Archive pour la catégorie 'CATÉCHÈSE DU MERCREDI'

PAPE FRANÇOIS – (8. MISÉRICORDE ET POUVOIR)

2 mars, 2016

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2016/documents/papa-francesco_20160224_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – (8. MISÉRICORDE ET POUVOIR)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 24 février 2016

Chers frères et sœurs, bonjour,

Nous poursuivons les catéchèses sur la miséricorde dans l’Écriture Sainte. Dans différents passages, l’on parle des puissants, des rois, des hommes qui se trouvent « en haut », et aussi de leur arrogance et de leurs abus. La richesse et le pouvoir sont des réalités qui peuvent être bonnes et utiles au bien commun, si elles sont mises au service des pauvres et de tous, avec justice et charité. Mais quand, comme cela se produit souvent, elles sont vécues comme un privilège, avec égoïsme et arrogance, elles se transforment en instruments de corruption et de mort. C’est ce qui se produit dans l’épisode de la vigne de Nabot, décrit dans le Premier Livre des Rois, au chapitre 21, sur lequel nous nous arrêtons aujourd’hui. Dans ce texte, l’on raconte que le roi d’Israël, Akab, veut acheter la vigne d’un homme du nom de Nabot, car cette vigne était voisine du palais royal. La proposition semble légitime, voire généreuse, mais en Israël les propriétés foncières étaient considérées comme étant presque inaliénables. En effet, le livre du Lévitique prescrit : « La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes » (Lv 25, 23). La terre est sacrée, car c’est un don du Seigneur, qui en tant que tel doit être préservé et conservé, comme signe de la bénédiction divine qui se transmet de génération en génération et garantie de dignité pour tous. L’on comprend alors la réponse négative de Nabot au roi : « Yahvé me garde de te céder l’héritage de mes pères » (1 R 21, 3). Le roi Akab réagit à ce refus avec amertume et dédain. Il se sent offensé — il est le roi, le puissant —, diminué dans son autorité de souverain, et frustré dans la possibilité de satisfaire son désir de possession. En le voyant si abattu, sa femme Jézabel, une reine païenne qui avait accru les cultes idolâtres et faisait tuer les prophètes du Seigneur (cf. 1 R 18, 4) — elle n’était pas laide, elle était méchante ! —, décide d’intervenir. Les paroles avec lesquelles elle s’adresse au roi sont très significatives. Écoutez la méchanceté qui est derrière cette femme : « Vraiment, tu fais un joli roi sur Israël ! Lève-toi et mange, et que ton cœur soit content, moi je vais te donner la vigne de Nabot de Yizréel » (v. 7). Elle met l’accent sur le prestige et sur le pouvoir du roi qui, d’après sa façon de voir, est remis en question par le refus de Nabot. Un pouvoir qu’elle considère au contraire absolu, et pour lequel chaque désir du roi puissant devient un ordre. Le grand saint Ambroise a écrit un petit livre sur cet épisode. Il s’appelle « Nabot ». Cela nous fera du bien de le lire en ce temps de Carême. C’est très beau, c’est très concret. Jésus, rappelant ces choses, nous dit : « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous ; au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous, sera votre esclave » (Mt 20, 25-27). On perd la dimension du service, le pouvoir se transforme en arrogance et devient domination et oppression. C’est précisément ce qui se produit dans l’épisode de la vigne de Nabot. Jézabel, la reine, décide sans scrupules d’éliminer Nabot et met en œuvre son plan. Elle se sert des apparences mensongères d’une légalité perverse : elle expédie, au nom du roi, des lettres aux personnes âgées et aux notables de la ville en ordonnant que de faux témoins accusent publiquement Nabot d’avoir maudit Dieu et le roi, un crime puni par la mort. Ainsi, après la mort de Nabot, le roi peut se saisir de la vigne. Et cette histoire n’est pas celle d’autres temps, c’est aussi l’histoire d’aujourd’hui, des puissants qui pour avoir plus d’argent exploitent les pauvres, exploitent les gens. C’est l’histoire de la traite des personnes, du travail esclave, des pauvres gens qui travaillent au noir et avec un salaire minimum pour enrichir les puissants. C’est l’histoire des politiciens corrompus qui veulent plus, et plus, et plus ! C’est pourquoi je disais qu’il nous fera du bien de lire ce livre de saint Ambroise sur Nabot, car c’est un livre d’actualité. Voilà où conduit l’exercice d’une autorité sans respect pour la vie, sans justice, sans miséricorde. Et voilà où conduit la soif de pouvoir : elle devient avidité qui veut tout posséder. Un texte du prophète Isaïe est particulièrement éclairant à ce propos. Dans celui-ci, le Seigneur met en garde contre l’avidité les riches propriétaires fonciers qui veulent posséder toujours plus de maisons et de terrains. Et le prophète Isaïe dit : « Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, qui joignent champ à champ jusqu’à ne plus laisser de place et rester seuls habitants au milieu du pays » (Is 5, 8). Et le prophète Isaïe n’était pas communiste ! Mais Dieu est plus grand que la malveillance et que les manigances conçues par les êtres humains. Dans sa miséricorde, il envoie le prophète Élie aider Akab à se convertir. À présent, tournons la page, et comment se poursuit l’histoire ? Dieu voit ce crime et frappe également à la porte du cœur d’Akab, et le roi, placé devant son péché, comprend, est humilié, et demande pardon. Comme il serait beau que les exploiteurs puissants d’aujourd’hui fassent de même ! Le Seigneur accepte son repentir ; toutefois, un innocent a été tué ; et la faute commise aura des conséquences inévitables. Le mal accompli, en effet, laisse ses traces douloureuses, et l’histoire des hommes en porte les blessures. La miséricorde montre également dans ce cas la voie maîtresse qui doit être poursuivie. La miséricorde peut guérir les blessures et peut changer l’histoire. Ouvre ton cœur à la miséricorde ! La miséricorde divine est plus forte que le péché des hommes. Elle est plus forte, c’est l’exemple d’Akab ! Nous en connaissons le pouvoir, lorsque nous rappelons la venue du Fils de Dieu innocent qui s’est fait homme pour détruire le mal par son pardon. Jésus Christ est le vrai roi, mais son pouvoir est complètement différent. Son trône est la croix. Ce n’est pas un Dieu qui tue, mais au contraire, il donne la vie. En allant vers tous, en particulier vers les plus faibles, il vainc la solitude et le destin de mort auquel conduit le péché. Jésus Christ, à travers sa proximité et sa tendresse, conduit les pécheurs dans l’espace de la grâce et du pardon. Et cela est la miséricorde de Dieu.

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Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones, venus de Belgique et de France, en particulier les séminaristes de Bayonne et les pèlerins des diocèses d’Agen et de Pontoise, avec leurs évêques, ainsi que de Corse et de plusieurs autres régions. Au cours de ce temps du Carême, je vous invite à accueillir la miséricorde de Dieu dans vos vies, et à suivre Jésus à la rencontre des plus faibles et des plus petits. Que Dieu vous bénisse ! Je vous invite tous à être d’authentiques missionnaires de la miséricorde pour que l’Évangile puisse toucher le cœur des personnes et les ouvrir à la grâce de l’amour de Dieu. Que Dieu vous bénisse !

 

PAPE FRANÇOIS – 7. LE JUBILÉ DANS LA BIBLE. LA JUSTICE ET LE PARTAGE

24 février, 2016

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2016/documents/papa-francesco_20160210_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – 7. LE JUBILÉ DANS LA BIBLE. LA JUSTICE ET LE PARTAGE

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 10 février 2016

Chers frères et sœurs, bonjour et bon chemin de Carême !

Il est beau et aussi significatif d’avoir cette audience précisément en ce Mercredi des Cendres. Nous commençons le chemin de Carême et aujourd’hui, nous évoquerons l’institution antique du « jubilé » ; c’est une chose antique, attestée dans l’Écriture Sainte. Nous la trouvons en particulier dans le Livre du Lévitique, qui la présente comme un moment culminant de la vie religieuse et sociale du peuple d’Israël. Tous les 50 ans, « au jour des Expiations » (Lv 25, 9), quand la miséricorde du Seigneur était invoquée sur le peuple entier, le son de la corne annonçait un grand événement de libération. Nous lisons en effet dans le livre du Lévitique : « Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé : chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan [...]. En cette année jubilaire, vous rentrerez chacun dans votre patrimoine » (25, 10-13). D’après ces dispositions, si quelqu’un avait été contraint de vendre ses terres, sa maison, durant le jubilé, il pouvait en reprendre possession; et si quelqu’un avait contracté des dettes et, dans l’impossibilité de les payer, avait été contraint de se mettre au service du créancier, il pouvait rentrer libre dans sa famille et récupérer toutes ses propriétés. C’était une espèce d’« amnistie générale », qui permettait à tout le monde de retourner à sa situation d’origine, avec l’effacement de toutes les dettes, la restitution de la terre, et la possibilité pour les membres du peuple de Dieu de jouir à nouveau de la liberté. Un peuple « saint », où des prescriptions comme celle du jubilé servaient à combattre la pauvreté et les inégalités, garantissant une vie digne pour tous et une égale distribution de la terre sur laquelle habiter et où cultiver de quoi se nourrir. L’idée centrale est que la terre appartient à l’origine à Dieu et a été confiée aux hommes (cf. Gn 1, 28-29) et c’est pour cette raison que personne ne peut s’en arroger la possession exclusive, créant des situations d’inégalité. Nous pouvons le penser aujourd’hui et le repenser; que chacun de nous se demande dans son cœur s’il n’a pas trop de choses. Mais pourquoi ne pas laisser quelque chose à ceux qui n’ont rien ? Dix pour cent, cinquante pour cent… Je dis : que l’Esprit Saint inspire chacun d’entre vous. Avec le jubilé, ceux qui étaient devenus pauvres récupéraient le nécessaire pour vivre, et ceux qui étaient riches restituaient au pauvre ce qu’ils lui avaient pris. L’objectif était une société basée sur l’égalité et la solidarité, où la liberté, la terre et l’argent redevenaient un bien pour tous et non seulement pour quelques uns, comme c’est le cas aujourd’hui, si je ne me trompe pas… Plus ou moins, les chiffres ne sont pas sûrs, mais quatre-vingts pour cent des richesses de l’humanité sont entre les mains de moins de vingt pour cent de la population. C’est un jubilé — et je dis cela en rappelant notre histoire de salut — pour se convertir, afin que notre cœur devienne plus grand, plus généreux, davantage Fils de Dieu, avec plus d’amour. Je vous dis une chose : si ce désir, si le jubilé n’arrive pas jusque dans les poches, ce n’est pas un vrai jubilé. Avez-vous compris ? Et cela est dans la Bible ! Ce n’est pas ce Pape qui l’invente : c’est dans la Bible. La finalité — comme je l’ai dit — était une société basée sur l’égalité et la solidarité, où la liberté, la terre et l’argent deviennent un bien pour tous et non pour quelques uns. En effet, le jubilé avait la fonction d’aider le peuple à vivre une fraternité concrète, faite d’aide réciproque. Nous pouvons dire que le jubilé biblique était un « jubilé de miséricorde », car il était vécu dans la recherche sincère du bien du frère dans le besoin. Dans la même ligne, également d’autres institutions et d’autres lois gouvernaient la vie du peuple de Dieu, pour qu’il puisse faire l’expérience de la miséricorde du Seigneur à travers celle des hommes. Dans ces normes, nous trouvons des indications valables aujourd’hui aussi, qui font réfléchir. Par exemple, la loi biblique prescrivait le versement des « dîmes » qui étaient destinées aux Lévites, chargés du culte, qui étaient sans terre, et aux pauvres, aux orphelins, aux veuves (cf. Dt 14, 22-29). C’est-à-dire que l’on prévoyait que la dixième partie de la récolte, ou des revenus d’autres activités, soit donnée à ceux qui étaient sans protection ou en état de nécessité, de manière à favoriser des conditions de relative égalité à l’intérieur d’un peuple où tous devaient se comporter en frères. Il existe également la loi concernant les « prémices ». Qu’est-ce donc ? La première partie de la récolte, la partie la plus précieuse, devait être partagée avec les Lévites et les étrangers (cf. Dt 18, 4-5; 26, 1-11), qui ne possédaient pas de champs, de manière à ce que pour eux aussi, la terre soit source de nourriture et de vie. « La terre m’appartient et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes », dit le Seigneur (Lv 25, 23). Nous sommes tous des hôtes du Seigneur, dans l’attente de la patrie céleste (cf. He 11, 13-16 ; 1 P 2, 11), appelés à rendre le monde qui nous accueille habitable et humain. Et combien de « prémices » celui qui est le plus chanceux pourrait-il donner à celui qui est en difficulté ! Combien de prémices ! Des prémices qui ne sont pas seulement les fruits des champs ; mais de tout autre produit du travail, des salaires, des économies, des nombreuses choses que l’on possède et que l’on gaspille parfois. Cela arrive aujourd’hui aussi. À l’Aumônerie apostolique, de nombreuses lettres arrivent avec un peu d’argent : « Cela est une partie de mon salaire pour aider les autres ». Et cela est beau ; aider les autres, les institutions de bienfaisance, les hôpitaux, les maisons de repos… ; donner également aux étrangers, à ceux qui sont étrangers et sont de passage. Jésus a été de passage en Égypte. Et c’est précisément en pensant à cela que l’Écriture Sainte nous exhorte avec insistance à répondre généreusement aux demandes de prêts, sans faire de calculs mesquins et sans prétendre des intérêts impossibles : « Si ton frère qui vit avec toi tombe dans la gêne et s’avère défaillant dans ses rapports avec toi, tu le soutiendras à titre d’étranger ou d’hôte et il vivra avec toi. Ne lui prends ni travail, ni intérêts, mais aie la crainte de ton Dieu et que ton frère vive avec toi. Tu ne lui donneras pas d’argent pour en tirer du profit ni de la nourriture pour en percevoir des intérêts » (Lv 25, 35-37). Cet enseignement est toujours actuel. Combien de familles sont dans la rue, victimes de l’usure ! S’il vous plaît prions, pour que pendant ce jubilé le Seigneur ôte de notre cœur à tous cette envie de posséder davantage, l’usure. Que nous redevenions généreux, grands. Combien de situations d’usure sommes-nous obligés de voir et que de souffrance et d’angoisse causent-elles aux familles ! Et très souvent, dans le désespoir, ces hommes finissent par se suicider car ils n’y arrivent plus et n’ont plus l’espérance, n’ont pas de main tendue qui les aide ; seulement la main qui vient leur faire payer des intérêts. L’usure est un grave péché, c’est un péché qui crie devant Dieu. Le Seigneur a en revanche promis sa bénédiction à qui tend la main pour donner avec largesse (cf. Dt 15, 10). Il te donnera le double, peut-être pas en argent, mais en d’autres choses, le Seigneur te donnera toujours le double. Chers frères et sœurs, le message biblique est très clair : s’ouvrir avec courage au partage, cela est la miséricorde ! Et si nous voulons la miséricorde de Dieu, commençons par la faire nous-mêmes. C’est cela : commençons à la faire parmi nos concitoyens, dans les familles, sur les continents. Contribuer à réaliser une terre sans pauvres veut dire construire une société sans discriminations, fondée sur la solidarité qui conduit à partager ce qu’on possède, une répartition des ressources fondée sur la fraternité et sur la justice. Merci. Demain, mémoire de la Bienheureuse Vierge Marie de Lourdes, on fêtera la XXIVe Journée mondiale du malade, dont la célébration la plus importante se tiendra à Nazareth. Dans le message de cette année, nous avons réfléchi sur le rôle irremplaçable de Marie aux noces de Cana : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Dans la sollicitude de Marie se reflète la tendresse de Dieu et l’immense bonté de Jésus miséricordieux. J’invite à prier pour les malades et à leur faire sentir notre amour. Que cette même tendresse de Marie soit présente dans la vie des nombreuses personnes qui sont aux côtés des malades, sachant saisir leurs besoins, également les plus imperceptibles, car ils sont vus avec des yeux pleins d’amour. Après-demain commencera mon voyage apostolique au Mexique, mais auparavant, je me rendrai à La Havane pour rencontrer mon cher frère Cyrille. Je confie à vos prières à tous la rencontre avec le patriarche Cyrille, ainsi que le voyage au Mexique. Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes venus de Suisse et de France. Nous entrons aujourd’hui en Carême. Je vous invite à prier les uns pour les autres en ce temps de conversion afin que nous puissions ensemble expérimenter la miséricorde du Seigneur et la transmettre aux plus pauvres d’entre nous.

Que Dieu vous bénisse.

BENOÎT XVI – DERNIÈRE AUDIENCE DU PAPE BENOÎT XVI – LES TENTATIONS

12 février, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2013/documents/hf_ben-xvi_aud_20130213.html

BENOÎT XVI – DERNIÈRE AUDIENCE DU PAPE BENOÎT XVI – LES TENTATIONS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 13 février 2013

Chers frères et sœurs,

Comme vous le savez, j’ai décidé – merci pour votre sympathie –, j’ai décidé de renoncer au ministère que le Seigneur m’a confié le 19 avril 2005. Je l’ai fait en pleine liberté pour le bien de l’Église, après avoir longuement prié et avoir examiné ma conscience devant Dieu, bien conscient de la gravité de cet acte, mais en même temps conscient de n’être plus en mesure d’accomplir le ministère pétrinien avec la force qu’il demande. La certitude que l’Église est du Christ me soutient et m’éclaire. Celui-ci ne cessera jamais de la guider et d’en prendre soin. Je vous remercie tous pour l’amour et la prière avec lesquels vous m’avez accompagné. Merci, j’ai senti presque physiquement au cours de ces jours qui ne sont pas faciles pour moi, la force de la prière que me donne l’amour de l’Église, votre prière. Continuez à prier pour moi, pour l’Église, pour le futur Pape. Le Seigneur nous guidera.

Chers frères et sœurs, Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons le temps liturgique du Carême, quarante jours qui nous préparent à la célébration de la Sainte Pâque ; il s’agit d’un temps d’engagement particulier dans notre chemin spirituel. Le nombre quarante apparaît à plusieurs reprises dans l’Écriture Sainte. En particulier, comme nous le savons, celui-ci rappelle les quarante ans au cours desquels le peuple d’Israël a effectué son pèlerinage dans le désert : une longue période de formation pour devenir le peuple de Dieu, mais également une longue période au cours de laquelle la tentation d’être infidèles à l’alliance avec le Seigneur était toujours présente. Quarante furent également les jours de chemin du prophète Élie pour atteindre le Mont de Dieu, l’Horeb ; ainsi que la période que Jésus passa dans le désert avant de commencer sa vie publique et où il fut tenté par le diable. Dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais m’arrêter précisément sur ce moment de la vie terrestre du Seigneur, que nous lirons dans l’Évangile de dimanche prochain. Avant tout, le désert, où Jésus se retire, est le lieu du silence, de la pauvreté, où l’homme est privé des appuis matériels et se trouve face aux interrogations fondamentales de l’existence, il est poussé à aller à l’essentiel et précisément pour cela, il lui est plus facile de rencontrer Dieu. Mais le désert est également le lieu de la mort, car là où il n’y a pas d’eau, il n’y a pas non plus de vie, et c’est le lieu de la solitude, dans lequel l’homme sent la tentation de façon plus intense. Jésus va dans le désert, et là, il subit la tentation de quitter la voie indiquée par le Père pour suivre d’autres voies plus faciles et qui appartiennent au monde (cf. Lc 4, 1-13). Ainsi, il se charge de nos tentations, porte avec Lui notre pauvreté, pour vaincre le malin et nous ouvrir la voie vers Dieu, le chemin de la conversion. Réfléchir sur les tentations auxquelles est soumis Jésus dans le désert est une invitation pour chacun de nous à répondre à une question fondamentale : qu’est-ce qui compte véritablement dans ma vie ? Dans la première tentation, le diable propose à Jésus de changer une pierre en pain pour apaiser sa faim. Jésus répond que l’homme vit également de pain, mais pas seulement de pain : sans une réponse à la faim de vérité, à la faim de Dieu, l’homme ne peut pas se sauver (cf. vv. 3-4). Dans la seconde tentation, le diable propose à Jésus la voie du pouvoir : il l’emmène plus haut et lui offre la domination du monde ; mais ce n’est pas la voie de Dieu : Jésus sait bien que ce n’est pas le pouvoir du monde qui sauve le monde, mais le pouvoir de la croix, de l’humilité, de l’amour (cf. vv. 5-8). Dans la troisième tentation, le diable propose à Jésus de se jeter du pinacle du Temple de Jérusalem et de se faire sauver par Dieu à travers ses anges, c’est-à-dire d’accomplir quelque chose de sensationnel pour mettre Dieu lui-même à l’épreuve ; mais la réponse est que Dieu n’est pas un objet auquel imposer nos conditions : c’est le Seigneur de tout (cf. vv. 9-12). Quel est le cœur des trois tentations que subit Jésus ? C’est la proposition d’instrumentaliser Dieu, de l’utiliser pour ses propres intérêts, pour sa propre gloire et pour son propre succès. Et donc, en substance, de prendre la place de Dieu, en l’éliminant de son existence et en le faisant sembler superflu. Chacun devrait alors se demander : quelle place a Dieu dans ma vie ? Est-ce lui le Seigneur ou bien est-ce moi ? Surmonter la tentation de soumettre Dieu à soi et à ses propres intérêts ou de le reléguer dans un coin et se convertir au juste ordre de priorité, donner à Dieu la première place, est un chemin que tout chrétien doit parcourir toujours à nouveau. « Se convertir », une invitation que nous écouterons à plusieurs reprises pendant le Carême, signifie suivre Jésus de manière à ce que son Évangile soit un guide concret de la vie ; cela signifie laisser Dieu nous transformer, cesser de penser que nous sommes les seuls artisans de notre existence ; cela signifie reconnaître que nous sommes des créatures, que nous dépendons de Dieu, de son amour, et que c’est seulement en « perdant » notre vie que nous pouvons la gagner en Lui. Cela exige d’effectuer nos choix à la lumière de la Parole de Dieu. Aujourd’hui, on ne peut plus être chrétiens simplement en conséquence du fait de vivre dans une société qui a des racines chrétiennes : même celui qui naît dans une famille chrétienne et qui est éduqué religieusement doit, chaque jour, renouveler le choix d’être chrétien, c’est-à-dire donner à Dieu la première place, face aux tentations que la culture sécularisée lui propose continuellement, face au jugement critique de beaucoup de contemporains. Les épreuves auxquelles la société actuelle soumet le chrétien, en effet, sont nombreuses, et touchent la vie personnelle et sociale. Il n’est pas facile d’être fidèles au mariage chrétien, de pratiquer la miséricorde dans la vie quotidienne, de laisser une place à la prière et au silence intérieur. Il n’est pas facile de s’opposer publiquement à des choix que beaucoup considèrent évidents, tels que l’avortement en cas de grossesse non-désirée, l’euthanasie en cas de maladies graves, ou la sélection des embryons pour prévenir des maladies héréditaires. La tentation de mettre de côté sa propre foi est toujours présente et la conversion devient une réponse à Dieu qui doit être confirmée à plusieurs reprises dans notre vie. On trouve des exemples et des encouragements dans les grandes conversions comme celle de saint Paul sur le chemin de Damas, ou de saint Augustin, mais même à notre époque d’éclipse du sens du sacré, la grâce de Dieu est à l’œuvre et accomplit des merveilles dans la vie d’un grand nombre de personnes. Le Seigneur ne se lasse pas de frapper à la porte de l’homme dans des milieux sociaux et culturels qui semblent engloutis par la sécularisation, comme ce fut le cas pour le Russe orthodoxe Paul Florensky. Après une éducation complètement agnostique, au point d’éprouver une véritable hostilité envers les enseignements religieux donnés à l’école, le scientifique Florensky s’exclame : « Non, on ne peut pas vivre sans Dieu ! », et change complètement sa vie, au point de se faire moine. Je pense aussi à la figure d’Etty Hillesum, une jeune Hollandaise d’origine juive qui mourra à Auschwitz. Initialement éloignée de Dieu, elle le découvre en regardant en profondeur à l’intérieur d’elle-même et elle écrit : « Un puits très profond est en moi. Et Dieu est dans ce puits. Parfois, j’arrive à le rejoindre, le plus souvent la pierre et le sable le recouvrent : alors Dieu est enterré. Il faut à nouveau le déterrer » (Journal, 97). Dans sa vie dispersée et inquiète, elle retrouve Dieu au beau milieu de la grande tragédie du XXe siècle, la Shoah. Cette jeune fille fragile et insatisfaite, transfigurée par la foi, se transforme en une femme pleine d’amour et de paix intérieure, capable d’affirmer : « Je vis constamment en intimité avec Dieu ». La capacité de s’opposer aux séductions idéologiques de son temps pour choisir la recherche de la vérité et s’ouvrir à la découverte de la foi est témoignée par une autre femme de notre temps, l’américaine Dorothy Day. Dans son autobiographie, elle confesse ouvertement qu’elle est tombée dans la tentation de tout résoudre avec la politique, en adhérant à la proposition marxiste : « Je voulais aller avec les manifestants, aller en prison, écrire, influencer les autres et laisser mon rêve au monde. Que d’ambition et que de recherche de moi-même y avait-il dans tout cela ! ». Le chemin vers la foi dans un milieu aussi sécularisé était particulièrement difficile, mais la Grâce agit quoi qu’il en soit, comme elle le souligne : « Il est certain que je sentis plus souvent le besoin d’aller à l’église, de m’agenouiller, d’incliner la tête en prière. Un instinct aveugle, pourrait-on dire, car je n’étais pas consciente de prier. Mais j’allais, je m’insérais dans l’atmosphère de la prière… ». Dieu l’a conduite à une adhésion consciente à l’Église, dans une vie consacrée aux déshérités. À notre époque, on constate de nombreuses conversions entendues comme le retour de qui, après une éducation chrétienne peut-être superficielle, s’est éloigné pendant des années de la foi et redécouvre ensuite le Christ et son Évangile. Dans le Livre de l’Apocalypse nous lisons : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (3, 20). Notre homme intérieur doit se préparer à être visité par Dieu, et c’est précisément pour cela qu’il ne doit pas se laisser envahir par les illusions, par les apparences, par les choses matérielles. En ce Temps de Carême, en l’Année de la foi, renouvelons notre engagement sur le chemin de la conversion, pour surmonter la tendance à nous refermer sur nous-mêmes et pour laisser, en revanche, de la place à Dieu, en regardant la réalité quotidienne avec ses yeux. Nous pourrions dire que l’alternative entre la fermeture sur notre égoïsme et l’ouverture à l’amour de Dieu et des autres correspond à l’alternative des tentations de Jésus: à savoir, l’alternative entre le pouvoir humain et l’amour de la Croix , entre une rédemption vue du seul point de vue du bien-être matériel et une rédemption comme œuvre de Dieu, auquel nous donnons la primauté dans l’existence. Se convertir signifie ne pas se refermer dans la recherche de son propre succès, de son propre prestige, de sa propre position, mais faire en sorte que chaque jour, dans les petites choses, la vérité, la foi en Dieu et l’amour deviennent la chose la plus importante.

 

PAPE FRANÇOIS – Mercredi 27 janvier 2016

3 février, 2016

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2016/documents/papa-francesco_20160127_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS

(Il n’y a pas de traduction pour le mercredi précédent) -

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 27 janvier 2016

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans l’Écriture Sainte, la miséricorde de Dieu est présente au cours de toute l’histoire du peuple d’Israël. Avec sa miséricorde, le Seigneur accompagne le chemin des patriarches, il leur donne des enfants malgré leur condition de stérilité, il les conduit sur les sentiers de la grâce et de la réconciliation, comme le démontre l’histoire de Joseph et de ses frères (cf. Gn 37-50). Et je pense aux nombreux frères qui se sont éloignés au sein d’une famille et qui ne se parlent pas. Mais cette année de la miséricorde est une bonne occasion pour se retrouver, s’embrasser, se pardonner et oublier les mauvaises choses. Mais, comme nous le savons, en Égypte la vie devient dure pour le peuple. Et c’est précisément quand les Israélites sont sur le point de succomber que le Seigneur intervient et accomplit le salut. On lit dans le livre de l’Exode : « Au cours de cette longue période, le roi d’Égypte mourut. Les Israélites, gémissant de leur servitude, crièrent, et leur appel à l’aide monta vers Dieu, du fond de leur servitude. Dieu entendit leur gémissement ; Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu vit les Israélites et Dieu connut… » (2, 23-25). La miséricorde ne peut rester indifférente face à la souffrance des opprimés, au cri de ceux qui sont soumis à la violence, réduits en esclavage, condamnés à mort. C’est une réalité douloureuse qui frappe chaque époque, y compris la nôtre, et qui fait que nous nous sentons souvent impuissants, tentés d’endurcir notre cœur et de penser à autre chose. Dieu, en revanche, « n’est pas indifférent » (Message pour la Journée mondiale de la paix 2016, n. 1), il ne détourne jamais le regard de la douleur humaine. Le Dieu de miséricorde répond et prend soin des pauvres, de ceux qui crient leur désespoir. Dieu écoute et intervient pour sauver, suscitant des hommes capables d’entendre le gémissement de la souffrance et d’œuvrer en faveur des opprimés. C’est ainsi que commence l’histoire de Moïse comme médiateur de la libération de son peuple. Il affronte le pharaon pour le convaincre de laisser partir Israël; et ensuite, il guidera le peuple à travers la mer Rouge et le désert, vers la liberté. Moïse, que la miséricorde divine a sauvé nouveau-né de la mort dans les eaux du Nil, devient le médiateur de cette même miséricorde, en permettant au peuple de naître à la liberté, sauvé des eaux de la mer Rouge. Et nous aussi, en cette année de la miséricorde, nous pouvons faire ce travail d’être des médiateurs de miséricorde à travers les œuvres de miséricorde pour rapprocher, apporter du soulagement, pour faire l’unité. Il est possible d’accomplir tant de bonnes choses. La miséricorde de Dieu agit toujours pour sauver. C’est tout le contraire de l’œuvre de ceux qui agissent toujours pour tuer: par exemple ceux qui font les guerres. Le Seigneur, à travers son serviteur Moïse, guide Israël dans le désert comme si c’était un enfant, il l’éduque à la foi et passe une alliance avec lui, créant un lien d’amour très fort, comme celui d’un père avec son fils et de l’époux avec son épouse. La miséricorde divine arrive jusque là. Dieu propose un rapport d’amour particulier, exclusif, privilégié. Quand il donne des instructions à Moïse à propos de l’alliance, il dit : « Maintenant, si vous écoutez ma foi et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte » (Ex 19, 5-6). Assurément, Dieu possède déjà toute la terre parce qu’il l’a créée ; mais le peuple devient pour Lui une possession différente, spéciale : sa « réserve d’or et d’argent » personnelle, comme celle que le roi David affirmait avoir donnée pour la construction du Temple. Et bien, c’est ainsi que nous devenons pour Dieu en accueillant son alliance et en nous laissant sauver par Lui. La miséricorde du Seigneur rend l’homme précieux, comme une richesse personnelle qui lui appartient, qu’il protège et dans laquelle il se complaît. Telles sont les merveilles de la miséricorde divine, qui parvient à son plein accomplissement dans le Seigneur Jésus, dans cette « alliance nouvelle et éternelle » consommée dans son sang, qui avec le pardon détruit notre péché et nous rend définitivement des enfants de Dieu (cf. 1 Jn 3, 1), des joyaux précieux entre les mains du Père bon et miséricordieux. Et si nous sommes des enfants de Dieu et que nous avons la possibilité de recevoir cet héritage — celui de la bonté et de la miséricorde — par rapport aux autres, demandons au Seigneur qu’en cette année de la miséricorde, nous aussi nous accomplissions des œuvres de miséricorde ; ouvrons notre cœur pour pavenir à tous à travers les œuvres de miséricorde, l’héritage miséricordieux que Dieu le Père a eu pour nous.

JEAN PAUL II – L’ENGAGEMENT POUR ÉVITER UNE CATASTROPHE ÉCOLOGIQUE MAJEURE – LECTURE: PS 148, 1-5

14 janvier, 2016

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JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 17 janvier 2001

L’ENGAGEMENT POUR ÉVITER UNE CATASTROPHE ÉCOLOGIQUE MAJEURE  – LECTURE:  PS 148, 1-5

1. Dans l’hymne de louange, qui vient d’être proclamé ( Ps 148, 1-5), le Psalmiste convoque, en les appelant par leur nom, toutes les créatures. En haut, se trouvent les anges, le soleil, la lune, les étoiles et le ciel; sur la terre évoluent vingt-deux créatures, le même nombre que celui des lettres de l’alphabet hébraïque, pour indiquer la plénitude et la totalité. Le fidèle est comme « le pasteur de l’être », c’est-à-dire celui qui conduit tous les êtres à Dieu, les invitant à entonner un « alleluia » de louanges. Le Psaume nous introduit comme dans un temple cosmique qui a le ciel pour abside, les régions du monde pour nefs, et à l’intérieur duquel le choeur des créatures élève un chant vers Dieu. Cette vision pourrait être, d’un côté, la représentation d’un paradis perdu et, de l’autre, celle du paradis promis. Ce n’est pas un hasard si l’horizon d’un univers paradisiaque, qui est situé par la Genèse (c. 2) aux origines mêmes du monde, par Isaïe (c. 11) et par l’Apocalypse (cc. 21-22) est situé à la fin de l’histoire. On voit ainsi que l’harmonie de l’homme avec son prochain, avec la création et avec Dieu est le dessein poursuivi par le Créateur. Ce projet a été, et est, sans cesse bouleversé par le péché humain qui s’inspire d’un plan alternatif, présenté dans le livre même de la Genèse (cc. 3-11), dans lequel est décrite l’affirmation d’une tension progressive en conflit avec Dieu, avec son semblable et même avec la nature. 2. Le contraste entre les deux projets apparaît clairement dans la vocation à laquelle l’humanité, selon la Bible, est appelée et dans les conséquences provoquées par son infidélité à cet appel. La créature humaine reçoit pour mission de gouverner la création afin d’en développer toutes les potentialités. Il s’agit d’un pouvoir délégué par le Roi divin aux origines mêmes de la création, lorsque l’homme et la femme, qui sont à l’ »image de Dieu » (Gn 1, 27), reçoivent l’ordre d’être féconds, de se multiplier, de remplir la terre, de la soumettre et de dominer les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tout être vivant qui rampe sur terre (cf. Gn 1, 28). Saint Grégoire de Nysse, l’un des trois grands Pères de Cappadoce, commentait:  « Dieu a fait l’homme de telle sorte qu’il est apte au pouvoir royal sur la terre… L’homme a été créé à l’image de celui qui gouverne l’univers. Tout manifeste que, depuis l’origine, sa nature est marquée par la royauté… Il est l’image vivante qui participe à l’archétype par sa dignité » (De hominis opificio, 4:  PG 44, 136). 3. Toutefois, la seigneurie de l’homme n’est pas « absolue, mais c’est un ministère; elle est le reflet véritable de la seigneurie unique et infinie de Dieu. De ce fait, l’homme doit la vivre avec sagesse et amour, participant à la sagesse et à l’amour incommensurables de Dieu » (Evangelium vitae,       n. 52). Dans le langage biblique, « donner un nom » aux créatures (cf. Gn 2, 19-20) est le signe de cette mission de connaissance et de transformation de la réalité créée. Ce n’est pas la mission d’un patron absolu et sans appel, mais d’un ministre du Royaume de Dieu, appelé à poursuivre l’oeuvre du Créateur, une oeuvre de vie et de paix. Sa tâche, définie dans le Livre de la Sagesse, est celle de gouverner « le monde avec sainteté et justice » (Sg 9, 3). Malheureusement, si le regard parcourt les régions de notre planète, il s’aperçoit immédiatement que l’humanité a déçu l’attente divine. A notre époque, en particulier, l’homme a détruit sans hésitation des plaines et des vallées boisées, il a pollué les eaux, défiguré l’environnement de la planète, rendu l’air irrespirable, bouleversé les systèmes hydro-géologiques et atmosphériques,  désertifié  des  espaces verdoyants, accompli des formes d’industrialisation sauvage, en humiliant – pour utiliser une image de Dante Alighieri (Paradis XXII, 151) – ce « parterre » qui est la terre, notre demeure. 4. C’est pourquoi, il faut encourager et soutenir la « conversion écologique », qui au cours de ces dernières décennies a rendu l’humanité plus sen-sible à l’égard de la catastrophe vers laquelle elle s’acheminait. L’homme n’est plus le « ministre » du Créateur. En despote autonome, il est en train de comprendre qu’il doit finalement s’arrêter devant le gouffre. « Il faut saluer aussi positivement l’attention grandissante à la qualité de la vie, à l’écologie, que l’on rencontre surtout dans les sociétés au développement avancé, où les attentes des personnes sont à présent moins centrées sur les problèmes de la survie que sur la recherche d’une amélioration d’ensemble des conditions de vie » (Evangelium vitae, n. 27). Ce qui est en jeu n’est donc pas seulement une écologie « physique », attentive à sauvegarder l’habitat des divers êtres vivants, mais également une écologie « humaine » qui rende plus digne l’existence des créatures, en protégeant le bien primordial de la vie dans toutes ses manifestations et en préparant aux futures générations un environnement qui se rapproche davantage du dessein du Créateur. 5. Dans cette harmonie retrouvée avec la nature et avec soi-même, les hommes et les femmes doivent recommencer à se promener dans le jardin de la création, en cherchant à faire en sorte que les biens de la terre soient disponibles pour tous et pas seulement pour certains privilégiés, précisément comme le suggérait le Jubilé biblique (cf. Lv 25, 8-13.23). Parmi ces merveilles, nous découvrons la voix du Créateur, transmise du ciel et de la terre, du jour et de la nuit:  un langage qui n’est « nulle voix qu’on puisse entendre », capable de franchir toutes les frontières (cf. Ps 19 [18], 2-5). Le Livre de la Sagesse, repris par Paul, célèbre cette présence de Dieu dans l’univers en rappelant que « la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur » (Sg 13, 5; cf. Rm 1, 20). C’est ce que chante la tradition juive des Chassidim:  « Où que j’aille, Toi! Où que je m’arrête, Toi…, où que je me tourne, quoi que j’admire, Toi seul, encore Toi, toujours Toi » (M. Buber, Les récits des Chassidim, Milan 1979, p. 256).

PAPE FRANÇOIS – 2. SIGNES DU JUBILÉ – 16 décembre 2015

13 janvier, 2016

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PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

2. SIGNES DU JUBILÉ

Mercredi 16 décembre 2015

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dimanche dernier a été ouverte la porte sainte dans la cathédrale de Rome, la basilique Saint-Jean-de-Latran, et a été ouverte une porte de la miséricorde dans la cathédrale de chaque diocèse du monde, également dans les sanctuaires et dans les églises indiquées par les évêques. Le jubilé est célébré dans le monde entier, pas seulement à Rome. J’ai désiré que ce signe de la porte sainte soit présent dans chaque Eglise particulière, afin que le jubilé de la miséricorde puisse devenir une expérience partagée par chaque personne. De cette façon, l’année sainte a commencé dans toute l’Eglise et est célébrée dans chaque diocèse comme à Rome. D’ailleurs, la première porte sainte a été ouverte précisément au cœur de l’Afrique. Et Rome est le signe visible de la communion universelle. Puisse cette communion ecclésiale devenir toujours plus intense, afin que l’Eglise soit dans le monde le signe vivant de l’amour et de la miséricorde du Père. La date du 8 décembre a également voulu souligner cette exigence en reliant, à 50 ans de distance, le début du jubilé avec la conclusion du Concile œcuménique Vatican II. En effet, le Concile a contemplé et présenté l’Eglise à la lumière du mystère de la communion. Présente dans le monde entier et organisée dans de nombreuses Eglises particulières, elle est toutefois toujours et uniquement l’unique Eglise de Jésus Christ, celle qu’Il a voulu et pour laquelle il s’est offert Lui-même. L’Eglise «une» qui vit de la communion même de Dieu. Ce mystère de communion, qui fait de l’Eglise le signe de l’amour du Père, croît et mûrit dans notre cœur, quand l’amour, que nous reconnaissons dans la Croix du Christ et dans lequel nous nous plongeons, nous fait aimer comme nous sommes nous-mêmes aimés par Lui. Il s’agit d’un Amour sans fin, qui a le visage du pardon et de la miséricorde. Toutefois, la miséricorde et le pardon ne doivent pas demeurer de vaines paroles, mais se réaliser dans la vie quotidienne. Aimer et pardonner sont le signe concret et visible que la foi a transformé nos cœurs et nous permet d’exprimer en nous la vie même de Dieu. Aimer et pardonner comme Dieu aime et pardonne. C’est un programme de vie qui ne peut connaître d’interruptions ou d’exceptions, mais qui nous pousse à aller toujours au-delà, sans jamais nous lasser, avec la certitude d’être soutenus par la présence paternelle de Dieu. Ce grand signe de la vie chrétienne se transforme ensuite en de nombreux autres signes qui sont caractéristiques du jubilé. Je pense à ceux qui franchiront l’une des portes saintes qui, au cours de cette année, sont de véritables portes de la miséricorde. La porte indique Jésus lui-même qui a dit: «Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira, et trouvera un pâturage» (Jn 10, 9). Traverser la porte sainte est le signe de notre confiance dans le Seigneur Jésus qui n’est pas venu pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 12, 47). Prenez garde que quelqu’un d’un peu malhonnête ou de trop rusé ne vous dise qu’il faut payer: non! le salut ne se paie pas. Le salut ne s’achète pas. La porte est Jésus, et Jésus est gratuit! Lui-même parle de ceux qui ne font pas entrer comme il se doit, et il dit simplement que ce sont des voleurs et des brigands. Alors faites attention: le salut est gratuit. Traverser la porte sainte est signe d’une véritable conversion de notre cœur. Quand nous traversons cette porte, il est bon de rappeler que nous devons maintenir grande ouverte également la porte de notre cœur. Je suis devant la porte sainte et je demande: «Seigneur, aide-moi à ouvrir toute grande la porte de mon cœur!». L’année sainte ne serait pas très efficace si la porte de notre cœur ne laissait pas passer le Christ, qui nous pousse à aller vers les autres, pour l’apporter, lui et son amour. Donc, de même que la porte sainte reste ouverte, parce qu’elle est le signe de l’accueil que Dieu lui-même nous réserve, ainsi, que notre porte également, celle de notre cœur, soit toujours grande ouverte pour n’exclure personne. Pas même celui ou celle qui me dérange: personne. Un signe important du jubilé est également la Confession. S’approcher du sacrement avec lequel nous sommes réconciliés avec Dieu équivaut à faire l’expérience directe de sa miséricorde. C’est trouver le Père qui pardonne: Dieu pardonne tout. Dieu nous comprend également dans nos limites, il nous comprend également dans nos contradictions. Pas seulement, avec son amour, il nous dit que c’est précisément quand nous reconnaissons nos péchés qu’il est encore plus proche et qu’il nous pousse à regarder de l’avant. Il dit plus: que lorsque nous reconnaissons nos péchés et que nous demandons pardon, le Ciel est en fête. Jésus fait la fête! C’est Sa miséricorde: ne nous décourageons pas. Allons de l’avant, de l’avant avec cela! Combien de fois ai-je entendu: «Père, je n’arrive pas à pardonner mon voisin, mon collègue de travail, ma voisine, ma belle-mère, ma belle-sœur». Nous avons tous entendu cela: «Je n’arrive pas à pardonner». Mais comment peut-on demander à Dieu de nous pardonner, si ensuite nous ne sommes pas capables de pardonner? Et pardonner est une grande chose, pourtant, ce n’est pas facile, de pardonner, parce que notre cœur est pauvre et qu’il ne peut pas y réussir avec ses seules forces. Mais si nous nous ouvrons pour accueillir la miséricorde de Dieu pour nous, nous devenons à notre tour capables de pardon. Tant de fois, j’ai entendu dire: «Mais, cette personne, je ne pouvais pas la voir: je la détestais. Mais un jour, je me suis approché du Seigneur et je lui ai demandé pardon pour mes péchés, et j’ai aussi pardonné cette personne». Ce sont des choses de tous les jours. Et nous avons cette possibilité près de nous. Donc, courage! Vivons le jubilé en commençant par ces signes qui comportent une grande force d’amour. Le Seigneur nous conduira à faire l’expérience d’autres signes importants pour notre vie. Courage et allons de l’avant!

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les personnes venues de Nouvelle Calédonie. Alors que Noël se fait proche, je vous confie à l’intercession de la Mère de Jésus et je vous invite, en recevant le sacrement de réconciliation, à préparer votre cœur pour recevoir le Seigneur dans votre vie. Que Dieu vous bénisse.

PAPE FRANÇOIS – POURQUOI UN JUBILÉ DE LA MISÉRICORDE

16 décembre, 2015

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PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 9 décembre 2015

POURQUOI UN JUBILÉ DE LA MISÉRICORDE

Chers frères et sœurs, bonjour,

Hier j’ai ouvert ici, dans la basilique Saint-Pierre, la porte sainte du jubilé de la miséricorde, après l’avoir déjà ouverte dans la cathédrale de Bangui, en Centrafrique. Je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur la signification de cette année sainte, en répondant à la question: pourquoi un jubilé de la miséricorde? Qu’est-ce que cela signifie? L’Eglise a besoin de ce moment extraordinaire. Je ne dis pas: ce moment extraordinaire est bon pour l’Eglise. Je dis: l’Eglise a besoin de ce moment extraordinaire. A notre époque de profonds changements, l’Eglise est appelée à offrir sa contribution particulière, en rendant visibles les signes de la présence et de la proximité de Dieu. Et le jubilé est un temps favorable pour nous tous, car en contemplant la Divine miséricorde, qui franchit toute limite humaine et qui resplendit sur l’obscurité du péché, nous pouvons devenir des témoins plus convaincus et efficaces. Tourner le regard vers Dieu, le Père miséricordieux, et vers nos frères qui ont besoin de miséricorde, signifie diriger notre attention sur le contenu essentiel de l’Evangile: Jésus, la miséricorde faite chair, qui rend visible à nos yeux le grand mystère de l’Amour trinitaire de Dieu. Célébrer un jubilé de la miséricorde équivaut à mettre à nouveau au centre de notre vie personnelle et de nos communautés, le caractère spécifique de la foi chrétienne, c’est-à-dire Jésus Christ, le Dieu miséricordieux. Une année sainte, donc, pour vivre la miséricorde. Oui, chers frères et sœurs, cette année sainte nous est offerte pour faire l’expérience dans notre vie du contact doux et tendre du pardon de Dieu, de sa présence à nos côtés et de sa proximité, en particulier dans les moments de plus grand besoin. Ce jubilé est, en somme, un moment privilégié pour que l’Eglise apprenne à choisir uniquement «ce qui plaît le plus à Dieu». Et qu’est-ce qui «plaît le plus à Dieu»? Pardonner ses enfants, avoir miséricorde d’eux, afin qu’eux aussi puissent à leur tour pardonner leurs frères, en resplendissant comme les flammes de la miséricorde de Dieu dans le monde. C’est ce qui plaît le plus à Dieu. Saint Ambroise, dans un livre de théologie qu’il avait écrit sur Adam, parle de l’histoire de la création du monde et dit que Dieu chaque jour, après avoir fait une chose — la lune, le soleil ou les animaux — dit: «Et Dieu vit que cela était bon». Mais quand il a fait l’homme et la femme, la Bible dit: «Il vit que cela était très bon». Saint Ambroise se demande: «Mais pourquoi dit-il “très bon”? Pourquoi Dieu est-il si content de la création de l’homme et de la femme? Parce qu’à la fin, il avait quelqu’un à pardonner. C’est beau: la joie de Dieu est de pardonner, l’être de Dieu est miséricorde. C’est pourquoi, cette année nous devons ouvrir nos cœurs, pour que cet amour, cette joie de Dieu nous remplisse tous de cette miséricorde. Le jubilé sera un «temps favorable» pour l’Eglise si nous apprenons à choisir «ce qui plaît le plus à Dieu», sans céder à la tentation de penser qu’il y a quelque chose d’autre de plus important ou de prioritaire. Rien n’est plus important que de choisir «ce qui plaît le plus à Dieu», c’est-à-dire sa miséricorde, son amour, sa tendresse, son étreinte, ses caresses! L’œuvre nécessaire de renouveau des institutions et des structures de l’Eglise est elle aussi un moyen qui doit nous conduire à faire l’expérience vivante et vivifiante de la miséricorde de Dieu qui, elle seule, peut garantir à l’Eglise d’être cette ville sise au sommet du mont qui ne peut pas rester cachée (cf. Mt 5, 14). Seule une Eglise miséricordieuse resplendit! Si nous devions, ne serait-ce que pour un moment, oublier que la miséricorde est «ce qui plaît le plus à Dieu», chacun de nos efforts serait vain, car nous deviendrions esclaves de nos institutions et de nos structures, pour autant qu’elles puissent être renouvelées. Mais nous serions toujours des esclaves. «Eprouver fortement en nous la joie d’avoir été retrouvés par Jésus, qui comme Bon Pasteur est venu nous chercher parce que nous nous étions perdus» (Homélie des premières vêpres du dimanche de la Divine miséricorde, 11 avril 2015): tel est l’objectif que l’Eglise se fixe en cette année sainte. Ainsi, nous renforcerons en nous la certitude que la miséricorde peut contribuer réellement à l’édification d’un monde plus humain. En particulier à notre époque, où le pardon est un hôte rare dans les milieux de la vie humaine, le rappel à la miséricorde se fait plus urgent, et ce en chaque lieu: dans la société, dans les institutions, dans le travail et aussi dans la famille. Naturellement, certains pourraient objecter: «Mais, Père, en cette année, l’Eglise ne devrait-elle pas faire quelque chose de plus? Il est juste de contempler la miséricorde de Dieu, mais il existe de nombreuses nécessités urgentes!». C’est vrai, il y a beaucoup à faire, et je suis le premier à ne pas me lasser de le rappeler. Mais il faut tenir compte que, à la racine de l’oubli de la miséricorde, il y a toujours l’amour propre. Dans le monde, celui-ci revêt la forme de la recherche exclusive de ses propres intérêts, de plaisirs et d’honneurs unis à la volonté d’accumuler des richesses, tandis que dans la vie des chrétiens, il se travestit souvent en hypocrisie et mondanité. Toutes ces choses sont contraires à la miséricorde. Les mouvements de l’amour propre, qui font de la miséricorde une étrangère dans le monde, sont si divers et nombreux que souvent, nous ne sommes même plus en mesure de les reconnaître comme limites et comme péché. Voilà pourquoi il est nécessaire de reconnaître que nous sommes pécheurs, pour renforcer en nous la certitude de la Divine miséricorde. «Seigneur, je suis un pécheur; Seigneur, je suis une pécheresse; viens avec ta miséricorde». C’est une très belle prière. C’est une prière facile à dire chaque jour: «Seigneur, je suis un pécheur; Seigneur, je suis une pécheresse; viens avec ta miséricorde». Chers frères et sœurs, je souhaite qu’en cette année sainte, chacun de nous fasse l’expérience de la miséricorde de Dieu, pour être témoins de «ce qui lui plaît le plus». Est-il naïf de penser que cela peut changer le monde? Oui, humainement parlant, c’est insensé, mais «ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes» (1 Co 1, 25).

 

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE (Le Jubilé)

2 décembre, 2015

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PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

MERCREDI 18 NOVEMBRE 2015

Chers frères et sœurs, bonjour !

Avec cette réflexion, nous sommes arrivés au seuil du jubilé, il est proche. Devant nous se trouve la porte, mais pas uniquement la porte sainte, l’autre: la grande porte de la Miséricorde de Dieu — et il s’agit d’une belle porte ! — qui accueille notre repentir en offrant la grâce de son pardon. La porte est généreusement ouverte, il faut un peu de courage de notre part pour franchir le seuil. Chacun de nous a en lui des choses lourdes. Nous sommes tous pécheurs ! Profitons de ce moment qui vient et franchissons le seuil de cette miséricorde de Dieu qui ne se lasse jamais de pardonner, qui ne se lasse jamais de nous attendre ! Il nous regarde, il est toujours à nos côtés. Courage! Entrons par cette porte ! Depuis le synode des évêques, que nous avons célébré au mois d’octobre dernier, toutes les familles, et l’Église entière ont reçu un grand encouragement à se rencontrer sur le seuil de cette porte ouverte. L’Église a été encouragée à ouvrir ses portes, pour sortir avec le Seigneur à la rencontre de ses fils et de ses filles en chemin, parfois incertains, parfois égarés, en ces temps difficiles. Les familles chrétiennes, en particulier, ont été encouragées à ouvrir la porte au Seigneur qui attend d’entrer, en apportant sa bénédiction et son amitié. Et si la porte de la miséricorde de Dieu est toujours ouverte, les portes de nos églises, de nos communautés, de nos paroisses, de nos institutions, de nos diocèses, doivent elles aussi êtres ouvertes, car ainsi, nous pouvons tous sortir pour apporter cette miséricorde de Dieu. Le jubilé signifie la grande porte de la miséricorde de Dieu mais aussi les petites portes de nos églises ouvertes pour laisser entrer le Seigneur — ou tant de fois laisser sortir le Seigneur — prisonnier de nos structures, de notre égoïsme et de tant de choses. Le Seigneur ne force jamais la porte: Lui aussi demande la permission d’entrer. Le Livre de l’Apocalypse dit : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (3, 20). Mais imaginons le Seigneur qui frappe à la porte de notre cœur ! Et dans la dernière grande vision de ce Livre de l’Apocalypse, c’est ainsi que l’on prophétise la Cité de Dieu : « Ses portes resteront ouvertes le jour », ce qui signifie pour toujours, car « il n’y aura pas de nuit » (21, 25). Il y a des endroits dans le monde où l’on ne ferme pas les portes à clé, il y en a encore. Mais il y en a beaucoup où les portes blindées sont devenues normales. Nous ne devons pas nous résigner à l’idée de devoir appliquer ce système à toute notre vie, à la vie de la famille, de la ville, de la société. Et encore moins à la vie de l’Église. Ce serait terrible ! Une Église inhospitalière, de même qu’une famille repliée sur elle-même, blesse l’Évangile et assèche le monde. Aucune porte blindée dans l’Église, aucune ! Tout ouvert ! La gestion symbolique des « portes » — des seuils, des passagers, des frontières — est devenue cruciale. La porte doit protéger, bien sûr, mais pas repousser. La porte ne doit pas être forcée, au contraire, l’on demande la permission, car l’hospitalité resplendit dans la liberté de l’accueil, et s’obscurcit dans la toute-puissance de l’invasion. La porte s’ouvre fréquemment, pour voir s’il y a dehors quelqu’un qui attend, et sans doute n’a pas le courage, peut-être pas non plus la force de frapper. Combien de gens ont perdu confiance, n’ont pas le courage de frapper à la porte de notre cœur chrétien, aux portes de nos églises… Et ils sont là, ils n’ont pas le courage, nous leur avons volé la confiance : s’il vous plaît, que cela ne se produise jamais. La porte dit beaucoup de choses de la maison, et aussi de l’Église. La gestion de la porte requiert un discernement attentif et, dans le même temps, doit inspirer une grande confiance. Je voudrais prononcer une parole de gratitude pour tous les gardiens des portes: de nos immeubles, des institutions civiques, des églises elles-mêmes. Souvent, la courtoisie et la gentillesse du concierge sont capables d’offrir une image d’humanité et d’accueil à la maison entière, dès l’entrée. Il y a des choses à apprendre de ces hommes et femmes, qui sont les gardiens des lieux de rencontre et d’accueil de la ville de l’homme ! À vous tous, gardiens de tant de portes, que ce soit les portes d’habitations, ou les portes des églises, merci beaucoup ! Mais toujours avec un sourire, toujours en montrant l’accueil de cette maison, de cette église, ainsi les gens se sentent heureux et accueillis dans cet endroit. En vérité, nous savons bien que nous sommes nous-mêmes les gardiens et les serviteurs de la porte de Dieu, et la porte de Dieu comment s’appelle-t-elle ? Jésus ! Il nous illumine sur toutes les portes de la vie, y compris celle de notre naissance et de notre mort. Il l’a lui-même affirmé : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira et trouvera un pâturage » (Jn 10, 9). Jésus est la porte qui nous fait entrer et sortir. Car la bergerie de Dieu est un refuge, ce n’est pas une prison ! La maison de Dieu est un refuge, ce n’est pas une prison, et la porte s’appelle Jésus ! Et si la porte est fermée, nous disons : « Seigneur, ouvre la porte!». Jésus est la porte et il nous fait entrer et sortir. Ce sont les voleurs qui cherchent à éviter la porte: c’est curieux, les voleurs cherchent toujours à entrer d’un autre côté, par la fenêtre, par le toit, mais ils évitent la porte, car ils ont de mauvaises intentions, et ils s’introduisent dans la bergerie pour tromper les brebis et profiter d’elles. Nous devons franchir la porte et écouter la voix de Jésus: si nous entendons le son de sa voix, nous sommes en sécurité, nous sommes saufs. Nous pouvons entrer sans crainte et sortir sans danger. Dans ce très beau discours de Jésus, on parle également du gardien, qui a la tâche d’ouvrir au bon Pasteur (cf. Jn 10, 2). Si le gardien écoute la voix du pasteur, alors il ouvre, et il fait entrer toutes les brebis que le pasteur amène, toutes, y compris celles qui se sont perdues dans les bois, que le bon pasteur est allé rechercher. Ce n’est pas le gardien qui choisit les brebis, ce n’est pas le secrétaire paroissial ou la secrétaire de la paroisse qui les choisit ; les brebis sont toutes invitées, elles sont choisies par le bon Pasteur. Le gardien — lui aussi — obéit à la voix du pasteur. Voilà, nous pourrions dire que nous devons être comme ce gardien. L’Église est la gardienne de la maison du Seigneur, elle n’est pas la maîtresse de la maison du Seigneur. La Sainte Famille de Nazareth sait bien ce que signifie une porte ouverte ou fermée, pour qui attend un enfant, pour qui n’a pas d’abri, pour qui doit fuir le danger. Que les familles chrétiennes fassent du seuil de leur maison un petit grand signe de la Porte de la miséricorde et de l’accueil de Dieu. C’est précisément ainsi que l’Église doit être reconnue, dans chaque lieu de la terre : comme la gardienne d’un Dieu qui frappe, comme l’accueil d’un Dieu qui ne te ferme pas la porte à la figure, avec l’excuse que tu n’es pas de la maison. Approchons-nous du jubilé avec cet esprit : il y aura la porte sainte, mais il y a la porte de la grande miséricorde de Dieu ! Qu’il y ait aussi la porte de notre cœur pour recevoir tous le pardon de Dieu et donner à notre tour notre pardon, en accueillant tous ceux qui frappent à notre porte.  

BENOÎT XVI – (TITRE ITALIEN – ADAM ET LE CHRIST: DU PÉCHÉ (ORIGINAL) À LA LIBERTÉ.)

18 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20081203.html

BENOÎT XVI – (TITRE ITALIEN – ADAM ET LE CHRIST: DU PÉCHÉ (ORIGINAL) À LA LIBERTÉ.)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 3 décembre 2008

LES RELATIONS ENTRE ADAM ET LE CHRIST ET LA DOCTRINE DE SAINT PAUL

Chers frères et sœurs,

Dans la catéchèse d’aujourd’hui, nous nous arrêterons sur les relations entre Adam et le Christ, dont parle saint Paul dans la célèbre page de la Lettre aux Romains (5, 12-21), dans laquelle il remet à l’Eglise les lignes essentielles de la doctrine sur le péché originel. En vérité, dans la première Lettre aux Corinthiens, en traitant de la foi dans la résurrection, Paul avait déjà présenté la confrontation entre notre ancêtre et le Christ:  « En effet, c’est en Adam que meurent tous les hommes; c’est dans le Christ que tous revivront… Le premier Adam était un être humain qui avait reçu la vie; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie » (1 Co 15, 22.45). Avec Rm 5, 12-21 la confrontation entre le Christ et Adam devient plus articulée et éclairante:  Paul reparcourt l’histoire du salut, d’Adam à la Loi et de celle-ci au Christ. Ce n’est pas tellement Adam, avec les conséquences du péché sur l’humanité, qui se trouve au centre de la scène, mais Jésus Christ et la grâce qui, à travers Lui, a été déversée en abondance sur l’humanité. La répétition du « beaucoup plus » concernant le Christ souligne que le don reçu en Lui dépasse, de beaucoup, le péché d’Adam et les conséquences qu’il produit sur l’humanité, de sorte que Paul peut parvenir à la conclusion:  « Mais là où le péché s’était multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). La comparaison que Paul effectue entre Adam et le Christ met donc en lumière l’infériorité du premier homme par rapport à la prééminence du deuxième. D’autre part, c’est précisément pour mettre en évidence l’incommensurable don de la grâce, dans le Christ, que Paul mentionne le péché d’Adam:  on dirait que si cela n’avait pas été pour démontrer l’aspect central de la grâce, il ne se serait pas attardé à traiter du péché qui « par un seul homme… est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort » (Rm 5, 12). C’est pour cette raison que si dans la foi de l’Eglise a mûri la conscience du dogme du péché originel, c’est parce qu’il est lié de manière indissoluble avec l’autre dogme, celui du salut et de la liberté dans le Christ. Nous ne devrions donc jamais traiter du péché d’Adam et de l’humanité en le détachant du contexte du salut, c’est-à-dire sans les placer dans le contexte de la justification dans le Christ. Mais en tant qu’hommes d’aujourd’hui, nous devons nous demander:  quel est ce péché originel? Qu’est-ce que Paul enseigne, qu’est-ce que l’Eglise enseigne? Est-il possible de soutenir cette doctrine aujourd’hui encore? Un grand nombre de personnes pense que, à la lumière de l’histoire de l’évolution, il n’y a plus de place pour la doctrine d’un premier péché, qui ensuite se diffuserait dans toute l’histoire de l’humanité. Et, en conséquence, la question de la Rédemption et du Rédempteur perdrait également son fondement. Le péché originel existe-il donc ou non? Pour pouvoir répondre, nous devons distinguer deux aspects de la doctrine sur le péché originel. Il existe un aspect empirique, c’est-à-dire une réalité concrète, visible, je dirais tangible pour tous. Et un aspect mystérique, concernant le fondement ontologique de ce fait. La donnée empirique est qu’il existe une contradiction dans notre être. D’une part, chaque homme sait qu’il doit faire le bien et intérieurement il veut aussi le faire. Mais, dans le même temps, il ressent également l’autre impulsion à faire le contraire, à suivre la voie de l’égoïsme, de la violence, de ne faire que ce qui lui plaît tout en sachant qu’il agit ainsi contre le bien, contre Dieu et contre son prochain. Saint Paul, dans sa Lettre aux Romains, a ainsi exprimé cette contradiction dans notre être:  « En effet, ce qui est à ma portée, c’est d’avoir envie de faire le bien, mais non pas de l’accomplir. Je ne réalise pas le bien que je voudrais, mais je fais le mal que je ne voudrais pas » (7, 18-19). Cette contradiction intérieure de notre être n’est pas une théorie. Chacun de nous l’éprouve chaque jour. Et nous voyons surtout autour de nous la prédominance de cette deuxième volonté. Il suffit de penser aux nouvelles quotidiennes sur les injustices, la violence, le mensonge, la luxure. Nous le voyons chaque jour:  c’est un fait. En conséquence de ce pouvoir du mal dans nos âmes s’est développé dans l’histoire un fleuve de boue, qui empoisonne la géographie de l’histoire humaine. Le grand penseur français Blaise Pascal a parlé d’une « seconde nature », qui se superpose à notre nature originelle, bonne. Cette « seconde nature » fait apparaître le mal comme normal pour l’homme. Ainsi, l’expression habituelle:  « cela est humain » possède aussi une double signification. « Cela est humain » peut vouloir signifier:  cet homme est bon, il agit réellement comme devrait agir un homme. Mais « cela est humain » peut également signifier la fausseté:  le mal est normal, est humain. Le mal semble être devenu une seconde nature. Cette contradiction de l’être humain, de notre histoire doit susciter, et suscite aujourd’hui aussi, le désir de rédemption. Et, en réalité, le désir que le monde soit changé et la promesse que sera créé un monde de justice, de paix et de bien est présent partout:  dans la politique, par exemple, tous parlent de cette nécessité de changer le monde, de créer un monde plus juste. Et cela exprime précisément le désir qu’il y ait une libération de la contradiction dont nous faisons l’expérience en nous-mêmes. Le fait du pouvoir du mal dans le cœur humain et dans l’histoire humaine est donc indéniable. La question est:  comment ce mal s’explique-t-il? Dans l’histoire de la pensée, en faisant abstraction de la foi chrétienne, il existe un modèle principal d’explication, avec différentes variations. Ce modèle dit:  l’être lui-même est contradictoire, il porte en lui aussi bien le bien que le mal. Dans l’antiquité, cette idée impliquait l’opinion qu’il existe deux principes également originels:  un principe bon et un principe mauvais. Ce dualisme serait infranchissable; les deux principes se trouvent au même niveau, il y aura donc toujours, dès l’origine de l’être, cette contradiction. La contradiction de notre être refléterait donc uniquement la position contraire des deux principes divins, pour ainsi dire. Dans la version évolutionniste, athée, du monde, la même vision revient. Même si, dans cette conception, la vision de l’être est moniste, on suppose que l’être comme tel porte dès le début en lui le mal et le bien. L’être lui-même n’est pas simplement bon, mais ouvert au bien et au mal. Le mal est aussi originel, comme le bien. Et l’histoire humaine ne développerait que le modèle déjà présent dans toute l’évolution précédente. Ce que les chrétiens appellent le péché originel ne serait en réalité que le caractère mixte de l’être, un mélange de bien et de mal qui, selon cette théorie, appartiendrait à l’étoffe même de l’être. C’est une vision qui au fond est désespérée:  s’il en est ainsi, le mal est invincible. A la fin seul le propre intérêt compte. Et chaque progrès serait nécessairement à payer par un fleuve de mal et celui qui voudrait servir le progrès devrait accepter de payer ce prix. Au fond, la politique est précisément fondée sur ces prémisses:  et nous en voyons les effets. Cette pensée moderne peut, à la fin, ne créer que la tristesse et le cynisme. Et ainsi, nous nous demandons à nouveau:  que dit la foi, témoignée par saint Paul? Comme premier point, elle confirme le fait de la compétition entre les deux natures, le fait de ce mal dont l’ombre pèse sur toute la création. Nous avons entendu le chapitre 7 de la Lettre aux Romains, nous pourrions ajouter le chapitre 8. Le mal existe, simplement. Comme explication, en opposition avec les dualismes et les monismes que nous avons brièvement considérés et trouvés désolants, la foi nous dit:  il existe deux mystères de lumière et un mystère de nuit, qui est toutefois enveloppé par les mystères de lumière. Le premier mystère de lumière est celui-ci:  la foi nous dit qu’il n’y a pas deux principes, un bon et un mauvais, mais il y a un seul principe, le Dieu créateur, et ce principe est bon, seulement bon, sans ombre de mal. Et ainsi, l’être également n’est pas un mélange de bien et de mal; l’être comme tel est bon et c’est pourquoi il est bon d’être, il est bon de vivre. Telle est la joyeuse annonce de la foi:  il n’y a qu’une source bonne, le Créateur. Et par conséquent, vivre est un bien, c’est une bonne chose d’être un homme, une femme, la vie est bonne. S’ensuit un mystère d’obscurité, de nuit. Le mal ne vient pas de la source de l’être lui-même, il n’est pas également originel. Le mal vient d’une liberté créée, d’une liberté dont on a abusé. Comment cela a-t-il été possible, comment est-ce arrivé? Cela demeure obscur. Le mal n’est pas logique. Seul Dieu et le bien sont logiques, sont lumière. Le mal demeure mystérieux. On l’a représenté dans de grandes images, comme le fait le chapitre 3 de la Genèse, avec cette vision des deux arbres, du serpent, de l’homme pécheur. Une grande image qui nous fait deviner, mais ne peut pas expliquer ce qui est en soi illogique. Nous pouvons deviner, pas expliquer; nous ne pouvons pas même le raconter comme un fait détaché d’un autre, parce que c’est une réalité plus profonde. Cela demeure un mystère d’obscurité, de nuit. Mais un mystère de lumière vient immédiatement s’y ajouter. Le mal vient d’une source subordonnée. Dieu avec sa lumière est plus fort. Et c’est pourquoi le mal peut être surmonté. C’est pourquoi la créature, l’homme peut être guéri. Les visions dualistes, même le monisme de l’évolutionnisme, ne peuvent pas dire que l’homme peut être guéri; mais si le mal ne vient que d’une source subordonnée, il reste vrai que l’homme peut être guéri. Et le Livre de la Sagesse dit:  « Les créatures du monde sont salutaires » (1, 14 volg). Et enfin, dernier point, l’homme non seulement peut être guéri, mais il est guéri de fait. Dieu a introduit la guérison. Il est entré en personne dans l’histoire. A la source constante du mal, il a opposé une source de bien pur. Le Christ crucifié et ressuscité, nouvel Adam, oppose au fleuve sale du mal un fleuve de lumière. Et ce fleuve est présent dans l’histoire:  nous voyons les saints, les grands saints, mais aussi les saints humbles, les simples fidèles. Nous voyons que le fleuve de lumière qui vient du Christ est présent, il est fort. Frères et sœurs, c’est le temps de l’Avent. Dans le langage de l’Eglise, le mot Avent a deux significations:  présence et attente. Présence:  la lumière est présente, le Christ est le nouvel Adam, il est avec nous et au milieu de nous. La lumière resplendit déjà et nous devons ouvrir les yeux du cœur pour voir la lumière et pour nous introduire dans le fleuve de la lumière. Et surtout être reconnaissants du fait que Dieu lui-même est entré dans l’histoire comme nouvelle source de bien. Mais Avent veut aussi dire attente. La nuit obscure du mal est encore forte. C’est pourquoi nous prions dans l’Avent avec l’antique peuple de Dieu:  « Rorate caeli desuper ». Et nous prions avec insistance:  viens Jésus; viens, donne force à la lumière et au bien; viens là où dominent le mensonge, l’ignorance de Dieu, la violence, l’injustice; viens, Seigneur Jésus, donne force au bien dans le monde et aide-nous à être porteurs de ta lumière, artisans de paix, témoins de la vérité. Viens Seigneur Jésus!

PAPE FRANÇOIS – (DE LA VIE FAMILIALE…LA CONVIVIALITÉ)

18 novembre, 2015

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PAPE FRANÇOIS – (DE LA VIE FAMILIALE…LA CONVIVIALITÉ)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 11 novembre 2015

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous réfléchirons aujourd’hui sur une qualité caractéristique de la vie familiale que l’on apprend dès les premières années de vie: la convivialité, c’est-à-dire l’aptitude à partager les biens de la vie et à être heureux de pouvoir le faire. Partager et savoir partager est une vertu précieuse! Son symbole, son « icône », est la famille réunie autour de la table domestique. Le partage du repas — et donc, non seulement de la nourriture, mais également des sentiments d’affection, des récits, des événements… — est une expérience fondamentale. Quand il y a une fête, un anniversaire, une commémoration, on se retrouve autour de la table. Dans certaines cultures, on a coutume de le faire également lors des deuils, pour être proches de ceux qui sont dans la peine à la suite de la perte d’un membre de leur famille. La convivialité est un thermomètre sûr pour mesurer la santé des relations: si en famille il y a quelque chose qui ne va pas, ou une blessure cachée, on le comprend tout de suite à table. Une famille qui ne mange presque jamais ensemble, où qui ne se parle jamais à table, mais qui regarde la télévision, ou le smartphone, est une famille « peu famille ». Quand les enfants à table sont accrochés à leur ordinateur, au téléphone portable, et ne s’écoutent pas entre eux, cela n’est pas une famille, c’est un pensionnat. Le christianisme a une vocation spéciale pour la convivialité, tous le savent. Le Seigneur Jésus enseignait volontiers à table, et il représentait parfois le royaume de Dieu comme un banquet de fête. Jésus choisit la table également pour remettre à ses disciples son testament spirituel — il le fit à dîner — condensé dans le geste mémorial de son sacrifice : don de son Corps et de son Sang comme nourriture et boisson de salut, qui nourrissent l’amour véritable et durable. Dans cette perspective, nous pouvons bien dire que la famille est « chez elle » à la Messe, précisément parce qu’elle apporte à l’Eucharistie sa propre expérience de convivialité et l’ouvre à la grâce d’une convivialité universelle, de l’amour de Dieu pour le monde. En participant à l’Eucharistie, la famille est purifiée de la tentation de se refermer sur elle-même, fortifiée dans l’amour et dans la fidélité, et elle élargit les frontières de sa fraternité selon le cœur du Christ. À notre époque, marquée par tant de fermetures et par trop de murs, la convivialité, engendrée par la famille et dilatée par l’Eucharistie, devient une opportunité cruciale. L’Eucharistie et les familles qui en sont nourries peuvent vaincre les fermetures et construire des ponts d’accueil et de charité. Oui, l’Eucharistie d’une Église de familles, capables de redonner à la communauté le levain actif de la convivialité et de l’hospitalité réciproque, est une école d’inclusion humaine qui ne craint pas la comparaison ! Il n’y a pas de petits, d’orphelins, de personnes faibles, sans défense, blessées et déçues, désespérées et abandonnées, que la convivialité eucharistique des familles ne puisse nourrir, restaurer, protéger et accueillir. La mémoire des vertus familiales nous aide à comprendre. Nous-mêmes avons connu, et connaissons encore, les miracles qui peuvent se produire quand une mère a un regard et de l’attention, de la sollicitude et des soins pour les enfants d’autrui, en plus des siens. Jusqu’à hier, une mère suffisait pour tous les enfants de la cour! Et nous savons également bien quelle force acquiert un peuple dont les pères sont prêts à agir pour protéger les enfants de tous, car ils considèrent les enfants comme un bien commun, qu’ils sont heureux et orgueilleux de protéger. Aujourd’hui, de nombreux contextes sociaux dressent des obstacles à la convivialité familiale. C’est vrai, aujourd’hui cela n’est pas facile. Nous devons trouver la manière de la récupérer. A table on parle, à table on écoute. Pas de silence, ce silence qui n’est pas le silence des moniales, mais qui est le silence de l’égoïsme, où chacun pense à soi, ou à la télévision ou à l’ordinateur… et on ne parle pas. Non, pas de silence. Il faut retrouver cette convivialité familiale, tout en l’adaptant à l’époque. On dirait que la convivialité est devenue quelque chose que l’on achète et qui se vend, mais ainsi c’est aussi une autre chose. Et la nourriture n’est pas toujours le symbole d’un juste partage des biens, capable d’atteindre celui qui n’a ni pain ni affection. Dans les pays riches, nous sommes poussés à dépenser pour une nourriture excessive, et ensuite nous le sommes à nouveau pour remédier à l’excès. Et cette « affaire » insensée détourne notre attention de la faim véritable, du corps et de l’âme. Quand il n’y a pas de convivialité, l’égoïsme est présent, chacun pense à lui-même. D’autant plus que la publicité l’a réduite à une langueur pour un goûter et à une envie de petits gâteaux. Alors qu’un grand nombre, trop de nos frères et sœurs ne peuvent pas s’asseoir à table. C’est un peu une honte ! Regardons le mystère du banquet eucharistique. Le Seigneur rompt son Corps et verse son Sang pour tous. Il n’y a vraiment aucune division qui puisse résister à ce Sacrifice de communion ; seule l’attitude de fausseté, de complicité avec le mal peut exclure de celui-ci. Toute autre distance ne peut résister à la puissance sans défense de ce pain rompu et de ce vin versé, Sacrement de l’unique Corps du Seigneur. L’alliance vivante et vitale des familles chrétiennes, qui précède, soutient et embrasse dans le dynamisme de son hospitalité les difficultés et les joies quotidiennes, coopère avec la grâce de l’Eucharistie, qui est en mesure de créer une communion toujours nouvelle avec sa force qui inclut et qui sauve. La famille chrétienne montrera précisément ainsi l’ampleur de son véritable horizon, qui est l’horizon de l’Église Mère de tous les hommes, de tous ceux qui sont abandonnés et exclus, dans tous les peuples. Prions pour que cette convivialité familiale puisse croître et mûrir pendant le temps de grâce du prochain jubilé de la miséricorde. Je salue cordialement les pèlerins de langue française. C’est aujourd’hui la fête liturgique de Saint Martin qui a évangélisé les campagnes de France. Je salue aussi les Hongrois, car il est né en Hongrie. Je confie à sa protection vos communautés et vos familles, afin que, nourries régulièrement de l’Eucharistie, elles puissent toujours devenir pour le monde des écoles de cordialité, d’accueil et de charité.

Que Dieu vous bénisse.

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