Archive pour la catégorie 'DIETRICH BONHOEFFER'

DÉCOUVRIR DIETRICH BONHOEFFER († 9 avril 1945)

8 avril, 2015

http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Dietrich-Bonhoeffer/Vers-un-christianisme-non-religieux

DÉCOUVRIR DIETRICH BONHOEFFER († 9 avril 1945)

Vers un christianisme «non religieux»

«Comment être croyant dans une société qui ne semble pas avoir besoin de Dieu?», la question sonne d’actualité. Dietrich Bonhoeffer, théologien visionnaire, l’avait déjà posée à la moitié du XXe siècle.
Constatant l’incapacité des religions instituées à lutter contre la barbarie hitlérienne, Dietrich Bonhoeffer avance dans «Résistance et soumission», le recueil des lettres qu’il a écrit en prison, que Dieu n’est plus la réponse à toutes les questions que se posent les hommes.

«Nous vivons sans Dieu»
A ses yeux, le monde est devenu «majeur» , «adulte», c’est-à-dire capable de penser par lui-même. Dans cette mesure, les chrétiens vont devoir désormais penser et agir sans tutelle, pour «constater ce qu’ils croient eux-mêmes», sans «se retrancher derrière la foi de l’Église».
Bonhoeffer va même jusqu’à écrire : «Dieu nous fait savoir qu’il nous faut vivre en tant qu’hommes qui parviennent à vivre sans Dieu». D’en tirer sa fameuse formule : «Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu».
C’est en prison que le théologien réalise l’absence totale de Dieu dans la conscience des hommes. Sa vision des rapports entre la foi et le monde s’en trouve bouleversée. Dans ses lettres, Bonhoeffer raconte que le langage religieux de ses co-détenus le met mal à l’aise. Il préfère le langage humain, séculier, même pour leur parler du Christ.
Il en vient ainsi à remettre en cause la notion même de religion et écrit, dans sa lettre du 30 avril 1944 : «Les gens religieux exploitent toujours la faiblesse et les limites des hommes». Il n’en renie pas pour autant sa source spirituelle -l’évangile-, il dénonce seulement la forme sacramentelle dont on l’a enveloppée.
Il ne faut pas perdre de vue que Bonhoeffer a sous ses yeux la «religiosité» nazie, avec des millions de gens qui se mettent littéralement à adorer le Führer. Sa critique est donc tout autant politique que théologique.

«Qui est le Christ aujourd’hui ?»
Bonhoeffer, visionnaire, prédit que les générations futures auront à «parler de Dieu sans religion». Déjà en son temps, il s’interroge : «Comment être croyant dans une société qui ne semble pas avoir besoin de Dieu?», «Quelle peut-être l’action de l’Église dans le monde?», «Qui est le Christ aujourd’hui?».
Penseur «multidimensionnel», à la fois homme de prières et prophète d’un monde «devenu adulte» et «non religieux», prédicateur contre une Église sécularisée et précurseur de la théologie dite «d’après la mort de Dieu», militant politique et poète philosophe, voilà qui fait toute la «modernité» de Bonhoeffer.

L’ACTUALITÉ DE DIETRICH BONHOEFFER (1906-1945)

9 avril, 2013

http://www.taize.fr/fr_article4882.html

L’ACTUALITÉ DE DIETRICH BONHOEFFER (1906-1945)

Dietrich Bonhoeffer, jeune pasteur symbole de la résistance allemande contre le nazisme, compte parmi ceux qui peuvent nous soutenir sur notre chemin de foi. Lui qui, aux heures les plus sombres du xxe siècle, a donné sa vie jusqu’au martyre, écrivait en prison ces paroles que nous chantons désormais à Taizé : « Dieu, rassemble mes pensées vers toi. Auprès de toi la lumière, tu ne m’oublies pas. Auprès de toi le secours, auprès de toi la patience. Je ne comprends pas tes voies, mais toi, tu connais le chemin pour moi. »
Ce qui touche chez Bonhoeffer, c’est sa ressemblance avec les Pères de l’Église, les penseurs chrétiens des premiers siècles. Les Pères de l’Église ont mené tout leur travail à partir de la recherche d’une unité de vie. Ils étaient capables de réflexions intellectuelles extrêmement profondes, mais en même temps ils priaient beaucoup et étaient pleinement intégrés dans la vie de l’Église de leur temps. On trouve cela chez Bonhoeffer. Intellectuellement il était quasiment surdoué. Mais en même temps cet homme a tant prié, il a médité l’Écriture tous les jours, jusque dans les derniers temps de sa vie. Il la comprenait, ainsi que Grégoire le Grand l’a dit une fois, comme une lettre de Dieu qui lui était adressée. Bien qu’il vienne d’une famille où les hommes – son père, ses frères – étaient pratiquement agnostiques, bien que son Eglise, l’Église protestante d’Allemagne, l’ait beaucoup déçu au moment du nazisme et qu’il en ait souffert, il a vécu pleinement dans l’Église.
Je relève trois écrits :
Sa thèse de doctorat, Sanctorum Communio, a quelque chose d’exceptionnel pour l’époque : un jeune étudiant de 21 ans écrit une réflexion dogmatique sur la sociologie de l’Église à partir du Christ. Réfléchir à partir du Christ sur ce que l’Église devrait être, cela paraissait incongru. Bien plus qu’une institution, l’Église est pour lui le Christ existant sous forme de communauté. Le Christ n’est pas un peu présent par l’Eglise, non : il existe aujourd’hui pour nous sous forme d’Église. C’est tout à fait fidèle à saint Paul. C’est ce Christ qui a pris sur lui notre sort, qui a pris notre place. Cette façon de faire du Christ reste la loi fondamentale de l’Église : prendre la place de ceux qui ont été exclus, de ceux qui se trouvent en dehors, comme Jésus l’a fait au cours de son ministère et déjà au moment de son baptême. Il est frappant de voir comment ce livre parle de l’intercession : elle est comme le sang qui circule dans le Corps du Christ. Pour exprimer cela, Bonhoeffer prend appui sur des théologiens orthodoxes. Il parle aussi de la confession, qui n’était pratiquement plus en usage dans les Églises protestantes. Imaginez cela : un jeune homme de 21 ans affirme qu’il est possible qu’un ministre de l’Église nous dise : « Tes péchés te sont pardonnés » et qu’il affirme que cela fait partie de l’essence de l’Église : quelle nouveauté dans son contexte !
Le deuxième écrit, c’est un livre qu’il a rédigé quand il a été appelé à devenir directeur d’un séminaire pour les étudiants en théologie qui envisageaient un ministère dans l’Église confessante, des hommes qui devaient se préparer à une vie très dure. Presque tous ont eu à faire à la Gestapo, certains ont été jetés en prison. En allemand le titre est extrêmement bref : Nachfolge, suivre. Cela dit tout sur le livre. Comment prendre au sérieux ce que Jésus a exprimé, comment ne pas le mettre de côté comme si ses paroles étaient pour d’autres temps ? Le livre le dit : suivre n’a pas de contenu. On aurait aimé que Jésus ait un programme. Et pourtant non ! À sa suite, tout dépend de la relation avec lui : c’est lui qui va devant et nous suivons.
Suivre, cela veut dire, pour Bonhoeffer, reconnaître que si Jésus est vraiment ce qu’il a dit de lui-même, il a, dans notre vie, droit sur tout. Il est le « médiateur ». Aucune relation humaine ne peut prévaloir contre lui. Il cite les paroles du Christ appelant à quitter les parents, la famille, tous ses biens. Cela fait un peu peur aujourd’hui, et on a pu le reprocher à ce livre : Bonhoeffer ne donne-t-il pas une image trop autoritaire du Christ ? On lit pourtant dans l’Évangile combien les gens ont été étonnés de l’autorité avec laquelle Jésus enseigne et avec laquelle il chasse les mauvais esprits. Il y a une autorité en Jésus. Lui-même, cependant, se dit tout autre que les Pharisiens, doux et humble de cœur, c’est-à-dire éprouvé lui-même et en dessous de nous. C’est ainsi qu’il s’est toujours présenté et c’est derrière cette humilité qu’est la vraie autorité.
Tout ce livre est bâti ainsi : écouter avec foi et mettre en pratique. Si on écoute avec foi, si on se rend compte que c’est lui, le Christ, qui parle, on ne peut pas ne pas mettre en pratique ce qu’il dit. Si la foi s’arrêtait devant la mise en pratique, elle ne serait plus la foi. Elle poserait une limite au Christ qu’on a écouté. Bien sûr, sous la plume de Bonhoeffer, cela peut paraître un peu trop fort, mais est-ce que l’Église n’a pas toujours à nouveau besoin de cette écoute-là ? Une écoute simple. Une écoute directe, immédiate, qui croit qu’il est possible de vivre ce que le Christ demande.
Le troisième écrit, ce sont les fameuses lettres de prison, Résistance et soumission. Dans un monde où il perçoit que Dieu n’est plus reconnu, dans un monde sans Dieu, Bonhoeffer se pose la question : comment allons-nous parler de Lui ? Allons-nous essayer de créer des domaines de culture chrétienne, en plongeant dans le passé, avec une certaine nostalgie ? Allons-nous essayer de provoquer des besoins religieux chez des gens qui apparemment n’en ont plus ? Aujourd’hui on peut dire qu’il y a un regain d’intérêt religieux, mais ce n’est souvent que pour donner un vernis religieux à la vie. Il serait faux de notre part de créer explicitement une situation dans laquelle les gens auraient besoin de Dieu.
Comment allons-nous alors parler du Christ aujourd’hui ? Bonhoeffer répond : par notre vie. C’est impressionnant de voir comment il décrit le futur à son filleul : « vient le jour où il sera peut-être impossible de parler ouvertement, mais nous allons prier, nous allons faire ce qui est juste, et le temps de Dieu viendra ». Bonhoeffer croit que le langage nécessaire nous sera donné par la vie. Nous pouvons tous ressentir aujourd’hui, même à l’égard de ceux qui sont les plus proches de nous, une grande difficulté à parler de la rédemption par le Christ, de la vie après la mort ou, plus encore, de la Trinité. Tout cela est tellement loin pour des gens qui, dans un certain sens, n’ont plus besoin de Dieu. Comment avoir cette confiance que si nous en vivons, le langage nous sera donné ? Il ne nous sera pas donné si nous rendons l’Évangile acceptable en le diminuant. Non, le langage nous sera donné si nous en vivons vraiment.
Dans ses lettres comme dans le livre sur suivre le Christ, tout se termine d’une façon presque mystique. Il n’aurait pas voulu qu’on dise cela, mais quand il s’agit d’être avec Dieu sans Dieu, on pense à saint Jean de La Croix, ou à sainte Thérèse de Lisieux dans ce phase très dure qu’elle a traversée à la fin de sa vie. C’est cela que voulait Bonhoeffer : rester avec Dieu sans Dieu. Oser se tenir à côté de Lui quand il est refusé, rejeté. Cela donne une certaine gravité à tout ce qu’il a écrit. Il faut pourtant savoir qu’il était optimiste. Sa vision de l’avenir a quelque chose de libérateur pour les chrétiens. Il avait confiance ; le mot confiance revient si souvent dans ses lettres de prison.
En prison, Bonhoeffer aurait voulu écrire un commentaire du psaume 119, mais il n’est arrivé qu’à la troisième strophe. Dans ce Psaume un verset résume bien ce dont Bonhoeffer a vécu : Tu es proche, toi Seigneur, tout ce que tu ordonnes est vérité. Dietrich Bonhoeffer a vécu de cette certitude que le Christ est réellement proche, dans toutes les situations, même les plus extrêmes. Tu es proche, toi Seigneur, tout ce que tu ordonnes est vérité. Nous pouvons croire que ce que tu ordonnes est non seulement vrai, mais digne de notre entière confiance.

frère François, de Taizé

DIETRICH BONHOEFFER – 1906- 1945 – mort le 9 avril 1945 au camp de concentration de Flossenbürg

9 avril, 2013

http://www.erf-auteuil.org/protestantisme/dietrich-bonhoeffer.html

DIETRICH BONHOEFFER – 1906- 1945

Dietrich Bonhoeffer, né le 4 février 1906 à Breslau (aujourd’hui Wrocław), mort le 9 avril 1945 au camp de concentration de Flossenbürg, en Bavière, près de l’actuelle frontière germano-tchèque, est un pasteur luthérien évangélique, théologien, écrivain et résistant au nazisme.
(extrait du Wikipedia)

1906-1945

Les grandes figures du Protestantisme n°6

Dietrich Bonhoeffer chercha sa route en un cheminement douloureux qui le mena, de la lutte pour la liberté de l’Eglise, à l’engagement politique. En 1939, à la sécurité douillette de l’asile américain, il préféra retourner en Allemagne.  » Je dois traverser cette période difficile de notre histoire nationale avec les chrétiens d’Allemagne  » expliqua-t-il. Privé de sa chair à l’Université, puis interdit de parole à l’Eglise, à cause de ses prises de position contre le nazisme, arrêté en 1943, traîné de prison en camp de concentration, Bonhoeffer fut condamné à la pendaison pour conspiration contre le régime. La sentence fut exécutée le 9 avril 1945. Il avait à peine 39 ans. Le matin de son exécution, il fit un culte, à la demande de se camarades. Ensuite, on vint le chercher pour l’emmener au gibet ; il eut juste le temps d’écrire au crayon son nom et son adresse dans son Plutarque, à la première et à la dernière page, et sur une page du milieu. C’était le dernier ouvrage qu’il avait demandé et reçu.
 » Le Prix de la Grâce  » et  » De la vie communautaire  » sont fortement marqués par sa théologie, axée sur le christocentrisme et la réhabilitation de l’Eglise visible – Eglise responsable qui doit inviter le chrétien non à se tourner vers un  » monde meilleur  » à venir, ce qui est fuite vers l’éternité, mais à trouver par lui-même la solution à ses problèmes : l’Eglise et le chrétien appartiennent pleinement au monde.
Du chrétien, Bonhoeffer réclame une vie de discipline, dans l’obéissance au Christ. Dans Le Prix de la Grâce, il tonne contre l’apathie de ses contemporains, leur abandon à tout effort, leur refus de la contrainte, leur paresse à se réformer :  » La grâce à bon marché, c’est la grâce considérée comme une marchandise à liquider, le pardon au rabais, le consolation au rabais, le sacrement au rabais ; la grâce servant de magasin intarissable à l’Eglise où des mains inconsidérées puisent pour distribuer sans hésitation ni limite ; la grâce non tarifée, la grâce qui ne coûte rien […]. La grâce à bon marché, c’est la grâce que n’accompagne pas l’obéissance, la grâce sans la croix, la grâce abstraction faite de Jésus-Christ vivant et incarné « . La grâce coûte cher, dit-il encore,  » parce qu’elle contraint l’homme à se soumettre au joug de l’obéissance à Jésus-Christ « .
De même qu’il refusa cette  » ennemie mortelle de notre Eglise  » qu’est la grâce à bon marché, il rejeta l’image d’un Dieu  » d’émotions sentimentales « , qu’il opposait à celle d’un Dieu de vérité. Dénonçant la fraternité chrétienne prise comme communauté rêvée pieuse, il écrit dans De la vie communautaire :  » Dieu hait la rêverie pieuse, car elle fait de nous des êtres durs et prétentieux. Elle nous fait exiger l’impossible de Dieu, des autres et de nous-même. Au nom de notre rêve, nous posons à l’Eglise des conditions et nous nous érigeons en juges sur nos frères et sur Dieu lui-même « . De ce fait, quand les choses ne vont pas, quand le rêve se brise, nous accusons nos frères, puis Dieu, et puis,  » en désespoir de cause, c’est contre nous-mêmes que se tourne notre amertume « .
Assurément, cette autonomie du chrétien ne doit pas être comprise comme une liberté orgueilleuse de l’homme, mais comme la liberté humble qui est celle du disciple du Christ. Le fondement de la pensée du théologien allemand est christologique ; ce qu’il veut souligner, c’est le rapport indissoluble de Dieu et du réel et il démontre que c’est en Jésus-Christ que s’offre à l’homme la possibilité d’avoir part à la réalité de Dieu et du monde. Bonhoeffer proclame cette  » majorité  » de l’homme au nom du Christ crucifié et ressuscité : le crucifié est celui qui libère, dirige et renouvelle la  » vraie mondanité « , c’est-à-dire ce qui est authentiquement d’ici-bas.
Du fond de sa prison, il allait développer dialectiquement sa théologie du monde adulte – d’où l’ambivalence de sa pensée. L’unité paradoxale de la théologie de la croix et celle de l’âge adulte y est en tout cas nettement exprimée :  » l’age adulte, dit-il, n’est plus maintenant un motif de polémique et d’apologétique, mais on le comprend effectivement beaucoup mieux qu’il ne se comprend lui-même à partir de l’Evangile et du Christ « . Et dans son célèbre texte du 16 juillet 1944, il explique :  » En devenant majeurs, nous sommes amenés à reconnaître réellement notre situation devant Dieu. Dieu nous fait savoir qu’il nous faut vivre en tant qu’hommes qui parviennent à vivre sans Dieu. Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne (Marc 15, 34) !  » Et encore :  » On peut dire que l’évolution du monde vers l’âge adulte, faisant table rase d’une fausse image de Dieu, libère le regard de l’homme pour le diriger vers le Dieu de la Bible qui acquiert sa puissance et sa place dans le monde par son impuissance.  » On l’aura compris, l’image d’un Dieu faible, et non tout puissant, est celle qu’il emporta avec lui au gibet.
Notons par ailleurs que pour Bonhoeffer, comme d’ailleurs pour Kierkegaard, une christologie doit commencer dans le silence, le silence de l’Eglise devant la Parole.  » Parler du Christ signifie se taire , dit-il ; se taire à propos du Christ signifie parler. Des paroles justes dites par l’Eglise à partir d’un silence juste – voilà la proclamation du Christ  » (Cours donné à l’université de Berlin pendant le semestre d’été 1933).
Il voulait écrire un ouvrage sur l’éthique ; il n’en eut pas le temps. Le livre qui aujourd’hui porte ce titre, Ethique, a été publié après sa mort par son ami Eberhard Bethge. Il se compose de fragments, d’ébauches, d’études rédigés par Bonhoeffer. On aura une idée de l’évolution de la pensée du théologien allemand en comparant le langage d’ « Ethique  » avec celui de  » Résistance et Soumission  » : Ainsi, dans le premier, il écrit :  » Etre chrétien consiste en ceci : l’homme peut et doit vivre en homme devant Dieu  » ; dans le second, il dit :  » Devant Dieu et avec Dieu nous vivons sans Dieu « . Néanmoins, tant  » Le Prix de la Grâce « , œuvre de 1937, que  » Résistance et Soumission « , ses lettres de captivité, se terminent par le motif de l’imitatio *.
Chrétiens et païens
Les hommes vont à Dieu dans leur misère Et demandent du secours, du bonheur et du pain, Demandent d’être sauvés de la maladie, de la faute et de la mort Tous font cela, tous, chrétiens et païens.
Des hommes vont à Dieu dans sa misère, Le trouvent pauvre et méprisé, sans asile et sans pain, Le voient abîmé sous le péché, la faiblesse et la mort ; Les chrétiens sont avec Dieu dans sa Passion
Dieu va vers tous les hommes dansleur misère, Dieu rassasie leur corps et leur âme de son Pain ; Pour les chrétiens et les païens, Dieu souffre la mort de la croix Et son pardon est pour tous, chrétiens et païens.

Résistance et soumission. Lettres et notes de captivité, juillet 1944.

Liliane CRÉTÉ
(*) Imitatio : Dans Le Prix de la Grâce, il écrit :  » L’image de Jésus-Christ que celui qui obéit a sans cesse devant les yeux – à côté de laquelle toutes les autres disparaissent pour lui – pénètre en lui, le remplit, le transforme, afin que le disciple devienne semblable et même en tous points identique à son maître. L’image de Jésus-Christ, par la communion quotidienne, grave l’image du disciple. « 

Dietrich Bonhoeffer: La prière d’intercession

3 juillet, 2012

http://www.ndweb.org/ecrit/bonhoeffer/bonhoeffer.html

DIETRICH BONHOEFFER

La prière d’intercession

Une communauté chrétienne vit de l’intercession de ses membres, sinon elle meurt.

Quand je prie pour un frère, je ne peux plus en dépit de toutes les misères qu’il peut me faire, le condamner ou le haïr. Si odieux et si insupportable que me soit son visage, il prend au cours de l’intercession l’aspect de frère pour lequel le Christ est mort, l’aspect du pécheur gracié. Quelle découverte apaisante pour le chrétien que l’intercession : il n’existe plus d’antipathie, de tension ou de désaccord personnel dont, pour autant qu’il dépend de nous, nous ne puissions triompher. L’intercession est bain de purification où, chaque jour, le fidèle et la communauté doivent se plonger. Elle peut signifier parfois une lutte très dure avec tel d’entre nos frères, mais une promesse de victoire repose sur elle.
Comment est-ce possible ? C’est que l’intercession n’est rien d’autre que l’acte par lequel nous présentons à Dieu notre frère en cherchant à le voir sous la croix du Christ, comme un homme pauvre et pécheur qui a besoin de sa grâce. Dans cette perspective, tout ce qui me le rend odieux disparaît, je le vois dans toute son indigence, dans toute sa détresse, et sa misère et son péché me pèsent comme s’ils étaient miens, de sorte que je ne puis plus rien faire d’autre que prier : Seigneur agis toi-même sur lui, selon Ta sévérité et Ta bonté. Intercéder signifie mettre notre frère au bénéfice du même droit que nous avons reçu nous-mêmes ; le droit de nous présenter devant le Christ pour avoir part à sa miséricorde.
Par là nous voyons que notre intercession est un service que nous devons chaque jour à Dieu et à nos frères. Refuser à notre prochain notre intercession c’est lui refuser le service chrétien par excellence. Nous voyons aussi que l’intercession est, non pas une chose générale, vague, mais un acte absolument concret. Il s’agit de prier pour telles personnes, telles difficultés et plus l’intercession est précise, et plus aussi elle est féconde.

Dietrich BONHOEFFER

Grand théologien de l’Eglise luthérienne allemande, pasteur,
Dietrich Bonhoeffer lutta ouvertement et jusqu’à sa mort contre le nazisme.
(1906 – 1945)
Texte extrait de « De la vie communautaire », Ed : Delachaux et Niestlé, collection « l’actualité protestante », 1947, 141 p, p85 – 87.

Dietrich Bonhoeffer : la création

3 juillet, 2012

http://www.erf-auteuil.org/protestantisme/bonhoeffer-la-creation.html

BONHOEFFER : la création

Les grandes figures du protestantisme et leur rapport à la Bible n°4

A l’université de Berlin, lorsque Dietrich Bonhoeffer y faisait ses études, prévalait la méthode historico-critique de la Bible. Cette méthode ne le satisfit pas puisqu’il déclara un jour que la critique historique des textes bibliques n’était que  » poussière et cendre « . Plus tard, il révisa quelque peu son opinion et reconnut que le travail historique sur les textes devait être fait, même si la critique avait peu à dire concernant le message de l’Ecriture. Son ami et biographe Eberhard Bethge raconte qu’il aimait, en parlant de l’exégèse biblique, évoquer l’image de la traversée d’une rivière gelée en sautant d’un caillou à l’autre.(1) Progres-sivement Bonhoeffer se détacha de la méthode historico-critique et dans le séminaire qu’il dirigea à l’université de Berlin, il pratiqua ce qu’on appelait alors l’ » exégèse pneumatique « . Dans l’Ecriture, disait-il, il y a la révélation, parce que Dieu y parle ; certes, c’est indémontrable, mais c’est de là qu’il faut partir. Pendant l’hiver 1932-1933, il donna un cours sur Genèse 1-3. Il appela sa méthode une  » Exégèse théologique  » (autre nom pour l’exégèse pneumatique) : le texte devait être lu moins comme un document du temps passé que comme parole vivante et présente.
Ce cours fut publié sous le titre Création et Chute ; l’édition française date de 1999.(2) Dans son introduction, il déclare :  » Une exégèse théologique va considérer la Bible comme le livre de l’Eglise, et c’est en cette qualité qu’elle va l’interpréter. Sa méthode n’est rien d’autre que cette présupposition et elle consiste à revenir constamment du texte à cette présupposition (le texte devant être analysé au moyen de toutes les techniques de la recherche philologique et historique). Telle est l’objectivité de la méthode de l’exégèse théologique « .
Création et Chute est un petit ouvrage fascinant, très dense du point de vue de la réflexion théologique et du langage. Les thèmes abordés sont naturellement le  » commencement  » et le  » péché  » inséparables dans la pensée de Bonhoeffer ; mais deux autres notions essentielles dans son interprétation sont la  » liberté  » et la  » limite « . Etant donné l’impossibilité de tracer ces notions-clés de l’exégèse du théologien allemand en deux pages, je me propose de vous présenter aujourd’hui  » La Création  » et de traiter  » La Chute  » dans le prochain bulletin.
Prenons pour point de départ Gen. 1, 1-2 :  » Au commencement Dieu créa le ciel et la terre « . Ce qui signifie, explique Bonhoeffer que le créateur (dans sa liberté) a créé la créature. Le rapport entre les deux n’est conditionné que par la liberté, c’est-à-dire qu’il est inconditionnel. Ce qui exclut tout recours à des catégories causales pour la compréhension de la création. Créateur et créature ne peuvent absolument pas être interprétés dans une relation de cause à effet. Il n’y a entre eux ni règle concernant la pensée ni règle concernant l’effet, ni quoi que ce soit d’autre. Entre créateur et créature, il n’y a tout simplement que le néant. On ne saurait donc avancer une nécessité qui aurait dû conduire à l’acte de la création. En somme, rien ne motive la création. C’est de ce néant que sort la création. Mais, ajoute-t-il,  » le néant n’a aucun caractère angoissant pour la première création ; au contraire, c’est la louange éternelle à la gloire du créateur qui a fait le monde à partir de rien. Le monde repose sur le néant, au commencement, et cela ne veut rien dire d’autre que ceci : le monde repose entièrement sur la liberté de Dieu. La créature appartient au créateur qui est libre « . Cela signifie aussi pour Bonhoeffer, que le Dieu du commencement, celui qui a créé dans la liberté, à partir du néant, est le Dieu de la résurrection :  » Dès le commencement, le monde est sous le signe de la résurrection de Christ d’entre les morts. Bien plus, c’est parce que nous avons connaissance de la résurrection que nous connaissons aussi la création par Dieu, au commencement, la création par Dieu à partir du néant. Le Jésus-Christ mort du vendredi saint – et le Seigneur ressuscité du dimanche de Pâque, c’est cela la création à partir du néant, la création à partir du commencement « .(3) C’est seulement à partir du Christ, de sa mort et de sa résurrection, que l’homme peut comprendre ce que veut dire  » création  » et donc ce que nous sommes. Mais d’un autre côté, ajoute Bonhoeffer,  » c’ est par la création que nous connaissons la puissance de sa résurrection car il demeure le maître du néant « . (4)
Si au commencement est Dieu, la créature, l’homme, ne se trouve pas au  » commencement « , à l’origine, ni à la fin. Il est entre. Il est, dit Bonhoeffer, dans  » l’entre-deux terrifiant « .(5) Ce n’est par une question de lieux mais de niveaux. L’homme ne se trouve pas sur le même plan que son origine. Il aimerait se projeter vers le commencement, mais ce commencement n’est pas à sa portée. La place de l’homme est l’ » entre-deux « . Il est libre, mais il lui a été donné une limite qu’il ne peut dépasser sous peine de mourir et cette limite est située au centre.
Examinons son commentaire de Gen 2, 8-17. Bonhoeffer s’interroge d’abord sur la place dans le Jardin de l’arbre de vie et de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car les notions de  » centre « , et de  » limite « , sont essentielles dans sa pensée pour comprendre le péché. A propos de l’arbre de Vie, il écrit :  » La vie qui vient de Dieu est donc au centre, ce qui signifie que Dieu, qui donne la vie, est au centre « . Cette vie, l’homme la reçoit en présence de Dieu, en qualité d’être humain ; il la reçoit  » dans son obéissance, dans son innocence, dans son ignorance, ce qui veut dire qu’il l’a dans la liberté. Le fait que l’être humain vive, c’est quelque chose qui se produit dans l’obé-issance et pour cause de liberté « .(6) Dieu n’a pas interdit à Adam de toucher à l’arbre de vie. Pourquoi voudrait-il y toucher ? Il a en effet la vie.
Il n’en est pas de même de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. De façon magistrale, Bonhoeffer démontre que l’ordre donné à Adam de ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance marque la limite de la liberté de l’homme et renforce son statut de créature.  » Par l’interdiction, Adam est interpellé sur sa liberté et sur sa situation de créature, et cette interdiction se situe dans l’essence de sa propre personne « . Dans le langage imagé de la Bible, le  » mélange singulier  » qui est celui de la liberté et de la condition de créature, s’exprime par le fait que l’arbre interdit est situé au centre :  » La limite de l’être humain est au centre de son existence, dit-il, pas sur ses marges. La limite que l’on cherche sur les marges de l’être humain, c’est la limite de sa nature, de sa technique, de ses possibilités. Mais la limite qui est située au centre, c’est celle de sa réalité, tout simplement celle de son être … Reconnaître la limite au centre entraîne la limitation de toute l’existence, de l’existence humaine dans n’importe quelle attitude. Là où se trouve la limite – l’arbre de la connaissance – là aussi se trouve l’arbre de la vie – c’est-à-dire le Dieu source de vie en personne. Il est à la fois limite et centre de notre existence « . (7)
La grande originalité de sa réflexion est de démontrer que cette  » limite  » doit être comprise comme un  » don  » de Dieu, comme une grâce. Cette limite située au centre de l’être qui définit l’homme dans son rapport à Dieu, est aussi pour le théologien allemand, nous le verrons la prochaine fois, la limite qui définit l’homme par rapport à l’autre homme.

Liliane CRÉTÉ

(1) Eberhard Bethge, Dietrich Bonhoeffer, Pensée, Témoignage, Génève, Labor et Fides, 1969, p. 73.
(2) Dietrich Bonhoeffer, Création et chute, traduction Roland Levet, revue par Hans Christoph Askani, Paris, Les Bergers et les Mages, 1999.
(3) Ibid. p. 32-33.
(4) Ibid. p. 33.
(5) Ibid. p. 29.
(6) Ibid. p. 67.
(7) Ibid. p. 68.
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BONHOEFFER – SUIVRE JÉSUS (une étude en trois parties)

27 février, 2012

http://tommyab.wordpress.com/2011/02/28/bonhoeffer-lobeissance-simple/

BONHOEFFER – SUIVRE JÉSUS
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une étude en trois parties:

1. La croix
2. L’appel à suivre le Christ
3.  L’obéissance simple
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 Suivre Jésus : La croix
Ce quatrième chapitre débute par le passage de Marc 8 dans lequel Jésus annonce sa mort et sa résurrection et, suite à la tentative de Pierre de le reprendre, il enseigne à ses disciple que ceux-ci doivent se charger de leur croix.
L’appel à suivre le Christ est ici en rapport avec l’annonce des souffrances de Jésus.
Il souligne le caractère particulier des souffrance de la croix, qui impliquent aussi le rejet.
La souffrance, tragique, pourrait encore porter en soi sa propre valeur, son propre honneur, sa propre dignité. Mais Jésus est le Christ rejeté dans la souffrance. Le fait d’être rejeté enlève à la souffrance toute dignité et tout honneur.
… Souffrir et être rejeté, voilà l’expression qui résume la croix de Jésus.
Et il spécifie que la croix n’est pas, comme le veut l’expression populaire, n’importe quelles souffrances (soulignements ajoutés par moi).
La croix, ce ne sont pas des maux et un destin pénible, c’est la souffrance qui résulte pour nous uniquement du fait que nous sommes attachés à Jésus.
… La croix est une souffrance liée non à l’existence naturelle, mais à la condition du chrétien. La croix n’est nullement essentiellement souffrance, mais souffrance et rejet, à comprendre ici aussi littéralement: il s’agit d’un rejet à cause de Jésus Christ, et non à cause de n’importe quelle autre conduite ou confession de foi.
Il énumère ensuite les souffrances du chrétien.
La première souffrance du Christ, dont chacun de nous doit faire l’expérience, est l’appel qui nous convie à sortir des attachements de ce monde. C’est la mort du vieil homme…
… Le chrétien se transforme en porteur de fardeaux – portez les fardeaux les uns les autres et vous accomplirez ainsi la loi du Christ (Gal 6,2). De même que le Christ porte notre fardeau, nous devons porter les fardeaux de nos frères…
Il termine le chapitre en parlant de l’Église.
Ainsi la souffrance devient-elle la marque distinctive de ceux qui obéissent au Christ.
… l’Église… la communauté de ceux “qui sont persécutés et martyrisés à cause de l’Évangile”.
… Suivre Jésus, c’est être lié au Christ souffrant. C’est pourquoi la souffrance des chrétiens n’a rien de déconcertant.
… la communauté sait aussi maintenant que la souffrance du monde est à la recherche de quelqu’un qui la porte. De sorte que, dans l’obéissance au Christ, la souffrance retombe sur la communauté, et elle la porte en étant elle-même portée par le Christ. La communauté de Jésus Christ se tient devant Dieu à la place du monde dans la mesure où elle le suit sous la croix.
Dieu est un Dieu qui porte… Celui qui obéit est également appelé à porter: être chrétien consiste à se charger.

Bonhoeffer – L’appel à suivre le Christ
Dans ce deuxième chapitre, Bonhoeffer se sert de l’exemple de l’appel de Lévi (Matthieu) et des autres disciples pour faire la comparaison entre l’obéissance du disciple et la religion.
Parlant de Lévi:
La réponse du disciple ne consiste pas dans une confession de foi en Jésus, mais dans un acte d’obéissance.
… C’est lui qui appelle, et c’est la raison pour laquelle le péager obéit.
… Ce qui est ancien demeure en arrière, complètement abandonné. Le disciple est arraché à la sécurité relative de la vie et jeté dans l’incertitude totale (c’est-à-dire, en vérité, dans la sécurité et la retraite absolues de la communauté de Jésus); arraché au domaine du prévisible, de ce que l’on peut évaluer (c’est-à-dire, en vérité, totalement imprévisible), et jeté dans celui du totalement imprévisible, du pur hasard (c’est-à-dire, en vérité, dans le domaine de ce qui seul est nécessaire et appréciable);…
… la rupture totale de tout programme, de toute idéalité, de tout légalisme. C’est pourquoi aucun autre contenu n’est possible, Jésus Christ étant le seul contenu. À côté de Jésus, il n’y a, ici, plus de contenu. Lui seul l’est.
Bonhoeffer s’attarde dans ce chapitre à démontrer que la foi et l’obéissance sont une “unité indissoluble”, et que l’obéissance précède bien souvent la croyance, que celui qui attend de croire avant d’obéir attend en vain. Il parle de Pierre qui demande à Jésus de lui ordonner d’aller sur les eaux.
Celui qui n’est pas obéissant ne peut pas croire.
… Si tu crois, fais le premier pas! Il conduit à Jésus Christ. Si tu ne crois pas, fais ce même pas, il t’est commandé. On ne te pose pas la question de savoir si tu crois ou non, on te commande un acte d’obéissance à accomplir immédiatement. C’est par cet acte qu’est donnée la situation où la foi devient possible et existe réellement.
… il faut que Pierre s’aventure sur la mer incertaine afin de pouvoir croire. En bref, la situation est donc la suivante: avec la phrase selon laquelle “seul le croyant est obéissant”, l’être humain s’est intoxiqué de grâce à bon marché. Il demeure dans la désobéissance et se console avec un pardon qu’il se promet à lui-même, se fermant de la sorte à la Parole de Dieu.
Du point de vue de la formation de disciples, cela est fondamental.
Ayant accompli ce premier pas, celui qui marche à la suite de Jésus est placé dans une situation qui lui permet de croire. S’il ne suit pas, s’il demeure sur place, il n’apprendra pas à croire.
… Il faut que Pierre sorte du bateau et marche sur l’eau incertaine, afin de faire l’expérience de son impuissance et de toute la puissance de son Seigneur.
Il conclut par l’entretien de Jésus avec le jeune homme riche, et avec le docteur de la loi, qui tous deux ont posé la question un peu semblable “que dois-je faire?”.
La seule issue qui lui reste est: fais ce que tu sais, et tu vivras.
… “Et qui est mon prochain?”  … Toute l’histoire du bon Samaritain n’est que l’opposition de Jésus à cette question, qui la démolit parce que c’est une question satanique; c’est une question sans fin, sans réponse.
… Certes, je veux être obéissant, mais Dieu ne me dit pas comment faire. Le commandement de Dieu est équivoque, il me laisse au milieu d’un éternel conflit. La question “que dois-je faire?” constituait la première imposture; la réponse est: accomplis le commandement que tu connais! Tu ne dois pas poser de questions mais agir.
… Il me faut agir, il me faut obéir, il me faut être le prochain de l’autre…
… Ce qu’est l’obéissance, c’est en obéissant que je l’apprends, non en posant des questions; ce n’est que dans l’obéissance que je reconnais la vérité.

Bonhoeffer – L’obéissance simple
Dans ce troisième chapitre, Bonhoeffer compare ce qu’il appelle “l’obéissance simple”, seul voie pour recevoir la foi, à “justification de soi-même” par des réflexions “pseudo-théologiques”. Partant de l’exemple du jeune homme riche, il écrit:
Si Jésus Christ parlait de la sorte aujourd’hui à l’un de nous par l’Écriture sainte, il est probable que nous discuterions de la façon suivante: Jésus commande, il est vrai, quelque chose de tout à fait particulier. Toutefois, quand Jésus commande, je dois savoir qu’il n’exige jamais une obéissance légaliste, mais qu’il requiert de moi une seule chose: que je croie. Et ma foi n’est pas liée à la pauvreté ou à la richesse, ou à quelque chose de ce genre; bien plus, dans la foi, j’ai la possibilité d’être les deux à la fois: pauvre et riche. Ce qui importe, ce n’est pas que je n’aie pas de biens, mais que je les aie comme si je ne les avais pas, et que je sois intérieurement libre à leur égard, que je n’attache pas mon cœur à ma fortune. Jésus dira donc, par exemple “Vends tes biens!”, mais il veut dire: “En réalité, ce qui importe, ce n’est pas que tu accomplisses extérieurement le commandement, bien plus, conserve tranquillement tes biens, mais aie-les comme si tu ne les avais pas; n’attache pas ton cœur à tes biens.” Notre obéissance à la parole de Jésus consisterait alors à refuser l’obéissance simple, parce qu’elle serait légaliste, mais que nous soyons obéissants “dans la foi”. En cela, nous nous distinguons du jeune homme riche. Dans sa tristesse, il n’a pas réussi à se tranquilliser en se disant: “Il est vrai que, malgré la parole de Jésus, je vais rester riche, mais intérieurement, je vais me libérer de ma richesse, dans toute mon insuffisance, mettre mon espoir dans le pardon des péchés, et, dans la foi, être en communion avec Jésus”; au contraire, il s’en alla tout triste; en même temps que l’obéissance, la foi lui avait échappé. Le jeune homme a ainsi été parfaitement honnête. Il s’est séparé de Jésus, et, certes, cette honnêteté contient plus de promesse qu’un simulacre de communion avec Jésus reposant sur l’absence d’obéissance.

Là où l’obéissance simple est fondamentalement éliminée, la grâce qui coûte provenant de l’appel de Jésus s’est transformée en grâce à bon marché, celle de la justification de soi-même.