomphalement. Puis, alors qu’il est pourchassé par un roi récalcitrant et son armée, Dieu ouvre miraculeusement la mer, sauvant Son peuple et noyant ses ennemis.
    Finalement, après des centaines d’années d’exil, leurs ennemis avaient été totalement déjoués et les Hébreux  avaient connu une délivrance miraculeuse et absolue. Leurs souffrances en Égypte étaient définitivement terminées. Leur servitude était arrivée à son terme et leur salut était tangible.
    Sur les rives de la Mer Rouge, le Peuple Juif, sous la direction de son chef, Moïse, entonna alors la Chirat Hayam, « le chant de la mer », un cantique exprimant leur gratitude et la grâce qu’il rendait à D.ieu.
   Mais, lorsque Moïse et son peuple eurent conclu leur chant, survint quelque chose d’inattendu. Je cite :
        « Et Myriam, la prophétesse, sœur d’Aaron, prit dans sa main le tambourin, et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des danses. Et Myriam leur répondit :  » Chantez l’Éternel car Il est très élevé » (Exode 15, 20-21)  
     C’est ici, pour la première fois, que la Torah appelle Myriam par son nom.  Et ce n’est que beaucoup plus tard, dans Les Nombres, 26, 59, que nous apprendrons sa généalogie complète : « Et le nom de l’épouse d’Amram était Yokhévèd, fille de Lévi, qui avait été enfantée à Lévi en Egypte. Elle enfanta à Amram Aaron et Moïse, et Myriam, leur sœur. »
     On observe également que le titre de « prophète » n’a été conféré auparavant qu’à Abraham (La Genèse, 20, 7), et que c’est ici la première fois qu’il est porté par une femme.
   Moïse et les hommes avaient chanté leur cantique. Puis Myriam et les femmes se sont levées pour chanter le leur.
Les hommes avaient chanté avec leurs voix seulement. Mais le chant des femmes fut composé de voix, de tambourins et de danses. Les cœurs des femmes étaient épris d’une plus grande joie et leur chant aussi fut plus complet.
      On peut se demander quel fut l’apport de Myriam et des autres femmes dans ce chant. Pourquoi leur cantique surpassa-t-il celui des hommes ?
    Rachi (sur Exode 15, 20) explique le fait que les femmes avaient ces tambourins avec elles : « Les femmes vertueuses de cette génération croyaient profondément que le Saint Béni soit-Il ferait pour elles des miracles, et elles avaient emporté des tambourins d’Égypte. »
    Replaçons-nous dans le contexte. Lorsque les Juifs quittèrent l’Égypte, ce fut en hâte. En telle hâte qu’ils n’eurent pas le temps de laisser la pâte de leur pain lever et durent le cuire comme des galettes plates. Les femmes n’étaient pas inquiètes au sujet de leurs besoins matériels, car elles savaient que Dieu leur prodiguerait ses bienfaits. Elles vivaient dans une dimension supérieure, par delà la réalité naturelle. En effet, malgré leur précipitation, les femmes prirent le temps de préparer, longtemps à l’avance, quelque chose qui leur semblait essentiel.
     Après des années d’un exil amer – après avoir été témoin d’actes d’absolue barbarie, après avoir versé des torrents de larmes pour les bébés qui avaient été arrachés de leur bras, après avoir vu leurs enfants murés vivants dans des murs de briques pour remplir les quotas de construction – qu’est-ce que ces femmes avaient bien pu préparer alors qu’elles étaient encore esclaves en Égypte ?                
Des tambourins.
    Des instruments avec lesquels elles chanteraient et loueraient leur Dieu pour le miracle qui se produirait assurément un jour.
    Du fond de leur misère, ces femmes ne perdirent pas de vue leur idéal. Portant le deuil de leurs enfants massacrés avec leur sensibilité féminine plus douloureusement encore que leurs maris, les femmes trouvèrent la force de ne pas perdre espoir. Elles se rebellèrent contre la dépression qui aurait dû découler naturellement d’un tel malheur, contre l’apathie et contre le découragement, guidées par l’esprit rebelle de Myriam. Telle fut la force de celle-ci : une force féminine qui grandit de l’amertume. Une force forgée au milieu du désespoir.
    Peu de temps après survient un autre événement curieux mais qui, comme très souvent dans la Torah, rappelle que tout être humain, même le plus grand, est, par définition, imparfait et faillible. Voici ce que nous pouvons lire dans la section 12,1 à 16, des Nombres :
       «   Myriam et Aaron médirent de Moïse, à cause de la femme éthiopienne qu’il avait épousée, car il avait épousé une Ethiopienne,  et ils dirent: « Est-ce que l’Éternel n’a parlé qu’à Moïse, uniquement? Ne nous a-t-il pas parlé, à nous aussi? » L’Éternel les entendit.  [ …]  Pourquoi donc n’avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur, contre Moïse? »  La colère de l’Éternel éclata ainsi contre eux, et il se retira. La nuée ayant disparu de dessus la tente, Myriam se trouva couverte de lèpre, blanche comme la neige. Aaron se tourna vers Myriam, et la vit lépreuse. Et Aaron dit à Moïse: « Pitié, mon Seigneur! De grâce, ne nous impute pas à péché notre démence et notre faute! [ … ] » Et Moïse implora l’Éternel. […]  L’Éternel répondit à Moïse:  » […] Qu’elle soit donc séquestrée sept jours hors du camp, et ensuite elle y sera admise. » Myriam fut séquestrée hors du camp pendant sept jours; et le peuple ne partit que lorsque Myriam eut été réintégrée.
  Après cela, le peuple partit de Hacêroth, et ils campèrent dans le désert de Pharan. »
   Ce passage est une allusion à l’origine africaine de Tsiporah, la femme de Moché et en même temps au don prophétique d’Aaron et de Myriam. L’on peut se demander pourquoi seule Myriam (et non Aaron) est punie pour cette médisance. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que, comme ses frères, Myriam n’était pas parfaite. Comme tout être humain elle était faillible, donc punissable car personne n’échappe au rachat de sa faute. D’autant plus que dans le judaïsme, la médisance est l’une des fautes les plus lourdes. Myriam doit donc servir d’exemple, un exemple d’autant plus marquant pour le peuple qu’il a une véritable admiration pour elle et pour sa forte personnalité.
Le peuple attend donc Myriam pendant les sept jours de purification, puis il reprend sa route.
   Pendant quarante ans, le Peuple Juif erra dans le désert sans souffrir d’un manque d’aliments ni de confort. La Manne tombait quotidiennement, assouvissant leurs besoins nutritionnels. Ils avaient assez à boire, grâce au Rocher qui voyageait avec eux et d’où coulait de l’eau fraîche et douce. De plus, le camp était entouré par six côtés de Nuées de Gloire qui assuraient sa sécurité matérielle dans le désert.
    Puis comme ses frères, mais avant eux, Myriam mourut avant que le peuple ait atteint la terre promise, après la traversée du désert de Tsin, à Kadéche où elle fut  enterrée (Nombres 20:1). Il semblerait qu’elle avait alors 127 ans  (86 ans à la sortie d’Egypte, 39 ans plus tôt).
   Tout de suite après la mort de Myriam, le Rocher s’arrêta soudain de donner son eau de sorte que le Peuple n’eut plus rien à boire. Rachi conclut de ce fait que pendant quarante ans, le puits coula en l’honneur de Myriam, et c’est la raison pour laquelle nos Sages s’y réfèrent comme au « puits de Myriam ». Les puits miraculeux qui accompagnaient les Enfants d’Israël par le mérite de celle-ci ayant disparu, le peuple réclame de l’eau. Dieu indique à Moïse de commander à un rocher d’en donner. Troublé par l’attitude du peuple, Moïse frappe la pierre et l’eau en jaillit, restaurée par son mérite. Et pourtant,  Dieu lui annonce que ni lui ni Aaron n’entreront en Terre Promise car Moïse a « frappé le rocher » sous l’effet de la colère, au lieu de simplement le toucher.

Qu’est-ce que le Chabbat ?

29 juillet, 2011

du site:

http://www.cisonline.org/index.php?option=com_content&task=view&id=47&Itemid=107#biblique

Qu’est-ce que le Chabbat ?

Le Chabbat (samedi) est la solennité la plus importante du calendrier juif (première des convocations de sainteté). Il rappelle à la fois la création du monde et la sortie d’Egypte.
En proclamant que l’Eternel est le Créateur du monde et qu’Il cessa le septième jour, le juif affirme que :
- le monde n’est pas le fruit du hasard.
- Dieu ne s’identifie pas à sa création.
- l’homme est le partenaire de Dieu. A l’image du Créateur, il aménage le monde matériel durant six jours et cesse son activité le septième pour se consacrer à une vie plus spirituelle.
Quant à la référence à la sortie d’Egypte, elle signifie qu’aucun homme ne peut assujettir l’homme, car l’Eternel proclame la libération de l’humain.
Le Chabbat est une alliance (bérith), entre l’Eternel et Israël, un jour de rencontre des cieux et de la terre pour que le juif, séparé pendant tout un jour des préoccupations matérielles (39 travaux interdits), puisse prendre conscience du sens de son existence en tant que témoin du mesage divin.

Quelques sources bibliques
« Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et toute leur armée. Dieu acheva au septième jour son oeuvre, qu’Il avait faite : et Il cessa au septième jour toute son oeuvre, qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et Il le sanctifia, parce qu’en ce jour Il cessa toute son oeuvre qu’il avait créée en la faisant. »
(Genèse II)
« Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour de cessation pour l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et Il a cessé le septième jour : c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du Chabbat et l’a sanctifié. »
(Exode XX)
« Observe le jour du Chabbat, pour le sanctifier, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a ordonné. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour de cessation de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton boeuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte, et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu : c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a ordonné d’observer le jour de cessation. »
(Deutéronome V)
« Si tu retiens ton pied pendant le Chabbat, pour ne pas faire ta volonté en mon saint jour, si tu fais du Chabat tes délices, pour sanctifier l’Éternel en le glorifiant, et si tu l’honores en ne suivant point tes voies, en ne te livrant pas à tes penchants et à de vaines paroles, alors tu mettras ton plaisir en l’Éternel, et Je te ferai monter sur les hauteurs du pays, je te ferai jouir de l’héritage de Jacob, ton père. Car la bouche de l’Éternel a parlé. »
(Isaïe LVIII)

Quelques références rabbiniques 
« Quiconque se réjouit du Chabbat percevra le monde comme une source de bien infini et verra se réaliser ses aspirations spirituelles. Rabbi Shimon bar Yohaï enseigne : si Israël gardait deux Chabbat de site il serait immédiatement sauvé. »
(Traité Chabbat 118a)
« Quiconque accueille le Chabbat par la prière du soir, deux anges l’accompagnent jusqu’à sa demeure et en posant leurs mains sur sa tête lui et disent : ta faute est éliminée et ton péché pardonné. »
(Traité Chabbat 119b)
« Rabbi enseigne : Quiconque garde convenablement le Chabbat, le verset le considère comme s’il avait gardé tous les Chabat depuis la création du monde jusqu’à la résurrection des morts, ainsi qu’il est dit : Et les enfants d’Israël garderont le Chabbat dans leur génération. »
(Méhkilta sur Ki Tissa)

Les temps forts du Chabbat 
La préparation :
Elle consiste à arranger la maison, ses vêtements, à organiser les repas avant l’entrée du Chabbat. Le Chabbat est comparé à une reine (Chabbat hamalka) que l’on accueille avec joie. Chaque membre de la famille a ici sa responsabilité dans la mise en ordre générale.
L’office du vendredi soir :
Il est marqué par quelques prières particulières comme les psaumes, le Chéma Israël ou la amida, et surtout le lekha dodi de rabbi Salomon Halévy Elkabetz maître kabbaliste de Safed (XVIe siècle) qui rappelle dans ce chant la rencontre entre Dieu et Israël comme le fiancé et la fiancée le jour du Chabbat.
Le Kiddouch :
A la maison les bougies ont été allumées par l’épouse, et la table est dressée. Deux beaux pains recouverts d’un napperon et une coupe de vin sont accompagnés de différents mets raffinés. Le père entouré de sa famille récite le kiddouch, sanctification du jour, avant de partager le vin. Puis un morceau de pain est offert à chaque convive et le repas commence, accompagné des chants du Chabbat et des commentaires de la Torah.

Les trois repas :
Le Chabbat est marqué par trois repas. « Si le repas de la semaine est un accident, celui du Chabbat est un évènement  » (Grand Rabbin Emmanuel Chouchana). La tradition associe ces trois repas aux trois patriarches comme pour signifier le lien entre le Chabbat et les pères fondateurs.

La lecture de la Torah et des Prophètes :
Le point culminant de la liturgie du Chabbat est atteint par la lecture publique du passage hebdomadaire de la Torah (paracha ou sidra). Cette section lue dans le parchemin est suivie de la lecture d’un passage des Prophètes Néviim. Ces quelques chapitres sont en général l’occasion du commentaire rabbinique ou de l’étude de l’après-midi.

L’aspect communautaire :
A côté de l’aspect familial, c’est l’aspect communautaire qui apparaît le jour du Chabbat : la prière, l’étude, le kiddouch à la synagogue. Cette ambiance conviviale contribue à faire du Chabbat un jour de ressourcement spirituel important.

L’oneg Chabbat :
Le délice du Chabbat s’exprime par le bien être physique et psychologique : le repas, le sommeil, l’unité familiale, l’étude, la discussion.

La sortie du Chabbat :
Le Chabbat doit être honoré à son entrée et à sa sortie. La cérémonie de la havdala (séparation) est suivie du quatrième repas en l’honneur du prophète Elie et du roi David, ancêtre du Messie. Ainsi, le juif affirme sa foi dans la venue d’une époque qui sera un Chabbat éternel, annoncé par le prophète Elie.

Aphraate (?-v. 345), moine et évêque près de Mossoul, saint des Églises orthodoxes :« Un repos, celui du septième jour, est réservé au peuple de Dieu » (He 4,9)

18 juillet, 2011

du site:

http://levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20110718

Le vendredi de la 15e semaine du temps ordinaire

Commentaire du jour

Aphraate (?-v. 345), moine et évêque près de Mossoul, saint des Églises orthodoxes
Les Exposés, n° 13, 1.3.9
« Un repos, celui du septième jour, est réservé au peuple de Dieu » (He 4,9)

      Le sabbat n’a pas été établi comme une épreuve permettant un discernement entre la vie et la mort, entre justice et péché, ainsi que d’autres préceptes par lesquels « l’homme trouve la vie » (Lv 18,5) ou la mort s’il ne les observe pas. Non, le sabbat, en son temps, a été donné au peuple en vue du repos ; avec les hommes, les bêtes devaient cesser le travail (Ex 23,12)…
      Si le sabbat n’avait pas été institué pour le repos de tout être qui exerce un travail corporel, les créatures qui ne travaillent pas auraient dû, dès l’origine, elles aussi, observer le sabbat afin d’être justifiées. Au contraire, nous voyons, sans répit, le soleil s’avancer, la lune parcourir son orbite, les étoiles poursuivre leur course, les vents souffler, les nuages voguer dans le ciel, les oiseaux voler, les ruisseaux sourdre des sources, les vagues s’agiter, les éclairs tomber et illuminer la création, le tonnerre éclater violemment en son temps, les arbres porter leurs fruits, et chaque créature grandir et se fortifier. Nous ne voyons en vérité aucun être se reposer le jour du sabbat, sauf les hommes et les bêtes de somme qui sont soumis à la loi du travail.
      A aucun des justes de l’Ancien Testament le sabbat n’a été donné pour qu’il y trouve la vie… Mais la fidélité au sabbat a été prescrite afin que se reposent serviteurs, servantes, mercenaires, étrangers, bêtes de somme, afin que puissent se refaire ceux qui sont accablés par leur travail. Car Dieu a soin de toute sa création, des bêtes de somme comme des bêtes féroces, des oiseaux comme des animaux sauvages. Écoute maintenant quel est le sabbat qui plaît à Dieu. Isaïe l’a dit : « Voici mon repos : faites reposer celui qui est fatigué » (28,12)… Nous donc, gardons fidèlement le sabbat de Dieu ; faisons ce qui plaît à son cœur. Nous entrerons ainsi dans le sabbat du grand repos où ciel et terre se reposeront, où toute créature est recréée.

1...45678...13