Archive pour la catégorie 'CATÉCHÈSE DU MERCREDI'

Audience générale du 25 août : saint Augustin

25 août, 2010

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Audience générale du 25 août : saint Augustin

ROME, Mercredi 25 août 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, à Castel Gandolfo.

* * *

Chers frères et sœurs,

Dans la vie de chacun de nous, il y a des personnes très chères, que nous sentons particulièrement proches, certaines sont déjà dans les bras de Dieu, d’autres parcourent encore avec nous le chemin de la vie : ce sont nos parents, notre famille, les éducateurs ; ce sont des personnes auxquelles nous avons fait du bien ou dont nous avons reçu du bien ; ce sont des personnes sur lesquelles nous savons pouvoir compter. Il est important, cependant, d’avoir également des « compagnons de voyage » sur le chemin de notre vie chrétienne : je pense au directeur spirituel, au confesseur, à des personnes avec lesquelles on peut partager sa propre expérience de foi, mais je pense également à la Vierge Marie et aux saints. Chacun devrait avoir un saint qui lui soit familier, pour le sentir proche à travers la prière et l’intercession, mais également pour l’imiter. Je voudrais donc vous inviter à connaître davantage les saints, à commencer par celui dont vous portez le nom, en lisant sa vie, ses écrits. Soyez certains qu’ils deviendront de bons guides pour aimer encore davantage le Seigneur et des soutiens valables pour votre croissance humaine et chrétienne.

Comme vous le savez, je suis moi aussi lié de manière particulière à certaines figures de saints : parmi celles-ci, outre saint Joseph et saint Benoît dont je porte le nom, ainsi que d’autres, il y a saint Augustin, que j’ai eu le grand don de connaître de près, pour ainsi dire, à travers l’étude et la prière et qui est devenu un bon « compagnon de voyage » dans ma vie et dans mon ministère. Je voudrais souligner encore une fois un aspect important de son expérience humaine et chrétienne, également actuel à notre époque où il semble que le relativisme soit paradoxalement la « vérité » qui doit guider la pensée, les choix, les comportements.

Saint Augustin est un homme qui n’a jamais vécu de manière superficielle ; la soif, la recherche tourmentée et constante de la Vérité est l’une des caractéristiques de fond de son existence ; mais pas cependant des « pseudo-vérités » incapables d’apporter une paix durable dans le cœur, mais de cette Vérité qui donne un sens à l’existence et qui est « la demeure » dans laquelle le cœur trouve la sérénité et la joie. Son chemin, nous le savons, n’a pas été facile : il a pensé trouver la Vérité dans le prestige, dans la carrière, dans la possession des choses, dans les voix qui lui promettaient un bonheur immédiat ; il a commis des erreurs, il a traversé des moments de tristesse, il a affronté des échecs, mais il ne s’est jamais arrêté, il ne s’est jamais contenté de ce qui lui apportait seulement une étincelle de lumière ; il a su regarder au plus profond de lui-même et il s’est rendu compte, comme il l’écrit dans les « Confessions », que cette Vérité, ce Dieu qu’il cherchait de toutes ses forces était plus proche de lui que lui-même. Il avait toujours été à ses côtés, il ne l’avait jamais abandonné, il était dans l’attente de pouvoir entrer de manière définitive dans sa vie (cf. III, 6, 11 ; X, 27, 38). Comme je le disais en commentant le récent film sur sa vie, saint Augustin a compris, dans sa recherche tourmentée, que ce n’est pas lui qui a trouvé la Vérité, mais que c’est la vérité elle-même, qui est Dieu, qui l’a cherché et qui l’a trouvé (cf. L’Osservatore Romano, jeudi 4 septembre 2009, p. 8). Commentant un passage du troisième chapitre des Confessions, Romano Guardini affirme que saint Augustin comprit que Dieu est « gloire qui nous jette à genoux, boisson qui étanche la soif, trésor qui rend heureux, [...il eut] la certitude apaisante de celui qui a finalement compris, mais également la béatitude de l’amour qui sait : Cela est tout et me suffit » (Pensatori religiosi, Brescia 2001, p. 177).

Toujours dans les Confessions, au Livre neuf, notre saint rapporte une conversation avec sa mère, sainte Monique dont on célèbre la fête vendredi prochain, après-demain. C’est une très belle scène : sa mère et lui sont à Ostie, dans une auberge, et de la fenêtre ils voient le ciel et la mer, et ils transcendent le ciel et la mer, et pendant un moment ils touchent le cœur de Dieu dans le silence des créatures. Et ici apparaît une idée fondamentale dans le chemin vers la Vérité : les créatures doivent se taire si l’on veut qu’apparaisse le silence dans lequel Dieu peut parler. Cela reste vrai aussi à notre époque : on a parfois une sorte de crainte du silence, du recueillement, de penser à ses propres actions, au sens profond de sa propre vie, on préfère souvent ne vivre que le moment qui passe, en ayant l’illusion qu’il apportera un bonheur durable ; on préfère vivre, parce que cela semble plus facile, de manière superficielle, sans penser ; on a peur de chercher la Vérité ou on a peut-être peur que la Vérité nous trouve, nous saisisse et change notre vie, comme cela s’est produit pour saint Augustin.

Chers frères et sœurs, je voudrais dire à tous, même à ceux qui traversent un moment de difficulté dans leur chemin de foi, à ceux qui participent peu à la vie de l’Eglise ou à ceux qui vivent « comme si Dieu n’existait pas », de ne pas avoir peur de la Vérité, de ne jamais interrompre le chemin vers celle-ci, de ne jamais cesser de rechercher la vérité profonde sur soi-même et sur les choses avec l’œil intérieur du cœur. Dieu ne manquera pas de nous donner la Lumière pour nous faire voir et la Chaleur pour faire sentir à notre cœur qu’il nous aime et qu’il désire être aimé.

Que l’intercession de la Vierge Marie, de saint Augustin et de sainte Monique nous accompagne sur ce chemin.

A l’issue de l’audience générale, le pape s’est adressé aux pèlerins en différentes langues. Voici ce qu’il a dit en français :

Je suis heureux de vous recevoir ce matin, chers pèlerins de langue française ! Je salue particulièrement le groupe œcuménique d’Athènes et les religieuses de l’Immaculée Conception de Castres. Que les saints qui vous sont les plus familiers, comme ceux dont vous portez le nom, soient pour vous des guides pour aimer toujours plus le Seigneur et des aides dans votre croissance humaine et spirituelle !

Traduction : Zenit

Audience générale du 7 juillet : Duns Scot

8 juillet, 2010

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http://www.zenit.org/article-24928?l=french

Audience générale du 7 juillet : Duns Scot

Texte intégral

ROME, Mercredi 7 juillet 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, salle Paul VI.

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Chers frères et sœurs,

Ce matin – après plusieurs catéchèses sur plusieurs grands théologiens – je veux vous présenter une autre figure importante dans l’histoire de la théologie : il s’agit du bienheureux Jean Duns Scot, qui vécut à la fin du XIIIe siècle. Une antique inscription sur sa tombe résume les points de référence géographiques de sa biographie : « L’Angleterre l’accueillit ; la France l’instruisit ; Cologne, en Allemagne, en conserve la dépouille ; c’est en Ecosse qu’il naquit ». Nous ne pouvons pas négliger ces informations, notamment parce que nous possédons très peu d’éléments sur la vie de Duns Scot. Il naquit probablement en 1266 dans un village qui s’appelait précisément Duns, non loin d’Edimbourg. Attiré par la charisme de saint François d’Assise, il entra dans la Famille des Frères mineurs, et en 1291, il fut ordonné prêtre. Doué d’une intelligence brillante et porté à la spéculation – cette intelligence qui lui valut de la tradition le titre de Doctor subtilis, « Docteur subtil » – Duns Scot fut dirigé vers des études de philosophie et de théologie auprès des célèbres universités d’Oxford et de Paris. Après avoir conclu avec succès sa formation, il entreprit l’enseignement de la théologie dans les universités d’Oxford et de Cambridge, puis de Paris, en commençant à commenter, comme tous les Maîtres de ce temps, les Sentences de Pierre Lombard. Les principales œuvres de Duns Scot représentent précisément le fruit mûr de ces leçons, et prennent le titre des lieux où il les professa : Opus Oxoniense (Oxford), Reportatio Cambrigensis (Cambridge), Reportata Parisiensia (Paris). Lorsqu’un grave conflit éclata entre le roi Philippe IV le Bel et le Pape Boniface VIII, Duns Scot s’éloigna de Paris et préféra l’exil volontaire, plutôt que de signer un document hostile au Souverain Pontife, ainsi que le roi l’avait imposé à tous les religieux. De cette manière – par amour pour le Siège de Pierre -, avec les Frères franciscains, il quitta le pays.

Chers frères et sœurs, ce fait nous invite à rappeler combien de fois, dans l’histoire de l’Eglise, les croyants ont rencontré l’hostilité et même subi des persécutions à cause de leur fidélité et de leur dévotion à l’égard du Christ, de l’Eglise et du Pape. Nous tous regardons avec admiration ces chrétiens qui nous enseignent à conserver comme un bien précieux la foi dans le Christ et la communion avec le Successeur de Pierre et, ainsi, avec l’Eglise universelle.

Toutefois, les rapports entre le roi de France et le successeur de Boniface VIII redevinrent rapidement des rapports d’amitié, et en 1305 Duns Scot put rentrer à Paris pour y enseigner la théologie sous le titre de Magister regens, nous dirions aujourd’hui professeur titulaire. Par la suite, ses supérieurs l’envoyèrent à Cologne comme professeur du Studium de théologie franciscain, mais il mourut le 8 novembre 1308, à 43 ans à peine, laissant toutefois un nombre d’œuvres important.

En raison de la renommée de sainteté dont il jouissait, son culte se diffusa rapidement dans l’Ordre franciscain et le vénérable Pape Jean-Paul II voulut le confirmer solennellement bienheureux le 20 mars 1993, en le définissant « Chantre du Verbe incarné et défenseur de l’Immaculée Conception ». Dans cette expression se trouve synthétisée la grande contribution que Duns Scot a offerte à l’histoire de la théologie.

Il a avant tout médité sur le Mystère de l’Incarnation et, à la différence de beaucoup de penseurs chrétiens de l’époque, il a soutenu que le Fils de Dieu se serait fait homme même si l’humanité n’avait pas péché. Il affirme dans la « Reportata Parisiensa » : « Penser que Dieu aurait renoncé à une telle œuvre si Adam n’avait pas péché ne serait absolument pas raisonnable ! Je dis donc que la chute n’a pas été la cause de la prédestination du Christ et que – même si personne n’avait chuté, ni l’ange ni l’homme – dans cette hypothèse le Christ aurait été encore prédestiné de la même manière » (in III Sent., d. 7, 4). Cette pensée, peut-être un peu surprenante, naît parce que pour Duns Scot, l’Incarnation du Fils de Dieu, projetée depuis l’éternité par Dieu le Père dans son plan d’amour, est l’accomplissement de la création, et rend possible à toute créature, dans le Christ et par son intermédiaire, d’être comblée de grâce, et de rendre grâce et gloire à Dieu dans l’éternité. Même s’il est conscient qu’en réalité, à cause du péché originel, le Christ nous a rachetés à travers sa Passion, sa Mort et sa Résurrection, Duns Scot réaffirme que l’Incarnation est l’œuvre la plus grande et la plus belle de toute l’histoire du salut, et qu’elle n’est conditionnée par aucun fait contingent, mais qu’elle est l’idée originelle de Dieu d’unir en fin de compte toute la création à lui-même dans la personne et dans la chair du Fils.

Fidèle disciple de saint François, Duns Scot aimait contempler et prêcher le Mystère de la Passion salvifique du Christ, expression de l’amour immense de Dieu, qui communique avec une très grande générosité en dehors de lui les rayons de sa bonté et de son amour (cf. Tractatus de primo principio, c. 4). Et cet amour ne se révèle pas seulement sur le Calvaire, mais également dans la Très Sainte Eucharistie, dont Duns Scot était très dévot et qu’il voyait comme le sacrement de la présence réelle de Jésus et comme le sacrement de l’unité et de la communion qui conduit à nous aimer les uns les autres et à aimer Dieu comme le Bien commun suprême (cf. Reportata Parisiensa, in IV Sent., d. 8, q. 1, n. 3).

Chers frères et sœurs, cette vision théologique, fortement « christocentrique », nous ouvre à la contemplation, à l’émerveillement et à la gratitude : le Christ est le centre de l’histoire et de l’univers, il est Celui qui donne un sens, une dignité et une valeur à notre vie ! Comme le Pape Paul VI à Manille, je voudrais moi aussi aujourd’hui crier au monde : « [Le Christ] est celui qui nous a révélés le Dieu invisible, il est le premier né de toute créature, il est le fondement de toute chose ; Il est le Maître de l’humanité et le rédempteur ; Il est né, il est mort, il est ressuscité pour nous ; Il est le centre de l’histoire et du monde ; Il est Celui qui nous connaît et qui nous aime ; Il est le compagnon et l’ami de notre vie… Je n’en finirais plus de parler de Lui » (Homélie, 29 novembre 1970).

Non seulement le rôle du Christ dans l’histoire du salut, mais également celui de Marie, est l’objet de la réflexion du Doctor subtilis. A l’époque de Duns Scot, la majorité des théologiens opposait une objection, qui semblait insurmontable, à la doctrine selon laquelle la très Sainte Vierge Marie fut préservée du péché originel dès le premier instant de sa conception : en effet, l’universalité de la Rédemption opérée par le Christ, à première vue, pouvait apparaître compromise par une telle affirmation, comme si Marie n’avait pas eu besoin du Christ et de sa rédemption. C’est pourquoi les théologiens s’opposaient à cette thèse. Alors, Duns Scot, pour faire comprendre cette préservation du péché originel, développa un argument qui sera ensuite adopté également par le Pape Pie IX en 1854, lorsqu’il définit solennellement le dogme de l’Immaculée Conception de Marie. Et cet argument est celui de la « Rédemption préventive », selon laquelle l’Immaculée Conception représente le chef d’œuvre de la Rédemption opérée par le Christ, parce que précisément la puissance de son amour et de sa médiation a fait que sa Mère soit préservée du péché originel. Marie est donc totalement rachetée par le Christ, mais avant même sa conception. Les Franciscains, ses confrères, accueillirent et diffusèrent avec enthousiasme cette doctrine, et d’autres théologiens – souvent à travers un serment solennel – s’engagèrent à la défendre et à la perfectionner.

A cet égard, je voudrais mettre en évidence un fait qui me paraît très important. Des théologiens de grande valeur, comme Duns Scot en ce qui concerne la doctrine sur l’Immaculée Conception, ont enrichi de la contribution spécifique de leur pensée ce que le Peuple de Dieu croyait déjà spontanément sur la Bienheureuse Vierge, et manifestait dans les actes de piété, dans les expressions artistiques et, en général, dans le vécu chrétien. Ainsi, la foi tant dans l’Immaculée Conception que dans l’Assomption corporelle de la Vierge, était déjà présente dans le Peuple de Dieu, tandis que la théologie n’avait pas encore trouvé la clé pour l’interpréter dans la totalité de la doctrine de la foi. Le Peuple de Dieu précède donc les théologiens, et tout cela grâce au sensus fidei surnaturel, c’est-à-dire à la capacité dispensée par l’Esprit Saint, qui permet d’embrasser la réalité de la foi, avec l’humilité du cœur et de l’esprit. Dans ce sens, le Peuple de Dieu est un « magistère qui précède », et qui doit être ensuite approfondi et accueilli intellectuellement par la théologie. Puissent les théologiens se placer toujours à l’écoute de cette source de la foi et conserver l’humilité et la simplicité des petits ! Je l’avais rappelé il y a quelques mois en disant : « Il y a de grands sages, de grands spécialistes, de grands théologiens, des maîtres de la foi, qui nous ont enseigné de nombreuses choses. Ils ont pénétré dans les détails de l’Ecriture Sainte, [...] mais ils n’ont pas pu voir le mystère lui-même, le véritable noyau [...] L’essentiel est resté caché ! [...] En revanche, il y a aussi à notre époque des petits qui ont connu ce mystère. Nous pensons à sainte Bernadette Soubirous ; à sainte Thérèse de Lisieux, avec sa nouvelle lecture de la Bible « non scientifique », mais qui entre dans le cœur de l’Ecriture Sainte » (Homélie lors de la Messe avec les membres de la Commission théologique internationale, 1er décembre 2009).

Enfin, Duns Scot a développé un point à l’égard duquel la modernité est très sensible. Il s’agit du thème de la liberté et de son rapport avec la volonté et avec l’intellect. Notre auteur souligne la liberté comme qualité fondamentale de la volonté, en commençant par un raisonnement à tendance volontariste, qui se développa en opposition avec ce qu’on appelle l’intellectualisme augustinien et thomiste. Pour saint Thomas d’Aquin, qui suit saint Augustin, la liberté ne peut pas être considérée comme une qualité innée de la volonté, mais comme le fruit de la collaboration de la volonté et de l’intellect. Une idée de la liberté innée et absolue située dans la volonté qui précède l’intellect, que ce soit en Dieu ou dans l’homme, risque en effet de conduire à l’idée d’un Dieu qui ne ne serait même pas lié à la vérité et au bien. Le désir de sauver la transcendance absolue et la différence de Dieu par une accentuation aussi radicale et impénétrable de sa volonté ne tient pas compte du fait que le Dieu qui s’est révélé en Christ est le Dieu « logos », qui a agi et qui agit, rempli d’amour envers nous. Assurément, comme l’affirme Duns Scot dans le sillage de la théologie franciscaine, l’amour dépasse la connaissance et est toujours en mesure de percevoir davantage que la pensée, mais c’est toujours l’amour du Dieu « logos » (cf. Benoît XVI, Discours à Ratisbonne, Insegnamenti di Benedetto XVI, II [2006], p. 261). Dans l’homme aussi, l’idée de liberté absolue, située dans sa volonté, en oubliant le lien avec la vérité, ignore que la liberté elle-même doit être libérée des limites qui lui viennent du péché.

En m’adressant aux séminaristes romains – l’année dernière – je rappelais que « la liberté, à toutes les époques, a été le grand rêve de l’humanité, mais en particulier à l’époque moderne » (Discours au séminaire pontifical romain, 20 février 2009). Mais c’est précisément l’histoire moderne, outre notre expérience quotidienne, qui nous enseigne que la liberté n’est authentique et n’aide à la construction d’une civilisation vraiment humaine que lorsqu’elle est vraiment réconciliée avec la vérité. Si elle est détachée de la vérité, la liberté devient tragiquement un principe de destruction de l’harmonie intérieure de la personne humaine, source de la prévarication des plus forts et des violents, et cause de souffrance et de deuils. La liberté, comme toutes les facultés dont l’homme est doté, croît et se perfectionne, affirme Duns Scot, lorsque l’homme s’ouvre à Dieu, en valorisant cette disposition à l’écoute de sa voix, qu’il appelle potentia oboedientialis : quand nous nous mettons à l’écoute de la Révélation divine, de la Parole de Dieu, pour l’accueillir, alors nous sommes atteints par un message qui remplit notre vie de lumière et d’espérance et nous sommes vraiment libres.

Chers frères et sœurs, le bienheureux Duns Scot nous enseigne que dans notre vie, l’essentiel est de croire que Dieu est proche de nous et nous aime en Jésus Christ, et donc de cultiver un profond amour pour lui et son Eglise. Nous sommes les témoins de cet amour sur cette terre. Que la Très Sainte Vierge Marie nous aide à recevoir cet amour infini de Dieu dont nous jouirons pleinement pour l’éternité dans le Ciel, lorsque finalement notre âme sera unie pour toujours à Dieu, dans la communion des saints.

Puis le pape s’est adressé aux pèlerins dans différentes langues. Voici ce qu’il a dit en français :

Né vers 1266 en Ecosse, le Bienheureux Jean Duns Scot, chers pèlerins francophones, embrassa le charisme franciscain. « Chantre du Verbe incarné », celui qui sera appelé le Docteur subtile, soutient que l’Incarnation du Logos est l’œuvre la plus grande et la plus belle de toute l’histoire du salut. Elle est la révélation de l’éternel amour divin qui se manifeste aussi dans le Mystère de la Passion salvifique et dans le Saint Sacrement. Centre de l’histoire et du cosmos, le Christ donne sens, dignité et valeur à notre vie. Par sa doctrine de la « Rédemption préventive », Duns Scot affirme que l’Immaculée Conception, dont il est le « défenseur », est le chef-d’œuvre de la Rédemption opérée par le Christ. Il nous interpelle aussi, aujourd’hui, sur le sens de la liberté. Détachée de la vérité, la liberté détruit l’harmonie intérieure de la personne humaine et engendre la souffrance. Elle se perfectionne quand l’homme s’ouvre à Dieu, accueille sa Parole et se met à l’écoute de la Révélation. Chers frères et sœurs, la profondeur de la pensée de Duns Scot provient de son humilité et de la contemplation des saints mystères. Puissions-nous considérer la communion avec Dieu, avec le Successeur de Pierre et avec l’Eglise universelle comme un bien précieux. Que la Vierge Immaculée nous y aide !

J’accueille avec joie les pèlerins francophones, surtout les jeunes. Je vous exhorte, chers collégiens, lycéens et servants d’autel, à faire croître votre amour pour le Saint Sacrement et pour la Vierge Immaculée. Puissiez-vous aussi vous laisser guider par l’Esprit Saint pour témoigner joyeusement et librement des vérités de la foi chrétienne ! N’ayez pas honte de votre foi et soyez fiers d’être catholiques ! Bon pèlerinage et bonnes vacances !

Audience générale du 2 juin : saint Thomas d´Aquin

2 juin, 2010

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Audience générale du 2 juin : saint Thomas d´Aquin

Texte intégral

ROME, Mercredi 2 juin 2010 (ZENIT.org ) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs,

Après quelques catéchèses sur le sacerdoce et mes derniers voyages, nous revenons aujourd’hui à notre thème principal, c’est-à-dire la méditation de certains grands penseurs du Moyen-Age. Nous avions vu dernièrement la grande figure de saint Bonaventure, franciscain, et je voudrais aujourd’hui parler de celui que l’Eglise appelle le Doctor communis : c’est-à-dire saint Thomas d’Aquin. Mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, dans son encyclique Fides et ratio, a rappelé que saint Thomas « a toujours été proposé à juste titre par l’Eglise comme un maître de pensée et le modèle d’une façon correcte de faire de la théologie » (n. 43). Il n’est donc pas surprenant que, après saint Augustin, parmi les écrivains ecclésiastiques mentionnés dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, saint Thomas soit cité plus que tout autre, pas moins de soixante et une fois ! Il a également été appelé Doctor Angelicus, sans doute en raison de ses vertus, en particulier le caractère sublime de sa pensée et la pureté de sa vie.

Thomas naquit entre 1224 et 1225 dans le château que sa famille, noble et riche, possédait à Roccasecca, près d’Aquin, à côté de la célèbre abbaye du Mont Cassin, où il fut envoyé par ses parents pour recevoir les premiers éléments de son instruction. Quelques années plus tard, il se rendit dans la capitale du Royaume de Sicile, Naples, où Frédéric II avait fondé une prestigieuse Université. On y enseignait, sans les limitations imposées ailleurs, la pensée du philosophe grec Aristote, auquel le jeune Thomas fut introduit, et dont il comprit immédiatement la grande valeur. Mais surtout, c’est au cours de ces années passées à Naples, que naquit sa vocation dominicaine. Thomas fut en effet attiré par l’idéal de l’Ordre fondé quelques années auparavant par saint Dominique. Toutefois, lorsqu’il revêtit l’habit dominicain, sa famille s’opposa à ce choix, et il fut contraint de quitter le couvent et de passer un certain temps auprès de sa famille.

En 1245, désormais majeur, il put reprendre son chemin de réponse à l’appel de Dieu. Il fut envoyé à Paris pour étudier la théologie sous la direction d’un autre saint, Albert le Grand, dont j’ai récemment parlé. Albert et Thomas nouèrent une véritable et profonde amitié, et apprirent à s’estimer et à s’aimer, au point qu’Albert voulut que son disciple le suivît également à Cologne, où il avait été envoyé par les Supérieurs de l’Ordre pour fonder une école de théologie. Thomas se familiarisa alors avec toutes les œuvres d’Aristote et de ses commentateurs arabes, qu’Albert illustrait et expliquait.

A cette époque, la culture du monde latin avait été profondément stimulée par la rencontre avec les œuvres d’Aristote, qui étaient demeurées longtemps inconnues. Il s’agissait d’écrits sur la nature de la connaissance, sur les sciences naturelles, sur la métaphysique, sur l’âme et sur l’éthique, riches d’informations et d’intuitions, qui apparaissaient de grande valeur et convaincants. Il s’agissait d’une vision complète du monde, développée sans et avant le Christ, à travers la raison pure, et elle semblait s’imposer à la raison comme « la » vision elle-même : c’était donc une incroyable attraction pour les jeunes de voir et de connaître cette philosophie. De nombreuses personnes accueillirent avec enthousiasme, et même avec un enthousiasme acritique, cet immense bagage de savoir antique, qui semblait pouvoir renouveler avantageusement la culture, ouvrir des horizons entièrement nouveaux. D’autres, toutefois, craignaient que la pensée païenne d’Aristote fût en opposition avec la foi chrétienne, et se refusaient de l’étudier. Deux cultures se rencontrèrent : la culture pré-chrétienne d’Aristote, avec sa rationalité radicale, et la culture chrétienne classique. Certains milieux étaient conduits à rejeter Aristote également en raison de la présentation qui était faite de ce philosophe par les commentateurs arabes Avicenne et Averroès. En effet, c’était eux qui avaient transmis la philosophie d’Aristote au monde latin. Par exemple, ces commentateurs avaient enseigné que les hommes ne disposaient pas d’une intelligence personnelle, mais qu’il existe un unique esprit universel, une substance spirituelle commune à tous, qui œuvre en tous comme « unique » : par conséquent, une dépersonnalisation de l’homme. Un autre point discutable véhiculé par les commentateurs arabes était celui selon lequel le monde est éternel comme Dieu. De façon compréhensible, des discussions sans fin se déchaînèrent dans le monde universitaire et dans le monde ecclésiastique. La philosophie d’Aristote se diffusait même parmi les gens ordinaires.

A l’école d’Albert le Grand, Thomas d’Aquin fit une chose d’une importance fondamentale pour l’histoire de la philosophie et de la théologie, je dirais même pour l’histoire de la culture : il étudia à fond Aristote et ses interprètes, se procurant de nouvelles traductions latines des textes originaux en grec. Ainsi, il ne s’appuyait plus seulement sur les commentateurs arabes, mais il pouvait également lire personnellement les textes originaux, et commenta une grande partie des œuvres d’Aristote, en y distinguant ce qui était juste de ce qui était sujet au doute ou devant même être entièrement rejeté, en montrant la correspondance avec les données de la Révélation chrétienne et en faisant un usage ample et précis de la pensée d’Aristote dans l’exposition des écrits théologiques qu’il composa. En définitive, Thomas d’Aquin démontra qu’entre foi chrétienne et raison, subsiste une harmonie naturelle. Et ceci a été la grande œuvre de Thomas qui, à cette époque de conflit entre deux cultures – époque où il semblait que la foi devait capituler face à la raison – a montré que les deux vont de pair, que ce qui apparaissait comme de la raison non compatible avec la foi n’était pas raison, et que ce qui apparaissait comme de la foi ne l’était pas, si elle s’opposait à la véritable rationalité ; il a ainsi créé une nouvelle synthèse, qui a formé la culture des siècles qui ont suivi.

En raison de ses excellentes capacités intellectuelles, Thomas fut rappelé à Paris comme professeur de théologie sur la chaire dominicaine. C’est là aussi que débuta sa production littéraire, qui se poursuivit jusqu’à sa mort, et qui tient du prodige : commentaires des Saintes Ecritures, parce que le professeur de théologie était surtout un interprète de l’Ecriture, commentaires des écrits d’Aristote, œuvres systématiques volumineuses, parmi elles l’excellente Summa Theologiae, traités et discours sur divers sujets. Pour la composition de ses écrits, il était aidé par des secrétaires, au nombre desquels Réginald de Piperno, qui le suivit fidèlement et auquel il fut lié par une amitié sincère et fraternelle, caractérisée par une grande proximité et confiance. C’est là une caractéristique des saints : ils cultivent l’amitié, parce qu’elle est une des manifestations les plus nobles du cœur humain et elle a quelque chose de divin, comme Thomas l’a lui-même expliqué dans certaines quaestiones de la Summa Theologiae, où il écrit : « La charité est l’amitié de l’homme avec Dieu principalement, et avec les êtres qui lui appartiennent » (II, q. 23, a. 1).

Il ne demeura pas longtemps ni de façon stable à Paris. En 1259, il participa au Chapitre général des Dominicains à Valenciennes où il fut membre d’une commission qui établit le programme des études dans l’Ordre. De 1261 à 1265, ensuite, Thomas était à Orvieto. Le pape Urbain IV, qui avait pour lui une grande estime, lui commanda la composition de textes liturgiques pour la fête du Corpus Domini, qui nous célébrons demain, instituée suite au miracle eucharistique de Bolsena. Thomas eut une âme d’une grande sensibilité eucharistique. Les très beaux hymnes que la liturgie de l’Eglise chante pour célébrer le mystère de la présence réelle du Corps et du Sang du Seigneur dans l’Eucharistie sont attribués à sa foi et à sa sagesse théologique. De 1265 à 1268 Thomas résida à Rome où, probablement, il dirigeait un Studium, c’est-à-dire une maison d’étude de l’Ordre, et où il commença à écrire sa Summa Theologiae (cf. Jean-Pierre Torell, Thomas d’Aquin. L’homme et le théologien, Casale Monf., 1994).

En 1269 il fut rappelé à Paris pour un second cycle d’enseignement. Les étudiants – on les comprend – étaient enthousiastes de ses leçons. L’un de ses anciens élèves déclara qu’une très grande foule d’étudiants suivaient les cours de Thomas, au point que les salles parvenaient à peine à tous les contenir et il ajoutait dans une remarque personnelle que « l’écouter était pour lui un profond bonheur ». L’interprétation d’Aristote donnée par Thomas n’était pas acceptée par tous, mais même ses adversaires dans le domaine académique, comme Godefroid de Fontaines, par exemple, admettaient que la doctrine du frère Thomas était supérieure à d’autres par son utilité et sa valeur et permettait de corriger celles de tous les autres docteurs. Peut-être aussi pour le soustraire aux vives discussions en cours, ses supérieurs l’envoyèrent encore une fois à Naples, pour être à mis à la disposition du roi Charles Ier, qui entendait réorganiser les études universitaires.

Outre les études et l’enseignement, Thomas se consacra également à la prédication au peuple. Et le peuple aussi venait volontiers l’écouter. Je dirais que c’est vraiment une grande grâce lorsque les théologiens savent parler avec simplicité et ferveur aux fidèles. Le ministère de la prédication, d’autre part, aide à son tour les chercheurs en théologie à faire preuve d’un sain réalisme pastoral, et enrichit leur recherche de vifs élans.

Les derniers mois de la vie terrestre de Thomas restent entourés d’un climat particulier, mystérieux dirais-je. En décembre 1273, il appela son ami et secrétaire Réginald pour lui communiquer sa décision d’interrompre tout travail, parce que, pendant la célébration de la messe, il avait compris, suite à une révélation surnaturelle, que tout ce qu’il avait écrit jusqu’alors n’était qu’« un tas de paille ». C’est un épisode mystérieux, qui nous aide à comprendre non seulement l’humilité personnelle de Thomas, mais aussi le fait que tout ce que nous réussissons à penser et à dire sur la foi, aussi élevé et pur que ce soit, est infiniment dépassé par la grandeur et par la beauté de Dieu, qui nous sera révélée en plénitude au Paradis. Quelques mois plus tard, absorbé toujours davantage dans une profonde méditation, Thomas mourut alors qu’il était en route vers Lyon, où il se rendait pour prendre part au Concile œcuménique convoqué par le pape Grégoire X. Il s’éteignit dans l’Abbaye cistercienne de Fossanova, après avoir reçu le Viatique avec des sentiments de grande piété.

La vie et l’enseignement de saint Thomas d’Aquin pourrait être résumés dans un épisode rapporté par les anciens biographes. Tandis que le saint, comme il en avait l’habitude, était en prière devant le crucifix, tôt le matin dans la chapelle « San Nicola » à Naples, Domenico da Caserta, le sacristain de l’Eglise, entendit un dialogue. Thomas demandait inquiet, si ce qu’il avait écrit sur les mystères de la foi chrétienne était juste. Et le Crucifié répondit : « Tu as bien parlé de moi, Thomas. Quelle sera ta récompense ? ». Et la réponse que Thomas donna est celle que nous aussi, amis et disciples de Jésus, nous voudrions toujours lui dire : « Rien d’autre que Toi, Seigneur ! » (Ibid., p. 320).

Puis le pape s’est adressé aux pèlerins dans différentes langues. Voici ce qu’il a dit en français :

Sœurs et frères, je poursuis ma catéchèse sur les grands théologiens du Moyen-âge. Surnommé le Docteur Angélique à cause de la sublimité de sa pensée et de la pureté de sa vie, Thomas est né vers 1224 à Aquin, près du Mont Cassin. Désireux très tôt d’embrasser l’idéal dominicain, il connut l’opposition de sa famille. Une fois majeur, il se mit sous la conduite de Saint Albert le Grand qui devint son maître et son grand ami. En étudiant Aristote, il démontra l’harmonie naturelle entre la foi chrétienne et la raison. Il enseigna la dogmatique à Paris, qui vit le début de sa prodigieuse production littéraire qui culmine dans la Summa Theologiae, la Somme théologique avec ses célèbres quaestiones. Pour Thomas, la charité est principalement l’amitié de l’homme pour Dieu, et pour les êtres qui lui appartiennent. Il composa aussi des hymnes liturgiques au Saint Sacrement. Sa grande humilité l’entraînait à considérer la grandeur et la beauté de Dieu infiniment supérieures à toute pensée sur la foi. Il encouragea les prédicateurs à parler avec simplicité et ferveur. Préoccupé jusqu’à la fin par la justesse de sa doctrine, Thomas eut un dialogue émouvant avec le Crucifié qui lui dit : « Tu as bien parlé de moi, Thomas ! Quelle sera ta récompense ? », le Saint répondit d’une manière exemplaire pour nous tous : « rien d’autre que toi, Seigneur » !

Je confie à votre prière, chers pèlerins francophones, mon Voyage Apostolique à Chypre et tous les Chrétiens du Moyen Orient. Priez aussi pour les prêtres et les séminaristes. Puisse le Seigneur Jésus vous accompagner dans votre vie ! Que Dieu vous bénisse !

APPEL DE BENOIT XVI

C’est avec une anxiété profonde que je suis les événements tragiques survenus près de la Bande de Gaza. Je ressens le besoin d’exprimer mes sincères condoléances pour les victimes de ces événements très douloureux qui préoccupent ceux qui ont à cœur la paix dans la région. Je répète une fois encore, du fond du cœur, que la violence ne résout pas les conflits, mais en attise les conséquences dramatiques et engendre une autre violence. Je lance un appel à ceux qui ont des responsabilités politiques au niveau local et international afin qu’ils recherchent sans cesse des solutions justes par le dialogue, de façon à garantir aux populations de la région des conditions de vie meilleures, dans la concorde et la sérénité. Je vous invite à vous unir à moi dans la prière pour les victimes, pour leurs familles et ceux qui souffrent. Que le Seigneur soutienne les efforts de ceux qui ne se lassent pas de travailler à la réconciliation et à la paix.

 

Audience générale du 5 mai 2010 : le devoir des prêtres est de sanctifier

6 mai, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24310?l=french

Audience générale du 5 mai 2010  : le devoir des prêtres est de sanctifier

Texte intégral

ROME, Mercredi 5 mai 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs,
Dimanche dernier, au cours de ma visite pastorale à Turin, j’ai eu la joie de m’arrêter pour prier devant le Saint-Suaire, en m’unissant aux plus de deux millions de pèlerins qui ont pu le contempler au cours de l’Ostension solennelle de ces jours-ci. Ce Linceul saint peut nourrir et alimenter la foi et renforcer la piété chrétienne, car il pousse à aller vers le Visage du Christ, vers le Corps du Christ crucifié et ressuscité, à contempler le Mystère pascal, centre du Message chrétien. Chers frères et sœurs, nous sommes des membres vivants du Corps du Christ ressuscité, vivant et agissant dans l’histoire (cf. Rm 12, 5), chacun selon notre propre fonction, c’est-à-dire avec le devoir que le Seigneur a voulu nous confier. Aujourd’hui, dans cette catéchèse, je voudrais revenir aux devoirs spécifiques des prêtres qui, selon la tradition, sont essentiellement au nombre de trois : enseigner, sanctifier et gouverner. Dans l’une des catéchèses précédentes, j’ai parlé de la première de ces trois missions : l’enseignement, l’annonce de la vérité, l’annonce du Dieu révélé dans le Christ, ou – en d’autres termes – le devoir prophétique de mettre l’homme en contact avec la vérité, de l’aider à connaître l’essentiel de sa vie, de la réalité elle-même.

Aujourd’hui, je voudrais m’arrêter brièvement avec vous sur le deuxième devoir du prêtre, celui de sanctifier les hommes, en particulier à travers les sacrements et le culte de l’Eglise. Ici, nous devons nous demander avant tout : que signifie le mot : « saint » ? La réponse est : « saint » est la qualité spécifique de l’être de Dieu, c’est-à-dire la vérité, la bonté, l’amour, la beauté absolus – la lumière pure. Sanctifier une personne signifie donc la mettre en contact avec Dieu, avec son être de lumière, de vérité, d’amour pur. Il est évident que ce contact transforme la personne. Dans l’Antiquité, il existait cette ferme conviction : personne ne peut voir Dieu sans mourir aussitôt. La force de vérité et de lumière est trop grande ! Si l’homme touche ce courant absolu, il ne survit pas. D’autre part, il existait également la conviction suivante : sans aucun contact avec Dieu, l’homme ne peut vivre. Vérité, bonté, amour sont les conditions fondamentales de son être. La question est : comment l’homme peut-il trouver ce contact avec Dieu, qui est fondamental, sans mourir écrasé par la grandeur de l’être divin? La foi de l’Eglise nous dit que Dieu lui-même crée ce contact, qui nous transforme au fur et à mesure en images véritables de Dieu.

Ainsi, nous sommes de nouveau parvenus au devoir du prêtre de « sanctifier ». Aucun homme ne peut seul et avec ses propres forces mettre l’autre en contact avec Dieu. Une partie essentielle de la grâce du sacerdoce est le don, le devoir de créer ce contact. Cela se réalise dans l’annonce de la parole de Dieu, dans laquelle sa lumière vient à notre rencontre. Cela se réalise de façon particulièrement dense dans les sacrements. L’immersion dans le mystère pascal de mort et de résurrection du Christ a lieu dans le Baptême, et est renforcée dans la Confirmation et dans la réconciliation, et elle est nourrie par l’Eucharistie, sacrement qui édifie l’Eglise comme Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple de l’Esprit Saint (cf. Jean-Paul II, Exhort. past. Pastores gregis, n. 32). C’est donc le Christ lui-même qui rend saints, c’est-à-dire qui nous attire dans la sphère de Dieu. Mais comme acte de son infinie miséricorde, il appelle certaines personnes à « demeurer » avec Lui (cf. Mc 3, 14) et à participer, à travers le sacrement de l’Ordre, en dépit de la pauvreté humaine, à son Sacerdoce même, à devenir ministres de cette sanctification, dispensateurs de ses mystères, « ponts » de la rencontre avec Lui, de sa médiation entre Dieu et les hommes et entre les hommes et Dieu (cf. PO n. 5).

Au cours des dernières décennies, certaines tendances ont conduit à faire prévaloir, dans l’identité et la mission du prêtre, la dimension de l’annonce, en la détachant de celle de la sanctification ; on a souvent dit qu’il faudrait dépasser une pastorale purement sacramentelle. Mais est-il possible d’exercer authentiquement le ministère sacerdotal « en dépassant » la pastorale sacramentelle ? Qu’est-ce que cela signifie précisément pour les prêtres d’évangéliser, en quoi consiste ce que l’on appelle le primat de l’annonce ? Comme le rapportent les Evangiles, Jésus affirme que l’annonce du Royaume de Dieu est le but de sa mission ; cette annonce, toutefois, n’est pas seulement un « discours », mais elle inclut en même temps, sa propre action ; les signes, les miracles que Jésus accomplit indiquent que le Royaume vient comme une réalité présente et que celle-ci coïncide en fin de compte avec sa propre personne, avec le don de soi, comme nous l’avons entendu aujourd’hui dans la lecture de l’Evangile. Et il en est de même pour le ministre ordonné : celui-ci, le prêtre, représente le Christ, l’Envoyé du Père, il en continue sa mission, à travers la « parole » et le « sacrement », dans cette totalité de corps et d’âme, de signe et de parole. Saint Augustin, dans une lettre à l’évêque Honoré de Tiabe, en se référant aux prêtres, affirme : « Que les serviteurs du Christ, les ministres de Sa parole et de Son sacrement fassent donc ce qu’il commanda ou permit » (Epist. 228, 2). Il faut réfléchir si, dans certains cas, avoir sous-évalué l’exercice fidèle du munus sanctificandi, n’a pas représenté un affaiblissement de la foi elle-même dans l’efficacité salvifique des sacrements et, en définitive, dans l’œuvre actuelle du Christ et de son Esprit, à travers l’Eglise, dans le monde.

Qui donc sauve le monde et l’homme ? La seule réponse que nous pouvons donner est : Jésus de Nazareth, Seigneur et Christ, crucifié et ressuscité. Et où s’actualise le Mystère de la mort et de la résurrection du Christ, qui porte le salut ? Dans l’action du Christ par l’intermédiaire de l’Eglise, en particulier dans le sacrement de l’Eucharistie, qui rend présente l’offrande sacrificielle rédemptrice du Fils de Dieu, dans le sacrement de la réconciliation, où de la mort du péché on retourne à la vie nouvelle, et dans chaque acte sacramentel de sanctification (cf. PO, 5). Il est important, par conséquent, de promouvoir une catéchèse adaptée pour aider les fidèles à comprendre la valeur des sacrements, mais il est tout aussi nécessaire, à l’exemple du saint Curé d’Ars, d’être disponibles, généreux et attentifs pour donner à nos frères les trésors de grâce que Dieu a placés entre nos mains, et dont nous ne sommes pas les « maîtres », mais des gardiens et des administrateurs. Surtout à notre époque, dans laquelle, d’un côté, il semble que la foi s’affaiblit et que, de l’autre, émergent un profond besoin et une recherche diffuse de spiritualité, il est nécessaire que chaque prêtre se rappelle que, dans sa mission, l’annonce missionnaire et le culte des sacrements ne sont jamais séparés et promeuve une saine pastorale sacramentelle, pour former le Peuple de Dieu et l’aider à vivre en plénitude la Liturgie, le culte de l’Eglise, les sacrements comme dons gratuits de Dieu, actes libres et efficaces de son action de salut.

Comme je l’ai rappelé lors de la messe chrismale de cette année : « Le sacrement est le centre du culte de l’Eglise. Sacrement signifie que, en premier lieu, ce ne sont pas nous les hommes qui faisons quelque chose, mais c’est d’abord Dieu, qui, par son agir, vient à notre rencontre, nous regarde et nous conduit vers Lui. (…) Dieu nous touche par le moyen des réalités matérielles (…) qu’Il met à son service, en en faisant des instruments de la rencontre entre nous et lui-même » (Messe chrismale, 1er avril 2010). La vérité selon laquelle, dans le sacrement, « ce ne sont pas nous les hommes qui faisons quelque chose » concerne également, et doit concerner, la conscience sacerdotale : chaque prêtre sait bien qu’il est l’instrument nécessaire à l’action salvifique de Dieu, mais cependant toujours un instrument. Cette conscience doit rendre humble et généreux dans l’administration des sacrements, dans le respect des normes canoniques, mais également dans la profonde conviction que sa propre mission est de faire en sorte que tous les hommes, unis au Christ, peuvent s’offrir à Dieu comme hostie vivante et sainte, agréable à Lui (cf. Rm 12, 1). Saint Jean-Marie Vianney est encore exemplaire à propos du munus santificandi et de la juste interprétation de la pastorale sacramentelle, lui qui, un jour, face à un homme qui prétendait ne pas avoir la foi et qui désirait discuter avec lui, répondit : « Oh ! mon ami, ce n’est pas à moi qu’il faut vous adresser, je ne sais pas raisonner… mais si vous avez besoin de réconfort, mettez-vous là… (il indiquait du doigt l’inexorable tabouret [du confessionnal]) et croyez-moi, beaucoup d’autres s’y sont assis avant vous et n’ont pas eu à s’en repentir » (cf. Monnin A., Il curato d’Ars. Vita di Gian-Battista-Maria Vianney, vol. I, Turin 1870, pp. 163-164).

Chers prêtres, vivez avec joie et avec amour la liturgie et le culte : c’est une action que le Ressuscité accomplit dans la puissance de l’Esprit Saint en nous, avec nous et pour nous. Je voudrais renouveler l’invitation faite récemment à « revenir au confessionnal, comme lieu dans lequel célébrer le sacrement de la réconciliation, mais aussi comme lieu où « habiter » plus souvent, pour que le fidèle puisse trouver miséricorde, conseil et réconfort, se sentir aimé et compris de Dieu et ressentir la présence de la Miséricorde divine, à côté de la présence réelle de l’Eucharistie » (Discours à la Pénitencerie apostolique, 11 mars 2010). Et je voudrais également inviter chaque prêtre à célébrer et à vivre avec intensité l’Eucharistie, qui est au cœur de la tâche de sanctifier ; c’est Jésus qui veut être avec nous, vivre en nous, se donner lui-même à nous, nous montrer la miséricorde et la tendresse infinies de Dieu ; c’est l’unique Sacrifice d’amour du Christ qui se rend présent, se réalise parmi nous et parvient jusqu’au trône de la grâce, en présence de Dieu, embrasse l’humanité et nous unit à Lui (cf. Discours au clergé de Rome, 18 février 2010). Et le prêtre est appelé à être ministre de ce grand Mystère, dans le sacrement et dans la vie. Si « la grande tradition ecclésiale a, à juste titre, séparé l’efficacité sacramentelle de la situation existentielle concrète du prêtre, et ainsi, les attentes légitimes des fidèles ont été sauvegardées de façon adéquate », cela n’ôte rien « à la tension nécessaire et même indispensable, vers la perfection morale, qui doit habiter tout cœur authentiquement sacerdotal » : le Peuple de Dieu attend également de ses pasteurs un exemple de foi et de témoignage de sainteté (cf. Benoît XVI, Discours à l’assemblée plénière de la Congrégation pour le clergé, 16 mars 2009). Et c’est dans la célébration des saints mystères que le prêtre trouve la racine de sa sanctification (cf. PO, 12-13).

Chers amis, soyez conscients du grand don que les prêtres représentent pour l’Eglise et pour le monde ; à travers leur ministère, le Seigneur continue à sauver les hommes, à être présent, à sanctifier. Sachez remercier Dieu, et surtout soyez proches de vos prêtres à travers la prière et votre soutien, en particulier dans les difficultés, afin qu’ils soient toujours plus des pasteurs selon le cœur de Dieu. Merci.

A l’issue de l’audience générale, Benoît XVI a adressé les paroles suivantes aux pèlerins francophones :

Chers frères et sœurs, le Saint-Suaire devant lequel j’ai prié dimanche dernier, nous aide à contempler le Ressuscité dont la mission rédemptrice se poursuit aujourd’hui par le ministère des prêtres. Le prêtre a reçu mission de sanctifier les hommes, surtout par les sacrements et par le culte de l’Eglise. Sanctifier une personne signifie la mettre en contact avec Dieu, avec son être de lumière, de vérité et de pur amour. Et ce contact transforme la personne. Les prêtres doivent être comme des ponts qui favorisent la rencontre avec Dieu. Ils doivent être disponibles, généreux et attentifs à offrir à leurs frères les trésors de la grâce de Dieu dont ils ne sont pas les propriétaires mais les gardiens et les administrateurs. Se rappelant que l’annonce missionnaire et le culte sont inséparables, le prêtre, comme le Curé d’Ars, doit donner la primauté au munus sanctificandi. Puissiez-vous vivre, chers prêtres, avec joie et avec amour la Liturgie et le culte! Puissiez-vous aussi faire du confessionnal le lieu de la réconciliation et y être plus présents! Puissiez-vous enfin célébrer et vivre avec intensité l’Eucharistie qui est le centre de la mission de sanctification! Quant à vous chers frères et sœurs, priez pour vos prêtres afin qu’ils soient toujours des pasteurs selon le cœur de Dieu.

* * *

Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins francophones particulièrement les étudiants et les paroissiens présents. Je salue aussi chaleureusement les Camerounais qui sont parmi nous. Que Dieu vous bénisse !

Traduction : Zenit

Audience du 28 avril : S. Léonard Murialdo et S. Joseph Benoît Cottolengo

2 mai, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24228?l=french

Audience du 28 avril  : S. Léonard Murialdo et S. Joseph Benoît Cottolengo

Texte intégral

ROME, Mercredi 28 avril 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs,
Nous nous approchons de la conclusion de l’Année sacerdotale et, en ce dernier mercredi d’avril, je voudrais parler de deux saints prêtres exemplaires dans leur don à Dieu et dans le témoignage de charité, vécu dans l’Eglise et pour l’Eglise, à l’égard de leurs frères les plus nécessiteux ; saint Léonard Murialdo et saint Joseph Benoît Cottolengo. Nous commémorons le 110e anniversaire de la mort du premier et le 40e anniversaire de sa canonisation ; les célébrations pour le deuxième centenaire de l’ordination sacerdotale du second, viennent de débuter.

Léonard Murialdo naquit à Turin, le 26 octobre 1828 : c’est la Turin de saint Jean Bosco, de saint Joseph Cottolengo lui-même, une terre fécondée par de très nombreux exemples de sainteté de fidèles laïcs et de prêtres. Léonard est le huitième enfant d’une famille modeste. Enfant, avec son frère, il entra au collège des Pères scolopes de Savone, et suivit le cours élémentaire, le collège et le lycée : il trouva des éducateurs formés, dans une atmosphère de religiosité fondée sur une catéchèse sérieuse, avec des pratiques de piété régulières. Pendant son adolescence, il vécut toutefois une profonde crise existentielle et spirituelle qui le conduisit à anticiper le retour en famille et à conclure ses études à Turin, en s’inscrivant au cours biennal de philosophie. Le « retour à la lumière » eut lieu – comme il le raconte – quelques mois plus tard, avec la grâce d’une confession générale, dans laquelle il redécouvrit l’immense miséricorde de Dieu ; il mûrit alors à 17 ans la décision de devenir prêtre, en réponse d’amour à Dieu dont l’amour l’avait saisi. Il fut ordonné le 20 septembre 1851. C’est à cette époque que, comme catéchiste de l’Oratoire de l’Ange gardien, Don Bosco fit sa connaissance, l’apprécia et le convainquit d’accepter la direction du nouvel Oratoire de Saint-Louis à Porta Nuova qu’il dirigea jusqu’en 1865. Là il fut au contact des graves problèmes des classes sociales les plus pauvres, il visita leurs maisons, mûrissant une profonde sensibilité sociale, éducative et apostolique qui le conduisit à se consacrer de manière autonome à de multiples initiatives en faveur de la jeunesse. Catéchèse, école, activités récréatives furent les fondements de sa méthode éducative à l’Oratoire. Don Bosco le voulut à nouveau à ses côtés lors de l’audience accordée par le bienheureux Pie IX en 1858.

En 1873, il fonda la Congrégation de Saint-Joseph, dont l’objectif apostolique fut, dès le départ, la formation de la jeunesse, en particulier la plus pauvre et abandonnée. Le contexte turinois de l’époque fut marqué par l’intense floraison d’œuvres et d’activités caritatives promues par Léonard Murialdo jusqu’à sa mort, le 30 mars 1900.

Je suis heureux de souligner que le noyau central de la spiritualité de Léonard Murialdo est la conviction de l’amour miséricordieux de Dieu : un Père toujours bon, patient et généreux, qui révèle la grandeur et l’immensité de sa miséricorde avec le pardon. Cette réalité, saint Léonard en fit l’expérience au niveau non pas intellectuel, mais existentiel, à travers la rencontre vivante avec le Seigneur. Il se considéra toujours comme un homme touché par la grâce du Seigneur : c’est pourquoi il vécut le sentiment joyeux de la gratitude au Seigneur, la conscience sereine de sa propre limite, le désir ardent de pénitence, l’engagement constant et généreux de conversion. Il voyait toute son existence non seulement illuminée, guidée, soutenue par cet amour, mais continuellement plongée dans la miséricorde infinie de Dieu. Il écrivit dans son Testament spirituel : « Ta miséricorde m’enveloppe, ô Seigneur… Comme Dieu est toujours et partout, de même il est toujours et partout amour, il est toujours et partout miséricorde ». Se souvenant du moment de crise qu’il avait eu dans sa jeunesse, il notait : « Voici que le bon Dieu voulait faire resplendir encore sa bonté et sa générosité de manière tout à fait singulière. Non seulement il m’admit à nouveau dans son amitié, mais il m’appela à un choix de prédilection : il m’appela au sacerdoce, et ce à peine quelques mois après mon retour à lui ». Saint Léonard vécut donc sa vocation sacerdotale comme un don gratuit de la miséricorde de Dieu avec le sens de la reconnaissance, la joie et l’amour. Il écrivit encore : « Dieu m’a choisi ! Il m’a appelé, il m’a même forcé à l’honneur, à la gloire, au bonheur ineffable d’être son ministre, d’être ‘un autre Christ’… Où étais-je lorsque tu m’as cherché, mon Dieu ? Au fond de l’abîme ! J’étais là, et c’est là que Dieu vint me chercher ; c’est là qu’il me fit entendre sa voix… ».

Soulignant la grandeur de la mission du prêtre qui doit « continuer l’œuvre de la rédemption, la grande œuvre de Jésus Christ, l’Œuvre du Sauveur du monde », c’est-à-dire celle de « sauver les âmes », saint Léonard se rappelait toujours à lui-même, ainsi qu’à ses confrères, la responsabilité d’une vie cohérente avec le sacrement reçu. Amour de Dieu et amour pour Dieu : telle fut la force de son chemin de sainteté, la loi de son sacerdoce, la signification la plus profonde de son apostolat parmi les jeunes pauvres et la source de sa prière. Saint Léonard Murialdo s’est abandonné avec confiance à la Providence, en accomplissant généreusement la volonté divine, dans le contact avec Dieu et en se consacrant aux jeunes pauvres. De cette manière, il a uni le silence contemplatif à l’ardeur inlassable de l’action, la fidélité aux devoirs de chaque jour avec le caractère génial de ses initiatives, la force dans les difficultés avec la sérénité de l’esprit. Tel est son chemin de sainteté pour vivre le commandement de l’amour, envers Dieu et envers son prochain.

C’est avec le même esprit de charité qu’a vécu, quarante ans avant Léonard Murialdo, saint Joseph Benoît Cottolengo, fondateur de l’œuvre qu’il intitula lui-même « Petite maison de la divine Providence » et également appelée aujourd’hui « Cottolengo ». Dimanche prochain, lors de ma visite pastorale à Turin, j’aurai l’occasion de vénérer la dépouille mortelle de ce saint et de rencontrer les hôtes de la « Petite maison ».

Joseph Benoît Cottolengo naquit à Bra, une petite ville de la province de Cuneo, le 3 mai 1786. Aîné d’une famille de douze enfants, dont six moururent en bas âge, il fit preuve dès l’enfance d’une grande sensibilité envers les pauvres. Il suivit la voie du sacerdoce, imité également par deux de ses frères. Les années de sa jeunesse furent celles de l’aventure napoléonienne et des difficultés qui s’ensuivirent dans les domaines religieux et social. Cottolengo devint un bon prêtre, recherché par de nombreux pénitents et, dans la ville de Turin de l’époque, le prédicateur d’exercices spirituels et de conférences pour les étudiants universitaires, auprès desquels il remportait toujours un grand succès. A l’âge de 32 ans, il fut nommé chanoine de la Très Sainte Trinité, une congrégation de prêtres qui avait pour tâche d’officier dans l’Eglise du Corpus Domini et de conférer leur dignité aux cérémonies religieuses de la ville, mais cette situation ne le satisfaisait pas. Dieu le préparait à une mission particulière, et, précisément à la suite d’une rencontre inattendue et décisive, il lui fit comprendre quel aurait été son destin futur dans l’exercice de son ministère.

Le Seigneur place toujours des signes sur notre chemin pour nous guider selon sa volonté vers notre bien véritable. Pour Cottolengo cela se produisit, de manière dramatique, le dimanche matin du 2 septembre 1827. Provenant de Milan, une diligence plus pleine que jamais arriva à Turin, dans laquelle s’entassait une famille française tout entière, dont la femme, avec ses cinq enfants, se trouvait dans un état de grossesse avancée et avec une forte fièvre. Après s’être rendue dans plusieurs hôpitaux, cette famille trouva un logement dans un dortoir public, mais la situation de la femme s’aggrava et plusieurs personnes se mirent à la recherche d’un prêtre. Par un mystérieux dessein, il croisèrent Cottolengo, et ce fut précisément lui qui, le cœur lourd et opprimé, accompagna cette jeune mère vers la mort, entourée du désespoir de toute sa famille. Après avoir accompli ce douloureux devoir, la mort dans l’âme, il se rendit devant le Très Saint Sacrement et éleva cette prière : « Mon Dieu, pourquoi ? Pourquoi as-tu voulu que je sois témoin ? Que veux-tu de moi ? Il faut faire quelque chose ! ». Se relevant, il fit sonner toutes les cloches, fit allumer les bougies et, accueillant les curieux dans l’église, dit : « La grâce est faite ! La grâce est faite ! ». A partir de ce moment, Joseph Benoît Cottolengo fut transformé : toutes ses capacités, en particulier ses talents de gestion et d’organisation furent utilisés pour donner naissance à des initiatives de soutien aux plus nécessiteux.

Il sut enrôler dans son entreprise des dizaines et des dizaines de collaborateurs et de volontaires. Se déplaçant à la périphérie de Turin pour étendre son œuvre, il créa une sorte de village, dans lequel à chaque bâtiment qu’il réussit à construire, il donna un nom significatif : « maison de la foi » ; « maison de l’espérance », « maison de la charité ». Il mit en acte le style des « familles », en constituant de véritables communautés de personnes, des volontaires, hommes et femmes, des religieux et laïcs, unis pour affronter et surmonter ensemble les difficultés qui se présentaient. Chacun dans la Petite maison de la divine Providence avait un devoir précis : qui travaillait, qui priait, qui servait, qui instruisait, qui administrait. Les bien-portants et les malades partageaient le même poids du quotidien. La vie religieuse elle aussi devint plus spécifique avec le temps, selon les besoins et les exigences particulières. Il pensa également à un séminaire propre, en vue d’une formation spécifique des prêtres de l’Ordre. Il fut toujours prêt à suivre et à servir la divine Providence, jamais à l’interroger. Il disait : « Je suis un bon à rien et je ne sais même pas ce que je me fais. Mais la divine Providence sait certainement ce qu’elle veut. Il ne me reste qu’à la suivre. En avant in Domino ». Pour ses pauvres et les plus nécessiteux, il se définira toujours comme le « manœuvre de la divine Providence ».

A côté des petites citadelles, il voulut fonder également cinq monastères de sœurs contemplatives et un d’ermites, et les considéra parmi ses réalisations les plus importantes : une sorte de « cœur » qui devait battre pour toute l’Œuvre. Il mourut le 30 avril 1842, en prononçant ces paroles : « Misericordia, Domine ; Misericordia, Domine. Bonne et sainte Providence… Sainte Vierge, c’est à vous à présent ». Sa vie, comme l’écrivit un journal de l’époque, avait été « une intense journée d’amour ».

Chers amis, ces deux saints prêtres, dont j’ai présenté quelques traits, ont vécu leur ministère dans le don total de la vie aux plus pauvres, aux plus nécessiteux, aux derniers, trouvant toujours la racine profonde, la source inépuisable de leur action dans le rapport avec Dieu, en puisant à son amour, dans la conviction profonde qu’il n’est pas possible d’exercer la charité sans vivre dans le Christ et dans l’Eglise. Que leur intercession et leur exemple continuent d’illuminer le ministère de nombreux prêtres qui se dépensent avec générosité pour Dieu et pour le troupeau qui leur est confié, et qu’ils aident chacun à se donner avec joie et générosité à Dieu et au prochain.

A l’issue de l’audience générale, Benoît XVI a adressé les paroles suivantes aux pèlerins francophones :

Chers frères et sœurs, né en 1828 à Turin, Léonard Murialdo devint prêtre en réponse à la miséricorde divine expérimentée dans la confession après une crise spirituelle et existentielle. Le sacerdoce est, disait-il, « un don gratuit de la miséricorde de Dieu ». Il rappelait à ses confrères la nécessité d’une vie cohérente avec le sacrement reçu. Il fonda la Congrégation de Saint-Joseph pour l’éducation de la jeunesse pauvre et marginalisée. « L’amour de Dieu et l’amour pour Dieu » a été la loi de sa vie unissant la contemplation à l’ardeur de l’action.

Saint Joseph Benoît Cottolengo vécut ce même esprit. Né en 1786 à Bra (Cuneo), il fonda l’œuvre Petite maison de la divine Providence ou Cottolengo. Prêtre recherché par les pénitents et grand prédicateur auprès des étudiants, il fut bouleversé par la mort prématurée d’une jeune mère. Il se consacra alors totalement au service des nécessiteux, créant une sorte de village dans lequel tous, les bien-portants comme les malades, partageaient le même poids du quotidien dans la joie. Sa devise était « En avant, dans le Seigneur ». Il se disait le manœuvre de la Providence divine. Toute sa vie a été-« une intense journée d’amour ». Puisse l’exemple de ces deux saints encourager beaucoup de prêtres dans leur consécration à Dieu et dans le service du prochain.

* * *

Je salue les pèlerins francophones, en particulier, les jeunes, les étudiants et les servants d’autel présents, ainsi que l’Evêque de Pontoise qui accompagne un groupe paroissial. Je salue cordialement les séminaristes venus du Liban ! Je n’oublie pas les Assomptionistes qui fêtent le 200e anniversaire de la naissance de leur fondateur ! Que Dieu vous bénisse et bon pèlerinage à tous !

Traduction Zenith

Audience générale du 21 avril 2010 : Le voyage apostolique à Malte

21 avril, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24147?l=french

Audience générale du 21 avril 2010  : Le voyage apostolique à Malte

Texte intégral

ROME, Mercredi 21 avril 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs !
Comme vous le savez, samedi et dimanche derniers, j’ai accompli un voyage apostolique à Malte, sur lequel je voudrais m’arrêter brièvement aujourd’hui. L’occasion de ma visite pastorale a été le 1950e anniversaire du naufrage de l’apôtre Paul sur les côtes de l’archipel maltais et de son séjour sur ces îles pendant environ trois mois. Il s’agit d’un événement pouvant être situé autour de l’an 60 et raconté avec une abondance de détails dans le livre des Actes des Apôtres (chapitres 27-28). Comme ce fut le cas de saint Paul, j’ai moi aussi fait l’expérience de l’accueil chaleureux des Maltais – véritablement extraordinaire – et pour cela, j’exprime à nouveau ma plus vive et cordiale reconnaissance au président de la République, au gouvernement et aux autres autorités de l’Etat, et je remercie de façon fraternelle les évêques du pays, avec tous ceux qui ont collaboré en vue de préparer cette rencontre de fête entre le successeur de Pierre et la population maltaise. L’histoire de ce peuple depuis presque deux mille ans est inséparable de la foi catholique, qui caractérise sa culture et ses traditions : on dit qu’à Malte, il y a au moins 365 églises, « une pour chaque jour de l’année », un signe visible de cette foi profonde !

Tout a commencé par ce naufrage : après être allé à la dérive pendant 14 jours, poussé par les vents, le bateau qui transportait à Rome l’apôtre Paul et de nombreuses autres personnes échoua sur un bas-fond de l’île de Malte. C’est pour cela qu’après la rencontre très cordiale avec le président de la République, dans la capitale, La Valette – qui a eu comme beau cadre le salut joyeux de nombreux jeunes garçons et filles – je me suis rendu immédiatement en pèlerinage dans celle que l’on appelle la « grotte de saint Paul », près de Rabat, pour un moment intense de prière. Là, j’ai pu saluer également un groupe nombreux de missionnaires maltais. Penser à ce petit archipel au centre de la Méditerranée, et à la façon dont la semence de l’Evangile y arriva, suscite un sentiment de grand émerveillement face aux desseins mystérieux de la Providence divine : il devient spontané de rendre grâce au Seigneur et également à saint Paul qui, au milieu de cette violente tempête, conserva la confiance et l’espérance et les transmit également à ses compagnons de voyage. De ce naufrage, ou mieux, du séjour de Paul à Malte qui suivit, est née une communauté chrétienne fervente et solide, qui après deux mille ans, est encore fidèle à l’Evangile et s’efforce de le conjuguer avec les questions complexes de l’époque contemporaine. Cela, naturellement, n’est pas toujours facile, ni évident, mais le peuple maltais sait trouver dans la vision chrétienne de la vie les réponses aux nouveaux défis. Par exemple, le fait d’avoir maintenu ferme le profond respect pour la vie à naître et pour le caractère sacré du mariage, en choisissant de ne pas introduire l’avortement et le divorce dans la constitution juridique du pays, en est un signe.

C’est pourquoi, mon voyage avait pour but de confirmer dans la foi l’Eglise qui est à Malte, une institution très vivante, bien structurée et présente sur le territoire de Malte et de Gozo. Toute cette communauté s’était donné rendez-vous à Floriana, sur la place des Greniers, devant l’église Saint-Publius, où j’ai célébré la messe à laquelle tous ont participé avec une grande ferveur. Cela a été pour moi un motif de joie, et également de réconfort de sentir la chaleur particulière de ce peuple qui donne le sentiment d’une grande famille, rassemblée par la foi et par la vision chrétienne de la vie. Après la célébration, j’ai voulu rencontrer plusieurs personnes victimes d’abus de la part de membres du clergé. J’ai partagé avec elles la souffrance et, avec émotion, j’ai prié avec elles, les assurant de l’action de l’Eglise.

Si Malte donne le sentiment d’une grande famille, il ne faut pas penser que, à cause de sa conformation géographique, elle soit une société « isolée » du monde. Il n’en est pas ainsi, et on le voit, par exemple, dans les contacts que Malte entretient avec divers pays et du fait que dans de nombreuses nations on trouve des prêtres maltais. En effet, les familles et les paroisses de Malte ont su éduquer de nombreux jeunes au sens de Dieu et de l’Eglise, si bien que beaucoup d’entre eux ont répondu avec générosité à l’appel de Jésus et sont devenus prêtres. Parmi eux, beaucoup ont embrassé l’engagement missionnaire ad gentes, dans des terres lointaines, héritant de l’esprit apostolique qui poussait saint Paul à apporter l’Evangile là où il n’était pas encore arrivé. Il s’agit d’un aspect que j’ai répété avec plaisir, à savoir que « la foi s’affermit lorsqu’on la donne » (Enc. Redemptoris missio, n. 2). Sur la racine de cette foi, Malte s’est développée et à présent elle s’ouvre aux différentes situations économiques, sociales et culturelles, auxquelles elle offre une précieuse contribution.

Il est clair que Malte a souvent dû se défendre au cours des siècles – et on le voit dans ses fortifications. La position stratégique du petit archipel attirait bien évidemment l’attention des diverses puissances politiques et militaires. Toutefois, la vocation la plus profonde de Malte est la vocation chrétienne, c’est-à-dire la vocation universelle de la paix ! La célèbre croix de Malte, que tous associent à cette nation, a tant de fois flotté dans les conflits et les affrontements ; mais, grâce à Dieu, elle n’a jamais perdu sa signification authentique et éternelle : elle est le signe de l’amour et de la réconciliation, et telle est la véritable vocation des peuples qui accueillent et embrassent le message chrétien !

Carrefour naturel, Malte est au centre de routes de migration : des hommes et des femmes, comme autrefois saint Paul, accostent sur les côtes maltaises, parfois poussés par des conditions de vie très dures, par des violences et des persécutions, et cela comporte, naturellement, des problèmes complexes sur le plan humanitaire, politique et juridique, des problèmes qui ne sont pas faciles à résoudre, mais dont il faut rechercher la solution avec persévérance et ténacité, dans une concertation des interventions au niveau international. Il est bon que l’on agisse ainsi dans toutes les nations qui ont les valeurs chrétiennes à la base de leurs Chartes constitutionnelles et de leurs cultures.

Le défi de conjuguer dans la complexité de notre temps la validité éternelle de l’Evangile est fascinant pour tous les hommes, mais en particulier pour les jeunes. Les nouvelles générations, en effet, le ressentent de manière plus forte, et c’est pour cette raison que j’ai voulu qu’à Malte également, malgré la brièveté de ma visite, ne manque pas une rencontre avec les jeunes. Ce fut un moment de dialogue intense et profond, rendu plus beau encore par l’atmosphère dans laquelle elle s’est déroulée – le port de La Valette – et par l’enthousiasme des jeunes. Je ne pouvais manquer de leur rappeler l’expérience de jeunesse de saint Paul : une expérience extraordinaire, unique, et pourtant capable de parler aux nouvelles générations de chaque époque, en raison de cette transformation radicale qui a suivi la rencontre avec le Christ Ressuscité. J’ai donc vu les jeunes de Malte comme des héritiers potentiels de l’aventure spirituelle de saint Paul, appelés comme lui à découvrir la beauté de l’amour de Dieu qui nous a été donné en Jésus Christ ; à embrasser le mystère de sa Croix ; à être vainqueurs précisément dans les épreuves et les tribulations ; à ne pas avoir peur des « tempêtes » de la vie, tout comme des naufrages, parce que le dessein d’amour de Dieu est plus grand encore que les tempêtes et les naufrages.

Chers amis, voilà, en synthèse, quel a été le message que j’ai porté à Malte. Mais comme je l’évoquais, j’ai pour ma part tant reçu de cette Eglise, de ce peuple béni de Dieu, qui a su collaborer de manière fructueuse avec sa grâce. Par l’intercession de l’apôtre Paul, de saint Georges Preca, prêtre, premier saint maltais, et de la Vierge Marie, que les fidèles de Malte et de Gozo vénèrent avec tant de dévotion, puisse celle-ci toujours progresser dans la paix et la prospérité.

A l’issue de l’audience générale, Benoît XVI a adressé les paroles suivantes aux pèlerins francophones :

Chers frères et sœurs,

A l’occasion du 1950ème anniversaire du naufrage de saint Paul, je viens d’effectuer une visite pastorale à Malte. J’ai voulu la commencer par un moment de prière silencieuse devant la «  Grotte de saint Paul  » . J’y ai remercié le Seigneur pour les desseins mystérieux de sa Providence. L’histoire de Malte est marquée par la foi catholique. En effet, ce peuple est comme une grande famille qui s’est édifiée sur la foi et sur une vision chrétienne de la vie trouvant des réponses au questionnement actuel relatif au respect de la vie et au mariage. Les familles maltaises et les paroisses ont su faire aimer Dieu et l’Eglise. En rencontrant les jeunes, je les ai invités à suivre l’exemple de saint Paul pour affronter les défis qui se présentent à eux. La noble vocation de ces îles est chrétienne, et la célèbre croix de Malte est un signe d’amour et de réconciliation. Cette vocation devrait être celle de tous les peuples qui adhèrent au message du Christ. Malte est une société ouverte au monde et elle a toujours été missionnaire. Se trouvant au cœur de la Méditerranée, ce pays peut ainsi devenir un pont entre les cultures et les religions comme l’a été jadis saint Paul.

Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de Belgique, de France et de Suisse, en particulier les évêques de Moulins et de Nice. Que l’exemple et l’enseignement de ce saint Apôtre nous instruise et nous aide à discerner, dans nos tempêtes et naufrages humains, le dessein d’amour de Dieu.

Traduction : Zenit

Audience générale : Le prêtre est chargé d´enseigner

16 avril, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24068?l=french

Audience générale : Le prêtre est chargé d´enseigner

Texte intégral

ROME, Mercredi 14 avril 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

Chers amis,
En cette période pascale qui nous conduit à la Pentecôte et qui nous amène également aux célébrations de clôture de l’Année sacerdotale, en programme les 9, 10 et 11 juin prochains, j’ai à cœur de consacrer encore certaines réflexions au thème du ministère ordonné, en m’arrêtant sur la réalité féconde de la configuration du prêtre au Christ Tête, dans l’exercice des tria munera qu’il reçoit, c’est-à-dire des trois charges d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.

Pour comprendre ce que signifie agir in persona Christi Capitis – dans la personne du Christ Tête – de la part du prêtre, et pour comprendre également quelles conséquences dérivent du devoir de représenter le Seigneur, en particulier dans l’exercice de ces trois fonctions, il faut expliciter avant tout ce que l’on entend par « représentation ». Le prêtre représente le Christ. Qu’est-ce que cela veut dire, que signifie « représenter » quelqu’un ? Dans le langage commun, cela veut dire – généralement – recevoir une délégation de la part d’une personne pour être présente à sa place, parler et agir à sa place, car celui qui est représenté est absent de l’action concrète. Nous nous demandons : le prêtre représente-t-il le Seigneur de la même façon ? La réponse est non, car dans l’Eglise, le Christ n’est jamais absent, l’Eglise est son corps vivant et le Chef de l’Eglise c’est lui, présent et œuvrant en elle. Le Christ n’est jamais absent, il est même présent d’une façon totalement libérée des limites de l’espace et du temps, grâce à l’événement de la Résurrection, que nous contemplons de façon spéciale en ce temps de Pâques.

C’est pourquoi, le prêtre qui agit in persona Christi Capitis et en représentation du Seigneur, n’agit jamais au nom d’un absent, mais dans la Personne même du Christ ressuscité, qui se rend présent à travers son action réellement concrète. Il agit réellement et réalise ce que le prêtre ne pourrait pas faire : la consécration du vin et du pain, afin qu’ils soient réellement présence du Seigneur, l’absolution des péchés. Le Seigneur rend présente son action dans la personne qui accomplit ces gestes. Ces trois devoirs du prêtre – que la Tradition a identifiés dans les diverses paroles de mission du Seigneur : enseigner, sanctifier, et gouverner – dans leur distinction et dans leur profonde unité, sont une spécification de cette représentation concrète. Ils sont en réalité les trois actions du Christ ressuscité, le même qui aujourd’hui, dans l’Eglise et dans le monde, enseigne et ainsi crée la foi, rassemble son peuple, crée une présence de la vérité et construit réellement la communion de l’Eglise universelle ; et sanctifie et guide.

Le premier devoir dont je voudrais parler aujourd’hui est le munus docendi, c’est-à-dire celui d’enseigner. Aujourd’hui, en pleine urgence éducative, le munus docendi de l’Eglise, exercé de façon concrète à travers le ministère de chaque prêtre, apparaît particulièrement important. Nous vivons dans une grande confusion en ce qui concerne les choix fondamentaux de notre vie et les interrogations sur ce qu’est le monde, d’où il vient, où nous allons, ce que nous devons faire pour accomplir le bien, la façon dont nous devons vivre, quelles sont les valeurs réellement pertinentes. En relation à tout cela, il existe de nombreuses philosophies opposées, qui naissent et qui disparaissent, créant une confusion en ce qui concerne les décisions fondamentales, comme vivre, car nous ne savons plus, communément, par quoi et pour quoi nous avons été faits et où nous allons.

Dans cette situation se réalise la parole du Seigneur, qui eut compassion de la foule parce qu’elle était comme des brebis sans pasteur (cf. Mc 6, 34). Le Seigneur avait fait cette constatation lorsqu’il avait vu les milliers de personnes qui le suivaient dans le désert car, face à la diversité des courants de cette époque, elles ne savaient plus quel était le véritable sens de l’Ecriture, ce que disait Dieu. Le Seigneur, animé par la compassion, a interprété la parole de Dieu, il est lui-même la parole de Dieu, et il a ainsi donné une orientation. Telle est la fonction in persona Christi du prêtre : rendre présente, dans la confusion et la désorientation de notre époque, la lumière de la parole de Dieu, la lumière qui est le Christ lui-même dans notre monde. Le prêtre n’enseigne donc pas ses propres idées, une philosophie qu’il a lui-même inventée, qu’il a trouvée ou qui lui plaît ; le prêtre ne parle pas de lui, il ne parle pas pour lui, pour se créer éventuellement des admirateurs ou son propre parti ; il ne dit pas des choses qui viennent de lui, ses inventions, mais, dans la confusion de toutes les philosophies, le prêtre enseigne au nom du Christ présent, il propose la vérité qui est le Christ lui-même, sa parole, sa façon de vivre et d’aller de l’avant. Pour le prêtre vaut ce que le Christ a dit de lui-même : « Mon enseignement n’est pas le mien » (Jn 7, 16) ; c’est-à-dire que le Christ ne se propose pas lui-même, mais, en tant que Fils, il est la voix, la parole du Père. Le prêtre doit lui aussi toujours parler et agir ainsi : « Ma doctrine n’est pas la mienne, je ne diffuse pas mes idées ou ce qui me plaît, mais je suis la bouche et le cœur du Christ et je rends présente cette doctrine unique et commune, qui a créé l’Eglise universelle et qui crée la vie éternelle ».

Ce fait, c’est-à-dire que le prêtre ne crée pas et ne proclame pas ses propres idées dans la mesure où la doctrine qu’il annonce n’est pas la sienne, mais du Christ, ne signifie pas, d’autre part, qu’il soit neutre, une sorte de porte-parole qui lit un texte dont il ne prend peut-être pas possession. Dans ce cas aussi vaut le modèle du Christ, qui a dit : Je ne m’appartiens pas et je ne vis pas pour moi, mais je viens du Père et je vis pour le Père. C’est pourquoi, dans cette profonde identification, la doctrine du Christ est celle du Père et il est lui-même un avec le Père. Le prêtre qui annonce la parole du Christ, la foi de l’Eglise et non ses propres idées, doit aussi dire : Je ne m’appartiens pas et je ne vis pas pour moi, mais je vis avec le Christ et du Christ et ce qu’a dit le Christ devient donc ma parole, même si elle n’est pas la mienne. La vie du prêtre doit s’identifier au Christ et, de cette manière, la parole qui n’est pas sienne, devient toutefois une parole profondément personnelle. Saint Augustin, sur ce thème, a dit en parlant des prêtres : « Et nous, que sommes nous ? Des ministres (du Christ), ses serviteurs ; car ce que nous vous distribuons n’est pas à nous, mais nous le tirons de Lui. Et nous aussi nous vivons de cela, car nous sommes des serviteurs, comme vous » (Discours 229/E, 4).

L’enseignement que le prêtre est appelé à offrir, les vérités de la foi, doivent être intériorisées et vécues dans un intense chemin spirituel personnel, de manière à ce que le prêtre entre réellement en profonde communion intérieure avec le Christ lui-même. Le prêtre croit, accueille et cherche à vivre, avant tout comme sien, ce que le Seigneur a enseigné et que l’Eglise a transmis, dans ce parcours d’identification avec le propre ministère dont saint Jean-Marie Vianney est le témoin exemplaire (cf. Lettre pour l’indiction de l’Année sacerdotale). « Unis dans la même charité – affirme encore saint Augustin – nous sommes tous des auditeurs de celui qui est pour nous dans le ciel l’unique Maître » (Enarr. in Ps. 131, 1. 7).

La voix du prêtre, par conséquent, pourrait souvent sembler la « voix de celui qui crie dans le désert » (Mc 1, 3) ; mais c’est précisément en cela que consiste sa force prophétique : dans le fait de ne jamais être homologué, ni homologable, à aucune culture ou mentalité dominante, mais de montrer l’unique nouveauté capable d’opérer un profond et authentique renouveau de l’homme, c’est-à-dire que le Christ est le Vivant, il est le Dieu proche, le Dieu qui œuvre dans la vie et pour la vie du monde et nous donne la vérité, la manière de vivre.

Dans la préparation attentive de la prédication festive, sans exclure celle des autres jours, dans l’effort de formation catéchétique, dans les écoles, dans les institutions académiques et, de manière particulière, à travers ce livre non écrit qu’est sa vie même, le prêtre est toujours « professeur », il enseigne. Mais pas avec la présomption de qui impose ses propres vérités, avec l’humble et joyeuse certitude de celui qui a rencontré la Vérité, en a été saisi et transformé, et ne peut donc pas manquer de l’annoncer. Le sacerdoce en effet, personne ne peut le choisir seul, ce n’est pas une manière de parvenir à une sécurité dans la vie, de conquérir une position sociale : personne ne peut se le donner, ni le rechercher seul. Le sacerdoce est la réponse à l’appel du Seigneur, à sa volonté, pour devenir des annonciateurs non d’une vérité personnelle, mais de sa vérité.

Chers confrères prêtres, le Peuple chrétien nous demande d’entendre dans nos enseignements la doctrine ecclésiale authentique, à travers laquelle pouvoir renouveler la rencontre avec le Christ qui donne la joie, la paix, le salut. Les Saintes Ecritures, les écrits des Pères et des Docteurs de l’Eglise, le catéchisme de l’Eglise catholique constituent à cet égard, des points de référence indispensables dans l’exercice du munus docendi, si essentiel pour la conversion, le chemin de foi et le salut des hommes. « Ordination sacerdotale, veut dire : être immergés [...] dans la Vérité » (Homélie lors de la Messe chrismale, 9 avril 2009), cette Vérité qui n’est pas simplement un concept ou un ensemble d’idées à transmettre et à assimiler, mais qui est la Personne du Christ, avec laquelle, pour laquelle et dans laquelle vivre et c’est ainsi, nécessairement, que naît aussi l’actualité et le caractère compréhensible de l’annonce. Seule cette conscience d’une Vérité faite Personne dans l’Incarnation du Fils justifie le mandat missionnaire : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Evangile à toute la création » (Mc 16, 15). C’est uniquement s’il est la Vérité qu’il est destiné à toute créature, et il n’est pas l’imposition de quelque chose, mais l’ouverture du cœur à ce pour lequel il est créé.

Chers frères et sœurs, le Seigneur a confié aux prêtres une grande tâche : être des annonciateurs de Sa Parole, de la Vérité qui sauve ; être sa voix dans le monde pour porter ce qui sert au vrai bien des âmes et à l’authentique chemin de foi (cf. 1 Co 6, 12). Que saint Jean-Marie Vianney soit un exemple pour tous les prêtres. Il était un homme d’une grande sagesse et d’une force héroïque pour résister aux pressions culturelles et sociales de son époque afin de pouvoir conduire les hommes à Dieu : simplicité, fidélité et immédiateté étaient les caractéristiques essentielles de sa prédication, transparence de sa foi et de sa sainteté. Le peuple chrétien en était édifié et, comme c’est le cas pour les maîtres authentiques de notre temps, il y reconnaissait la lumière de la Vérité. Il y reconnaissait, en définitive, ce que l’on devrait toujours reconnaître chez un prêtre : la voix du Bon Pasteur.

A l’issue de l’Audience générale, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes aux pèlerins francophones :

Chers frères et sœurs,

A l’approche de la conclusion de l’Année sacerdotale, je voudrais consacrer quelques réflexions au ministère ordonné, particulièrement à la configuration du prêtre au Christ-Tête. Le prêtre qui agit en représentant du Seigneur n’agit pas au nom d’un absent mais en la Personne même du Christ Ressuscité. Les trois charges du prêtre d’enseigner, de sanctifier et de gouverner sont en réalité les trois actions du Christ Ressuscité dans son Eglise. La charge d’enseigner est particulièrement importante. Le prêtre qui ‘enseigne’ ne propose jamais sa propre pensée, il indique aux hommes la réalité et la présence de Dieu, vivant et agissant dans le monde. Il annonce tout ce que Dieu a révélé de lui-même, que la Tradition a consigné et que le Magistère authentique a interprété depuis deux mille ans. Le prêtre doit intérioriser et vivre cet enseignement et ces vérités de la foi dans un intense cheminement spirituel. Il croit, accueille et cherche à vivre avant tout ce que le Seigneur a enseigné et que l’Eglise a transmis. Il est toujours un ‘enseignant’, avec l’humble et joyeuse certitude de celui qui a rencontré la Vérité, qui en a été saisi et transformé, et qui ne peut rien faire d’autre que de l’annoncer. Chers frères et sœurs, le Seigneur a confié aux prêtres la tâche d’être des annonciateurs de Sa Parole, de la Vérité qui sauve. Que la simplicité et la fidélité de saint Jean Marie Vianney dans cette annonce soient des exemples pour tous les prêtres !

* * *

C’est avec joie que j’accueille ce matin les pèlerins francophones, en particulier les groupes de jeunes et les paroisses. En ce temps pascal, je vous invite à prier pour vos prêtres et à collaborer avec eux à l’annonce de l’Evangile. Avec ma Bénédiction apostolique !

Traduction : Zenit

Audience générale : Dans la lumière de Pâques

13 avril, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24015?l=french

Audience générale  : Dans la lumière de Pâques

Texte intégral

ROME, Dimanche 11 avril 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée mercredi 7 avril par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs !
La traditionnelle Audience générale du mercredi est aujourd’hui inondée par la joie lumineuse de la Pâque. En ces jours, en effet, l’Eglise célèbre le mystère de la Résurrection et fait l’expérience de la grande joie qui lui vient de la bonne nouvelle du triomphe du Christ sur le mal et sur la mort. Une joie qui se prolonge non seulement dans l’Octave de Pâques, mais s’étend pendant cinquante jours jusqu’à la Pentecôte. Après les pleurs et le désarroi du Vendredi Saint, après le silence lourd d’attente du Samedi Saint, voici l’annonce extraordinaire : « C’est bien vrai ! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon ! » (Lc 24, 34). Celle-ci, dans toute l’histoire du monde, est la « bonne nouvelle » par excellence, c’est l’« Evangile » annoncé et transmis au fil des siècles, de génération en génération.

La Pâque du Christ est l’acte suprême et indépassable de la puissance de Dieu. C’est un événement absolument extraordinaire, le fruit le plus beau et le plus mûr du « mystère de Dieu ». Il est à ce point extraordinaire, qu’il en résulte inénarrable dans ces dimensions qui échappent à notre capacité humaine de connaissance et d’enquête. Et, toutefois, il est aussi un fait « historique », réel, témoigné et documenté. C’est l’événement qui fonde toute notre foi. C’est le contenu central dans lequel nous croyons et le motif principal pour lequel nous croyons.

Le Nouveau Testament ne décrit pas la Résurrection de Jésus au moment où elle a lieu. Il ne rapporte que les témoignages de ceux que Jésus en personne a rencontrés après être ressuscité. Les trois Evangiles synoptiques nous racontent que cette annonce – « Il est ressuscité ! » – est tout d’abord proclamée par des anges. C’est donc une annonce qui trouve son origine en Dieu ; mais Dieu la confie immédiatement à ses « messagers », pour qu’ils le transmettent à tous. Et ce sont ainsi ces mêmes anges qui invitent les femmes, qui s’étaient rendues de bon matin au sépulcre, à aller dire au plus vite aux disciples : « Il est ressuscité d’entre les morts, et voilà qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez » (Mt 28, 7). De cette manière, à travers les femmes de l’Evangile, ce mandat divin atteint tous et chacun parce qu’à leur tour, ils transmettent à d’autres, avec fidélité et courage, cette même nouvelle : une nouvelle belle, heureuse et porteuse de joie.

Oui, chers amis, toute notre foi se fonde sur la transmission permanente et fidèle de cette « bonne nouvelle ». Et nous, aujourd’hui, nous voulons dire à Dieu notre profonde gratitude pour les innombrables foules de croyants dans le Christ qui nous ont précédés au fil des siècles, parce qu’ils n’ont jamais manqué à leur mandat fondamental d’annoncer l’Evangile qu’ils avaient reçu. La bonne nouvelle de la Pâque, donc, requiert l’œuvre de témoins enthousiastes et courageux. Chaque disciple du Christ, de même que chacun de nous, est appelé à être témoin. Tel est le mandat précis, exigeant et exaltant du Seigneur ressuscité. La « nouvelle » de la vie nouvelle dans le Christ doit resplendir dans la vie du chrétien, doit être vivante et active, chez celui qui la porte, réellement capable de changer le cœur, l’existence tout entière. Celle-ci est vivante avant tout parce que le Christ lui-même en est l’âme vivante et vivifiante. Saint Marc nous le rappelle à la fin de son Evangile, où il écrit que les Apôtres « s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnaient » (Mc 16, 20).

La vie des apôtres est également la nôtre et celle de tout croyant, de tout disciple qui se fait « annonciateur ». Nous aussi, en effet, sommes certains que le Seigneur, aujourd’hui comme hier, agit avec ses témoins. C’est un fait que nous pouvons reconnaître chaque fois que nous voyons apparaître les semences d’une paix véritable et durable, là où l’engagement et l’exemple de chrétiens et d’hommes de bonne volonté est animé par le respect pour la justice, par le dialogue patient, par une estime convaincue à l’égard des autres, par le désintérêt, par le sacrifice personnel et communautaire. Nous voyons malheureusement dans le monde également tant de souffrance, tant de violence, tant d’incompréhensions. La célébration du Mystère pascal, la contemplation joyeuse de la Résurrection du Christ, qui vainc le péché et la mort à travers la force de l’Amour de Dieu est une occasion propice pour redécouvrir et professer avec davantage de conviction notre confiance dans le Seigneur ressuscité, qui accompagne les témoins de sa parole en opérant des prodiges avec eux. Nous serons véritablement et jusqu’au bout les témoins de Jésus ressuscité lorsque nous laisserons transparaître en nous le prodige de son amour ; lorsque dans nos paroles, et plus encore dans nos gestes, en pleine cohérence avec l’Evangile, on pourra reconnaître la voix et la main de Jésus lui-même.

Partout, donc, le Seigneur nous envoie comme ses témoins. Mais nous pouvons être tels uniquement à partir et en référence constante à l’expérience pascale, que Marie de Magdala exprime en annonçant aux autres disciples : « J’ai vu le Seigneur » (Jn 20, 18). Dans cette rencontre personnelle avec le Ressuscité se trouvent le fondement indestructible et le contenu central de notre foi, la source fraîche et intarissable de notre espérance, le dynamisme ardent de notre charité. Ainsi, notre vie chrétienne elle-même coïncidera pleinement avec l’annonce : « Le Christ Seigneur est véritablement ressuscité ». Laissons-nous donc conquérir par l’attrait de la Résurrection du Christ. Que la Vierge Marie nous soutienne par sa protection et nous aide à goûter pleinement la joie pascale, afin que nous sachions l’apporter à notre tour à tous nos frères.

Une fois de plus, Bonne Pâque à tous !

A l’issue de l’Audience générale, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes aux pèlerins francophones :

Chers frères et sœurs,

En ces jours, l’Eglise est inondée par la joie et la lumière de Pâques. Dans toute l’histoire du monde, l’annonce surprenante : « C’est vrai, le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre ! » (Lc 24, 34) est la Bonne nouvelle par excellence, le triomphe du Christ sur le mal et sur la mort ! La Pâque du Christ est un événement absolument extraordinaire, le fruit le plus beau parvenu à maturité du « Mystère de Dieu » et c’est toutefois un fait « historique », réel, l’événement qui fonde toute notre foi. Dieu en confie l’annonce à ses messagers pour qu’ils la transmettent à tous. Nous voulons remercier Dieu pour les innombrables croyants en Christ qui nous ont précédés, parce qu’ils n’ont pas manqué à la mission d’annoncer l’Evangile qu’ils avaient reçue. Aujourd’hui comme hier, le Seigneur travaille avec ses témoins, semant des germes d’une paix vraie et durable et accomplissant avec eux des œuvres merveilleuses. Nous serons ses témoins si nous sommes en référence constante avec l’expérience pascale, celle de Marie-Madeleine annonçant aux disciples : « J’ai vu le Seigneur » (Jn20, 18). Puisse cette rencontre personnelle avec le Ressuscité être le fondement de notre foi et laisser transparaître en nous le prodige de son amour !

* * *

Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de Belgique, de France et de Suisse, en particulier des diocèses d’Evreux, Fréjus-Toulon, de Paris et d’Orléans. Je salue également particulièrement les jeunes du collège de l’Abbaye Saint-Maurice, en Suisse. Saintes Fêtes de Pâques et bon pèlerinage à tous !

Traduction : Zenit

Audience générale du 24 mars 2010 : saint Albert le Grand

25 mars, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-23894?l=french

Audience générale du 24 mars 2010 : saint Albert le Grand

Texte intégral

ROME, Mercredi 24 mars 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.

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Chers frères et sœurs,

L’un des plus grands maîtres de la théologie médiévale est saint Albert le Grand. Le titre de « grand » (magnus), avec lequel il est passé à l’histoire, indique l’étendue et la profondeur de sa doctrine, qu’il associa à la sainteté de sa vie. Mais ses contemporains déjà n’hésitaient pas à lui attribuer des titres d’excellence ; l’un de ses disciples, Ulrich de Strasbourg, le définit comme « stupeur et miracle de notre temps ».
Il naquit en Allemagne au début du XIIIe siècle, et tout jeune encore, il se rendit en Italie, à Padoue, siège de l’une des plus célèbres facultés du moyen-âge. Il se consacra à l’étude de ce que l’on appelle les « arts libéraux » : grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie, astronomie et musique, c’est-à-dire de la culture générale, manifestant cet intérêt typique pour les sciences naturelles, qui devait bientôt devenir le domaine de prédilection de sa spécialisation. Au cours de son séjour à Padoue, il fréquenta l’église des dominicains, auxquels il s’unit par la suite avec la profession des vœux religieux. Les sources hagiographiques font comprendre qu’Albert a pris cette décision progressivement. Le rapport intense avec Dieu, l’exemple de sainteté des frères dominicains, l’écoute des sermons du bienheureux Jourdain de Saxe, successeur de saint Dominique à la tête de l’Ordre des prêcheurs, furent les facteurs décisifs qui l’aidèrent à surmonter tout doute, vainquant également les résistances familiales. Souvent, dans les années de notre jeunesse, Dieu nous parle et nous indique le projet de notre vie. Comme pour Albert, pour nous tous aussi, la prière personnelle nourrie par la Parole du Seigneur, l’assiduité aux sacrements et la direction spirituelle donnée par des hommes éclairés sont les moyens pour découvrir et suivre la voix de Dieu. Il reçut l’habit religieux des mains du bienheureux Jourdain de Saxe.

Après son ordination sacerdotale, ses supérieurs le destinèrent à l’enseignement dans divers centres d’études théologiques liés aux couvents des Pères dominicains. Ses brillantes qualités intellectuelles lui permirent de perfectionner l’étude de la théologie à l’Université la plus célèbre de l’époque, celle de Paris. Albert entreprit alors l’activité extraordinaire d’écrivain, qu’il devait poursuivre toute sa vie.

Des tâches prestigieuses lui furent confiées. En 1248, il fut chargé d’ouvrir un bureau de théologie à Cologne, l’un des chefs-lieux les plus importants d’Allemagne, où il vécut à plusieurs reprises, et qui devint sa ville d’adoption. De Paris, il emmena avec lui à Cologne un élève exceptionnel, Thomas d’Aquin. Le seul mérite d’avoir été le maître de saint Thomas d’Aquin suffirait pour que l’on nourrisse une profonde admiration pour saint Albert. Entre ces deux grands théologiens s’instaura un rapport d’estime et d’amitié réciproque, des attitudes humaines qui contribuent beaucoup au développement de la science. En 1254, Albert fut élu Provincial de la « Provincia Teutoniae » – teutonique – des Pères dominicains, qui comprenait des communautés présentes dans un vaste territoire du centre et du nord de l’Europe. Il se distingua par le zèle avec lequel il exerça ce ministère, en visitant les communautés et en rappelant constamment les confrères à la fidélité, aux enseignements et aux exemples de saint Dominique.

Ses qualités n’échappèrent pas au pape de l’époque, Alexandre IV, qui voulut Albert pendant un certain temps à ses côtés à Agnani – où les papes se rendaient fréquemment – à Rome même et à Viterbe, pour bénéficier de ses conseils théologiques. Le même souverain pontife le nomma évêque de Ratisbonne, un grand et célèbre diocèse, qui traversait toutefois une période difficile. De 1260 à 1262, Albert accomplit ce ministère avec un dévouement inlassable, réussissant à apporter la paix et la concorde dans la ville, à réorganiser les paroisses et les couvents, et à donner une nouvelle impulsion aux activités caritatives.

Dans les années 1263-1264, Albert prêcha en Allemagne et en Bohême, envoyé par le pape Urbain IV, pour retourner ensuite à Cologne et reprendre sa mission d’enseignant, de chercheur et d’écrivain. Etant un homme de prière, de science et de charité, il jouissait d’une grande autorité dans ses interventions, à l’occasion de divers événements concernant l’Eglise et la société de l’époque : ce fut surtout un homme de réconciliation et de paix à Cologne, où l’archevêque était entré en opposition farouche avec les institutions de la ville ; il se prodigua au cours du déroulement du IIe Concile de Lyon, en 1274, convoqué par le pape Grégoire X pour favoriser l’union entre l’Eglise latine et l’Eglise grecque, après la séparation du grand schisme d’Orient de 1054 ; il éclaircit la pensée de Thomas d’Aquin, qui avait rencontré des objections et même fait l’objet de condamnations totalement injustifiées.

Il mourut dans la cellule de son couvent de la Sainte-Croix à Cologne en 1280, et il fut très vite vénéré par ses confrères. L’Eglise le proposa au culte des fidèles avec sa béatification, en 1622, et avec sa canonisation, en 1931, lorsque le pape Pie XI le proclama Docteur de l’Eglise. Il s’agissait d’une reconnaissance sans aucun doute appropriée, pour ce grand homme de Dieu et éminent savant non seulement dans le domaine des vérités de la foi, mais dans de très nombreux autres domaines du savoir. En effet, en regardant le titre de ses très nombreuses œuvres, on se rend compte que sa culture a quelque chose de prodigieux, et que ses intérêts encyclopédiques le conduisirent à s’occuper non seulement de philosophie et de théologie, comme d’autres contemporains, mais également de toute autre discipline alors connue, de la physique à la chimie, de l’astronomie à la minéralogie, de la botanique à la zoologie. C’est pour cette raison que le pape Pie XII le nomma patron de ceux qui aiment les sciences naturelles et qu’il est également appelé « Doctor universalis », précisément en raison de l’ampleur de ses intérêts et de son savoir.

Les méthodes scientifiques utilisées par saint Albert le Grand ne sont assurément pas celles qui devaient s’affirmer au cours des siècles suivants. Sa méthode consistait simplement dans l’observation, dans la description et dans la classification des phénomènes étudiés.

Il a encore beaucoup à nous enseigner. Saint Albert montre surtout qu’entre la foi et la science il n’y a pas d’opposition, malgré certains épisodes d’incompréhension que l’on a enregistrés au cours de l’histoire. Un homme de foi et de prière comme saint Albert le Grand, peut cultiver sereinement l’étude des sciences naturelles et progresser dans la connaissance du micro et du macrocosme, découvrant les lois propres de la matière, car tout cela concourt à nourrir sa soif et son amour de Dieu. La Bible nous parle de la création comme du premier langage à travers lequel Dieu – qui est intelligence suprême, qui est Logos – nous révèle quelque chose de lui. Le Livre de la Sagesse, par exemple, affirme que les phénomènes de la nature, dotés de grandeur et de beauté, sont comme les œuvres d’un artiste, à travers lesquelles, par analogie, nous pouvons connaître l’Auteur de la création (cf. Sg 13, 5). Avec une comparaison classique au Moyen-âge et à la Renaissance, on peut comparer le monde naturel à un livre écrit par Dieu, que nous lisons selon les diverses approches de la science (cf. Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences, 31 octobre 2008). En effet, combien de scientifiques, dans le sillage de saint Albert le Grand, ont mené leurs recherches inspirés par l’émerveillement et la gratitude face au monde qui, à leurs yeux de chercheurs et de croyants, apparaissait et apparaît comme l’œuvre bonne d’un Créateur sage et aimant ! L’étude scientifique se transforme alors en un hymne de louange. C’est ce qu’avait bien compris un grand astrophysicien de notre époque, Enrico Medi, dont la cause de béatification a été introduite, et qui écrivait : « Oh, vous mystérieuses galaxies…, je vous vois, je vous calcule, je vous entends, je vous étudie, je vous découvre, je vous pénètre et je vous recueille. De vous, je prends la lumière et j’en fais de la science, je prends le mouvement et j’en fais de la sagesse, je prends le miroitement des couleurs et j’en fais de la poésie ; je vous prends vous, étoiles, entre mes mains, et tremblant dans l’unité de mon être, je vous élève au-dessus de vous-mêmes, et en prière je vous présente au Créateur, que seulement à travers moi, vous étoiles, vous pouvez adorer » (Le opere. Inno alla creazione).

Saint Albert le Grand nous rappelle qu’entre science et foi une amitié existe et que les hommes de science peuvent parcourir à travers leur vocation à l’étude de la nature, un authentique et fascinant parcours de sainteté.

Son extraordinaire ouverture d’esprit se révèle également dans une opération culturelle qu’il entreprit avec succès : l’accueil et la mise en valeur de la pensée d’Aristote. A l’époque de saint Albert, en effet, la connaissance de beaucoup d’œuvres de ce grand philosophe grec ayant vécu au quatrième siècle avant Jésus Christ, en particulier dans le domaine de l’éthique et de la métaphysique, était en effet en train de se répandre. Celles-ci démontraient la force de la raison, elles expliquaient avec lucidité et clarté le sens et la structure de la réalité, son intelligibilité, la valeur et la fin des actions humaines. Saint Albert le Grand a ouvert la porte à la réception complète de la philosophie d’Aristote dans la philosophie et la théologie médiévales, une réception élaborée ensuite de manière définitive par saint Thomas. Cette réception d’une philosophie, disons, païenne pré-chrétienne, fut une authentique révolution culturelle pour cette époque. Pourtant, beaucoup de penseurs chrétiens craignaient la philosophie d’Aristote, la philosophie non chrétienne, surtout parce que celle-ci, présentée par ses commentateurs arabes, avait été interprétée de manière à apparaître, au moins sur certains points, comme tout à fait inconciliable avec la foi chrétienne. Il se posait donc un dilemme : foi et raison sont-elles ou non en conflit l’une avec l’autre ?

C’est là que réside l’un des grands mérites de saint Albert : avec une rigueur scientifique il étudia les œuvres d’Aristote, convaincu que tout ce qui est vraiment rationnel est compatible avec la foi révélée dans les Saintes Ecritures. En d’autres termes, saint Albert le Grand a ainsi contribué à la formation d’une philosophie autonome, distincte de la théologie et unie avec elle uniquement par l’unité de la vérité. Ainsi est apparue au XIIIe siècle une distinction claire entre ces deux savoirs, philosophie et théologie qui, en dialogue l’un avec l’autre, coopèrent de manière harmonieuse à la découverte de la vocation authentique de l’homme, assoiffé de vérité et de béatitude : et c’est surtout la théologie, définie par saint Albert comme une « science affective », qui indique à l’homme son appel à la joie éternelle, une joie qui jaillit de la pleine adhésion à la vérité.

Saint Albert le Grand fut capable de communiquer ces concepts de manière simple et compréhensible. Authentique fils de saint Dominique, il prêchait volontiers au peuple de Dieu, qui demeurait conquis par sa parole et par l’exemple de sa vie.

Chers frères et sœurs, prions le Seigneur pour que ne viennent jamais à manquer dans la sainte Eglise de doctes théologiens, pieux et savants comme saint Albert le Grand et pour qu’il aide chacun de nous à faire sienne la « formule de la sainteté » qu’il adopta dans sa vie : « Vouloir tout ce que je veux pour la gloire de Dieu, comme Dieu veut pour sa gloire tout ce qu’Il veut », se conformer toujours par conséquent à la volonté de Dieu pour vouloir et faire tout, seulement et toujours pour Sa gloire.

A l’issue de l’Audience générale, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes aux pèlerins francophones :

Chers frères et sœurs,

Saint Albert le Grand fut l’un des grands maîtres de la théologie scolastique. Né en Allemagne au début du treizième siècle, il étudia d’abord à Padoue, où il fréquenta l’église des Dominicains chez lesquels il fit profession. Après son ordination sacerdotale, il fut envoyé à Paris pour perfectionner ses études de théologie. Il entreprit alors une extraordinaire activité d’écrivain. En 1254, il fut élu Provincial des Dominicains pour un vaste territoire d’Europe du Nord. Archevêque de Ratisbonne de 1260 à 1264, il demandera ensuite au Pape d’être déchargé de ce ministère pour reprendre sa mission d’enseignement et d’étude. Homme de prière, de science et de charité, Albert jouissait d’une grande autorité dans la vie de l’Eglise et de la société de son temps. Il meurt en 1280 dans son couvent de Cologne. Albert le Grand nous rappelle qu’il n’y a pas d’opposition entre science et foi, et que ceux qui étudient les sciences de la nature peuvent parcourir un véritable chemin de sainteté. Il met en lumière le fait que la philosophie et la théologie ont des méthodes différentes, mais que leur dialogue coopère harmonieusement à la découverte de l’authentique vocation de l’homme. Prions pour que l’Eglise ne manque jamais de théologiens qui soient enracinés dans la prière, compétents et pleins de sagesse, et pour qu’en tout, nous sachions nous conformer à la volonté de Dieu pour ne rechercher que sa Gloire.

* * *

C’est avec joie que j’accueille ce matin les pèlerins francophones, en particulier les jeunes venus de France et le groupe du diocèse de Vannes. A tous je souhaite de vivre une fervente Semaine Sainte afin de découvrir toujours plus la profondeur de l’amour de Dieu pour les hommes. Que Dieu vous bénisse !

Traduction : Zenit

Audience générale du 3 mars : Saint Bonaventure

5 mars, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-23671?l=french

Audience générale du 3 mars  : Saint Bonaventure

Texte intégral

ROME, Mercredi 3 mars 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, salle Paul VI, au Vatican.

* * *

Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, je voudrais parler de saint Bonaventure de Bagnoregio. Je vous avoue qu’en vous proposant ce thème, je ressens une certaine nostalgie, car je repense aux recherches que, jeune chercheur, j’ai conduites précisément sur cet auteur, qui m’est particulièrement cher. Sa connaissance a beaucoup influencé ma formation. C’est avec une grande joie que je me suis rendu en pèlerinage, il y a quelques mois, sur son lieu de naissance, Bagnoregio, petite ville italienne dans le Latium, qui conserve avec vénération sa mémoire.

Né probablement aux alentours de 1217 et mort en 1274, il vécut au XIIIe siècle, à une époque où la foi chrétienne, profondément imprégnée dans la culture et dans la société de l’Europe, inspira des œuvres durables dans le domaine de la littérature, des arts visuels, de la philosophie et de la théologie. Parmi les grandes figures chrétiennes qui contribuèrent à la composition de cette harmonie entre foi et culture se distingue précisément Bonaventure, homme d’action et de contemplation, de profonde piété et de prudence dans le gouvernement.

Il s’appelait Jean de Fidanza. Comme il le raconte lui-même, un épisode qui eut lieu alors qu’il était encore jeune garçon, marqua profondément sa vie. Il avait été frappé d’une grave maladie, et pas même son père, qui était médecin, espérait désormais pouvoir le sauver de la mort. Alors, sa mère eut recours à l’intercession de saint François d’Assise, canonisé depuis peu. Et Jean guérit.

La figure du Poverello d’Assise lui devint encore plus familière quelques années plus tard, alors qu’il se trouvait à Paris, où il s’était rendu pour ses études. Il avait obtenu le diplôme de Maître d’art, que nous pourrions comparer à celui d’un prestigieux lycée de notre époque. Comme tant de jeunes du passé et également d’aujourd’hui, Jean se posa alors une question cruciale : « Que dois-je faire de ma vie ? ». Fasciné par le témoignage de ferveur et de radicalité évangélique des frères mineurs, qui étaient arrivés à Paris en 1219, Jean frappa aux portes du couvent franciscain de la ville et demanda à être accueilli dans la grande famille des disciples de saint François. De nombreuses années plus tard, il expliqua les raisons de son choix : chez saint François et dans le mouvement auquel il avait donné naissance, il reconnaissait l’action du Christ. Il écrivait ceci dans une lettre adressée à un autre frère : « Je confesse devant Dieu que la raison qui m’a fait aimer le plus la vie du bienheureux François est qu’elle ressemble aux débuts et à la croissance de l’Eglise. L’Eglise commença avec de simples pêcheurs, et s’enrichit par la suite de docteurs très illustres et sages ; la religion du bienheureux François n’a pas été établie par la prudence des hommes mais par le Christ » (Epistula de tribus quaestionibus ad magistrum innominatum, in Œuvres de saint Bonaventure. Introduction générale, Rome 1990, p. 29).

C’est pourquoi, autour de l’an 1243, Jean revêtit l’habit franciscain et prit le nom de Bonaventure. Il fut immédiatement dirigé vers les études, et fréquenta la faculté de théologie de l’université de Paris, suivant un ensemble de cours de très haut niveau. Il obtint les divers titres requis pour la carrière académique, ceux de « bachelier biblique » et de « bachelier sentencier ». Ainsi Bonaventure étudia-t-il en profondeur l’Ecriture Sainte, les Sentences de Pierre Lombard, le manuel de théologie de l’époque, ainsi que les plus importants auteurs de théologie, et, au contact des maîtres et des étudiants qui affluaient à Paris de toute l’Europe, il mûrit sa propre réflexion personnelle et une sensibilité spirituelle de grande valeur qu’au cours des années suivantes, il sut transcrire dans ses œuvres et dans ses sermons, devenant ainsi l’un des théologiens les plus importants de l’histoire de l’Eglise. Il est significatif de rappeler le titre de la thèse qu’il défendit pour être habilité à l’enseignement de la théologie, la licentia ubique docendi, comme on disait alors. Sa dissertation avait pour titre Questions sur la connaissance du Christ. Cet argument montre le rôle central que le Christ joua toujours dans la vie et dans l’enseignement de Bonaventure. Nous pouvons dire sans aucun doute que toute sa pensée fut profondément christocentrique.

Durant ces années, à Paris, la ville d’adoption de Bonaventure, se répandait une violente polémique contre les frères mineurs de saint François d’Assise et les frères prédicateurs de saint Dominique de Guzman. On leur contestait le droit d’enseigner à l’Université, et on allait jusqu’à mettre en doute l’authenticité de leur vie consacrée. Assurément, les changements introduits par les ordres mendiants dans la manière d’envisager la vie religieuse, dont j’ai parlé dans les catéchèses précédentes, étaient tellement innovateurs que tous ne parvenaient pas à les comprendre. S’ajoutaient ensuite, comme cela arrive parfois même entre des personnes sincèrement religieuses, des motifs de faiblesse humaine, comme l’envie et la jalousie. Bonaventure, même s’il était encerclé par l’opposition des autres maîtres universitaires, avait déjà commencé à enseigner à la chaire de théologie des franciscains et, pour répondre à qui contestait les ordres mendiants, composa un écrit intitulé La perfection évangélique. Dans cet écrit, il démontre comment les ordres mendiants, spécialement les frères mineurs, en pratiquant les vœux de chasteté et d’obéissance, suivaient les conseils de l’Evangile lui-même. Au-delà de ces circonstances historiques, l’enseignement fourni par Bonaventure dans son œuvre et dans sa vie demeure toujours actuel : l’Eglise est rendue plus lumineuse et belle par la fidélité à la vocation de ses fils et de ses filles qui non seulement mettent en pratique les préceptes évangéliques mais, par la grâce de Dieu, sont appelés à en observer les conseils et témoignent ainsi, à travers leur style de vie pauvre, chaste et obéissant, que l’Evangile est une source de joie et de perfection.

Le conflit retomba, au moins un certain temps, et, grâce à l’intervention personnelle du pape Alexandre IV, en 1257, Bonaventure fut reconnu officiellement comme docteur et maître de l’université parisienne. Il dut toutefois renoncer à cette charge prestigieuse, parce que la même année, le Chapitre général de l’ordre l’élut ministre général.

Il exerça cette fonction pendant dix-sept ans avec sagesse et dévouement, visitant les provinces, écrivant aux frères, intervenant parfois avec une certaine sévérité pour éliminer les abus. Quand Bonaventure commença ce service, l’Ordre des frères mineurs s’était développé de manière prodigieuse : il y avait plus de 30.000 frères dispersés dans tout l’Occident avec des présences missionnaires en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, et également à Pékin. Il fallait consolider cette expansion et surtout lui conférer, en pleine fidélité au charisme de François, une unité d’action et d’esprit. En effet, parmi les disciples du saint d’Assise on enregistrait différentes façons d’interpréter le message et il existait réellement le risque d’une fracture interne. Pour éviter ce danger, le chapitre général de l’Ordre, qui eut lieu à Narbonne en 1260, accepta et ratifia un texte proposé par Bonaventure, dans lequel on recueillait et on unifiait les normes qui réglementaient la vie quotidienne des frères mineurs. Bonaventure avait toutefois l’intuition que les dispositions législatives, bien qu’elles fussent inspirées par la sagesse et la modération, n’étaient pas suffisantes à assurer la communion de l’esprit et des cœurs. Il fallait partager les mêmes idéaux et les mêmes motivations. C’est pour cette raison que Bonaventure voulut présenter le charisme authentique de François, sa vie et son enseignement. Il rassembla donc avec un grand zèle des documents concernant le Poverello et il écouta avec attention les souvenirs de ceux qui avaient directement connu François. Il en naquit une biographie, historiquement bien fondée, du saint d’Assise, intitulée Legenda Maior, rédigée également sous forme plus brève, et donc appelée Legenda minor. Le mot latin, à la différence du mot italien, n’indique pas un fruit de l’imagination, mais, au contraire, « Legenda » signifie un texte faisant autorité, « à lire » de manière officielle. En effet, le chapitre des frères mineurs de 1263, qui s’était réuni à Pise, reconnut dans la biographie de saint Bonaventure le portrait le plus fidèle du fondateur et celle-ci devint, ainsi, la biographie officielle du saint.

Quelle est l’image de François qui ressort du cœur et de la plume de son pieux fils et de son successeur, saint Bonaventure ? Le point essentiel : François est un alter Christus, un homme qui a cherché passionnément le Christ. Dans l’amour qui pousse à l’imitation, il s’est conformé entièrement à Lui. Bonaventure indiquait cet idéal vivant à tous les disciples de François. Cet idéal, valable pour chaque chrétien, hier, aujourd’hui et à jamais, a été indiqué comme programme également pour l’Eglise du Troisième millénaire par mon prédécesseur, le vénérable Jean-Paul II. Ce programme, écrivait-il dans la Lettre Novo millennio ineunte, est centré « sur le Christ lui-même, qu’il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l’histoire jusqu’à son achèvement dans la Jérusalem céleste » (n. 29).

En 1273, la vie de saint Bonaventure connut un autre changement. Le pape Grégoire X voulut le consacrer évêque et le nommer cardinal. Il lui demanda également de préparer un événement ecclésial très important : le IIe concile œcuménique de Lyon, qui avait pour but le rétablissement de la communion entre l’Eglise latine et l’Eglise grecque. Il se consacra à cette tâche avec diligence, mais il ne réussit pas à voir la conclusion de cette assise œcuménique, car il mourut pendant son déroulement. Un notaire pontifical anonyme composa un éloge de Bonaventure, qui nous offre un portrait conclusif de ce grand saint et excellent théologien : « Un homme bon, affable, pieux et miséricordieux, plein de vertus, aimé de Dieu et des hommes… En effet, Dieu lui avait donné une telle grâce, que tous ceux qui le voyaient étaient envahis par un amour que le cœur ne pouvait pas cacher » (cf. J.G. Bougerol, Bonaventura, in. A. Vauchez (sous la direction de), Storia dei santi e della santità cristiana. Vol. VI L’epoca del rinnovamento evangelico, Milan 1991, p. 91).

Recueillons l’héritage de ce grand Docteur de l’Eglise, qui nous rappelle le sens de notre vie avec les parole suivantes : « Sur la terre… nous pouvons contempler l’immensité divine à travers le raisonnement et l’admiration ; dans la patrie céleste, en revanche, à travers la vision, lorsque nous serons faits semblables à Dieu, et à travers l’extase… nous entrerons dans la joie de Dieu » (La conoscenza di Cristo, q. 6, conclusione, in Opere di San Bonaventura. Opuscoli Teologici/1, Roma 1993, p. 187.

A l’issue de l’audience générale, le pape a résumé sa catéchèse en plusieurs langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers frères et sœurs,

Saint Bonaventure a vécu au treizième siècle. Homme d’action et de contemplation, de profonde piété et de prudence, il a contribué à former l’harmonie entre la foi et la culture. Etudiant à Paris, il fut fasciné par la ferveur et la radicalité évangélique des frères mineurs, il demanda à entrer dans la famille des disciples de saint François. Puis, il poursuivit ses études à la faculté de théologie de l’Université de Paris, et il devint l’un des plus importants théologiens de l’histoire de l’Eglise. Toute sa pensée fut profondément christologique. Dans un écrit intitulé La perfection évangélique, il montra que l’Eglise est rendue plus belle par la fidélité de ses fils et de ses filles qui, par la grâce de Dieu, sont appelés à observer les conseils évangéliques et à témoigner ainsi que l’Evangile est source de joie et de perfection. Lorsque Bonaventure fut élu ministre général, l’ordre des frères mineurs comptait 30.000 membres, répartis dans tout l’Occident. Pour en assurer la communion, il présenta l’authentique charisme de François et son enseignement dans une biographie où nous trouvons le portrait le plus fidèle du saint fondateur. Pour Bonaventure, François est un homme qui a cherché passionnément le Christ et qui s’est entièrement conformé à lui. Puisse cet idéal être aussi un programme pour l’Eglise du troisième millénaire et pour chaque chrétien !

* * *

Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins de langue française, en particulier le groupe « Chrétiens en grandes écoles », de Paris et les servants d’autel, de Versailles. Que ce temps du carême soit pour vous tous une occasion de rechercher le véritable visage du Christ, pour lui conformer votre existence ! Que Dieu vous bénisse !

Traduction : Zenit

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