HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DU CARÊME ANNÉE A : JÉSUS AU DÉSERT
28 février, 2020https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-1er-dimanche-du-Careme-Annee-A-Jesus-au-desert_a939.html
HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DU CARÊME ANNÉE A : JÉSUS AU DÉSERT
Textes: Genèse 2, 7-9; 3,1-7a, Romains 5, 12-19 et Mathieu 4, 1-11.
Les lectures de ce premier dimanche du Carême nous présentent comme c’est l’habitude le récit de la tentation de Jésus au désert. On en a cette année le récit selon l’évangile de saint Mathieu. On y ajoute dans la première lecture celui du péché d’Adam. Ces deux récits ont comme cadre deux lieux où se joue un drame semblable.
I – Deux lieux de tentation
Le premier lieu, celui dont nous parle la première lecture, est le jardin d’Éden, le « paradis terrestre » comme on le dit couramment. Ce jardin créé par Dieu, selon le récit de la création que l’on trouve dans le livre de la Genèse, devient, dans notre récit, le jardin de la tentation. Nous y voyons Adam, l’ancêtre de l’humanité, subir la tentation où il est amené à choisir entre sa volonté propre et le respect de celle de son créateur qui lui a interdit de se substituer à lui en mangeant le fruit de l’arbre du bien et du mal. Adam va franchir les limites inscrites par Dieu lui-même en cédant au tentateur sous la forme d’un serpent.
La tentation de se prendre pour Dieu sera plus forte que son attachement à son créateur. Il désire se faire égal à Dieu et c’est le drame. Il en paiera les conséquences entraînant avec lui toute sa descendance Par lui, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture, le péché est entré dans le monde dès les origines.
Regardons maintenant un autre décor. C’est celui du désert où se retire Jésus. Le désert est lui aussi le lieu de la tentation. Dans l’histoire d’Israël on voit le peuple juif succomber plusieurs fois dans l’idolâtrie au cours de son séjour au désert. Le désert est ainsi un lieu où se joue le combat entre Dieu et Satan, entre Dieu et l’Adversaire.
En se retirant au désert, Jésus accepte d’entrer dans ce combat, d’affronter le tentateur directement. Après quarante jours, celui-ci survient et le récit nous raconte les trois approches choisies et le refus radical de Jésus de se laisser entraîner à mettre Dieu de côté comme Adam. Au contraire, il manifeste sa totale obéissance à Dieu et ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera rendue juste comme le dit saint Paul. Rien ne pourra remettre en cause ce oui de Jésus qui est vainqueur du tentateur au désert.
II – Le choix de Jésus
Comment se manifeste la victoire de Jésus ? Le récit tout simple de saint Mathieu est très riche d’enseignement sur ce point.
Les trois tentations décrites nous ramènent à trois tendances de notre nature humaine, sources d’innombrables déroutes, de conflits et de misères. Ces tendances sont toujours à l’œuvre et Jésus les affronte parce qu’en lui c’est nous aussi qui sommes soumis aux avances de l’Adversaire. « Dans le Christ c’est toi qui était tenté » dit saint Augustin dans son commentaire du psaume 60.
La première tentation est représentée par la faim. Se nourrir est nécessaire pour toute personne. Sans nourriture pas de vie. C’est nécessaire pour la conservation de sa vie. Et le tentateur prend appui sur cette besoin inné dans l’humain pour le replier sur lui-même et lui fermer la porte du désir de transcendance, de l’invisible. Jésus est radical dans sa réponse « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».
La seconde tentation fait appel à un orgueil démesuré, la vaine gloire, pour que Jésus se confronte à Dieu : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ». Et encore cette fois-ci, Jésus répond au tentateur en lui opposant la Parole de Dieu « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ».
La troisième tentation est celle du pouvoir sous toutes ses formes représenté par les « rois de la terre ». Et pour la troisième fois, Jésus se réclame de la Parole de Dieu pour repousser cette tentation : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte ».
III – Application
Que retenir de ces deux récits, celui de la première lecture et celui de l’évangile ? La réponse se trouve dans la seconde lecture. Saint Paul y explique aux chrétiens de Rome que Jésus est le seul et unique Sauveur d’un monde qui hélas! à la suite du premier homme, Adam, s’est perdu dans le péché et la mort. « Ainsi la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché » écrit saint Paul. Cet situation d’éloignement de Dieu ne pouvait être brisée que par quelqu’un qui, lui, créerait de nouveaux liens et rétablirait la vie et l’amour dans le monde.
C’est Jésus, Fils de Dieu parmi ses frères et sœurs, qui sera le nouvel Adam et c’est par lui que toute créature sera réconciliée avec Dieu. Saint Paul l’affirme clairement lorsqu’il écrit « De même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie ».
Conclusion
Le début d’un nouveau Carême qui est toujours une belle montée vers Pâques est l’occasion pour nous de nous laisser entraîner dans le mouvement du Mystère du Salut que nous recevons en Jésus. Le pape Francois y insiste dans son message de Carême cette année : « Le fait que le Seigneur nous offre, une fois de plus, un temps favorable pour notre conversion, ne doit jamais être tenu pour acquis. Cette nouvelle opportunité devrait éveiller en nous un sentiment de gratitude et nous secouer de notre torpeur. Malgré la présence, parfois dramatique, du mal dans nos vies ainsi que dans la vie de l’Église et du monde, cet espace offert pour un changement de cap exprime la volonté tenace de Dieu de ne pas interrompre le dialogue du salut avec nous » (numéro 3).
Comme on nous l’a dit mercredi dernier, le jour du Mercredi des Cendres, « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Que notre Eucharistie aujourd’hui soit un moment de recueillement spécial et qu’elle nous aide à cheminer avec une ardeur renouvelée tout au cours du Carême en union avec Jésus, Celui qui est pour nous la Voie, la Vérité et la Vie (Jean 14, 6).
Amen!
Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec