Archive pour la catégorie 'CATÉCHÈSE DU MERCREDI'

Audience générale : Syméon le Nouveau Théologien

17 septembre, 2009

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http://www.zenit.org/article-22009?l=french

Audience générale : Syméon le Nouveau Théologien

Texte intégral de la catéchèse de Benoît XVI

ROME, Mercredi 16 septembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée mercredi 16 septembre par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, dans la salle Paul VI au Vatican.

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui nous examinerons la figure d’un moine oriental, Syméon le Nouveau Théologien, dont les écrits ont exercé une remarquable influence sur la théologie et sur la spiritualité de l’Orient, en particulier en ce qui concerne l’expérience de l’union mystique avec Dieu. Syméon le Nouveau Théologien naquit en 949 à Galatai, en Paphlagonie (Asie mineure), dans une famille noble de province. Encore jeune, il partit pour Constantinople pour y entreprendre des études et entrer au service de l’empereur. Mais il se sentit peu attiré par la carrière civile qui l’attendait et sous l’influence des illuminations intérieures dont il faisait l’expérience, il se mit à la recherche d’une personne qui l’orientât dans le moment de grands doutes et de perplexité qu’il était en train de vivre, et qui l’aidât à progresser sur le chemin de l’union avec Dieu. Il trouva ce guide spirituel en Syméon le Pieux (Eulabes), un simple moine du monastère de Studios, à Constantinople, qui lui donna à lire le traité La loi spirituelle de Marc le Moine. Dans ce texte, Syméon le Nouveau Théologien trouva un enseignement qui l’impressionna beaucoup : « Si tu cherches la guérison spirituelle – y lit-il- sois attentif à ta conscience. Tout ce qu’elle te dit, fais-le et tu trouveras ce dont tu as besoin ». A partir de ce moment-là – raconte-t-il lui-même – il ne se coucha plus sans se demander si sa conscience n’avait pas quelque chose à lui reprocher.

Syméon entra dans le monastère des Studites, où, toutefois, ses expériences mystiques et son extraordinaire dévotion envers le Père spirituel lui causèrent des difficultés. Il partit pour le petit couvent de Saint Mamas, toujours à Constantinople, dont, après trois ans, il devint le chef, l’higoumène. Il y conduisit une intense recherche d’union spirituelle avec le Christ, qui lui conféra une grande autorité. Il est intéressant de noter qu’il lui fut donné le qualificatif de « Nouveau Théologien », bien que la tradition ne réserve le titre de « Théologien » qu’à deux personnalités : à l’évangéliste Jean et à Grégoire de Nazianze. Il endura des incompréhensions et souffrit l’exil, mais fut réhabilité par le patriarche de Constantinople, Serge II.

Syméon le Nouveau Théologien passa la dernière période de son existence dans le monastère de Sainte Marine, où il écrivit une grande partie de ses œuvres, en devenant de plus en plus célèbre en raison de ses enseignements et de ses miracles. Il mourut le 12 mars 1022.

Le plus connu de ses disciples, Niceta Stetatos, qui a recueilli et recopié les écrits de Syméon, en fit une édition posthume, en rédigeant à la suite une biographie. L’œuvre de Syméon comprend neuf volumes, qui se divisent en Chapitres théologiques, gnostiques et pratiques, trois volumes de Catéchèses adressées aux moines, deux volumes de Traités théologiques et éthiques et un volume d’Hymnes. Il ne faut pas non plus oublier les nombreuses Lettres. Toutes ces œuvres ont trouvé une place importante dans la tradition monastique orientale jusqu’à nos jours.

Syméon concentre sa réflexion sur la présence de l’Esprit Saint chez les baptisés et sur la conscience qu’ils doivent avoir de cette réalité spirituelle. La vie chrétienne – souligne-t-il – est une communion intime et personnelle avec Dieu, la grâce divine illumine le cœur du croyant et le conduit à la vision mystique du Seigneur. Dans ce sillage, Syméon le Nouveau Théologien insiste sur le fait que la véritable connaissance de Dieu ne vient pas des livres, mais de l’expérience spirituelle, de la vie spirituelle. La connaissance de Dieu naît d’un chemin de purification intérieure, qui commence avec la conversion du cœur, grâce à la force de la foi et de l’amour ; elle passe à travers un profond repentir et une douleur sincère pour ses péchés, pour arriver à l’union avec le Christ, source de joie et de paix, imprégnés de la lumière de sa présence en nous. Pour Syméon, cette expérience de la grâce divine ne constitue pas un don exceptionnel pour quelques mystiques, mais est le fruit du Baptême dans l’existence de tout fidèle sérieusement engagé.

Un point sur lequel réfléchir, chers frères et sœurs ! Ce saint moine oriental nous rappelle tous à une attention à la vie spirituelle, à la présence cachée de Dieu en nous, à la sincérité de la conscience et à la purification, à la conversion du cœur, afin que l’Esprit Saint devienne réellement présent en nous et nous guide. Si, en effet, on se préoccupe à juste titre de prendre soin de notre croissance physique, humaine et intellectuelle, il est encore plus important de ne pas négliger la croissance intérieure, qui consiste dans la connaissance de Dieu, dans la véritable connaissance, non seulement apprise dans les livres, mais intérieure, et dans la communion avec Dieu, pour faire l’expérience de son aide à tout moment et en toute circonstance. Au fond, c’est ce que Syméon décrit lorsqu’il rapporte son expérience mystique. Déjà, lorsqu’il était jeune, avant d’entrer au monastère, tandis qu’une nuit, chez lui, il prolongeait ses prières, en invoquant l’aide de Dieu pour lutter contre les tentations, il avait vu la pièce emplie de lumière. Puis, lorsqu’il entra au monastère, on lui offrit des livres spirituels pour s’instruire, mais leur lecture ne lui procurait pas la paix qu’il recherchait. Il se sentait – raconte-t-il – comme un pauvre petit oiseau sans aile. Il accepta cette situation avec humilité, sans se rebeller, et alors les visions de lumière commencèrent à nouveau à se multiplier. Voulant s’assurer de leur authenticité, Syméon demanda directement au Christ : « Seigneur, est-ce toi qui es vraiment ici ? ». Il sentit retentir dans son cœur la réponse affirmative et en fut réconforté au plus au point. « Ce fut, Seigneur, – écrira-t-il par la suite – la première fois que tu me jugeas, moi, fils prodigue, digne d’écouter ta voix ». Toutefois, pas même cette révélation ne réussit à lui apporter la tranquillité. Il se demandait plutôt si cette expérience ne devait pas elle aussi être considérée comme une illusion. Un jour, enfin, un événement fondamental pour son expérience mystique eut lieu. Il commença à se sentir comme « un pauvre qui aime ses frères » (ptochós philádelphos). Il voyait autour de lui de nombreux ennemis qui voulaient lui tendre des pièges et lui faire du mal, mais, en dépit de cela il ressentit en lui un intense élan d’amour pour eux. Comment l’expliquer ? Bien sûr, un tel amour ne pouvait venir de lui-même, mais devait jaillir d’une autre source. Syméon comprit qu’il provenait du Christ présent en lui et tout lui apparut clair : il eut la preuve certaine que la source de l’amour en lui était la présence du Christ et qu’avoir en soi un amour qui va au-delà de mes intentions personnelles indique que la source de l’amour se trouve en moi. Ainsi, d’un côté, nous pouvons dire que sans une certaine ouverture à l’amour, le Christ n’entre pas en nous, mais de l’autre, le Christ devient source d’amour et nous transforme. Chers amis, cette expérience reste véritablement importante pour nous aujourd’hui, pour trouver les critères qui nous indiquent si nous sommes réellement proches de Dieu, si Dieu est présent et vit en nous. L’amour de Dieu croît en nous si nous demeurons unis à Lui à travers la prière et l’écoute de sa parole, à travers l’ouverture du cœur. Seul l’amour divin nous fait ouvrir notre cœur aux autres et nous rend sensibles à leurs besoins nous faisant considérer chacun comme nos frères et sœurs, et nous invitant à répondre à la haine par l’amour et à l’offense par le pardon.

En réfléchissant sur cette figure de Syméon le Nouveau Théologien, nous pouvons observer encore un élément supplémentaire de sa spiritualité. Sur le chemin de vie ascétique qu’il a proposé et parcouru, la profonde attention et concentration du moine sur l’expérience intérieure confère au Père spirituel du monastère une importance essentielle. Le jeune Syméon lui-même, comme on l’a dit, avait trouvé un directeur spirituel, qui l’aida beaucoup et dont il conserva une très grande estime, au point de lui réserver, après sa mort, une vénération également publique. Et je voudrais dire que l’invitation à avoir recours aux conseils d’un bon père spirituel, capable d’accompagner chacun dans la connaissance profonde de soi, et de le conduire à l’union avec le Seigneur, afin que son existence se conforme toujours plus à l’Evangile, demeure valable pour tous – prêtres, personnes consacrées et laïcs, et en particulier les jeunes. Pour aller vers le Seigneur, nous avons toujours besoin d’un guide, d’un dialogue. Nous ne pouvons pas le faire seulement avec nos réflexions. Et trouver ce guide est également le sens du caractère ecclésial de notre foi.

En conclusion, nous pouvons résumer ainsi l’enseignement et l’expérience mystique de Syméon le Nouveau Théologien : dans sa recherche incessante de Dieu, même dans les difficultés qu’il rencontra et les critiques dont il fut l’objet, en fin de compte, il se laissa toujours guider par l’amour. Il sut vivre lui-même et enseigner à ses moines que l’essentiel pour tout disciple de Jésus est croître dans l’amour et ainsi, nous mûrissons dans la connaissance du Christ lui-même, pour pouvoir affirmer avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Syméon le Nouveau Théologien est né en Asie mineure, en 949. Après quelque temps au service de l’Empereur, à Constantinople, il s’orienta vers la vie monastique qu’il mena dans plusieurs monastères de cette ville. Ses écrits ont exercé une grande influence sur la théologie et la spiritualité de l’Orient, en particulier pour ce qui concerne l’expérience de l’union mystique avec Dieu. Syméon a concentré sa réflexion sur la présence de l’Esprit Saint dans les baptisés et sur la conscience qu’ils doivent en avoir. La vraie connaissance de Dieu vient de l’expérience spirituelle. Elle est le fruit du Baptême dans l’existence de tout fidèle sérieusement engagé.

Ce moine oriental nous appelle à porter une grande attention à notre vie spirituelle. L’amour de Dieu grandit en nous si nous demeurons unis à lui par la prière et par l’écoute de sa parole. Il nous fait ouvrir notre cœur aux autres et nous rend sensibles à leurs besoins, nous les faisant considérer comme des frères et nous invitant à répondre à la haine par l’amour et à l’offense par le pardon.

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française. Je salue en particulier les membres de la délégation parlementaire «  France-Saint-Siège  » et les séminaristes du séminaire Saint-Joseph, de Bordeaux. Que Syméon le Nouveau Théologien vous aide à toujours mieux comprendre que pour le disciple de Jésus l’essentiel est de grandir dans l’amour et dans la connaissance de Dieu. Avec ma Bénédiction apostolique  !

Traduction française : Zenit

Audience générale du 24 juin 2009 : L’Année sacerdotale et le curé d’Ars

26 juin, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-21387?l=french

Audience générale du 24 juin 2009 : L’Année sacerdotale et le curé d’Ars

Texte intégral

ROME, Mercredi 24 juin 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

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Chers frères et sœurs,

Vendredi dernier, 19 juin, solennité du Sacré-Cœur de Jésus et journée traditionnellement consacrée à la prière et à la sanctification des prêtres, j’ai eu la joie d’inaugurer l’Année sacerdotale, décidée à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de la « naissance au ciel » du curé d’Ars, saint Jean Baptiste Marie Vianney. Et en entrant dans la basilique vaticane pour la célébration des vêpres, presque comme premier geste symbolique, je me suis arrêté dans la chapelle du Chœur pour vénérer la relique de ce saint pasteur d’âmes : son cœur. Pourquoi une Année sacerdotale ? Pourquoi précisément en souvenir du saint curé d’Ars, qui n’a apparemment rien accompli d’extraordinaire ?
La Providence divine a fait en sorte que sa figure soit rapprochée de celle de saint Paul. En effet, alors que se conclut l’Année paulinienne, consacrée à l’apôtre des nations, modèle extraordinaire d’évangélisateur qui a accompli plusieurs voyages missionnaires pour diffuser l’Evangile, cette nouvelle année jubilaire nous invite à nous tourner vers un pauvre agriculteur devenu un humble curé, qui a accompli son service pastoral dans un petit village. Si les deux saints diffèrent beaucoup dans les itinéraires de vie qui les ont caractérisés – l’un est allé de région en région pour annoncer l’Evangile, l’autre a accueilli des milliers et des milliers de fidèles en restant toujours dans sa petite paroisse -, il y a cependant quelque chose de fondamental qui les rassemble : il s’agit de leur identification totale avec leur ministère, leur communion avec le Christ qui faisait dire à saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Et saint Jean-Marie Vianney aimait répéter : « Si nous avions la foi, nous verrions Dieu caché dans le prêtre comme une lumière derrière la vitre, comme le vin mélangé à l’eau ». Le but de cette Année sacerdotale – comme je l’ai écrit dans la lettre envoyée aux prêtres à cette occasion – est donc de favoriser la tension de chaque prêtre « vers la perfection spirituelle de laquelle dépend en particulier l’efficacité de son ministère », et d’aider avant tout les prêtres, et avec eux tout le peuple de Dieu, à redécouvrir et à raviver la conscience de l’extraordinaire et indispensable don de Grâce que le ministère ordonné représente pour celui qui l’a reçu, pour l’Eglise entière et pour le monde, qui sans la présence réelle du Christ serait perdu.

Les conditions historiques et sociales dans lesquelles se trouva le curé d’Ars ont indéniablement changé et il est juste de se demander comment les prêtres peuvent l’imiter dans l’identification avec leur propre ministère dans les sociétés actuelles mondialisées. Dans un monde où la vision commune de la vie comprend toujours moins le sacré, à la place duquel « l’aspect fonctionnel » devient l’unique catégorie décisive, la conception catholique du sacerdoce pourrait risquer de perdre son caractère naturel, parfois même à l’intérieur de la conscience ecclésiale. Souvent, que ce soit dans les milieux théologiques, ou bien dans la pratique pastorale et de formation concrète du clergé, s’affrontent, et parfois s’opposent, deux conceptions différentes du sacerdoce. Je remarquais à ce propos il y a quelques années qu’il existe « d’une part, une conception socio-fonctionnelle qui définit l’essence du sacerdoce avec le concept de « service » : le service à la communauté, dans l’exercice d’une fonction… D’autre part, il y a la conception sacramentelle-ontologique, qui naturellement ne nie pas le caractère de service du sacerdoce, mais le voit cependant ancré à l’être du ministre et qui considère que cet être est déterminé par un don accordé par le Seigneur à travers la médiation de l’Eglise, dont le nom est sacrement » (J. Ratzinger, Ministero e vita del Sacerdote, in Elementi di Teologia fondamentale. Saggio su fede e ministero, Brescia 2005, p. 165). Le glissement terminologique du mot « sacerdoce » à ceux de « service, ministère, charge », est également un signe de cette conception différente. Ensuite, à la première, la conception ontologique-sacramentelle, est lié le primat de l’Eucharistie, dans le binôme «sacerdoce-sacrifice», alors qu’à la deuxième correspondrait le primat de la parole et du service de l’annonce.

A tout bien considérer, il ne s’agit pas de deux conceptions opposées, et la tension qui existe cependant entre elles doit être résolue de l’intérieur. Ainsi, le décret Presbyterorum ordinis du Concile Vatican II affirme : « En effet, l’annonce apostolique de l’Evangile convoque et rassemble le peuple de Dieu, afin que tous les membres de ce peuple… s’offrent eux-mêmes en « victime vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12, 1), et c’est précisément à travers le ministère des prêtres que le sacrifice spirituel des fidèles atteint sa perfection dans l’union au sacrifice du Christ, unique médiateur. En effet, ce sacrifice, accompli par les mains du prêtre et au nom de toute l’Eglise est offert dans l’Eucharistie « de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même » (n. 2).

Nous nous demandons alors : «Que signifie précisément pour les prêtres évangéliser ? En quoi consiste ce que l’on appelle le primat de l’annonce ? ». Jésus parle de l’annonce du Royaume de Dieu comme du véritable but de sa venue dans le monde et son annonce n’est pas seulement un « discours ». Elle inclut dans le même temps son action elle-même : les signes et les miracles qu’il accomplit indiquent que le Royaume vient dans le monde comme réalité présente, qui coïncide en fin de compte avec sa propre personne. En ce sens, il faut rappeler que, dans le primat de l’annonce également, la parole et le signe sont inséparables. La prédication chrétienne ne proclame pas des « paroles », mais la Parole, et l’annonce coïncide avec la personne même du Christ, ontologiquement ouverte à la relation avec le Père et obéissant à sa volonté. Un service authentique à la Parole exige de la part du prêtre une profonde abnégation de soi, jusqu’à dire avec l’Apôtre : « Ce n’est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi ». Le prêtre ne peut pas se considérer comme «maître» de la parole, mais comme serviteur. Il n’est pas la parole mais, comme le proclamait Jean le Baptiste, dont nous célébrons précisément aujourd’hui la Nativité, il est la « voix » de la Parole : « Voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers » (Mc 1, 3).

Or, être « voix » de la Parole, ne constitue pas pour le prêtre un simple aspect fonctionnel. Au contraire, cela présuppose une substantielle « perte de soi » dans le Christ, en participant à son mystère de mort et de résurrection avec tout son moi : intelligence, liberté, volonté et offrande de son propre corps, comme sacrifice vivant (cf. Rm 12, 1-2). Seule la participation au sacrifice du Christ, à sa khènosi, rend l’annonce authentique ! Tel est le chemin qu’il doit parcourir avec le Christ pour parvenir à dire au Père avec Lui : que s’accomplisse « non ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). L’annonce, alors, comporte toujours également le sacrifice de soi, condition pour que l’annonce soit authentique et efficace.

Alter Christus, le prêtre est profondément uni au Verbe du Père, qui en s’incarnant a pris la forme d’un serviteur, est devenu serviteur (cf. Ph 2, 5-11). Le prêtre est le serviteur du Christ, au sens que son existence, configurée à Lui de manière ontologique, assume un caractère essentiellement relationnel : il est en Christ, pour le Christ et avec le Christ au service des hommes. Précisément parce qu’il appartient au Christ, le prêtre est radicalement au service des hommes : il est ministre de leur salut, de leur bonheur, de leur libération authentique, mûrissant, dans cette assomption progressive de la volonté du Christ, dans la prière, dans le « cœur à cœur » avec Lui. Telle est alors la condition inaliénable de toute annonce, qui comporte la participation à l’offrande sacramentelle de l’Eucharistie et la docile obéissance à l’Eglise.

Le saint curé d’Ars répétait souvent avec les larmes aux yeux : « Comme il est effrayant d’être prêtre ! ». Et il ajoutait : « Comme c’est triste un prêtre qui célèbre la Messe comme un fait ordinaire ! Combien s’égare un prêtre qui n’a pas de vie intérieure ! ». Puisse l’Année sacerdotale conduire tous les prêtres à s’identifier totalement avec Jésus crucifié et ressuscité, pour que, à l’imitation de saint Jean Baptiste, ils soient prêts à « diminuer » pour qu’Il grandisse ; pour qu’en suivant l’exemple du curé d’Ars, ils ressentent de manière constante et profonde la responsabilité de leur mission, qui est le signe et la présence de la miséricorde infinie de Dieu. Confions à la Vierge, Mère de l’Eglise, l’Année sacerdotale qui vient de commencer et tous les prêtres du monde.

Le pape a ensuite résumé la catéchèse en plusieurs langues. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Vendredi dernier, en la solennité du Sacré-Cœur de Jésus, j’ai eu la joie d’inaugurer l’Année sacerdotale, décidée à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de la «naissance au ciel » du curé d’Ars, saint Jean-Marie Vianney. Alors que se conclut l’Année consacrée à l’Apôtre Paul, modèle extraordinaire de l’évangélisateur qui a accompli de nombreux voyages pour répandre l’Evangile, cette nouvelle année jubilaire nous invite à nous tourner vers un humble curé qui a réalisé son service pastoral dans un petit village. Tous deux ont en commun une identification totale avec leur ministère et une profonde communion au Christ.

Le but de cette année sacerdotale est d’aider les prêtres à tendre vers la perfection spirituelle dont dépend surtout l’efficacité de leur ministère, à redécouvrir et à renforcer la conscience de la grâce extraordinaire que le ministère ordonné représente pour celui qui l’a reçu, pour l’Eglise et pour le monde. Profondément uni au Verbe de Dieu, qui en s’incarnant est devenu serviteur, le prêtre, lui appartient. Pour cette raison, il est aussi au service des hommes. Il est ministre de leur salut, de leur bonheur, de leur authentique libération, en accueillant en lui-même la volonté du Christ, dans la prière et dans le «cœur à cœur » avec lui.

J’accueille avec joie les pèlerins francophones. Je salue particulièrement le groupe de la Mission catholique vietnamienne de Paris et les jeunes de l’école de la Croix de Paris. Que le témoignage du curé d’Ars vous aide à mieux comprendre l’importance du ministère du prêtre dans la vie de l’Eglise et du monde, et à répondre généreusement aux appels du Seigneur. Avec ma Bénédiction apostolique !

Audience générale du 17 juin 2009 : Les frères Cyrille et Méthode

20 juin, 2009

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Audience générale du 17 juin 2009 : Les frères Cyrille et Méthode

Texte intégral

ROME, Mercredi 17 juin 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

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Chers frères et sœurs,

Je voudrais parler aujourd’hui des saints Cyrille et Méthode, frères de sang et dans la foi, appelés apôtres des slaves. Cyrille naquit à Thessalonique, du magistrat impérial Léon en 826/827 : il était le plus jeune de sept fils. Enfant, il apprit la langue slave. A l’âge de quatorze ans, il fut envoyé à Constantinople pour y être éduqué et fut le compagnon du jeune empereur Michel III. Au cours de ces années, il fut introduit aux diverses matières universitaires, parmi lesquelles la dialectique, ayant comme maître Photios. Après avoir refusé un brillant mariage, il décida de recevoir les ordres sacrés et devint « bibliothécaire » auprès du patriarcat. Peu après, désirant se retirer dans la solitude, il alla se cacher dans un monastère, mais il fut bientôt découvert et on lui confia l’enseignement des sciences sacrées et profanes, une fonction qu’il accomplit si bien qu’elle lui valut le surnom de « philosophe ». Entre-temps, son frère Michel (né aux alentours de 815), après une carrière administrative en Macédoine, abandonna le monde vers 850 pour se retirer dans la vie monastique sur le mont Olympe en Bithynie, où il reçut le nom de Méthode (le nom monastique devait commencer par la même lettre que le nom de baptême) et devint higoumène du monastère de Polychron.
Attiré par l’exemple de son frère, Cyrille aussi décida de quitter l’enseignement et de se rendre sur le Mont Olympe pour méditer et prier. Quelques années plus tard, cependant (vers 861), le gouvernement impérial le chargea d’une mission auprès des khazars de la Mer d’Azov, qui demandèrent que leur soit envoyé un homme de lettres qui sache dialoguer avec les juifs et les sarrasins. Cyrille, accompagné de son frère Méthode, s’arrêta longuement en Crimée, où il apprit l’hébreu. Là, il rechercha également le corps du pape Clément Ier, qui y avait été exilé. Il trouva sa tombe, et lorsque son frère reprit le chemin du retour, il porta avec lui les précieuses reliques. Arrivés à Constantinople, les deux frères furent envoyés en Moravie par l’empereur Michel III, auquel le prince moldave Ratislav avait adressé une requête précise : « Notre peuple – lui avait-il dit – depuis qu’il a rejeté le paganisme, observe la loi chrétienne ; mais nous n’avons pas de maître qui soit en mesure de nous expliquer la véritable foi dans notre langue ». La mission connut très vite un succès insolite. En traduisant la liturgie dans la langue slave, les deux frères gagnèrent une grande sympathie auprès du peuple.

Toutefois, cela suscita à leur égard l’hostilité du clergé franc, qui était arrivé précédemment en Moravie et qui considérait le territoire comme appartenant à sa juridiction ecclésiale. Pour se justifier, en 867, les deux frères se rendirent à Rome. Au cours du voyage, ils s’arrêtèrent à Venise, où eut lieu une discussion animée avec les défenseurs de ce que l’on appelait l’« hérésie trilingue » : ceux-ci considéraient qu’il n’y avait que trois langues dans lesquelles on pouvait licitement louer Dieu : l’hébreu, le grec et le latin. Bien sûr, les deux frères s’opposèrent à cela avec force. A Rome, Cyrille et Méthode furent reçus par le pape Adrien II, qui alla à leur rencontre en procession, pour accueillir dignement les reliques de saint Clément. Le pape avait également compris la grande importance de leur mission exceptionnelle. A partir de la moitié du premier millénaire, en effet, les slaves s’étaient installés en très grand nombre sur ces territoires placés entre les deux parties de l’Empire romain, l’oriental et l’occidental, entre lesquels il existait déjà des tensions. Le pape comprit que les peuples slaves auraient pu jouer le rôle de pont, contribuant ainsi à maintenir l’union entre les chrétiens de l’une et l’autre partie de l’Empire. Il n’hésita donc pas à approuver la mission des deux Frères dans la Grande Moravie, en acceptant l’usage de la langue slave dans la liturgie. Les livres slaves furent déposés sur l’autel de Sainte-Marie de Phatmé (Sainte Marie Majeure) et la liturgie en langue slave fut célébrée dans les Basiliques Saint-Pierre, Saint-André, Saint-Paul.

Malheureusement, à Rome, Cyrille tomba gravement malade. Sentant la mort s’approcher, il voulut se consacrer entièrement à Dieu comme moine dans l’un des monastère grecs de la Ville (probablement près de Sainte-Praxède) et prit le nom monastique de Cyrille (son nom de baptême était Constantin). Il pria ensuite avec insistance son frère Méthode, qui entre-temps avait été consacré évêque, de ne pas abandonner la mission en Moravie et de retourner parmi ces populations. Il s’adressa à Dieu à travers cette invocation : « Seigneur, mon Dieu…, exauce ma prière et conserve dans la fidélité le troupeau auquel tu m’avais envoyé… Libère-les de l’hérésie des trois langues, rassemble-les tous dans l’unité, et rends le peuple que tu as choisi concorde dans la véritable foi et dans la droite confession ». Il mourut le 14 février 869.

Fidèle à l’engagement pris avec son frère, Méthode revint en 870 en Moravie et en Pannonie (aujourd’hui la Hongrie), où il retrouva à nouveau la violente aversion des missionnaires francs qui l’emprisonnèrent. Il ne perdit pas courage et lorsqu’il fut libéré en 873, il se prodigua activement dans l’organisation de l’Eglise, en suivant la formation d’un groupe de disciples. Ce fut grâce à eux que la crise qui se déchaîna à la mort de Méthode, qui eut lieu le 6 avril 885, put être surmontée : persécutés et mis en prison, certains de ces disciples furent vendus comme esclaves et conduits à Venise, où ils furent rachetés par un fonctionnaire constantinopolitain, qui leur permit de repartir dans les pays des slaves balkaniques. Accueillis en Bulgarie, ils purent poursuivre la mission commencée par Méthode, en diffusant l’Evangile dans la « terre de la Rus’ ». Dieu, dans sa mystérieuse providence, utilisait ainsi la persécution pour sauver l’œuvre des saints frères. De cette dernière, il reste également la documentation littéraire. Il suffit de penser à des œuvres telles que l’Evangéliaire (épisodes liturgiques du Nouveau Testament), le Psautier, différents textes liturgiques en langue slave, auxquels travaillèrent les deux frères. Après la mort de Cyrille, on doit à Méthode et à ses disciples, entre autres, la traduction de toute l’Ecriture Sainte, le Nomocanon et le Livre des Pères.

Voulant à présent résumer brièvement le profil spirituel des deux frères, on doit tout d’abord remarquer la passion avec laquelle Cyrille aborda les écrits de saint Grégoire de Nazianze, apprenant à son école la valeur de la langue dans la transmission de la Révélation. Saint Grégoire avait exprimé le désir que le Christ parle à travers lui : « Je suis le serviteur du Verbe, c’est pourquoi je me mets au service de la Parole ». Voulant imiter Grégoire dans ce service, Cyrille demanda au Christ de vouloir parler en slave à travers lui. Il introduit son œuvre de traduction par l’invocation solennelle : « Ecoutez, ô vous tous les peuples slaves, écoutez la Parole qui vint de Dieu, la Parole qui nourrit les âmes, la Parole qui conduit à la connaissance de Dieu ». En réalité, déjà quelques années avant que le prince de Moravie ne demande à l’empereur Michel III l’envoi de missionnaires dans sa terre, il semble que Cyrille et son frère Méthode, entourés d’un groupe de disciples, travaillaient au projet de recueillir les dogmes chrétiens dans des livres écrits en langue slave. Apparut alors clairement l’exigence de nouveaux signes graphiques, plus proches de la langue parlée : c’est ainsi que naquit l’alphabet glagolitique qui, modifié par la suite, fut ensuite désigné sous le nom de « cyrillique » en l’honneur de son inspirateur. Ce fut un événement décisif pour le développement de la civilisation slave en général. Cyrille et Méthode étaient convaincus que chaque peuple ne pouvait pas considérer avoir pleinement reçu la Révélation tant qu’il ne l’avait pas entendue dans sa propre langue et lue dans les caractères propres à son alphabet.

C’est à Méthode que revient le mérite d’avoir fait en sorte que l’œuvre entreprise par son frère ne soit pas brusquement interrompue. Alors que Cyrille, le « Philosophe », avait tendance à la contemplation, il était plutôt porté vers la vie active. C’est grâce à cela qu’il put établir les présupposés de l’affirmation successive de ce que nous pourrions appeler l’« idée cyrillo-méthodienne » : celle-ci accompagna les peuples slaves pendant les diverses périodes historiques, favorisant le développement culturel, national et religieux. C’est ce que reconnaissait déjà le pape Pie XI dans la Lettre apostolique Quod Sanctum Cyrillum, dans laquelle il qualifiait les deux frères : « fils de l’Orient, de patrie byzantine, grecs d’origine, romains par leur mission, slaves pour leurs fruits apostoliques » (AAS 19 [1927] 93-96). Le rôle historique qu’ils jouèrent a ensuite été officiellement proclamé par le pape Jean-Paul II qui, dans la Lettre apostolique Egregiae virtutis viri, les a déclarés co-patrons de l’Europe avec saint Benoît (AAS 73 [1981] 258-262). En effet, Cyrille et Méthode constituent un exemple classique de ce que l’on indique aujourd’hui par le terme d’« inculturation » : chaque peuple doit introduire dans sa propre culture le message révélé et en exprimer la vérité salvifique avec le langage qui lui est propre. Cela suppose un travail de « traduction » très exigeant, car il demande l’identification de termes adaptés pour reproposer, sans la trahir, la richesse de la Parole révélée. Les deux saints Frères ont laissé de cela un témoignage au plus haut point significatif, vers lequel l’Eglise se tourne aujourd’hui aussi, pour en tirer son inspiration et son orientation.

Le pape a ensuite résumé la catéchèse en plusieurs langues. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Les saints Cyrille et Méthode, nés au début du neuvième siècle, ont eu une mission exceptionnelle parmi les peuples slaves. Cyrille apprit des écrits de saint Grégoire de Nazianze la valeur de la langue dans la transmission de la Révélation. Voulant imiter Grégoire, il demanda au Christ de bien vouloir parler slave par son intermédiaire. Cyrille et Méthode ont traduit la liturgie en langue slave et ils ont travaillé à recueillir les dogmes chrétiens dans des livres écrits dans cette même langue. Alors apparut clairement l’exigence de nouveaux signes graphiques plus fidèles à la langue parlée. Ainsi naquit l’alphabet appelé «cyrillique» en l’honneur de son inspirateur. Ce fut un événement décisif pour le développement de la civilisation slave en général. Cyrille et Méthode étaient convaincus que les peuples ne pouvaient recevoir pleinement la Révélation tant qu’ils ne l’avaient pas entendue dans leur propre langue et lue dans les caractères de leur alphabet.

Cyrille et Méthode représentent un exemple classique de ce qu’on appelle aujourd’hui « inculturation ». Chaque peuple doit introduire dans sa culture le message révélé et en exprimer la vérité salvifique avec le langage qui lui est propre. Le pape Jean-Paul II a proclamé Cyrille et Méthode co-patrons de l’Europe, avec saint Benoît.

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française. Je salue particulièrement les paroisses et les jeunes ainsi que les étudiants de Nice. Que le témoignage des saints Cyrille et Méthode soit pour vous une source de lumière et d’espérance afin que vous demeuriez fidèles à la foi que vous avez reçue. Avec ma Bénédiction apostolique !

Audience générale du 10 juin 2009 : Jean Scot Erigène

16 juin, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-21239?l=french

Audience générale du 10 juin 2009 : Jean Scot Erigène

Texte intégral

ROME, Mercredi 10 juin 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

* * *

Chers frères et sœurs,

Je voudrais parler aujourd’hui d’un penseur important de l’Occident chrétien : Jean Scot Erigène, dont les origines restent toutefois obscures. Il venait certainement d’Irlande, où il était né au début du IXe siècle, mais nous ne savons pas quand il a quitté son île pour traverser la Manche et prendre ainsi pleinement part au monde culturel qui renaissait autour des carolingiens, et en particulier autour de Charles le Chauve, dans la France du IXe siècle. De même qu’on ignore la date exacte de sa naissance, on ignore également l’année de sa mort qui, selon les experts, devrait toutefois se situer aux alentours de l’an 870.
Jean Scot Erigène possédait une culture patristique, tant grecque que latine, remarquable : il connaissait en effet directement les écrits des Pères latins et grecs. Il connaissait bien, entre autres, les œuvres d’Augustin, d’Ambroise, de Grégoire le grand, grands Pères de l’Occident chrétien, mais il connaissait tout aussi bien la pensée d’Origène, de Grégoire de Nysse, de Jean Chrysostome, et d’autres Pères chrétiens d’Orient non moins importants. C’était un homme exceptionnel, qui maîtrisait à cette époque également la langue grecque. Il révéla une attention toute particulière pour saint Maxime le Confesseur et surtout pour Denys l’aréopage. Sous ce pseudonyme se cache un écrivain ecclésiastique du Ve siècle, de Syrie, mais tout le Moyen Age, et avec lui Jean Scot Erigène, était convaincu que cet auteur était le même qu’un disciple direct de saint Paul, dont on parlait dans les Actes des Apôtres (17, 34). Scot Erigène, convaincu de cette apostolicité des écrits de Denys, le qualifiait d’« Auteur divin » par excellence ; ses écrits furent donc une source éminente de sa pensée. Jean Scot traduisit ses œuvres en latin. Les grands théologiens médiévaux, comme saint Bonaventure, ont connu les œuvres de Denys à travers cette traduction. Il se consacra toute sa vie à approfondir et développer sa pensée, en puisant à ces écrits, au point qu’aujourd’hui encore, il peut parfois être difficile de distinguer lorsque nous sommes en présence de la pensée de Scot Erigène ou lorsqu’au contraire, il ne fait que reproposer la pensée du Pseudo-Denys.

En vérité, le travail théologique de Jean Scot ne connut pas beaucoup de succès. Non seulement la fin de l’ère carolingienne relégua ses œuvres dans l’oubli, mais une censure de la part des autorités ecclésiastiques jeta également une ombre sur sa figure. En réalité, Jean Scot représente un platonisme radical, qui semble parfois s’approcher d’une vision panthéiste, même si ses intentions personnelles et subjectives furent toujours orthodoxes. Certaines œuvres de Jean Scot Erigène, parmi lesquelles méritent d’être rappelés, en particulier, le traité « sur la division de la nature» et les «Expositions sur la hiérarchie céleste de saint Denys », sont parvenues jusqu’à nous. Il y développe des réflexions théologiques et spirituelles stimulantes, qui pourraient suggérer d’intéressants approfondissements également aux théologiens contemporains. Je me réfère, par exemple, à ce qu’il écrit sur le devoir d’exercer un discernement approprié sur ce qui est présenté comme auctoritas vera, ou sur l’engagement à continuer de rechercher la vérité jusqu’à ce que l’on parvienne à en faire une quelque expérience dans l’adoration silencieuse de Dieu.

Notre auteur dit : « Salus nostra ex fide inchoat : notre salut commence avec la foi ». Nous ne pouvons donc pas parler de Dieu en partant de nos inventions, mais de ce que Dieu dit de lui-même dans les Ecritures Saintes. Mais, étant donné que Dieu ne dit que la vérité, Scot Erigène est convaincu que l’autorité et la raison ne peuvent jamais être en opposition l’une avec l’autre ; il est convaincu que la véritable religion et la véritable philosophie coïncident. Dans cette perspective, il écrit : « Tout type d’autorité qui n’est pas confirmée par une véritable raison devrait être considérée comme faible… Il n’est, en effet, de véritable autorité que celle qui coïncide avec la vérité découverte en vertu de la raison, même s’il devait s’agir d’une autorité recommandée et transmise par les saints Pères pour la postérité » (1, PL122, col 513BC). Par conséquent, il avertit : « Qu’aucune autorité ne t’intimide ni ne te distraie de ce que te fait comprendre la persuasion obtenue grâce à un comportement droit et rationnel. En effet, l’autorité authentique ne contredit jamais la juste raison, pas plus que cette dernière ne peut jamais contredire une véritable autorité. L’une et l’autre proviennent sans aucun doute de la même source, qui est la sagesse divine » (I, PL 122, col 511B). Nous voyons ici une courageuse affirmation des valeurs de la raison, fondée sur la certitude selon laquelle l’autorité véritable est raisonnable, car Dieu est la raison créatrice.

L’Ecriture elle-même n’échappe pas, selon Erigène, à la nécessité d’être étudiée en utilisant le même principe de discernement. En effet, l’Ecriture – soutient le théologien irlandais en reproposant une réflexion déjà présente chez saint Jean Chrysostome – bien que provenant de Dieu, ne serait pas nécessaire si l’homme n’avait pas péché. Il faut donc en déduire que l’Ecriture fut donnée par Dieu dans une intention pédagogique et par miséricorde afin que l’homme puisse se rappeler de tout ce qui avait été gravé dans son cœur dès le moment de sa création « à l’image et ressemblance de Dieu » (cf. Gn 1, 26) et que le péché originel lui avait fait oublier. Erigène écrit dans les Expositiones : « Ce n’est pas l’homme qui a été créé pour l’Ecriture, dont il n’aurait pas eu besoin s’il n’avait pas péché, mais c’est plutôt l’Ecriture – tissée de doctrine et de symboles – qui a été donnée pour l’homme. En effet, grâce à elle, notre nature rationnelle peut être introduite dans les secrets de l’authentique et pure contemplation de Dieu » (II, PL 122, col 146C). La parole de l’Ecriture Sainte purifie notre raison quelque peu aveugle et nous aide à revenir au souvenir de ce que nous portons, en tant qu’image de Dieu, dans notre cœur, rendu hélas vulnérable par le péché.

De là découlent certaines conséquences herméneutiques, en ce qui concerne la façon d’interpréter l’Ecriture qui peuvent indiquer aujourd’hui encore la juste voie pour une lecture correcte de l’Ecriture Sainte. Il s’agit en effet de découvrir le sens caché dans le texte sacré et cela présuppose un exercice intérieur particulier, grâce auquel la raison s’ouvre au chemin certain vers la vérité. Cet exercice consiste à cultiver une disponibilité constante à la conversion. Pour parvenir, en effet, à la vision profonde du texte, il est nécessaire de progresser simultanément dans la conversion du cœur et dans l’analyse conceptuelle de la page biblique, qu’elle soit à caractère universel, historique ou doctrinal. C’est en effet uniquement grâce à la purification constante tant de l’œil du cœur que de l’œil de l’esprit, que l’on peut en acquérir une compréhension exacte.

Ce chemin d’un accès difficile, exigeant et enthousiasmant, fait de conquêtes constantes et de relativisations du savoir humain, conduit la créature intelligente jusqu’au seuil du Mystère divin, là où toutes les notions révèlent leur faiblesse et leur incapacité et imposent donc, avec la simple force libre et douce de la vérité, d’aller toujours au-delà de tout ce qui est continuellement acquis. La reconnaissance adorante et silencieuse du Mystère, qui débouche sur la communion unificatrice, se révèle donc comme l’unique voie d’une relation avec la vérité qui est à la fois la plus intime possible et la plus scrupuleusement respectueuse de l’autre. Jean Scot – utilisant également dans ce contexte un vocabulaire cher à la tradition chrétienne de langue grecque – a appelé cette expérience à laquelle nous tendons « theosis » ou divinisation, à travers des affirmations hardies au point qu’il fut possible de le soupçonner de panthéisme hétérodoxe. Quoi qu’il en soit, l’émotion demeure profonde face à des textes comme celui-ci, où, ayant recours à l’antique métaphore de la fusion du fer, il écrit : « Ainsi, de même que tout le fer devenu brûlant se liquéfie au point qu’il ne semble plus y avoir que le feu, et toutefois les substances de l’un et de l’autre demeurent distinctes, ainsi, il faut accepter qu’après la fin de ce monde, toute la nature, tant corporelle qu’incorporelle, manifeste uniquement Dieu et demeure toutefois intègre de façon telle que Dieu puisse être d’une certaine façon com-pris tout en reste in-compréhensible et la créature elle-même soit transformée, avec une merveille ineffable, en Dieu» (V, PL 12, col 451B).

En réalité, la pensée théologique de Jean Scot est la démonstration la plus évidente de la tentative d’exprimer le dicible de l’indicible Dieu, en se fondant uniquement sur le mystère du Verbe incarné en Jésus de Nazareth. Les nombreuses métaphores qu’il utilise pour indiquer cette réalité ineffable démontrent combien il est conscient de l’insuffisance absolue des termes avec lesquels nous parlons de ces choses. Il demeure toutefois l’enchantement et cette atmosphère d’authentique expérience mystique que l’on peut de temps à autre toucher du doigt dans ses textes. Il suffit de citer, pour le démontrer, une page du De divisione naturae qui touche en profondeur également notre âme de croyants du XXIe siècle : « Il ne faut rien désirer d’autre – écrit-il – que la joie de la vérité qui est le Christ, ni rien éviter que Son absence. Celle-ci, en effet, devrait être considérée comme l’unique cause de tristesse totale et éternelle. Ote-moi le Christ, et il ne me restera aucun bien, et rien ne m’affligera plus que son absence. Le plus grand tourment d’une créature rationnelle est la privation et l’absence de Lui » (V, PL 122, col 989a). Ce sont des paroles que nous pouvons faire nôtres, en les traduisant en prière à Celui qui constitue également le désir ardent de notre cœur.

Le pape a ensuite résumé sa catéchèse en plusieurs langues. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

J’évoque aujourd’hui pour vous un penseur important de l’Occident chrétien : Jean Scot Erigène. Probablement né en Irlande au tout début du neuvième siècle, il rejoint le continent où il va prendre part, dans la France de Charles le Chauve, au mouvement de la renaissance carolingienne.

Jean Scot Erigène se distinguait par une grande connaissance des Pères de l’Eglise aussi bien latins que grecs, avec une prédilection particulière pour le Pseudo-Denys dont il cherchera à prolonger les intuitions. Sa théologie est tout entière tendue vers un au-delà d’elle-même où l’effort conceptuel trouve sa récompense et ses limites : la contemplation et l’adoration silencieuse de Dieu.

Si sa pensée n’a pas fait école, elle offre néanmoins encore aujourd’hui d’intéressantes perspectives en particulier pour la lecture de l’Ecriture sainte. Celle-ci, rappelle-t-il, a été donnée par miséricorde à l’homme consécutivement au péché afin que l’homme puisse retrouver tout ce qui était inscrit en son cœur au moment de sa création «à l’image et à la ressemblance de Dieu». Cela signifie qu’il ne peut y avoir de compréhension de la Parole de Dieu sans, à la fois, une analyse rigoureuse du texte biblique et une disponibilité permanente à la conversion. La clairvoyance de l’intelligence ne peut pas jamais séparée de la purification du cœur.

* * *

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux pèlerins francophones. J’adresse un cordial salut aux nombreux membres du Variété Club de France et aux évêques qui les accompagnent, ainsi qu’aux pèlerins canadiens, suisses et français. Que l’Esprit Saint donne à chacun le désir de toujours chercher le Christ et la grâce de le découvrir présent dans la création et dans vos frères ! Bon pèlerinage à tous !

Traduction : Zenit

Audience générale du 6 mai : Saint Jean Damascène

7 mai, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-20873?l=french

Audience générale du 6 mai : Saint Jean Damascène

Texte intégral

ROME, Mercredi 6 mai 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

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Chers frères et sœurs,
Je voudrais parler aujourd’hui de Jean Damascène, un personnage de premier plan dans l’histoire de la théologie byzantine, un grand docteur dans l’histoire de l’Eglise universelle. Il représente surtout un témoin oculaire du passage de la culture chrétienne grecque et syriaque, commune à la partie orientale de l’Empire byzantin, à la culture de l’islam, qui s’est imposée grâce à ses conquêtes militaires sur le territoire reconnu habituellement comme le Moyen ou le Proche Orient. Jean, né dans une riche famille chrétienne, assuma encore jeune la charge – accomplie déjà sans doute par son père – de responsable économique du califat. Mais très vite, insatisfait de la vie de la cour, il choisit la vie monastique, en entrant dans le monastère de saint Saba, près de Jérusalem. C’était aux environs de l’an 700. Ne s’éloignant jamais du monastère, il se consacra de toutes ses forces à l’ascèse et à l’activité littéraire, ne dédaignant pas une certaine activité pastorale, dont témoignent avant tout ses nombreuses Homélies. Sa mémoire liturgique est célébrée le 4 décembre. Le pape Léon XIII le proclama docteur de l’Eglise universelle en 1890.

En Orient, on se souvient surtout de ses trois Discours pour légitimer la vénération des images sacrées, qui furent condamnés, après sa mort, par le Concile iconoclaste de Hiéria (754). Mais ces discours furent également le motif fondamental de sa réhabilitation et de sa canonisation de la part des Pères orthodoxes convoqués au deuxième Concile de Nicée (787), septième œcuménique. Dans ces textes, il est possible de retrouver les premières tentatives théologiques importantes de légitimer la vénération des images sacrées, en les reliant au mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie.

Jean Damascène fut, en outre, parmi les premiers à distinguer, dans le culte public et privé des chrétiens, l’adoration (latreia) de la vénération (proskynesis): la première ne peut être adressée qu’à Dieu, suprêmement spirituel, la deuxième au contraire peut utiliser une image pour s’adresser à celui qui est représenté dans l’image même. Bien sûr, le saint ne peut en aucun cas être identifié avec la matière qui compose l’icône. Cette distinction se révéla immédiatement très importante pour répondre de façon chrétienne à ceux qui prétendaient universelle et éternelle l’observance de l’interdit sévère de l’Ancien Testament d’utiliser des images dans le culte. Tel était le grand débat également dans le monde islamique, qui accepte cette tradition juive de l’exclusion totale d’images dans le culte. Les chrétiens, en revanche, dans ce contexte, ont discuté du problème et trouvé la justification pour la vénération des images. Damascène écrit : « En d’autres temps, Dieu n’avait jamais été représenté en image, étant sans corps et sans visage. Mais à présent que Dieu a été vu dans sa chair et a vécu parmi les hommes, je représente ce qui est visible en Dieu. Je ne vénère pas la matière, mais le créateur de la matière, qui s’est fait matière pour moi et a daigné habiter dans la matière et opérer mon salut à travers la matière. Je ne cesserai donc pas de vénérer la matière à travers laquelle m’a été assuré le salut. Mais je ne la vénère absolument pas comme Dieu ! Comment pourrait être Dieu ce qui a reçu l’existence à partir du non être ?… Mais je vénère et respecte également tout le reste de la matière qui m’a procuré le salut, car pleine d’énergie et de grâces saintes. Le bois de la croix trois fois bénie n’est-il pas matière ? L’encre et le très saint livre des Evangiles ne sont-ils pas matière ? L’autel salvifique qui nous donne le pain de vie n’est-il pas matière ?…. Et, avant tout autre chose, la chair et le sang de mon Seigneur ne sont-ils pas matière ? Ou bien tu dois supprimer le caractère sacré de toutes ces choses, ou bien tu dois accorder à la tradition de l’Eglise la vénération des images de Dieu et celle des amis de Dieu qui sont sanctifiés par le nom qu’ils portent, et qui, pour cette raison, sont habités par la grâce de l’Esprit Saint. N’offense donc pas la matière : celle-ci n’est pas méprisable ; car rien de ce que Dieu a fait n’est méprisable » (Contra imaginum calumniatores, I, 16, ed; Kotter, pp. 89-90). Nous voyons que, à cause de l’incarnation, la matière apparaît comme divinisée, elle est vue comme la demeure de Dieu. Il s’agit d’une nouvelle vision du monde et des réalités matérielles. Dieu s’est fait chair et la chair est devenue réellement demeure de Dieu, dont la gloire resplendit sur le visage humain du Christ. C’est pourquoi les sollicitations du Docteur oriental sont aujourd’hui encore d’une très grande actualité, étant donnée la très grande dignité que la matière a reçue dans l’Incarnation, pouvant devenir, dans la foi, le signe et le sacrement efficace de la rencontre de l’homme avec Dieu. Jean Damascène reste donc un témoin privilégié du culte des icônes, qui deviendra l’un des aspects les plus distinctifs de la théologie et de la spiritualité orientale jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit toutefois d’une forme de culte qui appartient simplement à la foi chrétienne, à la foi dans ce Dieu qui s’est fait chair et s’est rendu visible. L’enseignement de saint Jean Damascène s’inscrit ainsi dans la tradition de l’Eglise universelle, dont la doctrine sacramentelle prévoit que les éléments matériels issus de la nature peuvent devenir un instrument de grâce en vertu de l’invocation (epiclesis) de l’Esprit Saint, accompagnée par la confession de la foi véritable.

En relation avec ces idées de fond, Jean Damascène place également la vénération des reliques des saints, sur la base de la conviction que les saints chrétiens, ayant participé de la résurrection du Christ, ne peuvent pas être considérés simplement comme des « morts ». En énumérant, par exemple, ceux dont les reliques ou les images sont dignes de vénération, Jean précise dans son troisième discours en défense des images : « Tout d’abord (nous vénérons) ceux parmi lesquels Dieu s’est reposé, lui le seul saint qui se repose parmi les saints (cf. Is 57, 15), comme la sainte Mère de Dieu et tous les saints. Ce sont eux qui, autant que cela est possible, se sont rendus semblables à Dieu par leur volonté et, par l’inhabitation et l’aide de Dieu, sont dits réellement dieux (cf. Ps 82, 6), non par nature, mais par contingence, de même que le fer incandescent est appelé feu, non par nature mais par contingence et par participation du feu. Il dit en effet : Vous serez saint parce que je suis saint (Lv 19, 2) » (III, 33, col. 1352 A). Après une série de références de ce type, Jean Damascène pouvait donc déduire avec sérénité : « Dieu, qui est bon et supérieur à toute bonté, ne se contenta pas de la contemplation de lui-même, mais il voulut qu’il y ait des êtres destinataires de ses bienfaits, qui puissent participer de sa bonté : c’est pourquoi il créa du néant toutes les choses, visibles et invisibles, y compris l’homme, réalité visible et invisible. Et il le créa en pensant et en le réalisant comme un être capable de pensée (ennoema ergon) enrichi par la parole (logo[i] sympleroumenon) et orienté vers l’esprit (pneumati teleioumenon) » (II, 2, PG, col. 865A). Et pour éclaircir ultérieurement sa pensée, il ajoute : « Il faut se laisser remplir d’étonnement (thaumazein) par toutes les œuvres de la providence (tes pronoias erga), les louer toutes et les accepter toutes, en surmontant la tentation de trouver en celles-ci des aspects qui, a beaucoup de personnes, semblent injustes ou iniques (adika), et en admettant en revanche que le projet de Dieu (pronoia) va au-delà des capacités cognitives et de compréhension (agnoston kai akatalepton) de l’homme, alors qu’au contraire lui seul connaît nos pensées, nos actions et même notre avenir » (II, 29, PG,col. 964C). Du reste, Platon disait déjà que toute la philosophie commence avec l’émerveillement : notre foi aussi commence avec l’émerveillement de la création, de la beauté de Dieu qui se fait visible.

L’optimisme de la contemplation naturelle (physikè theoria), de cette manière de voir dans la création visible ce qui est bon, beau et vrai, cet optimisme chrétien n’est pas un optimisme naïf : il tient compte de la blessure infligée à la nature humaine par une liberté de choix voulue par Dieu et utilisée de manière impropre par l’homme, avec toutes les conséquences d’un manque d’harmonie diffus qui en ont dérivé. D’où l’exigence, clairement perçue par le théologien de Damas, que la nature dans laquelle se reflète la bonté et la beauté de Dieu, blessées par notre faute, « soit renforcée et renouvelée » par la descente du Fils de Dieu dans la chair, après que de nombreuses manières et en diverses occasions Dieu lui-même ait cherché à démontrer qu’il avait créé l’homme pour qu’il soit non seulement dans l’« être », mais dans le « bien-être » (cf. La foi orthodoxe, II, 1, PG 94, col. 981°). Avec un enthousiasme passionné, Jean explique : « Il était nécessaire que la nature soit renforcée et renouvelée et que soit indiquée et enseignée concrètement la voie de la vertu (didachthenai aretes hodòn), qui éloigne de la corruption et conduit à la vie éternelle… C’est ainsi qu’apparut à l’horizon de l’histoire la grande mer de l’amour de Dieu pour l’homme (philanthropias pelagos)… ». C’est une belle expression. Nous voyons, d’une part, la beauté de la création et, de l’autre, la destruction accomplie par la faute humaine. Mais nous voyons dans le Fils de Dieu, qui descend pour renouveler la nature, la mer de l’amour de Dieu pour l’homme. Jean Damascène poursuit : « Lui-même, le Créateur et le Seigneur, lutta pour sa créature en lui transmettant à travers l’exemple son enseignement… Et ainsi, le Fils de Dieu, bien que subsistant dans la forme de Dieu, abaissa les cieux et descendit… auprès de ses serviteurs… en accomplissant la chose la plus nouvelle de toutes, l’unique chose vraiment nouvelle sous le soleil, à travers laquelle se manifesta de fait la puissance infinie de Dieu » (III, 1. PG 94, coll. 981C-984B).

Nous pouvons imaginer le réconfort et la joie que diffusaient dans le cœur des fidèles ces paroles riches d’images si fascinantes. Nous les écoutons nous aussi, aujourd’hui, en partageant les mêmes sentiments que les chrétiens de l’époque : Dieu veut reposer en nous, il veut renouveler la nature également par l’intermédiaire de notre conversion, il veut nous faire participer de sa divinité. Que le Seigneur nous aide à faire de ces mots la substance de notre vie.

Le pape a ensuite résumé sa catéchèse en plusieurs langues. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Jean Damascène est un personnage de premier plan dans l’histoire de la théologie byzantine. Né dans une riche famille chrétienne, il assume encore jeune la charge de responsable économique du califat. Mais, vite insatisfait de la vie de cour, vers l’an 700, il entre au monastère de saint Saba, près de Jérusalem, où il se consacrera à l’ascèse et à l’activité littéraire. Ses nombreuses Homélies gardent le témoignage de son activité pastorale. En Orient, on se souvient de ses Discours pour légitimer la vénération des images sacrées, les reliant au mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Jean Damascène fut l’un des premiers à faire la distinction dans le culte chrétien entre « l’adoration », qui s’adresse seulement à Dieu et « la vénération » qui peut être utilisée pour s’adresser à la personne représentée par une image. Cette distinction se révéla très importante pour répondre à ceux qui prétendaient universel et éternel l’interdit sévère de l’Ancien Testament d’utiliser des images dans le culte. Jean Damascène demeure un témoin privilégié du culte des icônes qui est un aspect distinctif de la théologie et de la spiritualité orientale jusqu’à aujourd’hui. Il admit aussi la vénération des reliques des saints, sur la base de la conviction que les saints, rendus participants de la résurrection du Christ, ne peuvent être considérés simplement comme des « morts ».

J’accueille avec plaisir les pèlerins de langue française. Je salue en particulier les pèlerins du diocèse de Bâle ainsi que les jeunes de Malines et de Buzançais ainsi que ceux de l’Ecole internationale de formation et d’évangélisation de Paray-le-Monial. En ce temps pascal, je vous invite à entrer dans une relation toujours plus intime avec le Christ qui est vivant dans notre monde. Que Dieu vous bénisse!

A l’issue de l’audience le pape s’est adressé en anglais aux populations de Jordanie, d’Israël et des Territoires palestiniens qu’il rencontrera du 8 au 15 mai :

Mes chers amis, vendredi je quitterai Rome pour une visite apostolique en Jordanie, Israël et dans les Territoires palestiniens. Je profite de l’occasion qui m’est donnée ce matin, à travers la radio et la télévision, pour saluer toutes les populations de ces pays. J’attends avec impatience de pouvoir être avec vous pour partager vos aspirations et vos espérances, tout comme vos souffrances et vos combats. Je viendrai parmi vous comme pèlerin de paix. Mon intention principale est de visiter les lieux devenus saints par la vie de Jésus et de prier dans ces lieux pour le don de la paix et de l’unité pour vos familles et pour tous ceux dont la Terre Sainte et le Moyen Orient sont le foyer. Parmi les nombreux rassemblements religieux et civils qui se dérouleront au cours de la semaine, il y aura des rencontres avec les représentants des communautés musulmanes et juives avec qui ont été accomplis de grands progrès dans le dialogue et dans les échanges culturels. Je salue avec une affection particulière les catholiques de la région et je vous demande de vous unir à moi dans la prière afin que cette visite porte beaucoup de fruits pour la vie spirituelle et civile de ceux qui vivent en Terre Sainte. Prions tous Dieu pour sa bonté ! Que nous puissions tous devenir un peuple d’espérance ! Que nous puissions être tous fermes dans notre désir et nos efforts de paix !

Traduction : Zenit

Pape Benoît: Audience générale du mercredi 29 avril

30 avril, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-20824?l=french

Audience générale du mercredi 29 avril

Texte intégral

ROME, Mercredi 29 avril 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

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Chers frères et sœurs,

Le patriarche Germain de Constantinople, dont je voudrais parler aujourd’hui, n’appartient pas aux figures les plus représentatives du monde chrétien oriental de langue grecque et toutefois son nom apparaît avec une certaine solennité dans la liste des grands défenseurs des images sacrées, dressée lors du Deuxième Concile de Nicée, septième concile œcuménique (787). L’Eglise grecque célèbre sa fête dans la liturgie du 12 mai. Il eut un rôle significatif dans l’histoire complexe de la lutte pour les images, au cours de ce qu’on a appelé la crise iconoclaste : il sut vaillamment résister aux pressions d’un empereur iconoclaste, c’est-à-dire adversaire des icônes, comme le fut Léon III.
Au cours du patriarcat de Germain (715-730) la capitale de l’empire byzantin, Constantinople, subit un siège très dangereux de la part des Sarrasins. En cette occasion (717-718), une procession solennelle fut organisée en ville, avec l’ostension de l’image de la Mère de Dieu, la Theotokos, et de la relique de la Sainte Croix, pour invoquer d’En haut la défense de la ville. De fait, Constantinople fut libérée du siège. Les adversaires décidèrent d’abandonner pour toujours l’idée d’établir leur capitale dans la ville symbole de l’empire chrétien et la reconnaissance de l’aide divine fut extrêmement grande dans le peuple.

Après cet événement, le patriarche Germain fut convaincu que l’intervention de Dieu devait être considérée comme une approbation évidente de la piété montrée par la population envers les saintes icônes. Léon III, qui précisément à partir de cette année (717) s’installa comme empereur indiscuté dans la capitale, sur laquelle il régna jusqu’en 741, fut en revanche d’un avis entièrement différent. Après la libération de Constantinople et après une série d’autres victoires, l’empereur chrétien commença à manifester toujours plus ouvertement la conviction que la consolidation de l’empire devait précisément commencer par une réorganisation des manifestations de la foi, avec une référence particulière au risque d’idolâtrie auquel, à son avis, le peuple était exposé en raison du culte excessif des icônes.

Les appels du patriarche Germain à la tradition de l’Eglise et à l’efficacité réelle de certaines images, qui étaient unanimement reconnues comme « miraculeuses » ne servirent à rien. L’empereur devint toujours plus inébranlable dans l’application de son projet restaurateur, qui prévoyait l’élimination des icônes. Et lorsque, le 7 janvier 730, il prit ouvertement position lors d’une réunion publique contre le culte des images, Germain ne voulut en aucune façon se plier au désir de l’empereur sur des questions qu’il considérait déterminantes pour la foi orthodoxe, à laquelle selon lui appartenait précisément le culte, l’amour pour les images. Il se vit donc contraint de donner sa démission de patriarche, en s’auto-condamnant à l’exil dans un monastère où il mourut oublié de presque tout le monde. Son nom réapparut précisément à l’occasion du Deuxième Concile de Nicée (787), lorsque les pères orthodoxes se proclamèrent en faveur des icônes, reconnaissant les mérites de Germain.

Le patriarche Germain soignait beaucoup les célébrations liturgiques et, pendant un certain temps, il fut considéré également comme l’instaurateur de la fête de l’Akatistos. Comme on le sait, l’Akatistos est un hymne ancien et célèbre né dans le milieu byzantin et consacré à la Theotokos, la Mère de Dieu. Bien que du point de vue théologique on ne puisse pas qualifier Germain de grand penseur, plusieurs de ses œuvres eurent un certain retentissement en particulier en raison de certaines intuitions sur la mariologie. En effet, de lui ont été conservées plusieurs homélies de thème marial et certaines d’entre elles ont profondément marqué la piété de générations entières de fidèles, aussi bien en Orient qu’en Occident. Ses splendides Homélies sur la Présentation de Marie au Temple sont des témoignages encore vivants des traditions non écrites des Eglises chrétiennes. Des générations de moines, de moniales et de membres de très nombreux Instituts de vie consacrée, continuent encore aujourd’hui à retrouver dans ces textes des trésors très précieux de spiritualité.

Certains textes mariologiques de Germain, qui font partie des homélies prononcées In SS. Deiparae dormitionem, une festivité correspondant à notre fête de l’Assomption, suscitent encore l’émerveillement. Parmi ceux-ci, le pape Pie XII en préleva un, qu’il enchâssa comme une perle dans la Constitution apostolique Munificentissimus Deus (1950), avec laquelle il déclara le dogme de foi de l’Assomption de Marie. Pie XII cita ce texte dans la Constitution susmentionnée, en le présentant comme l’un des arguments en faveur de la foi permanente de l’Eglise à propos de l’Assomption corporelle de Marie au ciel. Germain écrit : « Cela pouvait-il jamais arriver, Très Sainte Mère de Dieu, que le ciel et la terre se sentent honorés de ta présence, et que toi, avec ton départ, tu laisses les hommes privés de ta protection ? Non. Il est impossible de penser ces choses. En effet, de même que lorsque tu étais dans le monde tu ne te sentais pas étrangère aux réalités du ciel, ainsi, après que tu sois partie de ce monde, tu n’es pas du tout devenue étrangère à la possibilité de communiquer en esprit avec les hommes… Tu n’as pas du tout abandonné ceux auxquels tu as garanti le salut… en effet, ton esprit vit pour l’éternité et ta chair ne subit pas la corruption du sépulcre. Toi, ô Mère, tu es proche de tous et tu protèges chacun et, bien que nos yeux ne puissent pas te voir, nous savons toutefois, ô Très Sainte Mère, que tu habites parmi nous et que tu es présente selon les manières les plus diverses… Toi (Marie) tu te révèles entièrement, comme il est écrit, dans ta beauté. Ton corps virginal est totalement saint, tout chaste, entièrement une maison de Dieu si bien que, également pour cette raison, il est absolument réfractaire à toute réduction en poussière. Celui-ci est immuable, du moment que ce qui était humain en lui a été assumé dans l’incorruptibilité, restant vivant et absolument glorieux, intact et participant à la vie parfaite. En effet, il était impossible que soit gardée dans le sépulcre des morts celle qui était devenue vase de Dieu et temple vivant de la très sainte divinité du Fils unique. D’autre part, nous croyons de manière certaine que tu continues à marcher avec nous » (PG 98, coll. 344B-346B, passim).

Il a été dit que pour les Byzantins, la dignité de la forme rhétorique dans la prédication, et encore davantage dans les hymnes ou compositions poétiques qu’ils appellent tropaires, est tout aussi importante pour la célébration liturgique que la beauté de l’édifice sacré dans laquelle celle-ci se déroule. Le patriarche Germain a été reconnu, dans cette tradition, comme l’un de ceux qui ont particulièrement contribué à garder cette conviction vivante, c’est-à-dire que beauté de la parole, du langage et beauté de l’édifice et de la musique doivent coïncider.

Je cite pour conclure, les paroles inspirées avec lesquelles Germain qualifie l’Eglise au début de son petit chef-d’œuvre : « L’Eglise est temple de Dieu, espace sacré, maison de prière, convocation du peuple, corps du Christ… Elle est le ciel sur la terre, où Dieu transcendant habite comme chez lui et s’y promène, mais elle est également une empreinte (antitypos) de la crucifixion, de la tombe et de la résurrection… L’Eglise est la maison de Dieu dans laquelle on célèbre le sacrifice mystique vivifiant, à la fois la partie la plus intime du sanctuaire et la grotte sainte. Dans celle-ci, en effet, se trouve le sépulcre et la table, nourritures pour l’âme et garantie de vie. Dans celle-ci, enfin, se trouvent les véritables perles précieuses que sont les dogmes divins de l’enseignement offert directement par le Seigneur à ses disciples » (PG 98, coll. 384B-385A).

A la fin demeure la question : aujourd’hui, qu’est-ce que ce saint peut nous dire, alors qu’il est chronologiquement et également culturellement assez éloigné de nous. Je pense en substance trois choses. La première : il y a une certaine visibilité de Dieu dans le monde, dans l’Eglise, que nous devons apprendre à percevoir. Dieu a créé l’homme à son image, mais cette image a été couverte par les nombreuses saletés du péché, en conséquence desquelles Dieu ne transparaissait presque plus. Ainsi, le Fils de Dieu s’est fait vrai homme, image parfaite de Dieu : dans le Christ nous pouvons ainsi contempler également le visage de Dieu et apprendre à être nous-mêmes de vrais hommes, de vraies images de Dieu. Le Christ nous invite à l’imiter, à devenir semblables à Lui, afin qu’en chaque homme transparaisse le nouveau visage de Dieu, l’image de Dieu. En vérité, Dieu avait interdit dans le Décalogue de faire des images de Dieu, mais cela en raison de la tentation d’idolâtrie à laquelle le croyant pouvait être exposé dans un contexte païen. Mais quand Dieu s’est rendu visible en Christ à travers l’incarnation, il est devenu légitime de reproduire le visage du Christ. Les images saintes nous enseignent à voir Dieu dans la représentation du visage du Christ. Après l’incarnation du Fils de Dieu, il est donc devenu possible de voir Dieu dans les images du Christ et également dans le visage des saints, dans le visage de tous les hommes en qui resplendit la sainteté de Dieu.

La deuxième chose est la beauté et la dignité de la liturgie. Célébrer la liturgie avec la conscience de la présence de Dieu, avec cette dignité et cette beauté qui en fasse voir un peu la splendeur, c’est l’engagement de chaque chrétien formé dans sa foi. La troisième chose est aimer l’Eglise. Précisément à propos de l’Eglise, nous les hommes sommes enclins à voir surtout les péchés, ce qui est négatif ; mais avec l’aide de la foi, qui nous rend capables de voir de manière authentique, nous pouvons également, aujourd’hui et toujours, redécouvrir dans celle-ci la beauté divine. C’est dans l’Eglise que Dieu est présent, s’offre à nous dans la Sainte Eucharistie et reste présent pour l’adoration. Dans l’Eglise, Dieu parle avec nous, dans l’Eglise « Dieu se promène avec nous », comme le dit saint Germain. Dans l’Eglise nous recevons le pardon de Dieu et nous apprenons à pardonner.

Prions Dieu afin qu’il nous enseigne à voir dans l’Eglise sa présence, sa beauté, à voir sa présence dans le monde, et qu’il nous aide à être nous aussi transparents sous sa lumière.

Le pape a ensuite résumé sa catéchèse en plusieurs langues. Voici ce qu’il a dit en français » :

Chers Frères et Sœurs,

Le Patriarche Germain de Constantinople eut un rôle significatif, au huitième siècle, durant la crise iconoclaste. Il sut résister aux pressions de l’empereur Léon III qui était convaincu que le redressement de l’Empire devait commencer par une réorganisation des manifestations de la foi, face au risque d’idolâtrie auquel, selon lui, le peuple était exposé en raison d’un culte excessif des icônes. Les rappels du Patriarche Germain à la tradition de l’Eglise et à l’efficacité d’images reconnues comme « miraculeuses », ne servirent à rien. L’Empereur demeura inébranlable. Et quand le 7 janvier 730 celui-ci prit position contre le culte des images, Germain ne voulut pas se plier à sa volonté sur des questions qu’il considérait déterminantes pour l’orthodoxie de la foi. En conséquence il dut démissionner et s’exiler dans un monastère où il mourut oublié de presque tous. Son nom réapparut à l’occasion du second Concile de Nicée en 787, lorsque les Pères orthodoxes en reconnurent les mérites.

Le Patriarche Germain a porté un grand soin aux célébrations liturgiques. Certaines de ses œuvres sont connues surtout en raison de ses intuitions sur la mariologie. Plusieurs de ses splendides homélies mariales ont profondément marqué la piété de générations de fidèles en Orient et en Occident et elles ont encore beaucoup à nous dire aujourd’hui.

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones. Je salue particulièrement les jeunes lycéens du diocèse d’Ajaccio, avec leur Évêque Mgr Jean-Luc Brunin. Que votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul soit pour vous tous l’occasion de faire grandir votre foi dans le Christ ressuscité  ! Avec ma Bénédiction apostolique  !

Audience générale du mercredi 22 avril (catéchèse sur Ambroise Aupert)

23 avril, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-20765?l=french

Audience générale du mercredi 22 avril (catéchèse sur Ambroise Aupert)

Texte intégral

ROME, Mercredi 22 avril 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

* * *

Chers frères et sœurs,

L’Eglise vit dans les personnes et celui qui veut connaître l’Eglise, comprendre son mystère, doit considérer les personnes qui ont vécu et vivent son message, son mystère. C’est pourquoi je parle depuis si longtemps dans les catéchèses du mercredi de personnes dont nous pouvons apprendre ce qu’est l’Eglise. Nous avons commencé avec les apôtres et les Pères de l’Eglise et nous sommes peu à peu arrivés jusqu’au VIIIe siècle, la période de Charlemagne. Aujourd’hui, je voudrais parler d’Ambroise Aupert, un auteur plutôt inconnu : ses œuvres, en effet, avaient été attribuées en grande partie à d’autres personnages plus célèbres, de saint Ambroise de Milan à saint Ildefonse, sans parler de celles que les moines du Mont-Cassin on pensé devoir attribuer à la plume d’un de leurs abbés homonyme, qui vécut presque un siècle plus tard. En dehors de quelques brefs faits autobiographiques insérés dans son grand commentaire de l’Apocalypse, nous ne possédons que peu d’informations certaines sur sa vie. La lecture attentive des œuvres dont peu à peu la critique lui reconnaît la paternité permet cependant de découvrir dans son enseignement un trésor théologique et spirituel précieux également pour notre époque.

Né en Provence, dans une bonne famille, Ambroise Aupert – selon son biographe tardif Jean – vécut à la cour du roi franc Pépin le Bref où, en plus de la fonction d’officier, il exerça également d’une certaine façon celle de percepteur du futur empereur Charlemagne. Probablement à la suite du Pape Etienne II, qui en 753-54 s’était rendu à la cour franque, Aupert vint en Italie et eut l’occasion de visiter la célèbre abbaye bénédictine de saint Vincent, à la source du Volturne, dans le duché de Bénévent. Fondée au début de ce siècle par les trois frères du Bénévent Paldone, Tatone et Tasone, l’abbaye était connue comme une oasis de culture classique et chrétienne. Peu après sa visite, Ambroise Aupert décida d’embrasser la vie religieuse et il entra dans ce monastère, où il put se former de façon adaptée, en particulier dans le domaine de la théologie et de la spiritualité, selon la tradition des Pères. Autour de l’année 761, il fut ordonné prêtre et, le 4 octobre 777, il fut élu abbé avec le soutien des moines francs, alors que les Lombards s’opposaient à lui, favorables au Lombard Potone. La tension à caractère nationaliste ne se calma pas pendant les mois successifs, si bien que l’année suivante, en 778, Aupert pensa donner sa démission et se retirer avec quelques moines francs à Spolète, où il pouvait compter sur la protection de Charlemagne. Mais malgré cela, la divergence dans le monastère de Saint-Vincent ne fut pas aplanie et quelques années plus tard, quand à la mort de l’abbé qui avait succédé à Aupert fut précisément nommé Potone (env. 782), l’opposition reprit avec vigueur et l’on arriva à la dénonciation du nouvel abbé auprès de Charlemagne. Celui-ci renvoya les adversaires devant le tribunal du Pape, qui les convoqua à Rome. Il appela également Aupert comme témoin, mais celui-ci mourut à l’improviste pendant le voyage, peut-être tué, le 30 janvier 784.
Ambroise Aupert fut moine et abbé à une époque marquée par de fortes tensions politiques, qui se répercutaient également sur la vie à l’intérieur des monastères. Nous en avons des échos fréquents et préoccupés dans ses écrits. Il dénonce, par exemple, la contradiction entre la splendide apparence extérieure des monastères et la tiédeur des moines : cette critique visait aussi certainement sa propre abbaye. Pour celle-ci, il écrivit la Vie des trois fondateurs avec la claire intention d’offrir à la nouvelle génération de moines un point de référence auquel se confronter. Un but semblable était également poursuivi par le petit traité d’ascèse Conflictus vitiprum et virtutum (« Conflit entre les vices et les vertus »), qui connut un grand succès au Moyen-âge et fut publié en 1473 à Utrecht sous le nom de Grégoire le Grand et un an plus tard à Strasbourg sous celui de saint Augustin. Dans celui-ci, Ambroise Aupert entend enseigner aux moines de façon concrète la façon d’affronter le combat spirituel jour après jour. De manière significative, il applique l’affirmation de 2 Tm 3, 12 : « D’ailleurs tous ceux qui veulent vivre en hommes religieux dans le Christ Jésus subiront la persécution », non plus la persécution extérieure, mais l’assaut que le chrétien doit affronter en lui-même de la part des forces du mal. Dans une sorte d’affrontement, sont présentées 24 couples de combattants ; chaque vice cherche à tenter l’âme par de subtiles raisonnements, alors que la vertu respective combat ces tentations en se servant de préférence de paroles de l’Ecriture.

Dans ce traité sur le conflit entre vices et vertus, Aupert oppose à la cupiditas (la cupidité), le contempus mundi (le mépris du monde), qui devient une figure importante dans la spiritualité des moines. Ce mépris du monde n’est pas un mépris de la création, de la beauté et de la bonté de la création et du Créateur, mais un mépris de la fausse vision du monde qui nous est présentée et qui est insinuée en nous précisément par la cupidité. Celle-ci nous laisse croire qu’« avoir » serait la valeur suprême de notre être, de notre vie dans le monde en apparaissant comme importants. Aupert observe ensuite que l’avidité du gain des riches et des puissants dans la société de son temps existe aussi au sein des âmes des moines, et il écrit donc un traité intitulé De cupiditate, où, avec l’apôtre Paul, il dénonce dès le début la cupidité comme la racine de tous les maux. Il écrit : « Du sol de la terre différentes épines pointues pointent de diverses racines ; dans le cœur de l’homme, en revanche, les piqures de tous les vices proviennent d’une unique racine, la cupidité » (De cupiditate : 1 cccm 27b, p. 963). Une caractéristique qui, à la lumière de la présente crise économique mondiale, révèle toute son actualité. Nous voyons que c’est précisément de cette racine de la cupidité que cette crise est née. Ambroise imagine l’objection que les riches et les puissants pourraient soulever : mais nous ne sommes pas des moines, pour nous certaines exigences ascétiques ne sont pas valables. Et lui répond : « Ce que vous dites est vrai, mais pour vous également, selon la manière propre à votre milieu et dans la mesure de vos forces, celle qui est valable est la voie escarpée et étroite, car le Seigneur n’a proposé que deux portes et deux voies (c’est-à-dire la porte étroite et la porte large, la voie escarpée et la voie aisée) ; il n’a pas indiqué de troisième porte, ni de troisième voie » (l.c., p. 978). Il voit clairement que les façons de vivre sont très diverses. Mais pour l’homme de ce monde également, pour le riche aussi vaut le devoir de combattre la cupidité, le désir de posséder, d’apparaître, contre le concept erroné de liberté comme faculté de disposer de tout selon le libre arbitre. Le riche aussi doit trouver l’authentique voie de la vérité, de l’amour et ainsi, de la juste voie. Alors Autpert, en pasteur d’âme prudent, sait ensuite dire, à la fin de sa prédication pénitentielle, une parole de réconfort : « J’ai parlé non pas contre les avides, mais contre l’avidité, non pas contre la nature, mais contre le vice » (l.c., p. 981).

L’œuvre la plus importante d’Ambroise Autpert est certainement son commentaire en dix livres de l’Apocalypse : il constitue, après des siècles, le premier ample commentaire dans le monde latin du dernier livre de l’Ecriture Sainte. Cette œuvre était le fruit d’un travail de plusieurs années, qui s’est déroulé en deux étapes entre 758 et 767, c’est-à-dire avant son élection comme abbé. Dans l’introduction, il indique de façon détaillée ses sources, chose absolument hors du commun au Moyen Age. A travers sa source sans doute la plus significative, le commentaire de l’Evêque Primatius d’Hadrumète, rédigé aux environs de la moitié du VIe siècle, Autpert entre en contact avec l’interprétation qu’avait laissée dans l’Apocalypse l’Africain Tyconius, qui avait vécu une génération avant saint Augustin. Il n’était pas catholique ; il appartenait à l’Eglise schismatique donatiste ; c’était toutefois un grand théologien. Dans son commentaire, il voit surtout reflété dans l’Apocalypse le mystère de l’Eglise. Tyconius était convaincu que l’Eglise était un corps bipartite : une partie, dit-il, appartient au Christ, mais il existe une autre partie de l’Eglise qui appartient au diable. Augustin lut ce commentaire et en tira profit, mais souligna fortement que l’Eglise est entre les mains du Christ, demeure son Corps, ne formant avec Lui qu’un seul objet, participant à la médiation de la grâce. Il souligne donc que l’Eglise ne peut jamais être séparée de Jésus Christ. Dans sa lecture de l’Apocalypse, semblable à celle de Tyconius, Autpert ne s’intéresse pas tant à la deuxième venue du Christ à la fin des temps, mais plutôt aux conséquences qui découlent pour l’Eglise du présent de sa première venue, l’incarnation dans le sein de la Vierge Marie. Et il nous dit une parole très importante : en réalité, le Christ « doit en nous, qui sommes son Corps, naître, mourir et ressusciter quotidiennement » (In Apoc, III : cccm 27, p. 205). Dans le contexte de la dimension mystique qui investit chaque chrétien, il regarde Marie comme le modèle de l’Eglise, modèle pour nous tous, car en nous et entre nous aussi doit naître le Christ. Sur la foi des Pères qui voyaient dans la « Femme vêtue de lumière » de l’Ap 12, 1, l’image de l’Eglise, Autpert explique : « La bienheureuse et pieuse Vierge… engendre quotidiennement de nouveaux peuples, à partir desquels se forme le Corps général du Médiateur. Il n’est donc pas surprenant que celle dans le sein bienheureux duquel l’Eglise elle-même mérite d’être unie à son Chef, représente le type de l’Eglise ». En ce sens, Autpert voit un rôle décisif de la Vierge Marie dans l’œuvre de la rédemption (cf. également ses homélies dans In purificatione s. Mariae et In adsumptione s. Mariae). Sa grande vénération et son profond amour pour la Mère de Dieu lui inspirent parfois des formulations qui d’une certaine façon, anticipent celles de saint Bernard et de la mystique franciscaine, sans toutefois dévier vers des formes discutables de sentimentalisme, car il ne sépare jamais Marie du mystère de l’Eglise. C’est donc à juste titre qu’Ambroise Autpert est considéré comme le plus grand mariologue en Occident. A la piété qui, selon lui, doit libérer l’âme de l’attachement aux plaisirs terrestres transitoires, il considère que doit s’unir la profonde étude des sciences sacrées, en particulier la méditation des Ecritures saintes, qu’il qualifie de « ciel profond, abîme insondable » (In Apoc. IX). Dans la belle prière par laquelle il conclut son commentaire de l’Apocalypse, en soulignant la priorité qui revient à l’amour dans toute recherche théologique de la vérité, il s’adresse à Dieu par ces paroles : « Lorsque nous te scrutons de façon intellectuelle, nous ne te découvrons jamais tel que tu es réellement ; lorsque nous t’aimons, alors nous parvenons à toi ».

Nous pouvons voir aujourd’hui chez Ambroise Autpert une personnalité vécue à une époque de profonde instrumentalisation politique de l’Eglise, dans laquelle nationalisme et tribalisme avaient défiguré le visage de l’Eglise. Mais lui, parmi toutes ces difficultés que nous connaissons nous aussi, sut redécouvrir le véritable visage de l’Eglise dans Marie et dans les saints. Et il sut ainsi comprendre ce que signifie être catholique, être chrétien, vivre de la parole de Dieu, entrer dans cet abîme et vivre ainsi le mystère de la Mère de Dieu : donner de nouveau vie à la Parole de Dieu, offrir à la Parole de Dieu sa propre chair dans le temps présent. Et avec toute sa connaissance théologique et la profondeur de sa science, Autpert sut comprendre qu’avec la simple recherche théologique, Dieu ne peut être connu tel qu’il est réellement. Seul l’amour peut parvenir à lui. Ecoutons ce message et prions le Seigneur afin qu’il nous aide à vivre le mystère de l’Eglise aujourd’hui, à notre époque.

Le pape a ensuite résumé sa catéchèse en plusieurs langues. Voici ce qu’il a dit en français »:

Chers frères et sœurs,

Ambroise Autpert est un auteur du huitième siècle assez peu connu. Né en Provence, officier à la cour du roi Pépin le Bref, il contribua à l’éducation du futur Charlemagne. Puis il fut admis à l’abbaye bénédictine de Saint-Vincent dans le Bénévent et reçut l’ordination sacerdotale en 777. Rapidement élu Abbé, il dût faire face jusqu’à sa mort, en 784, à de fortes oppositions au sein de l’abbaye, qui reflétaient les tensions politiques de l’époque. Il est l’une des figures majeures de la renaissance carolingienne. Dans ses écrits, il s’emploie notamment à raviver l’idéal et la ferveur monastiques. Son Commentaire de l’Apocalypse est toutefois son œuvre majeure qui révèle l’originalité et la profondeur de sa spiritualité. L’Eglise en est le thème central. Il affirme qu’il ne faut pas la séparer du Christ, seul Médiateur. Corps du Christ, l’Eglise, participe à cette médiation. Chaque jour, écrit-il, le Christ doit naître en nous, il doit mourir en nous et ressusciter. Et Marie, dans le sein duquel l’Eglise est unie à son Chef, est le modèle de l’Eglise. En dévoilant son rôle unique dans l’œuvre de la Rédemption, Ambroise Autpert se montre comme le premier grand mariologue de l’occident ; son amour de la Vierge Marie l’oriente vers la source de la véritable vie chrétienne, celle qui s’abreuve aux Saintes Ecritures.

Je suis heureux de vous accueillir, chers pèlerins francophones. Je salue en particulier les nombreux jeunes présents ce matin, surtout les lycéens. Les pèlerins des diocèses de Perpignan et de Fréjus Toulon avec leurs Evêques Mgr Marceau et Mgr Rey, les paroisses de saint-Cloud et de saint Martin de Chanu, ainsi que les pèlerins de Paris, Strasbourg, Dijon, Cambrai, Albi, Angoulême et Versailles. A l’exemple de saint Ambroise Autpert et de la Vierge Marie, aimez passionnément l’Eglise. Que Dieu vous bénisse !

Audience du mercredi 21 mai – sur: Romanos le Mélode

22 mai, 2008

du site:

http://www.zenit.org/article-18016?l=french

Audience du mercredi 21 mai -  sur: Romanos le Mélode

Texte intégral

ROME, Mercredi 21 mai 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de l’audience générale, ce mercredi, dans la salle Paul VI.

Chers frères et sœurs,Dans la s

érie des catéchèses sur les Pères de l’Eglise, je voudrais aujourd’hui parler d’une figure peu connue : Romanos le Mélode, né vers 490 à Emesa (aujourd’hui Homs) en Syrie. Théologien, poète et compositeur, il appartient au grand groupe des théologiens qui ont transformé la théologie en poésie. Nous pensons à son compatriote saint Ephrém de Syrie, qui vécut deux cents ans avant lui. Mais nous pensons également à des théologiens de l’Occident, comme saint Ambroise, dont les hymnes font encore aujourd’hui partie de notre liturgie et touchent également notre cœur ; ou à un théologien, à un penseur d’une grande vigueur, comme saint Thomas, qui nous a donné les hymnes de la fête du Corpus Domini de demain ; nous pensons à saint Jean de la Croix et à tant d’autres. La foi est amour et c’est pourquoi elle crée de la poésie et elle crée de la musique. La foi est joie, c’est pourquoi elle crée de la beauté.

Ainsi, Romanos le Mélode est l’un de ceux-ci, un poète et compositeur théologien. Ayant appris les premiers éléments de la culture grecque et syriaque dans sa ville natale, il se transféra à Berito (Beyrouth), où il perfectionna son instruction classique et ses connaissances rhétoriques. Ordonné diacre permanent (v. 515), il y fut prédicateur pendant trois ans. Puis il se transféra à Constantinople vers la fin du règne d’Anasthase Ier (v. 518), et s’établit dans le monastère près de l’église de la Théotókos, Mère de Dieu. C’est là qu’eut lieu l’épisode clef de sa vie : le Synaxaire nous informe de l’apparition en rêve de la Mère de Dieu et du don du charisme poétique. En effet, Marie lui intima d’avaler une feuille roulée. Le lendemain matin – c’était la fête de la Nativité du Seigneur – Romanos alla déclamer à l’ambon : « Aujourd’hui la Vierge fait naître le Transcendant » (Hymne « Sur la Nativité » I. Préambule). Il devint ainsi prédicateur et chantre jusqu’à sa mort (après 555).Romanos demeure dans l’histoire comme l’un des auteurs les plus repr

ésentatifs d’hymnes liturgiques. L’homélie était alors, pour les fidèles, l’occasion pratiquement unique d’instruction catéchétique. Romanos apparaît ainsi comme le témoin éminent du sentiment religieux de son époque, mais également d’un style vivace et original de catéchèse. A travers ses compositions, nous pouvons nous rendre compte de la créativité de cette forme de catéchèse, de la créativité de la pensée théologique, de l’esthétique et de l’hymnographie sainte de ce temps. Le lieu où Romanos prêchait était un sanctuaire de la périphérie de Constantinople : il montait à l’ambon placé au centre de l’église et s’adressait à la communauté en ayant recours à une mise en scène demandant de grands moyens : il utilisait des représentations murales ou des icônes disposées sur l’ambon et il avait aussi recours au dialogue. Ses homélies étaient des homélies métriques chantées, appelées « contacio » (kontakia). Le terme « kontákion », « petite verge », paraît renvoyer au bâtonnet autour duquel on enroulait le rouleau d’un manuscrit liturgique ou d’un autre type. Les kontákia qui nous sont parvenus sous le nom de Romanos sont au nombre de quatre-vingt neuf, mais la tradition lui en attribue mille.

Chez Romanos, chaque kontákion

est composé de strophes, généralement de dix-huit à vingt-quatre, avec un nombre de syllabes égales, structurées sur le modèle de la première strophe (irmo) ; les accents rythmiques des versets de toutes les strophes se modèlent sur ceux de l’irmo. Chaque strophe se conclut par un refrain (efimnio) généralement identique, pour créer l’unité poétique. En outre, les initiales de chaque strophe indiquent le nom de l’auteur (acrostico), souvent précédé par l’adjectif « humble ». Une prière se référant aux faits célébrés ou évoqués conclut l’hymne. Une fois terminée la lecture biblique, Romanos chantait le Préambule, généralement sous forme de prière ou de supplique. Il annonçait ainsi le thème de l’homélie et expliquait le refrain à répéter en chœur à la fin de chaque strophe, qu’il déclamait de manière cadencée à haute voix.Un exemple significatif nous est offert par le

kontakion pour le Vendredi de la Passion : c’est un dialogue dramatique entre Marie et son Fils, qui se déroule sur le chemin de croix. Marie dit : « Où vas-tu, mon fils ? Pourquoi accomplis-tu si vite le cours de ta vie ? / Jamais je n’aurais cru, mon fils, te voir dans cet état, / et je n’aurais jamais imaginé que les impies seraient arrivés à ce point de fureur / levant les mains sur toi contre toute justice ». Jésus répond : « Pourquoi pleures-tu, ma mère ? [...]. Je ne devrais pas souffrir ? Je ne devrais pas mourir ? / Comment pourrais-je donc sauver Adam ? ». Le fils de Marie console sa mère, mais il la rappelle à son rôle dans l’histoire du salut : « Dépose, donc, mère, dépose ta douleur : / les gémissements ne te conviennent pas, car tu fus appelée « pleine de grâce » » (Marie au pied de la croix, 1-2 ; 4-5). Ensuite, dans l’hymne sur le sacrifice d’Abraham, Sara se réserve la décision sur la vie d’Isaac. Abraham dit : « Quand Sara écoutera, mon Seigneur, toutes tes paroles, / ayant connu ta volonté elle me dira : / – Si celui qui nous l’a donné le reprend, pourquoi nous l’a-t-il donné ? [...] – Toi, ô vieillard, mon fils, laisse-le moi, / et quand celui qui t’a appelé le voudra, il devra me le dire » (Le sacrifice d’Abraham, 7).

Romanos adopte non pas le grec byzantin solennel de la cour, mais un grec simple proche du langage du peuple. Je voudrais ici citer un exemple de sa manière vivace et très personnelle de parler du Seigneur Jésus : il l’appelle « source qui ne brûle pas et lumière contre les ténèbres » et dit : « Je brûle de te tenir dans la main comme une lampe ; / en effet, celui qui porte une lampe parmi les hommes est illuminé sans brûler. / Illumine-moi donc, Toi qui es la Lampe inextinguible » (La Présentation ou Fête de la rencontre, 8). La force de conviction de ses prédications était fondée sur la grande cohérence entre ses paroles et sa vie. Dans une prière, il dit : « Rends claire ma langue, mon Sauveur, ouvre ma bouche / et, après l’avoir remplie, transperce mon cœur, pour que mon action / soit cohérente avec mes paroles » (Mission des Apôtres, n. 2).Examinons

à présent certains de ses thèmes principaux. Un thème fondamental de sa prédication est l’unité de l’action de Dieu dans l’histoire, l’unité entre création et histoire du salut, l’unité entre Ancien et Nouveau Testament. Un autre thème important est la pneumatologie, c’est-à-dire la doctrine sur l’Esprit Saint. En la fête de la Pentecôte, il souligne la continuité entre le Christ monté au ciel et les apôtres, c’est-à-dire l’Eglise, et il en exalte l’action missionnaire dans le monde : « [...] avec la vertu divine ils ont conquis tous les hommes ; / ils ont pris la croix du Christ comme une plume, / ils ont utilisé les paroles comme des filets et avec ceux-ci ils ont pêché le monde, / ils ont eu le Verbe pour hameçon pointu, / un appât est devenu pour eux / la chair du Souverain de l’univers » (La Pentecôte 2 ; 18).

Un autre thème central est naturellement la christologie. Il n’entre pas dans le problème des concepts difficiles de la théologie, tant débattu à cette époque et qui ont aussi tant déchiré l’unité non seulement entre les théologiens, mais également entre les chrétiens dans l’Eglise. Il prêche une christologie simple mais fondamentale, la christologie des grands Conciles. Mais surtout il est proche de la piété populaire – du reste les concepts des Conciles sont nés de la piété populaire et de la connaissance du cœur chrétien – et ainsi Romanos souligne que le Christ est vrai homme et vrai Dieu, et en étant vrai Homme-Dieu il est une seule personne, la synthèse entre création et Créateur : dans ses paroles humaines nous entendons parler le Verbe de Dieu lui-même. « Il était homme – dit-il – le Christ, / mais il n’est cependant pas divisé en deux : il est Un, fils d’un Père qui est Un seulement » (La Passion 19). Quant à la mariologie, reconnaissant à la Vierge pour le don du charisme poétique, Romanos la rappelle à la fin de presque tous les hymnes et lui consacre ses kontáki les plus beaux : Nativité, Annonciation, Maternité divine, Nouvelle Eve.Enfin, les enseignements moraux se rapportent au jugement final (

Les dix vierges [II]). Il nous conduit vers ce moment de la vérité de notre vie, de la confrontation avec le Juge juste et par conséquent il exhorte à la conversion dans la pénitence et dans le jeûne. De manière concrète, le chrétien doit pratiquer la charité, l’aumône. Il accentue le primat de la charité sur la continence dans deux hymnes, les Noces de Cana et les Dix vierges. La charité est la plus grande des vertus : « [...] dix vierges possédaient la vertu de la virginité intacte, / mais pour cinq d’entre elles le dur exercice fut sans fruit. / Les autres brillèrent par les lampes de l’amour pour l’humanité, / c’est pourquoi l’époux les invita » (Les dix Vierges, 1).

Une humanité palpitante, l’ardeur de foi, une profonde humilité imprègnent les chants de Romanos le Mélode. Ce grand poète et compositeur nous rappelle tout le trésor de la culture chrétienne, née de la foi, née du cœur qui a rencontré le Christ, le Fils de Dieu. De ce contact du cœur avec la Vérité qui est Amour naît la culture, est née toute la grande culture chrétienne. Et si la foi reste vivante, cet héritage culturel aussi ne devient pas chose morte, mais reste vivant et présent. Les icônes parlent encore aujourd’hui au coeur des croyants, ce ne sont pas des choses du passé. Les cathédrales ne sont pas des monuments médiévaux, mais des maisons de vie, où nous nous sentons « à la maison » : nous rencontrons Dieu et nous nous rencontrons les uns les autres. La grande musique non plus – le chant grégorien ou Bach ou Mozart – n’est pas une chose du passé, mais elle vit de la vitalité de la liturgie et de notre foi. Si la foi est vivante, la culture chrétienne ne devient pas « passé », mais reste vivante et présente. Et si la foi est vivante, aujourd’hui aussi nous pouvons répondre à l’impératif qui se répète toujours à nouveau dans les Psaumes : « Chantez au Seigneur un chant nouveau ». Créativité, innovation, chant nouveau, culture nouvelle et présence de tout l’héritage culturel dans la vitalité de la foi ne s’excluent pas, mais sont une unique réalité ; ils sont la présence de la beauté de Dieu et de la joie d’être ses enfants.

Puis le pape a proposé une synthèse de sa catéchèse, en français :

Chers Frères et Sœurs,

Nous nous intéressons, ce matin, à Romanos le Mélode, un diacre auquel fût donné le titre de ‘Pindare chrétien’ car, par sa qualité littéraire, sa poésie savait bien célébrer les mystères de la foi. Né en Syrie vers 490, il rejoint Beyrouth pour y perfectionner sa formation académique. Il y devient diacre permanent. En 518, il s’installe à Constantinople, dans un monastère proche d’une église dédiée à la Theotokos. C’est là qu’il recevra de la Mère de Dieu le charisme de la poésie sacrée qui fera de lui l’un des plus grands auteurs d’hymnes de l’Orient. Dans sa communauté, il tiendra, jusqu’à sa mort, le rôle de chantre et de prédicateur.

À travers ses hymnes liturgiques, rédigées dans le grec de la koiné et dont le chant s’intercalait entre la lecture des textes bibliques et l’homélie, nous possédons un témoignage précis de la liturgie, de la théologie, de l’esthétique sacrée de cette époque. Romanos se montre surtout soucieux de faire comprendre le plan de salut de Dieu dans le Christ, soulignant le lien entre création et rédemption. Pour cela, il recourt abondamment à la typologie et il déploie une riche théologie de l’Esprit Saint. Si ses enseignements moraux accordent une grande valeur à la pénitence et au jeûne, ils soulignent toujours le primat de la charité.Je salue les pèlerins francophones, en particulier les prêtres jubilaires du diocèse de Gand, ainsi que les jeunes du Lycée du Foyer de Charité de Chateauneuf de Galaure, de l’École « Jeunesse Lumière » et de l’École de la foi de Coutances. Que la beauté du visage de notre Dieu se reflète toujours sur notre être et dans notre louange. Avec ma Bénédiction apostolique.

Audience du 14 mai : Denys l’Aréopagite

15 mai, 2008

du site: 
http://www.zenit.org/article-17964?l=french

Audience du 14 mai : Denys l’Aréopagite

Texte intégral

ROME, Mercredi 14 mai 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de l’audience générale, ce mercredi, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs,Je voudrais aujourd’hui, dans le cadre des cat

échèses sur les Pères de l’Eglise, parler d’une figure très mystérieuse : un théologien du sixième siècle, dont le nom est inconnu, qui a écrit sous le pseudonyme de Denys l’Aréopagite. Avec ce pseudonyme, il fait allusion au passage de l’Ecriture que nous venons d’entendre, c’est-à-dire à l’histoire racontée par saint Luc dans le chapitre 17 des Actes des Apôtres, où il est rapporté que Paul prêcha à Athènes sur l’Aréopage, pour une élite du grand monde intellectuel grec, mais à la fin, la plupart des auditeurs montrèrent leur désintérêt et s’éloignèrent en se moquant de lui ; pourtant certains, un petit nombre nous dit saint Luc, s’approchèrent de Paul en s’ouvrant à la foi. L’évangéliste nous donne deux noms : Denys, membre de l’Aréopage, et une certaine femme, Damaris.

Si l’auteur de ces livres a choisi cinq siècles plus tard le pseudonyme de Denys l’Aréopagite, cela veut dire que son intention était de mettre la sagesse grecque au service de l’Evangile, d’aider la rencontre entre la culture et l’intelligence grecque et l’annonce du Christ ; il voulait faire ce qu’entendait ce Denys, c’est-à-dire que la pensée grecque rencontre l’annonce de saint Paul ; en étant grec, devenir le disciple de saint Paul et ainsi le disciple du Christ.Pourquoi a-t-il cach

é son nom et choisi ce pseudonyme ? Une partie de la réponse a déjà été donnée : il voulait précisément exprimer cette intention fondamentale de sa pensée. Mais il existe deux hypothèses à propos de cet anonymat et de ce pseudonyme. Une première hypothèse dit que c’était une falsification voulue, avec laquelle, en relatant ses œuvres au premier siècle, au temps de saint Paul, il voulait donner à sa production littéraire une autorité presque apostolique. Mais mieux que cette hypothèse – qui me semble peu crédible – il y a l’autre qui dit qu’il voulait précisément faire un acte d’humilité. Ne pas rendre gloire à son propre nom, ne pas créer un monument pour lui-même avec ses œuvres, mais réellement servir l’Evangile, créer une théologie ecclésiale, non individuelle et basée sur lui-même. En réalité, il réussit à construire une théologie que nous pouvons certainement dater du VIe siècle, mais pas attribuer à l’une des figures de cette époque : c’est une théologie un peu désindividualisée, c’est-à-dire une théologie qui exprime une pensée et un langage commun. C’était une époque de dures polémiques après le Concile de Chalcédoine, mais lui, en revanche, dans sa Septième Epître dit : « Je ne voudrais pas faire de polémiques; je parle simplement de la vérité, je cherche la vérité ». Et la lumière de la vérité fait d’elle-même disparaître les erreurs et fait resplendir ce qui est bon. Et avec ce principe, il purifia la pensée grecque et la mit en rapport avec l’Evangile. Ce principe, qu’il affirme dans sa septième lettre, est également l’expression d’un véritable esprit de dialogue : ne pas chercher les choses qui séparent, chercher la vérité dans la Vérité elle-même, ensuite celle-ci resplendit et fait disparaître les erreurs.

La théologie de cet auteur, tout en étant donc pour ainsi dire « suprapersonnelle », réellement ecclésiale, peut être située au VIe siècle. Pourquoi ? Il rencontra dans les livres d’un certain Proclus, mort à Athènes en 485, l’esprit grec qu’il plaça au service de l’Evangile : cet auteur appartenait au platonisme tardif, un courant de pensée qui avait transformé la philosophie de Platon en une sorte de religion, dont le but à la fin était de créer une grande apologie du polythéisme grec et de retourner, après le succès du christianisme, à l’antique religion grecque. Il voulait démontrer que, en réalité, les divinités étaient les forces en œuvre dans le cosmos. La conséquence était que l’on devait considérer plus vrai le polythéisme que le monothéisme, avec un unique Dieu créateur. C’était un grand système cosmique de divinités, de forces mystérieuses, celui que nous montre Proclus, pour qui dans ce cosmos déifié l’homme pouvait trouver l’accès à la divinité. Il distinguait cependant les voies pour les simples, qui n’étaient pas en mesure de s’élever aux sommets de la vérité – pour eux certains rites même superstitieux pouvaient être suffisants – et les voies pour les sages, qui en revanche devaient se purifier pour arriver à la pure lumière.Cette pens

ée, comme on le voit, est profondément antichrétienne. C’est une réaction tardive contre la victoire du christianisme. Un usage antichrétien de Platon, alors qu’était déjà en cours un usage chrétien du grand philosophe. Il est intéressant que ce Pseudo-Denys ait osé se servir précisément de cette pensée pour montrer la vérité du Christ ; transformer cet univers polythéiste en un cosmos créé par Dieu, dans l’harmonie du cosmos de Dieu où toutes les forces sont une louange à Dieu, et montrer cette grande harmonie, cette symphonie du cosmos qui va des séraphins, aux anges et aux archanges, à l’homme et à toutes les créatures qui ensemble reflètent la beauté de Dieu et sont une louange à Dieu. Il transformait ainsi l’image polythéiste en un éloge du Créateur et de sa créature. Nous pouvons de cette manière découvrir les caractéristiques essentielles de sa pensée : elle est tout d’abord une louange cosmique. Toute la création parle de Dieu et est un éloge de Dieu. La créature étant une louange de Dieu, la théologie du Pseudo-Denys devient une théologie liturgique : Dieu se trouve surtout en le louant, pas seulement en réfléchissant ; et la liturgie n’est pas quelque chose que nous avons construit, quelque chose d’inventé pour faire une expérience religieuse au cours d’une certaine période de temps ; elle est un chant avec le chœur des créatures et l’entrée dans la réalité cosmique elle-même. Et précisément ainsi la liturgie, apparemment seulement ecclésiastique, devient vaste et grande, elle devient notre union avec le langage de toutes les créatures. Il dit : on ne peut pas parler de Dieu de manière abstraite ; parler de Dieu est toujours – dit-il avec un mot grec – un « hymnein », un chant pour Dieu avec le grand chant des créatures, qui se reflète et se concrétise dans la louange liturgique. Toutefois, bien que sa théologie soit cosmique, ecclésiale et liturgique, elle est également profondément personnelle. Il créa la première grande théologie mystique. Le mot « mystique » acquiert même avec lui une nouvelle signification. Jusqu’à cette époque, pour les chrétiens, ce mot était équivalent au mot « sacramentel », c’est-à-dire ce qui appartient au « mysterion », au sacrement. La parole « mystique » devient avec lui plus personnelle, plus intime : elle exprime le chemin de l’âme vers Dieu. Et comment trouver Dieu ? Nous observons de nouveau ici un élément important dans son dialogue entre la philosophie grecque et le christianisme, en particulier la foi biblique. Apparemment, ce que dit Platon et ce que dit la grande philosophie sur Dieu est beaucoup plus élevé, est beaucoup plus vrai ; la Bible apparaît assez « barbare », simple, précritique dirait-on aujourd’hui; mais lui remarque que c’est justement ce qui est nécessaire parce qu’ainsi nous pouvons comprendre que les concepts les plus élevés sur Dieu n’arrivent jamais jusqu’à sa vraie grandeur ; ils sont toujours inappropriés. En réalité, ces images nous font comprendre que Dieu est au-delà de tous les concepts ; dans la simplicité des images, nous trouvons plus de vérité que dans les grands concepts. Le visage de Dieu est notre incapacité d’exprimer réellement ce qu’Il est. Aussi parle-t-on – comme le fait Pseudo-Denys – d’une « théologie négative ». Nous pouvons plus facilement dire ce que Dieu n’est pas, qu’exprimer ce qu’Il est véritablement. Ce n’est qu’à travers ces images que nous pouvons deviner son vrai visage, et de l’autre côté, ce visage de Dieu est très concret : c’est Jésus Christ. Et bien que Denys nous montre, en suivant en cela Proclus, l’harmonie des choeurs célestes, de telle façon qu’il nous semble que tous dépendent de tous, il est vrai que notre chemin vers Dieu reste fort éloigné de Lui ; Pseudo-Denys nous montre que, finalement, la route vers Dieu est Dieu lui-même, Lequel se rapproche de nous en Jésus Christ.

C’est ainsi qu’une théologie tellement grande et mystérieuse devient également très concrète autant dans l’interprétation de la liturgie que dans le discours tenu sur Jésus Christ : avec tout cela, Denys l’Aréopagite eut une grande influence sur toute la théologie médiévale, sur toute la théologie mystique autant en Orient qu’en Occident, il fut presque redécouvert au treizième siècle notamment par saint Bonaventure, le grand théologien franciscain qui dans cette théologie mystique trouva le moyen conceptuel d’interpréter l’héritage tellement simple et profond de saint François: le « poverello » avec Denys nous dit finalement que l’amour voit plus que la raison. Là où se trouve la lumière de l’amour on ne souffre plus des ténèbres de la raison ; l’amour voit, l’amour est un oeil et l’expérience nous donne plus que la réflexion. Quelle que soit cette expérience, Bonaventure le vit en saint François : c’est l’expérience d’un cheminement très humble, très réaliste, jour après jour, c’est cela aller avec le Christ, en acceptant sa croix. Dans cette pauvreté et dans cette humilité, dans l’humilité que l’on vit également dans l’Eglise, on fait une expérience de Dieu qui est plus élevée que celle que l’on atteint par la réflexion : à travers elle, nous touchons réellement le cœur de Dieu.

Il existe aujourd’hui un nouveau côté actuel de Denys l’Aréopagite : il apparaît comme un grand médiateur dans le dialogue moderne entre le christianisme et les théologies mystiques de l’Asie, dont la caractéristique la plus connue est la conviction qu’on ne peut pas dire qui est Dieu ; on ne peut parler de Lui que sous forme négative ; on ne peut parler de Dieu qu’avec le « ne pas », et ce n’est qu’en entrant dans cette expérience du « ne pas » qu’on Le rejoint. On voit ici une proximité entre la pensée de l’Aréopagite et celle des religions asiatiques : il peut être aujourd’hui un médiateur comme le il fut entre l’esprit grec et l’Evangile. On voit ainsi que le dialogue n’accepte pas la superficialité. C’est justement quand quelqu’un entre dans la profondeur de la rencontre avec le Christ que s’ouvre également le vaste espace pour le dialogue. Quand quelqu’un rencontre la lumière de la vérité, on s’aperçoit qu’il est une lumière pour tous ; les polémiques disparaissent et il devient possible de se comprendre l’un l’autre ou au moins de parler l’un avec l’autre, de se rapprocher. Le chemin du dialogue est justement la proximité dans le Christ à Dieu dans la profondeur de la rencontre avec Lui, dans l’expérience de la vérité qui nous ouvre à la lumière et nous aide à aller à la rencontre des autres : la lumière de la vérité, la lumière de l’amour. Et il nous dit en fin de compte : prenez la voie de l’expérience, de l’expérience humble de la foi, chaque jour. Le cœur devient alors grand et peut voir et illuminer également la raison pour qu’elle voit la beauté de Dieu. Prions le Seigneur pour qu’il nous aide aujourd’hui aussi à mettre au service de l’Evangile la sagesse de notre époque, en découvrant de nouveau la beauté de la foi, la rencontre avec Dieu dans le Christ.

Puis le pape a proposé une synthèse de sa catéchèse, en français :

Chers Frères et Sœurs,

Nous connaissons essentiellement le Pseudo-Denys l’Aréopagite par ses écrits, Les noms divins et La théologie mystique. Il semble que ce soit un auteur du début du sixième siècle, qui écrit de Syrie, d’où ses œuvres se sont diffusées d’abord en Grèce, pour acquérir une grande importance à la fin du Moyen-âge. Le Pseudo-Denys est conscient que la voie rationnelle ne suffit pas pour connaître Dieu. Le vrai théologien cherche d’abord à recueillir les noms que la Bible attribue à Dieu. La connaissance symbolique ouvre la voie à la rencontre et au dialogue avec Dieu. La spéculation laisse alors la place à la contemplation et la connaissance à l’expérience. Le théologien cherche à se purifier, pour devenir capable d’une illumination qui le pousse à s’engager sur le chemin de la perfection, dont le point d’arrivée est la divinisation.La th

éologie apophatique du Pseudo-Denys consiste en une disposition intérieure qui refuse d’enfermer Dieu dans une théologie abstraite voulant adapter Dieu à la pensée humaine. Elle est une attitude existentielle, qui engage tout l’être et qui suppose un renouvellement intérieur. Cette démarche mystique a eu une influence certaine sur la théologie médiévale. L’actualité de l’enseignement du Pseudo-Denys réside avant tout dans son souci d’insérer la vraie foi dans le monde, dans le dialogue avec les cultures, pour en assumer les vraies valeurs, sans compromettre l’identité chrétienne.

Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins francophones, en particulier les jeunes des collèges du Vésinet et de Sallanches, du Lycée de Chateauneuf de Galaure et de l’École d’évangélisation de Paray-le-Monial. Que le don de l’Esprit Saint fasse de vous les messagers, pleins de joie, de la Bonne Nouvelle du salut. Avec ma Bénédiction apostolique.

APPEL DU PAPE POUR LA CHINE

Ma pensée se tourne en ce moment vers les populations du Sichuan et des provinces limitrophes de Chine, durement frappées par le tremblement de terre, qui a causé de graves pertes en vies humaines, de très nombreux disparus et des dommages incalculables. Je vous invite à vous unir à moi dans une prière fervente pour tous ceux qui ont perdu la vie. Je suis spirituellement proche des personnes éprouvées par une catastrophe aussi dévastatrice. Pour elles, implorons de Dieu le soulagement dans leurs souffrances. Daigne le Seigneur accorder le soutien à tous ceux qui sont engagés pour faire face aux exigences immédiates de secours.
Traduction réalisée par Zenit

Audience : Cassiodore, le dialogue entre la Bible, la science et la culture

13 mars, 2008

12-03-2008, du site: 

http://www.zenit.org/article-17509?l=french

 

 Audience : Cassiodore, le dialogue entre la Bible, la science et la culture 

Catéchèse de Benoît XVI (2)

 

 ROME, Mercredi 12 mars 2008 (ZENIT.org) – Cassiodore était « conscient de la nécessité de ne pas perdre l’héritage humaniste de l’Antiquité », et il « était convaincu que la science et la culture profane sont utiles à la compréhension des Écritures, que les moines et les fidèles sont invités à méditer jour et nuit »

C’est en ces termes que Benoît XVI a présenté, lors de sa catéchèse hebdomadaire, ce second auteur latin du haut Moyen Age, Marc Aurèle Cassiodore (485-580), qui était né en 485 en Calabre, « alors que l’empire romain d’Occident venait de tomber »

Un engagement politique et culturel 

« Il se consacra à la politique et à l’engagement culturel comme peu d’autres personnes dans l’Occident romain de son époque », a souligné le pape. 

Le pape voit en lui un modèle de dialogue culturel : « Il fut lui aussi un modèle de rencontre culturelle, de dialogue, de réconciliation. Les événements historiques ne lui permirent pas de réaliser ses rêves politiques et culturels, qui visaient à créer une synthèse entre la tradition romaine et chrétienne de l’Italie et la nouvelle culture des Goths »

C’est donc aux moines qu’il confia « la tâche de retrouver, conserver et transmettre à la postérité l’immense patrimoine culturel de l’Antiquité, pour qu’il ne soit pas perdu » : il fonda Vivarium, « un monastère dans lequel tout était organisé de manière à ce que le travail intellectuel des moines soit estimé comme très précieux et indispensable »

« Les moines qui n’avaient pas de formation intellectuelle ne devaient pas s’occuper seulement du travail matériel, de l’agriculture, mais également de transcrire des manuscrits et aider ainsi à transmettre la grande culture aux générations futures », avait-il recommandé

L’importance des Ecritures 

Parmi les ouvrages de Cassiodore, le pape a cité son « De l’âme » et ses « Institutions des lettres divines ». Cassiodore y recommande notamment « la prière, nourrie par les saintes Ecritures et particulièrement par la lecture assidue des Psaumes », d’où son « Exposé sur les Psaumes »

« La recherche de Dieu, visant à sa contemplation – note Cassiodore -, reste l’objectif permanent de la vie monastique. Il ajoute cependant que, avec l’aide de la grâce divine, on peut parvenir à une meilleure compréhension de la Parole révélée grâce à l’utilisation des conquêtes scientifiques et des instruments culturels profanes’, déjà possédés par les Grecs et les Romains »

De saint Augustin, auteur favori de Benoît XVI, il disait : « Chez Augustin il y a tellement de richesse qu’il me semble impossible de trouver quelque chose qu’il n’ait pas déjà abondamment traité »

Il s’appuyait sur saint Jérôme, qui disait pour exhorter les moines de Vivarium : « Nous vivons, en effet, nous aussi à une époque de rencontre des cultures, du danger de la violence qui détruit les cultures, et de l’engagement nécessaire de transmettre les grandes valeurs et d’enseigner aux nouvelles générations la voie de la réconciliation et de la paix. Nous trouvons cette voie en nous orientant vers le Dieu au visage humain, le Dieu qui s’est révélé à nous dans le Christ »

Anita S. Bourdin

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