Archive pour la catégorie 'judaïsme'

EL MALE RAHAMIM – (DIEU EMPLI DE MISÉRICORDE)

15 octobre, 2014

http://fr.wikipedia.org/wiki/El_Male_Rahamim

EL MALE RAHAMIM – (DIEU EMPLI DE MISÉRICORDE)

(je mets cette prière pour la mémoire des Juifs de Rome deportqazione: 13 Octobre 1943)

El Male Rahamim (אל מלא רחמים, Dieu empli de miséricorde) est une prière faisant partie du rite funéraire juif, déclamée par l’officiant pour l’élevation de l’âme des personnes disparues lorsqu’on emmène le cercueil du défunt vers sa dernière demeure lors de l’inhumation, ou à l’occasion des journées de commémoration collective, ou en toute occasion où l’on évoque le souvenir des disparus.
Il en existe une version « individuelle », une version pour les victimes de la Shoah et une pour les soldats israéliens « tombés pour la patrie ».
La mention de la Tzedaka dans la version « individuelle » de la prière pourrait amener à penser qu’il s’agit d’une sorte d’« appel à la générosité pour la paroisse ».
En réalité, le rappel, pour les victimes du nazisme, qu’elles moururent en « sanctifiant Son Nom », puisqu’elles furent condamnées pour le seul crime d’être Son peuple, et, pour les soldats d’Israël, qu’ils moururent en défendant la terre qu’Il leur a donnée en héritage, indique que la Tzedaka est à comprendre comme un mérite à mettre au compte du défunt lorsqu’il aura à comparaître devant le Tribunal Céleste.
En récitant la prière, l’officiant sous-entend que la Tzedaka a déjà été versée, par la famille et les amis de la personne décédée.

Texte, translittération et traduction
Cette version est au masculin, il faut changer le genre des mots aux endroits appropriés.
Traduction française Transcription Hébreu
Dieu empli de Miséricorde résidant dans les hauteurs El Male Rahamim shokhen ba’meromim אֵל מָלֵא רַחֲמִים שׁוֹכֵן בַּמְּרוֹמִים
Fais trouver (Accorde) le juste repos Hamtze mènou’ha nekhona הַמְצֵא מְנוּחָה נְכוֹנָה
sur (sous) les ailes de la Présence Divine ‘al kanfeï Shekhina עַל כַּנְפֵי הַשְּׁכִינָה
parmi les saints et les purs bema’alot qedoshim outehorim בְּמַעֲלוֹת קְדוֹשִׁים וּטְהוֹרִים
qui brillent comme la splendeur du firmament, Kezohar haraqi’a maz’hirim כְּזוֹהַר הָרָקִיעַ מַזְהִירִים
Cette partie est commune à la prière « individuelle » et à la prière « collective »
Ce qui suit est la prière « individuelle » :
à l’âme d’Untel fils d’Untel, ett nishmat Ploni ben Ploni אֶת נִשְׁמַת פלוני בן פלוני
qui est allé en son monde shehalakh le’olamo שֶׁהָלַךְ לְעוֹלָמוֹ
pour la tzedaka collectée ba’avour shinedavou tzedaka בַּעֲבוּר שֶׁנָדְבוּ צְדָקָה
pour le souvenir de son âme. be’ad hazkarat nishmato בְּעַד הַזְכָּרַת נִשְׁמָתוֹ
En conséquence, que le Maître de Miséricorde Lakhen ba’al hara’hamim לָכֵן בַּעַל הָרַחֲמִים
le cache dans Ses ailes à jamais Yastirèhou bèssèter k’nafav le’olamim יַסְתִּירֵהוּ בְּסֵתֶר כְּנָפָיו לְעוֹלָמִים
et enveloppe son âme dans la vie (éternelle), Veyitzror bitzror ha’hayim ett nishmato וְיִצְרֹר בִּצְרוֹר הַחַיִּים אֶת נִשְׁמָתו
Que Dieu soit son héritage. HaShem hou na’halato ה’ הוּא נַחֲלָתוֹ
et puisse-t-il reposer en paix sur sa couche. Vayanou’ah beshalom al mishkavo וְיָנוּחַ בְּשָׁלוֹם עַל מִשְׁכָּבוֹ
et nous disons Amen. ‘Venomar Amen וְנֹאמַר אָמֵן.
Ici termine la version « individuelle ».
Ce qui suit est la prière collective pour les victimes de la Shoah :
à toutes les âmes des six millions de Juifs ett kol haneshamot את כל הנשמות
des six millions de Juifs shel sheshet milionei haYehoudim של ששת מיליוני היהודים
disparus de la Shoah d’Europe Hallalei haShoah beEiropa חללי השואה באירופה
qui (car ils) ont été tués, abattus, brûlés shene’hergou, shenish’hethou, shenisrafou שנהרגו, שנשחטו, שנשרפו
et qui ont ajouté à la sanctification du Nom oushenossafou ‘al Kiddoush Hashem ושנספו על קידוש השם
aux mains des assassins allemands biyedeï hamertza’him haGuermanim בידי המרצחים הגרמנים
et leurs auxiliaires des autres peuples Vè’ozrèhem mishear ha’amim ועוזריהם משאר העמים
Du fait que toute l’assemblée prie Ba’avour shekol haqahal mitpalel בעבור שכל הקהל מתפלל
pour l’élévation de leurs âmes lè’ilouï nishmotèhem לעלוי נשמותיהם
En conséquence, que le Maître de Miséricorde Lakhen, ba’al hara’hamim לָכֵן בַּעַל הָרַחֲמִים
« les cache dans le secret de Ses ailes pour l’éternité Yastirem bèssètèr knafav le’olamim יסתירם בסתר כנפיו לעולמים
et enveloppe leurs âmes dans la vie (éternelle) Veyitzror bitzror ha’hayim ett nishmoteihem ויצרור בצרור החיים את נשמותיהם
(que) Dieu Soit leur héritage HaShem Hou ne’halatam ה’ הוא נחלתם
Qu’au Paradis soit leur repos BeGan Eden tehe menou’hatam בגן-עדן תהא מנוחתם
Et qu’ils se tiennent à leurs destins jusqu’à la fin des jours Otam zakhar ויעמדו לגורלם לקץ הימים
Et disons Amen Venomar amen ונאמר אמן

LE BONHEUR COMME ÉTAT NATUREL – LA JOIE EST-ELLE UNE CONSÉQUENCE OU UNE CAUSE ?

23 septembre, 2014

http://www.aschkel.info/article-35676603.html

LE BONHEUR COMME ÉTAT NATUREL – LA JOIE EST-ELLE UNE CONSÉQUENCE OU UNE CAUSE ?

par Tali Loewenthal

Pour la plupart d’entre nous, le temps des vacances est maintenant révolu. L’atmosphère détendue de l’été a été remplacée par les challenges de la saison nouvelle, que ce soit par les études académiques, le travail ou, tout simplement, la vie quotidienne. A ce moment précis, les gens se demandent parfois : suis-je vraiment heureux ? N’aurais-je pas préféré vivre toujours dans l’ambiance décontractée des vacances, voyager, faire ce que j’ai envie, être libre ?…
En fait, pour un bon nombre de personnes, les mois estivaux étaient tendus et problématiques, pour quelques raisons que ce soient. Comment envisagent-elles les mois de l’automne qui approche ? Avec joie ou appréhension ?
C’est là que la Paracha de cette semaine nous éclaire. Elle révèle que la joie et l’ennui ne sont pas, comme cela pourrait paraître, une sorte de thermomètre de notre situation générale dans la vie : si tout va bien, la personne est heureuse et sinon, elle se sent misérable.
La Torah suggère que la joie est un état d’esprit auquel nous devons aspirer virtuellement dans chaque situation, tout particulièrement quand les choses vont bien, mais même quand, malheureusement, nous subissons des revers de situation.
Une longue section de la Torah décrit les terribles souffrances qui affecteront le Peuple Juif si, quand ils seront en terre Sainte, ils ne servent pas correctement D.ieu. La Torah parle de destruction, de famine, de guerre, de maladie, d’exil. Les péchés qui sont à l’origine de ces punitions terribles semblent être ceux de l’idolâtrie et de la révolte généralisée contre la loi de D.ieu.
Et pourtant surgit une déclaration étonnante. Pourquoi ces terribles événements arrivent-ils ? « Parce que vous n’avez pas servi D.ieu avec joie et un cœur heureux, alors que aviez tout » (Deutéronome 28, 47)
Maimonide écrit que ce verset montre que nous devons servir D.ieu avec joie. Le grand Kabbaliste Rabbi Its’hak Louria propose le même commentaire et c’est un thème central du mouvement ‘hassidique. Nos vies, en tant que Juifs, doivent être joyeuses. Observer les commandements doit se faire joyeusement. Même si nous avons mal agi, peut-être même très mal agi, et que nous regrettons le passé et tentons de nous amender dans l’avenir, nous devons être joyeux que D.ieu nous donne la possibilité de changer.1
Les Maîtres ‘hassidiques nous demandent d’être joyeux même lorsque nous avons de sérieux problèmes ! Rabbi Chnéour Zalman, dans son Tanya, prodigue des conseils pour parvenir à cette joie même lorsque, à D.ieu ne plaise, une personne a de graves soucis concernant la santé, les enfants ou la subsistance, ou encore souffre d’un sentiment de culpabilité désespérant au sujet de son passé ou bien se considère comme une personne terrible dans le présent. Dans chacune de ces situations, il indique un chemin permettant d’atteindre un état d’esprit équilibré et joyeux, malgré toutes les vicissitudes. Cette joie, dit-il, est la clé de la maîtrise de soi. Elle permet à la personne de l’emporter en tant qu’être humain et en tant que Juif, malgré la souffrance.
Paradoxalement, une personne peut éprouver de la souffrance et en même temps ressentir de la joie.2

LA JOIE JUIVE

Les prémices ou le rapport à autrui

par Yossy Goldman

Cette semaine, nous lisons dans la Paracha qu’il était enjoint aux fermiers juifs habitant la terre d’Israël d’apporter au Temple les Bikourim, les premiers fruits de leur récolte, en remerciement à D.ieu pour la terre et ses produits. A la base, les Bikourim nous rappellent qu’il nous faut toujours être reconnaissants pour les bénédictions que nous apporte la vie.
Il est intéressant de noter que la loi ne prit effet que quatorze ans après que le Peuple Juif ne fut entré en Terre Promise. Il fallut sept ans pour conquérir la terre et sept ans encore pour la partager entre les douze tribus d’Israël. Ce n’est qu’une fois ce processus achevé que la loi des premiers fruits s’appliqua.
Mais pourquoi ? Il est sûr que certaines tribus s’étaient déjà installées. Il ne fait aucun doute que ceux des fermiers qui avaient reçu leur part de terre l’avaient déjà plantée et voyaient les premiers fruits de leur labeur. Pourquoi, dans ce cas-là, n’étaient-ils pas, eux, enjoints de montrer immédiatement leur gratitude, en apportant l’offrande des Bikourim ?
Le Rabbi nous explique qu’en nous commandant cette Mitsva, la Torah utilise la phrase : « Et tu te réjouiras de tout le bien que D.ieu t’a accordé ». Pour pouvoir pleinement ressentir la joie pour ses propres bénédictions de la vie, un Juif doit savoir que ses frères et ses sœurs ont été également bénis. Tant qu’un Juif savait que certains de ses frères n’étaient pas encore installés sur la terre, il ne pouvait se réjouir pleinement. Puisque la Sim’ha, la joie véritable, était une composante nécessaire de la Mitsva des Bikourim, elle ne pouvait être accomplie que lorsque tout le monde serait satisfait.
Savoir que nos amis et nos cousins se battent encore pour conquérir la terre, ou ne jouissent pas encore des fruits de leur portion, efface en quelque sorte le désir de célébrer, même si nous, personnellement, avons toutes les raisons de nous réjouir. Notre satisfaction ne peut être complète que si nous savons que tout le monde a été exaucé.
Dans son journal, le précédent Rabbi, Rabbi Yossef Its’hak, décrit son arrestation et son emprisonnement par les communistes, dans la Russie de 1927. Rabbi Yossef Its’hak était alors l’héroïque chef spirituel du Judaïsme russe et les Soviétiques l‘avaient condamné à mort pour ses activités religieuses au profit de son peuple (c’est miraculeusement que la sentence fut commuée et que le Rabbi fut libéré après trois semaines d’emprisonnement et neuf jours d’exil). Rabbi Yossef Its’hak était un écrivain très expressif et il a décrit son incarcération et les tortures qu’il a subies aux mains de ses tortionnaires.
L’un des gardes de la prison était incroyablement cruel. Il dit lui-même au Rabbi que, quand il battait et torturait un prisonnier, il tirait tellement de plaisir à regarder l’homme souffrir qu’il pouvait boire son thé sans avoir besoin de sa dose habituelle de sucre. Le spectacle de la torture adoucissait son thé…
Tel était un antisémite vicieux. Mais un Juif vit les sensations inverses. Il ne peut apprécier son thé ou ses premiers fruits tant que son prochain n’est pas encore installé. Le plus doux des fruits prend un goût amer tant que nos frères sont encore dans le besoin.
Ainsi, si vous avez un emploi, pensez à ceux qui sont au chômage. Si vous êtes heureusement mariés, pensez à ceux qui cherchent encore leur âme sœur et essayez de les aider. Et puisque la période des vacances est présente et que vous pouvez faire des frais pour votre famille, n’oubliez pas ceux qui ne peuvent se le permettre. Et quand vous allez bientôt organiser vos repas de fête avec vos amis et votre famille, rappelez-vous d’inviter les solitaires, les veuves et les parents isolés.
Par ce mérite, avec l’aide de D.ieu, nous serons tous bénis d’une nouvelle année douce et joyeuse.

QU’EST-CE QUE LA TORAH ORALE ? (TORAH CHÉ BÉ ÂL PÉ)

4 septembre, 2014

LE LÉV GOMPERS
http://www.modia.org/lev-gompers/

QU’EST-CE QUE LA TORAH ORALE ?  (TORAH CHÉ BÉ ÂL PÉ)

http://www.modia.org/www.modia.org/lev-gompers/torah-talmud/torah-orale.html

par Yehoshua Ra’hamim Dufour

D’une part, conceptuellement, nous pouvons dire que la Torah orale est composée de différentes dimensions.
D’autre part, pour comprendre son fonctionnement, il faut saisir toutes ces dimensions simultanément, en une seule dynamique vivante.

Les différentes dimensions de la Torah orale
1. La Torah orale est l’une des deux composantes de la révélation qui a été transmise à Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï (an 2448 après la création)
La preuve traditionnelle en est donnée dans la Torah écrite elle-même ; dans le livre de Chémote, Exode 34, 27, il est écrit :
ki âl pi haddévarim haéllé karati itékha bérite vé éte Yisrael
car (âl pi, par) par ces paroles j’ai conclu une alliance avec toi et avec Yisrael.
L’importance majeure de cette phrase est manifeste quand nous savons qu’elle est mise, précisément, en tête de leur présentation de la Torah orale ou du talmud aussi bien par
- le Séfér Hakkéritoute,
- le Chla dans Torah che bé al pé, Torah orale, ouvrage inséré dans les Chnéï Lou’hote Habbrite,
- Rabbénou Yossef Qaro dans ses Klaléï Hagguémara, etc.
Essayons de découvrir ce que nous dit cette expression âl pi.
Les deux composantes (parole et écrit) sont indiquées en ce verset car l’expression âl pi (qui signifie par) veut dire littéralement : sur la bouche, par la parole orale. A partir de la condensation de ces deux significations (révélation de la Torah et « sur la bouche »), le Chla présente tout l’ensemble des règles qui permettent de lire et de comprendre le talmud. Il répartit ces règles selon l’anagramme de chacune des lettres de ce verset, artifice pédagogique qui veut authentifier et fixer encore ce point de l’unité de la transmission de la Torah écrite et de la Torah orale.
Le côté oral de la Torah est rendu par la racine (pé, la bouche) indiquée dans le verset cité, mais il est rendu aussi dans l’expression disant que Moché Rabbénou a reçu la Torah par un processus de transmission qui s’est fait (pé él pé, bouche à bouche) ; il est dit ensuite que cette Torah a été transmise de génération en génération, et ainsi (kol é’had omér, chacun dit) ce qu’il a entendu de la bouche dans la chaîne de réception (chemouâto mi pi haqqabbala), chacun de la bouche de chacun (iche mipi iche).
Rachi appelle ce processus : la michna, c’est à dire « le processus continu d’enseignement traditionnel passant de bouche en bouche » et non seulement la michna comme « recueil » réalisé par Ribbi Yéhouda Hannassi.
Le traité Guittine 60 b se réfère également à l’idée de la conjonction de la Torah écrite et de la Torah orale : Moché Rabbénou a reçu en même temps à la fois les mitsvotes, et leur signification, comme le dira Maïmonide (kol mitsva bi féroucha, toute mitsva dans sa signification).
Ensuite, Moché Rabbénou a transmis à la fois la mitsva et sa signification à Yéhochouâ bine Noun (Josué) qui les a intégralement transmises par seule transmission orale aux zéqénim (anciens), eux-mêmes aux néviim (prophètes), eux ensuite aux Anechéï knésséte hagguédola (maîtres de la Grande Assemblée) et ceux-là aux maîtres de la michna (les zougotes puis les tannaïm, puis les amoraïm, puis les savoraïm, puis les guéonim, etc.. Cette partie de la transmission peut être l’objet de la compréhension par la réflexion (dérékh sévara), grâce aux 13 middotes ou règles particulières d’analyse et d’interprétation (dérékh îyoune).
L’instance qui établissait officiellement le contenu de la Torah ché bé âl pé était le Grand Sanhédrine de Jérusalem et, tant qu’il existait, il n’y avait pas de querelles sur ces questions.

2. La Torah orale explicite la Torah écrite
Donnons un exemple : dans le livre de Dévarim (Deutéronome 12, 21), il est écrit :
vézava’hta mibékarékha… kaachér tsivitikha
tu pourras tuer ton bétail de la manière que je t’ai prescrite.
Or cette manière de la tuer, la ché’hita, comme le souligne Rachi, n’est pas décrite dans la Torah ; donc la Torah écrite indique bien par là
- qu’il y a d’autres éléments révélés que ceux qui nous ont été transmis explicitement par la Torah écrite,
- qu’ils sont, de plus, liés à cette Torah écrite, puisqu’elle-même s’y réfère,
- qu’ils ont été transmis de génération en génération, et sont enseignés et pratiqués par transmission jusqu’à aujourd’hui.
Un autre exemple célèbre est celui de la prescription concernant le fruit utilisé dans le loulav pour faire les bénédictions lors de la fête de Souccote. Le texte de la Torah écrite (Vayiqra, Lévitique 23, 40) parle seulement du « fruit de l’arbre de beauté » : péri êts hadar. On sait qu’il s’agit de l’étrog, uniquement par la transmission orale, qui en a été faite à Moché Rabbénou et qu’il a transmise à son tour.
Ces types d’éléments constituent une partie de ce que l’on appelle la Torah orale, qui complète donc la Torah écrite. Le Sifré précise ce principe (c’est un middrache halakha due à Ribbi Chimeône dans la tradition de Ribbi Âqiva).
On verra par ailleurs que cette Torah orale ayant également été mise par écrit (michna) à une certaine époque, le terme « orale » (béâl pé) ne doit donc pas créer une erreur consistant à croire qu’elle n’est pas mise par écrit jusqu’à nos jours.

3. La Torah orale fournit les applications de la Torah écrite
L’exemple précédent nous a montré aussi que la Torah orale concernant la ché’hita (abattage rituel) comporte des applications pratiques des grands principes de la Torah écrite. Sans cette sorte d’éclairage, de nombreux passages de la Torah écrite seraient inapplicables. Ce recueil de la tradition orale, donnant les détails pratiques de l’application dans l’action, est ce que l’on appelle la halakha, qui vient donc également de Moché Rabbénou15.
Rav Lévi bar Hama, au nom de Réche Laqiche, explique cela exactement dans le traité Berakhote 5a, après avoir posé la question :
« Pourquoi est-il écrit dans la Torah (Chémote, Exode 24, 12) : et je te donnerai les tables de pierre et la Torah et la mitsva que j’ai écrites pour qu’on les enseigne ? »
Le talmud détaille ainsi la signification de toutes les parties de ce verset :
a)
lou’hote éllou âsséréte haddibérote
« les tables », ce sont les dix paroles,
b)
Torah zé miqra
« la Torah », c’est l’Écriture,
c)
véhammitsva zo michna
« et la mitsva », c’est la michna,
d)
achér katavti éllou néviim oukhétouvim
« que j’ai écrites », ce sont les prophètes et les écrits hagiographiques,
e)
léhorotam zé guémara
« pour les enseigner », c’est la guémara (et Rachi commente souvent :
la réflexion sur ce qui fonde les mitsvotes, c’est la guémara),
f)
mélaméd chékoulam niténou léMoché misinaï
« enseigne », c’est que tous furent donnés à Moché depuis le Sinaï ».

4. La Torah orale, seule, apporte certaines précisions
Parfois, de nombreux passages de la Torah écrite seraient incompréhensibles en eux-mêmes, comme les totafote ou « téfilines de la tête » (Chémote, Exode 13, 16 et Dévarim, Deutéronome 6, 8), sans l’explication reçue de la tradition, qui se base sur l’origine du mot. Bien souvent, Rachi fournit cette explication recueillie auprès de la tradition orale, par l’enseignement qu’il en a reçu ou tel qu’il est transcrit dans les middrachim, dans le Middrache Tan’houma par exemple, qu’il cite souvent. Cette dimension de la Torah orale est d’éclaircir la Torah écrite et de montrer les nombreuses applications d’un passage qui, de prime abord, ne semblait pas explicite dans la Torah :
miqra mouât véhalakhote méroubote
de l’Ecriture un peu et des halakhotes nombreuses.

5. La Torah orale éclaire sur des prescriptions non écrites
Par ailleurs, certaines prescriptions ont été transmises oralement depuis Moché Rabbénou sans qu’il y ait de support à cette prescription dans le texte écrit ; on parlera alors techniquement de
halakha léMoché missinaï
prescriptions de Moché depuis le Sinaï.
Il s’agit d’une transmission qui ne peut se rencontrer ni par la lecture du texte de la Torah (mine hakkatouv) ni par la réflexion logique (dérékh sévara).
Si la Torah écrite est la Torah fixée en lettres sur les rouleaux de la Torah, la Torah orale est, donc, fixée directement dans le souvenir, les actes et les paroles des Juifs. De plus, ils sont la matière vivante de sa transmission. Des traditions nombreuses et différentes ont ainsi été transmises (‘Haguiga 12) et nous verrons que plusieurs maîtres avaient déjà entrepris de les recueillir avant que Ribbi Yéhouda Hannassi ne décidât de recueillir « toutes » les traditions de la Torah orale.

6. La Torah orale nous donne les middote ou règles de compréhension
La Torah orale inclut aussi la tentative de compréhension de la Torah écrite telle qu’elle découle de la mise en œuvre des règles traditionnelles d’interprétation du texte. Ces règles, les middote, ne sont pas établies par les lecteurs mais elles ont été mises au point, recensées ou transmises par les grands maîtres : ce sont les 7 règles de Hillel (chéva middote chél Hillel), les 13 règles de Ribbi Yichmâel (chloche esré middote), qui sont elles-mêmes en liaison, souligne le Chla, avec les 13 démarches de D-ieu (chloche êsré middote chél Haqqadoche baroukh Hou), les 32 règles de Ribbi Éliêzér, fils de Ribbi Yossi Haggalili (chlochim ouchtayim middote), les 27 règles du Chla. Nous reviendrons sur ces règles.
La mise en jeu de ces règles de lecture et de compréhension n’a pas encore épuisé tout son potentiel, c’est l’œuvre de toutes les générations. Elle demande avant tout une connaissance fine et rigoureuse de la technique de ces systèmes d’interprétation.
Ces règles ne sont pas des artifices d’interprétation mais elles dévoilent la connaissance de la logique interne du texte révélé, qui est bâti selon des règles précises ; ce sont des règles de compréhension exacte.
Une partie très importante de la guémara est constituée par ces tentatives d’interprétation réalisées par les grands maîtres, leurs débats à ce sujet (souguiyote) et leurs contestations des tentatives des collègues, ceci dans le but d’être fidèles au texte. Pour cela, ils utilisent très souvent ces mêmes règles traditionnelles communes. Leur débat n’est donc pas une querelle d’Écoles mais une discussion exigeante par sa rigueur qui est « disputation orientée vers la volonté du Ciel » :
ma’hloqéte léchém chamayim.
Ces middotes, de par leur complexité, demandent un exposé séparé ; il sera présenté plus loin, de même que les règles des (souguiote, débats talmudiques). Comme il y a une gradation dans la force contraignante des différentes middotes, une grande place est laissée au débat, à la confrontation des opinions (ma’hloqète).

7. La Torah orale nous transmet les divréï sofrim
Les divréï sofrim sont les prescriptions formulées par les Sofrim ou Sages experts en toutes les lettres de la Torah, depuis Moché Rabbénou jusqu’à la fin de la rédaction de la michna.
Leurs préceptes, exprimés avec la plus grande minutie, ne sont pas des inventions ni des exercices de rhétorique mais
- ils constituent une formulation des préceptes de la Torah,
- auxquels ils ajoutent aussi des preuves explicites tirées de la Torah.
Le Maharal de Prague estime ce point si important qu’il le précise dès le début de son Béer Haggola, Le Puits de l’exil.
Pour faire comprendre que tout l’édifice de leurs explications n’est pas une broderie autour de la Torah, le talmud dit que
- D-ieu a montré à Moché Rabbénou tout ce que ces Sages apporteraient ultérieurement comme précisions sur la Torah (diqdouqéï sofrim, les précisions des sofrim) ;
- leurs apports sont à respecter plus encore que ce que l’on peut comprendre directement de la Torah, au point que leur transgression est mortelle (voir Méguila 19 b).

8. La Torah orale nous transmet le middrache
Cette formulation est une extension du point précédent. Le middrache est un travail exégétique approfondi sur le texte pour en tirer des interprétations solides, qui ne sont pas évidentes à première lecture. Un témoignage ancien nous est donné en Néhémie 8, 8 : « Ils faisaient la lecture de la Torah de Moché Rabbénou d’une manière distincte et en indiquaient le sens de sorte que l’on comprit le texte » (Qiddouchine 37 b).
On parle ainsi de Sages qui étaient des darchanim guédolim, grands interprètes. Leur activité s’étendait spécialement aux parties de la Torah qui ne sont pas prescriptives en mitsvotes mais davantage centrées sur l’exhortation, la signification et la morale, ce que l’on appelle la haggada (avec un alef en début de mot, et non un avec un hé comme dans la haggada de Pessa’h).
On y ajouta aussi des thèmes de cette nature, qui entouraient les discussions centrées sur la halakha. Ils sont l’œuvre de Sages nommés rabbanane di aggadata. Ceux qui ont collecté ces haggadote ont reçu le nom de méssadér aggadta, comme Rabbi Chimeône ben Pazzi (traité Bérakhote 10 a).

Les principaux recueils de ces nombreux middrachim sont :
- le Béréchite Rabba, qui commente tous les versets du livre de la Genèse, dû à Ribbi Hochaya, amora du 3e siècle de l’ère actuelle ; des recueils plus récents furent groupés également pour les autres livres de la Torah ;
- la Mékhilta sur Chémote, le livre de l’Exode, due à l’École de Ribbi Yichmâel et Ribbi Âqiva ;
- le Sifra, ou Torahte Cohanim sur Vayiqra, le livre du Lévitique, dû à l’École de Ribbi Âqiva, de l’époque de Rabbi et de Ribbi ‘Hiya.
- le Sifré sur Bamidbbar, le livre des Nombres, dû à l’École de Ribbi Yichmâel et de Ribbi Âqiva ;
- le Sifré sur Dévarim, le livre du Deutéronome, composé à la fois de halakha et de haggada et dû à l’École de Ribbi Yichmâel et de Ribbi Âqiva ;
- le Middrache Tan’houma ou Tan’houma Yélamdénou (sur l’ensemble de la Torah) concerne la halakha, l’exégèse et l’exhortation. Rachi y a puisé de nombreuses interprétations.
- les middrachim sur les livres de Eikha, Lamentations, Isaïe, Jonas, Job, Cantique des Cantiques (Chir hacchirim), Ruth, Esther… ;
- les Pirqéï de Ribbi Éliêzér qui dépeignent les merveilles de D-ieu dans la création et dans l’histoire de son peuple ; ils sont antérieurs à la rédaction de la michna.

De nombreux autres recueils de middrachim existent également.

9. La Torah orale nous transmet les séyagim, haies.
La guémara consacre une partie de son propos à la discussion de mesures pertinentes à prendre dans la vie quotidienne pour qu’elle soit vécue selon la Torah et elle constate qu’il y a nécessité d’ajouter aux prescriptions explicites de la Torah des « haies » de protection autour de la Torah : séyag la Torah ; c’est-à-dire placer des haies à proximité de choses interdites par la Torah pour que le Juif parvienne à s’en préserver. Cette préoccupation ne relève pas d’une tendance naturelle à la fermeture de la part de tout groupe spécifique qui s’enclôt sur soi-même en multipliant les interdits, ni même d’une sagesse particulière mais, comme l’explicite le traité Yevamote 21 a, d’une prescription inscrite dans le texte même de la Tora. En effet, dans Vayiqra (Lévitique 18, 30) il est écrit :
ouchémartém éte michmarti
gardez mes observances.
La fonction de ces haies est d’aider l’homme à éviter la transgression. Il va de soi que si des humains peuvent construire des haies pour protéger la Tora écrite, ils ne peuvent pas mettre des haies pour protéger à leur tour celles-là, qui ne sont plus d’origine divine.
On formule ce principe en disant :
éïn gozérim guézéra laguézéra
on ne rajoute pas de haie à la haie (‘Houline 104 b).
Ce sont les prophètes (néviim) puis les Sages (‘hakhamim) de la Grande Assemblée qui, parmi les trois prescriptions qu’ils établirent, fixèrent les principales haies, comme il est écrit dans le traité des Pères 1, 1. Ils les nommèrent guézérote, coupures. Les Sages des différentes époques ont continué à élaborer ces mesures adaptées aux conditions de chaque génération.
En ce sens, on parle aussi de Massoréte sayag la Torah à propos de la tradition qui règle la façon d’écrire le texte de la Torah dans les moindres détails (ibid. 3, 13).
Un principe important est qu’une haie n’est prescrite que lorsque la majorité du peuple peut l’appliquer (Baba Qama 60 b).

10. La Torah orale comprend aussi le nistar
La guémara apporte également, avec discrétion, des indications sur le sens le plus profond, le plus caché de la Torah, le nistar, comme dans le traité ‘Haguiga 13. Elle précise alors comment doit se faire cet enseignement, à un seul élève, en petit groupe ou en public, suivant l’importance du sujet.
Concernant ce nistar, une question est souvent discutée : celle de savoir si l’urgence ou les périls de la destruction de la communauté juive ne rendraient pas obligatoire l’enseignement de cet essentiel. D’autres apportent un critère supplémentaire : l’urgence viendrait du fait que l’on se rapprocherait de la fin des temps espérés.

11. La Torah orale comprend aussi les minhaguim
La guémara inclut également la description d’us et coutumes (minhaguim ; minhag, au singulier) dont, à première vue, il n’est pas toujours clair de savoir s’ils sont référés à la Torah ou non. Cette question touche à la plus vive sensibilité populaire car toute coutume est la forme la plus affective du lien entre les générations familiales :
minhag avotéihém béyadéhém
le minhag des ancêtres est dans leur mains (Chabbate 35, Erouvine 104…),
ce qui sous-entendrait que les descendants ne peuvent le modifier, argument qui est souvent invoqué pour défendre sa propre pratique. Abbayé l’amora emploie la formule naqtinane (est admis chez nous) pour indiquer qu’il va donner à l’appui du problème une tradition de halakha reçue de sa tradition, et Rachi le précise :
massoréte avotéinou, minhag avotéinou
la tradition transmise par nos pères, de génération en génération (Erouvine 5 a).
Les Sages ont été sensibles au risque d’immobilisme ou de transmission de coutumes erronées qui pouvait en découler car la fidélité affective à des erreurs récentes des dernières générations peut ainsi conduire à des traditions nouvelles contraires à la Torah ; c’est pourquoi les Sages ont apporté des règles sûres et faciles à comprendre pour trier le pur de la fantaisie crédule ou de l’imitation des coutumes locales, surtout quand elles invoquent le principe mal compris :
minhag mévatél halakha
la coutume annule la halakha (Yébamote, Jérusalem 12).
En fait, ce principe exact ne s’applique que pour un minhag qui est « antique ».
Le Séfér Hakkéritoute (4, 3, 19) le dit explicitement :
minhag ché amrou ché mévatél halakha minhag vatiqine
un minhag dont on dit qu’il annule la halakha est le minhag ancien ;
et ce n’est pas seulement celui que l’on a vu pratiquer soi-disant « depuis toujours ».
Et le Séfér Hakkéritoute ajoute nettement et délicatement l’adage :
aval minhag ché eïn lo réaya mine hattorah eïno élla kétoêh béchiqoul haddaâte
mais le minhag qui n’a en lui rien de la Torah n’est rien d’autre qu’une faute de jugement.
Donc, seul un talmid ‘hakham (disciple des Sages) instruit dans toute la tradition de la Torah et dans l’histoire de la tradition d’une communauté particulière peut se prononcer sur ces questions, et les particuliers confrontés à ce problème ne doivent pas s’en référer à leur seule fidélité affective ni à leur jugement insuffisamment éclairé. On ne peut se permettre de se tromper en ce qui concerne la Torah elle-même.
Le Rav Ôvadia Yossef, Richone létsione, chalita, recense 24 règles s’appliquant aux minhaguim (pages 17-19 du tome 1 de Yé’ahavé daâte), dont celles-ci :
- ce que la Torah permet, si on y applique des interdits, ils viennent des rabbins (talmidéï ‘hakhamim, posseqim) et ce ne sont pas les particuliers qui ont la compétence pour se prononcer à leur sujet ;
- quand un minhag est en contradiction avec une prescription de la Torah, on ne peut pas lui appliquer la règle minhag mévatél halakha (le minhag annule la halakha) ;
- un minhag qui ajoute des interdits qui conduisent à faire des transgressions de la Torah, c’est une mitsva que de l’annuler, etc.
La technicité et la gravité du problème exigent donc une grande connaissance des règles en la matière.
En fait, la source de la majorité de ces coutumes diverses vient de la dispersion du peuple juif, car lorsque le Béit dine Haggadol existait à Jérusalem et assurait l’unité, il n’y avait pas de disputes au sujet de ces coutumes : il en établissait la validité et leur diversité éventuelle ne faisait que correspondre clairement aux différentes voies de la transmission.

Résumons l’ensemble de ces 11 paramètres de la Torah orale pour bien les mémoriser :
1. Elle est l’une des deux composantes de la révélation qui a été transmise à Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï, et la Torah écrite et la Torah orale sont une seule Torah.
2. Elle complète la Torah écrite.
3. Elle fournit les applications de la Torah écrite.
4. Elle apporte certaines précisions.
5. Elle éclaire sur des prescriptions non écrites.
6. Elle donne les middote ou règles de compréhension.
7. Elle transmet les divréï sofrim.
8. Elle transmet le middrache.
9. Elle transmet les séyagim, haies.
10. Elle comprend le nistar.
11. Elle comprend les minhaguim.

Vérification des connaissances
Répondre aux questions suivantes qui ont été traitées dans cette session. Se reporter au texte chaque fois que la réponse donnée est imprécise :
1. Quels rapports existent entre ces trois pôles : la Torah écrite, la Torah orale et la tradition rapportée dans le talmud ?
2. Nommer de mémoire 11 composantes de la Torah orale, et leur caractéristique.
3. Quel enseignement tire-t-on de l’expression âl pi ? Citer par cœur son verset (Chémote, Exode 34, 27).
4. Qu’a reçu simultanément Moshé Rabbénou ?
5. Citer les différentes étapes historiques de la transmission entre Moshé Rabbénou et les maîtres de la michna.
6. Quelle était l’instance qui établissait officiellement le contenu de la Torah ché bé âl pé ?
7. Expliquer les exemples montrant que la Torah orale complète la Torah écrite.
8. Citer les commentaires sur les totafote ou « téfilines de la tête ».
9. Citer les différentes significations de la phrase de Chémote 24, 12.
10. Citer la phrase montrant les nombreuses applications d’un passage qui, de prime abord, ne semblait pas explicite dans la Torah : (miqra…).
11. Que signifie halakha lé Moché miSinaï ?
12. Que sont les middote ?
13. Qu’est la ma’hlokète léchém chamayim ?
14. Que sont les divréi sofrim ?
15. Citer et commenter le verset de Néhémie 8, 8 sur le middrache.
16. Définitions de : darchanim guédolim, haggadah et haggadah.
17. Indiquer les huit principaux recueils de middrachim et leurs caractéristiques.
18. Qui a écrit Béer Haggola ?
19. Que sont les Diqdouqéi sofrim ?
20. Définir sayag la Torah. Citer le verset qui en est la base.
21. Que signifie : guézéra la guézéra éine gozerine ?
22. Combien de prescriptions ont fixé les Sages de la Grande Assemblée ?
Quelle en est la référence ?
23. Qu’est la Massoréte séyag la Torah ?
24. A quelle condition une « haie » est-elle prescrite ?
25. Qu’est le nistar ?
26. Définir les minhaguim.
27. Que signifie : minhag avotéhém béyadéhem ?
28. Que signifie : minhag mévatél halakha ?
29. Que signifie : minhag ché amrou ché mévatél halakha, minhag vatiqine ?
30. Continuer les mots de la phrase : le minhag qui n’a en lui rien de la Torah n’est rien d’autre que.

JACOB ET L’ANGE : UN COMBAT RÉVÉLATEUR

31 juillet, 2014

http://www.massorti.com/Jacob-et-l-Ange-un-combat

JACOB ET L’ANGE : UN COMBAT RÉVÉLATEUR

Ruth Scheps -

C’est presque avec crainte et tremblement que j’ai décidé de m’attaquer à cet épisode de la paracha Vayichlah, désigné généralement comme le combat de Jacob avec l’Ange :
« Aventure étrange – dit Elie Wiesel -, mystérieuse de bout en bout, d’une beauté à faire frémir, d’une intensité à faire douter des sens. Qui n’a-t-elle fasciné ? Philosophes et poètes, rabbins et conteurs, tous cherchent à résoudre l’énigme de ce qui s’est passé cette nuit-là, à quelques pas du ruisseau Yabbok. »
Le récit tient en quelques lignes : huit versets qui feront basculer l’Histoire – c’est là que Jacob recevra le nom d’Israël – et vaciller nos opinions : Jacob est-il peureux ou courageux ? Son adversaire est-il bon ou méchant ? Jacob a-t-il combattu avec ou contre lui et qui l’a vraiment emporté ?
On peut noter pour commencer que cette lutte n’est pas la première dans la vie de Jacob. À vrai dire, toute son existence semble placée jusque-là sous le signe du conflit et de la ruse : ruse dont il fait preuve lui-même en usurpant le droit d’aînesse de son frère Esaü et en soutirant une bénédiction à son père Isaac, ou qu’il subit par la suite de la part de son beau-père Laban (l’histoire est bien connue, je ne m’y attarde pas)…
Au début du passage qui nous occupe, Jacob vient donc de fuir Laban et se sait poursuivi par la haine d’Esaü qu’il s’apprête pourtant à rencontrer le lendemain. Comment désamorcer cette haine et surmonter la peur qu’elle lui inspire ? Selon Rachi, Jacob le fera de trois manières : par des cadeaux à Esaü, par la prière à Dieu et par le combat au Yabbok.
Le choix du Yabbok n’est certainement pas fortuit ; c’est un gué, c’est-à-dire un lieu qui sépare : séparation traditionnelle entre les humains et les démons de la nuit, séparation géographique entre Jacob et Esaü. Mais c’est aussi un lieu de passage : passage physique que Jacob fait franchir à ses femmes, ses enfants et tous ses biens, et passage symbolique de Jacob lui-même vers une conscience accrue de sa propre identité et de sa mission. Passage qui prendra la forme d’un combat, difficile mais nécessaire, comme le fait entendre le texte lui-même à travers les mots utilisés : yeavek (il a combattu), Yaacov et Yabbok, dont la proximité phonétique invite au jeu de mots, et dont chacun ne semble pouvoir exister qu’en lien avec les deux autres… Car à la fin de l’épisode, lorsque le combat se changera en bénédiction, Yaacov changera de nom pour devenir Israël et le Yabbok lui-même sera appelé par Jacob Peni’el (ma face vers Dieu) puis Penou’el (votre face vers Dieu, comme pour indiquer aux générations futures la voie à suivre).
Sur la nature de ce combat, les commentaires sont nombreux et divergents. La seule certitude touche au caractère singulier dans toute la Tora de ce conflit entre l’humain et le divin : il arrive souvent que Dieu et l’homme soient en désaccord et le manifestent de part et d’autre par la colère ou le cas de conscience. Mais le corps à corps qui a lieu au Yabbok est un phénomène unique, et ce caractère exceptionnel est sans doute une des raisons de la fascination qu’il a toujours exercée sur les esprits.
Combat unique, mais aux dimensions multiples, attestées par les innombrables questionnements et commentaires qu’il a suscités : faut-il le considérer comme réel ou fictif ? Historique, prophétique ou simplement onirique ?
Pour Nahmanide, proche du sens littéral, le combat est réel puisque Jacob y est blessé ; mais il fait aussi allusion à l’histoire de la descendance de Jacob, en vertu du principe selon lequel « maassé avot siman lebanim » – les actions des ancêtres préfigurent celles de leurs descendants. Prolongeant cette interprétation, Rachi voit dans ce combat le symbole de la lutte historique engagée entre Israël et les nations jusqu’à l’aube de la liberté. Selon Maïmonide, il s’agit plutôt d’une vision prophétique car il est dit à la fin du récit qu’il s’agissait d’un ange, et pour Maïmonide, les figures corporelles que revêtent les anges n’existent que dans l’esprit de celui qui les voit. Enfin de nombreuses interprétations font de cette lutte un symbole universel de la lutte intérieure contre tout ce qui entrave l’accomplissement créateur de l’être : obscurité, chaos et forces du mal… Plusieurs éléments du récit suggèrent que cette lutte intérieure se déroule en rêve : son caractère extraordinairement elliptique (comme si seuls les événements les plus marquants en avaient été mémorisés) ; le jeu de mots entre Yaacov, Yabbok et ye’avek (typique de la logique de l’inconscient qui œuvre dans les rêves), que renforce encore le lien étymologique entre maavak, le conflit, et avak la poussière ; le fait que Jacob soit resté seul dans la nuit et que son adversaire ait surgi soudainement de nulle part ; enfin l’attitude paradoxale de l’ange, qui blesse Jacob avant de le bénir.
Il est étonnant de voir que rien n’est dit sur l’état d’esprit de Jacob, sur sa douleur et sur ses émotions tout au long du combat et juste après. Selon Rachi, Jacob s’était couché la veille irrité à l’idée des présents qu’il aurait à faire à Esaü pour l’amadouer… Et nous savons que la nuit et la solitude sont des facteurs d’angoisse… Il est donc probable que Jacob ait eu à lutter non seulement contre son adversaire, mais avant tout contre sa propre peur et sa propre colère. Le combat physique de Jacob serait ainsi venu confirmer sa lutte intérieure et en souligner l’ambivalence puisque Jacob en ressortira à la fois désarticulé physiquement (par la luxation de sa hanche) et ré-articulé dans son nom, devenu Israël.
Mais qui est donc cet adversaire au comportement aussi mystérieux que paradoxal, qui surgit sans crier gare, combat toute la nuit mais finit par lâcher prise, blesse Jacob puis le bénit ? Au chapitre 32 il est d’abord question d’« un homme » (ich), puis Jacob parle d’un être divin (elohim). La psychanalyse freudienne y verrait sans doute un surmoi, tour à tour persécuteur ou idéalisé. Mais pour la plupart des sources du Midrach et du Zohar, c’est à un ange que Jacob a eu affaire – un malakh, qui signifie à la fois ange et messager divin ou du divin. Et en effet cet ange se révélera porteur de messages essentiels autant pour Jacob que pour toute sa descendance et au-delà pour tout être humain.
De quel ange s’agit-il ? Selon Rachi, qui reprend à son compte les interprétations traditionnelles, il s’agirait de Samaël, l’ange d’Esaü, réputé pour sa méchanceté ; dans ce cas, le combat de Jacob serait destiné à le préparer à l’affrontement qu’il craint d’avoir avec son frère Esaü. Mais Elie Wiesel, quant à lui, préfère y voir l’ange gardien de Jacob lui-même ; celui-ci se battrait alors contre « le moi, en lui, qui doutait de sa mission ». Et dans un autre registre, voici comment Charles Baudelaire décrit les deux protagonistes de ce combat tel que l’a peint Delacroix : « l’homme naturel et l’homme surnaturel luttent, chacun selon sa nature, Jacob incliné en avant comme un bélier et bandant toute sa musculature, l’ange se prêtant complaisamment au combat, doux, comme un être qui peut vaincre sans effort des muscles et ne permettant pas à la colère d’altérer la forme divine de ses membres. » Magnifique description de ce malakh (qui est aussi en l’occurrence une melakha, c’est-à-dire une œuvre d’art), et chez qui la douceur l’emporte sur la colère et participe de sa transcendance.
Après ces quelques remarques sur la nature du combat mené par Jacob et sur l’identité de son adversaire, je voudrais vous livrer ma vision de leur dialogue car il est à mes yeux aussi important que le combat lui-même.
Si nous supposons, en accord avec le texte et toute la tradition, que l’antagoniste de Jacob est une émanation divine, nous devons supposer également qu’il est omniscient, donc qu’il connaît le nom de Jacob. Pourtant il le lui demande… Pourquoi ? Mon hypothèse est que c’est pour lui faire prendre conscience du fait que son nom Yaacov (celui qui est à la traîne) est désormais inadéquat puisqu’il est sorti victorieux d’un combat contre plus puissant que lui. Il lui annonce donc dans la foulée que désormais il s’appellera Israël, celui « qui a lutté victorieusement contre Dieu » selon la traduction la plus courante – mais notons que Israël signifie aussi prince et noble (sar), en même temps que droit (yachar), autrement dit « celui qui marche droit avec Dieu ».
Jacob à son tour demande à son Adversaire quel est son nom. Là il ne s’agit pas d’une question rhétorique car Jacob ignore vraiment ce nom. Mais en guise de réponse, son Antagoniste lui pose une autre question : « Pourquoi t’enquérir de mon nom ? », puis il le bénit, ce qui est un geste extrêmement fort s’il s’agit vraiment de l’Ange d’Esaü, lequel n’avait jamais accepté que la bénédiction de son père Isaac aille à Jacob et non à lui. Deux choses me semblent particulièrement significatives ici : d’une part, l’Ange ne bénit pas Jacob quand celui-ci le lui demande (en lui disant, verset 27 : « Je ne te laisserai pas que tu ne m’aies béni »), mais un peu plus tard, après lui avoir révélé son nouveau nom, comme pour montrer que la transcendance n’a pas à se plier à tous les désirs humains. Mais d’autre part, le désir de Jacob de connaître le nom de son Adversaire est tout de même satisfait et il le reconnaît au verset 31 : « raïti Elohim panim el panim » (j’ai vu un être divin face à face)… En fin de compte, dans ce choc de combativités, chacun sauve la face si j’ose dire, et aucun ne se sacrifie ; les corps lâchent prise et l’étreinte fait place au dialogue entre deux êtres séparés. Mais en même temps, chacun sort de ce combat profondément transformé aux yeux de l’autre : Jacob est devenu capable de reconnaître la divinité de son Antagoniste et celui-ci a pu voir en lui Israël. Comme le dit la théologienne Lytta Basset dans son livre Sainte colère : « L’Autre n’est bienveillant et bienfaisant que dans la mesure où l’humain le croit. Surmonter l’ambivalence est le fruit d’un combat. »
Voilà donc un premier acquis de cette haute lutte : Jacob est parvenu à surmonter ses sentiments ambivalents envers l’Ange pour ne plus voir en lui qu’une source de bénédiction. Mais ce n’est pas tout : sa lutte avec l’Ange (quel que soit son nom) a rendu Jacob capable de dépasser sa peur d’Esaü pour le voir désormais comme le frère humain avec lequel il pourra enfin parler. Et cette nouvelle manière d’appréhender Esaü ouvrira la voie à leur réconciliation. Notons l’habileté avec laquelle Jacob procédera au lendemain du combat lorsqu’il se trouvera face à Esaü : il lui dira « car j’ai vu ta face comme celle d’Elohim » (al ken raïti phanekha kir’oth pnei Elohim)… Rachi se demande à ce propos : « Pourquoi lui dit-il qu’il a vu l’ange ? C’est pour qu’Esaü ait peur de lui et qu’il dise : il a vu des anges et il a été sauvé, je ne pourrai donc rien contre lui. » Nous voyons ici qu’un équilibre fraternel s’est enfin instauré entre Jacob et Esaü : Jacob n’a plus peur d’Esaü et ne cherche plus à le duper ; Esaü n’est plus en colère contre Jacob, mais le respecte pour son courage.
Cette dynamique des sentiments et des émotions est à mon sens une des belles leçons de ce texte : comme Jacob et Esaü, chaque être humain est capable d’évoluer pour autant qu’il ne refuse pas d’affronter l’adversité en payant de sa personne et en s’impliquant par la parole. D’ailleurs pour Catherine Chalier, ce combat signe « l’acte de naissance d’une parole qui cherche à s’adresser aux autres hommes, même aux plus hostiles ».
Mais pour être entendue c’est-à-dire fructueuse, cette parole a besoin de la conscience qu’a chaque interlocuteur de l’altérité de l’autre : c’est en reconnaissant la nature radicalement autre c’est-à-dire transcendante de son adversaire que Jacob accède lui-même à un niveau d’être supérieur, indiqué par son nouveau nom Israël. Et cette prise de conscience s’obtient à la fois par la parole et par le combat assumé sans gloriole mais sans faiblesse non plus. Un combat qui, nous l’avons vu, se déroule essentiellement à l’intérieur de l’âme humaine tourmentée par ses contradictions et dont l’issue, quand elle est heureuse, ouvre aux vrais dialogues et aux vraies évolutions.
De ce combat, Jacob ressort donc doublement transformé : il porte désormais un nouveau nom, Israël, qui lui rappellera (et nous rappellera) constamment son exploit d’être humain face à la transcendance. Et d’autre part sa blessure à la hanche sera la marque non moins constante de sa vulnérabilité.
Ainsi va l’humain sans cesse tiraillé entre orgueil et humilité, entre force et faiblesse, entre Israël et Jacob… Toute victoire humaine est au prix d’une blessure et toute blessure cicatrisée aguerrit. Sachons donc nous préserver de l’arrogance et nous souvenir de cette dualité qui nous habite : c’est aussi à la blessure de Jacob que le peuple d’Israël tout entier doit sa spécificité, par la non-consommation du nerf sciatique des animaux… Et ce sont finalement les deux noms du fils d’Isaac, que notre Tradition a conservés : Jacob et Israël, Israël le vainqueur qui toujours se souvient de Jacob le boiteux.

Ruth Scheps

 

LA CRÉATION – Grand Rabbinat du Québec

14 mai, 2014

http://www.rabbinat.qc.ca/nsite/dvar/berechit/berechit.html

LA CRÉATION

Grand Rabbinat du Québec

Au commencement, D’ieu avait créé le ciel et la terre. Or, la terre n’était que solitude et chaos; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et le souffle de D’ieu planait sur la face des eaux. D’ieu dit : Que la lumière soit! Et la lumière fut. D’ieu considéra que la lumière était bonne, et il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres. D’ieu appela la lumière Jour, et les ténèbres, il les appela Nuit. Il fut soir, il fut matin, un jour Bérèchit 1, 1-5..
Bérèchit est la première sidrade la Tora. La Tora s’ouvre sur le récit de la création du monde. Selon le Midrache Rabba rapporté par Rachi, il n’était point nécessaire de commencer la Tora par le récit de la création. Étant surtout le livre où sont édictées les règles et les lois du judaïsme, la Tora aurait dû débuter par la première loi Chémot 12, 2. : Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier de l’année. Toutefois en relatant la création du monde, la Tora tient à présenter notre Souverain Roi auquel nous devons obéissance puisque c’est Lui l’auteur du monde et son Créateur.
Par ailleurs, s’appuyant sur le texte Téhillim 111, 6. : La puissance de ses hauts faits, il l’a révélée à son peuple le Midrache Tanhouma, affirme que l’intention du créateur était de prouver aux peuples qu’Israël ne les a nullement spoliés de leur terre mais c’est le Maître du monde qui, les ayant dépossédés de leur pays, l’a donné à Israël.
Cependant même si nous devions admettre avec le Tanhouma que l’intention de la Tora était de faire taire tout argument des nations contre Israël, une difficulté subsisterait. Car quand bien même ces peuples auraient confiance et foi absolues en D’ieu, il n’en demeure pas moins qu’une donation reste toujours une donation qu’on ne peut reprendre avec autant de facilité. Une donation est comme une vente, irrévocable et inaliénable.
Mais le Chélah ha-Qadoche, explique à propos du verset Dévarim 4, 39. : Reconnais à présent, et imprime-le dans ton coeur, que l’Ét’ernel seul est D’ieu, dans le ciel en haut comme ici-bas sur la terre, qu’il n’en est point d’autres!que l’intention du texte, n’étant pas de nous convaincre de l’unicité de D’ieu, chose que nous savions déjà par Dévarim 6, 4. : Écoute Israël, l’Ét’ernel notre D’ieu, l’Ét’ernel est un, consiste en fait à affirmer que la présence divine dans le monde est la présence par excellence qui maintient l’existence du monde. C’est ainsi que la présence divine donne la vie à tout ce qui existe comme dit le texte Néhèmya 9, 6. : Tu donnes la vie à tous les êtres.
Rambam, dira également dans le Guide des Égarés Guide des Égarés vol. I chap. 72., D’ieu est appelé vie des mondes car c’est Lui qui les fait vivre et, s’il retirait Sa Providence ne serait-ce qu’un instant, ce sera la fin du monde. En effet, lorsqu’un artisan crée un objet, l’objet créé continue d’exister indépendamment de son auteur, tandis que le monde, même une fois créé, continue à dépendre du D’ieu créateur.
Aussi pour cette raison le Tanhouma base-t-il toute sa preuve sur le texte : La puissance de ses hauts faits, il l’a révélée à son peuple pour nous signaler que la puissance que renferme chaque acte et chaque fait divins, D’ieu les révèle à son peuple. Dans une telle perspective qui fait du peuple d’Israël le partenaire, ou tout au moins l’interlocuteur privilégié du Créateur, la donation du pays de Kénaâne faite aux sept peuples ne pouvait en aucune manière être considérée définitive et inaliénable. Cette donation était provisoire, momentanée car la terre dépendait et continue à dépendre de la Providence qui s’applique à elle d’une manière particulière. Une donation fait que le donateur n’a plus de prétention sur l’objet donné duquel il se détache complètement et définitivement. Ce ne fut nullement le cas du pays de Kénaâne.
Le récit de la création a ceci de particulier c’est qu’il nous renseigne sur la raison principale qui avait motivé la création. Le Midrache Rabba, rapporté par Rachi, affirme :
À cause de la Tora appelée rèchite, tel qu’il est dit Michelè 8, 22. :
L’Ét’ernel me créa au début, rèchite, de son action et à cause d’Israël appelé aussi rèchite tel qu’il est dit Yirmiya 2, 3. : Israël est une chose sainte, appartenant à l’Ét’ernel, les prémices, rèchite, de sa récolte…… que le monde a été créé.
Pour que la création puisse se maintenir Israël doit s’engager à étudier la Tora et à réaliser toutes les mitswot, . Israël est donc le garant de la création. Ce qui confirme les paroles du Talmoud Âvoda Zara 3a et Chabbat 88a., que la création a été soumise à la condition expresse qu’Israël accomplisse la Torasinon le monde serait réduit à néant.
Au commencement, D’ieu avait créé le ciel et la terre.
Ce texte suscite quelques remarques. Ainsi, pour quelle raison la Toracommence-t-elle par Bèt, et non Alèf ?
Bérèchit,est à l’état construit, un génitif, autrement dit, au commencement de.. la Tora n’indique pas le nom qu’il complète. Comment donc comprendre l’emploi de cette forme?
Èl’ohim : plus tard Bérèchit 2, 4. le texte dira : l’Ét’ernel D’ieu, Pourquoi ce changement?
La Tora commence par Bèt, parce que le roi Chélomo, dans son livre Qohèlète, compare la Tora au soleil qui éclaire la terre à partir de trois directions, Est, Sud, Ouest; le Nord n’est jamais visité par le soleil. Tel le Bèt, limité dans trois directions, mais la quatrième, toujours ouverte, que seule la Tora arrive à fermer, ainsi quiconque veut contester la Tora, s’expose aux tentations et aux attaques du yètsèr ha-râ, appelé tséfoni, l’originaire du nord. Mais quiconque désire échapper à ces attaques, la Torasera là pour l’aider.
Les Pirqè de Rabbi Èliêzèr, et le Zohar, rapportent comment le Créateur avait écarté chacune des lettres de l’alphabet pour débuter la Tora, invoquant pour chacune la raison de son refus. Le choix s’étant arrêté sur la lettre Bèt, Alèf, avait marqué son mécontentement. D’ieu le console en le gratifiant du privilège d’être placé en tête du décalogue. Anokhi, commence, en effet, par Alèf. Mais le choix divin s’était porté sur Bèt parce qu’elle débute le mot Bérakha, bénédiction, alors que Alèf est le début de arour, malédiction. La création du monde se situe donc au niveau de la bénédiction.
Zéqènim mi-Baâlè ha-tosséfot, font remarquer que le terme bérèchit, est composé de six lettres rappelant les six jours de création. Le verset se compose de sept mots correspondant aux septjours de la semaine. Et le nombre total des lettres qui composent ce verset est de 28 faisant référence aux 28 jours du mois. Ce verset renferme six fois la lettre Alèf qui se lit Èlèf, millénaire, attirant l’attention sur la durée du monde de la création qui est de 6000 ans.
Au commencement de… ,le texte ne dit pas au commencement de quoi. C’est pourquoi le midrache rapporté par Rachi propose comme lecture du verset Bé = bichevil, à cause d’un rèchite, et rèchites’explique par Tora et Israël. En d’autres termes, à cause de la Tora et d’Israël, D’ieu créa..
Mais le Targoum Yérouchalmi Traduction araméenne de Jérusalem., traduit avec sagesse D’ieu créa… car le verset Téhillim III, 10. dit : rèchite, le début de la sagesse, c’est la crainte de l’Ét’ernel.
Selon le Targoum, l’intention divine qui a présidé à la création est la sagesse autrement dit la crainte de l’Ét’ernel. Aussi pour le Zohar, l’anagramme de Bérèchit, est-il yéra Chabbat, crains le Chabbat. Et qui craint le Chabbat craint le Créateur. Le but de la création est donc que les créatures craignent l’Ét’ernel.
Èl’okim, Au début, D’ieu avait l’intention de créer le monde par la rigueur divine, middate ha-dine, mais comme il a vu que le monde ne pouvait tenir sur la justice stricte, il lui a associé la miséricorde, middate ha-rahamim, . Aussi le texte dira-t-il par la suite Bérèchit 2, 4. :
Telles sont les origines du ciel et de la terre, lorsqu’ils furent créés; à l’époque où l’Ét’ernel, miséricorde, D’ieu, justice, fit une terre et un ciel.
Toujours est-il impossible de penser qu’un changement ait pu intervenir au niveau de la volonté divine. Celle-ci a toujours voulu diriger son monde selon middate ha-dine qui continue d’ailleurs à s’appliquer aux tsaddiqim, en raison de leur aptitude à assumer à accepter la rigueur divine. S’agissant des réchaîm, incapables d’y faire face, le Créateur consent à lui adjoindre clémence et miséricorde. C’est pourquoi il a été donné au rachâ, la possibilité de s’amender et faire un repentir. Car si le monde était dirigé seulement par middate ha-dine, il n’y aurait pas eu de place aux réchaîm.
Ète ha-chamayim wé-ète ha-arèts:
Ces deux éléments ciel et terre ont été au début de la création. Pourtant chamayim, se décompose en èche, feu et mayim, eau! Pourquoi le texte ne donne-t-il pas d’information sur la création de ces deux éléments constitutifs des cieux?
Ète ha-chamayim,
Or ha-Hayim, réfutant l’explication de Bérèchit comme étant au commencement de la création du ciel et de la terre tente de montrer la grandeur du Créateur qui, par le premier verbe, la première parole Bérèchit, avait tout créé. En effet, le contraire serait impossible à comprendre étant difficilement en accord avec le texte. Car chamayim est déjà composé de Èche, feu, et mayim, eau, deux éléments qui n’étaient point jusqu’alors créés. Il cite à l’appui le texte du décalogue Chémot 20, 1. : Alors D’ieu prononça toutes ces paroles, c’est-à-dire, Il avait dit en une parole tous les dix commandements ce qu’aucune bouche ne peut exprimer. Tout ce que le Créateur avait l’intention de créer le fut à la première parole qui est Bérèchit.Aussi le ète, qui accompagne les cieux et la terre signifie ainsi que tout ce qu’ils renferment. Mais si D’ieu avait procédé à d’autres créations durant les jours suivants, ce fut surtout pour mettre de l’ordre dans son monde. Il en veut pour preuve le texte Bérèchit 2, 13. :
D’ieu bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu’en ce jour il se reposa de l’oeuvre entière qu’il avait créée [le jour de la création] et organisée [pendant les six jours].
Or ha-Hayim explique ainsi l’emploi de Bérèchit. Se basant sur le texte Téhillim 33, 6. : Par la parole de l’Ét’ernel les cieux se sont formés, par le souffle de sa bouche, toutes leurs milice, il se demande comment nos Maîtres peuvent-ils affirmer que les créatures célestes ont été créées au deuxième jour pour éviter à l’homme l’erreur de dire qu’elles ont contribué à la création du monde. Le texte stipule, en effet, qu’elles ont été créées par le souffle de sa bouche qui, lui, est antérieur et précède la parole. Mais Bérèchit dont le sens est aussi parole divineatteste que le Créateur a usé de la parole avant le souffle afin que les êtres célestes ne puissent pas dire qu’ils ont participé à la création. Au début, les cieux et la terre furent créés par la parole ce n’est qu’ensuite que furent créés les êtres célestes par le souffle qui précède normalement la parole.
Or, la terre n’était que solitude et chaos; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et le souffle de D’ieu planait sur la face des eaux.
La terre était solitude et chaos,
Quel besoin de nous renseigner sur ce que la terre était avant la création de la lumière?
À partir des six jours de la création, le monde n’a pas subi, il est vrai, de changement. Le soleil continue toujours à se lever à l’Est et se coucher à l’Ouest. Cette information devient nécessaire car si les réchaîmcontribuaient par leurs mauvaises actions à jeter le monde dans le chaos, ce ne sera nullement un changement ni une nouveauté. Ce sera seulement le retour du chaos originel. L’ordre de la Création ne sera maintenu que si Israël et les tsaddiqim consentent à jouer ce rôle par leur conduite et par l’étude de la Tora.
D’ieu dit : Que la lumière soit! Et la lumière fut.
Et la lumière fut,
Pour quelle raison n’a-t-on pas dit et ce fut ainsi comme pour la plupart des choses créées? Dans ce texte il est écrit cinq fois le terme Or, et dans le texte traitant des luminaires, le quatrième jour, il est dit cinq fois Maor, . Pourquoi?
Rambane remarque, en effet, l’emploi de l’expression et la lumière fut au lieu de ce fut ainsi. L’expression ce fut ainsi suggère, dit-il, que la lumière initiale de la création est celle que nous avons en ce moment alors qu’elle n’a été en service que jusqu’au quatrième jour de la création, jour où furent créés les luminaires.
Rachi dit que cette lumière ne devait pas être au service des réchaîm, c’est pourquoi D’ieu l’avait mise en réserve pour la fin des temps.
C’est cette voie qu’emprunte, Maor Wa-Chèmèche. La Tora évite de préciser ce fut ainsi pour ne pas risquer de voir les réchaîm utiliser cette lumière destinée aux seuls tsaddiqim.
Ainsi pour cette raison trouvons-nous cinq fois le terme or, lumière, le premier jour et, parallèlement cinq fois le terme maor, luminaire, le quatrième jour pour préciser que la lumière qui est en service, celle produite par le soleil, la lune et les étoiles, n’est que le reflet de cette première lumière qui est gardée en réserve pour les tsaddiqim.
D’ieu considéra que la lumière était bonne, et il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres.
Il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres.
Cette information paraît de prime abord inutile puisque le jour sera le règne de la lumière et la nuit celui des ténèbres. Pourquoi alors l’avoir mentionnée?
Rachi explique qu’il n’est point convenable ni esthétique que la lumière et les ténèbres servent confusément.
Mais Sforno, souligne, tout en étant d’accord avec l’opinion de Rachi, que le jour et la nuit connaissent une distinction, pendant les quatre premiers jours, par la seule volonté du Créateur. Pendant ces quatres jours, la durée du jour et de la nuit a été marquée non par l’exercice du soleil et de la lune qui n’étaient pas en fonction, mais par la volonté divine.
D’ieu appela la lumière Jour, et les ténèbres, il les appela Nuit. Il fut soir, il fut matin, un jour.
Yom èhad, un jour.
Pourquoi ne pas employer yom richone, premier jour, comme pour les autres jours où le nombre ordinal est employé?
En ce premier jour D’ieu était unique en son monde. Kéli Yaqar, souligne qu’il faut absolument affirmer l’unicité de D’ieu créateur du jour et de la nuit pour combattre les croyances manichéennes qui enseignent l’existence d’un dieu créateur de la lumière distinct du créateur des ténèbres, dieu du mal distinct du dieu du bien.
Pour nous, D’ieu est èhad, unique. Il ne saurait exister d’autres divinités. Au-delà du récit de la Création, la Tora vise de nous imprégner de l’existence de D’ieu et de Sa Providence. Aussi dans nos prières devons-nous mentionner le jour comme la nuit que D’ieu est le créateur à la fois du jour et de la nuit, de la lumière et des ténèbres.

PUISQU’IL EST SANS NOM.. .

6 mai, 2014

http://www.dieumaintenant.com/puisquilestsansnom.html

PUISQU’IL EST SANS NOM..
.
JEAN-CLAUDE CAILLAUX

 » Qui est Dieu pour vous ?  » demande le philosophe. Pour les croyants, à cette question peut-être n’y a-t-il d’autre réponse que celle esquissée ici et prononcée dans un murmure : « Je l’aime, je l’aime… »

Dans une de ses nouvelles intitulée Joie, Isaac B. Singer, cet aïeul débordant de souvenirs, raconte la mort du rabbin Bainish. Au seuil de la chambre où il s’était couché, le rabbin vit ses enfants et son père que retenait un mystérieux et invisible obstacle. De chacun d’eux émanait une lumière différente. « C’est donc cela, pensa le rabbin. Eh bien, à présent, je comprends tout… » Sa femme sanglotait, il voulut la consoler, mais eut juste le temps de murmurer pour son disciple le plus proche : « On devrait toujours être joyeux… » Ce furent ses dernières paroles.

Et cette femme, romancière, face à face avec le vieux philosophe, dans un de ces salons qui travestissent et révèlent à la fois…
« Qui est Dieu pour vous ? » questionne le philosophe.
La femme recherche en sa mémoire les définitions, les certitudes acquises. Pour répéter… ces abstractions qui tiennent lieu de présence… Le philosophe écoute, attentif et surpris. Silencieux.
« Et pour vous ? » risque la romancière.
Silence.
Puis en un murmure, – éblouissant plus que l’aube visitant la nuit : « Je l’aime, je l’aime… »

Un homme habité – comme l’eau de la fontaine vibrante de soleil -, parce que traversé par l’assaut de ce soleil invisible inconnu de la plupart.
Qui du sein de son savoir découvre le silence – comme s’engendre au cœur de la nuit le sourire de lumière qui parle de l’obscur.

Qui porte trace de la blessure : fascinante est la brûlure.
Qui aime…
Ce Dieu…
Comme la source, et ce grand vent transfigurant qui passe en nos visages.

Oui comme la source, cristal du désert qu’en nous l’enfant désire chemin mystérieux qui va vers l’intérieur.
D’où jaillissent en nos racines l’espérance et l’amour. Et la joie.

Et point n’est besoin de m’appeler Dmitri Fiodorovitch Karamazov pour m’écrier : « Vive Dieu et sa joie divine. Je l’aime. »

Jean-Claude Caillaux

 

Le Midrash sur les Proverbes

30 avril, 2014

http://www.objectif-transmission.org/notre-catalogue/autrescorpus/100-le-midrash-sur-les-proverbes

Le Midrash sur les Proverbes

Le Midrash en général et la place du présent midrash.
Le terme de midrash est issu de la racine hébraïque darash : chercher, fouiller. Le Midrash peut donc être défini comme une lecture fouillante de la Bible. C’est une explicitation du texte biblique mais sous une forme particulière : le commentaire fait appel à de nombreuses techniques (jeu de mots, utilisation de versets bibliques hors de leur contexte, situation anachronique des personnages, mise en rapport de versets utilisant les mêmes mots, etc.) et n’hésite pas à prendre de nombreuses libertés avec le texte, mais toujours dans le but d’en faire jaillir le sens. Cela est issu de la conception selon laquelle il n’y a pas de « parole vide » dans le texte biblique.
Mon but n’est pas d’expliciter en détail les caractéristiques du midrash, le lecteur pourra se reporter aux excellents ouvrages disponibles en langue française 1. Je voudrais simplement situer le texte qui nous intéresse dans l’immense littérature rabbinique. Si l’on omet tous les midrashim proprement halakhiques (c’est-à-dire qui s’occupent de questions légales), le midrash le plus ancien est le Midrash Rabba. Cette somme réunit des midrashim sur l’ensemble de la Torah (ou Pentateuque) ainsi que sur les Méguilot (ou Hagiographes). Une place vide est laissée aux prophètes ainsi qu’aux écrits ne faisant pas partie des cinq Méguilot. Il est vrai que des commentaires de certains versets de ces livres peuvent être trouvés dans le Midrash Rabba, les Talmuds, et plus généralement dans la littérature midrashique. Mais, aucun midrash ne traite spécifiquement de ces ouvrages si ce n’est trois livres dits « mineurs » : le midrash sur les Livres de Samuel (Midrash Shemuel), le midrash sur les Psaumes (Midrash Tehilim) et le Midrash sur les Proverbes (Midrash Mishlé). Ce sont des textes généralement tardifs (du Vème au XIIIème siècle). Mais si ces ouvrages reprennent des commentaires que l’on peut trouver dans le Midrash Rabba ou dans les Talmuds, ils conservent beaucoup de traditions originales. C’est pourquoi ils se révèlent de première importance. De plus, ils constituent une mine d’informations irremplaçable quant à l’évolution de la pensée juive au cours des âges.

• Le Midrash Mishlé
Datation et caractéristiques générales
La datation d’un texte tel que le Midrash Mishlé est d’une grande difficulté. On sait que l’ensemble des textes de ce genre comportent des commentaires de datations très diverses. C’est également le cas de notre ouvrage et la seule date que l’on puisse examiner est celle de la clôture du texte. Pour celle-ci les dates avancées par les spécialistes varient du VIème au IXème siècle sans que l’on puisse la préciser davantage à cause de l’hébreu employé qui est peu caractéristique d’une époque ou d’une autre.
Certains chercheurs ont supposé que le texte que nous possédons est une forme lacunaire d’un midrash plus complet car le commentaire du texte n’est pas systématique. En effet, les chapitres 3 et 18 du Livre des Proverbes ne bénéficient d’aucun commentaire, alors que d’autres ne sont que peu commentés (chapitres 4, 7, 12, 17, 24, 28 et 29). Le débat est toujours ouvert. Toutefois, ce midrash possède une structure classique. Les premiers chapitres sont abondamment commentés (en particulier le chapitre 1). Et ce commentaire se fait de plus en plus laconique au fur et à mesure du parcours de l’ouvrage. Il se termine malgré tout par deux chapitres (chapitres 30 et 31) de volume important.

Contenu du texte.
Le rôle principal de ce midrash est occupé par la Torah ou plutôt par l’étude de la Torah. Il ne faut pas voir uniquement sous cette expression l’étude des cinq premiers livres de la Bible, mais l’étude de l’ensemble de la littérature rabbinique (Michna, Talmud, midrashim et ouvrages mystiques). Un passage particulièrement emblématique de ce thème se trouve au chapitre 10 où, au jour du jugement, Dieu procède un véritable interrogatoire de la connaissance de l’homme jugé. En fonction de l’étendue de son savoir, il sera ou non jeté dans la Géhenne. De plus, un nombre impressionnant de commentaires rattache le texte du livre des Proverbes à l’étude de la Torah. Cette conception est toujours présente dans la littérature midrashique, mais elle occupe dans ce midrash une place particulière : l’étude de la Torah y est explicitement salutaire et la résurrection en dépend comme le dit elliptiquement R. Yehochoua au chapitre 18 : « la Torah ne parle pas des morts, mais des vivants. » C’est-à-dire qu’il ne suffit pas d’observer les commandements et de faire de bonnes actions, il faut également étudier la Torah et pour cela l’avoir reçue.
Cet aspect est naturel puisque la lecture rabbinique du livre des Proverbes insiste sur le fait que celui-ci en fait commente les autres livres bibliques. Il est donc un « prototype » de l’étude de la Torah. Le Midrash Mishlé insiste également sur le fait que le Livre des Proverbes est cohérent avec les autres ouvrages bibliques, ce qui justifie son entrée dans le canon (Cf. chap. 25).
On y trouve également de nombreux matériaux originaux. Notons, par exemple, le développement autour de l’histoire de Joseph et ses frères (chap. 1), le récit détaillé de la rencontre de la reine de Saba et de Salomon (chap. 1), un récit de la mort de Moïse (chap. 14), un récit hilarant sur Coré et les franges bleues (chap. 11).
Mais, les personnages bibliques ne sont pas les seuls à bénéficier de long développements. Certains rabbins en sont également l’objet. On peut citer par exemple, la mort de R. Aquiba (chap. 9), le dialogue entre Vespasien et R. Yohanan ben Zakaï (chap. 15), le récit de la mort des deux fils de R. Méir (chap. 31), etc. L’ensemble de ces midrashim aggadiques font de cet ouvrage un texte de première importance.
Signalons pour terminer que le Midrash Mishlé n’est pas uniquement midrashique. Parfois, il justifie un verset en citant simplement le verset suivant. C’est une des singularité de ce texte.

Texte et traduction.

Le texte hébreu traduit ici est établi à partir de l’édition critique de B. L. Visotzky 2 qui constitue le travail le plus abouti sur ce texte. Je renvoie évidemment à ce travail très précieux dans lequel le lecteur trouvera un ensemble de variantes ainsi que des commentaires critiques d’un grand intérêt.
Dans la présente traduction, j’ai tenté de suivre scrupuleusement le texte avec un souci double : obtenir une traduction intelligible pour des lecteurs peu familiers du midrash, mais suffisamment proche du texte pour que le lecteur hébraïsant puisse pleinement profiter de cette édition bilingue. J’espère avoir atteint ce juste milieu.
Visotzky a lui-même proposé une traduction en anglais de son édition critique3. J’ai toujours consulté ses leçons d’une grande perspicacité, mais je m’en suis régulièrement éloigné de façon à rendre le côté elliptique du discours midrashique. J’ai pensé qu’une édition bilingue autorisait ce genre de liberté.
Bien qu’artificielle, j’ai conservé la numérotation classique du midrash de façon à ce que le lecteur puisse accéder directement à un passage signalé dans la littérature. Cela comporte une difficulté: le texte traduit, bien que très proche, n’est pas le texte courant de ce midrash, ainsi quelques rares paragraphes manquent dans la présente traduction 4.
J’ai ajouté entre crochets des mots ou morceaux de phrases capables de rendre intelligible ce texte à sa première lecture. De plus, j’ai usé de la majuscule lorsque le discours se rapportait à Dieu. Il ne faut pas y voir une marque de respect excessive mais plutôt une manière d’ajouter du sens au texte : le lecteur peut, de cette manière, savoir si Dieu est l’objet ou le sujet du discours. J’ai également opté pour une transcription imprononçable du tétragramme divin : YHWH.
Pour les citations bibliques, j’ai utilisé la traduction de la Bible de Jérusalem que j’ai adaptée en fonction du commentaire midrashique. Il est, en effet, très courant que le midrash n’utilise pas le sens contextuel, auquel cas j’ai rendu le sens commenté ou l’ai signalé en note.
Enfin, le but de cette traduction n’étant pas d’obtenir une édition critique mais de donner enfin à lire ce midrash en français, je n’ai pas signalé les parallèles des commentaires que l’on trouvera dans ce midrash avec ceux de la littérature midrashique en général. Les seules références que l’on trouvera sont celles de la Michna qui est citée plusieurs fois dans le texte.

Sandrick Le Maguer

EMMANUEL LÉVINAS… – PHILISOPHE JUIF DU XXIÈME SIÈCLE (1905-1995), NÉ À VILNIUS.

2 avril, 2014

http://chemins.eklesia.fr/cdh/levinas.php

EMMANUEL LÉVINAS…

RÉSUMÉ DE SA VIE :

PHILISOPHE JUIF DU XXIÈME SIÈCLE (1905-1995), NÉ À VILNIUS.

Marqué par l’acceuil de sa femme et de son fils pendant la guerre dans un couvent de religieuses, Emmanuel Lévinas est resté fidèle à sa religion, mais représente pour les chrétiens, la plus grande avancée d’un juif vers le christianisme.
Lira Maritain et Bergson lors de son arrivée à Paris dans les années 30.
Il a notamment été un interlocuteur privilégié de Jean Paul II pendant plus de 20 ans.
Avec Hans Jonas, il développe le thème de la résponsabilité, un appel déchirant après ce qu’ils nomment » le retrait de Dieu » dans ces pages déchirantes de l’histoire que sont des drames comme la Schoah…. Ses écrits, et en particulier « Autrement qu’être ou au delà de l’essence » évoque l’exposition du visage et la kénose (se vider en grec) qui reprenne pour le chrétien les thèmes développés par Saint Paul dans l’Epitre aux Philippiens…(Chap 2).
Sa mort à la veille de Noêl 1995, forme comme un signe écrivait P. Ricoeur dans le Monde, Lévinas s’éteint à la veille d’une naissance. On ne peut reprocher sa fidélité au judaïsme, on peut par contre se réjouir de ce pont tracé entre deux peuples, ces fils spirituels du même Dieu…
Biographie : Emmanuel Lévinas : la vie et la trace, par Salomon Malka, J.C. Lattès 324p., 20 Euros

COMMENTAIRES …

A) LE THÈME DE LA PASSIVITÉ…

Lévinas, dans « Autrement qu’être et au-delà de l’essence » parle d’une passivité plus que passive, d’une exposition totale à la loi de l’autre, d’une dénudation, d’un sacrifice. Il ne parle pas de changer de joue, mais se contente d’exposer cette exposition qui fait signe, qui cristallise le Dire dans le Dit.
Entre les deux, et sous les réserves de l’acte sacrificiel ultime du Christ (Romains 5,17, cf plus loin ), je resterais dans le « plan humain » pour noter l’importance du visage. Lorsque le sujet s’expose en tournant l’autre joue, il présente son visage et dans son visage l’autre est assigné à une responsabilité.
Le visage qui s’expose c’est le début, la trace de la relation. C’est une exposition à la fois passive et active de l’homme blessé à l’autre. C’est le seul moyen d’introduire la parole.
Dans le monde animal, le face à face n’existe pas, le visage n’est pas exposé dans la relation, en particulier dans la sexualité. Chez l’homme, le visage s’expose. Il est toujours nu devant l’autre. Sans visage, l’homme retombe à l’état d’animal. Ne dit-on pas que la pornographie c’est l’exposition du corps sans visage.
Toute relation qui ne passe pas par le visage conduit à la possession de l’autre. Ce principe s’applique à l’ensemble des rapports interpersonnels (violence muette, viol, meurtre, adultère, convoitise). Si l’on rétablit le visage, l’autre peut advenir.
Lorsque le visage s’expose, ne serait-ce que l’instant nécessaire à l’homme blessé pour exposer l’autre joue, la relation commence et la responsabilité de l’autre est engagée. Si le visage est masqué, il ne peut y avoir de relation.
Si l’autre, ou plutôt quand l’autre prend conscience de sa responsabilité, il peut s’ouvrir à la relation.
Pari audacieux de l’exposition du visage. Espérance d’une relation. L’homme ne peut aller plus loin sans l’Autre. Mais c’est un autre sujet, que nous aborderons plus loin.

b) L’exposition
L’exposition est le thème principal de Lévinas dans « Autrement qu’être ou au-delà de l’essence » :
« L’un s’expose à l’autre comme une peau s’expose à ce qui la blesse, comme une joue offerte à celui qui frappe » (Autrement qu’être ou au delà de l’essence, Poche p. 83).
Pour moi, l’exposition rejoint ce que j’appele le « sacrifice-actif » ou le « suivre-actif » en opposition au « sacrifice-aliéné » ou au « suivre-passif ». Il y a dans l’exposition la trace d’un verbe qui se contente du silence pour exposer et assigner l’autre à l’attention. C’est le thème central pour moi de l’arbre du jardin d’Eden dans la parole du « Tu ne mangeras pas » (à l’inaccompli) et qui prend sa pleine dimension dans « l’exposition » sur la croix (voir aussi sur ce thème, chez Paul Beauchamp, dans L’un et l’Autre Testament)…
Pour comprendre, dans une acception chrétienne et donc réductrice le texte de Lévinas, il faut traduire le « Dire » comme le Dieu indicible et le « Dit », comme le Verbe qui s’expose, comme la trace, la parabole vivante du Christ qui s’expose sur la Croix :
« Mais le Dire est dénudation de la dénudation, donnant signe de sa signifiance même, expression de l’exposition  » hyperbole de la passivité qui dérange l’eau qui dort, où, sans Dire, la passivité grouillerait de secret desseins.
Passivité de l’exposition en réponse à une assignation qui m’identifie comme l’unique, non point en me ramenant à moi-même, mais en me dépouillant de toute quiddité identique et, par conséquent, de toute forme, de toute investiture, qui se glisserait encore dans l’assignation . »
Dans ce texte, Lévinas présente sous la métaphore du Dire et du Dit ce qui peut être pour nous Dieu et Christ, le mystère du Christ qui s’expose sur la Croix . On retrouve les textes de la tradition judéo-chretienne et surtout de l’Ecriture :
Isaïe 53,12 : « Il s’est dépouillé lui même jusqu’à la mort », le « Il s’annéantit lui-même, obéissant jusqu’à la mort ». (Phil 2, 6 -11), le « Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps (He 10, 5) ou encore le : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : « Voici je viens. Dans le livre est écrit ce que tu veux que je fasse » Ps 39, 7.
Plus loin dans son livre, Lévinas a un passage très beau sur le sens de ce que je qualifierais « l’incarnation » :
« La responsabilité pour Autrui » dans son antériorité par rapport à ma liberté (…) est une passivité plus passive que la passivité » exposition à l’autre sans assomption de cette exposition même, exposition sans retenue, exposition de l’exposition, expression, Dire. Franchise, sincérité, véracité du Dire. Non pas Dire se dissimulant et se protégeant dans le Dit, se payant de mots en face de l’autre » mais dire en se découvrant » c’est-à-dire se dénudant de sa peau  » sensibilité à fleur de peau, à fleur de nerfs, s’offrant jusqu’à la souffrance  » ainsi, tout signe, se signifiant. La substitution à bout d’être aboutit au Dire  » à la donation de signe, donnant signe de cette donation de signe, s’exprimant . »
Pour moi c’est une des plus belles expressions de la passion du Christ, qui donne le sens de cette passion sans toutefois le nommer. Ecoutons la suite :
« Dans la sincérité, dans la franchise, dans la véracité de ce Dire  » dans le découvert de la souffrance « l’être s’altère. Mais ce dire demeure, dans son activité, passivité ; plus passif que toute passivité, car sacrifice sans réserve, sans retenue . »
« C’est à partir de la proximité qu’il prend son sens. (…) Dans la provocation anarchique qui m’ordonne à l’autre, s’impose la voie qui mène à la thématisation et à une prise de conscience : La prise de conscience est motivée par la présence du tiers à coté du prochain approché; le tiers aussi est approché; la relation entre le prochain et le tiers ne peut être indifférente à moi qui approche « 
C’est pour moi le thème central. Dans ce tiers, ce Christ exposé sur la croix, il y a une assignation à laquelle on ne peut se dérober, à laquelle l’homme, dans l’exercice de ses relations avec autrui se sent responsable, en vérité. Comment être faux face à soi-même et donc face à l’autre, si dans l’attention qui caractérise nos décisions nous mettons en perspective cette exposition du Christ en croix. Quel frein, quelle démarche de mêmeté ou d’avoir résiste à cette kénose, à cet abaissement d’un Christ qui se présente à nous dans sa nudité exposée, dans ce sacrifice non voulu. Sacrifice actif par son silence qui expose et assigne sans contraindre. La Croix n’est pas une aliénation, une loi que l’on doit craindre. Il est le tout de l’amour divin. Suprême étant sans l’être, car infini inatteignable, non-rattrapable, in-imitable.
« Le surgissement d’une subjectivité [foi ?], d’une âme, d’un qui, demeure corrélatif de l’être [Savoir ?], c’est-à-dire simultané et un avec lui. (…) Mais la manifestation de l’être à lui-même impliquerait une séparation dans l’être. » Pour cela, il faut le temps, le temps de la découverte de l’être et des retrouvailles de la vérité, réunion sous l’unité de l’aperception, recommencement [Naître de nouveau ?] du présent . »
La prise de conscience, l’éclairage de la croix, la chute du voile est renaissance. « L’essence de l’être est dispersion de l’opacité . »
Le texte suivant donne une très belle image de la mission du Christ. Mais cette version non confessionnelle et qui reste philosophique grâce à la métaphore du Dire et du Dit parle beaucoup plus pour un Chrétien :
« Le Dire tendu vers le Dit et s’absorbant en lui, corrélatif du Dit, nomme un étant, dans la lumière ou la résonance du temps vécu qui laisse apparaître le phénomène, lumière et résonance qui peuvent à leur tour, s’identifier dans un autre Dit. Désignation et résonance qui ne viennent s’ajouter du dehors au phénomène par l’effet d’un code conventionnel réglementant l’usage d’un système de signes. C’est dans le déjà-dit que les mots – éléments d’un vocabulaire historiquement constitué  » trouveront leur fonction de signe et un emploi et feront pulluler toutes les possibilités du vocabulaire. (Note de Lévinas : Mais cela atteste une passivité extrême du Dire de derrière le Dire se faisait simplement corrélatif du Dit; passivité de l’exposition à la souffrance et au traumatisme, que le présent ouvrage essaye de thématiser.)  » (65)
Je traduirais ainsi ce même paragraphe : « Dieu tout tendu vers le Christ-Verbe et s’absorbant en lui, corrélatif du Verbe, nomme un étant, Jésus [Dieu Sauve], dans la lumière [Transfiguration] ou la résonance du temps vécu [Ancien testament] qui laisse apparaître le phénomène [Sens caché du visible, Déchirement du voile], lumière et résonance qui peuvent à leur tour, s’identifier dans un autre Dit [Esprit-Saint]. Désignation et résonance qui ne viennent s’ajouter du dehors au phénomène [sens caché d'une réalité visible] par l’effet d’un code conventionnel réglementant l’usage d’un système de signes [loi juive]. C’est dans le déjà-dit [Ancien Testament] que les mots [paraboles du Christ]- éléments d’un vocabulaire historiquement constitué  » trouveront leur fonction de signe [Nouvelle alliance] et un emploi et feront pulluler toutes les possibilités du vocabulaire [Nouvelle évangélisation]. (Note de Lévinas : Mais cela atteste une passivité extrême Dieu de derrière Dieu le fils, se faisait simplement proche du Christ; passivité de l’exposition à la souffrance [sur la Croix] et au traumatisme, que le présent ouvrage essaie de thématiser.
Que dire après un texte d’une si grande portée ? Je rajouterais une clarification, sur cette vision du Christ pour montrer, que loin d’être une image, elle est icône, c’est à dire qu’il faut percevoir le Christ non comme un étant suprême auquel on peut parvenir mais comme un infini dans l’abaissement, un jusqu’au bout de la kénose auquel on est appelé à tendre, sans en pouvoir saisir l’essence .

c) La faille de la mêmeté…
La recherche sur l’être ne cesse de progresser. Des multiples voies ouvertes par Aristote on est parvenu à l’être-là Heidegerien, à l’être-en-acte Husserlien. Mais le chemin de l’être-idôle à l’être-agape n’est pas terminé tant que le Moi reste présent dans ce Palais de sable . Il faut parvenir à un autrement-qu’être lévinassien, dépasser l’être en acte où le Moi garde sa maîtrise; dans un au-delà de l’être, dans une passivité plus que passive où le désir d’un autre vient supplanter son désir. Le désir ne peut devenir Désir que lorsqu’il a été mis à l’épreuve du désir de l’autre. Lorsque l’autre n’est pas, l’étant ne peut être.
Ce message est-il une nouvelle synchronie. Il ne semble pas. Au contraire, la porte étroite de l’Agape est diachronie, incarnation et révélation d’un au-delà. La totalité est fermeture autour du Moi et de l’image du Moi dans le Même. L’ouverture à l’autre, son assignation, la responsabilité qui m’engage est rupture, dépossession et kénose. Elle est chemin d’infini.
Le voile déchiré par la Passion a été lentement recousu par la systématisation totalitaire d’une raison omnisciente. Il convient de retrouver dans la Trace du divin sa responsabilité originelle pour autrui. L’Esprit de Vérité n’est pas dans la cristallisation du dit mais dans une dialectique entre voile et dévoilement . L’écriture, la Loi, trace du Dire, de la Parole vivante reste chemin de conversion.
Celui qui crée le vent, qui révèle à l’homme quel est son dessein, qui des ténèbres produit l’aurore, qui marche sur les hauteurs de la terre, il se nomme le Seigneur, Dieu de l’univers (Am 4,13)
Peut-être faut-il que les ténèbres soit , que la totalité d’un cogito tout puissant soit détruite, pour que le cÏur humain retrouve une dynamique réflexive et une difficile liberté.

 

LA POÉSIE HÉBRAÏQUE

31 mars, 2014

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LA POÉSIE HÉBRAÏQUE

Une importante partie des Écritures hébraïques consiste en poésie. Le moyen d’expression de la poésie hébraïque n’était pas la rime, mais le parallélisme d’idées, le rythme d’idées. Cette poésie utilisait aussi des métaphores très évocatrices, puisées dans la nature, dans des choses familières à tous, même aux enfants. Elle se servait d’acrostiches alphabétiques, dans lesquels les premières lettres des vers suivent l’ordre alphabétique (Ps 25, 34, 37, 111, 112, 119 ; Pr 31:10-31 ; Lm 1-4).

Psaume 4:1
Quand je t’invoque, réponds-moi, Dieu de ma justice !
Toi qui, dans ma détresse me mets au large.
Aie pitié de moi et entends ma prière.

Psaume 19:1-2
Les cieux proclament la gloire de Dieu;
et l’œuvre de ses mains, l’étendue l’annonce.
Un jour après un autre jour fait jaillir le langage,
et une nuit après une autre nuit révèle la connaissance.

Psaume 71 :12
O Dieu, ne t’éloigne pas de moi.
Mon Dieu, à mon secours hâte-toi.

Les vers hébreux sont courts, beaucoup ne comprenant pas plus de deux ou trois mots , ce qui donne à l’ensemble une force considérable. James Muilenburg, membre du comité de traduction de la Revised Standard Version, a fait cette remarque pertinente :  » Dans la poésie hébraïque, l’expression est ramassée et tout l’accent est mis sur les mots importants. Le texte hébreu du Psaume 23 ne compte que cinquante-cinq mots ; nos traductions occidentales modernes en emploient deux fois plus. Pourtant, même dans une traduction, l’économie de l’hébreu original ne se perd pas [...]. La poésie hébraïque est très vivante dans son expression [...]. Le poète hébreu nous aide à voir, à entendre, à sentir. Les sensations physiques sont fraîches et vivantes [...]. Le poète pense en images et puise ses images dans les aspects de la vie quotidienne qui sont communs à tous les hommes » (An Introduction to the Revised Standard Version of the Old Testament, 1952, p. 63, 64).
Pour illustrer la concision du langage poétique hébreu, considérons le premier verset du Psaume 23. Les mots français nécessaires pour traduire chaque terme hébreu sont séparés par une barre oblique (/) :
Note: le Nom de Dieu est écrit dans sa prononciation traditionnelle, telle que nous pouvons le trouver dans la poésie plusieurs fois centenaires. Pour plus de détails voir : Le Nom Divin dans les Écritures hébraïques . La traduction de l’abbé Crampon est souvent utilisée.

Psaume 23
Jéhovah/ [est] mon Berger./
ne de rien/ je manquerai.
On constate que le français a besoin de neuf mots pour traduire quatre termes hébreux. Le verbe « être » est ajouté pour donner un sens au français; en hébreu, il est sous-entendu.

Principales formes de parallélisme.
Du point de vue de la forme, le parallélisme est l’élément le plus important de la poétique hébraïque. Le rythme n’y est pas marqué par la rime (comme en français), mais par la logique de la pensée ; on parle d’ailleurs du  » rythme de la pensée « . Prenons pour exemple les deux vers qui composent le

Psaume 24:1 :
À Jéhovah est la terre et ce qu’elle renferme,
Le monde et tous ceux qui l’habitent.

Ces vers présentent ce qu’on appelle un parallélisme synonymique, c’est-à-dire que le deuxième vers répète une partie du premier, mais en d’autres termes. L’expression « À Jéhovah appartient » est indispensable aux deux vers. Cependant, les groupes de mots « la terre » et « le sol productif » sont des synonymes poétiques, tout comme « ce qui la remplit » et « ceux qui y habitent ».
La plupart des spécialistes actuels reconnaissent deux autres grandes formes de parallélisme :
parallélisme antithétique, comme son nom l’indique, avec lequel chaque vers exprime une idée opposée.

Psaume 37:9
Car les méchants seront retranchés,
mais ceux qui espèrent en Jéhovah posséderont le pays.

le parallélisme synthétique (ou formel, constructif), dans lequel le deuxième membre ne se borne pas à se faire l’écho du premier ou à établir un contraste. Il amplifie plutôt l’idée précédente et ajoute une pensée nouvelle.
Psaume 19:7-9

La loi de Jéhovah est parfaite: elle restaure l’âme.
Le témoignage de Jéhovah est sûr,
rendant sage l’homme inexpérimenté.
Les ordonnances de Jéhovah sont droites,
elles réjouissent les cœurs;
le précepte de Jéhovah est pur,
faisant briller les yeux.
La crainte de Jéhovah est sainte,
elle subsiste à jamais.
Les décisions judiciaires de Jéhovah sont vérité ;
elles se sont révélées justes l’une comme l’autre.

On remarque que la deuxième partie de chaque phrase ou proposition complète l’idée ; l’ensemble du vers est donc une synthèse, c’est-à-dire le résultat de la réunion de deux éléments. Ce n’est qu’avec la deuxième partie du vers, par exemple « ramenant l’âme » et « rendant sage l’homme inexpérimenté », que le lecteur apprend en quoi la ‘loi est parfaite‘et le « rappel de Jéhovah est digne de foi ». Dans une telle suite de parallèles synthétiques, la division entre la première et la deuxième partie sert de césure. Ainsi, outre la progression de la pensée, le texte conserve une certaine structure poétique, un parallèle dans la forme. C’est pour cette raison que ce parallélisme est appelé formel ou constructif.

Autres types de parallélisme.
On a parlé de quelques autres types de parallélisme, bien qu’on les considère comme de simples variantes ou combinaisons des parallélismes synonymique, antithétique ou synthétique. On parle notamment de trois types de parallélisme :
Le parallélisme emblématique (ou comparatif) utilise des comparaisons ou des métaphores.

Psaume 103:12 :
Autant le levant est loin du couchant,
autant il a éloigné de nous nos transgressions.

Le parallélisme climactique avec lequel deux, trois vers ou davantage, peuvent répéter et développer la pensée du premier.

Psaume 29:1,2
Attribuez à Jéhovah, ô fils des forts,
attribuez à Jéhovah gloire et force.
Attribuez à Jéhovah la gloire de son nom.

Le parallélisme inversé, plus complexe, peut s’étendre sur un certain nombre de vers.

Psaume 135:15-18 :
Les idoles des nations sont de l’argent et de l’or,
l’œuvre des mains de l’homme tiré du sol.
Elles ont une bouche, mais elles n’expriment rien ;
elles ont des yeux, mais elles ne voient rien ;
elles ont des oreilles, mais elles ne prêtent l’oreille à rien.
En outre, il n’existe pas d’esprit dans leur bouche.
Ceux qui les font deviendront comme elles,
tous ceux qui mettent leur confiance en elles.

Dans son ouvrage « Literary Characteristics and Achievements of the Bible » (1864, p. 170), W. Trail a expliqué ce parallélisme : « Ici, le premier vers correspond au huitième— dans le premier il est question des idoles des païens, dans l’autre de ceux qui mettent leur confiance dans les idoles. Le deuxième vers correspond au septième — l’un parle de la fabrication, l’autre des fabricants. Le troisième correspond au sixième — dans l’un il y a des bouches qui n’articulent pas, dans l’autre des bouches qui ne respirent pas. Le quatrième vers correspond au cinquième, où on peut dire que le parallélisme inversé unit les deux moitiés dans un parallélisme de synthèse — des yeux qui ne voient pas, des oreilles qui n’entendent pas. « 

Une forme semblable, mais plus simple, consiste à inverser les mots apparaissant dans des vers consécutifs, comme en Isaïe 11:13b (Os) :

Éphraïm ne jalousera plus Juda
et Juda ne sera plus hostile à Éphraïm.

PAROLES DU PAPE BENOÎT XVI – Synagogue de Rome, Dimanche 17 janvier 2010

27 janvier, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2010/january/documents/hf_ben-xvi_spe_20100117_sinagoga_fr.html   VISITE À LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE ROME

PAROLES DU PAPE BENOÎT XVI

Synagogue de Rome

Dimanche 17 janvier 2010

« Merveilles que fit pour eux le Seigneur! Merveilles que fit pour nous le Seigneur, nous étions dans la joie » (Ps 126)

« Voyez! Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensemble! » (Ps 133)

Monsieur le grand rabbin de la communauté juive de Rome, Monsieur le président de l’Union des communautés juives italiennes, Monsieur le président de la communauté juive de Rome, Messieurs les rabbins, Eminentes autorités, Chers amis et frères,

1. Au début de la rencontre dans le Grand Temple des juifs de Rome, les psaumes que nous avons écoutés nous suggèrent l’attitude spirituelle la plus authentique pour vivre ce moment de grâce particulier et joyeux: la louange au Seigneur, qui a fait de grandes choses pour nous, nous a ici rassemblés avec son Hèsed, l’amour miséricordieux, et l’action de grâce pour nous avoir fait le don de nous retrouver ensemble pour rendre plus solides les liens qui nous unissent et continuer à parcourir la route de la réconciliation et de la fraternité. Je désire tout d’abord vous exprimer ma vive gratitude, M. le grand rabbin Riccardo Di Segni, pour l’invitation que vous m’avez faite et pour les paroles significatives que vous m’avez adressées. Je remercie ensuite les présidents de l’Union des Communautés juives italiennes, M. Renzo Gattegna, et de la Communauté juive de Rome, M. Riccardo Pacifici, pour les paroles courtoises qu’ils ont bien voulu m’adresser. Ma pensée va aux Autorités et à toutes les personnes présentes et elle s’étend, de manière particulière, à la communauté juive romaine et à ceux qui ont collaboré pour rendre possible le moment de rencontre et d’amitié que nous sommes en train de vivre. En venant pour la première fois parmi vous en tant que chrétien et que Pape, mon vénéré prédécesseur le Pape Jean-Paul II, il y a presque vingt-quatre ans, voulut apporter une contribution décisive au renforcement des bonnes relations entre nos communautés, pour surmonter toute incompréhension et préjugé. Ma visite s’inscrit dans le chemin tracé, pour le confirmer et le renforcer. C’est avec des sentiments de vive cordialité que je me trouve parmi vous pour vous manifester l’estime et l’affection que l’évêque de Rome et l’Eglise de Rome, ainsi que toute l’Eglise catholique, nourrissent à l’égard de votre communauté et des communautés juives présentes dans le monde. 2. La doctrine du Concile Vatican II a représenté pour les catholiques un point de référence vers lequel se tourner constamment dans l’attitude et dans les rapports avec le peuple juif, marquant une étape nouvelle et décisive. L’événement conciliaire a donné un élan décisif à l’engagement de parcourir un chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d’amitié, un chemin qui s’est approfondi et développé ces quarante dernières années avec des étapes et des gestes importants et significatifs, parmi lesquels je souhaite mentionner à nouveau la visite historique dans ce lieu de mon vénérable prédécesseur, le 13 avril 1986, les nombreuses rencontres qu’il a eues avec des représentants juifs, notamment au cours des voyages apostoliques internationaux, le pèlerinage jubilaire en Terre Sainte en l’an 2000, les documents du Saint-Siège qui, après la Déclaration Nostra aetate, ont offert de précieuses orientations pour un développement positif dans les rapports entre catholiques et juifs. Moi aussi, pendant ces années de pontificat, j’ai voulu montrer ma proximité et mon affection envers le peuple de l’Alliance. Je conserve bien vivant dans mon cœur tous les moments du pèlerinage que j’ai eu la joie d’accomplir en Terre Sainte, au mois de mai de l’année dernière, ainsi que les nombreuses rencontres avec des communautés et des organisations juives, en particulier dans les synagogues de Cologne et de New York. En outre, l’Eglise n’a pas manqué de déplorer les fautes de ses fils et de ses filles, en demandant pardon pour tout ce qui a pu favoriser d’une manière ou d’une autre les plaies de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme (cf. Commission pour les rapports religieux avec le judaïsme, Nous nous souvenons: une réflexion sur la Shoah, 16 mars 1998). Puissent ces plaies être guéries pour toujours! Il me revient à l’esprit la prière pleine de tristesse au Mur du Temple à Jérusalem du Pape Jean-Paul II, le 26 mars 2000, qui résonne avec vérité et sincérité au plus profond de notre cœur: « Dieu de nos pères, tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux peuples: nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils, et, en te demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l’Alliance ». 3. Le temps qui s’est écoulé nous permet de reconnaître dans le vingtième siècle une époque véritablement tragique pour l’humanité: des guerres sanglantes qui ont semé la destruction, la mort et la douleur comme jamais auparavant; des idéologies terribles qui ont trouvé leur racine dans l’idolâtrie de l’homme, de la race, de l’Etat qui ont conduit une fois de plus un frère à tuer son frère. Le drame singulier et bouleversant de la Shoah représente en quelque sorte le sommet d’un chemin de haine qui naît lorsque l’homme oublie son Créateur et se met lui-même au centre de l’univers. Comme je l’ai dit lors de ma visite du 28 mai 2006 au camp de concentration d’Auschwitz, encore profondément inscrite dans ma mémoire, « les potentats du Troisième Reich voulaient écraser le peuple juif tout entier » et, au fond, « au moyen de l’anéantissement de ce peuple, entendaient tuer ce Dieu qui appela Abraham, et qui, parlant sur le Sinaï, établit les critères d’orientation de l’humanité, qui demeurent éternellement valables » (Discours au camp d’Auschwitz-Birkenau: Insegnamenti de Benoît XVI, II, [2006], p. 727; cf. ORLF n. 24 du 13 juin 2006). Comment ne pas rappeler en ce lieu les juifs romains qui furent arrachés de ces maisons, devant ces murs, et dans un horrible massacre furent tués à Auschwitz? Comment est-il possible d’oublier leurs visages, leurs noms, les larmes, le désespoir des hommes, des femmes et des enfants? L’extermination du peuple de l’Alliance de Moïse, d’abord annoncée puis systématiquement programmée et mise en œuvre en Europe sous la domination nazie, atteint également Rome en ce jour tragique. Malheureusement, beaucoup demeurèrent indifférents, mais beaucoup, également parmi les catholiques italiens, soutenus par la foi et l’enseignement chrétien, réagirent avec courage, ouvrant les bras pour secourir les juifs traqués et en fuite, souvent au risque de leur propre vie, et méritant une gratitude éternelle. Le Siège apostolique également mena une action de secours, souvent cachée et discrète. Le souvenir de ces événements doit nous pousser à renforcer les liens qui nous unissent pour que croissent toujours davantage la compréhension, le respect et l’accueil. 4. Notre proximité et notre fraternité spirituelles trouvent dans l’Ecriture Sainte – en hébreu Sifre Qodesh ou « Livres de Sainteté » – le fondement le plus solide et le plus durable, sur la base duquel nous sommes constamment mis devant nos racines communes, devant l’histoire et le riche patrimoine spirituel que nous partageons. C’est en scrutant son propre mystère que l’Eglise, Peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, découvre son lien profond avec les juifs, choisis les premiers entre tous par le Seigneur pour accueillir sa parole (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 839). « A la différence des autres religions non chrétiennes, la foi juive est déjà une réponse à la révélation de Dieu dans l’Ancienne Alliance. C’est au peuple juif qu’ »appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, lui de qui est né, selon la chair, le Christ » (Rm 9, 4-5) car « les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11, 29) » (Ibid.). 5. Nombreuses peuvent être les implications qui dérivent de l’héritage commun tiré de la Loi et des Prophètes. Je voudrais en rappeler certaines: tout d’abord, la solidarité qui lie l’Eglise et le peuple juif « au niveau même de leur identité » spirituelle et qui offre aux chrétiens l’opportunité de promouvoir « un respect renouvelé pour l’interprétation juive de l’Ancien Testament » (cf. Commission biblique pontificale, Le peuple juif et ses Saintes Ecritures dans la Bible chrétienne, 2001, pp. 12 et 55); la place centrale du Décalogue comme message éthique commun de valeur éternelle pour Israël, l’Eglise, les non-croyants et l’humanité tout entière; l’engagement pour préparer ou réaliser le Royaume du Très-Haut dans le « soin de la création » confiée par Dieu à l’homme pour la cultiver et la protéger de manière responsable (cf. Gn 2, 15). 6. En particulier, le Décalogue – les « Dix Paroles » ou Dix Commandements (cf. Ex 20, 1-17; Dt 5, 1-21) – qui provient de la Torah de Moïse, constitue le flambeau de l’éthique, de l’espérance et du dialogue, étoile polaire de la foi et de la morale du peuple de Dieu, et il éclaire et guide également le chemin des chrétiens. Il constitue un phare et une norme de vie dans la justice et dans l’amour, un « grand code » éthique pour toute l’humanité. Les « Dix Paroles » jettent une lumière sur le bien et le mal, sur le vrai et le faux, sur le juste et l’injuste, également selon les critères de la conscience juste de toute personne humaine. Jésus lui-même l’a répété plusieurs fois, en soulignant qu’un engagement actif sur le chemin des commandements est nécessaire: « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements » (Mt 19, 17). Dans cette perspective, les domaines de collaboration et de témoignage sont divers. Je souhaiterais en rappeler trois particulièrement importants pour notre époque. Les « Dix Paroles » demandent de reconnaître l’unique Seigneur, contre la tentation de se construire d’autres idoles, de se faire des veaux d’or. Dans notre monde, beaucoup ne connaissent pas Dieu ou estiment qu’il est superflu, sans importance pour la vie; ainsi ont été fabriqués d’autres et de nouveaux dieux devant lesquels l’homme s’incline. Réveiller dans notre société l’ouverture à la dimension transcendante, témoigner de l’unique Dieu est un service précieux que les juifs et les chrétiens peuvent et doivent offrir ensemble. Les « Dix Paroles » demandent le respect, la protection de la vie, contre toute injustice ou tout abus de pouvoir, en reconnaissant la valeur de toute personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Combien de fois, dans toutes les régions de la terre, proches ou lointaines, sont encore piétinés la dignité, la liberté, les droits de l’être humain! Témoigner ensemble de la valeur suprême de la vie contre tout égoïsme, c’est offrir une contribution importante à un monde où puissent régner la justice et la paix, le « shalom » appelé de leurs vœux par les législateurs, par les prophètes et par les sages d’Israël. Les « Dix Paroles » exigent de sauvegarder et de promouvoir la sainteté de la famille, où le « oui » personnel et réciproque, fidèle et définitif de l’homme et de la femme, ouvre l’espace pour l’avenir, pour l’authentique humanité de chacun, et s’ouvre, dans le même temps, au don d’une nouvelle vie. Témoigner que la famille continue d’être la cellule essentielle de la société et le contexte de base où l’on apprend et l’on exerce les vertus est un précieux service à offrir pour la construction d’un monde au visage plus humain. 7. Comme l’enseigne Moïse dans le Shemà (cf. Dt 6, 5; Lv 19, 34) – et le réaffirme Jésus dans l’Evangile (cf. Mc 12, 19-31), tous les commandements se résument dans l’amour de Dieu et dans la miséricorde envers le prochain. Cette Règle engage les juifs et les chrétiens à faire preuve, à notre époque, d’une générosité particulière envers les pauvres, les femmes, les enfants, les étrangers, les malades, les faibles, les personnes dans le besoin. Il existe dans la tradition juive un admirable dicton des Pères d’Israël: « Simon le Juste avait l’habitude de dire: le monde se fonde sur trois choses: la Torah, le culte et les actes de miséricorde » (Aboth 1, 2). A travers l’exercice de la justice et de la miséricorde, les juifs et les chrétiens sont appelés à annoncer et à témoigner du Royaume du Très-Haut qui vient, et pour lequel nous prions et nous œuvrons chaque jour dans l’espérance. 8. Nous pouvons accomplir des pas ensemble dans cette direction, conscients des différences qui existent entre nous, mais également du fait que si nous réussissons à unir nos cœurs et nos mains pour répondre à l’appel du Seigneur, sa lumière deviendra plus proche pour illuminer tous les peuples de la terre. Les pas accomplis au cours de ces quarante années par le Comité international conjoint catholique-juif et, au cours des dernières années, par la Commission mixte du Saint-Siège et du grand rabbinat d’Israël, sont un signe de la volonté commune de poursuivre un dialogue ouvert et sincère. Demain précisément, la Commission mixte tiendra ici à Rome sa rencontre sur: « L’enseignement catholique et juif sur la création et l’environnement »; nous leur souhaitons un dialogue fructueux sur un thème d’actualité aussi important. 9. Les chrétiens et les juifs ont en commun une grande partie de leur patrimoine spirituel, ils prient le même Seigneur, ils ont les mêmes racines, mais ils demeurent souvent ignorants les uns des autres. C’est à nous qu’il revient, en réponse à l’appel de Dieu, de travailler afin que demeure toujours ouvert l’espace du dialogue, du respect réciproque, de la croissance dans l’amitié, du témoignage commun face aux défis de notre temps, qui nous invitent à collaborer pour le bien de l’humanité dans ce monde créé par Dieu, le Tout-Puissant et le Miséricordieux. 10. J’exprime enfin une pensée particulière pour notre Ville de Rome, où, depuis environ deux millénaires, cohabitent, comme le disait le Pape Jean-Paul II, la communauté catholique avec son évêque et la communauté juive avec son grand rabbin. Que cette coexistence puisse être animée par un amour fraternel grandissant, s’exprimant également dans une coopération toujours plus étroite pour offrir une contribution valable à la résolution des problèmes et des difficultés à affronter. J’invoque du Seigneur le don précieux de la paix dans le monde entier, en particulier en Terre Sainte. Au cours de mon pèlerinage à Jérusalem au mois de mai dernier, au Mur du Temple, j’ai demandé à Celui qui peut tout: « Envoie ta paix sur cette Terre Sainte, sur le Moyen Orient, sur la famille humaine tout entière; éveille le cœur de tous ceux qui invoquent ton nom, afin qu’ils marchent humblement sur le chemin de la justice et de la compassion » (Prière au Mur des Lamentations de Jérusalem, 12 mai 2009; cf. ORLF n. 20 du 19 mai 2009).

J’élève vers Lui, à nouveau, l’action de grâce et la louange pour notre rencontre, en lui demandant de renforcer notre fraternité et de rendre notre entente plus solide.

[« Louez le Seigneur, tous les peuples, fêtez-le tous les pays! Fort est son amour pour nous, pour toujours sa vérité » (Ps 117)]

  

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