Archive pour la catégorie 'COMMENT ON LECTURES DU DIMANCHE'

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT – SAINT LUC 17, 11-19

8 octobre, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 9 OCTOBRE 2016

EVANGILE – SELON SAINT LUC 17, 11-19

11 Jésus, marchant vers Jérusalem,
traversait la Samarie et la Galilée.
12 Comme il entrait dans un village,
dix lépreux vinrent à sa rencontre.
Ils s’arrêtèrent à distance
13 et lui crièrent :
« Jésus, maître,
prends pitié de nous. »
14 En les voyant, Jésus leur dit :
« Allez vous montrer aux prêtres. »
En cours de route, ils furent purifiés.
15 L’un d’eux, voyant qu’il était guéri,
revint sur ses pas en glorifiant Dieu à pleine voix.
16 Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus
en lui rendant grâce.
Or, c’était un Samaritain.
17 Alors Jésus demanda :
« Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés ?
Et les neuf autres, où sont-ils ?
18 On ne les a pas vus revenir pour rendre gloire à Dieu ;
il n’y a que cet étranger ! »
19 Jésus lui dit :
« Relève-toi et va :
ta foi t’a sauvé. »

Jésus est en route vers Jérusalem ; il sait que ce voyage le conduit à sa Passion, sa mort et sa Résurrection ; on peut penser que si Luc tient à nous parler de son itinéraire, c’est parce que ce qu’il va nous raconter maintenant a un lien direct avec le mystère du salut que le Christ apporte à l’humanité.
Donc Jésus traverse la Samarie et la Galilée ; dix lépreux viennent à sa rencontre, mais ils restent à distance : la Loi leur interdit de s’approcher de quiconque ; ils sont contagieux à tous points de vue ; la lèpre est une maladie très contagieuse et d’autre part, elle était, à l’époque, considérée comme le signe de la malédiction divine, car on croyait qu’elle était le signe du péché. Nos dix lépreux s’arrêtent donc à distance de Jésus et, de loin, ils crient vers lui. Ce cri et le titre « Maître » qu’ils décernent à Jésus sont à la fois l’aveu de leur faiblesse et de la confiance qu’ils mettent en lui. Jésus ne bouge pas, ne se rapproche pas d’eux. Déjà une fois Luc (chap. 5, 12) avait raconté la guérison d’un lépreux par Jésus : l’homme était près de lui, Jésus avait tendu la main et l’avait touché pour le guérir ; cette fois, dans l’épisode des dix lépreux, c’est de loin que Jésus dit aux malades : « Allez vous montrer aux prêtres » ; se montrer aux prêtres, c’était la démarche que les lépreux devaient faire pour que leur guérison soit officiellement reconnue. Cet ordre de Jésus est donc en soi une promesse de guérison.
On peut rapprocher l’attitude de Jésus dans l’épisode des dix lépreux de celle du prophète Elisée envers Naaman dans la première lecture ; Elisée non plus n’avait pas fait un geste, il avait simplement fait dire par son serviteur : « Va te baigner sept fois dans l’eau du Jourdain et tu seras purifié. » Dans les deux cas, effectivement, l’obéissance à l’ordre reçu apporte aux lépreux la guérison. Dans l’épisode qui nous occupe, les lépreux se mettent en marche pour aller rencontrer le prêtre ; et c’est en marchant qu’ils voient leur lèpre disparaître ; réellement, leur confiance les a sauvés. La maladie avait rapproché ces dix hommes ; dans la guérison, ils vont révéler le fond de leur coeur : ils ne sont plus dix lépreux, dix exclus ; ils sont neuf bons Juifs et un Samaritain, c’est-à-dire plus ou moins un hérétique. Tout hérétique qu’il est, le Samaritain sait que la vie, la guérison viennent de Dieu ; alors il rebrousse chemin, il fait demi-tour et cette fois, purifié, il peut s’approcher de Jésus : Luc dit « il glorifie Dieu à pleine voix » et aussi « il se jette la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce » ce qui est une attitude réservée à Dieu. Ce Samaritain vient de rencontrer le Messie et il le reconnaît. Implicitement, il vient également de reconnaître que pour rendre véritablement gloire à Dieu, ce n’est plus vers le Temple de Jérusalem qu’il faut se tourner, mais vers Jésus lui-même. Faire demi-tour, c’est précisément le sens du mot « conversion ». Et Jésus reconnaît publiquement cette conversion du Samaritain : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ».
« Et les neuf autres ? » demande Jésus. Eux n’ont pas fait demi-tour ; ils ont pourtant rencontré le Messie, eux aussi… mais ils ne l’ont pas reconnu… Ou, en tout cas, ils ont considéré comme plus urgent de se mettre en règle avec la Loi en continuant leur chemin vers le Temple et les prêtres. Jésus leur avait dit d’aller se montrer aux prêtres, ils y vont sans même prendre le temps de l’action de grâce !!!
C’est un thème fréquent des Evangiles : le salut est pour tous les hommes et, bien souvent, ce ne sont pas ceux qui s’en croient les plus proches qui l’accueillent le mieux ! « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reconnu » dit Saint Jean. L’Ancien Testament insistait déjà très fort sur ce qu’on appelle l’universalité du salut ; nous l’avons d’ailleurs entendu dans le psaume 97/98 de ce dimanche. Et la première lecture rapportait la conversion du général Syrien Naaman, lui aussi un étranger. Plus haut, dans le même évangile de Luc, Jésus a d’ailleurs commenté cet événement pour reprocher à ses compatriotes leur aveuglement à son sujet : il a commencé par constater « nul n’est prophète en son pays » puis il a ajouté : « Il y avait beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Elisée ; pourtant aucun d’entre eux ne fut purifié, mais bien Naaman le Syrien ». Et à ces mots toute la synagogue s’était mise en colère (Luc 4, 27). Et plus tard, dans les Actes des Apôtres, Luc insistera sur le refus opposé à l’évangile par toute une partie du peuple d’Israël en contraste avec le succès de la prédication chez les païens.
C’est une question qui troublait les premières générations chrétiennes ; quand Luc écrit son Evangile, par exemple, la jeune communauté chrétienne se divise sur un problème de fond : faut-il nécessairement être Juif pour être baptisé ? Ou bien peut-on admettre des non-Juifs, des païens, au Baptême ? Le récit de la guérison d’un Samaritain, d’un hérétique, et plus encore le récit de sa conversion profonde venaient à point nommé pour rappeler trois vérités à ne pas oublier : premièrement, le salut inauguré par Jésus-Christ dans sa passion, sa mort et sa Résurrection est offert à tous les hommes sans exception. Deuxièmement, rendre grâce à Dieu, c’est la vocation du peuple élu, mais parfois ce sont des étrangers considérés comme hérétiques qui le font le mieux. Troisièmement, ce sont bien souvent les pauvres qui ont le coeur le plus ouvert à la rencontre de Dieu. Pour le dire autrement : sur le chemin de Jérusalem, c’est-à-dire du salut, Jésus entraîne tous les hommes qui le veulent bien. Quelle que soit leur race, leur religion, il suffit qu’ils soient prêts à faire demi-tour.

PAPE FRANÇOIS – L’HOMME RICHE ET DU PAUVRE LAZARE.

24 septembre, 2016

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PAPE FRANÇOIS – L’HOMME RICHE ET DU PAUVRE LAZARE.

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 18 mai 2016

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je désire m’arrêter aujourd’hui avec vous sur la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare. La vie de ces deux personnes semble se dérouler sur des rails parallèles: leurs conditions de vie sont opposées et ne sont pas entièrement communicantes. Le portail de la maison du riche est toujours fermé au pauvre, qui gît dehors, en cherchant à manger quelques restes de la table du riche. Celui-ci porte des vêtements de luxe, alors que Lazare est couvert de plaies ; le riche fait chaque jour de somptueux banquets, alors que Lazare meurt de faim. Seuls les chiens prennent soin de lui et viennent lécher ses plaies. Cette scène rappelle le dur reproche du Fils de l’homme lors du Jugement dernier : « Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire, j’étais [...] nu et vous ne m’avez pas vêtu (Mt 25, 42-43). Lazare représente bien le cri silencieux des pauvres de tous les temps et la contradiction d’un monde dans lequel d’immenses richesses et ressources sont entre les mains de quelques personnes. Jésus dit qu’un jour, cet homme riche mourut : les pauvres et les riches meurent, ils ont le même destin, comme nous tous, il n’y a pas d’exception à cela. Et alors cet homme s’adressa à Abraham en le suppliant avec le nom de « père » (vv. 24.27). Il revendique donc d’être son fils, appartenant au peuple de Dieu. Pourtant, pendant sa vie, il n’a montré aucune considération envers Dieu, il a au contraire fait de lui-même le centre de tout, enfermé dans son monde de luxe et de gaspillage. Excluant Lazare, il n’a aucunement tenu compte ni du Seigneur, ni de sa loi. Ignorer le pauvre est mépriser Dieu ! Nous devons bien nous rappeler de cela : ignorer le pauvre est mépriser Dieu. On doit remarquer un détail dans la parabole : le riche n’a pas de nom, mais ils est seulement appelé par un adjectif : « le riche » ; alors que celui du pauvre est répété cinq fois et « Lazare » signifie « Dieu aide ». Lazare, qui gît devant la porte, est un rappel vivant fait au riche, pour se souvenir de Dieu, mais le riche n’écoute pas ce rappel. Il sera donc condamné, non pour ses richesses, mais pour avoir été incapable de sentir de la compassion à l’égard de Lazare et de le secourir. Dans la deuxième partie de la parabole, nous retrouvons Lazare et le riche après leur mort (vv. 22-31). dans l’au-delà, la situation s’est retournée : le pauvre Lazare est emporté par les anges au ciel auprès d’Abraham, le riche est en revanche précipité dans les tourments. Alors le riche « lève les yeux et voit de loin Abraham, et Lazare en son sein ». Il lui semble voir Lazare pour la première fois, mais ses paroles le trahissent : « Père Abaraham — dit-il — aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis tourmenté dans cette flamme ». À présent, le riche reconnaît Lazare et lui demande de l’aide, alors que lorsqu’il était en vie, il faisait semblant de ne pas le voir. — Combien de fois de nombreuses personnes font semblant de ne pas voir les pauvres! Pour eux, les pauvres n’existent pas —. Auparavant, il lui refusait jusqu’aux restes de sa table, et à présent, il voudrait qu’il lui apporte à boire! Il croit pouvoir encore s’arroger des droits en raison de sa précédente condition sociale. Déclarant qu’il est impossible d’exaucer sa requête, Abraham en personne offre la clé de tout le récit : il explique que les biens et les maux ont été distribués de manière à compenser l’injustice terrestre, et la porte qui séparait le riche du pauvre pendant leur vie s’est transformée en un « grand abîme ». Tant que Lazare gisait devant sa maison, il existait la possibilité du salut pour le riche, ouvrir la porte, aider Lazare, mais à présent que tous les deux sont morts, la situation est devenue irréparable. Dieu n’est jamais appelé directement en cause, mais la parabole met clairement en garde: la miséricorde de Dieu envers nous est liée à notre miséricorde envers notre prochain: quand celle-ci manque, l’autre non plus ne trouve pas de place dans notre cœur fermé, elle ne peut pas entrer. Si je n’ouvre pas tout grand la porte de mon cœur au pauvre, cette porte reste fermée. À Dieu aussi. Et cela est terrible. À ce moment-là, le riche pense à ses frères, qui risquent de finir de la même façon, et il demande que Lazare puisse retourner dans le monde pour les admonester. Mais Abraham réplique : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent ». Pour nous convertir, nous ne devons pas attendre des événements prodigieux; mais ouvrir notre cœur à la parole de Dieu, qui nous appelle à aimer Dieu et notre prochain. La Parole de Dieu peut faire revivre un cœur desséché et le guérir de sa cécité. Le riche connaissait la Parole de Dieu, mais il ne l’a pas laissée entrer dans son cœur, il ne l’a pas écoutée, il a donc été incapable d’ouvrir les yeux et d’avoir de la compassion pour le pauvre. Aucun messager et aucun message ne pourront remplacer les pauvres que nous rencontrons sur notre chemin, car en eux, c’est Jésus lui-même qui vient à notre rencontre : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40), dit Jésus. Ainsi, dans le retournement des destins que la parabole décrit est caché le mystère de notre salut, dans lequel Jésus unit la pauvreté à la miséricorde. Chers frères et sœurs, en écoutant cet Évangile, nous tous, avec les pauvres de la terre, nous pouvons chanter avec Marie : « Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles, il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1, 52-53).

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI – DIMANCHE DU BON PASTEUR

15 avril, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2007/documents/hf_ben-xvi_hom_20070429_priestly-ordination.html

MESSE POUR L’ORDINATION SACERDOTALE DE 22 NOUVEAUX PRÊTRES POUR LE DIOCÈSE DE ROME

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI – DIMANCHE DU BON PASTEUR

Basilique Vaticane

IV Dimanche de Pâques, 29 avril 2007

Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, Chers ordinands, Chers frères et sœurs!

Le IV dimanche de Pâques d’aujourd’hui, traditionnellement appelé du « Bon Pasteur », revêt pour nous, qui sommes rassemblés dans cette Basilique vaticane, une signification particulière. C’est un jour absolument singulier, en particulier pour vous, chers diacres, auxquels, comme Evêque et Pasteur de Rome, je suis heureux de conférer l’Ordination sacerdotale. Vous commencerez ainsi à faire partie de notre « presbyterium ». Avec le Cardinal-Vicaire, les Evêques auxiliaires et les prêtres du diocèse, je rends grâce au Seigneur pour le don de votre sacerdoce, qui enrichit notre communauté de 22 nouveaux pasteurs. La richesse théologique du bref passage évangélique qui vient d’être proclamé, nous aide à mieux percevoir le sens et la valeur de cette célébration solennelle. Jésus parle de lui-même comme du Bon Pasteur qui donne la vie éternelle à ses brebis (cf. Jn 10, 28). L’image du Pasteur est bien enracinée dans l’Ancien Testament et chère à la tradition chrétienne. Le titre de « Pasteur d’Israël » est attribué par les prophètes au futur descendant de David, et possède donc une indubitable importance messianique (cf. Ez 34, 23). Jésus est le véritable Pasteur d’Israël, dans la mesure où il est le Fils de l’homme qui a voulu partager la condition des êtres humains pour leur donner la vie nouvelle et les conduire au salut. L’évangéliste ajoute de manière significative au terme « pasteur » l’adjectif kalós, beau, qu’il utilise uniquement en référence à Jésus et à sa mission. Dans le récit des noces de Cana, l’adjectif kalós est également employé deux fois pour caractériser le vin offert par Jésus et il est facile de voir en celui-ci le symbole du bon vin des temps messianiques (cf. Jn 2, 10). « Je leur donne (à mes brebis) la vie éternelle; elles ne périront jamais » (Jn 10, 28). C’est ce qu’affirme Jésus, qui, peu de temps auparavant, avait dit:  « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (cf. Jn 10, 11). Jean utilise le verbe tithénai – offrir, qu’il répète dans les versets suivants (15.17.18); nous trouvons le même verbe dans le récit de la Dernière Cène, lorsque Jésus « déposa » ses vêtements pour ensuite « les reprendre » (cf. Jn 13, 4.12). Il est clair que l’on veut affirmer de cette façon que le Rédempteur dispose avec une liberté absolue de sa propre vie, de manière à pouvoir l’offrir et ensuite la reprendre librement. Le Christ est le véritable Bon Pasteur, qui a donné sa vie pour ses brebis, pour nous, en s’immolant sur la Croix. Il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent, comme le Père Le connaît et Lui connaît le Père (cf. Jn 10, 14-15). Il ne s’agit pas d’une pure connaissance intellectuelle, mais d’une relation personnelle profonde; une connaissance du cœur, propre à celui qui aime et qui est aimé; à celui qui est fidèle et qui sait à son tour pouvoir avoir confiance; une connaissance d’amour en vertu de laquelle le Pasteur invite les siens à le suivre, et qui se manifeste pleinement dans le don qu’il leur fait de la vie éternelle (cf. Jn 10, 27-28). Chers ordinands, que la certitude que le Christ ne nous abandonne pas et qu’aucun obstacle ne pourra empêcher la réalisation de son dessein universel de salut soit pour vous un motif de réconfort constant – même dans les difficultés – et d’espérance inébranlable. La bonté du Seigneur est toujours avec vous et elle est forte. Le Sacrement de l’Ordre que vous allez recevoir vous fera participer à la même mission que le Christ; vous serez appelés à répandre la semence de sa Parole, la semence qui contient en elle le Royaume de Dieu, à dispenser la divine miséricorde et à nourrir les fidèles à la table de son Corps et de son Sang. Pour être ses dignes ministres, vous devrez vous nourrir sans cesse de l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. En vous approchant de l’autel, votre école quotidienne de sainteté, de communion avec Jésus, de la façon d’entrer dans ses sentiments, pour renouveler le sacrifice de la Croix, vous découvrirez toujours plus la richesse et la tendresse de l’amour du divin Maître, qui vous appelle aujourd’hui à une amitié plus intime avec Lui. Si vous l’écoutez docilement, si vous le suivez fidèlement, vous apprendrez à traduire dans la vie et dans le ministère pastoral son amour et sa passion pour le salut des âmes. Chers ordinands, avec l’aide de Jésus, chacun de vous deviendra un bon pasteur, également prêt à donner, si nécessaire, sa vie pour Lui. C’est ce qui se passa aux débuts du christianisme avec les premiers disciples, alors que, comme nous l’avons entendu dans la première lecture, l’Evangile  se diffusait au milieu des consolations et des difficultés. Il vaut la peine de souligner les dernières paroles du passage des Actes des Apôtres que nous avons écoutées:  « Quant aux disciples, ils étaient remplis de joie et de l’Esprit Saint » (13, 52). Malgré les incompréhensions et les oppositions, que nous avons évoquées, l’apôtre du Christ ne perd pas la joie, il est au contraire le témoin de cette joie qui naît du fait d’être avec le Seigneur, de l’amour pour Lui et pour ses frères. Aujourd’hui, en cette Journée mondiale de prière pour les vocations, qui a cette année pour thème:  « La vocation au service de l’Eglise communion », nous prions pour que ceux qui sont choisis pour une mission aussi élevée soient accompagnés par la communion priante de tous le fidèles. Nous prions pour que grandisse dans chaque paroisse et communauté chrétienne l’attention pour les vocations et pour la formation des prêtres:  celle-ci commence en famille, se poursuit au séminaire et interpelle tous ceux qui ont à cœur le salut des âmes. Chers frères et sœurs qui participez à cette suggestive célébration, et en premier lieu vous, parents, proches et amis de ces 22 diacres qui, dans quelques instants seront ordonnés prêtres! Entourons ces frères dans le Seigneur de notre solidarité spirituelle. Prions afin qu’ils soient fidèles à la mission à laquelle le Seigneur les appelle aujourd’hui, et qu’ils soient prêts à renouveler chaque jour à Dieu leur « oui », leur « me voici », sans réserve. Et nous demandons au Maître de la moisson, en cette Journée pour les vocations, de continuer à susciter de nombreux et saints prêtres, entièrement dévoués au service du peuple chrétien. En ce moment si solennel et important de votre existence, c’est encore à vous, chers ordinands, que je m’adresse avec affection. Jésus vous répète aujourd’hui:  « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis ». Accueillez et cultivez cette amitié divine avec un « amour eucharistique »! Que Marie, Mère céleste des prêtres, vous accompagne. Elle, qui, sous la Croix, s’est unie au sacrifice de son Fils – et après sa résurrection a accueilli le don de l’Esprit dans le Cénacle, avec les Apôtres et les autres disciples -, vous aide, ainsi que chacun de nous, chers frères dans le sacerdoce, à vous laisser transformer intérieurement par la grâce de Dieu. Ce n’est qu’ainsi qu’il est possible d’être des images fidèles du Bon Pasteur; ce n’est qu’ainsi que l’on peut accomplir avec joie la mission de connaître, guider et aimer le troupeau que Jésus s’est acquis au prix de son sang. Amen!

SAINT PAUL AUX CORINTHIENS 5, 17-21 – COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT

4 mars, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 6 MARS 2016

DEUXIEME LECTURE – DEUXIÈME LETTRE DE SAINT PAUL AUX CORINTHIENS  5, 17-21

Frères, 17 si quelqu’un est en Jésus-Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. 18 Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. 19 Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui ; il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. 20 Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel. nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. 21 Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui, nous devenions justes de la justice même de Dieu.

La difficulté de ce texte, c’est qu’on peut le comprendre de deux manières. Tout se joue peut-être sur la phrase qui est au centre : Dieu « effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés ». Cela peut vouloir dire deux choses : soit, première hypothèse, depuis le début du monde, Dieu fait le compte des péchés des hommes. Mais, dans sa grande miséricorde, il a quand même accepté d’effacer ce compte à cause du sacrifice de Jésus-Christ. C’est ce qu’on appelle « la substitution ». Jésus aurait porté à notre place le poids de ce compte trop lourd. Soit, deuxième hypothèse, Dieu n’a jamais fait le moindre compte des péchés des hommes et le Christ est venu dans le monde pour nous le prouver. Pour nous montrer que Dieu est depuis toujours Amour et Pardon. Comme disait déjà le psaume 102/103 bien avant la venue du Christ, « Dieu met loin de nous nos péchés ». Or tout le travail de la révélation biblique consiste justement à nous faire passer de la première hypothèse à la deuxième. Nous allons donc nous poser trois questions : premièrement Dieu tient-il des comptes avec nous ? Deuxièmement, peut-on parler de « substitution » pour la mort du Christ ? Troisièmement, si Dieu ne fait pas de comptes avec nous, si on ne peut pas parler de « substitution » à propos de la mort du Christ, alors comment comprendre ce texte de Paul ? Tout d’abord, Dieu fait-il des comptes avec nous ? Un Dieu comptable, c’est une idée qui nous vient assez spontanément à l’esprit : probablement parce que nous sommes un peu comptables nous-mêmes à l’égard des autres ? Cette idée était incontestablement celle du peuple élu au début de l’histoire de l’Alliance ; rien d’étonnant : pour que l’homme découvre Dieu tel qu’il est vraiment, il faut que Dieu se révèle à lui. Et nous voyons, dimanche après dimanche, le travail de la Révélation biblique. Commençons par Abraham : Dieu n’a jamais parlé de péché avec lui ; il lui a parlé d’Alliance, de Promesse, de bénédiction, de descendance : on ne trouve le mot « mérite » nulle part. La Bible note « Abraham eut foi dans le SEIGNEUR et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6). La foi, la confiance, c’est la seule chose qui compte. Nos comportements suivront. Dieu n’en fait pas des comptes : ce qui ne veut pas dire que nous pouvons désormais faire n’importe quoi ; nous gardons notre entière responsabilité dans la construction du royaume. Ou encore, rappelons-nous les révélations successives de Dieu à Moïse, en particulier, le « SEIGNEUR miséricordieux et bienveillant, lent à la colère et plein d’amour » ; et puis David qui a découvert (à l’occasion de son péché justement) que le pardon de Dieu précède même nos repentirs. Ou encore cette magnifique phrase où Isaïe nous dit que Dieu nous surprendra toujours parce que ses pensées ne sont pas nos pensées, précisément parce qu’il n’est que pardon pour les pécheurs. (Is 55, 6-8) Impossible de tout citer, mais l’Ancien Testament, déjà, avait compris que Dieu est tendresse et pardon et n’oublions pas que le peuple d’Israël a appelé Dieu « Père » bien avant nous. La fable de Jonas par exemple a été écrite justement pour qu’on n’oublie pas que Dieu s’intéresse au sort de ces païens de Ninivites, les ennemis héréditaires de son peuple. Deuxième question, peut-on parler de « substitution » pour la mort du Christ ? Evidemment, si Dieu ne tient pas des comptes, si donc nous n’avons pas de dette à payer, nous n’avons pas besoin que Jésus se substitue à nous ; d’autre part, quand les textes du Nouveau Testament parlent de Jésus, ils parlent de solidarité, mais pas de substitution ; et d’ailleurs, si quelqu’un pouvait agir à notre place, où serait notre liberté ? Jésus n’agit pas à notre place ; il ne se substitue pas à nous ; il n’est pas non plus notre représentant ; Jésus est notre frère aîné, le « premier-né » comme dit Paul, notre pionnier, il ouvre la voie, il marche à notre tête ; il se mêle aux pécheurs en demandant le Baptême de Jean ; sur la Croix il acceptera de mourir du fait de la haine des hommes : il se rapproche ainsi de nous pour que nous puissions nous rapprocher de lui. Troisième question : mais alors, comment comprendre notre texte de Paul d’aujourd’hui ? Première conviction, Dieu n’a jamais fait le moindre compte des péchés des hommes ; deuxième conviction, le Christ est venu dans le monde pour nous le prouver. Comme il l’a dit à Pilate « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ». C’est-à-dire pour nous montrer que Dieu est depuis toujours Amour et Pardon. Quand Paul dit « il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés », c’est dans nos têtes qu’il efface nos fausses idées sur un Dieu comptable. La question rebondit : pourquoi Jésus est-il mort ? Le Christ est venu pour témoigner de ce Dieu d’amour auprès de ses contemporains ; il a essuyé le refus de cette révélation ; et il a accepté de mourir d’avoir eu trop d’audace, d’avoir été trop gênant pour les autorités en place qui savaient mieux que lui qui était Dieu. Il est mort de cet orgueil des hommes qui s’est mué en haine sans merci. Au sein même de ce déchaînement d’orgueil, il a subi l’humiliation ; au sein de la haine, il n’a eu que des paroles de pardon. Voilà le vrai visage de Dieu enfin exposé au regard des hommes. « Qui m’a vu a vu le Père » (dit-il à Philippe, Jn 14, 9). On comprend mieux alors la phrase : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu. » Sur le visage du Christ en croix, nous contemplons jusqu’où va l’horreur du péché des hommes ; mais aussi jusqu’où vont la douceur et le pardon de Dieu. Et de cette contemplation peut jaillir notre conversion. « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé » disait déjà Zacharie (Za 12,10), repris par Saint Jean (Jn 19, 37). Alors nos cœurs de pierre pourront enfin devenir des cœurs de chair, comme disait Ezéchiel, c’est-à-dire, pleins de douceur et de pardon comme lui. A nous maintenant de devenir à notre tour les ambassadeurs de son message.

 

BENOÎT XVI – DERNIÈRE AUDIENCE DU PAPE BENOÎT XVI – LES TENTATIONS

12 février, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2013/documents/hf_ben-xvi_aud_20130213.html

BENOÎT XVI – DERNIÈRE AUDIENCE DU PAPE BENOÎT XVI – LES TENTATIONS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 13 février 2013

Chers frères et sœurs,

Comme vous le savez, j’ai décidé – merci pour votre sympathie –, j’ai décidé de renoncer au ministère que le Seigneur m’a confié le 19 avril 2005. Je l’ai fait en pleine liberté pour le bien de l’Église, après avoir longuement prié et avoir examiné ma conscience devant Dieu, bien conscient de la gravité de cet acte, mais en même temps conscient de n’être plus en mesure d’accomplir le ministère pétrinien avec la force qu’il demande. La certitude que l’Église est du Christ me soutient et m’éclaire. Celui-ci ne cessera jamais de la guider et d’en prendre soin. Je vous remercie tous pour l’amour et la prière avec lesquels vous m’avez accompagné. Merci, j’ai senti presque physiquement au cours de ces jours qui ne sont pas faciles pour moi, la force de la prière que me donne l’amour de l’Église, votre prière. Continuez à prier pour moi, pour l’Église, pour le futur Pape. Le Seigneur nous guidera.

Chers frères et sœurs, Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons le temps liturgique du Carême, quarante jours qui nous préparent à la célébration de la Sainte Pâque ; il s’agit d’un temps d’engagement particulier dans notre chemin spirituel. Le nombre quarante apparaît à plusieurs reprises dans l’Écriture Sainte. En particulier, comme nous le savons, celui-ci rappelle les quarante ans au cours desquels le peuple d’Israël a effectué son pèlerinage dans le désert : une longue période de formation pour devenir le peuple de Dieu, mais également une longue période au cours de laquelle la tentation d’être infidèles à l’alliance avec le Seigneur était toujours présente. Quarante furent également les jours de chemin du prophète Élie pour atteindre le Mont de Dieu, l’Horeb ; ainsi que la période que Jésus passa dans le désert avant de commencer sa vie publique et où il fut tenté par le diable. Dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais m’arrêter précisément sur ce moment de la vie terrestre du Seigneur, que nous lirons dans l’Évangile de dimanche prochain. Avant tout, le désert, où Jésus se retire, est le lieu du silence, de la pauvreté, où l’homme est privé des appuis matériels et se trouve face aux interrogations fondamentales de l’existence, il est poussé à aller à l’essentiel et précisément pour cela, il lui est plus facile de rencontrer Dieu. Mais le désert est également le lieu de la mort, car là où il n’y a pas d’eau, il n’y a pas non plus de vie, et c’est le lieu de la solitude, dans lequel l’homme sent la tentation de façon plus intense. Jésus va dans le désert, et là, il subit la tentation de quitter la voie indiquée par le Père pour suivre d’autres voies plus faciles et qui appartiennent au monde (cf. Lc 4, 1-13). Ainsi, il se charge de nos tentations, porte avec Lui notre pauvreté, pour vaincre le malin et nous ouvrir la voie vers Dieu, le chemin de la conversion. Réfléchir sur les tentations auxquelles est soumis Jésus dans le désert est une invitation pour chacun de nous à répondre à une question fondamentale : qu’est-ce qui compte véritablement dans ma vie ? Dans la première tentation, le diable propose à Jésus de changer une pierre en pain pour apaiser sa faim. Jésus répond que l’homme vit également de pain, mais pas seulement de pain : sans une réponse à la faim de vérité, à la faim de Dieu, l’homme ne peut pas se sauver (cf. vv. 3-4). Dans la seconde tentation, le diable propose à Jésus la voie du pouvoir : il l’emmène plus haut et lui offre la domination du monde ; mais ce n’est pas la voie de Dieu : Jésus sait bien que ce n’est pas le pouvoir du monde qui sauve le monde, mais le pouvoir de la croix, de l’humilité, de l’amour (cf. vv. 5-8). Dans la troisième tentation, le diable propose à Jésus de se jeter du pinacle du Temple de Jérusalem et de se faire sauver par Dieu à travers ses anges, c’est-à-dire d’accomplir quelque chose de sensationnel pour mettre Dieu lui-même à l’épreuve ; mais la réponse est que Dieu n’est pas un objet auquel imposer nos conditions : c’est le Seigneur de tout (cf. vv. 9-12). Quel est le cœur des trois tentations que subit Jésus ? C’est la proposition d’instrumentaliser Dieu, de l’utiliser pour ses propres intérêts, pour sa propre gloire et pour son propre succès. Et donc, en substance, de prendre la place de Dieu, en l’éliminant de son existence et en le faisant sembler superflu. Chacun devrait alors se demander : quelle place a Dieu dans ma vie ? Est-ce lui le Seigneur ou bien est-ce moi ? Surmonter la tentation de soumettre Dieu à soi et à ses propres intérêts ou de le reléguer dans un coin et se convertir au juste ordre de priorité, donner à Dieu la première place, est un chemin que tout chrétien doit parcourir toujours à nouveau. « Se convertir », une invitation que nous écouterons à plusieurs reprises pendant le Carême, signifie suivre Jésus de manière à ce que son Évangile soit un guide concret de la vie ; cela signifie laisser Dieu nous transformer, cesser de penser que nous sommes les seuls artisans de notre existence ; cela signifie reconnaître que nous sommes des créatures, que nous dépendons de Dieu, de son amour, et que c’est seulement en « perdant » notre vie que nous pouvons la gagner en Lui. Cela exige d’effectuer nos choix à la lumière de la Parole de Dieu. Aujourd’hui, on ne peut plus être chrétiens simplement en conséquence du fait de vivre dans une société qui a des racines chrétiennes : même celui qui naît dans une famille chrétienne et qui est éduqué religieusement doit, chaque jour, renouveler le choix d’être chrétien, c’est-à-dire donner à Dieu la première place, face aux tentations que la culture sécularisée lui propose continuellement, face au jugement critique de beaucoup de contemporains. Les épreuves auxquelles la société actuelle soumet le chrétien, en effet, sont nombreuses, et touchent la vie personnelle et sociale. Il n’est pas facile d’être fidèles au mariage chrétien, de pratiquer la miséricorde dans la vie quotidienne, de laisser une place à la prière et au silence intérieur. Il n’est pas facile de s’opposer publiquement à des choix que beaucoup considèrent évidents, tels que l’avortement en cas de grossesse non-désirée, l’euthanasie en cas de maladies graves, ou la sélection des embryons pour prévenir des maladies héréditaires. La tentation de mettre de côté sa propre foi est toujours présente et la conversion devient une réponse à Dieu qui doit être confirmée à plusieurs reprises dans notre vie. On trouve des exemples et des encouragements dans les grandes conversions comme celle de saint Paul sur le chemin de Damas, ou de saint Augustin, mais même à notre époque d’éclipse du sens du sacré, la grâce de Dieu est à l’œuvre et accomplit des merveilles dans la vie d’un grand nombre de personnes. Le Seigneur ne se lasse pas de frapper à la porte de l’homme dans des milieux sociaux et culturels qui semblent engloutis par la sécularisation, comme ce fut le cas pour le Russe orthodoxe Paul Florensky. Après une éducation complètement agnostique, au point d’éprouver une véritable hostilité envers les enseignements religieux donnés à l’école, le scientifique Florensky s’exclame : « Non, on ne peut pas vivre sans Dieu ! », et change complètement sa vie, au point de se faire moine. Je pense aussi à la figure d’Etty Hillesum, une jeune Hollandaise d’origine juive qui mourra à Auschwitz. Initialement éloignée de Dieu, elle le découvre en regardant en profondeur à l’intérieur d’elle-même et elle écrit : « Un puits très profond est en moi. Et Dieu est dans ce puits. Parfois, j’arrive à le rejoindre, le plus souvent la pierre et le sable le recouvrent : alors Dieu est enterré. Il faut à nouveau le déterrer » (Journal, 97). Dans sa vie dispersée et inquiète, elle retrouve Dieu au beau milieu de la grande tragédie du XXe siècle, la Shoah. Cette jeune fille fragile et insatisfaite, transfigurée par la foi, se transforme en une femme pleine d’amour et de paix intérieure, capable d’affirmer : « Je vis constamment en intimité avec Dieu ». La capacité de s’opposer aux séductions idéologiques de son temps pour choisir la recherche de la vérité et s’ouvrir à la découverte de la foi est témoignée par une autre femme de notre temps, l’américaine Dorothy Day. Dans son autobiographie, elle confesse ouvertement qu’elle est tombée dans la tentation de tout résoudre avec la politique, en adhérant à la proposition marxiste : « Je voulais aller avec les manifestants, aller en prison, écrire, influencer les autres et laisser mon rêve au monde. Que d’ambition et que de recherche de moi-même y avait-il dans tout cela ! ». Le chemin vers la foi dans un milieu aussi sécularisé était particulièrement difficile, mais la Grâce agit quoi qu’il en soit, comme elle le souligne : « Il est certain que je sentis plus souvent le besoin d’aller à l’église, de m’agenouiller, d’incliner la tête en prière. Un instinct aveugle, pourrait-on dire, car je n’étais pas consciente de prier. Mais j’allais, je m’insérais dans l’atmosphère de la prière… ». Dieu l’a conduite à une adhésion consciente à l’Église, dans une vie consacrée aux déshérités. À notre époque, on constate de nombreuses conversions entendues comme le retour de qui, après une éducation chrétienne peut-être superficielle, s’est éloigné pendant des années de la foi et redécouvre ensuite le Christ et son Évangile. Dans le Livre de l’Apocalypse nous lisons : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (3, 20). Notre homme intérieur doit se préparer à être visité par Dieu, et c’est précisément pour cela qu’il ne doit pas se laisser envahir par les illusions, par les apparences, par les choses matérielles. En ce Temps de Carême, en l’Année de la foi, renouvelons notre engagement sur le chemin de la conversion, pour surmonter la tendance à nous refermer sur nous-mêmes et pour laisser, en revanche, de la place à Dieu, en regardant la réalité quotidienne avec ses yeux. Nous pourrions dire que l’alternative entre la fermeture sur notre égoïsme et l’ouverture à l’amour de Dieu et des autres correspond à l’alternative des tentations de Jésus: à savoir, l’alternative entre le pouvoir humain et l’amour de la Croix , entre une rédemption vue du seul point de vue du bien-être matériel et une rédemption comme œuvre de Dieu, auquel nous donnons la primauté dans l’existence. Se convertir signifie ne pas se refermer dans la recherche de son propre succès, de son propre prestige, de sa propre position, mais faire en sorte que chaque jour, dans les petites choses, la vérité, la foi en Dieu et l’amour deviennent la chose la plus importante.