Archive pour la catégorie 'CATÉCHÈSE DU MERCREDI'

jean PAUL II, Audience 24 octobre 2001: « Seigneur, prends pitié de moi » (Ps 50, 3-5.11-12.19)

19 février, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2001/documents/hf_jp-ii_aud_20011024_fr.html

JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 24 octobre 2001    

« Seigneur, prends pitié de moi »

Lecture:  Ps 50, 3-5.11-12.19

1. Nous avons écouté le Miserere, l’une des prières les plus célèbres du Psautier, le Psaume pénitentiel le plus intense et le plus répété, le chant du pécheur et du pardon, la méditation la plus profonde sur la faute et sur la grâce. La Liturgie des Heures nous le fait répéter lors des Laudes de chaque vendredi. Depuis de nombreux siècles, il s’élève vers le ciel du coeur de nombreux fidèles juifs et chrétiens, comme un soupir de repentir et d’espérance adressé à Dieu miséricordieux.

La tradition hébraïque a placé le Psaume sur les lèvres de David, invité à la pénitence par les paroles sévères du prophète Nathan (cf. vv. 1-2; 2 S 11-12), qui lui reprochait l’adultère accompli avec Bethsabée et d’avoir tué son mari, Urie. Toutefois, le Psaume s’enrichit au cours des siècles suivants par la prière de nombreux autres pécheurs, qui reprennent les thèmes du « coeur nouveau » et de l’ »Esprit » de Dieu communiqué à l’homme racheté, selon l’enseignement des prophètes Jérémie et Ezéchiel (cf. v. 12; Jr 31, 31-34; Ez 11, 19; 36, 24-28).

2. Les scènes que le Psaume 50 décrit sont au nombre de deux. Il y a tout d’abord la région ténébreuse du péché (cf. vv. 3-11), dans laquelle l’homme se trouve depuis le début de son existence:  « Vois, mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu » (v. 7). Même si cette déclaration ne peut pas être prise comme une formulation explicite de la doctrine du péché originel, telle qu’elle a été définie par la théologie chrétienne, il ne fait aucun doute qu’elle y correspond:  elle exprime en effet la dimension profonde de la faiblesse morale innée de l’homme. Le Psaume apparaît dans cette première partie comme une analyse du péché, effectuée devant Dieu. Trois termes hébreux sont utilisés pour définir cette triste réalité, qui provient de la liberté humaine mal utilisée.

3. Le premier terme, hattá, signifie littéralement « manquer la cible »:  le péché est une aberration qui nous mène loin de Dieu, objectif fondamental de nos relations, et par conséquent également loin de notre prochain.

Le deuxième terme hébreu est ‘awôn, qui renvoit à l’image de « tordre », de « courber ». Le péché est donc une déviation tortueuse de la voie droite; il est l’inversion, la distorsion, la déformation du bien et du mal, dans le sens déclaré par Isaïe:  « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et bien le mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres » (Is 5, 20). C’est précisément pour cette raison que, dans la Bible, la conversion est indiquée comme un « retour » (en hébreu shûb) sur la voie droite, après avoir effectué une correction de la route.

Le troisième mot avec lequel le Psalmiste parle du péché est peshá. Il exprime la rébellion d’un sujet à l’égard de son souverain, et donc un défi ouvert lancé à Dieu et à son projet pour l’histoire humaine.

4. Cependant, si l’homme confesse son péché, la justice salvifique de Dieu est prête à le purifier radicalement. C’est ainsi que l’on passe dans la seconde région spirituelle du Psaume, la région lumineuse de la grâce (cf. vv. 12-19). En effet, à travers la confession des fautes s’ouvre pour l’orant un horizon de lumière, dans lequel Dieu est à l’oeuvre. Le Seigneur n’agit pas seulement négativement, en éliminant le péché, mais il recrée l’humanité pécheresse à travers son Esprit vivifiant:  il donne à l’homme un « coeur » nouveau et pur, c’est-à-dire une conscience renouvelée, et il lui ouvre la possibilité d’une foi limpide et d’un culte agréable à Dieu.

Origène parle à ce propos d’une thérapie divine, que le Seigneur accomplit à travers sa parole et à travers l’oeuvre de guérison du Christ:  « De la même façon que, pour le corps, Dieu prédispose les remèdes des herbes thérapeutiques savamment mélangées, il prépare également des médicaments pour l’âme, grâce aux paroles qu’il communique, en les transmettant dans les divines Ecritures… Dieu se livra également à une autre activité médicale, dont l’archiâtre est le Sauveur, qui dit de lui-même:  « Ce ne sont pas les personnes saines qui ont besoin de médecins, mais les malades ». Il était le médecin par excellence capable de soigner toute faiblesse, toute infirmité » (Homélie sur les Psaumes, Florence 1991, p. 247-249).

5. La richesse du Psaume 50 mériterait une exégèse soigneuse de chacune de ses parties. C’est ce que nous ferons, lorsqu’il recommencera à retentir dans les divers vendredi des Laudes. Le regard d’ensemble, que nous avons à présent donné à cette grande supplication biblique, nous révèle déjà plusieurs composantes fondamentales d’une spiritualité qui devrait se refléter dans l’existence quotidienne des fidèles. Il y a tout d’abord un sens très vif du péché, perçu comme un choix libre, possédant une connotation négative au niveau moral et théologal:  « Contre toi, toi seul, j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait » (v. 6).

Le Psaume contient ensuite un sens tout aussi vif de la possibilité de la conversion:  le pécheur, sincèrement repenti, (cf. v. 5), se présente dans toute sa misère et sa nudité à Dieu, en le suppliant de ne pas le repousser loin de sa présence (cf. v. 13).

Il y a enfin, dans le Miserere, la conviction bien enracinée du pardon divin qui « efface, lave et purifie » le pécheur (cf. vv. 3-4) et qui parvient même à le transformer en une nouvelle créature, qui possède un esprit, une langue, des lèvres, un coeur transfigurés (cf. vv. 14-19). « Même si nos péchés – affirmait sainte Faustyna Kowalska – étaient noirs comme la nuit, la miséricorde divine est plus forte que notre misère. Il n’y a besoin que d’une chose:  que le pécheur entrouvre un peu la porte de son propre coeur [...] le reste c’est Dieu qui l’accomplira [...] Chaque chose commence dans ta miséricorde et finit dans ta miséricorde » (M. Winowska, L’icône de l’Amour miséricordieux. Le message de soeur Faustyna, Rome 1981, p. 271).

Audience générale du 27 janvier 2010 : Saint François d’Assise

29 janvier, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-23341?l=french

Audience générale du 27 janvier 2010 : Saint François d’Assise

Texte intégral

ROME, Mercredi 27 janvier 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, la salle Paul VI, au Vatican.

        Chers frères et sœurs,

dans une récente catéchèse, j’ai déjà illustré le rôle providentiel que l’Ordre des frères mineurs et l’Ordre des frères prêcheurs, fondés respectivement par saint François d’Assise et par saint Dominique Guzman, eurent dans le renouveau de l’Eglise de leur temps. Je voudrais aujourd’hui vous présenter la figure de François, un authentique « géant » de sainteté, qui continue à fasciner de très nombreuses personnes de tous âges et de toutes religions.

           « Surgit au monde un soleil ». Avec ces paroles, dans la Divine Comédie (Paradis, chant xi), le suprême poète italien Dante Alighieri évoque la naissance de François, survenue à la fin de 1181 ou au début de 1182, à Assise. Appartenant à une riche famille, – son père était marchand drapier -, François passa son adolescence et sa jeunesse dans l’insouciance, cultivant les idéaux chevaleresques de l’époque. A l’âge de vingt ans, il participa à une campagne militaire, et fut fait prisonnier. Il tomba malade et fut libéré. De retour à Assise, commença en lui un lent processus de conversion spirituelle, qui le conduisit à abandonner progressivement le style de vie mondain qu’il avait mené jusqu’alors. C’est à cette époque que remontent les célèbres épisodes de la rencontre avec le lépreux, auquel François, descendu de cheval, donna le baiser de la paix, et du message du Crucifié dans la petite église de saint Damien. Par trois fois, le Christ en croix s’anima, et lui dit : « Va, François, et répare mon église en ruine ». Ce simple événement de la parole du Seigneur entendue dans l’église de Saint-Damien renferme un symbolisme profond. Immédiatement, saint François est appelé à réparer cette petite église, mais l’état de délabrement de cet édifice est le symbole de la situation dramatique et préoccupante de l’Eglise elle-même à cette époque, avec une foi superficielle qui ne forme ni ne transforme la vie, avec un clergé peu zélé, avec un refroidissement de l’amour ; une destruction intérieure de l’Eglise qui comporte également une décomposition de l’unité, avec la naissance de mouvements hérétiques. Toutefois, au centre de cette église en ruines se trouve le crucifié, et il parle : il appelle au renouveau, appelle François à un travail manuel pour réparer de façon concrète la petite église de Saint-Damien, symbole de l’appel plus profond à renouveler l’Eglise même du Christ, avec la radicalité de sa foi et l’enthousiasme de son amour pour le Christ. Cet événement qui a probablement eu lieu en 1205, fait penser à un autre événement semblable qui a eu lieu en 1207 : le rêve du Pape Innocent III. Celui-ci voit en rêve que la Basilique Saint-Jean-de-Latran, l’église mère de toutes les églises, s’écroule et un religieux petit et insignifiant soutient de ses épaules l’église afin qu’elle ne tombe pas. Il est intéressant de noter, d’une part, que ce n’est pas le Pape qui apporte son aide afin que l’église ne s’écroule pas, mais un religieux petit et insignifiant, dans lequel le Pape reconnaît François qui lui rend visite. Innocent III était un Pape puissant, d’une grande culture théologique, et d’un grand pouvoir politique, toutefois, ce n’est pas lui qui renouvelle l’église, mais le religieux petit et insignifiant : c’est saint François, appelé par Dieu. Mais d’autre part, il est intéressant de noter que saint François ne renouvelle pas l’Eglise sans ou contre le Pape, mais seulement en communion avec lui. Les deux réalités vont de pair : le Successeur de Pierre, les évêques, l’Eglise fondée sur la succession des apôtres et le charisme nouveau que l’Esprit Saint crée en ce moment pour renouveler l’Eglise. C’est ensemble que se développe le véritable renouveau.

           Retournons à la vie de saint François. Alors que son père Bernardone lui reprochait sa générosité exagérée envers les pauvres, François, devant l’évêque d’Assise, à travers un geste symbolique, se dépouille de ses vêtements, montrant ainsi son intention de renoncer à l’héritage paternel :  comme au moment de la création, François n’a rien, mais uniquement la vie que lui a donnée Dieu, entre les mains duquel il se remet. Puis il vécut comme un ermite, jusqu’à ce que, en 1208, eut lieu un autre événement fondamental dans l’itinéraire de sa conversion. En écoutant un passage de l’Evangile de Matthieu – le discours de Jésus aux apôtres envoyés en mission -, François se sentit appelé à vivre dans la pauvreté et à se consacrer à la prédication. D’autres compagnons s’associèrent à lui ; et en 1209, il se rendit à Rome, pour soumettre au Pape Innocent III le projet d’une nouvelle forme de vie chrétienne. Il reçut un accueil paternel de la part de ce grand Souverain Pontife, qui, illuminé par le Seigneur, perçut l’origine divine du mouvement suscité par François. Le Poverello d’Assise avait compris que tout charisme donné par l’Esprit Saint doit être placé au service du Corps du Christ, qui est l’Eglise ; c’est pourquoi, il agit toujours en pleine communion avec l’autorité ecclésiastique. Dans la vie des saints, il n’y a pas d’opposition entre charisme prophétique et charisme de gouvernement, et si des tensions apparaissent, ils savent attendre avec patience les temps de l’Esprit Saint.

           En réalité, certains historiens du XIXe siècle et même du siècle dernier ont essayé de créer derrière le François de la tradition, un soi-disant François historique, de même que l’on essaie de créer derrière le Jésus des Evangiles, un soi-disant Jésus historique. Ce François historique n’aurait pas été un homme d’Eglise, mais un homme lié immédiatement et uniquement au Christ, un homme qui voulait créer un renouveau du peuple de Dieu, sans formes canoniques et sans hiérarchie. La vérité est que saint François a réellement eu une relation très directe avec Jésus et avec la parole de Dieu, qu’il voulait suivre sine glossa, telle quelle, dans toute sa radicalité et sa vérité. Et il est aussi vrai qu’initialement il n’avait pas l’intention de créer un Ordre avec les formes canoniques nécessaires, mais simplement, avec la parole de Dieu et la présence du Seigneur, il voulait renouveler le peuple de Dieu, le convoquer de nouveau à l’écoute de la parole et de l’obéissance verbale avec le Christ. En outre, il savait que le Christ n’est jamais « mien », mais qu’il est toujours « nôtre », que le Christ je ne peux pas l’avoir « moi » et reconstruire « moi » contre l’Eglise, sa volonté et son enseignement, mais uniquement dans la communion de l’Eglise construite sur la succession des Apôtres qui se renouvelle également dans l’obéissance à la parole de Dieu.

           Et il est également vrai qu’il n’avait pas l’intention de créer un nouvel ordre, mais uniquement de renouveler le peuple de Dieu pour le Seigneur qui vient. Mais il comprit avec souffrance et avec douleur que tout doit avoir son ordre, que le droit de l’Eglise lui aussi est nécessaire pour donner forme au renouveau et ainsi il s’inscrivit réellement de manière totale, avec le cœur, dans la communion de l’Eglise, avec le Pape et avec les évêques. Il savait toujours que le centre de l’Eglise est l’Eucharistie, où le Corps du Christ et son Sang deviennent présents. A travers le Sacerdoce, l’Eucharistie est l’Eglise. Là où le Sacerdoce, le Christ et la communion de l’Eglise vont de pair, là seul habite aussi la parole de Dieu. Le vrai François historique est le François de l’Eglise et précisément de cette manière, il parle aussi aux non-croyants, aux croyants d’autres confessions et religions.

           François et ses frères, toujours plus nombreux, s’établirent à la Portioncule, ou église Sainte-Marie des Anges, lieu sacré par excellence de la spiritualité franciscaine. Claire aussi, une jeune femme d’Assise, de famille noble, se mit à l’école de François. Ainsi vit le jour le deuxième ordre franciscain, celui des Clarisses, une autre expérience destinée à produire d’insignes fruits de sainteté dans l’Eglise.

           Le successeur d’Innocent III lui aussi, le Pape Honorius III, avec sa bulle Cum dilecti de 1218 soutint le développement singulier des premiers Frères mineurs, qui partaient ouvrir leurs missions dans différents pays d’Europe, et jusqu’au Maroc. En 1219 François obtint le permis d’aller s’entretenir, en Egypte, avec le sultan musulman, Melek-el-Kâmel, pour prêcher là aussi l’Evangile de Jésus. Je souhaite souligner cet épisode de la vie de saint François, qui a une grande actualité. A une époque où était en cours un conflit entre le christianisme et l’islam, François, qui n’était volontairement armé que de sa foi et de sa douceur personnelle, parcourut concrètement la voie du dialogue. Les chroniques nous parlent d’un accueil bienveillant et cordial reçu du sultan musulman. C’est un modèle auquel, encore aujourd’hui, les relations entre chrétiens et musulmans devraient s’inspirer : promouvoir un dialogue dans la vérité, dans le respect réciproque et dans la compréhension mutuelle (cf. Nostra aetate, n. 3). Il semble ensuite que François ait visité la Terre Sainte, jetant ainsi une semence qui porterait beaucoup de fruits : ses fils spirituels en effet firent des Lieux où vécut Jésus un contexte privilégié de leur mission. Je pense aujourd’hui avec gratitude aux grands mérites de la Custodie franciscaine de Terre Sainte.

           De retour en Italie, François remit le gouvernement de l’ordre à son vicaire, le frère Pietro Cattani, tandis que le Pape confia à la protection du cardinal Ugolino, le futur Souverain Pontife Grégoire IX, l’Ordre, qui recueillait de plus en plus d’adhésions. Pour sa part, son Fondateur, se consacrant tout entier à la prédication qu’il menait avec un grand succès, rédigea la Règle, ensuite approuvée par le Pape.

           En 1224, dans l’ermitage de la Verna, François voit le Crucifié sous la forme d’un séraphin et de cette rencontre avec le séraphin crucifié il reçut les stigmates ; il fait ainsi un avec le Christ crucifié : un don qui exprime donc son intime identification avec le Seigneur.

           La mort de François – son transitus – advint le soir du 3 octobre 1226, à la Portioncule. Après avoir béni ses fils spirituels, il mourut, étendu sur la terre nue. Deux années plus tard, le Pape Grégoire IX l’inscrivit dans l’album des saints. Peu de temps après, une grande basilique fut élevée en son honneur à Assise, destination encore aujourd’hui de nombreux pèlerins, qui peuvent vénérer la tombe du saint et jouir de la vision des fresques de Giotto, peintre qui a illustré de manière magnifique la vie de François.

           Il a été dit que François représente un alter Christus, qu’il était vraiment une icône vivante du Christ. Il fut également appelé « le frère de Jésus ». En effet, tel était son idéal : être comme Jésus ; contempler le Christ de l’Evangile, l’aimer intensément, en imiter les vertus. Il a en particulier voulu accorder une valeur fondamentale à la pauvreté intérieure et extérieure, en l’enseignant également à ses fils spirituels. La première béatitude du Discours de la Montagne – Bienheureux les pauvres d’esprit car le royaume des cieux leur appartient (Mt 5, 3) – a trouvé une réalisation lumineuse dans la vie et dans les paroles de saint François. Chers amis, les saints sont vraiment les meilleurs interprètes de la Bible ; ils incarnent dans leur vie la Parole de Dieu, ils la rendent plus que jamais attirante, si bien qu’elle nous parle concrètement. Le témoignage de François, qui a aimé la pauvreté pour suivre le Christ avec une dévouement et une liberté totale, continue à être également pour nous une invitation à cultiver la pauvreté intérieure afin de croître dans la confiance en Dieu, en unissant également un style de vie sobre et un détachement des biens matériels.

           Chez François, l’amour pour le Christ s’exprima de manière particulière dans l’adoration du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie. Dans les Sources franciscaines, on lit des expressions émouvantes, comme celle-ci : « Toute l’humanité a peur, l’univers tout entier a peur et le ciel exulte, lorsque sur l’autel, dans la main du prêtre, il y a le Christ, le Fils du Dieu vivant. O faveur merveilleuse ! O fait humblement sublime, que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie ainsi au point de se cacher pour notre salut, sous une modeste forme de pain » (François d’Assise, Ecrits, Editrice Francescane, Padoue 2002, 401).

           En cette année sacerdotale, j’ai également plaisir à rappeler une recommandation adressée par François aux prêtres : « Lorsqu’ils voudront célébrer la Messe, purs de manière pure, qu’ils présentent avec dignité le véritable sacrifice du Très Saint Corps et Sang de notre Seigneur Jésus Christ » (François d’Assise, Ecrits, 399). François faisait toujours preuve d’un grand respect envers les prêtres et il recommandait de toujours les respecter, même dans le cas où ils en étaient personnellement peu dignes. Il donnait comme motivation de ce profond respect le fait qu’ils avaient reçu le don de consacrer l’Eucharistie. Chers frères dans le sacerdoce, n’oublions jamais cet enseignement : la sainteté de l’Eucharistie nous demande d’être purs, de vivre de manière cohérente avec le Mystère que nous célébrons.

            De l’amour pour le Christ naît l’amour envers les personnes et également envers toutes les créatures de Dieu. Voilà un autre trait caractéristique de la spiritualité de François : le sens de la fraternité universelle et l’amour pour la création, qui lui inspira le célèbre Cantique des créatures. C’est un message très actuel. Comme je l’ai rappelé dans ma récente encyclique Caritas in veritate, seul un développement qui respecte la création et qui n’endommage pas l’environnement (cf. nn. 48-52) pourra être durable, et dans le Message pour la Journée mondiale de la paix de cette année j’ai souligné que l’édification d’une paix solide est également liée au respect de la création. François nous rappelle que dans la création se déploie la sagesse et la bienveillance du Créateur. Il comprend la nature précisément comme un langage dans lequel Dieu parle avec nous, dans lequel la réalité devient transparente et où nous pouvons parler de Dieu et avec Dieu.

            Chers amis, François a été un grand saint et un homme joyeux. Sa simplicité, son humilité, sa foi, son amour pour le Christ, sa bonté envers chaque homme et chaque femme l’ont rendu heureux en toute situation. En effet, entre la sainteté et la joie subsiste un rapport intime et indissoluble. Un écrivain français a dit qu’il n’existe qu’une tristesse au monde : celle de ne pas être saints, c’est-à-dire de ne pas être proches de Dieu. En considérant le témoignage de saint François, nous comprenons que tel est le secret du vrai bonheur : devenir saints, proches de Dieu !

         Que la Vierge, tendrement aimée de François, nous obtienne ce don. Nous nous confions à Elle avec les paroles mêmes du Poverello d’Assise : « Sainte Vierge Marie, il n’existe aucune femme semblable à toi née dans le monde, fille et servante du très haut Roi et Père céleste, Mère de notre très Saint Seigneur Jésus Christ, épouse de l’Esprit Saint : prie pour nous… auprès de ton bien-aimé Fils, Seigneur et Maître » (François d’Assise, Ecrits, 163).

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

François d’Assise est un authentique géant de sainteté qui attire encore aujourd’hui une multitude de personnes de tous âges et de toutes croyances. Dans un choix radical de vie, après avoir entendu par trois fois le Crucifié lui dire « Va, François, et répare mon église en ruine », il se consacre à Dieu dans la pauvreté et l’annonce de l’Évangile. Son intuition et son idéal étaient d’être comme Jésus, de le contempler, de l’aimer intensément en l’imitant et en l’adorant. François avait un respect immense pour les prêtres qui ont reçu le don de consacrer l’Eucharistie et il avait pour eux une grande exigence de pureté. Puisse son message et son exigence, en cette année sacerdotale, aider de nombreux prêtres à vivre leur vocation. En rencontrant un Sultan, il ouvre, dès 1219, la voie d’un dialogue efficace entre chrétiens et musulmans. Chantre de la création, car il vivait en harmonie avec la nature, le message de fraternité universelle et d’amour pour la création de son célèbre Cantique est très actuel.

A la suite de ses nombreux fils spirituels, cultivons nous aussi la pauvreté intérieure pour grandir dans la confiance en Dieu et trouver un style de vie sobre et détaché des biens matériels. Le Poverello était joyeux en toute situation : il y a, en effet, un lien étroit entre la sainteté et la joie. Le secret du vrai bonheur est là : devenir un saint.

***

Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones présents, en particulier Mgr Perrier, Evêque de Tarbes et Lourdes qui accompagne un groupe de l’Hospitalité Notre-Dame de Lourdes. Prions Dieu afin qu’il donne à son Église des saints, qui soient eux-aussi des ‘autres Christ’. Bon pèlerinage à tous !

Traduction : Zenit

Audience du 13 janvier : Les Ordres mendiants (Franciscains et Dominicains)

14 janvier, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-23196?l=french

Audience du 13 janvier : Les Ordres mendiants (Franciscains et Dominicains)

Texte intégral

ROME, Mercredi 13 janvier 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, salle Paul VI, au Vatican.

Chers frères et sœurs,
Au début de la nouvelle année, nous nous penchons sur l’histoire du christianisme, pour voir comment se développe une histoire et comment elle peut être renouvelée. Dans celle-ci, nous pouvons voir que ce sont les saints, guidés par la lumière de Dieu, qui sont les authentiques réformateurs de la vie de l’Eglise et de la société. Maîtres à travers la parole et témoins à travers l’exemple, ils savent promouvoir un renouveau ecclésial stable et profond, car ils ont été eux-mêmes profondément renouvelés, ils sont en contact avec la véritable nouveauté : la présence de Dieu dans le monde. Cette réalité réconfortante, selon laquelle dans chaque génération naissent des saints qui apportent la créativité du renouveau, accompagne constamment l’histoire de l’Eglise parmi les tristesses et les aspects négatifs de son chemin. Nous voyons en effet, siècle après siècle, naître également les forces de la réforme et du renouveau, car la nouveauté de Dieu est inexorable et donne toujours une force nouvelle pour aller de l’avant. C’est ce qui a eu lieu également au XIIIe siècle, avec la naissance et le développement extraordinaire des Ordres mendiants : un modèle de grand renouveau à une nouvelle époque historique. Ceux-ci furent appelés ainsi en raison de leur caractéristique de « mendier », c’est-à-dire d’avoir recours humblement au soutien économique des personnes pour vivre le vœu de pauvreté et accomplir leur mission évangélisatrice. Parmi les Ordres mendiants qui apparurent à cette époque, les plus connus et les plus importants sont les Frères mineurs et les Frères prêcheurs, connus comme franciscains et dominicains. Ils sont appelés ainsi en raison du nom de leurs fondateurs, respectivement François d’Assise et Dominique de Guzman. Ces deux grands saints eurent la capacité d’interpréter avec intelligence « les signes des temps », percevant les défis que devait affronter l’Eglise de leur temps.

Un premier défi était représenté par l’expansion de divers groupes et mouvements de fidèles qui, bien qu’inspirés par un désir légitime d’authentique vie chrétienne, se plaçaient souvent en dehors de la communion ecclésiale. Ils étaient en profonde opposition avec l’Eglise riche et belle qui s’était développée précisément avec la diffusion du monachisme. Dans les récentes catéchèses, je me suis arrêté sur la communauté monastique de Cluny, qui avait toujours plus attiré les jeunes et donc les forces vitales, ainsi que les biens et les richesses. De façon logique, s’était ainsi développée, dans un premier temps, une Eglise riche de propriété et également de biens immobiliers. Contre cette Eglise s’opposait l’idée que le Christ vint sur terre pauvre et que la véritable Eglise aurait dû être précisément l’Eglise des pauvres ; le désir d’une véritable authenticité chrétienne s’opposa ainsi à la réalité de l’Eglise empirique. Il s’agit de ce que l’on a appelé les mouvements paupéristes du Moyen Age. Ils contestaient durement la façon de vivre des prêtres et des moines de l’époque, accusés d’avoir trahi l’Evangile et de ne pas pratiquer la pauvreté comme les premiers chrétiens, et ces mouvements opposèrent au ministère des évêques une véritable « hiérarchie parallèle ». En outre, pour justifier leurs choix, ils diffusèrent des doctrines incompatibles avec la foi catholique. Par exemple, le mouvement des cathares ou des albigeois reproposa d’antiques hérésies, comme la dévalorisation et le mépris du monde matériel – l’opposition à la richesse devint rapidement une opposition à la réalité matérielle en tant que telle – la négation de la libre volonté, puis le dualisme, l’existence d’un second principe, du mal comparé à Dieu. Ces mouvements eurent du succès, spécialement en France et en Italie, non seulement en vertu de leur solide organisation, mais également parce qu’ils dénonçaient un désordre réel dans l’Eglise, provoqué par le comportement peu exemplaire de divers représentants du clergé.

Les Franciscains et les Dominicains, dans le sillage de leurs fondateurs, montrèrent en revanche qu’il était possible de vivre la pauvreté évangélique, la vérité de l’Evangile comme telle, sans se séparer de l’Eglise ; ils montrèrent que l’Eglise reste le vrai, l’authentique lieu de l’Evangile et de l’Ecriture. Plus encore, Dominique et François tirèrent justement de l’intime communion avec l’Eglise et avec la Papauté la force de leur témoignage. Avec un choix tout à fait original dans l’histoire de la vie consacrée, les membres de ces ordres non seulement renonçaient à la possession de biens personnels, comme le faisaient les moines depuis l’Antiquité, mais ils ne voulaient pas que fussent mis au nom de la communauté des terrains et des biens immobiliers. Ils entendaient ainsi témoigner d’une vie extrêmement sobre, pour être solidaires avec les pauvres et ne s’en remettre qu’à la Providence, vivre chaque jour de la Providence, de la confiance de se mettre entre les mains de Dieu. Ce style personnel et communautaire des ordres mendiants, uni à la totale adhésion à l’enseignement de l’Eglise et à son autorité, fut hautement apprécié par les Papes de l’époque, comme Innocent III et Honorius III, qui offrirent tout leur soutien à ces nouvelles expériences ecclésiales, en reconnaissant en elles la voix de l’Esprit. Et les fruits ne manquèrent pas : les groupes paupéristes qui s’étaient séparés de l’Eglise rentrèrent dans la communion ecclésiale ou, lentement, ils trouvèrent une nouvelle dimension, avant de disparaître. Encore aujourd’hui, tout en vivant dans une société où prévaut souvent l’« avoir » sur l’« être », on est très sensible aux exemples de pauvreté et de solidarité, que les croyants offrent avec des choix courageux. Encore aujourd’hui, de semblables initiatives ne manquent pas : les mouvements, qui partent réellement de la nouveauté de l’Evangile et le vivent dans notre temps dans sa radicalité, en se mettant entre les mains de Dieu, pour servir leur prochain. Le monde, comme le rappelait Paul VI dans Evangelii nuntiandi, écoute volontiers les maîtres, quand ils sont aussi des témoins. Il s’agit d’une leçon à ne jamais oublier dans l’œuvre de diffusion de l’Evangile : être les premiers à vivre ce qui s’annonce, être le miroir de la charité divine.

Franciscains et Dominicains furent des témoins, mais aussi des maîtres. En effet, une autre exigence répandue à leur époque était celle de l’instruction religieuse. Un grand nombre de fidèles laïcs, qui habitaient dans les villes en voie de grande expansion, désiraient pratiquer une vie chrétienne spirituellement intense. Ils essayaient donc d’approfondir la connaissance de la foi et d’être guidés sur le chemin difficile mais enthousiasmant de la sainteté. Les ordres mendiants surent aussi avec bonheur aller à la rencontre de cette nécessité : l’annonce de l’Evangile dans la simplicité et dans sa profondeur et sa grandeur était un but, peut-être le but principal de ce mouvement. Avec beaucoup de zèle, en effet, ils se consacrèrent à la prédication. Les fidèles étaient très nombreux, souvent de véritables foules, à se réunir pour écouter les prédicateurs dans les églises et dans les lieux à ciel ouvert, pensons à saint Antoine par exemple. Des sujets proches des gens étaient traités, surtout la pratique des vertus théologales et morales, avec des exemples concrets, facilement compréhensibles. En outre, on enseignait des formes pour nourrir la vie de prière et la piété. Par exemple, les Franciscains diffusèrent largement la dévotion relative à l’humanité du Christ, avec l’engagement d’imiter le Seigneur. On n’est pas surpris que de nombreux fidèles, femmes et hommes, choisissaient de se faire accompagner sur le chemin chrétien par des frères franciscains et dominicains, directeurs spirituels et confesseurs recherchés et appréciés. Ainsi naquirent des associations de fidèles laïcs qui s’inspiraient de la spiritualité de saint François et de saint Dominique, adaptée à leur état de vie. Il s’agit du Tiers Ordre, tant franciscain que dominicain,. En d’autres termes, la proposition d’une « sainteté laïque » conquit un grand nombre de personnes. Comme l’a rappelé le Concile œcuménique Vatican II, la vocation à la sainteté n’est pas réservée à quelques-uns, mais elle est universelle (cf. Lumen gentium, n. 40). Dans tous ces états de vie, on trouve la possibilité de vivre l’Evangile, selon les exigences de chacun d’eux. Encore aujourd’hui, tout chrétien doit tendre à la « haute mesure de la vie chrétienne », quel que soit l’état de vie auquel il appartient  !

L’importance des Ordres mendiants s’accrût tellement au Moyen-âge que les Institutions laïques, telles que les organisations du travail, les anciennes corporations et les autorités civiles elles-mêmes, avaient souvent recours à la consultation spirituelle des membres de ces Ordres pour la rédaction de leurs règlements et, parfois, pour la résolution des différends internes et externes. Les Franciscains et les Dominicains devinrent les animateurs spirituels de la cité médiévale. Avec une profonde intuition, ils mirent en œuvre une stratégie pastorale adaptée aux transformations de la société. Etant donné que de nombreuses personnes se déplaçaient des campagnes vers les villes, ils placèrent leurs couvents non plus dans des zones rurales mais urbaines. En outre, pour exercer leur activité au bénéfice des âmes, il était nécessaire de se déplacer selon les exigences pastorales. Effectuant un autre choix entièrement innovateur, les Ordres mendiants abandonnèrent le principe de la stabilité, typique du monachisme antique, pour choisir une autre manière d’agir. Les Mineurs et les Prêcheurs voyageaient d’un lieu à l’autre, avec ferveur missionnaire. En conséquence, ils se dotèrent d’une organisation différente par rapport à celle de la grande partie des Ordres monastiques. A la place de la traditionnelle autonomie dont jouissait chaque monastère, ils réservèrent une plus grande importance à l’Ordre en tant que tel et au Supérieur général, ainsi qu’à la structure des provinces. Ainsi, les Mendiants étaient davantage disponibles pour les exigences de l’Eglise universelle. Cette flexibilité rendit possible l’envoi des frères les plus adaptés au déroulement de missions spécifiques et les Ordres mendiants atteignirent l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, le nord de l’Europe. Avec cette flexibilité, le dynamisme missionnaire fut renouvelé.

Un autre grand défi était représenté par les transformations culturelles en cours pendant cette période. De nouvelles questions rendaient vivant le débat dans les universités, qui sont nées à la fin du XIIe siècle. Les Mineurs et les Prêcheurs n’hésitèrent pas à assumer également cet engagement et, en tant qu’étudiants et professeurs, ils entrèrent dans les universités les plus célèbres de l’époque, créèrent des centres d’études, produisirent des textes de grande valeur, donnèrent vie à de véritables écoles de pensée, furent les acteurs de la théologie scolastique au plus fort de sa période, intervenant de manière significative dans le développement de la pensée. Les plus grands penseurs, saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, étaient mendiants, œuvrant précisément avec ce dynamisme de la nouvelle évangélisation, qui a également renouvelé le courage de la pensée, du dialogue entre raison et foi. Aujourd’hui aussi il existe une « charité de la et dans la vérité », une « charité intellectuelle » à exercer, pour éclairer les intelligences et conjuguer la foi avec la culture. L’engagement dont firent preuve les Franciscains et les Dominicains dans les Universités médiévales est une invitation, chers fidèles, à être présent dans les lieux d’élaboration du savoir, pour proposer, avec respect et conviction, la lumière de l’Evangile sur les questions fondamentales qui concernent l’homme, sa dignité, son destin éternel. En pensant au rôle des Franciscains et des Dominicains au Moyen-âge, au renouveau spirituel qu’ils suscitèrent, au souffle de vie nouvelle qu’ils communiquèrent dans le monde, un moine a dit : « A cette époque, le monde vieillissait. Deux Ordres naquirent dans l’Eglise, dont ils renouvelèrent la jeunesse comme celle d’un aigle » (Burchard d’Ursperg, Chronicon).

Chers frères et sœurs, au début de cette année nous invoquons précisément l’Esprit Saint, jeunesse éternelle de l’Eglise : qu’il fasse ressentir à chacun l’urgence d’offrir un témoignage cohérent et courageux de l’Evangile, afin que ne manquent jamais des saints, qui fassent resplendir l’Eglise comme une épouse toujours pure et belle, sans tache et sans ride, capable d’attirer irrésistiblement le monde vers le Christ, vers son salut.

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

L’histoire atteste que les saints sont les vrais réformateurs de l’Eglise et ils ne lui ont jamais fait défaut. Il en fut ainsi au XIIIe siècle avec l’apparition des Ordres mendiants qui tirent leur nom du fait que leurs membres recourraient humblement au soutien économique de la population pour vivre le vœu de pauvreté et remplir leur mission. Leurs fondateurs, saint François d’Assise et saint Dominique surent interpréter avec intelligence « les signes des temps ».

Leur manière de vivre permit de mettre fin progressivement au succès de divers mouvements ayant une doctrine incompatible avec la foi catholique. La qualité du témoignage des Ordres mendiants fut exemplaire. D’abord, leurs membres devinrent des maîtres spirituels qui déployèrent une intense prédication en aidant les fidèles à nourrir et à approfondir leur vie de prière et de foi. Naquirent ainsi les Tiers-ordres franciscain et dominicain. Ils ont favorisé l’émergence d’une « sainteté laïque ». Ils furent, ensuite, des maîtres intellectuels car leur rayonnement s’étendit jusqu’au monde de l’université. Par la ‘charité de l’intelligence’, ils jouèrent un rôle essentiel dans le développement de la théologie scolastique et ils contribuèrent de façon notable au développement de la pensée occidentale. Avec ce renouveau spirituel, les Ordres mendiants offrirent au monde et à l’Eglise une nouvelle jeunesse.

Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones, en particulier ceux qui sont venus des Îles Wallis et Futuna. Prions avec ferveur pour que le Seigneur donne à son Eglise les saints qui la feront resplendir aux yeux des hommes pour les attirer au Christ. Bon pèlerinage à tous !

Puis le pape a lancé un appel concernant Haiti, victime d’un grave tremblement de terre

Je désire à présent lancer un appel pour la situation dramatique dans laquelle se trouve Haïti. Ma pensée va, en particulier, à la population durement frappée, il y a quelques heures, par un tremblement de terre dévastateur, qui a provoqué de graves pertes en vies humaines, un grand nombre de sans abri et de personnes portées disparues, ainsi que d’innombrables dégâts matériels. J’invite chacun à s’unir à ma prière au Seigneur pour les victimes de cette catastrophe et pour ceux qui pleurent leur disparition. J’assure de ma proximité spirituelle ceux qui ont perdu leur maison, ainsi que toutes les personnes éprouvées de différentes façons par cette grave catastrophe, en implorant de Dieu le réconfort et le soulagement dans leurs souffrances. Je fais appel à la générosité de chacun, afin que l’on ne fasse pas manquer à ces frères et sœurs qui vivent un moment de besoin et de douleur, notre solidarité concrète et le soutien pratique de la communauté internationale. L’Eglise catholique ne manquera pas d’intervenir immédiatement à travers ses Institutions caritatives pour répondre aux besoins les plus immédiats de la population.

Traduction : Zenit

Audience générale du 2 décembre 2009 : Guillaume de Saint-Thierry

3 décembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22843?l=french

Audience générale du 2 décembre 2009  : Guillaume de Saint-Thierry

Texte intégral

ROME, Mercredi 2 décembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre, au Vatican.

Chers frères et sœurs,
Dans une catéchèse précédente, j’ai présenté la figure de Bernard de Clairvaux, le « Docteur de la douceur », grande figure du douzième siècle. Son biographe – ami et estimateur – fut Guillaume de Saint-Thierry, sur lequel je m’arrête dans la réflexion de ce matin.

Guillaume naquit à Liège entre 1075 et 1080. De famille noble, doté d’une intelligence vive et d’un amour inné pour l’étude, il fréquenta de célèbres écoles de l’époque, comme celle de sa ville natale et de Reims, en France. Il entra en contact personnel avec Abélard, le maître qui appliquait la philosophie à la théologie de manière si originale qu’il suscita de nombreuses perplexités et oppositions. Guillaume exprima également ses propres réserves, en sollicitant son ami Bernard pour qu’il prenne position à l’égard d’Abélard. Répondant à ce mystérieux et irrésistible appel de Dieu, qui est la vocation à la vie consacrée, Guillaume entra au monastère bénédictin de Saint-Nicaise à Reims en 1113 et, quelques années plus tard, il devint abbé du monastère de Saint-Thierry, dans le diocèse de Reims. Au cours de cette période, l’exigence de purifier et renouveler la vie monastique, pour la rendre authentiquement évangélique, était très répandue. Guillaume agit dans ce sens à l’intérieur de son propre monastère, et en général dans l’Ordre bénédictin. Toutefois, il rencontra de nombreuses résistances face à ses tentatives de réforme, et ainsi, malgré le conseil contraire de son ami Bernard, il quitta l’abbaye bénédictine en 1135, laissa l’habit noir et revêtit l’habit blanc, pour s’unir aux cisterciens de Signy. A partir de ce moment jusqu’à sa mort, survenue en 1148, il se consacra à la contemplation priante des mystères de Dieu, depuis toujours objet de ses plus profonds désirs, et à la composition d’écrits de littérature spirituelle, importants dans l’histoire de la théologie monastique.

L’une de ses premières œuvres est intitulée De natura et dignitate amoris (La nature et la dignité de l’amour). On y trouve exprimée l’une des idées fondamentales de Guillaume, valable également pour nous. L’énergie principale qui anime l’âme humaine – dit-il – est l’amour. La nature humaine, dans son essence la plus profonde, consiste à aimer. En définitive, une seule tâche est confiée à chaque être humain : apprendre à aimer, sincèrement, authentiquement, gratuitement. Mais ce n’est qu’à l’école de Dieu que cette tâche est remplie et que l’homme peut atteindre l’objectif pour lequel il a été créé. Guillaume écrit en effet : « L’art des arts est l’art de l’amour… L’amour est suscité par le Créateur de la nature. L’amour est une force de l’âme, qui la conduit comme par un poids naturel vers le lieu et l’objectif qui lui est propre » (La nature et la dignité de l’amour 1, PL 184, 379). Apprendre à aimer demande un chemin long et exigeant, qui est articulé par Guillaume en quatre étapes, correspondant aux âges de l’homme : l’enfance, la jeunesse, la maturité et la vieillesse. Sur cet itinéraire, la personne doit s’imposer une ascèse efficace, un fort contrôle de soi pour éliminer toute affection désordonnée, toute tentation d’égoïsme, et unifier sa propre vie en Dieu, source, objectif et force de l’amour, jusqu’à parvenir au sommet de la vie spirituelle, que Guillaume définit comme « sagesse ». En conclusion de cet itinéraire ascétique, on fait l’expérience d’une grande sérénité et douceur. Toutes les facultés de l’homme – intelligence, volonté, sentiments d’affection – reposent en Dieu, connu et aimé dans le Christ.

Dans d’autres œuvres également, Guillaume parle de cette vocation radicale à l’amour pour Dieu, qui constitue le secret d’une vie réussie et heureuse, et qu’il décrit comme un désir incessant et croissant, inspiré par Dieu lui-même dans le cœur de l’homme. Dans une méditation, il dit que l’objet de cet amour est l’Amour avec un « A » majuscule, c’est-à-dire Dieu. C’est lui qui se déverse dans le cœur de celui qui aime, et qui le rend capable de le recevoir. Il se donne à satiété et de manière telle, que le désir de cette satiété ne fait jamais défaut. Cet élan d’amour est l’accomplissement de l’homme » (De contemplando Deo 6, passim, SC 61bis, pp. 79-83). On est frappé par le fait que Guillaume, en parlant de l’amour pour Dieu, attribue une grande importance à la dimension affective. Au fond, chers amis, notre cœur est fait de chair, et lorsque nous aimons Dieu, qui est l’Amour lui-même, comment ne pas exprimer dans cette relation avec le Seigneur également nos sentiments très humains, comme la tendresse, la sensibilité, la délicatesse ? Le Seigneur lui-même, en se faisant homme, a voulu nous aimer avec un cœur de chair !

Selon Guillaume, ensuite, l’amour a une autre propriété importante : il éclaire l’intelligence et permet de mieux connaître et de manière plus profonde Dieu, et en Dieu, les personnes et les événements. La connaissance qui procède des sens et de l’intelligence réduit, mais n’élimine pas, la distance entre le sujet et l’objet, entre toi et moi. L’amour produit en revanche une attraction et une communion, jusqu’à une transformation et une assimilation entre le sujet qui aime et l’objet aimé. Cette réciprocité d’affection et de sympathie permet alors une connaissance bien plus profonde que celle qui est l’œuvre de la seule raison. Ainsi s’explique une célèbre expression de Guillaume : « Amor ipse intellectus est – déjà en lui-même, l’amour est principe de connaissance ». Chers amis, posons-nous la question : n’en est-il pas ainsi dans notre vie ? N’est-il donc pas vrai que nous ne connaissons réellement que ceux et ce que nous aimons ! Sans une certaine sympathie on ne connaît rien ni personne ! Et cela vaut avant tout dans la connaissance de Dieu et de ses mystères, qui dépassent la capacité de compréhension de notre intelligence : on connaît Dieu si on l’aime !

Une synthèse de la pensée de Guillaume de Saint-Thierry est contenue dans une longue lettre adressée aux chartreux de Mont-Dieu, auxquels il avait rendu visite et qu’il voulut encourager et réconforter. L’érudit bénédictin Jean Mabillon, dès 1690, donna à cette lettre un titre significatif : Epistola aurea (Lettre d’or). En effet, les enseignements sur la vie spirituelle qu’elle contient sont précieux pour tous ceux qui souhaitent grandir dans la communion avec Dieu, dans la sainteté. Dans ce traité, Guillaume propose un itinéraire en trois étapes. Il faut – dit-il – passer de l’homme « animal » à l’homme « rationnel », pour arriver à l’homme « spirituel ». Que veut dire notre auteur par ces trois expressions ? Au début une personne accepte la vision de la vie inspirée par la foi par un acte d’obéissance et de confiance. Puis à travers un processus d’intériorisation, dans lequel la raison et la volonté jouent un grand rôle, la foi dans le Christ est accueillie avec une conviction profonde et l’on fait l’expérience d’une correspondance harmonieuse entre ce que l’on croit et ce que l’on espère et les aspirations les plus secrètes de l’âme, notre raison, nos sentiments d’affection. On parvient ainsi à la perfection de la vie spirituelle, lorsque les réalités de la foi sont une source de joie intime et de communion réelle et satisfaisante avec Dieu. On ne vit que dans l’amour et par amour. Guillaume fonde cet itinéraire sur une solide vision de l’homme, inspirée des antiques Pères grecs, surtout d’Origène, lesquels, avec un langage audacieux, avaient enseigné que la vocation de l’homme est de devenir comme Dieu, qui l’a créé à son image et ressemblance. L’image de Dieu présente dans l’homme le pousse vers la ressemblance, c’est-à-dire vers une identité toujours plus complète entre la volonté propre et la volonté divine. A cette perfection, que Guillaume appelle « unité d’esprit », on ne parvient pas par l’effort personnel, même sincère et généreux, parce qu’une autre chose est nécessaire. On atteint cette perfection par l’action de l’Esprit Saint, qui vient habiter l’âme et purifie, absorbe et transforme en charité tout élan et tout désir d’amour présent chez l’homme. « Il y a ensuite une autre ressemblance avec Dieu », lisons-nous dans l’Epistola aurea, « qui n’est plus appelée ressemblance, mais unité d’esprit, lorsque l’homme finit par faire un avec Dieu, un seul esprit, non seulement par l’unité d’une volonté identique, mais en n’étant plus en mesure de vouloir autre chose. De cette manière, l’homme mérite de devenir non pas Dieu, mais ce que Dieu est : l’homme devient par la grâce ce que Dieu est par nature » (Epistola aurea 262-263, SC 223, pp. 353-355).

Chers frères et sœurs, cet auteur, que nous pourrions définir comme le « Chantre de l’amour, de la charité », nous enseigne à faire dans notre vie le choix fondamental, qui donne un sens et une valeur à tous les autres choix : aimer Dieu et, par son amour, aimer notre prochain ; c’est uniquement ainsi que nous pourrons rencontrer la joie véritable, anticipation de la béatitude éternelle. Mettons-nous par conséquent à l’école des saints, pour apprendre à aimer de manière authentique et totale, pour nous engager sur cet itinéraire de notre être. Avec une jeune sainte, Docteur de l’Eglise, Thérèse de l’Enfant Jésus, nous disons nous aussi au Seigneur que nous voulons vivre d’amour. Et je conclus précisément avec une prière de cette sainte : « Je t’aime, et tu le sais, divin Jésus ! L’Esprit d’amour me brûle de son feu. En t’aimant, j’attire le Père, que mon faible cœur abrite, sans échappatoire. O Trinité ! Tu es prisonnière de mon amour. Vivre d’amour, ici-bas, est un don de soi démesuré, sans demander de salaire… quand on aime, on ne compte pas. J’ai donné tout au Cœur divin, qui déborde de tendresse ! Et je cours avec légèreté. Je n’ai plus rien, et ma seule richesse est de vivre d’amour ».

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Guillaume de Saint-Thierry, ami et biographe de saint Bernard de Clairvaux, est né à Liège. Il est entré dans la vie bénédictine à Reims en 1113 et deviendra par la suite abbé du monastère de Saint-Thierry qu’il laissera ensuite pour l’abbaye cistercienne de Signy. Il consacrera alors sa vie à la contemplation du mystère divin et à la rédaction d’écrits spirituels où il se fait le «  chantre de l’amour  ». L’amour est l’énergie première de l’âme humaine, constate-t-il dans le De natura et dignitate amoris. La tâche fondamentale de tout être humain est donc d’apprendre à aimer. L’objet de cet amour est Dieu, Dieu-Amour. Suivant la théologie des Pères grecs, l’homme étant appelé à devenir par grâce ce que Dieu est par nature, cet apprentissage ne peut se faire qu’à l’école de Dieu. Guillaume de Saint-Thierry développe ainsi une pédagogie de l’amour où l’ascèse et l’effort humain ont leur place, mais où l’Esprit Saint joue le rôle principal en transformant en charité tout élan d’amour présent en l’homme.

Sa Lettre aux chartreux de Mont-Dieu, l’Epistola aurea, est un traité sur la vie spirituelle pour qui désire vivre dans l’amour et par l’amour. Dans ses considérations, Guillaume accorde une importance notable à la dimension affective de l’amour puisque Dieu doit être aimé par l’homme avec un cœur de chair. Il souligne aussi que «  l’amour est principe de connaissance  » et que Dieu ne peut être connu que s’il est aimé. L’enseignement de Guillaume de Saint-Thierry nous invite à faire un choix décisif qui donnera sens et valeur à tous nos autres choix  : Aimer Dieu, et par amour de Lui, aimer notre prochain.

Chers pèlerins francophones, avec les saints et en particulier avec sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, demandons au Seigneur de nous enflammer de sa charité pour aimer sans calcul et pénétrer dans le mystère de l’amour trinitaire. Bon pèlerinage à tous !

Traduction : Zenit

Audience générale du 25 novembre : Hughes et Richard de Saint-Victor

26 novembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22773?l=french

Audience générale du 25 novembre  : Hughes et Richard de Saint-Victor

Texte intégral

ROME, Mercredi 25 novembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, dans la salle Paul VI, au Vatican.

Chers frères et sœurs,
Au cours de ces audiences du mercredi, je présente certaines figures exemplaires de croyants, qui se sont engagés à montrer la concorde entre la raison et la foi et à témoigner à travers leur vie de l’annonce de l’Evangile. J’entends vous parler aujourd’hui de Hugues et de Richard de Saint-Victor. Tous deux sont au nombre de ces philosophes et théologiens connus sous le nom de Victoriens, parce qu’ils vécurent et enseignèrent dans l’abbaye de Saint-Victor, à Paris, fondée au début du XIIème siècle par Guillaume de Champeaux. Guillaume lui-même fut un maître renommé, qui parvint à donner à son abbaye une solide identité culturelle. A Saint-Victor, en effet, fut inaugurée une école pour la formation des moines, ouverte également aux étudiants extérieurs, où fut réalisée une heureuse synthèse entre les deux manières de faire de la théologie, dont j’ai déjà parlé dans les précédentes catéchèses : à savoir la théologie monastique, orientée davantage à la contemplation des mystères de la foi dans l’Ecriture, et la théologie scolastique, qui utilisait la raison pour tenter de scruter ces mystères avec des méthodes innovantes, de créer un système théologique.

Sur la vie d’Hugues de Saint-Victor, nous avons peu d’informations. La date et le lieu de sa naissance sont incertains : peut-être en Saxe ou dans les Flandres. On sait que, arrivé à Paris – la capitale européenne de la culture de l’époque -, il passa le reste de sa vie à l’abbaye de Saint-Victor, où il fut d’abord disciple puis enseignant. Dès avant sa mort, advenue en 1141, il connut une grande notoriété et estime, au point d’être appelé un « second saint Augustin » : comme Augustin, en effet, il médita longuement sur le rapport entre foi et raison, entre sciences profanes et théologie. Selon Hugues de Saint-Victor, toutes les sciences sont, non seulement utiles pour la compréhension des Ecritures, mais elles ont une valeur en elles-mêmes et doivent être cultivées pour élargir le savoir de l’homme, ainsi que pour répondre à sa soif de connaître la vérité. Cette saine curiosité intellectuelle le conduisit à recommander à ses étudiants de ne jamais restreindre le désir d’apprendre et dans son traité de méthodologie du savoir et de pédagogie, intitulé de manière significative Didascalion (De l’enseignement), il recommandait : « Apprends volontiers de tous ce que tu ne sais pas. Le plus savant de tous est celui qui aura voulu apprendre quelque chose de tous. Qui reçoit quelque chose de tous, finit par devenir le plus riche de tous » (Eruditiones Didascalicae, 3-14 : PL 176, 774).

La science dont s’occupent les philosophes et les théologiens dit Victoriens est en particulier la théologie, qui exige avant tout l’étude pleine d’amour des Ecritures Saintes. Pour connaître Dieu, en effet, on ne peut que partir de ce que Dieu lui-même a voulu révéler de lui-même à travers les Ecritures. En ce sens, Hugues de Saint-Victor est un représentant typique de la théologie monastique, entièrement fondée sur l’exégèse biblique. Pour interpréter les Ecritures, il propose l’articulation traditionnelle patristique et médiévale, à savoir le sens historique et littéral, tout d’abord, puis les sens allégorique et anagogique, et enfin, le sens moral. Il s’agit des quatre dimensions du sens de l’Ecriture, qu’aujourd’hui encore on redécouvre, par lesquelles on voit que dans le texte et dans la narration offerte se cache une indication plus profonde : le fil de la foi, qui nous conduit vers le haut et nous guide sur cette terre, en nous enseignant comment vivre. Toutefois, tout en respectant ces quatre dimensions du sens de l’Ecriture, de manière originale par rapport à ses contemporains, il insiste – et cela est nouveau – sur l’importance du sens historique et littéral. En d’autres termes, avant de découvrir la valeur symbolique, les dimensions plus profondes du texte biblique, il faut connaître et approfondir la signification de l’histoire racontée dans l’Ecriture : sinon – prévient-il en recourant à une comparaison efficace – on risque d’être comme des érudits de la grammaire qui ignorent l’alphabet. A qui connaît le sens de l’histoire décrite dans la Bible, les événements humains apparaissent comme marqués par la Providence divine, selon son dessein bien ordonné. Ainsi pour Hugues de Saint-Victor, l’histoire n’est pas le résultat d’un destin aveugle ou d’un hasard absurde, comme il pourrait apparaître. Au contraire, dans l’histoire humaine œuvre l’Esprit Saint, qui suscite un dialogue merveilleux des hommes avec Dieu, leur ami. Cette vision théologique de l’histoire met en évidence l’intervention surprenante et salvifique de Dieu, qui entre réellement et agit dans l’histoire, prend presque part à notre histoire, mais en sauvegardant et en respectant toujours la liberté et la responsabilité de l’homme.

Pour notre auteur, l’étude de l’Ecriture Sainte et de sa signification historique et littérale rend possible la véritable théologie, c’est-à-dire l’illustration systématique des vérités, de connaître leur structure, l’illustration des dogmes de la foi, qu’il présente dans une solide synthèse dans le traité De Sacramentis christianae fidei (Les sacrements de la foi chrétienne), où se trouve, entre autres, une définition de « sacrement » qui, ultérieurement perfectionnée par d’autres théologiens, contient des idées encore aujourd’hui très intéressantes. « Le sacrement », écrit-il, « est un élément corporel ou matériel proposé de manière extérieure et sensible, qui représente avec sa ressemblance une grâce invisible et spirituelle, qui la signifie, car il a été institué dans ce but, et la contient, car il est capable de sanctifier » (9, 2 : PL 176, 317). D’une part, la visibilité dans le symbole, la « corporéité » du don de Dieu, dans lequel toutefois, d’autre part, se cache la grâce divine qui provient d’une histoire : Jésus Christ lui-même a créé les symboles fondamentaux. Trois éléments concourent donc à définir un sacrement, selon Hughes de Saint-Victor : l’institution de la part du Christ, la communication de la grâce, et l’analogie entre l’élément visible, matériel, et l’élément invisible, qui sont les dons divins. Il s’agit d’une vision très proche de la sensibilité contemporaine, car les sacrements sont présentés avec un langage tissé de symboles et d’images capables de parler immédiatement au cœur des hommes. Il est important, également aujourd’hui, que les animateurs liturgiques, et en particulier les prêtres, valorisent avec sagesse pastorale les signes propres aux rites sacramentaux – cette visibilité et tangibilité de la Grâce – en en soignant attentivement la catéchèse, afin que chaque célébration des sacrements soit vécue par tous les fidèles avec dévotion, intensité et joie spirituelle.

Richard, originaire d’Ecosse, est un digne disciple d’Hugues de Saint-Victor. Il fut prieur de l’abbaye Saint-Victor de 1162 à 1173, année de sa mort. Richard aussi, naturellement, accorde un rôle fondamental à l’étude de la Bible, mais, à la différence de son maître, il privilégie le sens allégorique, la signification symbolique de l’Ecriture avec laquelle, par exemple, il interprète la figure vétérotestamentaire de Benjamin, fils de Jacob, comme symbole de contemplation et sommet de la vie spirituelle. Richard traite ce thème dans deux textes, Benjamin mineur et Benjamin majeur, dans lesquels il propose aux fidèles un chemin spirituel qui invite tout d’abord à exercer les différentes vertus, en apprenant à discipliner et à ordonner avec la raison les sentiments et les mouvements intérieurs affectifs et émotifs. Ce n’est que lorsque l’homme a atteint l’équilibre et la maturation humaine dans ce domaine, qu’il est prêt à accéder à la contemplation, que Richard définit comme « un regard profond et pur de l’âme déversé sur les merveilles de la sagesse, associé à un sens extatique d’émerveillement et d’admiration » (Benjamin Maior 1, 4 : PL 196, 67).

La contemplation est donc le point d’arrivée, le résultat d’un chemin difficile, qui comporte le dialogue entre la foi et la raison, c’est-à-dire – encore une fois – un discours théologique. La théologie part des vérités qui sont l’objet de la foi, mais elle cherche à en approfondir la connaissance avec l’usage de la raison, en s’appropriant du don de la foi. Cette application du raisonnement à la compréhension de la foi est pratiquée de manière convaincante dans le chef-d’œuvre de Richard, l’un des grands livres de l’histoire, le De Trinitate (La Trinité). Dans les six livres qui le composent, il réfléchit avec profondeur sur le Mystère de Dieu un et trine. Selon notre auteur, puisque Dieu est amour, l’unique substance divine comporte communication, oblation et amour entre deux Personnes, le Père et le Fils, entre lesquels existe un échange éternel d’amour. Mais la perfection du bonheur et de la bonté n’admet pas d’exclusivité et de fermetures ; elle demande au contraire la présence éternelle d’une troisième Personne, l’Esprit Saint. L’amour trinitaire est participatif, concorde, et comporte une surabondance de délice, une jouissance de joie incessante. C’est-à-dire que Richard suppose que Dieu est amour, il analyse l’essence de l’amour, ce qui est impliqué dans la réalité amour, en arrivant ainsi à la Trinité des Personnes, qui est réellement l’expression logique du fait que Dieu est amour.

Richard est toutefois conscient que l’amour, bien qu’il nous révèle l’essence de Dieu, qu’il nous fasse « comprendre » le Mystère de la Trinité, est cependant toujours une analogie pour parler d’un Mystère qui dépasse l’esprit humain, et – en poète mystique qu’il est – il a recours également à d’autres images. Il compare par exemple la divinité à un fleuve, à une vague d’amour qui jaillit du Père, qui va et qui vient dans le Fils, pour être ensuite diffusée avec bonheur dans l’Esprit Saint.

Chers amis, des auteurs comme Hugues et Richard de Saint-Victor élèvent notre âme à la contemplation des réalités divines. Dans le même temps, l’immense joie que nous procurent la pensée, l’admiration et la louange de la Très Sainte Trinité, fonde et soutient l’engagement concret de nous inspirer de ce modèle parfait de communion dans l’amour pour construire nos relations humaines de chaque jour. La Trinité est vraiment communion parfaite ! Comme le monde changerait si dans les familles, dans les paroisses et dans toute autre communauté les relations étaient vécues en suivant toujours l’exemple des trois Personnes divines, en qui chacune vit non seulement avec l’autre, mais pour l’autre et dans l’autre ! Je le rappelais il y a quelques mois à l’Angelus : « Seul l’amour nous rend heureux, car nous vivons en relation, et nous vivons pour aimer et être aimés » (L’Osservatore Romano, 8-9 juin 2009, p. 1). C’est l’amour qui accomplit ce miracle incessant : comme dans la vie de la Très Sainte Trinité, la pluralité se recompose en unité, où tout est complaisance et joie. Avec saint Augustin, tenu en grand honneur par les Victoriens, nous pouvons nous exclamer nous aussi : « Vides Trinitatem, si caritatem vides – tu contemples la Trinité, si tu vois la charité » (De Trinitate VIII 8, 12).

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Parmi les figures de croyants qui ont montré le lien entre la raison et la foi et qui témoignent de l’annonce de l’Evangile, je voudrais mentionner Hugues et Richard de Saint-Victor. Ils ont vécu au 12ème siècle et enseigné à l’Abbaye de Saint-Victor à Paris. Hugues médita beaucoup sur le rapport entre foi et raison, entre science profane et théologie. Pour lui, les sciences ont une valeur en elles-mêmes et elles doivent être cultivées pour élargir le savoir de l’homme et pour correspondre à son désir de connaître la vérité. Pour connaître Dieu, il faut partir de ce qu’il a révélé de lui-même dans les Écritures. La vision théologique de l’histoire d’Hugues de Saint-Victor met en évidence l’intervention salvifique de Dieu, mais en sauvegardant toujours la liberté et la responsabilité de l’homme. Richard fut un disciple d’Hugues. Lui aussi assigne un rôle fondamental à l’étude de la Bible. La contemplation est le résultat d’un chemin ardu qui comporte le dialogue entre la foi et la raison. La théologie part des vérités qui sont objet de la foi, mais elle cherche à en approfondir la connaissance par l’usage de la raison. Hugues et Richard élèvent notre esprit à la contemplation des réalités célestes. La pensée, l’admiration et la louange de la sainte Trinité nous procurent une immense joie. Puissions-nous, nous aussi, vivre selon l’exemple des trois Personnes divines, où chacune vit non seulement avec l’autre, mais par l’autre et dans l’autre.

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française présents ce matin. Que votre pèlerinage à Rome contribue à approfondir votre connaissance de Dieu dans son mystère trinitaire et à faire grandir votre amour de l’Église. Que Dieu vous bénisse  !

Je voudrais aussi adresser un salut chaleureux aux responsables et aux opérateurs de Télé Lumière – Noursat du Liban, ainsi qu’à leur président, Mgr Aboujaoudé. Chers amis, je vous encourage à poursuivre avec générosité votre mission au service de l’annonce de l’Évangile, de la paix et de la réconciliation au Liban et dans toute la région. A vous tous ainsi qu’à tous les auditeurs de Noursat j’adresse une particulière Bénédiction apostolique.

Traduction : Zenit

Audience générale du 11 novembre 2009 : L’Ordre de Cluny

12 novembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22618?l=french

Audience générale du 11 novembre 2009  : L’Ordre de Cluny

Texte intégral

ROME, Mercredi 11 novembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée mercredi 11 novembre par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, dans la salle Paul VI, au Vatican.

Chers frères et sœurs,
Ce matin je voudrais vous parler d’un mouvement monastique qui eut une grande importance au cours des siècles du Moyen-âge, et dont j’ai déjà fait mention lors de précédentes catéchèses. Il s’agit de l’Ordre de Cluny, qui, au début du XIIe siècle, moment de sa plus grande expansion, comptait presque 1200 monastères : un nombre vraiment impressionnant ! A Cluny, il y a précisément 1100 ans, en 910, fut fondé un monastère placé sous la direction de l’abbé Bernon, à la suite de la donation de Guillaume le Pieux, duc d’Aquitaine. A cette époque, le monachisme occidental, qui avait fleuri quelques siècles auparavant avec saint Benoît, avait subi une profonde décadence pour différentes raisons : les conditions politiques et sociales instables dues aux invasions incessantes et aux massacres de peuples non intégrés dans le tissu européen, la pauvreté diffuse et surtout la dépendance des abbayes des seigneurs locaux, qui contrôlaient tout ce qui appartenait aux territoires de leur compétence. Dans ce contexte, Cluny représente l’âme d’un profond renouveau de la vie monastique, pour la reconduire à son inspiration d’origine.

A Cluny fut rétablie l’observance de la Règle de saint Benoît, avec quelques adaptations déjà introduites par d’autres réformateurs. On voulut surtout garantir le rôle central que doit occuper la liturgie dans la vie chrétienne. Les moines clunisiens se consacraient avec amour et un grand soin à la célébration des Heures liturgiques, aux chants des Psaumes, à des processions aussi pieuses que solennelles et, surtout, à la célébration de la messe. Ils promurent la musique sacrée ; ils voulurent que l’architecture et l’art puissent contribuer à la beauté et à la solennité des rites ; ils enrichirent le calendrier liturgique de célébrations spéciales comme, par exemple, début novembre, la Commémoration des fidèles défunts, que nous venons nous aussi de célébrer ; ils développèrent le culte de la Vierge Marie. Une grande importance fut accordée à la liturgie, car les moines de Cluny étaient convaincus que celle-ci était une participation à la liturgie du Ciel. Et les moines sentaient qu’il était de leur responsabilité d’intercéder auprès de l’autel de Dieu pour les vivants et pour les morts, étant donné que de très nombreux fidèles leur demandaient avec insistance de se souvenir d’eux dans la prière. Du reste, c’est précisément dans ce but que Guillaume le Pieux avait voulu la naissance de l’abbaye de Cluny. Dans l’antique document qui en atteste la fondation, nous lisons : « J’établis avec ce don qu’à Cluny soit construit un monastère de réguliers en l’honneur des saints apôtres Pierre et Paul et qu’en ce lieu se recueillent des moines qui vivent selon la Règle de saint Benoît [...] et qu’en ce lieu soit fréquenté un véritable asile de prière avec des vœux et des suppliques  ; que l’on recherche et que l’on souhaite intensément la vie céleste avec chaque désir et une ardeur profonde, et que de manière assidue des prières, des invocations et des supplications soient adressées au Seigneur ». Pour conserver et nourrir ce climat de prière, la règle clunisienne accentua l’importance du silence, les moines se soumettant volontiers à sa discipline, convaincus que la pureté des vertus, à laquelle ils aspiraient, demandait un recueillement profond et constant. On ne s’étonne pas que très vite une réputation de sainteté entourât le monastère de Cluny, et que de nombreuses autres communautés monastiques décidèrent de suivre ses habitudes. De nombreux princes et Papes demandèrent aux abbés de Cluny de diffuser leur réforme, si bien qu’en peu de temps s’étendit une trame serrée de monastères liés à Cluny, que ce soit par de véritables liens juridiques ou par une sorte d’affiliation charismatique. C’est ainsi que se dessinait une Europe de l’esprit dans les différentes régions de France, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Hongrie.

Le succès de Cluny fut assuré avant tout par la haute spiritualité que l’on y cultivait, mais aussi par certaines autres conditions qui en favorisèrent le développement. A la différence de ce qui était advenu jusqu’alors, le monastère de Cluny et les communautés qui en dépendaient furent reconnues comme exemptes de la juridiction des évêques locaux, et soumises directement à celle du Pontife Romain. Cela signifiait un lien particulier avec le siège de Pierre et, précisément grâce à la protection et à l’encouragement des Papes, les idéaux de pureté e de fidélité, que la réforme clunisienne entendait poursuivre, purent se répandre rapidement. En outre, les abbés étaient élus sans aucune ingérence de la part des autorités civiles, à la différence de ce qui advenait dans d’autres lieux. Des personnes vraiment dignes se succédèrent à la tête de Cluny et des nombreuses communautés monastiques qui en dépendaient : l’abbé Odon de Cluny, dont j’ai parlé dans une catéchèse il y a deux mois, et d’autres grandes personnalités, comme Aymard, Mayeul, Odilon et surtout Hugues le Grand, qui accomplirent leur service pendant de longues périodes, en assurant une stabilité à la réforme entreprise et à sa diffusion. Non seulement Odon, mais aussi Mayeul, Odilon et Hugues sont vénérés comme saints.

La réforme clunisienne eut des effets positifs non seulement dans la purification et dans le réveil de la vie monastique, mais aussi dans la vie de l’Eglise universelle. En effet, l’aspiration à la perfection évangélique représentait un encouragement à combattre deux graves maux qui affligeaient l’Eglise de cette époque : la simonie, c’est-à-dire l’achat de charges pastorales contre une somme d’argent, et l’immoralité du clergé séculier. Les abbés de Cluny avec leur autorité spirituelle, les moines clunisiens qui devinrent évêques, certains même Papes, furent des acteurs de premier plan de cette importante action de renouveau spirituel. Et les fruits ne manquèrent pas : le célibat des prêtres fut de nouveau estimé et pratiqué, et dans l’attribution des charges ecclésiastiques furent adoptées des procédures plus transparentes.

Les monastères inspirés par la réforme clunisienne apportèrent également des bénéfices significatifs à la société. A une époque où les institutions ecclésiastiques s’occupaient des indigents, la charité fut prêchée avec zèle. Dans toutes les maisons, l’aumônier était tenu d’accueillir les voyageurs et les pèlerins dans le besoin, les prêtres et les religieux en voyage, et surtout les pauvres qui venaient demander de la nourriture et un toit pour quelques jours. Deux autres institutions ne furent pas moins importantes, typiques de la civilisation médiévale, promues par Cluny : ce que l’on appelle la « trêve de Dieu » et la « paix de Dieu ». A une époque fortement marquée par la violence et par l’esprit de vengeance, avec les « trêves de Dieu » étaient assurées de longues périodes sans actions belliqueuses, à l’occasion de fêtes religieuses déterminées et certains jours de la semaine. Avec la « paix de Dieu » on demandait, sous peine d’une condamnation canonique, de respecter les personnes sans défense et les lieux sacrés.

Dans la conscience des peuples de l’Europe grandissait ainsi ce processus de longue gestation, qui allait conduire à la reconnaissance, de manière toujours plus claire, de deux éléments fondamentaux pour la construction de la société : la valeur de la personne humaine et le bien primaire de la paix. En outre, comme ce fut le cas pour d’autres fondations monastiques, les monastères clunisiens disposaient de vastes propriétés qui, exploitées avec diligence, contribuèrent au développement de l’économie. A côté du travail manuel, ne manquèrent pas certaines activités culturelles typiques du monachisme médiéval comme les écoles pour les enfants, la constitution de bibliothèques, les scriptoria pour la transcription des livres.

De cette manière, il y a mille ans, alors que la formation de l’identité européenne était en plein développement, l’expérience clunisienne, diffusée dans de vastes régions du continent européen, a apporté sa contribution importante et précieuse. Elle a rappelé le primat des biens de l’esprit ; elle a tenu en éveil la tension vers les choses de Dieu ; elle a inspiré et favorisé des initiatives et des institutions pour la promotion des valeurs humaines ; elle a éduqué à un esprit de paix. Chers frères et sœurs, prions pour que tous ceux qui ont à cœur un authentique humanisme et l’avenir de l’Europe sachent redécouvrir, apprécier et défendre le riche patrimoine culturel et religieux de ces siècles.

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Au début du douzième siècle, l’Ordre de Cluny, en revitalisant la Règle de saint Benoît, a contribué à un profond renouvellement de la vie monastique, garantissant le rôle central que la Liturgie occupe dans la vie chrétienne et accentuant l’importance du silence pour protéger et alimenter le climat de prière. De nombreux monastères se lièrent à Cluny, esquissant ainsi une Europe de l’esprit. Le succès de cet Ordre est dû à sa haute spiritualité, mais aussi à l’encouragement des Papes aux idéaux qu’il poursuivait pour la purification et le réveil de la vie monastique. Cette réforme apporta de grands bienfaits pour le renouveau de la vie sacerdotale dans l’Eglise. Elle permit encore un développement des œuvres de charité et, dans un monde fortement marqué par la violence, elle institua « la trêve de Dieu » et « la paix de Dieu ». Dans la conscience des peuples de l’Europe, la réforme de Cluny permit une reconnaissance plus claire de la valeur de la personne humaine et du bienfait de la paix. Les monastères clunisiens contribuèrent aussi au développement de l’économie et de la culture. Que tous ceux qui ont à cœur un authentique humanisme et l’avenir de l’Europe, sache redécouvrir, apprécier et défendre le riche patrimoine culturel et religieux de cette grande époque !

Je suis heureux d’accueillir ce matin les pèlerins francophones. Que la recherche de la contemplation du mystère de Dieu qui anima les moines de Cluny soit aussi pour vous aujourd’hui un stimulant sur votre chemin vers Dieu et vers vos frères. Que Dieu vous bénisse !

Traduction : Zenit

Audience générale du 21 octobre : saint Bernard de Clairvaux

22 octobre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22407?l=french

Audience générale du 21 octobre : saint Bernard de Clairvaux

Texte intégral

ROME, Mercredi 21 octobre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée mercredi 21 octobre par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre, au Vatican.

Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui je voudrais parler de saint Bernard de Clairvaux, appelé le dernier des Pères de l’Eglise, car au XIIe siècle il a encore une fois souligné et rendu présente la grande théologie des pères. Nous ne connaissons pas en détail les années de son enfance ; nous savons cependant qu’il naquit en 1090 à Fontaines en France, dans une famille nombreuse et assez aisée. Dans son adolescence, il se consacra à l’étude de ce que l’on appelle les arts libéraux – en particulier la grammaire, la rhétorique et la dialectique – à l’école des chanoines de l’église de Saint-Vorles, à Châtillon-sur-Seine et il mûrit lentement la décision d’entrer dans la vie religieuse. Vers vingt ans, il entra à Cîteaux, une fondation monastique nouvelle, plus souple par rapport aux anciens et vénérables monastères de l’époque et, dans le même temps, plus rigoureuse dans la pratique des conseils évangéliques. Quelques années plus tard, en 1115, Bernard fut envoyé par saint Etienne Harding, troisième abbé de Cîteaux, pour fonder le monastère de Clairvaux. C’est là que le jeune abbé (il n’avait que vingt-cinq ans) put affiner sa propre conception de la vie monastique, et s’engager à la traduire dans la pratique. En regardant la discipline des autres monastères, Bernard rappela avec fermeté la nécessité d’une vie sobre et mesurée, à table comme dans l’habillement et dans les édifices monastiques, recommandant de soutenir et de prendre soin des pauvres. Entre temps, la communauté de Clairvaux devenait toujours plus nombreuse et multipliait ses fondations.

Au cours de ces mêmes années, avant 1130, Bernard commença une longue correspondance avec de nombreuses personnes, aussi bien importantes que de conditions sociales modestes. Aux multiples Lettres de cette période il faut ajouter les nombreux Sermons, ainsi que les Sentences et les Traités. C’est toujours à cette époque que remonte la grande amitié de Bernard avec Guillaume, abbé de Saint-Thierry, et avec Guillaume de Champeaux, des figures parmi les plus importantes du XIIe siècle. A partir de 1130, il commença à s’occuper de nombreuses et graves questions du Saint-Siège et de l’Eglise. C’est pour cette raison qu’il dut sortir toujours plus souvent de son monastère, et parfois hors de France. Il fonda également quelques monastères féminins, et fut le protagoniste d’une vive correspondance avec Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, dont j’ai parlé mercredi dernier. Il dirigea surtout ses écrits polémiques contre Abélard, le grand penseur qui a lancé une nouvelle manière de faire de la théologie en introduisant en particulier la méthode dialectique-philosophique dans la construction de la pensée théologique. Un autre front sur lequel Bernard a lutté était l’hérésie des Cathares, qui, méprisant la matière et le corps humain, méprisaient en conséquence le Créateur. En revanche, il sentit le devoir de prendre la défense des juifs, en condamnant les vagues d’antisémitisme toujours plus diffuses. C’est pour ce dernier aspect de son action apostolique que, quelques dizaines d’années plus tard, Ephraïm, rabbin de Bonn, adressa un vibrant hommage à Bernard. Au cours de cette même période le saint abbé rédigea ses œuvres les plus fameuses, comme les très célèbres Sermons sur le Cantique des Cantiques. Au cours des dernières années de sa vie – sa mort survint en 1153 – Bernard dut limiter les voyages, sans pourtant les interrompre complètement. Il en profita pour revoir définitivement l’ensemble des Lettres, des Sermons, et des Traités. Un ouvrage assez singulier, qu’il termina précisément en cette période en 1145, quand l’un de ses élèves, Bernard Pignatelli, fut élu Pape sous le nom d’Eugène III, mérite d’être mentionné. En cette circonstance, Bernard, en qualité de Père spirituel, écrivit à son Fils spirituel le texte De Consideratione, qui contient un enseignement afin d’être un bon Pape. Dans ce livre qui demeure une lecture intéressante pour les papes de tous les temps, Bernard n’indique pas seulement comment bien faire le Pape, mais présente également une profonde vision du mystère de l’Eglise et du mystère du Christ qui se résout, à la fin, dans la contemplation du mystère de Dieu un et trine : « On devrait encore poursuivre la recherche de ce Dieu, qui n’est pas encore assez recherché », écrit le saint Abbé : « mais on peut peut-être mieux le chercher et le trouver plus facilement avec la prière qu’avec la discussion. Nous mettons alors ici un terme au livre, mais non à la recherche » (XIV, 32 : PL 182, 808), à être en chemin vers Dieu.

Je voudrais à présent m’arrêter sur deux aspects centraux de la riche doctrine de Bernard : elles concernent Jésus Christ et la Très Sainte Vierge Marie, sa Mère. Sa sollicitude à l’égard de la participation intime et vitale du chrétien à l’amour de Dieu en Jésus Christ n’apporte pas d’orientations nouvelles dans le statut scientifique de la théologie. Mais, de manière plus décidée que jamais, l’abbé de Clairvaux configure le théologien au contemplatif et au mystique. Seul Jésus – insiste Bernard face aux raisonnements dialectiques complexes de son temps – seul Jésus est « miel à la bouche, cantique à l’oreille, joie dans le cœur (mel in ore, in aure melos, in corde iubilum) ». C’est précisément de là que vient le titre, que lui attribue la tradition, de Docteur mellifluus : sa louange de Jésus Christ, en effet, « coule comme le miel ». Dans les batailles exténuantes entre nominalistes et réalistes – deux courants philosophiques de l’époque – dans ces batailles, l’Abbé de Clairvaux ne se lasse pas de répéter qu’il n’y a qu’un nom qui compte, celui de Jésus le Nazaréen. « Aride est toute nourriture de l’âme » – confesse-t-il, « si elle n’est pas baignée de cette huile ; insipide, si elle n’est pas agrémentée de ce sel. Ce que tu écris n’a aucun goût pour moi, si je n’y ai pas lu Jésus ». Et il conclut : « Lorsque tu discutes ou que tu parles, rien n’a de saveur pour moi, si je n’ai pas entendu résonner le nom de Jésus » (Sermones in Cantica Canticorum xv, 6 : PL 183, 847). En effet, pour Bernard, la véritable connaissance de Dieu consiste dans l’expérience personnelle et profonde de Jésus Christ et de son amour. Et cela, chers frères et sœurs, vaut pour chaque chrétien : la foi est avant tout une rencontre personnelle, intime avec Jésus, et doit faire l’expérience de sa proximité, de son amitié, de son amour, et ce n’est qu’ainsi que l’on apprend à le connaître toujours plus, à l’aimer et le suivre toujours plus. Que cela puisse advenir pour chacun de nous !

Dans un autre célèbre Sermon le dimanche entre l’octave de l’Assomption, le saint Abbé décrit en termes passionnés l’intime participation de Marie au sacrifice rédempteur du Fils. « O sainte Mère, – s’exclame-t-il – vraiment, une épée a transpercé ton âme !… La violence de la douleur a transpercé à tel point ton âme que nous pouvons t’appeler à juste titre plus que martyr, car en toi, la participation à la passion du Fils dépassa de loin dans l’intensité les souffrances physiques du martyre » (14 : PL 183-437-438). Bernard n’a aucun doute : « per Mariam ad Iesum », à travers Marie, nous sommes conduits à Jésus. Il atteste avec clarté l’obéissance de Marie à Jésus, selon les fondements de la mariologie traditionnelle. Mais le corps du Sermon documente également la place privilégiée de la Vierge dans l’économie de salut, à la suite de la participation très particulière de la Mère (compassio) au sacrifice du Fils. Ce n’est pas par hasard qu’un siècle et demi après la mort de Bernard, Dante Alighieri, dans le dernier cantique de la Divine Comédie, placera sur les lèvres du « Doctor mellifluus » la sublime prière à Marie : « Vierge Mère, fille de ton Fils, / humble et élevée plus que tout autre créature / terme fixe d’éternel conseil,… » (Paradis 33, vv. 1ss).

Ces réflexions, caractéristiques d’un amoureux de Jésus et de Marie comme saint Bernard, interpellent aujourd’hui encore de façon salutaire non seulement les théologiens, mais tous les croyants. On prétend parfois résoudre les questions fondamentales sur Dieu, sur l’homme et sur le monde à travers les seules forces de la raison. Saint Bernard, au contraire, solidement ancré dans la Bible, et dans les Pères de l’Eglise, nous rappelle que sans une profonde foi en Dieu alimentée par la prière et par la contemplation, par un rapport intime avec le Seigneur, nos réflexions sur les mystères divins risquent de devenir un vain exercice intellectuel, et perdent leur crédibilité. La théologie renvoie à la « science des saints », à leur intuition des mystères du Dieu vivant, à leur sagesse, don de l’Esprit Saint, qui deviennent un point de référence de la pensée théologique. Avec Bernard de Clairvaux, nous aussi nous devons reconnaître que l’homme cherche mieux et trouve plus facilement Dieu « avec la prière qu’avec la discussion ». A la fin, la figure la plus authentique du théologien et de toute évangélisation demeure celle de l’apôtre Jean, qui a appuyé sa tête sur le cœur du Maître.

Je voudrais conclure ces réflexions sur saint Bernard par les invocations à Marie, que nous lisons dans une belle homélie. « Dans les dangers, les difficultés, les incertitudes – dit-il – pense à Marie, invoque Marie. Qu’elle ne se détache jamais de tes lèvres, qu’elle ne se détache jamais de ton cœur ; et afin que tu puisses obtenir l’aide de sa prière, n’oublie jamais l’exemple de sa vie. Si tu la suis, tu ne te tromperas pas de chemin ; si tu la pries, tu ne désespéreras pas ; si tu penses à elle, tu ne peux pas te tromper. Si elle te soutient, tu ne tombes pas ; si elle te protège, tu n’as rien à craindre ; si elle te guide, tu ne te fatigues pas ; si elle t’est propice, tu arriveras à destination… » (Hom. II super « Missus est », 17 : PL 183, 70-71).

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Saint Bernard est l’un des plus grands Docteurs de l’Eglise. Né en 1090 à Fontaines, en France, il entre à Cîteaux, nouvelle fondation monastique, vers l’âge de 20 ans. Quelques années plus tard, en 1115, il fonde le monastère de Clairvaux, où il va affiner sa conception de la vie monastique et la mettre en pratique, soulignant particulièrement la nécessité d’une vie sobre et mesurée, et recommandant le soutien des pauvres. En ces années, il développa une vaste correspondance avec de nombreuses personnes, de haute et de modeste condition. A partir de 1130 il s’occupera aussi de graves questions concernant le Saint-Siège et l’Eglise. Deux aspects centraux de la doctrine de saint Bernard concernent Jésus Christ et Marie, sa sainte Mère, qui nous conduit à son Fils. Pour l’Abbé de Clairvaux, la vraie connaissance de Dieu consiste dans l’expérience personnelle de Jésus Christ et de son amour. La foi est avant tout une rencontre intime avec Jésus, qui nous permet de faire l’expérience de sa proximité, de son amitié, de son amour. C’est seulement ainsi qu’on apprend à le connaître toujours plus, à l’aimer et à le suivre. Que cela se réalise pour chacun de nous  !

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les jeunes d’Alsace et de Normandie ainsi que les servants de messe des unités pastorales Notre-Dame et Sainte-Claire du canton de Fribourg. Que l’enseignement de saint Bernard vous aide à découvrir toujours plus en Marie la Mère qui protège de toute crainte et qui nous guide vers son divin Fils. Que Dieu vous bénisse  !

Traduction : Zenit

Pape Benoît: Pierre le Vénérable

15 octobre, 2009

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Audience générale du 14 octobre 2009  : Pierre le Vénérable

Texte intégral de la catéchèse de Benoît XVI

ROME, Mercredi 14 octobre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée mercredi 14 octobre par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre, au Vatican.

Chers frères et sœurs,
La figure de Pierre le Vénérable, que je présente dans la catéchèse d’aujourd’hui, nous ramène à la célèbre abbaye de Cluny, à sa « dignité » (decor) et à sa « splendeur » (nitor) – pour reprendre des termes récurrents dans les textes de Cluny – dignité et splendeur, que l’on peut admirer en particulier dans la beauté de la liturgie, voie privilégiée pour parvenir à Dieu. Cependant, plus encore que ces aspects, la personnalité de Pierre rappelle la sainteté des grands abbés de Cluny : à Cluny « il n’y eut pas un seul abbé qui ne fut un saint », affirmait en 1080 le Pape Grégoire VII. Parmi ceux-ci s’inscrit Pierre le Vénérable, qui rassemble en lui un peu de toutes les vertus de ses prédécesseurs, bien que déjà avec lui, face aux Ordres nouveaux comme celui de Cîteaux, Cluny commençât à ressentir certains symptômes de crise. Pierre est une exemple admirable d’ascète rigoureux avec lui-même et compréhensif avec les autres. Né autour de 1094 dans la région française de l’Auvergne, il entra encore enfant au monastère de Sauxillanges, où il devint moine profès et ensuite prieur. En 1122, il fut élu Abbé de Cluny, et occupa cette charge jusqu’à sa mort, qui survint le jour de Noël 1156, comme il l’avait désiré. « Aimant la paix – écrit son biographe Rodolfo – il obtint la paix dans la gloire de Dieu le jour de la paix » (Vie, I, 1, 17 ; PL 189, 28).

Ceux qui le connurent en exaltèrent la douceur distinguée, l’équilibre serein, la maîtrise de soi, la rectitude, la loyauté, la lucidité et la capacité particulière de médiateur. « Il est dans ma nature même – écrivait-il – d’être profondément porté à l’indulgence ; à cela m’incite mon habitude à pardonner. Je suis habitué à supporter et à pardonner » (Ep. 192, in : The Letters of Peter the Venerable, Harvard University Press, 1967, p. 446). Il disait aussi : « Avec ceux qui haïssent la paix nous voudrions, si possible, être toujours pacifiques » (Ep. 100, l.c., p. 261). Et il écrivait à propos de lui-même : « Je ne suis pas de ceux qui ne sont pas contents de leur sort,… dont l’esprit est toujours dans l’anxiété ou dans le doute, et qui se plaignent parce que tous les autres se reposent et qu’ils sont les seuls à travailler » (Ep. 182, p. 425). De nature sensible et affectueuse, il savait conjuguer l’amour pour le Seigneur avec la tendresse envers sa famille, en particulier envers sa mère, et envers ses amis. Il cultivait l’amitié, de manière particulière à l’égard de ses moines, qui se confiaient habituellement à lui, sûrs d’être accueillis et compris. Selon le témoignage de son biographe « il ne méprisait ni ne repoussait personne » (Vie, 1, 3 : PL 189, 19) ; « il apparaissait à tous aimable ; dans sa bonté innée il était ouvert à tous » (ibid., I, 1 : PL 189, 17).

Nous pourrions dire que ce saint abbé constitue un exemple également pour les moines et les chrétiens de notre époque, marquée par un rythme de vie frénétique, où les épisodes d’intolérance et d’incommunicabilité, les divisions et les conflits ne sont pas rares. Son témoignage nous invite à savoir unir l’amour pour Dieu à l’amour pour le prochain, et à ne pas nous lasser en renouant des relations de fraternité et de réconciliation. C’est en effet ainsi qu’agissait Pierre le Vénérable, qui se retrouva à la tête du monastère de Cluny pendant des années qui ne furent pas très sereines, en raison de différentes causes extérieures et internes à l’abbaye, réussissant à être dans le même temps sévère et doté d’une profonde humanité. Il avait l’habitude de dire : « On pourra obtenir davantage d’un homme en le tolérant, qu’en l’irritant avec des plaintes » (Ep. 172, l.c., p. 409). En raison de sa charge, il dut effectuer de fréquents voyages en Italie, en Angleterre, en Allemagne et en Espagne. L’abandon forcé de la quiétude contemplative lui pesait. Il confessait : « Je vais d’un lieu à l’autre, je m’essouffle, je m’inquiète, je me tourmente, entraîné ci et là ; à un moment j’ai l’esprit tourné vers mes affaires et à un autre vers celles des autres, non sans une grande agitation de mon âme » (Ep. 91, l.c., p. 233). Bien qu’ayant dû composer avec les pouvoirs et les seigneuries qui entouraient Cluny, il réussit cependant, grâce à son sens de la mesure, à sa magnanimité et à son réalisme, à conserver sa tranquillité habituelle. Parmi les personnalités avec lesquelles il entra en relation, il y eut Bernard de Clairvaux, avec lequel il entretint une relation croissante d’amitié, malgré la diversité de leurs tempéraments et de leurs points de vue. Bernard le définissait : « un homme important occupé dans des affaires importantes » et il le tenait en grande estime (Ep. 147, éd. Scriptorium Claravallense, Milan 1986, VI/1, pp. 658-660), alors que Pierre le Vénérable définissait Bernard comme la « lanterne de l’Eglise » (Ep. 164, p. 396), « forte et splendide colonne de l’ordre monastique et de toute l’Eglise » (Ep. 175, p. 418).

Avec un sens ecclésial très vif, Pierre le Vénérable affirmait que les événements du peuple chrétien devaient être vécus dans « l’intimité du cœur » par ceux qui comptent au nombre des « membres du corps du Christ » (Ep. 164, l.c., p. 397). Et il ajoutait : « Qui ne sent pas les blessures du corps du Christ n’est pas nourri par l’esprit du Christ », partout où elles peuvent se produire (ibid.). Il nourrissait en outre attention et sollicitude également pour ceux qui étaient en dehors de l’Eglise, en particulier pour les juifs et les musulmans : pour favoriser la connaissance de ces derniers il fit traduire le Coran. Un historien récent observe à cet égard que : « Au milieu de l’intransigeance des hommes du Moyen-âge – même les plus grands d’entre eux – nous admirons ici un exemple sublime de la délicatesse à laquelle conduit la charité chrétienne » (J. Leclercq, Pierre le Vénérable, Jaka Book, 1991, p. 189). D’autres aspects de la vie chrétienne lui étaient chers, tels que l’amour pour l’Eucharistie et la dévotion envers la Vierge Marie. Sur le Très Saint Sacrement, il nous a laissé des pages qui constituent « un des chefs-d’œuvre de la littérature eucharistique de tous les temps » (ibid. , p. 267), et sur la Mère de Dieu il a écrit des réflexions éclairantes, en la contemplant toujours en étroite relation avec Jésus Rédempteur et avec son œuvre de salut. Il suffit de citer cette élévation inspirée qu’on lui doit : « Je te salue, Vierge bénie, qui a mis en fuite la malédiction. Je te salue Mère du Très-Haut, épouse de l’Agneau très doux. Tu as vaincu le serpent, tu lui as écrasé la tête, lorsque Dieu engendré par toi l’a anéanti… Etoile resplendissante de l’orient, qui mets en fuite les ombres de l’occident. Aurore qui précède le soleil, jour qui ignore la nuit… Prie le Dieu qui est né de toi afin qu’il dénoue notre péché et, après le pardon, nous concède la grâce et la gloire » (Carmina, PL 189, 1018-1019).

Pierre le Vénérable nourrissait également une prédilection pour l’activité littéraire et en possédait le talent. Il notait ses réflexions, persuadé de l’importance d’utiliser la plume comme une sorte de charrue « pour semer sur le papier la semence du Verbe » (Ep. 20, p. 38). Même s’il ne fut pas un théologien systématique, ce fut un grand explorateur du mystère de Dieu. Sa théologie plonge ses racines dans la prière, notamment liturgique, et parmi les mystères du Christ, sa prédilection allait à la Transfiguration, dans laquelle se préfigure déjà la Résurrection. C’est lui qui introduisit cette fête à Cluny, en composant pour elle un office spécial, où se reflète la piété théologique caractéristique de Pierre et de l’Ordre de Cluny, tout entière tendue à la contemplation du visage glorieux (gloriosa facies) du Christ, en y trouvant les raisons de cette joie ardente que distingue son esprit et rayonne dans la liturgie du monastère.

Chers frères et sœurs, ce saint moine est assurément un grand exemple de sainteté monastique, nourrie aux sources de la tradition bénédictine. Pour lui l’idéal du moine consiste à « adhérer avec ténacité au Christ » (Ep. 53, l.c., p.161) dans une vie de clôture se distinguant par l’« humilité monastique » (ibid.) et le dévouement au travail (Ep. 77, l.c., p. 211), ainsi que par un climat de contemplation silencieuse et de louange permanente à Dieu. La première et la plus importante occupation du moine, selon Pierre de Cluny, est la célébration solennelle de l’office divin – « œuvre céleste et la plus utile de toutes » (Statuta, I, 1026) – qu’il faut accompagner par la lecture, la méditation, la prière personnelle et la pénitence observée avec discrétion (cf. Ep. 20, l.c., p. 40). De cette manière toute la vie résulte imprégnée d’un amour profond pour Dieu et d’un amour pour les autres, un amour qui s’exprime dans l’ouverture sincère au prochain, dans le pardon, et dans la recherche de la paix. Nous pourrions dire, pour conclure, que si ce style de vie uni au travail quotidien, constitue pour saint Benoît l’idéal du moine, celui-ci nous concerne tous également, il peut être, dans une large mesure, le style de vie du chrétien qui veut devenir un authentique disciple du Christ, caractérisé précisément par une forte adhésion au Christ, par l’humilité, par le dévouement au travail, par la capacité de pardon et de paix.

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers Frères et Sœurs,

La personnalité de Pierre le Vénérable nous rappelle la sainteté des grands Abbés de Cluny. Né vers 1094 en Auvergne, après plusieurs années passées à l’abbaye de Sauxillanges, il sera élu Abbé de Cluny en 1122 et il le restera jusqu’à sa mort en 1156. Il demeure un exemple pour notre temps, marqué par un rythme de vie frénétique, où l’intolérance, les divisions et les conflits ne sont pas rares. Son témoignage nous invite à unir l’amour de Dieu et l’amour du prochain, et à ne pas nous lasser de renouer des relations de fraternité et de réconciliation. Grâce à son sens de la mesure et à son réalisme, il réussit à conserver une tranquillité intérieure. L’Eucharistie et la dévotion envers la Vierge Marie étaient chers à ce chercheur de Dieu. Sa théologie plongeait ses racines dans la prière et dans la liturgie. Parmi les mystères du Christ, il privilégiait celui de la Transfiguration. Aussi, sa piété était-elle toute tendue vers la contemplation du visage glorieux du Christ, où il trouvait les raisons de la joie rayonnante qui l’animait et qui illuminait la liturgie du monastère. Que Pierre le Vénérable nous conduise nous aussi sur ce chemin  !

Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones, notamment les Petites Sœurs des Pauvres et leurs amis, venus à Rome pour la canonisation de Jeanne Jugan, ainsi que les diocésains de Périgueux et Sarlat, avec leur Évêque, Mgr Michel Mouïsse. Vous aussi, soyez toujours des témoins ardents de la miséricorde de Dieu pour les plus petits et les plus faibles. Avec ma Bénédiction apostolique  !

Audience générale du 23 septembre 2009 : Saint Anselme

25 septembre, 2009

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Audience générale du 23 septembre 2009 : Saint Anselme

Texte intégral de la catéchèse de Benoît XVI

ROME, Mercredi 23 septembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée mercredi 23 septembre par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, dans la salle Paul VI au Vatican.

Chers frères et sœurs,

A Rome, sur la colline de l’Aventin se trouve l’abbaye bénédictine de Saint-Anselme. En tant que siège d’un institut d’études supérieures et de l’Abbé primat des Bénédictins confédérés, c’est un lieu qui unit la prière, l’étude et le gouvernement, qui sont précisément les trois activités qui caractérisent la vie du saint auquel elle est dédiée : Anselme d’Aoste, dont nous célébrons cette année le ixe centenaire de la mort. Les multiples initiatives, promues spécialement par le diocèse d’Aoste pour cette heureuse occasion, ont souligné l’intérêt que continue de susciter ce penseur médiéval. Il est connu également comme Anselme de Bec et Anselme de Canterbury en raison des villes auxquelles il est lié. Qui est ce personnage auquel trois localités, éloignées entre elles et situées dans trois nations différentes – Italie, France, Angleterre – se sentent particulièrement liées ? Moine à la vie spirituelle intense, excellent éducateur de jeunes, théologien possédant une extraordinaire capacité spéculative, sage homme de gouvernement et défenseur intransigeant de la libertas Ecclesiae, de la liberté de l’Eglise, Anselme est l’une des éminentes personnalités du moyen âge, qui sut harmoniser toutes ces qualités grâce à une profonde expérience mystique, qui en guida toujours la pensée et l’action.

Saint Anselme naquit en 1033 (ou au début de 1034), à Aoste, premier né d’une famille noble. Son père était un homme rude, dédié aux plaisirs de la vie et dépensant tous ses biens ; sa mère, en revanche, était une femme d’une conduite exemplaire et d’une profonde religiosité (cf. Eadmero, Vita s. Anselmi, PL 159, col. 49). Ce fut elle qui prit soin de la formation humaine et religieuse initiale de son fils, qu’elle confia, ensuite aux bénédictins d’un prieuré d’Aoste. Anselme qui, enfant, – comme l’écrit son biographe – imaginait la demeure du bon Dieu entre les cimes élevées et enneigées des Alpes, rêva une nuit d’être invité dans cette demeure splendide par Dieu lui-même, qui s’entretint longuement et aimablement avec lui, et à la fin, lui offrit à manger «un morceau de pain très blanc» (ibid., n. 51). Ce rêve suscita en lui la conviction d’être appelé à accomplir une haute mission. A l’âge de quinze ans, il demanda à être admis dans l’ordre bénédictin, mais son père s’opposa de toute son autorité et ne céda pas même lorsque son fils gravement malade, se sentant proche de la mort, implora l’habit religieux comme suprême réconfort. Après la guérison et la disparition prématurée de sa mère, Anselme traversa une période de débauche morale : il négligea ses études et, emporté par les passions terrestres, devint sourd à l’appel de Dieu. Il quitta le foyer familial et commença à errer à travers la France à la recherche de nouvelles expériences. Après trois ans, arrivé en Normandie, il se rendit à l’Abbaye bénédictine du Bec, attiré par la renommée de Lanfranc de Pavie, prieur du monastère. Ce fut pour lui une rencontre providentielle et décisive pour le reste de sa vie. Sous la direction de Lanfranc, Anselme reprit en effet avec vigueur ses études, et, en peu de temps, devint non seulement l’élève préféré, mais également le confident du maître. Sa vocation monastique se raviva et, après un examen attentif, à l’âge de 27 ans, il entra dans l’Ordre monastique et fut ordonné prêtre. L’ascèse et l’étude lui ouvrirent de nouveaux horizons, lui faisant retrouver, à un degré bien plus élevé, la proximité avec Dieu qu’il avait eue enfant.

Lorsqu’en 1063, Lanfranc devint abbé de Caen, Anselme, après seulement trois ans de vie monastique, fut nommé prieur du monastère du Bec et maître de l’école claustrale, révélant des dons de brillant éducateur. Il n’aimait pas les méthodes autoritaires ; il comparait les jeunes à de petites plantes qui se développent mieux si elles ne sont pas enfermées dans des serres et il leur accordait une «saine» liberté. Il était très exigeant avec lui-même et avec les autres dans l’observance monastique, mais plutôt que d’imposer la discipline il s’efforçait de la faire suivre par la persuasion. A la mort de l’abbé Herluin, fondateur de l’abbaye du Bec, Anselme fut élu à l’unanimité à sa succession : c’était en février 1079. Entre-temps de nombreux moines avaient été appelés à Canterbury pour apporter aux frères d’outre-Manche le renouveau en cours sur le continent. Leur œuvre fut bien acceptée, au point que Lanfranc de Pavie, abbé de Caen, devint le nouvel archevêque de Canterbury et il demanda à Anselme de passer un certain temps avec lui pour instruire les moines et l’aider dans la situation difficile où se trouvait sa communauté ecclésiale après l’invasion des Normands. Le séjour d’Anselme se révéla très fructueux : ; il gagna la sympathie et l’estime générale, si bien qu’à la mort de Lanfranc il fut choisi pour lui succéder sur le siège archiépiscopal de Canterbury. Il reçut la consécration épiscopale solennelle en décembre 1093.

Anselme s’engagea immédiatement dans une lutte énergique pour la liberté de l’Eglise, soutenant avec courage l’indépendance du pouvoir spirituel par rapport au pouvoir temporel. Il défendit l’Eglise des ingérences indues des autorités politiques, en particulier des rois Guillaume le Rouge et Henri Ier, trouvant encouragement et appui chez le Pontife Romain, auquel Anselme démontra toujours une adhésion courageuse et cordiale. Cette fidélité lui coûta également, en 1103, l’amertume de l’exil de son siège de Canterbury. Et c’est seulement en 1106, lorsque le roi Henri Ier renonça à la prétention de conférer les investitures ecclésiastiques, ainsi qu’au prélèvement des taxes et à la confiscation des biens de l’Eglise, qu’Anselme put revenir en Angleterre, accueilli dans la joie par le clergé et par le peuple. Ainsi s’était heureusement conclue la longue lutte qu’il avait menée avec les armes de la persévérance, de l’orgueil et de la bonté. Ce saint archevêque qui suscitait une telle admiration autour de lui, où qu’il se rende, consacra les dernières années de sa vie surtout à la formation morale du clergé et à la recherche intellectuelle sur des sujets théologiques. Il mourut le 21 avril 1109, accompagné par les paroles de l’Evangile proclamé lors de la Messe de ce jour : «Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; et moi je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi : vous mangerez à ma table en mon Royaume» (Lc 22, 28-30). Le songe de ce mystérieux banquet, qu’il avait fait enfant tout au début de son chemin spirituel, trouvait ainsi sa réalisation. Jésus, qui l’avait invité à s’asseoir à sa table, accueillit saint Anselme, à sa mort, dans le royaume éternel du Père.

«Dieu, je t’en prie, je veux te connaître, je veux t’aimer et pouvoir profiter de toi. Et si, en cette vie, je ne suis pas pleinement capable de cela, que je puisse au moins progresser chaque jour jusqu’à parvenir à la plénitude» (Proslogion, chap. 14). Cette prière laisse comprendre l’âme mystique de ce grand saint de l’époque médiévale, fondateur de la théologie scolastique, à qui la tradition chrétienne a donné le titre de «Docteur Magnifique», car il cultiva un intense désir d’approfondir les Mystères divins, tout en étant cependant pleinement conscient que le chemin de recherche de Dieu n’est jamais terminé, tout au moins sur cette terre. La clarté et la rigueur logique de sa pensée ont toujours eu comme fin d’«élever l’esprit à la contemplation de Dieu» (ibid. Proemium). Il affirme clairement que celui qui entend faire de la théologie ne peut pas compter seulement sur son intelligence, mais qu’il doit cultiver dans le même temps une profonde expérience de foi. L’activité du théologien, selon saint Anselme, se développe ainsi en trois stades : la foi, don gratuit de Dieu à accueillir avec humilité ; l’expérience, qui consiste à incarner la parole de Dieu dans sa propre existence quotidienne ; et ensuite la véritable connaissance, qui n’est jamais le fruit de raisonnements aseptisés, mais bien d’une intuition contemplative. A ce propos, restent plus que jamais utiles également aujourd’hui, pour une saine recherche théologique et pour quiconque désire approfondir la vérité de la foi, ses paroles célèbres : « Je ne tente pas, Seigneur, de pénétrer ta profondeur, car je ne peux pas, même de loin, comparer avec elle mon intellect ; mais je désire comprendre, au moins jusqu’à un certain point, ta vérité, que mon cœur croit et aime. Je ne cherche pas, en effet, à comprendre pour croire, mais je crois pour comprendre» (ibid., 1).

Chers frères et sœurs, que l’amour pour la vérité et la soif constante de Dieu, qui ont marqué l’existence entière de saint Anselme, soient un encouragement pour chaque chrétien à rechercher sans jamais se lasser une union toujours plus intime avec le Christ, Chemin, Vérité et Vie. En outre, que le zèle plein de courage qui a caractérisé son action pastorale, et qui a parfois suscité en lui des incompréhensions, de l’amertume et même l’exil, soit un encouragement pour les pasteurs, pour les personnes consacrées et pour tous les fidèles à aimer l’Eglise du Christ, à prier, à travailler et à souffrir pour elle, sans jamais l’abandonner ou la trahir. Que la Vierge Mère de Dieu, envers laquelle saint Anselme nourrissait une dévotion tendre et filiale, obtienne cela pour nous. «Marie, c’est toi que mon cœur veut aimer – écrit saint Anselme -, c’est toi que ma langue désire ardemment louer».

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Saint Anselme, dont nous célébrons cette année le neuvième centenaire de la mort, est né à Aoste en 1033. Il fut un moine à la vie spirituelle intense, un théologien aux grandes capacités et un défenseur de la liberté de l’Eglise. Entré à l’abbaye bénédictine du Bec, en Normandie, il y fut nommé prieur et maître de l’école claustrale, où il se révéla être un excellent éducateur de jeunes. Quelques années après son élection comme Abbé du Bec, il fut appelé à Canterbury pour instruire les moines et aider la communauté ecclésiale. En 1093, il fut choisi pour devenir archevêque de Canterbury. La clarté et la rigueur logique de sa pensée ont toujours eu comme but «d’élever l’esprit à la contemplation de Dieu». Il affirma clairement que celui qui veut faire de la théologie ne peut compter seulement sur son intelligence, mais qu’il doit aussi cultiver une profonde expérience de foi. Que l’amour pour la vérité et la constante soif de Dieu qui ont marqué l’existence de saint Anselme soient pour tous les chrétiens un stimulant pour rechercher sans cesse une union toujours plus intime avec le Christ !

J’accueille avec joie ce matin les pèlerins francophones. Je salue en particulier les séminaristes d’Aix-en-Provence, accompagnés de l’archevêque, Mgr Feidt, les paroisses de Baie Saint-Paul, au Canada, de Saint-Jacques à Paris, et de Rodez. A l’exemple de saint Anselme, aimez, vous aussi, l’Eglise du Christ, priez et travaillez pour elle, sans jamais l’abandonner ou la trahir ! Avec ma Bénédiction apostolique !

Traduction française : Zenit

Pape Benoît: La clé de voûte du christianisme (26 mars 2008)

23 septembre, 2009

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080326_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 26 mars 2008

La clé de voûte du christianisme

Chers frères et soeurs!

« Et resurrexit tertia die secundum Scripturas – il ressuscita le troisième jour conformément aux Ecritures ». Chaque dimanche, avec le Credo, nous renouvelons notre profession de foi dans la résurrection du Christ, événement surprenant qui constitue la clé de voûte du christianisme. Dans l’Eglise tout peut être compris à partir de ce grand mystère, qui a changé le cours de l’histoire et qui est mis en acte dans toute célébration eucharistique. Il existe toutefois un temps liturgique où cette réalité centrale de la foi chrétienne, dans sa richesse doctrinale et son inépuisable vitalité, est proposée aux fidèles de manière plus intense, parce que plus ils la redécouvrent, plus fidèlement ils la vivent:  le temps de Pâques. Chaque année, lors du « Très Saint Triduum du Christ crucifié, mort et ressuscité », comme l’appelle saint Augustin, l’Eglise parcourt à nouveau, dans un climat de prière et de pénitence, les étapes conclusives de la vie terrestre de Jésus:  sa condamnation à mort, la montée du Calvaire en portant la croix, son sacrifice pour notre salut, sa déposition au sépulcre. Le « troisième jour », ensuite, l’Eglise revit sa résurrection:  c’est la Pâque, le passage de Jésus de la mort à la vie, où s’accomplissent en plénitude les antiques prophéties. Toute la liturgie du temps de Pâques chante la certitude et la joie de la résurrection du Christ.

Chers frères et sœurs, nous devons constamment renouveler notre adhésion au Christ mort et ressuscité pour nous:  sa Pâque est aussi notre Pâque, parce que dans le Christ ressuscité nous est donnée la certitude de notre résurrection. La nouvelle de sa résurrection des morts ne vieillit pas et Jésus est toujours vivant et son Evangile est vivant. « La foi des chrétiens – observe saint Augustin – est la résurrection du Christ ». Les Actes des Apôtres l’expliquent clairement:  « Dieu a donné à tous les hommes une garantie sur Jésus en le ressuscitant des morts » (cf. 17, 31). En effet, sa mort n’était pas suffisante pour démontrer que Jésus est vraiment le Fils de Dieu, le Messie attendu. Au cours de l’histoire combien ont consacré leur vie à une cause qu’ils estimaient juste et sont morts! Et morts ils sont restés! La mort du Seigneur démontre l’immense amour avec lequel Il nous a aimés jusqu’à se sacrifier pour nous; mais seule sa résurrection est la « garantie », est la certitude que ce qu’Il affirme est la vérité qui vaut aussi pour nous, pour tous les temps. En le ressuscitant, le Père l’a glorifié. Saint Paul écrit ainsi dans la Lettre aux Romains:  « Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (10, 9).

Il est important de répéter cette vérité fondamentale de notre foi, dont la vérité historique est amplement documentée, même si aujourd’hui, comme par le passé, nombreux sont ceux qui, de diverses manières, la remettent en doute voire la nie. L’affaiblissement de la foi dans la résurrection du Christ fragilise par conséquent le témoignage des croyants. En effet, si, dans l’Eglise, la foi dans la résurrection vient à manquer, tout s’arrête, tout se défait. Au contraire, l’adhésion du cœur et de l’esprit au Christ mort et ressuscité change la vie et illumine toute l’existence des personnes et des peuples. N’est-ce donc pas la certitude que le Christ est ressuscité qui donne le courage, l’audace prophétique et la persévérance aux martyrs de tous les temps? N’est-ce pas la rencontre avec Jésus vivant qui convertit et qui fascine tant d’hommes et de femmes, qui depuis les origines du christianisme continuent à tout abandonner pour le suivre et mettre leur vie au service de l’Evangile? « Si le Christ n’est pas ressuscité, disait l’Apôtre Paul, vide alors est notre message, vide aussi votre foi » (1 Co 15, 14). Mais il est ressuscité!

L’annonce que nous réécoutons sans cesse ces derniers jours est précisément celle-ci:  Jésus est ressuscité, il est le Vivant et nous pouvons le rencontrer. Comme le rencontrèrent les femmes qui, au matin du troisième jour, après le jour du sabbat, s’étaient rendues au sépulcre; comme le rencontrèrent les disciples, surpris et bouleversés par ce que leur avait rapporté les femmes; comme le rencontrèrent beaucoup d’autres témoins dans les jours qui suivirent sa résurrection. Et, même après son Ascension, Jésus a continué à demeurer présent parmi ses amis comme du reste il l’avait promis:  « Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Le Seigneur est avec nous, avec son Eglise, jusqu’à la fin des temps. Eclairés par l’Esprit Saint, les membres de l’Eglise primitive ont commencé à proclamer l’annonce pascale ouvertement et sans peur. Et cette annonce, transmise de génération en génération, est arrivé jusqu’à nous et résonne chaque année à Pâques avec une puissance toujours nouvelle.

Tout particulièrement en cette octave de Pâques, la liturgie nous invite à rencontrer personnellement le Ressuscité et à reconnaître son action vivifiante dans les événements de l’histoire et de notre vie quotidienne. Aujourd’hui mercredi, par exemple, nous est reproposé l’épisode émouvant des deux disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35). Après la crucifixion de Jésus, plongés dans la tristesse et la déception, ils retournaient chez eux inconsolables. En chemin, ils parlaient entre eux de ce qui était advenu ces derniers jours à Jérusalem:  ce fut alors que Jésus s’approcha, se mit à parler avec eux et leur dispensa son enseignement:  « O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire? » (Lc 24, 25-26). En partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur expliqua à travers toutes les Ecritures ce qui faisait référence à lui. L’enseignement du Christ – l’explication des prophéties – fut pour les disciples d’Emmaüs comme une révélation inattendue, lumineuse et réconfortante. Jésus donnait une nouvelle clé de lecture de la Bible et tout apparaissait désormais avec clarté, orienté vers ce moment. Conquis par les paroles de ce voyageur inconnu, ils lui demandèrent de rester dîner. Celui-ci accepta et se mit à table avec eux. L’évangéliste Luc raconte:  « Et il advint, comme il était à table avec eux, qu’il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna » (Lc 24, 29-30). Et ce fut précisément à ce moment-là que s’ouvrirent les yeux des deux disciples et qu’ils le reconnurent, « mais il avait disparu de devant eux » (Lc 24, 31). Et ceux-ci emplis d’émerveillement et de joie, commentèrent:  « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures? » (Lc 24, 32).

Au cours de toute l’année liturgique, en particulier lors de la Semaine Sainte et de la Semaine de Pâques, le Seigneur est en chemin avec nous et nous explique les Ecritures, il nous fait comprendre ce mystère:  tout parle de Lui. Et cela devrait également réchauffer nos cœurs, afin que nos yeux aussi puissent s’ouvrir. Le Seigneur est avec nous, il nous montre la vraie voie. Comme les deux disciples reconnurent Jésus lorsqu’il rompit le pain, de même aujourd’hui, dans le partage du pain, nous reconnaissons sa présence. Les disciples d’Emmaüs le reconnurent et se rappelèrent les moments où Jésus avait rompu le pain. Et ce partage du pain nous fait penser précisément à la première Eucharistie célébrée dans le contexte de la Dernière Cène, où Jésus rompit le pain et annonça ainsi sa mort et sa résurrection, faisant don de lui-même aux disciples. Jésus rompt le pain avec nous également et pour nous, il est présent avec nous dans l’Eucharistie, il nous fait don de lui-même et ouvre nos cœurs. Dans l’Eucharistie, dans la rencontre avec sa Parole, nous pouvons nous aussi rencontrer et connaître Jésus, dans ce double banquet de la Parole et du Pain et du Vin consacrés. Chaque dimanche, la communauté revit ainsi la Pâque du Seigneur et reçoit du Sauveur son testament d’amour et de service fraternel. Chers frères et sœurs, la joie de ces derniers jours rend plus forte encore notre fidèle adhésion au Christ crucifié et ressuscité. Avant tout, laissons-nous conquérir par la fascination de sa résurrection. Que Marie nous aide à être des messagers de la lumière et de la joie de la Pâque pour tant de nos frères. Je vous souhaite encore à tous mes meilleurs vœux de Bonne Pâque.

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