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JUDAÏSME ET FÊTES JUIVES , YOM KIPPOUR, JOUR DU GRAND PARDON – (EN 2015 LE 23 SEPTEMBRE)
Yom Kippour
(Source : un-echo-israel ; 09/07)
Loïc Le Méhauté
Dans la Bible
Les références bibliques de cette fête sont les livres du Lévitique (16. 29-34 ; 23. 27-32), et des Nombres (29. 7-11).
Ce jour est le jour annuel des expiations, d’où son nom hébreu « Yom ha-Kippourim » : « Le dixième jour de ce septième mois, ce sera le jour des expiations : vous aurez une sainte convocation (Miqra’qodesh), vous humilierez vos âmes, et vous offrirez à l’Éternel des sacrifices consumés par le feu. Vous ne ferez aucun ouvrage ce jour-là, car c’est le jour des expiations, où doit être faite pour vous l’expiation devant l’Éternel, votre Dieu [...]. Ce sera pour vous un shabbat, un jour de repos, et vous humilierez vos âmes ; dès le soir du neuvième jour jusqu’au soir suivant, vous célébrerez votre shabbat. » (Lv 23. 27-32). « C’est ici pour vous une loi perpétuelle : au septième mois, le dixième jour du mois, vous humilierez vos âmes, vous ne ferez aucun ouvrage, ni l’indigène, ni l’étranger qui séjourne au milieu de vous. Car en ce jour on fera l’expiation pour vous, afin de vous purifier : vous serez purifiés de tous vos péchés devant l’Éternel. Ce sera pour vous un shabbat, un jour de repos, et vous humilierez vos âmes. C’est une loi perpétuelle [...]. Il se fera une fois chaque année l’expiation pour les enfants d’Israël, à cause de leurs péchés. » (Lv 16. 29-34).
Dans le Temple, ce jour-là, on offrait en dehors des sacrifices perpétuels, quelques sacrifices spéciaux dont un bouc pour le sacrifice d’expiation : « Vous offrirez en holocauste, d’une agréable odeur à l’Éternel, un jeune taureau, un bélier, et sept agneaux d’un an sans défaut. Vous y joindrez l’offrande de fleur de farine pétrie à l’huile, trois dixièmes pour le taureau, deux dixièmes pour le bélier, et un dixième pour chacun de sept agneaux. Vous offriez un bouc en sacrifice d’expiation, outre le sacrifice des expiations, l’holocauste perpétuel et l’offrande, et les libations ordinaires. » (Nb 29. 11).
Dans ces trois textes sont regroupées les observances de ce jour très saint :
- Sainte convocation : Miqra’qodesh,
- Shabbat : vous ne ferez aucun ouvrage,
- Vous humilierez vos âmes : par le jeûne.
C’est le jour des expiations pour les enfants d’Israël : Yom ha-Kippourim.
Quand le Temple existait un sacrifice d’expiation était offert : un bouc expiatoire.
Dans le chapitre 16 du Lévitique nous avons la description de la présentation d’Aaron dans le Saint des Saints. Après s’être purifié et sanctifié il rentrait dans la présence de Dieu devant le propitiatoire. La première fois il y rentrait pour son expiation et celle de sa maison et la seconde fois pour l’expiation de toute l’assemblée d’Israël : « Il égorgera son taureau expiatoire. Il prendra un brasier plein de charbons ardents ôtés de dessus l’autel devant l’Éternel, et de deux poignées de parfum odoriférant en poudre ; il portera ces choses au delà du voile [...]. Il prendra le sang du taureau, et il fera l’aspersion avec son doigt sur le devant du propitiatoire vers l’orient [...]. Il égorgera le bouc expiatoire pour le peuple, et il portera le sang au delà du voile. Il fera avec ce sang comme il a fait avec le sang du taureau, il en fera l’aspersion sur le propitiatoire et devant le propitiatoire. » (Lv 19. 11-15).
A l’époque du Temple, cette rencontre de Dieu avec son représentant dans le Saint des Saints était la chose la plus sainte et la plus redoutable. Le Grand Prêtre (Cohen Gadol) devait respecter les ordonnances reçues par Moïse concernant sa sanctification et le rituel des sacrifices. Nous en avons un exemple tragique dans le récit de la mort des deux fils d’Aaron qui apportèrent devant l’Éternel du feu étranger : « Les fils d’Aaron, Nadab et Abihu, prirent chacun un brasier, y mirent du feu, et posèrent du parfum dessus ; ils apportèrent devant l’Éternel du feu étranger, ce qu’il ne leur avait point ordonné. Alors le feu sortit de devant l’Éternel, et les consuma : ils moururent devant l’Éternel. Moïse dit à Aaron : C’est ce que l’Éternel a déclaré, lorsqu’il a dit : Je serai sanctifié par ceux qui s’approchent de moi, et je serai glorifié en présence de tout le peuple. » (Lv 10. 1-2).
L’Alliance du Sinaï fut scellée dans le sang, au pied de la montagne : « Moïse, écrivit toutes les paroles de l’Éternel. Puis il se leva de bon matin ; il bâtit un autel au pied de la montagne [...]. Moïse prit la moitié du sang, qu’il mit dans des bassins, et il répandit l’autre moitié sur l’autel. Il prit le livre de l’alliance, et le lut en présence du peuple ; ils dirent : Nous ferons tout ce que l’Éternel a dit et nous obéirons. Moïse prit le sang, et il le répandit sur le peuple, en disant : Voici le sang de l’alliance que l’Éternel a faite avec vous selon toutes ces paroles. » (Ex 24. 4-8).
Ce concept biblique des sacrifices pour la rémission des péchés réside dans ce passage : « Car l’âme de la chair est dans le sang. Je vous l’ai donné sur l’autel, afin qu’il servit d’expiation pour vos âmes, car c’est par l’âme que le sang fait l’expiation » (Lv. 17. 11). C’est ce que nous dit l’épître aux Hébreux : « Et presque tout d’après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon. » (Hé 9. 22). Le sacrifice d’un animal, sacrifice d’expiation n’était qu’une offrande de substitution au sacrifice que chacun devait faire de lui-même.
Aujourd’hui, n’ayant plus de Temple ni de sacrifices d’expiations, il est considéré que la repentance et le jeûne suffisent pour effacer le péché du peuple.
Dans la tradition
Les Sages ont considéré que depuis la disparition des sacrifices, dans le Temple de Jérusalem, l’expiation pour les péchés est obtenue par Dieu lui-même. Le Midrash (Yalkut Shimoni) illustre ce point d’une façon pittoresque : « On demanda à la sagesse : ‘qu’elle est la punition pour le pécheur ?’ Elle a répondu : ‘Le mal persécutera la pécheur.’ La même question fut posée à la Prophétie et sa réponse fut : ‘L’âme qui pêche mourra.’ On a demandé à la Torah, qui répondit : ‘S’il apporte un sacrifice d’expiation, il sera pardonné.’ Quand on a demandé à Dieu, il dit : ‘Qu’il se repente et son péché lui sera pardonné.’ »
Le rabbin Yehouda ha-Nassi, le compilateur de la Mishna, va jusqu’à dire que la puissance de Kippour est telle que le jour lui-même purifie les péchés sans autres demandes de la part de l’homme. Il est évident que d’autres Sages ne sont pas d’accord avec lui. Il est considéré que si seulement une personne se repent il est purifié de ses péchés le Jour du Kippour.
La Bible met l’accent sur la repentance et c’est un thème principal des écrits prophétiques. Le livre entier de Jonas est consacré à la repentance. La possibilité de se repentir est ouverte à chaque homme : « La justice du juste ne le sauvera pas au jour de sa transgression ; et le méchant ne tombera pas par sa méchanceté le jour où il s’en détournera [...] » (Ez 33. 12).
La vraie repentance consiste en trois points principaux : le regret de son passé ; la résolution de ne pas répéter son péché dans le futur ; et de le confesser. Les sages considèrent que la repentance est réelle si le pêcheur ne répète pas son péché quand l’occasion de pécher se représente dans les mêmes circonstances.
Les sages (Yoma 86a-b) ont divisé la repentance en trois catégories : repentance par la souffrance ; repentance par la crainte ; et repentance par amour pour Dieu. Celle-ci a plus de mérite que les autres.
Comme nous l’avons vu dans les pages précédentes la repentance commence entre l’homme et son semblable. Le soir de Kippour, chaque membre de la congrégation se demande pardon pour tous les tords commis intentionnellement ou non.
Si le Jour de Kippour est une expérience personnelle, chaque homme luttant avec sa conscience, c’est aussi une journée importante sur la sphère nationale. Dans le Temple, le Grand Prêtre se tenait devant pour le peuple et intercédait pour le péché de tous. Yom Kippour est le jour quand Moïse est descendu du mont Sinaï avec les nouvelles Tables de la Loi après avoir obtenu le pardon en faveur du peuple d’Israël qui avait péché par le Veau d’or. Les Sages nous rapportent la tradition du deuxième Temple, d’attacher un fil de laine rouge à la porte du Temple. Si les sacrifices d’expiation pour le peuple étaient agrées par Dieu le fil devenait blanc.
Bien que la Bible ne développe pas le caractère pénitentiel de ce jour, d’autres textes bibliques insistent sur l’importance du jeûne (Ps 35. 13 ; Es 58. 3-5), et les Sages prescrivirent pour ce jour un jeûne complet. Le jeûne n’est pas seulement pour affliger notre âme mais un moyen pour transcender la limitation de notre corps physique. Cinq interdictions sont faites pour ce jour : jeûne total de nourriture et de boisson pendant 25 heures, abstention de bain, interdiction de porter des chaussures en cuir et abstention de relations conjugales. Ces interdictions ne s’appliquent pas aux personnes malades ou âgées, aux femmes enceintes et aux enfants. Ceux-ci seront tenus d’observer que le port des chaussures en toile ; ce n’est qu’à l’approche de la majorité qu’on les habitue peu à peu au jeûne.
On porte des vêtements blanc en signe de fête et pendant les prières on s’enveloppe du châle de prière comme d’un linceul, pour s’imaginer sa propre mort et comprendre l’impératif de la conversion (Teshuva) : la vie, le pardon. Il y a une sorte de dichotomie dans le Jour du Kippour : il est demandé d’humilier son âme et en même temps il est fait l’expiation pour les enfants d’Israël. S’humilier nous afflige mais en revanche le pardon qui nous purifie .nous remplit de joie.
Un bain rituel est souvent pratiqué la veille de Kippour ; cette purification est justifiée d’une part par la sainteté du jour, d’autre part par la Teshuva.
C’est un devoir que de manger et boire à satiété en signe de joie de voir arriver le moment du pardon et également pour supporter le jeûne et les prières du Kippour.
On commence la fête avant l’heure et par conséquent le repas doit finir 3/4 d’heure avant le coucher du soleil. Après la bénédiction du repas et la récitation du Psaume 126, on procède à l’allumage des bougies comme aux jours de fêtes, puis les parents bénissent leurs enfants avant de se rendre à la synagogue.
Le Jour de Kippour et le shofar
La Torah n’ordonne pas de sonner du shofar pendant le Jour de Kippour à l’exception de l’année du jubilé (Lv 25. 8-10). Mais depuis le Moyen Âge, c’est devenu une coutume que d’en sonner pour annoncer la fin du jeûne. Cette sonnerie n’a aucune signification liturgique.
A la fin du service religieux du Yom Kippour, la prière du Kaddish est récitée par le Hazzan et l’on sonne du shofar. Dans certaines communautés juives, un simple coup est sonné, tandis que dans d’autres l’on sonne le téqi’ah, shevarim, teru’ah, téqi’ah.
Plusieurs raisons sont invoquées pour sonner du shofar. La sonnerie nous rappelle l’année du Jubilé : « le dixième jour du septième mois, tu feras retentir les sons éclatants du shofar ; le jour des expiations, vous sonnerez de la trompette dans tout votre pays [...]. La cinquantième année sera pour vous le jubilé (yovel) » (Lv 25. 9), quand tout bien retournait à son propriétaire, ou chacun retournait dans son héritage, et que les esclaves étaient libérés. C’est une allusion au retour du peuple juif sur sa terre. C’est aussi une allusion au verset : « Dieu monte au milieu des cris de triomphe, l’Éternel s’avance au son de la trompette » (Ps 47. 6), quand Dieu descendit sur le mont Sinaï.
Au début du XXe siècle il était de coutume de sonner du shofar au Mur Occidental, malgré les interdictions des Britanniques, sur lesquels la Waqf musulmane faisait pression.
Quand la Vieille Ville de Jérusalem fut prise par les Forces de défenses israéliennes (Tsahal) en 1967, le rabbin S. Goren, alors grand chapelain des Armées, sonna du shofar au Mur Occidental symbolisant par cet acte le début de la Rédemption d’Israël.
La liturgie
L’office des cinq différentes prières dure environ treize heures. Ces prières sont : la veille au soir, Kol Nidré et arvit ; le matin, Shaharit et Moussaf ; l’après-midi, Minhah ; le soir, Né’ilah. L’office est celui du Shabbat et des Fêtes, outre ce qui est propre à Kippour.
Les prières du soir de Kippour commencent tôt et continuent tard le soir. La liturgie du Kippour commence par le chant Kol Nidré (Tous les Vœux), qui est une demande de pardon pour tous les vœux ou promesses énoncés par erreur. Par cette déclaration on proclame nuls et non avenus tous les vœux faits entre l’homme et Dieu : « Tous les vœux que nous pourrions faire depuis ce jour de Kippour jusqu’à celui de l’année prochaine, toute interdiction ou sentence d’anathème que nous prononcerions contre nous-mêmes, toute privation ou renonciation que, par simple parole, par vœux ou par serment, nous pourrions nous imposer, nous les rétractons d’avance ; qu’ils soient tous déclarés non valides, annulés, dissous, nuls et non avenus [...]. » (Livre des Prières).
Une des grandes prières de Kippour est la confession des péchés, nécessité pour la repentance, Teshuvah. Dans le Temple c’était le Grand Prêtre qui faisait la confession en posant ses deux mains sur le bouc. Aujourd’hui la confession doit être récitée par chaque participant. On confesse tous les péchés, même ceux que l’on n’a pas commis, car chacun est responsable de tous.
Le service se termine par la prière Anenou, Réponds-nous : « Réponds-nous, Seigneur, réponds-nous. Réponds-nous, notre Père, réponds-nous. Réponds-nous, notre Créateur, réponds-nous [...]. »
Aux services du matin et du midi, en plus des prières, on fait la lecture de la Torah (Lv 16 et 18 ; Nb 29. 7-11) et de la Haftarah (Is 57. 14 à 58. 14, et Jonas), et une prière pour les morts.
Le service Moussaf est caractérisé par le Seder ha-Avodah (l’ordonnance du service), qui fait mémoire du service du Grand Prêtre au Temple le jour de Kippour, seul jour où il rentrait dans le saint des Saints. Les détails du Seder ha-Avodah ont été préservés dans la Mishna, (Yoma 1,5) sur la base de Lévitique 16. Lorsque les prêtres et le peuple entendaient le Grand Prêtre prononcer le Nom ineffable, glorieux et redoutable, ils s’agenouillaient, se prosternaient et tombaient la face contre terre en disant : « Béni le Nom glorieux de son règne à jamais ! »
La liturgie du Yom Kippour comporte un office de clôture, Né’ilah, qui n’a pas d’équivalent dans l’année liturgique juive. Lorsque le jour de Kippour s’achève, le jugement tombe et le livre est scellé où seuls ceux qui ont fait Teshuvah sont inscrits. Ce soir on dit : « Scelle-nous au livre de Vie. » L’on supplie encore une dernière fois l’Éternel : « Ouvre-nous les portes des cieux au moment où les portails se ferment ! Car le jour décline, il va disparaître et le soleil se coucher. Entrons dans tes portails. » Cette supplication fait peut être référence aux portes du Temples qui se fermaient à l’heure où le soleil couchant jette ses derniers rayons sur les cimes des arbres. La cérémonie se termine à l’apparition des trois premières étoiles, peu de temps après la fermeture des portes du Temple.
L’office culmine et s’achève quand toute l’assemblée proclame : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est UN » (Dt 6. 4) ; « Béni le Nom glorieux de son règne à jamais. Le Seigneur, c’est lui qui est Dieu » (1 R 18. 39).