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COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 22 MARS 2015 – DEUXIEME LECTURE – LETTRE AUX HÉBREUX : 5. 7 – 9

20 mars, 2015

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COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 22 MARS 2015

DEUXIEME LECTURE – LETTRE AUX HÉBREUX : 5. 7 – 9

Le Christ,
7 pendant les jours de sa vie dans la chair,
offrit, avec un grand cri et dans les larmes,
des prières et des supplications
à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ;
et il fut exaucé
en raison de son grand respect.
8 Bien qu’il soit le Fils,
il apprit par ses souffrances l’obéissance
9 et, conduit à sa perfection,
il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent
la cause du salut éternel.

La lettre aux Hébreux s’adresse à des Chrétiens d’origine juive. L’auteur cherche à éclairer leur foi chrétienne toute neuve à partir de leur foi juive et de leur connaissance de l’Ancien Testament. Son objectif est de montrer que l’histoire humaine a franchi avec le Christ une étape décisive : il y avait eu le régime de l’Ancienne Alliance, désormais il y a l’Alliance Nouvelle, annoncée par Jérémie ; cette Alliance Nouvelle est réalisée dans la personne même du Christ. Parce qu’il est à la fois Dieu et homme, pleinement Dieu et pleinement homme, il est l’Homme-Dieu, celui qui unit intimement, irrévocablement Dieu et l’humanité jusque dans sa personne même.
Et c’est ainsi que s’accomplit la prophétie de Jérémie « Voici venir des jours où je conclurai avec la Maison d’Israël et avec la Maison de Juda une Alliance Nouvelle ».
Donc très normalement, l’auteur insiste à la fois sur l’humanité et sur la divinité du Christ ; pleinement homme, il est mortel, il connaît la souffrance et l’angoisse devant la mort : « Pendant les jours de sa vie mortelle, le Christ a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort… »
L’expression « Pendant les jours de sa vie mortelle » dit bien qu’il est homme, mortel…
Devant la perspective de la persécution, de la Passion, il a prié et supplié Dieu qui pouvait le sauver de la mort. Jusque-là, nous comprenons ; mais l’auteur ajoute « il a été exaucé » ; affirmation plutôt surprenante ! Car, en définitive, malgré sa prière et sa supplication, il est mort… Donc on peut se demander en quoi il a été exaucé…
Il faut croire que sa prière ne signifiait pas ce que nous imaginons à première vue. Je m’arrête un peu là-dessus : ici, visiblement, l’auteur fait allusion à Gethsémani :
le grand cri et les larmes du Christ, sa prière et sa supplication disent son angoisse devant la mort et son désir d’y échapper.
Cet épisode de Gethsémani est rapporté par les trois évangiles synoptiques à peu près dans les mêmes termes ; les trois évangélistes notent la tristesse et l’angoisse du Christ, en même temps que sa détermination. Saint Luc dit « Jésus priait, disant : Père, si tu veux, éloigne cette coupe loin de moi ! Cependant, que ta volonté soit faite, et non la mienne ! » (Lc 22, 42). Que Jésus ait désiré échapper à la mort, c’est clair ; et il a dit à son Père ce désir ; mais sa prière ne s’arrête pas là ; sa prière, justement, c’est « Que ta volonté soit faite… et non la mienne ». Dans sa prière, le Christ fait passer le désir de son Père avant le sien propre. Voilà déjà une formidable leçon pour nous !
Le Christ a cette confiance absolue dans son Père : ce que l’auteur de la lettre aux Hébreux traduit par : « Il s’est soumis en tout ». Le mot « soumission » ou « obéissance » dans la Bible, signifie justement cette confiance totale ; parce qu’il sait que la volonté de Dieu n’est que bonne. Dans la prière qu’il nous a enseignée, s’il nous invite à répéter après lui « Que ta volonté soit faite », c’est pour que nous apprenions à souhaiter la réalisation du projet de Dieu parce que Dieu n’a pas d’autre projet que notre bonheur !
Comme dit Saint Paul dans sa première lettre à Timothée : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tm 2, 4).
Cette prière du Christ a été doublement exaucée : parce que le salut du monde a été accompli et parce qu’il est ressuscité. En ce sens-là, il a été « sauvé de la mort ».
L’auteur n’hésite pas non plus à dire que Jésus a aussi, comme tout homme, connu un apprentissage : « Il a appris l’obéissance par les souffrances de sa passion ». Ce mot d’apprentissage signifie qu’il a eu, comme tout homme, un chemin à parcourir : celui de la souffrance et de l’angoisse devant la mort ; et là, l’humanité connaît deux attitudes, la peur de Dieu ou la confiance en Dieu. Et parce qu’il n’a pas quitté la confiance dans le Dieu de la vie, son chemin l’a conduit à la résurrection. On ne peut pas ne pas penser ici à l’épisode de Césarée ; quand Jésus avait commencé à prévenir ses apôtres de ce qu’il lui faudrait affronter, Pierre s’était insurgé : « Jésus-Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des Anciens, des grands-prêtres et des scribes, être mis à mort, et, le troisième jour, ressusciter. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander en disant : Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera pas ! Mais lui, se retournant, dit à Pierre : Retire-toi ! Derrière moi, Satan ! Tu es pour moi occasion de chute, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16, 21-23 ; Mc 8, 31-33). A Gethsémani, Jésus a résolument fait passer les vues de Dieu avant les siennes.
« Et ainsi, continue le texte, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel ». Le « salut », c’est précisément connaître Dieu tel qu’il est, le Dieu dont l’amour nous fait vivre. « Obéir » au Christ, c’est, à notre tour, lorsque nous traversons la souffrance, lui faire confiance, suivre son exemple, et donc faire confiance à la volonté du Père. A ses disciples, Jésus a donné son secret : « Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation ». (Mc 14, 38). Il ne s’agit pas de je ne sais quelle arithmétique du genre « si vous priez bien, Dieu vous évitera la tentation »… Il s’agit de la grande réalité de la prière : prier, c’est rester en contact avec Dieu, lui faire confiance ; c’est tout le contraire de la tentation, celle à laquelle pense Jésus : la tentation de soupçonner les intentions de Dieu, de penser qu’il nous veut du mal et donc de nous révolter. Suivre l’exemple du Christ, semble-t-il, c’est premièrement, oser dire à Dieu notre désir, et deuxièmement, lui faire assez confiance pour ajouter aussitôt « Cependant, que ta volonté soit faite, et non la mienne ! »
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Compléments
- Le mot « perfection » (verset 9) ici a également un autre sens : il s’agit de la « consécration » du grand prêtre ; l’objectif majeur de la Lettre aux Hébreux étant de démontrer que le Christ est vraiment le grand prêtre de la Nouvelle Alliance.
- Les psychologues qui analysent notre comportement religieux comptent trois étapes dans la croissance spirituelle : première étape, celle de l’enfant, qui ne connaît que son désir ; il tape des pieds en disant « Que ma volonté se fasse ». Deuxième étape, lorsque nous avons pris conscience de notre impuissance à combler par nous-mêmes tous nos désirs, alors on prie Dieu pour qu’il nous y aide : la prière devient « Que ma volonté se fasse avec ton aide ». (Il me semble qu’un certain nombre de nos prières ressemblent à celle-là…) Troisième étape, celle de la foi, c’est-à-dire de la confiance absolue dans le projet de Dieu : « Que ta volonté se fasse et non la mienne ».

 

COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 8 FÉVRIER – 1 Corinthiens 9, 16 … 23

6 février, 2015

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COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 8 FÉVRIER

DEUXIEME LECTURE – 1 Corinthiens 9, 16 … 23

Frères,
16 annoncer l’Evangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté,
c’est une nécessité qui s’impose à moi.
Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile !
17 Certes, si je le fais de moi-même,
je mérite une récompense.
Mais je ne le fais pas de moi-même,
c’est une mission qui m’est confiée.
18 Alors, quel est mon mérite ?
C’est d’annoncer l’Evangile
sans rechercher aucun avantage matériel,
et sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Evangile.
19 Oui, libre à l’égard de tous,
je me suis fait l’esclave de tous
afin d’en gagner le plus grand nombre possible.
22 Avec les faibles, j’ai été faible
pour gagner les faibles.
Je me suis fait tout à tous
pour en sauver à tout prix quelques-uns.
23 Et tout cela, je le fais à cause de l’Evangile,
pour y avoir part, moi aussi.

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Il apparaît dans plusieurs lettres de Saint Paul qu’il se fait une gloire de travailler de ses mains pour ne pas être financièrement à la charge de la communauté chrétienne. Il semble que, dans l’Eglise de Corinthe, certains de ses adversaires aient trouvé dans ce comportement un argument contre lui :
puisque Paul n’use pas de son droit d’être rétribué, c’est qu’il veut échapper à tout contrôle. Est-il authentiquement l’apôtre qu’il prétend être ?
Paul présente ici les raisons profondes de sa conduite. S’il se montre à ce point désintéressé, c’est pour que l’on sache bien qu’il « ne roule pas pour lui » ; il ne considère pas l’annonce de la Bonne Nouvelle comme l’exercice d’un métier dont il pourrait tirer quelque avantage que ce soit, mais l’accomplissement de la mission qui lui est confiée. Il est en « service commandé » et c’est cela qui le rend libre.
« J’annonce l’Evangile, c’est une nécessité qui s’impose à moi » : Paul n’a pas choisi d’annoncer l’évangile, on le sait bien ; ce n’était pas prévu au programme, pourrait-on dire ! Il était un Juif fervent, cultivé, un Pharisien : tellement fervent qu’il a commencé par persécuter la toute nouvelle secte des Chrétiens. Et puis sa conversion imprévisible a tout changé ; désormais, il a mis son tempérament passionné au service de l’évangile. Pour lui, la prédication est une fonction qui lui a été imposée lors de sa vocation : comme si, à ses yeux, on ne pouvait pas être Chrétien sans être apôtre. Il sait bien que s’il a été appelé par Dieu, c’est POUR le service des autres.
(ceux qu’il appelle les « païens » ; il le dit dans la lettre aux Galates : « …Celui qui m’a mis à part depuis le sein de ma mère et m’a appelé par sa grâce, a jugé bon de révéler en moi son Fils afin que je l’annonce parmi les païens… » Ga 1, 15).
Comment ne pas penser à la vocation de certains prophètes ; Amos, par exemple : « Je n’étais pas prophète, je n’étais pas fils de prophète, j’étais bouvier, je traitais les sycomores ; mais le Seigneur m’a pris de derrière le bétail et le Seigneur m’a dit : Va, prophétise à Israël mon peuple. » (Am 7, 14). Ou encore Jérémie : « La Parole du Seigneur s’adressa à moi : Avant de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu sortes de son ventre, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations. (Jr 1, 4-5).
Un prophète, par hypothèse, est toujours un homme POUR les autres. Dans l’évangile de Marc, que nous lisons dans cette même liturgie, Jésus dit bien que c’est POUR annoncer la Bonne Nouvelle qu’il est venu.
Cette conscience de sa responsabilité fait dire à Paul une phrase très forte qui nous surprend peut-être : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile ! » Cela ne veut pas dire qu’il a peur d’une sanction quelconque ou qu’il ressent une menace extérieure pour le cas où il ne remplirait pas sa mission ; mais quelque chose comme « Si je n’annonçais pas l’Evangile, je serais le plus malheureux des hommes » : cette passion nouvelle pour l’évangile est devenue une seconde nature. Parce que cette découverte qu’il a faite, il brûle de la partager.
Elle est là sa joie et sa récompense : simplement savoir qu’il a accompli sa mission. Paul n’est pas un prédicateur itinérant qui vend ses talents d’orateur en faisant des conférences payantes ici ou là ; il est en service commandé : « C’est une nécessité qui s’impose à moi… Je ne le fais pas de moi-même, je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confiée. »
Cette dernière expression était celle qu’on employait pour les esclaves ; si bien qu’on pourrait résumer ainsi les versets 17-18 : si j’avais choisi ce métier moi-même, je me ferais payer comme pour tout autre métier ; mais en réalité, je suis devenu l’esclave de Dieu, et un esclave n’est pas payé, comme chacun sait !
Mais pourtant ma récompense est grande, car c’est un grand honneur et une grande joie d’annoncer l’évangile : traduisez « Ne recevoir aucun salaire, voilà mon salaire » ; cet apparent paradoxe est la merveilleuse expérience quotidienne de tous les serviteurs de l’évangile. Car la gratuité est le seul régime qui s’accorde avec le discours sur la gratuité de l’amour de Dieu. Bien sûr, il faut vivre et assurer sa subsistance ; mais Paul nous dit très fort ici que la prédication de l’Evangile est une charge, une mission, une vocation et non un métier. En accomplissant de tout coeur la tâche qui lui est imposée, l’apôtre est gratifié de la joie de donner : en cela il est à l’image de celui qu’il annonce.

LES EXIGENCES DE LA VIE FRATERNELLE
Cette prédication n’est pas seulement paroles mais aussi tout un comportement : « J’ai partagé la faiblesse des faibles, pour gagner les faibles » ; de quelle sorte de faiblesse parle-t-il ? Je m’explique : cette phrase traduit le contexte dans lequel Paul écrit : les membres de la communauté de Corinthe n’ont pas tous eu le même parcours, comme on dit. Certains sont d’anciens Juifs, devenus Chrétiens, comme Paul ; mais les autres sont d’anciens non-Juifs ; ils n’étaient pourtant pas des païens, à proprement parler ; ils avaient une religion, des dieux, des rites… Leur Baptême et leur entrée dans la communauté chrétienne leur ont imposé des changements d’habitudes parfois radicaux. Par exemple, dans leur ancienne religion, ils offraient des sacrifices à leurs idoles et mangeaient ensuite la viande des animaux sacrifiés, dans une sorte de repas sacré. En adhérant à la foi chrétienne, ils ont évidemment abandonné ces pratiques : on sait que l’entrée en catéchuménat imposait des exigences très strictes.
Mais il peut leur arriver d’être invités par des proches ou des amis païens.
Par exemple, on a retrouvé des cartes d’invitation à une réception dans un Temple à Corinthe, dont voici le libellé : « Antoine, fils de Ptolémée, t’invite à dîner avec lui à la table du Seigneur Sarapis (l’une des nombreuses divinités de Corinthe), dans les locaux du Sarapeion de Claude… » suivent le jour et l’heure.
Quand on est un Chrétien sûr de sa foi (Paul dit « fort ») on n’a aucun cas de conscience à accepter ce genre d’invitations : puisque les idoles n’existent pas, on peut bien leur immoler tous les animaux que l’on voudra, ces sacrifices n’ont aucun sens et donc ces repas ne sont pas un blasphème à l’égard du Dieu des Chrétiens. Un Chrétien sûr de sa foi est assez libre pour cela. Et il préfère ne pas peiner sa famille ou ses amis en refusant une invitation.
Mais il y a des Chrétiens moins sûrs d’eux, ceux que Paul appelle les faibles : ils savent bien, eux aussi, que les idoles ne sont rien… Mais ce genre de problème les trouble encore* ; il ne faudrait ni les choquer ni les inciter à retomber dans leurs anciennes pratiques. Les plus forts devront donc toujours veiller à respecter les plus faibles. C’est le B.A. BA d’une véritable vie fraternelle.
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Note
D’une part, ils risquent d’être choqués en voyant certains Chrétiens participer à ces banquets. D’autre part, s’ils suivent cet exemple, ils risquent de vivre ensuite dans une épouvantable culpabilité. Paul donne alors des conseils de prudence à ceux qui n’ont pas ce genre de scrupules : « Prenez garde que cette liberté même, qui est la vôtre, ne devienne une occasion de chute pour les faibles. Car si l’on te voit, toi qui as la connaissance, attablé dans un temple d’idole, ce spectacle risque de pousser celui dont la conscience est faible à manger lui aussi des viandes sacrifiées… » (1 Co 8, 9-10). Et il conclut « Si un aliment doit faire tomber mon frère, je renoncerai à tout jamais à manger de la viande, plutôt que de faire tomber mon frère » (1 Co 8, 13). Ici, il dit la même chose dans d’autres termes : « J’ai partagé la faiblesse des plus faibles pour gagner aussi les faibles. »

Complément
Dans les chapitres 14 et 15 de la lettre aux Romains, Paul reprendra le même thème : « Le Règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint… Recherchons donc ce qui convient à la paix et à l’édification mutuelle… Tout est pur, certes, mais il est mal de manger quelque chose lorsqu’on est ainsi occasion de chute… C’est un devoir pour nous, les forts, de porter l’infirmité des faibles et de ne pas rechercher ce qui nous plaît » (Rm 14, 17-20 ; 15, 1).

 

(lectio) LA STUPEUR DEVANT LE PROPHÈTE (IV DIMENCHE T.O.) – SAINT JEAN CHRYSOSTOME (+ 407) SUR LA LETTRE AUX HÉBREUX

2 février, 2015

http://www.zenit.org/fr/articles/la-stupeur-devant-le-prophete

LA STUPEUR DEVANT LE PROPHÈTE

IVE DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – ANNÉE B – 1ER FÉVRIER 2015

PARIS, 30 JANVIER 2015 (ZENIT.ORG) MGR FRANCESCO FOLLO

Dt 18,15-20 ; Ps 94 ; 1 Co 7,32-35 ; Mc,21-28 [1]

1) La parole douce, forte et vraie, du « prophète » Jésus
Jésus-Christ, qui est plus fort que Jean, a une parole convaincante, un enseignement nouveau qui surprend et qui a autorité.
La liturgie de la Parole de ce dimanche met en relief la figure de Jésus comme le vrai prophète qui parle et agit au nom de Dieu.
Cet extrait du livre du Deutéronome décrit les caractéristiques du prophète dont la mission est profondément ancrée en Dieu. Le prophète est le porte-parole de Dieu et sa parole est efficace et créatrice ; celui qui ne l’écoute pas devra en rendre compte et malheur à qui se dit prophète mais ne l’est pas.
Le prophète ne prédit pas l’avenir, ce n’est pas là sa vocation. Il est celui qui dit la vérité parce qu’il est en contact avec Dieu, c’est-à-dire la vérité qui vaut pour aujourd’hui et qui, naturellement, éclaire aussi l’avenir. C’est ainsi que, même quand il parle du futur, le prophète ne le prédit pas dans les détails, mais il rend la vérité divine présente à celui qui l’écoute et il indique le chemin à prendre.
Dès lors, on peut se demander si l’on peut donner au Christ le nom de prophète. Sans aucun doute. Dans le Deutéronome (cf la lecture de ce jour), Moïse prophétise : « un prophète comme moi ». Le guide libérateur de l’Egypte a transmis la Parole à Israël et a fait de celui-ci un peuple. Et dans son « face à face » avec Dieu il a accompli sa mission prophétique en amenant les hommes à la rencontre avec Dieu. Tous les autres prophètes suivent ce modèle de prophétie, en libérant toujours, et de façon nouvelle, la loi mosaïque de sa rigidité pour la transformer en chemin de vie.
Les Pères de l’Eglise ont interprété cette prophétie du Deutéronome comme une promesse du Christ. Et ils ont raison car le plus grand et le véritable Moïse est effectivement le Christ qui vit réellement « face à face » avec Dieu puisqu’Il est son Fils.
En cela, les Pères de l’Eglise ne font qu’expliciter le passage de l’Evangile de saint Marc proposé aujourd’hui et qui met en évidence cette conviction que le prophète annoncé par Moïse, c’est Jésus ; en fait, il parle avec autorité et il commande aux esprits malins qui lui obéissent.
Le passage de l’Evangile de Marc lu aujourd’hui démontre que le prophète annoncé par Moïse est Jésus. Comme cela se fait le jour du sabbat, le Messie entre dans la synagogue où la communauté juive locale[2] avait l’habitude de se réunir pour écouter et commenter la torah, c’est-à-dire la loi. C’est précisément dans ce contexte que Jésus se manifeste comme un nouveau prophète, suscitant l’estime et le respect parmi les auditeurs présents qui, pourtant, le condamneront pour suivre de faux prophètes.
Avec cet épisode, l’évangéliste Marc entame le récit de l’activité publique de Jésus et commence à développer son thème le plus important : qui est Jésus ?
Deux choses sont affirmées immédiatement et clairement, même si elles ne sont pas encore pleinement réalisées (l’Evangéliste les développera petit à petit tout au long de son Evangile) : 1) l’enseignement de Jésus est nouveau et différent de celui des scribes ; 2) son autorité s’impose même sur les esprits malins.
2) La stupeur
A ce propos, je voudrais souligner la stupeur des auditeurs de l’époque pour qu’elle devienne aussi la nôtre. Saint Marc a écrit : « ils étaient stupéfaits de son enseignement parce qu’il enseignait comme quelqu’un qui a autorité et non pas comme les scribes ». La même notation –avec quelques variantes – est répétée à la fin de l’épisode : « Mais qu’est-ce que cela ? Un enseignement nouveau, plein d’autorité ! ».
Ils étaient tous stupéfaits, incrédules, mais ils percevaient dans ses paroles la force supérieure de la grâce, comme l’écrira aussi saint Luc : « Ils s’étonnaient du message de la grâce qui sortait de sa bouche » (Lc 4,22).
C’est cela l’autorité de Jésus dont on dit : « un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple » (Lc 7,16).
Devant ce prophète « indiscutable», on ne peut qu’être dans une écoute remplie de stupeur, qui exige un climat de silence intérieur et de saisissement, signe du désir de connaissance dans lequel naît et croît une attitude d’accueil, à l’exemple de la Vierge : accueil de la Parole qui, en Dieu, est Personne, ce Verbe éternel dont Jean disait : « et le verbe était tourné vers Dieu, et le verbe était Dieu. Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui » (Jn 1,1-3).
La parole de Dieu n’est pas un simple son de voix qui véhicule une pensée, mais une parole qui opère et vivifie ; une Parole qui sauve et qui, par amour, s’est faite chair en Jésus de Nazareth, le fils de Marie, la femme de l’écoute et de l’accueil : « Me voici, fut sa réponse, qu’il advienne (fiat) selon ta parole…(Lc 1,38), cette parole que lui apportait l’Ange qui parlait de la part de Dieu.
Nous sommes persévérants dans l’imitation de Marie. D’elle, icône de l’écoute, chez qui la parole de Dieu prit un corps, comme chez n’importe quelle autre femme, l’Evangile dit : « Marie conservait toutes ces choses et les méditait dans son cœur» (Lc 2,19). C’est autour de la Parole et de l’écoute stupéfaite que tourne aujourd’hui l’Evangile de Marc, un bref passage qui parle de stupeur chez ceux qui avaient entendu Jésus de Nazareth commenter les textes de l’Ecriture dans la synagogue de Capharnaüm : « ils étaient frappés de son enseignement parce qu’il leur enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes » (Mc 1,28).
J’insiste sur l’importance de la stupeur, parce que je crois que la certitude de la foi se forme à partir de la stupeur face à une présence incarnée. Il suffit de lire les Evangiles : des pasteurs jusqu’au berceau de Bethléhem, jusqu’aux anges qui accueillent le Seigneur ressuscité dans son vrai corps lorsqu’il monte au ciel. Aujourd’hui, ce trait distinctif de la foi de celui qui porte le nom de chrétien semble perdu. Tout se conçoit et s’organise comme si la certitude chrétienne était seulement et surtout la conséquence d’une réflexion, d’un discours persuasif. L’Eglise est l’Educatrice qui nous enseigne la vérité, mais elle est aussi la Mère qui donne la vie et, comme le disait saint Jean Damascène : « les concepts créent des idoles, la stupeur génère la vie ». J’écris ceci pour éviter que l’on réduise notre christianisme à un discours ou une méthode abstraite à enseigner ou à apprendre conceptuellement, parce que les concepts sont l’explication toujours imparfaite d’une connaissance personnelle. La substance de la révélation ne consiste pas dans l’enseignement d’une doctrine mais dans la manifestation d’une présence. Le cardinal Henri de Lubac a écrit : « il peut exister une idolâtrie de la Parole et du parler qui n’est pas moins dangereuse que celle des images ».
J’insiste sur la stupeur pour souligner l’importance de la simplicité du cœur et de l’esprit. La simplicité que vivent les pauvres d’esprit est aussi la méthode qu’utilise Dieu pour venir à notre rencontre. Qu’y a-t-il de plus simple que la grotte de Bethléhem, que la maison de Jésus à Nazareth, que la synagogue à Capharnaüm ? Et le Fils de Dieu y est entré. L’avènement du Christ est un fait nouveau qui entre dans notre vie, simplement. Si chacun de nous ouvre les yeux, le cœur, l’esprit et les bras, le Christ entrera dans nos maisons, apportant sa paix et sa vérité.
3) Non seulement chez nous, mais en nous, Temple de Dieu
Demain, 2 février, la liturgie célèbre la présentation[3] de Jésus. Lorsque Marie et Joseph portèrent leur enfant au Temple de Jérusalem, eut lieu la première rencontre entre Jésus et son peuple, représenté par deux personnes âgées, Siméon et Anne. Ce fut une rencontre à l’intérieur de l’histoire du peuple, une rencontre entre jeunes et vieux , les jeunes étant Marie et Joseph avec leur nouveau-né et les anciens, Siméon et Anne, deux personnages qui fréquentaient régulièrement le Temple (Pape François).
A la lumière de cette scène évangélique, regardons la vie consacrée comme une rencontre avec le Christ : c’est lui qui vient vers nous, porté par Marie et Joseph, et nous, nous allons vers Lui, guidés par l’Esprit Saint. Mais Lui est au centre. Lui fait tout bouger. Lui nous attire vers le Temple, vers l’Eglise, là où nous pouvons le rencontrer, le reconnaître, l’accueillir, l’embrasser.
Les bougies qui irradient la lumière constituent le signe spécifique de la tradition liturgique de cette Fête. Ce signe exprime la beauté et la valeur de la vie consacrée en tant que reflet de la lumière du Christ ; un signe qui rappelle l’entrée de Marie au Temple : la Vierge Marie, la consacrée par excellence, portait dans ses bras la Lumière-même, le Verbe incarné, venu chasser les ténèbres du monde avec l’amour de Dieu.
Une façon particulière de vivre cela et de devenir Temple et Tabernacle de la Divine présence est celle des Vierges consacrées dans le monde, pour lesquelles l’Evêque prie : « Seigneur notre Dieu, toi qui veux demeurer en l’homme, tu habites ceux qui te sont consacrés… Accorde, Seigneur, ton soutien et ta protection à celles qui se tiennent devant toi, et qui attendent de leur consécration un surcroît d’espérance et de force » (Rituel de consécration des vierges, n° 24) pour qu’elles grandissent dans leur foi en l’amour dont elles témoignent comme sacrifice de soi dans la vie quotidienne. Qu’elles nous aident à devenir nous aussi ces lampes qu’elles sont et qui irradient la lumière de la vérité et de la charité de Dieu.

LECTURE PATRISTIQUE
L’AUTORITÉ DE JÉSUS
HOMÉLIE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME (+ 407) SUR LA LETTRE AUX HÉBREUX
HOMÉLIES SUR LA LETTRE AUX HÉBREUX, -5,3; PG 63, 50.
Considérez Jésus Christ, apôtre et grand prêtre pour notre confession de foi, lui qui est digne de confiance pour celui qui l’a institué, tout comme Moïse, sur toute sa maison (He 3,1-2). Que signifie: Il est digne de confiance pour celui qui l’a institué! Cela veut dire qu’il dirige par sa providence les êtres qui lui appartiennent, et ne les laisse pas périr par sa négligence.??Comme Moïse qui fut digne de confiance dans toute sa maison ; c’est-à-dire: apprenez qui est votre grand prêtre, apprenez son origine, et vous n’aurez pas besoin d’autres encouragements ni consolations. Le Christ est appelé apôtre parce qu’il a été envoyé. Il est appelé aussi grand prêtre pour notre confession, c’est-à-dire notre confession de foi. Jésus est comparé, ajuste titre, à Moïse puisqu’il a été chargé comme Moïse de gouverner un peuple, mais un peuple plus nombreux et chargé d’une mission plus importante. Moïse avait gouverné à titre de serviteur, le Christ gouverne en sa qualité de Fils. Ceux dont Moïse avait la charge n’étaient pas à lui, ceux que guide Jésus lui appartiennent.??Pour attester ce qui allait être dit (He 3,5). Que dis-tu là? Est-il possible que Dieu accepte un témoignage humain? Oui, sans aucun doute, car il appelle le ciel, la terre et les collines à être ses témoins. Voici ce qu’il dit par son prophète: cieux, écoutez; terre, prête l’oreille, car le Seigneur parle (Is 1,2). Et encore: Écoutez, vous aussi, fondements inébranlables de la terre (Mi 6,2), c’est le procès du Seigneur avec son peuple. A plus forte raison prend-il des hommes à témoin.??Que signifie: Pour attester! Pour que les hommes attestent, même quand ils agissent impudemment, que le Christ nous parle vraiment en sa qualité de Fils, car ceux dont Moïse avait la charge n’étaient pas à lui, mais ceux que guide Jésus lui appartiennent.
[1] « Ils pénétrèrent dans Capharnaüm. Et dès le jour du sabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait. Ils étaient frappés de son enseignement ; car il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes. Justement il y avait dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur ; il s’écria : « De quoi te mêles-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu.» Jésus le menaça : « Tais-toi et sors de cet homme ». L’esprit impur le secoua avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri. Ils furent tous tellement saisis qu’ils se demandaient les uns aux autres : « Qu’est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d’autorité ! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent ! ». Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.
[2] A cette époque-là, en Palestine on trouvait des synagogues dans les grandes villes, mais aussi dans les bourgs et les villages. Les Juifs s’y rendaient pour la prière et la lecture et l’enseignement de l’ Ecriture. Outre les scribes et les anciens, quiconque parmi les Juifs pouvait demander la parole et intervenir. C’est ainsi que Jésus, à Capharnaüm, entra dans la synagogue et prit la parole pour enseigner.
[3]La Présentation de Jésus au Temple -2 février – est la fête de la lumière (cf Lc 2,30-32) naquit en Orient sous le nom d’Ipapante, c’est-à-dire ‘la Rencontre». Au VIe siècle elle s’étendit à l’Occident avec des développements spécifiques: à Rome avec un caractère plus pénitentiel et en France avec la bénédiction solennelle et la procession aux bougies, connue sous le nom populaire de « chandeleur ». La présentation du Seigneur clôt les célébrations du temps de Noël, et avec la présentation de la Vierge Mère et la prophétie de Siméon, elle ouvre le chemin vers Pâques (Missel romain).
La fête d’aujourd’hui dont le premier témoignage remonte au IVe siècle à Jérusalem, était appelée jusqu’à la réforme récente du calendrier, Fête de la Purification de la Très Sainte Vierge Marie, en souvenir de l’épisode vécu par la Sainte famille et raconté au chapitre 2 de l’Evangile de Luc au cours duquel Marie, aux termes de la loi, se rendit au Temple de Jérusalem quarante jours après la naissance de Jésus pour consacrer son premier-né et accomplir le rite légal de sa purification. La réforme liturgique de 1960 a restitué à cette célébration son titre original de « présentation du Seigneur ». La consécration de Jésus au Père, accomplie dans le Temple, constitue le signe avant-coureur de son oblation sacrificielle sur la croix.
Cet acte d’obéissance à un rite légal, auquel ni Jésus ni Marie n’étaient tenus, constitue aussi une leçon d’humilité, venant couronner la méditation annuelle sur le grand mystère de Noël , au cours duquel le Fils de Dieu et sa divine Mère se présentent à nous dans le cadre émouvant mais humiliant de la crèche, ce qui signifie dans l’extrême pauvreté des mal-logés, dans l’existence précaire des migrants et des persécutés, en un mot des exilés.
La rencontre avec Siméon et Anne dans le Temple accentue l’aspect sacrificiel de la célébration et la communion personnelle de Marie au sacrifice du Christ, puisque quarante jours après sa divine maternité la prophétie de Siméon lui laisse entrevoir la perspective de sa souffrance : « Une épée te traversera le cœur » : Marie, grâce à son union intime avec la personne du Christ, est associée au sacrifice de son Fils.
Le rite de la bénédiction des cierges, dont le témoignage remonte au Xe siècle déjà, s’inspire des paroles de Siméon : » Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé face à tous les peuples : lumière pour la révélation aux païens ». De ce rite expressif vient le nom populaire de «chandeleur ».