Archive pour la catégorie 'Cardinal C.M.Martini †'

PRIÈRE POUR LA PAIX AUTEUR : CARDINAL MARTINI

18 mars, 2015

http://users.skynet.be/prier/textes/PR0754.HTM

PRIÈRE POUR LA PAIX

AUTEUR : CARDINAL MARTINI

O Dieu, notre Père,
riche d’amour et de miséricorde,
nous voulons te prier avec foi
pour la paix en tant de pays du monde,
pour les nombreux foyers de lutte et de haine.

Il est vrai, Seigneur, que nous-mêmes
sommes responsables de la paix absente,
et c’est pourquoi nous te supplions
de nous donner une volonté humble, forte, sincère,
pour reconstruire dans notre vie personnelle
et communautaire des rapports de vérité,
de justice, de liberté, d’amour, de solidarité (..).

La paix terrestre est le reflet de ta paix
que tu nous donnes et nous confies,
elle naît de ton amour pour l’homme
et de notre amour pour toi et pour tous nos frères.

Change notre coeur, Seigneur,
car nous sommes les premiers
à avoir besoin d’un coeur pacifique (…).
Fais-nous comprendre, ô Père,
le sens profond d’une prière de paix vraie,
semblable à celle de Jésus sur Jérusalem.
Prière d’intercession qui nous rende capables
de ne pas prendre position dans les conflits,
mais d’entrer au coeur des situations incurables
en devenant solidaires des deux parties en conflit,
en priant pour l’une et pour l’autre. (…)

Envoie ton Esprit-Saint sur nous
pour nous convertir à toi ! (…)
C’est l’Esprit qui nous fait accueillir cette paix
qui dépasse notre horizon
et devient une décision ferme et sérieuse
d’aimer tous nos frères,
de façon que la flamme de la paix réside en nos coeurs
et dans nos familles, dans nos communautés,
et irradie mystérieusement le monde entier
en poussant tous les hommes
vers une pleine communion de paix.

C’est l’Esprit qui nous aide à pénétrer
dans la contemplation de ton Fils crucifié
et mort sur la croix pour faire de tous un seul peuple.

Et toi, Marie, reine de la paix,
intercède afin que le sourire de la paix
resplendisse sur tous ces enfants
dispersés à travers le monde,
marqués par la violence,
afin que se réalise pleinement
la parole du prophète Isaïe :
 » (…) Paix ! Paix à qui est loin et à qui est proche »

MÉDITATION POUR LE SAMEDI SAINT – Cardinal Carlo Maria Martini

19 avril, 2014

http://christianegrimonprez.blogspot.it/

MÉDITATION POUR LE SAMEDI SAINT

« Et Dieu se fit vulnérable »

Cardinal Carlo Maria Martini

Les récits de la passion

En ce samedi saint, ce jour du grand silence de Dieu, de la grande absence de Dieu… il peut être bon de nous demander : en quel Dieu croyons-nous ? Acceptons-nous vraiment qu’il se dise à nous dans le chemin suivi par Jésus jusqu’à la mort en croix ? Le texte ci-dessous voudrait nous y aider. Il s’agit d’une méditation des derniers instants de Jésus dans le récit qu’en fait Matthieu.
« Un courant de la mystique occidentale a souvent pensé qu’on ne peut faire l’économie, pour l’homme spirituel, de l’expérience de l’aridité, de la tiédeur, de la lassitude, de l’obscurité, de la nuit. Ce serait de simples chemins qui montent de la pesanteur de la chair, par la purification, vers la contemplation de la lumière de Dieu.
En vérité, cette réalité doit être interprétée christologiquement, à la lumière de l’évangile : nous sommes appelés à être là où est le Christ, à connaître Dieu comme le Christ nous l’a fait connaître. Et puisque la puissance du Christ s’est révélée dans la faiblesse, la lumière de Dieu dans l’obscurité des heures de la croix, puisque la gloire et l’espérance de Dieu se sont manifestées dans le cri de douleur et d’abandon, ainsi nous aussi, nous sommes appelés, en quelque sorte, sur les chemins que Jésus nous propose, à connaître un Dieu différent de l’image que nous en avions.
Reparaît la question : pourquoi Dieu se donne-t-il à connaître sur la croix ? Jésus ne pouvait-il pas descendre de ce bois et nous sauver à moindre frais ? Aurait-il donc vraiment pris au sérieux l’abîme de la méchanceté de l’homme et du monde ? Une fois encore nous sommes poussés à chercher le pourquoi de sa mort paradoxale.
La mort de Jésus n’a rien de glorieux ni d’extraordinaire. Il y a par grâce de Dieu, des morts lumineuses, des morts de personnes auprès desquelles on respire un parfum de paradis : la sérénité, la paix de Dieu. C’est la force du Ressuscité qui se déverse dans l’expérience la plus tragique de l’homme et parfois la transfigure… Mais la mort de Jésus n’a pas été ainsi.
Après ses dernière paroles, le malentendu est patent : ils croient que Jésus appelle Elie et ils lui donnent une éponge imbibée de vinaigre. Du trouble se produit, mais nul spectacle de grandeur, personne qui s’étonne et qui prie. Tout se passe à la frange du grave et du dérisoire, au milieu d’une foule habituée à voir mourir des condamnés. Jésus crie, une fois encore : une clameur sans un mot, paroxysme du mystère.
La mort de Jésus est tragique. Elle n’est pas auréolée de sérénité et de paix : Jésus tombe dans l’abîme de la cruauté humaine qui l’engloutit.
Notons ceci : Jean et Luc nous présentent la mort de Jésus comme transfigurée ; Matthieu et Marc, quant à eux, nous montrent l’aspect infiniment plus amer de ce drame. Et ce second aspect (qui ne doit pas nous faire oublier l’autre) insiste sur la part que, dans sa mort, Jésus prend à tant de morts humaines sans grandeur, ce qui est le cas de la grande majorité des hommes et des femmes de notre terre.
(…) Nous voudrions que les derniers moments de notre vie soient paisibles, dans l’abandon serein… ils peuvent être, au contraire, étrangement imprévisibles, mystérieux. La mort de Jésus participe de l’imprévisibilité de l’expérience humaine de la mort.
Il n’y a qu’à adorer le mystère du Seigneur qui s’est fait semblable à chacun de nous. Ce que sera notre expérience de la mort, nous n’en savons rien. Ce que nous savons, toutefois, c’est que le Seigneur, par amour pour nous, nous en a préparé le chemin et qu’il viendra à notre rencontre ».

ITALIE : DÉCÈS DU CARD. CARLO MARIA MARTINI

3 septembre, 2012

http://www.zenit.org/article-31711?l=french

ITALIE : DÉCÈS DU CARD. CARLO MARIA MARTINI

« Bibliste reconnu et pasteur éminent », souligne Benoît XVI

ROME, vendredi 31 août 2012 (ZENIT.org) – Benoît XVI rend hommage au cardinal Martini, « bibliste reconnu » et « pasteur éminent » qui s’est éteint ce 31 août 2012 à l’âge de 85 ans. Il a « servi généreusement l’Evangile et l’Eglise », estime le pape.
Le cardinal Carlo Maria Martini, s.j., était archevêque émérite de Milan, en Italie. Il était atteint de la maladie de Parkinson. Sa santé s’était subitement dégradée hier, 30 août.
Le cardinal Martini avait été créé cardinal par Jean-Paul II en 1983. Après avoir été recteur de l’Institut biblique pontifical et de l’Université pontificale Grégorienne, il a été archevêque de Milan durant 22 ans, jusqu’en 2002. Il a également présidé le Conseil des Conférences épiscopales européennes de 1986 à 1993.
Benoît XVI fait part de sa « tristesse » dans un télégramme adressé au cardinal Angelo Scola, actuel archevêque de Milan, exprimant à la communauté diocésaine sa « profonde participation » à leur douleur, pensant avec « affection » à ce « cher frère qui a servi généreusement l’Evangile et l’Eglise ».
Le cardinal Martini a vécu sa « longue infirmité » avec une « âme sereine » et avec un « abandon confiant à la volonté du Seigneur », ajoute le pape.
Il salue l’« œuvre apostolique intense », que ce « religieux zélé, fils spirituel de saint Ignace » a prodiguée en tant qu’« enseignant expert, bibliste reconnu et recteur apprécié » de l’Université pontificale grégorienne et de l’Institut biblique pontifical, puis comme « archevêque diligent et sage de l’archidiocèse ambrosien ».
Benoît XVI rend hommage au « service compétent et fervent » que le cardinal a rendu à la Parole de Dieu, « ouvrant toujours plus la communauté ecclésiale aux trésors de la Sainte Ecriture, spécialement à travers la promotion de la lectio divina ».
Adressant sa « bénédiction apostolique » à tous ceux qui sont en deuil, il assure de ses prières pour ce « fidèle serviteur et pasteur éminent ».
Le cardinal Secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone rend également hommage à ce « fils fidèle de saint Ignace, qui a témoigné et enseigné la primauté de la vie spirituelle et l’écoute attentive de l’homme dans ses diverses conditions existentielles et sociales », dans un message envoyé au cardinal Scola.
Pour le P. Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Vatican – dont Radio Vatican rapporte les propos en italien – le cardinal Martini laisse un « héritage précieux » pour la nouvelle évangélisation, l’héritage d’un évêque qui a su « témoigner et annoncer efficacement la foi aux hommes » du temps présent, et qui a même inspiré ses « confrères évêques en de nombreux endroits du monde ».
« Innombrables sont ceux qui doivent au cardinal Martini la découverte vivifiante de la Parole de Dieu, la lumière dans leurs responsabilités, et la joie d’être en Eglise », affirme de son côté Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France, dans un communiqué.
Les funérailles seront célébrées le 3 septembre à 16h, en la cathédrale de Milan.
Avec ce décès, le Collège cardinalice compte à présent 206 cardinaux, parmi lesquels 118 électeurs en cas de conclave et 88 non électeurs de plus de 80 ans.
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Un grand don inatendu: la visite du Cardinal Martini

3 septembre, 2012

http://www.monasterodibose.it/content/view/2804/135/lang,fr/

Un grand don inatendu: la visite du Cardinal Martini

Vendredi 30 janvier, en un temps de silence et de prière plus intense pour la communauté, le cardinal Carlo Maria Martini, qui atteindra cette année 82 ans, accompagné par Mgr Erminio De Scalzi, évêque auxiliaire de mIlan, a voulu nous faire le doon de sa visite. Il a partagé avec nous la prière de midi et le repas fraternel.
Il s’est agi d’un geste d’affection pour notre communauté et tout à la fois un chant de reconnaissance de la part d’un homme conscient de se préparer sereinement à la rencontre avec le Seigneur: « Je vois désormais devant moi la vie éternelle … Je suis venu vous saluer pour la dernière fois, dire avec vous merci au Seigneur pour cette longue amitié en son nom: je compte sur votre prière et sur votre affection. Je vous embrasse et vous bénis. »
Le cardinal a ensuite voulu saluer plus particulièrement les « ambrosiens », les frères et les sœurs qui l’ont connu et aimé comme évêque, capable de partager la Parole et d’en faire sentir toute la force et la douceur.
« Dans la résurrection du Christ la vie nous est promise, tout comme dans sa mort la proximité fidèle de Dieu nous était assurée aux moments de souffrance et de mort. On meurt seul! Toutefois, comme Jésus, celui qui meurt en Dieu se sait acueilli par les bras du Père qui, dans l’Esprit, comble l’abîme de la distance et fait naître la communion éternelle de la vie. Dans la lumière de la résurrection de Jésus, nous pouvons deviner quelque chose de ce que sera la résurection de la chair. Toute beauté, tout bonheur, toute profondeur de la joie qui touche le corps et les choses constitue une anticipation, pour qui sait le voir, de la résurrection finale. »
Nous sommes reconnaissants au Seigneur de nous avoir permis de rencontrer sur notre chemin le cardinal Carlo Maria Martini, la limpidité évangélique et le cœur ouvert de son jugement sur les temps que nous vivons, son grand amour de pasteur pour la sainte Église de Dieu.
Nous lui assurons notre fidèle amitié et notre constant souvenir dans la prière, dans la communion de foi, d’espérance et de charité en Christ, que rien ni personne ne peut briser.
Le cardinal a souvent répété avec foi: « Il n’y a rien d’autre à faire que de prier! »
____________________________
Livres auprès de nos Edizioni Qiqajon:

G.ALBERIGO, E. BIANCHI, card. C.M. MARTINI
La pace: dono e profezia
E. BIANCHI, card. C.M. MARTINI
Parola e politic

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus (Carlo Maria Martini)

5 octobre, 2011

du site 30giorni:

http://www.30giorni.it/articoli_id_11083_l4.htm
    
Cinquante ans après l’encyclique Haurietis aquas du pape Pie XII. Une méditation du cardinal Carlo Maria Martini

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus

Le 15 mai dernier, Benoît XVI a envoyé au général de la Compagnie de Jésus une lettre à l’occasion des cinquante ans de l’encyclique Haurietis aquas. Déjà Pie XII avait écrit cette encyclique pour célébrer et rappeler à tous le premier centenaire de l’extension à l’Église tout entière de la fête du Sacré-Cœur de Jésus. De cette manière le Pape, profitant de cet enchaînement d’anniversaires, a voulu renouer avec le fil ininterrompu de cette dévotion qui accompagne tant de chrétiens depuis des siècles et les réconforte tout au long de leur chemin. Nous avons demandé à cette occasion quelques réflexions au cardinal Martini, qui nous a envoyé le texte qui suit

par le cardinal Carlo Maria Martini sj

Apparition du Sacré-Cœur à sainte Marguerite Marie Alacoque, mosaïque de Carlo Muccioli, Basilique Saint-Pierre, Cité du Vatican
Je me souviens très bien de l’époque à laquelle est sortie l’encyclique Haurietis aquas in gaudio. J’était alors étudiant en Écriture Sainte et membre de la communauté de l’Institut biblique pontifical, où enseignait un illustre bibliste, le père Agostino Bea, qui fut ensuite créé cardinal par Jean XXIII. Le père Bea était un proche collaborateur du pape Pie XII, et l’on disait dans la communauté – je crois à juste titre – qu’il avait contribué à la préparation de ce document. Ce qui est sûr, c’est que ce texte tout entier frappe par son inspiration biblique, à commencer par le titre qui est une citation du livre d’Isaïe (12,3). L’encyclique (qui portait la date du 15 mai 1956) fut donc lue très attentivement par la communauté de l’Institut biblique, qui appréciait particulièrement le fait qu’elle soit fondée sur les textes de l’Écriture Sainte, alors que dans le passé, cette dévotion qui a une longue histoire dans l’Église s’était surtout développée dans le peuple à partir de “révélations” d’ordre privé, comme celles faites à sainte Marguerite Marie au dix-septième siècle. Nous percevions que le message biblique de l’amour de Dieu était concrètement synthétisé dans ce texte, et cela nous rapprochait de cette dévotion traditionnelle qui avait particulièrement tenu à cœur à la Compagnie de Jésus dans un passé récent, notamment dans sa lutte contre le rigorisme janséniste.
Si Benoît XVI a voulu écrire, justement au supérieur général de la Compagnie de Jésus, une lettre pour rappeler cette encyclique, c’est certainement dû au fait que les jésuites se considéraient particulièrement responsables de la diffusion de cette dévotion dans l’Église. C’est d’ailleurs ce qu’affirmait sainte Marguerite Marie, selon laquelle c’était le Seigneur lui-même qui, se manifestant à elle, avait voulu les en charger.
C’est ainsi que la dévotion au Sacré-Cœur me fut présentée au noviciat des jésuites, dans les années Quarante du siècle dernier. Ceci m’amenait à réfléchir sur la manière dont on pouvait vivre cette dévotion et en même temps se laisser inspirer, dans sa propre vie spirituelle, par la richesse et la merveilleuse variété de la Parole de Dieu contenue dans les Saintes Écritures.
Cette question se posait avec d’autant plus d’insistance que j’avais rencontré cette dévotion sur mon propre chemin chrétien, dès mon enfance. C’est ma mère qui me l’a inculquée avec la pratique du Premier vendredi du mois. Ce jour-là, maman nous réveillait tôt pour aller à la messe dans l’église paroissiale et communier. Il avait été promis que celui qui se serait confessé et aurait communié neuf premiers vendredis du mois de suite (il n’était pas permis d’en sauter un seul!) pouvait être certain d’obtenir la grâce de la persévérance finale. Cette promesse était très importante pour ma mère. Je me souviens que pour nous, les enfants, il y avait une autre raison pour se rendre si tôt à la messe: nous prenions notre petit déjeuner dans un bar avec une bonne brioche.
Une fois qu’on avait communié neuf vendredis de suite, il n’était pas inutile de répéter la série pour être sur d’obtenir la grâce désirée, et on prit même l’habitude de dédier ce jour au Sacré-Cœur de Jésus, une habitude mensuelle qui devint ensuite hebdomadaire: chaque vendredi de l’année était dédié de quelque manière au Sacré-Cœur du Christ.
C’est ainsi que se présente à ma mémoire la dévotion de l’époque, concentrée essentiellement sur l’honneur et sur la réparation envers le Cœur de Jésus, qu’on considérait un peu en lui-même, presque séparé du reste du corps du Seigneur. En effet, certaines images représentaient uniquement le Cœur du Seigneur, couronné d’épines et transpercé par la lance.
Un des mérites de l’encyclique Haurietis aquas était justement d’aider à placer tous ces éléments dans leur contexte biblique et surtout de mettre en relief la signification profonde de cette dévotion, c’est-à-dire l’amour de Dieu, qui aime le monde de toute éternité et qui a donné son Fils pour lui (Jn 3, 16; cfr. Rm 8, 32, etc.).
Le culte du Cœur de Jésus a donc grandi en moi avec le temps. Peut-être s’est-il un peu affaibli en ce qui concerne son symbole spécifique, à savoir le cœur de Jésus. Il est devenu, pour moi et pour beaucoup d’autres dans l’Église, une dévotion tournée vers l’intimité de la personne de Jésus, vers Sa conscience profonde, Son choix de total dévouement envers nous et envers Son Père. En ce sens, le cœur est considéré dans la Bible comme le centre de la personne et le lieu de ses décisions. C’est ainsi que je vois à quel point cette dévotion nous aide, encore aujourd’hui, à contempler ce qui est essentiel dans la vie chrétienne, à savoir la charité. Je comprends même mieux comment elle se relie si étroitement à la Compagnie de Jésus, qui est générée spirituellement par les Exercices de saint Ignace de Loyola. En effet, les Exercices sont une invitation à contempler longuement Jésus, dans les mystères de Sa vie, de Sa mort, et de Sa résurrection pour pouvoir Le connaître, L’aimer et Le suivre.
Quelques épisodes de la vie de Jésus tirés de la Maestà de Duccio di Buoninsegna, Musée de l’Œuvre, Sienne; ci-dessus, la Dernière Cène, détail
Le grand mérite de cette dévotion a donc été d’avoir attiré l’attention sur le caractère central de l’amour de Dieu comme clé de l’histoire du salut. Mais pour saisir cet aspect, il était nécessaire d’apprendre à lire les Écritures, à les interpréter de manière unitaire comme une révélation de l’amour de Dieu envers l’humanité. L’encyclique Haurietis aquas a constitué une étape décisive sur cette voie.
Comment s’est produit et comment se produira à l’avenir un développement décisif des grains semés par cette encyclique dans le terrain de l’Église? Je pense que le Concile Vatican II, avec sa constitution Dei Verbum, a constitué un passage fondamental. Ce texte a exhorté le peuple de Dieu tout entier à vivre en familiarité avec les Saintes Écritures, dans la prière. C’est aussi là que les différentes “dévotions” trouvent un approfondissement et une nourriture solide.
On pourrait voir dans l’encyclique de Benoît XVI Deus caritas est, le point d’arrivée contemporain de tout cela. Le Pape écrit: «Dans l’histoire d’amour que la Bible nous raconte, Dieu vient à notre rencontre, Il cherche à nous conquérir – jusqu’à la dernière Cène, jusqu’au Cœur transpercé sur la croix, jusqu’aux apparitions du Ressuscité…» –; et il conclut en disant: «C’est alors que grandit l’abandon en Dieu et que Dieu devient notre joie (cf. Ps 72 [73], 23-28)». Il s’agit donc de lire les Saintes Écritures avec une intelligence spirituelle toujours plus grande, avec une attention vigilante envers ce qui est à la racine de toute l’histoire du salut, à savoir l’amour de Dieu pour l’humanité et le commandement de l’amour du prochain, synthèse de la Loi et des Prophètes (cfr. Mt 7, 12).
C’est de cette manière qu’on fera taire aujourd’hui les objections qui se sont élevées depuis des siècles contre le culte du Sacré-Cœur, taxé d’intimisme ou accusé d’entretenir une attitude passive qui aurait nui au service du prochain. Pie XII rappelait et réfutait ces critiques, mais celles-ci se rencontrent encore aujourd’hui, si Benoît XVI peut écrire dans son encyclique: «Le moment est venu de réaffirmer l’importance de la prière face à l’activisme et au sécularisme qui guette de nombreux chrétiens engagés dans le travail caritatif» (n. 37).
L’encyclique Haurietis aquas avait un autre mérite, c’était de souligner l’importance de l’humanité de Jésus. En ce sens, elle reprenait les réflexions des Pères de l’Église sur le mystère de l’Incarnation, en insistant sur le fait que le cœur de Jésus «a, sans aucun doute, palpité d’amour et de tout autre sentiment» (cfr. nn. 21-28). C’est pour cela que l’encyclique nous aide à nous défendre d’un faux mysticisme qui tendrait à dépasser l’humanité du Christ pour accéder pour ainsi dire directement au mystère ineffable de Dieu. Comme l’ont soutenu non seulement les Pères de l’Église, mais aussi de grands saints comme sainte Thérèse d’Avila et saint Ignace de Loyola, l’humanité de Jésus reste un passage incontournable pour comprendre le mystère de Dieu. Il ne s’agit donc pas seulement de vénérer le Cœur de Jésus comme symbole concret de l’amour de Dieu pour nous, mais de contempler la plénitude cosmique de la figure du Christ: «Il est avant toutes choses et tout subsiste en Lui… car Dieu s’est plus à faire habiter en Lui toute la Plénitude» (Col 1, 17.19).
La dévotion au Sacré-Cœur nous rappelle aussi que Jésus s’est donné lui-même “avec tout son cœur”, c’est-à-dire volontiers et avec enthousiasme. Il nous est donc dit qu’il faut faire le bien avec joie, parce qu’«il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir» (Ac 20, 35) et que «Dieu aime celui qui donne avec joie» (2 Co 9, 7). Néanmoins, ceci ne dérive pas d’un simple dessein humain, mais c’est une grâce que le Christ Lui-même nous fait obtenir, c’est un don de l’Esprit-Saint qui rend toute chose facile et qui nous soutient dans notre chemin quotidien, y compris dans les épreuves et les difficultés.
Je voudrais enfin mentionner ce qu’on appelle apostolat de la prière, promu par des pères jésuites au XIXe siècle en lien étroit avec la dévotion au Sacré-Cœur. À mon avis, avec l’offrande quotidienne de la journée en union avec l’offrande eucharistique que Jésus fait de Lui-même, l’apostolat de la prière met à la disposition de tous les fidèles un instrument très simple pour mettre en pratique ce que dit saint Paul au début de la deuxième partie de sa Lettre aux Romains, en donnant une synthèse pratique de la vie chrétienne: «Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu: c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre» (Rm 12, 1).
Beaucoup de gens simples peuvent trouver une aide pour vivre le christianisme de manière authentique dans l’apostolat de la prière, qui nous rappelle aussi l’importance de la vie intérieure et de la prière. À Jérusalem, on sent de manière particulière à quel point la prière, et surtout l’intercession, constituent une priorité. Non pas, bien sûr, la pauvre prière de simples individus, mais une prière unie à l’intercession de toute l’Église, qui à son tour n’est qu’un reflet de l’intercession de Jésus pour toute l’humanité.
Jésus élève sans cesse au Père cette intercession pour la paix entre les hommes et pour la victoire de l’amour sur la haine et sur la violence. Nous en avons tellement besoin de nos jours, surtout dans cette “cité de la prière” et cette “cité de la souffrance” qu’est Jérusalem.

Lettre du Cardinal Carlo Maria Martini aux parents alors qu’il quittait son diocèse de Milan à la fin de son ministère d’évêque.

26 juillet, 2011

comme je m’ai déjà écrit du Cardinal Martini ne trouve pas beaucoup de textes en français, au contraire très peu, mais…j’ai trouvé ceci :

http://www.stignace.net/recherchedetextes/cadretextes/lettrecalmartini.htm

À tous ceux qui aiment leurs enfants et l’avenir de l’Église[1]

Lettre du Cardinal Carlo Maria Martini aux parents alors qu’il quittait son diocèse de Milan à la fin de son ministère d’évêque.

1. La famille est une vocation                              
2. L’éducation : collaboration à la joie des enfants 
3. Estime des prêtres et appréciation de leur vie    
4. La prière pour les vocations au ministère            

Pour la fête de saint Charles[2], l’année dernière, j’ai écrit une lettre aux prêtres sur l’avenir des vocations. Maintenant, avant de conclure mon ministère à Milan, je voudrais dire un mot sur ce sujet également à tous les parents, mais en élargissant le plus possible les horizons, dans le cadre de la vie de famille et dans le cadre de toute vocation chrétienne. Je vous écris cela en la fête de la Nativité de saint Jean-Baptiste, qui nous parle de la joie d’un père et d’une mère d’avoir un fils auquel Dieu a confié une grande mission. J’ai déjà parlé aux parents de ces thèmes dans quelques brèves pages des lettres de Noël dans les années passées, et je frappe maintenant de nouveau avec discrétion à votre porte.
Aurez-vous du temps pour lire aussi cette lettre ? Aurez-vous un moment de calme pour partager quelque chose de ma préoccupation et prendre un peu en considération ma proposition ? Qui sait ce que fut votre journée ? Peut-être, après des heures d’un travail difficile et effectué non sans tensions, avez-vous eu à affronter un voyage de retour à la maison qui a été plus long et plus exaspérant que d’habitude à cause d’un bouchon, d’un retard, de quelque chose d’imprévu. Et pour finir, peut-être que, à peine rentrés à la maison, vous avez croisé le regard irrité de votre fille adolescente à cause d’une permission refusée et l’agitation du plus petit avec ses caprices et son approximation décourageante afin d’en finir au plus vite avec ses devoirs. Et moi, j’ose encore vous déranger… !
Vous devez croire que ce qui me pousse à vous écrire, c’est vraiment une affection, un souci porté à votre famille, le désir de vous dire une fois encore que je suis proche de vous et mon admiration pour votre tâche éducative, si fascinante et parfois si usante.
            Je vous écris pour partager avec vous une préoccupation. Il me semble entrevoir chez beaucoup d’enfants et de jeunes un désarroi devant l’avenir, comme si personne ne leur avait jamais dit que leur vie n’est pas un hasard ou un risque, mais qu’elle est une vocation.
Aussi, je voudrais vous parler de la vocation de vos enfants et vous inviter à leur ouvrir des horizons d’espérance. En effet, vos enfants, que vous aimez tant, sont aimés encore bien avant, et d’un amour infini, par Dieu le Père : aussi sont-ils appelés à la vie, au bonheur que le Seigneur annonce dans son Évangile. Donc, le discours sur la vocation est pour suggérer la route qui mène à la joie, parce que c’est là le projet de Dieu sur chacun : qu’il soit heureux.
            Vous ne devez donc pas avoir peur : le Seigneur n’appelle que pour rendre heureux. Voilà pourquoi j’ose vous déranger. Votre bonheur et celui de vos enfants me tiennent à cœur. Et c’est pour cela que me tiennent à cœur tous les choix de vie possibles : le mariage et la vie consacrée, le don de soi dans le ministère de prêtre et de diacre, l’accomplissement de la profession comme une mission. Tous ces choix peuvent être une manière de vivre la vie chrétienne s’ils sont motivés par l’amour et non par l’égoïsme, s’ils comportent un engagement définitif, si les critères et le style de la vie quotidienne sont ceux de l’Évangile.
            Je vous écris, donc, pour vous dire avec quelle affection je suis proche de vous et que je partage votre souci que la vie de vos enfants, que vous aimez tant, ne soit pas perdue.

1 – La famille est une vocation
La première vocation dont je veux vous parler est la vôtre, celle d’être mari et femme, père et mère.
Aussi mon premier mot est précisément de vous inviter à prendre bien soin de votre amour en tant que mari et femme : au milieu de tant de choses urgentes, au milieu des si nombreuses sollicitations qui vous assaillent, il me semble qu’il est nécessaire de garder un peu de temps, de défendre un peu d’espace, de programmer un certain moment, qui soient comme un rite pour célébrer l’amour qui vous unit. L’inertie de la vie avec ses frénésies et ses ennuis, l’usure de la convivialité, le fait que chacun est un jour ou l’autre une déception pour l’autre quand apparaissent et s’aggravent des défauts et des méchancetés, tout cela finit par faire oublier la bénédiction que sont l’amour mutuel, le fait de vivre ensemble, de mettre au monde des enfants et de les introduire dans la vie.
 L’amour qui vous a convaincus de vous marier ne se réduit pas à l’émotion d’un moment un peu euphorique, il n’est pas seulement un attrait que le temps consume. L’amour sponsal est votre vocation : dans votre amour, vous pouvez reconnaître l’appel du Seigneur. Le mariage n’est pas seulement la décision d’un homme et d’une femme : c’est la grâce qui pousse deux personnes mûres, conscientes, heureuses, à donner un visage définitif à leur liberté. Le visage de deux personnes qui s’aiment révèle quelque chose du mystère de Dieu. Aussi voudrais-je vous inviter à garder la beauté de votre amour et à persévérer dans votre vocation : il en découle toute une conception de la vie qui encourage la fidélité, permet de supporter les épreuves, les déceptions, qui aide à traverser les crises éventuelles sans croire qu’elles sont irrémédiables. Celui qui vit son mariage comme une vocation professe sa foi : il ne s’agit pas seulement de rapports humains qui peuvent être un motif de bonheur ou de tourment ; il s’agit de traverser les jours avec la certitude de la présence du Seigneur, avec l’humble patience de prendre chaque jour sa croix, avec la fierté de pouvoir faire face, par grâce de Dieu, aux responsabilités.
Ce n’est pas toujours que les engagements professionnels, les réalisations familiales, les conditions de santé, le contexte dans lequel vous vivez, aident à voir avec lucidité la beauté et la grandeur de votre vocation. Il est nécessaire de réagir à l’inertie qu’engendre la vie quotidienne et de vouloir avec ténacité également des moments de liberté, de sérénité, de prière. Je vous invite donc à prier ensemble, dès ce soir, puis demain, puis toujours : une prière simple pour remercier le Seigneur, pour demander sa bénédiction pour vous, vos enfants, vos amis, votre communauté : quelques « Je vous salue, Marie » pour toutes ces attentes et ces peines que, peut-être, on ne réussit pas même à s’exprimer. Je vous invite à choisir quelques dates, à les distinguer par un signe, comme une visite à un sanctuaire, une messe même un jour de semaine, une lettre pour dire ces mots qui se bloquent dans notre gorge : la date de votre mariage, celle du baptême de vos enfants, celle de quelque deuil familial, pour ne donner que quelques exemples.
Je vous invite à trouver le temps de vous parler avec simplicité, sans transformer chaque point de vue en entêtement, toute divergence en litige : un temps pour parler, échanger des idées, reconnaître ses erreurs et demander pardon, se réjouir du bien accompli, un temps pour parler en se promenant tranquillement le dimanche après-midi, sans hâte. Et je vous invite à rester seuls pendant un petit moment, chacun pour son compte : un moment de détachement peut aider à être mieux et plus volontiers ensemble.
Je vous invite à avoir confiance dans l’incidence de votre oeuvre d’éducation : trop de parents sont découragés par l’impression d’une certaine imperméabilité de leurs enfants, qui sont capables de beaucoup exiger, mais qui se montrent réfractaires à toute interférence dans leurs amitiés, leurs horaires, leur monde.
Votre vocation à éduquer est bénie de Dieu : aussi, transformez vos appréhensions en prière, en méditation, en calme confrontation. Éduquer, c’est comme semer : le fruit n’est pas garanti et il n’est pas immédiat, mais si l’on ne sème pas, il est certain qu’il n’y aura pas de récolte. Éduquer est une grâce que le Seigneur vous fait : accueillez-la avec gratitude et sens des responsabilités. Cela demandera parfois patience et gentille complaisance, parfois fermeté et détermination ; dans une famille, il arrive aussi que l’on se dispute et que l’on va se coucher sans se saluer : mais ne perdez pas courage, il n’y a rien d’irrémédiable pour qui se laisse conduire par l’Esprit de Dieu.
Et confiez souvent vos enfants à la protection de Marie, n’omettez pas de dire une dizaine de chapelet pour chacun d’eux : ayez confiance et ne perdez l’estime ni de vous-mêmes ni de vos enfants. Éduquer, c’est devenir collaborateurs de Dieu pour que chacun réalise sa vocation.

2 – L’éducation : collaboration à la joie des enfants
La joie que vous désirez pour vous et pour vos enfants est un don mystérieux de Dieu : elle nous parvient comme la lumière amicale des étoiles, comme une musique heureuse, comme le sourire d’un visage désiré. La collaboration que les parents peuvent donner à la joie des enfants, c’est l’éducation chrétienne. L’éducation n’est pas un mécanisme qui conditionne, mais l’accompagnement d’une jeune liberté pour que, si elle le veut, elle parvienne à son achèvement dans l’amour. Éduquer est donc un service humble, qui peut connaître l’échec ; c’est cependant aussi une entreprise formidable qu’un homme et une femme peuvent goûter avec une intensité inexprimable.
L’éducation chrétienne est le travail patient et tenace qui prépare le terrain au don de la joie de Dieu. En effet, la lumière des étoiles ne se voit pas si la lueur brutale des luminaires cache la nuit, la musique heureuse ne nous enveloppe pas de consolation quand le vacarme et le bruit se font assourdissants, et on n’a pas le temps de regarder un visage ami dans l’excitation d’une foule en délire. Pour préparer à la joie, une purification est donc nécessaire, qui ne va pas sans peine.
Je veux parler brièvement au moins de quelques purifications qui me semblent particulièrement nécessaires aujourd’hui.
La purification des affections signifie introduire à la joie que ne connaît pas celui qui imagine les rapports entre l’homme et la femme comme une façon de réduire l’autre à l’état d’instrument, pour son propre plaisir et l’affirmation de lui-même : alors, les affections dégénèrent en passion, possessivité, sensualité.
L’esprit de service et la disponibilité au sacrifice introduisent à cette joie qui se réjouit de voir les autres heureux, de voir que les initiatives marchent bien, que les communautés sont vivantes et animées. C’est une joie que ne connaît pas celui qui se repaît dans sa paresse, qui ne recherche aucun résultat. Comme cela me serre le cœur de voir le gaspillage de temps, de ressources jeunes et fascinantes, le gaspillage d’intelligence et d’argent que je vois s’accomplir de la part de si nombreux groupes de jeunes ! Comme il est urgent de réagir devant l’inertie et la mauvaise volonté pour construire une vie heureuse !
La purification de la peur de l’avenir est urgente pour introduire à la joie de ce qui est définitif. Une vie s’accomplit quand elle se définit par le dévouement : le choix définitif doit être désiré comme le chemin de la paix, comme l’entrée dans l’âge adulte et dans ses responsabilités. Bénis soient ces parents qui, avec la fidélité de leur amour, enseignent que ce qui est définitif est une grâce et non pas un danger à redouter, ni une limitation de la liberté qu’il faut retarder le plus possible. Au contraire, dangereuses et sources d’inquiétude sont la précarité, la vie dans le provisoire, le désarroi qui laissent un jeune homme ou une jeune fille enfermé à part dans la vie, incertain de son identité et effrayé devant son avenir.
Éduquer à l’appartenance à l’Église
Vous, parents, ressentez la responsabilité de pourvoir au bonheur de vos enfants : vous êtes disposés à concéder beaucoup, parfois même trop, « pourvu qu’il (qu’elle) soit heureux (heureuse) ».
Cela devient un motif d’anxiété, un sentiment de faute, une exaspération, quand vous ne réussissez pas à obtenir de vos enfants qu’ils assument, qu’ils partagent vos indications, quand se révèlent impraticables les propositions qui semblaient tellement évidentes aux prêtres, aux enseignants, aux experts qui écrivent dans les journaux.
Il me semble qu’il est plus sage de considérer que les parents ne sont pas coupables de toutes les erreurs et de tous les malheurs de leurs enfants, de toute la misère de certaines jeunesses gâchées par le manque total de résultat ou la transgression. Il est excessif qu’un père ou une mère se sentent coupables de tout : il est plus prudent et plus apaisant de partager la responsabilité à l’intérieur d’une communauté.
Quand vous avez porté votre enfant à l’église pour demander le baptême, vous avez déclaré votre foi dans le Père qui est dans les cieux, et votre décision que l’enfant grandisse dans la communauté chrétienne.
Il me semble qu’une conséquence cohérente du choix de demander le baptême pour ses enfants est une oeuvre éducative qui se préoccupe de les insérer dans une communauté, de promouvoir la participation, d’insinuer chez les enfants et les jeunes un sentiment d’appartenance à la communauté chrétienne grâce auquel on éduque à la foi, à la prière, à la question concernant l’avenir. Une famille qui s’isole, qui défend sa propre tranquillité, en se soustrayant aux rendez-vous communautaires se révèle à la fin plus fragile et ouvre la porte à ce nomadisme des jeunes qui vont ici et là en goûtant à de nombreuses expériences, même contradictoires, sans se nourrir d’aucune nourriture solide.
S’insérer dans une communauté, cela peut exiger quelque fatigue et ne met pas à l’abri de quelque humiliation : je pense aux familles qui ont changé de maison et qui se sentent perdues dans de nouveaux quartiers ; je pense à celles qui ont souffert d’une incompréhension ; je pense à celles qui ont l’ardent désir d’aller ailleurs pour voir des gens, pratiquer un sport, respirer un peu de bon air. Voilà : vient le temps de choisir les priorités. L’avenir de vos enfants a besoin de choix qui déclarent ce qui est le plus important. Estimer que l’on ne peut absolument pas se passer de participer à la messe dominicale introduit une mentalité de foi qui estime que, sans le Seigneur, on ne peut rien faire de bon. Aussi, la fréquentation de la messe dominicale dans votre paroisse, la participation aux fêtes de la communauté, la prise de quelque responsabilité, le souci que vos enfants fréquentent le « patronage », la catéchèse, les engagements et les initiatives des jeunes de la paroisse, sont une manière de favoriser ce sentiment d’appartenance qui donne une stabilité et conduit à ce que l’on prenne en charge progressivement la communauté, décision qui peut mûrir aussi dans une vocation à son service.

3 – Estime des prêtres et appréciation de leur vie
Il m’arrive parfois d’être témoin chez les parents, d’une sorte de peur, d’appréhension, devant le soupçon qu’un de leurs enfants pourrait s’orienter vers le ministère sacerdotal.
Même les parents des séminaristes me font comprendre leur inquiétude, comme s’ils me demandaient : « Mais, quelle vie attend mon enfant s’il devient prêtre ? Sera-t-il heureux ? Sera-t-il seul ? ».
Je voudrais répondre que la vie du prêtre, d’aujourd’hui et de demain, comme celle d’hier, est une vie chrétienne : aussi celui qui veut être un bon prêtre portera-t-il sa croix chaque jour, comme vous le faites, dans un dévouement qui ne sera pas toujours couronné de reconnaissance et de résultats, en exerçant des responsabilités où il rencontrera aussi la critique et l’incompréhension, dans tout un tas d’engagements et de prétentions qui seront parfois usants. Cependant, on ne pense pas assez – me semble-t-il – à ce qui rend belle la vie d’un prêtre, belle et heureuse, d’une manière unique.
Le prêtre, en effet, vit surtout de relations : il consacre son temps aux personnes. Il ne se préoccupe pas de choses, de papiers, de sous, sinon de manière secondaire. Il passe son temps à rencontrer des gens : les enfants et les personnes âgées, les jeunes et les adultes, les malades et les personnes en bonne santé, ceux qui l’aiment bien et qui l’aident comme ceux qui le critiquent, se moquent de lui et se montrent par trop exigeants. C’est une expérience humaine extraordinaire. Et il rencontre les personnes non pas pour leur vendre quelque chose, non pas pour en tirer quelque avantage, non pas par curiosité, non pas comme on rencontre un client, mais pour se préoccuper de leur vie, de leur vocation à la joie, de leur être de fils de Dieu. Les personnes ouvrent souvent leur cœur au prêtre avec une confiance qui n’a pas son égal dans les rapports humains et, en cette confiance, est semée la Parole qui dit la vérité, qui ouvre à l’espérance éternelle, qui guérit par le pardon.
Le prêtre vit une liberté extraordinaire : il s’est remis lui-même à l’Église, aussi, s’il est cohérent avec sa vocation, il n’a pas d’appréhensions pour son avenir, il ne s’attache pas aux choses, il n’est pas obsédé par l’idée de s’enrichir. Il s’est remis lui-même par son obéissance à l’évêque et, précisément pour exercer cette obéissance, il vit une grande liberté, dispose de son temps pour servir, dispose de ses qualités particulières pour être utile à sa communauté.
Le prêtre célèbre pour lui et pour le peuple les mystères du salut : ce ne sont pas des produits précaires qui sont l’œuvre de ses mains, des succès exposés au sort incertain des choses humaines. En célébrant les saints mystères, il donne au peuple la grâce d’entrer dans la vie éternelle, la communion avec Jésus. Même si sa parole n’est pas attendue, si le nombre de ceux qui recherchent le don offert peut paraître réduit, le prêtre vit la certitude que le Royaume de Dieu vient précisément comme cela, comme la semence qui meurt pour produire beaucoup de fruits. À la fin de sa vie, s’il jette un regard sur le passé, le prêtre pourra éprouver du repentir devant ses misères et du chagrin devant son inadéquation à la mission reçue, mais ne lui fera pas défaut l’incomparable consolation d’avoir offert aux hommes le pain de la vie éternelle et l’étreinte du pardon de Dieu.
Il me semble opportun de rappeler ce qui rend grande et belle la vie du prêtre, pour que l’accent mis sur la fatigue, le soulignement des difficultés n’obscurcissent pas cette forme splendide de vie chrétienne.
Je pense qu’un père et une mère peuvent comprendre, au-delà des lieux communs et des réactions émotives, quelle grande grâce est le don du sacerdoce, et ils peuvent alors se réjouir si un de leurs enfants se sent attiré par cette route : je vous assure que la joie ne lui manquera pas, s’il est un bon prêtre.
En tout cas, mal parler des prêtres et les désigner comme responsables de tout ce qui ne va pas dans les communautés chrétiennes ne peut certes pas aider à améliorer les choses et encore moins encourager un jeune à se présenter pour assumer un ministère si nécessaire pour l’Église et si beau pour celui qui le vit bien.

4 – La prière pour les vocations au ministère
La beauté chrétienne de la vie d’un bon prêtre et la grâce extraordinaire que représente un saint prêtre pour une communauté doivent suggérer à tous de prier afin que les prêtres ne manquent pas dans nos communautés. La prière pour les vocations au ministère sacerdotal doit être partagée par toute la communauté.
Je vous invite vous aussi à prier en famille et à suggérer cette intention de prière également à vos enfants, en obéissance à la parole du Seigneur : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson » (Lc 10, 2).
Comme je l’ai écrit aux prêtres à l’occasion de la fête de saint Charles, cette prière n’est pas une sorte de délégation au Seigneur pour qu’il fasse ce que nous ne réussissons pas à faire : c’est plutôt un abandon intelligent et libre à la conduite de l’Esprit qui devient disponibilité à accomplir les oeuvres de Dieu. Aussi la prière pour les vocations devrait-elle être plus intensément pratiquée par ceux qui se trouvent à l’âge et dans les conditions du choix de leur état de vie. Je voudrais que tout adolescent ou jeune comprenne que la vérité de la prière pour les vocations est atteinte quand elle retentit au fond comme la prière d’Isaïe : «Seigneur, si tu le veux, envoie-moi !» (Is 6, 8).
Je vous invite à prier en ces termes :
Dieu, Père tout-puissant, nous te prions
d’envoyer des ouvriers de l’Évangile à notre sainte Église ambrosienne
dans laquelle, pendant des siècles, tu as opéré tes merveilles.
Nous te prions par l’intercession de nos saints évêques Ambroise et Charles,
du bienheureux cardinal Ferrari et du bienheureux cardinal Schuster.
Nous te prions par l’intercession de Marie, notre petite Vierge
qui, du haut du Duomo, prie pour notre Église.
Nous te prions pour nos communautés : qu’elles soient peuplées de personnes riches en foi,
empressées au service, portées à la reconnaissance
pour tous ceux qui se consacrent au saint ministère.
Nous te prions de répandre chez nos jeunes ton Esprit Saint,
pour qu’ils soient attirés par la contemplation de Jésus
et la marche à sa suite, qu’ils puissent faire l’expérience de la joie
d’une liberté qui se fait don, obéissance, empressement pour la foi des frères.
Nous te prions de répandre en nous tous ton Esprit Saint,
pour que nous soyons forts et intelligents dans la lutte contre les tentations de notre temps
et que nous soyons persévérants dans le bien,
pour mener à son achèvement notre vocation et parvenir à la joie éternelle
et parfaite que tu prépares pour tes enfants bien-aimés.
Amen.

Milan, le 24 juin 2002
En la fête de la Nativité de saint Jean-Baptiste
Carlo Maria cardinal MARTINI
————————————————

(*) Texte original italien du diocèse de Milan. Traduction de la Documentation Catholique.
La documentation catholique N° 2280 du 17/11/2002 – L’Église dans le monde
[1] Le 11 juillet dernier, le Pape Jean-Paul II a accepté la démission du cardinal Carlo Maria Martini, archevêque de Milan, âgé de 75 ans depuis le mois de février. Le cardinal Dionigi Tettamanzi, dont l’installation a eu lieu le dimanche 29 septembre, lui a succédé à la tête du plus grand diocèse du monde. Le 24 juin dernier, avant de conclure son ministère à Milan et de retourner à ses études bibliques, le cardinal Carlo M. Martini a adressé une lettre aux parents. Nous en publions le texte (*)
[2] Saint Charles Borromée fut un grand archevêque de Milan au XVI° siècle après le Concile de Trente. Il fut de ceux qui reprirent les décrets du Concile de Trente et les mis en œuvre opérant par là une vraie réforme dans l’Eglise catholique. 

Se confesser : les conseils du cardinal Martini

25 juillet, 2011

Hello  il n’y ont pas beaucoup d’écrits du Cardinal Martini en français, quelque chose, cependant, j’ai trouvé, prions les uns pour les autres, une embrasse, du site:

http://www.cardinalrating.com/cardinal_60__article_5498.htm

Se confesser : les conseils du cardinal Martini

Apr 10, 2007

Extrait du livre : «Et Moi, Je Suis avec Vous» p. 76-79. (Vie chrétienne 1996)

Nous sommes tous conscients qu’il y a actuellement dans l’Église, une crise de la pénitence. On dit que les confessionnaux sont vides, mais ils le sont des deux côtés, soit parce que les fidèles manquent, soit parce que les prêtres n’y entrent plus. Fut un temps où le prêtre attendait des heures et des heures, ensuite, il pouvait ne pas se sentir coupable si les gens ne se confessaient pas. Maintenant, on en parle beaucoup, mais personne ne vient. Il y a donc un éloignement progressif, pas toujours à cause des fidèles ; en fait, même des prêtres font souvent comprendre, plus ou moins explicitement, qu’il vaut mieux espacer les visites.
Tout cela est peut-être utile ; c’est une crise salutaire car elle naît du refus d’un formalisme excessif dans la façon de recevoir et de donner le sacrement de pénitence qui, à la fin, dégoûtait aussi bien le prêtre que le fidèle, bien que certains, héroïquement, gardent cette habitude de la confession fréquente. Nous sommes dans cette situation et l’Église est à la recherche de nouvelles voies pénitentielles. Il me semble que c’est une purification juste, un effort louable que d’abandonner une pratique purement formelle.
Évidemment, on risque aussi de perdre un point essentiel de la pédagogie de l’Église, une dimension essentielle de notre vie de baptisés. Celle-ci est une vie de pécheurs qui, confiés à la miséricorde, parcourent un chemin vers la Résurrection définitive. Par conséquent, le mystère de la pénitence est à l’œuvre en nous, et dire que nous n’en avons pas besoin serait nous mettre en dehors de la réalité. Certes, si l’effort de sortir du formalisme nous portait à abandonner la pratique pénitentielle de l’Église, ce serait un très grand mal : nous ne serions plus dans la vérité devant Dieu ni devant nos frères.

De la confession au dialogue pénitentiel
Je ne veux pas ici faire une étude pastorale, mais simplement faire une suggestion à ceux qui ont peut-être, à un moment donné, espacé de plus en plus leurs confessions sans réussir à bien en analyser le pourquoi et sont dans l’incapacité de reprendre une pratique désormais formelle, à cause d’un certain malaise intérieur. Je voudrais proposer une suggestion uniquement parce qu’elle m’a été utile. Chacun offre ce qu’il a expérimenté de positif. Je me suis demandé, ou le Seigneur m’a inspiré de me demander, lorsqu’une confession courte et faite à la hâte me pesait, pourquoi ne pas essayer de la faire plus longue et avec plus de calme. Cela a l’air d’un paradoxe, mais parfois, même les paradoxes aident à sortir de situations bloquées. Alors, avec l’aide de quelqu’un d’autre, je suis passé de la confession à ce que j’appellerais un dialogue pénitentiel. Ce dialogue, d’ailleurs, ne fait que développer les indications données par la dernière révision du rite pénitentiel, publiée par le Saint Siège et appliquée par les Conférences épiscopales, qui élargit grandement la possibilité d’y insérer prière et lecture de l’Écriture Sainte.
Il me semble qu’il s’agit avant tout d’un dialogue avec un frère qui représente l’Église, donc un prêtre, en qui je vois un représentant direct de Dieu ; un dialogue fait en priant ensemble, dans lequel je présente ce que je sens en moi, en ce moment ; je me présente tel que je suis, devant l’Église et devant Dieu.
Reconnaître la miséricorde de Dieu
À mon avis, ce dialogue comporte essentiellement deux parties : la première, que j’appelle «confessio laudis», c’est-à-dire confession d’après le sens primitif du terme. Là aussi, on peut partir d’un paradoxe : s’il est chaque fois pénible et si difficile de dire mes péchés, pourquoi ne pas commencer par les bonnes actions ?
Saint Ignace lui-même le suggérait dans les Exercices, prenant comme premier point l’action de grâce : Seigneur, je veux d’abord te remercier parce que tu m’as aidé, telle chose a eu lieu, j’ai pu me rapprocher de telle personne, je me sens plus serein, j’ai dépassé un moment difficile, j’ai pu mieux prier. Remercier Dieu de ce que je suis, de son don, sous forme de dialogue, de prière de louange ; reconnaître ce qui maintenant, devant Dieu, me donne de la joie : je suis content de telle ou telle chose, passée ou présente. Il est important que ces choses émergent devant le Seigneur : la reconnaissance de sa bonté pour nous, de sa puissance, de sa miséricorde.
Cela fait, on peut passer à une «confessio vitae» que je définirais comme ceci : plus qu’une recherche et une énumération de péchés formels, c’est dire devant Dieu ce qui maintenant me met mal à l’aise, ce que je voudrais faire disparaître. Souvent, ce sont des attitudes, des façons d’être, plus que des péchés formels, mais au fond, les causes sont les douze attitudes que répertorie saint Marc : orgueil, envie, cupidité… qui émergent dans ces états d’âme.
Ou bien, je dirai devant Dieu : je regrette de ne pas pouvoir parler sincèrement avec telle personne, mon rapport n’est pas authentique avec tel groupe, je ne sais pas par où commencer. Je regrette de ne pas réussir à prier, je me sens mal à l’aise d’être pris par ma sensualité, par des désirs que je ne voudrais pas avoir, des fantasmes qui me troublent. Je ne m’accuse peut-être d’aucun péché en particulier, mais je me mets devant le Seigneur et lui demande qu’il me guérisse.
Il ne s’agit vraiment pas de mettre sur la table trois ou quatre péchés, pour qu’ils soient annulés, mais d’une immersion baptismale dans la puissance de l’Esprit : Seigneur, purifie-moi, éclaire-moi, illumine-moi. Je ne demande pas seulement, dans cette confession, que soit annulé tel ou tel péché, mais que mon cœur soit changé, qu’il y ait en moi moins de lourdeur, moins de tristesse, moins de scepticisme, moins d’orgueil. Je ne sais peut-être même pas par où commencer, mais je mets tout cela dans la puissance du Crucifié et du Ressuscité par la puissance de l’Église.
Une prière qui donne joie et paix
De là naît une prière qui peut être faite avec le prêtre : on peut réciter un Psaume, une prière de la Bible, de remerciement ou de demande, ou même, une prière spontanée sur laquelle une absolution sacramentelle vient comme la manifestation de la puissance de Dieu que je demande parce que je ne suis pas capable de m’améliorer tout seul. Je me remets une fois encore sous la Croix, sous cette puissance qui m’a baptisé pour qu’une fois encore elle me reprenne en main.
Voilà ce que j’entends par dialogue pénitentiel ; ce n’est pas simplement un dialogue psychologique, ou une sorte de thérapie.
Il n’est pas nécessaire que le confesseur me révèle les sources secrètes de mes fautes ; cela pourrait aussi avoir lieu avec un spécialiste du cœur humain, mais même si le confesseur est une personne qui ne sait pas grand chose du cœur humain, il peut toujours prier pour moi, sur moi et avec moi.
Il s’agit de se soumettre à la puissance de l’Église, et donc de retrouver la valeur du sacrement : je vais me confesser non pour sentir des choses intéressantes, ou pour voir quel conseil on me donne, mais parce que c’est moi qui dois me soumettre à la puissance de Dieu et cela me suffit, me donne joie et paix.
C’est donc, avec de nombreuses variantes possibles, une suggestion que je souhaitais vous donner. Il est clair que, de cette façon, la confession peut durer longtemps, mais on l’affronte plus volontiers car l’on voit ce qu’elle signifie dans son chemin vers Dieu. À chacun d’entre vous, le Seigneur aura probablement suggéré d’autres formes qui pourront aussi être communiquées utilement en tant qu’expériences, car elles pourront en aider d’autres.

Texte de Mgr Martini (évêque de Milano)

23 juillet, 2011

du site:

http://ermite.blog4ever.com/blog/lire-article-215619-823287-texte_de_mgr_martini__eveque_de_milano_.html

Texte de Mgr Martini (évêque de Milano)

« La Déclaration universelle des droits de l’homme contient une affirmation qui pourrait sembler ne rien avoir à faire là, car elle ne concerne pas directement la personne en soi, sujet de ces droits, mais une réalité sociale, à savoir la famille, première réalité sociale. Cette affirmation, la voici : « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société, elle a droit à la protection de la société et de l’État » (art.16.3). Ces termes soulignent – particulièrement en précisant que la famille est « l’élément naturel et fondamental de la société » – que la famille appartient au patrimoine originel le plus sacré de l’humanité, de telle sorte que ce qui menace la famille menace en réalité l’homme. D’où l’on tire la conséquence que pour une sauvegarde et un soutien réels des droits de l’homme, il est nécessaire de respecter, sauvegarder et soutenir les droits de la famille. C’est ce que rappelait aussi Jean Paul II, le 19 mars 1994, en écrivant une Lettre aux chefs d’État du monde à propos de la Conférence internationale sur la population et le développement, qui allait se dérouler au Caire au mois de septembre suivant, lettre dans laquelle il souhaitait que l’Année internationale de la famille, que l’on célébrait alors, constituât « l’occasion privilégiée pour que la famille reçoive, de la part de la société et de l’État, la protection qui doit lui être garantie selon la Déclaration universelle. Ne pas le faire serait trahir les plus nobles idéaux des Nations Unies ».
Rappeler le caractère imprescriptible de la famille à propos des droits de l’homme se conçoit mieux si l’on envisage l’importance et le caractère central de la famille elle-même pour la personne et pour la société. La famille, avant tout, est importante et centrale par rapport à la personne : c’est en elle, par la procréation, que naît l’homme et que la société reçoit le don d’une personne nouvelle, fruit et signe, à son tour, du don réciproque et total entre les époux ; c’est en elle, par l’éducation, que croît l’homme en tant que personne, appelé de l’intimité de soi à la communion avec autrui et au don de soi aux autres ; elle est le lieu premier d’humanisation, où la personne, toute personne, est reconnue et aimée comme telle. La famille, en second lieu, est centrale et importante par rapport à la société ; elle est le fondement de la société, sa cellule primaire et originelle ; elle possède un devoir social original, irremplaçable et inaliénable ; du fait qu’en elle les rapports sont fondés sur l’amour et guidés par l’amour, la famille est une école fondamentale de sociabilité, exemple et stimulus des rapports communautaires plus larges, à l’enseigne du respect, de la justice, du dialogue, de l’amour. On peut et on doit aussi répéter, à cet égard, avec le concile Vatican II, que « le bien de la personne et de la société humaine et chrétienne est étroitement lié à une situation heureuse de la communauté conjugale et familiale » (Gaudium et spes, n. 47).
En d’autres termes, on peut dire – comme on peut le lire dans le Préambule de la Charte des droits de la famille publiée par le Saint-Siège le 22 octobre 1983 – que « les droits de la personne, même exprimés en tant que droits de l’individu, ont une dimension sociale fondamentale, qui trouve dans la famille son expression native et vitale » et que « la famille et la société, qui sont mutuellement liées par des liens vitaux et organiques, ont une fonction complémentaire dans la défense et le progrès du bien de l’humanité et de toute personne ».
Il en découle que la société, et en elle les États, est appelée à reconnaître la dimension sociale native, originelle et antérieure de la famille. Ne pas le faire serait une attitude « suicidaire » pour la société elle-même et, plus encore, « homicide » à l’égard de chaque personne, de sa dignité et de ses droits. De ce fait, dans la logique du principe de subsidiarité, la société et les États ne peuvent ni absorber, ni remplacer, ni réduire la dimension sociale de la famille même ; ils doivent plutôt se sentir responsables face à la famille, l’aider et la stimuler à vivre ses responsabilités pour le bien de la personne et de la société. Comme l’écrit Jean Paul II dans Familiaris consortio, « la famille et la société ont certainement une fonction complémentaire dans la défense et la promotion du bien de tous les hommes et de tout homme. Mais la société et plus spécifiquement l’État doivent reconnaître que la famille est  » une société qui jouit d’un droit propre et primordial  » (Dignitatis humanæ, n. 5), et donc, dans leurs relations avec la famille, sont fortement obligés d’appliquer le principe de subsidiarité. En vertu de ce principe, l’État ne peut ni ne doit retirer aux familles les devoirs qu’elles peuvent tout aussi bien accomplir seules ou librement associées, mais doit favoriser positivement et solliciter au maximum l’initiative responsable des familles. Convaincues que le bien de la famille constitue une valeur indispensable et incessible de la communauté civile, les autorités publiques doivent faire leur possible pour assurer aux familles toutes les aides – économiques, sociales, éducatives, politiques, culturelles – dont elles ont besoin pour assumer de manière humaine toutes leurs responsabilités »
(n. 45).
Il est donc urgent de reconnaître, sauvegarder et soutenir les droits propres et primordiaux de la famille, exprimés dans la conscience de l’être humain et dans les valeurs communes à l’humanité entière. Ils sont ainsi énumérés et précisés dans la Charte des droits de la famille que nous avons déjà citée : 1) le droit de toute personne au libre choix de son mode de vie ; 2) le droit à un mariage libre, c’est-à-dire contracté en vertu du consentement libre et total des époux dûment exprimé ; 3) le droit à la procréation responsable ; 4) le droit-devoir de respecter et protéger la vie humaine de manière absolue dès l’instant de la conception ; 5) le droit d’éduquer ses enfants dans le libre choix des écoles et des différents moyens d’éducation ; 6) le droit d’exister et de progresser en tant que famille, garantie dans son unité et de sa stabilité ; 7) le droit à la liberté religieuse ; 8) le droit d’exercer sa fonction sociale et politique ; 9) le droit de pouvoir compter sur une politique familiale appropriée de la part des autorités publiques ; 10) le droit à une organisation du travail qui ne détruise pas la famille ; 11) le droit à une habitation décente ; 12) le droit des familles migrantes à la même protection que celle accordée aux autres familles.
Il s’agit certainement, entre autres, de trouver les voies et les procédures concrètes pour donner à ces droits une traduction juridico-législative toujours plus précise et rigoureuse et, avant cela, pour en faire un véritable point de référence dans l’élaboration des législations et des politiques de la famille. Le fait qu’en décrivant ces droits la Charte renvoie, entre les sources et les références, au moins neuf fois à la Déclaration universelle des droits de l’homme – ainsi qu’à la Déclaration des droits de l’enfant, la Convention internationale sur les droits civils et politiques, la Convention internationale sur les devoirs économiques, sociaux et culturels, la Charte sociale européenne – peut être de bon augure pour que les droits de la famille soient reconnus universellement, au-delà des divergences religieuses, sociales, juridiques et culturelles.
Je voudrais pour ma part mettre en lumière certaines conditions qui peuvent représenter les prémisses indispensables à la reconnaissance, à la sauvegarde et au soutien de ces droits de la famille.
Il est urgent, avant tout, de mettre en œuvre une action culturelle complète et profonde, comprenant aussi les « coutumes », et donc les modes de vie, et pas seulement les manières de pensée. Il est nécessaire, surtout dans une situation pluraliste et complexe comme la nôtre, d’opérer un soutien des mentalités et des sentiments communs qui puisse, par de bonnes raisons et des exemples persuasifs, convaincre de l’importance et de la valeur de la famille. Il s’agit, par exemple, de s’acheminer vers une mentalité qui, recouvrant l’éthique de la liberté et du don, considère la famille non pas comme une relation générique, mais comme une réalité qui, de par sa nature, requiert un pacte entre un homme et une femme, sur la base d’un choix libre et réciproque, et une relation génératrice, au moins en tant que projet. Ce qui est en jeu, c’est la capacité de donner vie à une authentique médiation anthropo-éthique, d’atteindre un consensus social quant au modèle de la bonne famille.
Toujours d’un point de vue culturel, il est indispensable de reconnaître, respecter, sauvegarder, valoriser et soutenir l’identité de la famille comme société naturelle fondée sur le mariage. Ceci est d’autant plus nécessaire et urgent aujourd’hui, dans un contexte où bien souvent c’est l’idée même de famille qui est discutée et dénaturée. Il s’agit donc de tracer une ligne de démarcation aussi nette que possible entre la famille proprement dite et les autres vies communes – plus ou moins stables et diversement motivées – qui ne peuvent mériter, de par leur nature, ni le nom ni le statut de famille, et de lui réserver une sauvegarde spécifique et une voie préférentielle dans les interventions sociales et de solidarité, afin de la mettre en condition d’exercer efficacement ses fonctions propres.
« Il faut, en outre, redécouvrir et soutenir la subjectivité de la société civile. C’est-à-dire qu’il s’agit d’encourager et de soutenir la « responsabilité » des personnes, seules ou associées, pour qu’elles « construisent » la société sous ses formes les plus diverses. Toutefois, il importe de fuir toute exaltation naïve ou simpliste, toute surévaluation ironique de cette même société civile. Il est vrai, en fait, qu’elle est le lieu unique dans lequel les valeurs puissent être cultivées. Mais cela ne se produit pas automatiquement. Même la société civile est soumise à des dynamiques négatives de destruction des valeurs. Il s’agit alors d’opérer également à ce niveau pour une « récupération de moralité » qui franchisse l’éthos courant. A ce propos, il est nécessaire et urgent de retourner aux valeurs, et on ne peut permettre, au nom d’une fausse et présumée « laïcité », de transformer les « valeurs » en simples « goûts » ; il est nécessaire et urgent de laisser libre cours à la volonté et à la capacité de penser et de projeter (culturellement et politiquement) le modèle de la bonne société ou du bien commun. Dans ce cadre – à partir de la compréhension de la réalité sociale effective et, inséparablement, du partage des valeurs morales –, on réussira à déterminer aussi le modèle de la bonne famille et l’on pourra réaliser cette profonde opération culturelle à laquelle nous venons de faire allusion.
Il faut ensuite préserver la subjectivité sociale de la famille en tant que telle. Ce qui signifie reconnaître effectivement que la famille est la cellule originelle de la société, titulaire et source de droits inaliénables et, comme telle, reconnue dans son identité, acceptée dans sa subjectivité et dans ses droits de citoyenneté et sauvegardée selon le principe de subsidiarité. Il s’agit, par conséquent, d’appliquer avec courage et clairvoyance ce principe, par exemple, aux problèmes de la maison, à la liberté dans la transmission de la vie, à l’organisation du travail et aux rapports entre temps de travail et temps de la famille, aux questions d’éducation. Tout cela, par ailleurs, interpelle et responsabilise non seulement la société, les institutions et les États, mais aussi les familles elles-mêmes, qui doivent avant tout être conscientes de leur subjectivité et s’engager à la vivre.
Enfin et surtout, il faut reconnaître que la famille constitue, en quelque sorte, le carrefour où se rencontrent, se mesurent, se décident et se construisent les rapports interpersonnels les plus divers. Il faut, en d’autres termes, dépasser une vision purement individualiste de la réalité et s’habituer à considérer les réflexes et les possibles implications familiales de tous les problèmes de la personne et de la société. Il s’agit, en fait, de récupérer et développer avec force et décision la dimension sociale propre et inaliénable de la famille et la dimension familiale de tous les problèmes de l’individu et de la société.
Il s’ensuit, en conclusion, que droits de la famille et droits de l’homme iront de pair, grâce à un entrelacement inextricable et profitable, grâce à un renvoi réciproque, qui permettront un soutien plus réel de la dignité de chaque personne et une vie sociale plus juste et meilleure. »
Article ajouté le 09-06-2008 , consulté 284 fois

Lettre du Cardinal Carlo Maria Martini aux parents (Schuster dans la prière)

30 août, 2010

du site:

http://www.stignace.net/recherchedetextes/cadretextes/lettrecalmartini.htm

À tous ceux qui aiment leurs enfants et l’avenir de l’Église[1]

Lettre du Cardinal Carlo Maria Martini aux parents

alors qu’il quittait son diocèse de Milan à la fin de son ministère d’évêque.

1. La famille est une vocation                            
2. L’éducation : collaboration à la joie des enfants  
3. Estime des prêtres et appréciation de leur vie     
4. La prière pour les vocations au ministère             

Pour la fête de saint Charles[2], l’année dernière, j’ai écrit une lettre aux prêtres sur l’avenir des vocations. Maintenant, avant de conclure mon ministère à Milan, je voudrais dire un mot sur ce sujet également à tous les parents, mais en élargissant le plus possible les horizons, dans le cadre de la vie de famille et dans le cadre de toute vocation chrétienne. Je vous écris cela en la fête de la Nativité de saint Jean-Baptiste, qui nous parle de la joie d’un père et d’une mère d’avoir un fils auquel Dieu a confié une grande mission. J’ai déjà parlé aux parents de ces thèmes dans quelques brèves pages des lettres de Noël dans les années passées, et je frappe maintenant de nouveau avec discrétion à votre porte.
Aurez-vous du temps pour lire aussi cette lettre ? Aurez-vous un moment de calme pour partager quelque chose de ma préoccupation et prendre un peu en considération ma proposition ? Qui sait ce que fut votre journée ? Peut-être, après des heures d’un travail difficile et effectué non sans tensions, avez-vous eu à affronter un voyage de retour à la maison qui a été plus long et plus exaspérant que d’habitude à cause d’un bouchon, d’un retard, de quelque chose d’imprévu. Et pour finir, peut-être que, à peine rentrés à la maison, vous avez croisé le regard irrité de votre fille adolescente à cause d’une permission refusée et l’agitation du plus petit avec ses caprices et son approximation décourageante afin d’en finir au plus vite avec ses devoirs. Et moi, j’ose encore vous déranger… !
Vous devez croire que ce qui me pousse à vous écrire, c’est vraiment une affection, un souci porté à votre famille, le désir de vous dire une fois encore que je suis proche de vous et mon admiration pour votre tâche éducative, si fascinante et parfois si usante.
            Je vous écris pour partager avec vous une préoccupation. Il me semble entrevoir chez beaucoup d’enfants et de jeunes un désarroi devant l’avenir, comme si personne ne leur avait jamais dit que leur vie n’est pas un hasard ou un risque, mais qu’elle est une vocation.
Aussi, je voudrais vous parler de la vocation de vos enfants et vous inviter à leur ouvrir des horizons d’espérance. En effet, vos enfants, que vous aimez tant, sont aimés encore bien avant, et d’un amour infini, par Dieu le Père : aussi sont-ils appelés à la vie, au bonheur que le Seigneur annonce dans son Évangile. Donc, le discours sur la vocation est pour suggérer la route qui mène à la joie, parce que c’est là le projet de Dieu sur chacun : qu’il soit heureux.
            Vous ne devez donc pas avoir peur : le Seigneur n’appelle que pour rendre heureux. Voilà pourquoi j’ose vous déranger. Votre bonheur et celui de vos enfants me tiennent à cœur. Et c’est pour cela que me tiennent à cœur tous les choix de vie possibles : le mariage et la vie consacrée, le don de soi dans le ministère de prêtre et de diacre, l’accomplissement de la profession comme une mission. Tous ces choix peuvent être une manière de vivre la vie chrétienne s’ils sont motivés par l’amour et non par l’égoïsme, s’ils comportent un engagement définitif, si les critères et le style de la vie quotidienne sont ceux de l’Évangile.
            Je vous écris, donc, pour vous dire avec quelle affection je suis proche de vous et que je partage votre souci que la vie de vos enfants, que vous aimez tant, ne soit pas perdue.

1 – La famille est une vocation

La première vocation dont je veux vous parler est la vôtre, celle d’être mari et femme, père et mère.
Aussi mon premier mot est précisément de vous inviter à prendre bien soin de votre amour en tant que mari et femme : au milieu de tant de choses urgentes, au milieu des si nombreuses sollicitations qui vous assaillent, il me semble qu’il est nécessaire de garder un peu de temps, de défendre un peu d’espace, de programmer un certain moment, qui soient comme un rite pour célébrer l’amour qui vous unit. L’inertie de la vie avec ses frénésies et ses ennuis, l’usure de la convivialité, le fait que chacun est un jour ou l’autre une déception pour l’autre quand apparaissent et s’aggravent des défauts et des méchancetés, tout cela finit par faire oublier la bénédiction que sont l’amour mutuel, le fait de vivre ensemble, de mettre au monde des enfants et de les introduire dans la vie.
            L’amour qui vous a convaincus de vous marier ne se réduit pas à l’émotion d’un moment un peu euphorique, il n’est pas seulement un attrait que le temps consume. L’amour sponsal est votre vocation : dans votre amour, vous pouvez reconnaître l’appel du Seigneur. Le mariage n’est pas seulement la décision d’un homme et d’une femme : c’est la grâce qui pousse deux personnes mûres, conscientes, heureuses, à donner un visage définitif à leur liberté. Le visage de deux personnes qui s’aiment révèle quelque chose du mystère de Dieu. Aussi voudrais-je vous inviter à garder la beauté de votre amour et à persévérer dans votre vocation : il en découle toute une conception de la vie qui encourage la fidélité, permet de supporter les épreuves, les déceptions, qui aide à traverser les crises éventuelles sans croire qu’elles sont irrémédiables. Celui qui vit son mariage comme une vocation professe sa foi : il ne s’agit pas seulement de rapports humains qui peuvent être un motif de bonheur ou de tourment ; il s’agit de traverser les jours avec la certitude de la présence du Seigneur, avec l’humble patience de prendre chaque jour sa croix, avec la fierté de pouvoir faire face, par grâce de Dieu, aux responsabilités.
Ce n’est pas toujours que les engagements professionnels, les réalisations familiales, les conditions de santé, le contexte dans lequel vous vivez, aident à voir avec lucidité la beauté et la grandeur de votre vocation. Il est nécessaire de réagir à l’inertie qu’engendre la vie quotidienne et de vouloir avec ténacité également des moments de liberté, de sérénité, de prière. Je vous invite donc à prier ensemble, dès ce soir, puis demain, puis toujours : une prière simple pour remercier le Seigneur, pour demander sa bénédiction pour vous, vos enfants, vos amis, votre communauté : quelques « Je vous salue, Marie » pour toutes ces attentes et ces peines que, peut-être, on ne réussit pas même à s’exprimer. Je vous invite à choisir quelques dates, à les distinguer par un signe, comme une visite à un sanctuaire, une messe même un jour de semaine, une lettre pour dire ces mots qui se bloquent dans notre gorge : la date de votre mariage, celle du baptême de vos enfants, celle de quelque deuil familial, pour ne donner que quelques exemples.
Je vous invite à trouver le temps de vous parler avec simplicité, sans transformer chaque point de vue en entêtement, toute divergence en litige : un temps pour parler, échanger des idées, reconnaître ses erreurs et demander pardon, se réjouir du bien accompli, un temps pour parler en se promenant tranquillement le dimanche après-midi, sans hâte. Et je vous invite à rester seuls pendant un petit moment, chacun pour son compte : un moment de détachement peut aider à être mieux et plus volontiers ensemble.
Je vous invite à avoir confiance dans l’incidence de votre oeuvre d’éducation : trop de parents sont découragés par l’impression d’une certaine imperméabilité de leurs enfants, qui sont capables de beaucoup exiger, mais qui se montrent réfractaires à toute interférence dans leurs amitiés, leurs horaires, leur monde.
Votre vocation à éduquer est bénie de Dieu : aussi, transformez vos appréhensions en prière, en méditation, en calme confrontation. Éduquer, c’est comme semer : le fruit n’est pas garanti et il n’est pas immédiat, mais si l’on ne sème pas, il est certain qu’il n’y aura pas de récolte. Éduquer est une grâce que le Seigneur vous fait : accueillez-la avec gratitude et sens des responsabilités. Cela demandera parfois patience et gentille complaisance, parfois fermeté et détermination ; dans une famille, il arrive aussi que l’on se dispute et que l’on va se coucher sans se saluer : mais ne perdez pas courage, il n’y a rien d’irrémédiable pour qui se laisse conduire par l’Esprit de Dieu.
Et confiez souvent vos enfants à la protection de Marie, n’omettez pas de dire une dizaine de chapelet pour chacun d’eux : ayez confiance et ne perdez l’estime ni de vous-mêmes ni de vos enfants. Éduquer, c’est devenir collaborateurs de Dieu pour que chacun réalise sa vocation.

2 – L’éducation : collaboration à la joie des enfants

La joie que vous désirez pour vous et pour vos enfants est un don mystérieux de Dieu : elle nous parvient comme la lumière amicale des étoiles, comme une musique heureuse, comme le sourire d’un visage désiré. La collaboration que les parents peuvent donner à la joie des enfants, c’est l’éducation chrétienne. L’éducation n’est pas un mécanisme qui conditionne, mais l’accompagnement d’une jeune liberté pour que, si elle le veut, elle parvienne à son achèvement dans l’amour. Éduquer est donc un service humble, qui peut connaître l’échec ; c’est cependant aussi une entreprise formidable qu’un homme et une femme peuvent goûter avec une intensité inexprimable.
L’éducation chrétienne est le travail patient et tenace qui prépare le terrain au don de la joie de Dieu. En effet, la lumière des étoiles ne se voit pas si la lueur brutale des luminaires cache la nuit, la musique heureuse ne nous enveloppe pas de consolation quand le vacarme et le bruit se font assourdissants, et on n’a pas le temps de regarder un visage ami dans l’excitation d’une foule en délire. Pour préparer à la joie, une purification est donc nécessaire, qui ne va pas sans peine.
Je veux parler brièvement au moins de quelques purifications qui me semblent particulièrement nécessaires aujourd’hui.
La purification des affections signifie introduire à la joie que ne connaît pas celui qui imagine les rapports entre l’homme et la femme comme une façon de réduire l’autre à l’état d’instrument, pour son propre plaisir et l’affirmation de lui-même : alors, les affections dégénèrent en passion, possessivité, sensualité.
L’esprit de service et la disponibilité au sacrifice introduisent à cette joie qui se réjouit de voir les autres heureux, de voir que les initiatives marchent bien, que les communautés sont vivantes et animées. C’est une joie que ne connaît pas celui qui se repaît dans sa paresse, qui ne recherche aucun résultat. Comme cela me serre le cœur de voir le gaspillage de temps, de ressources jeunes et fascinantes, le gaspillage d’intelligence et d’argent que je vois s’accomplir de la part de si nombreux groupes de jeunes ! Comme il est urgent de réagir devant l’inertie et la mauvaise volonté pour construire une vie heureuse !
La purification de la peur de l’avenir est urgente pour introduire à la joie de ce qui est définitif. Une vie s’accomplit quand elle se définit par le dévouement : le choix définitif doit être désiré comme le chemin de la paix, comme l’entrée dans l’âge adulte et dans ses responsabilités. Bénis soient ces parents qui, avec la fidélité de leur amour, enseignent que ce qui est définitif est une grâce et non pas un danger à redouter, ni une limitation de la liberté qu’il faut retarder le plus possible. Au contraire, dangereuses et sources d’inquiétude sont la précarité, la vie dans le provisoire, le désarroi qui laissent un jeune homme ou une jeune fille enfermé à part dans la vie, incertain de son identité et effrayé devant son avenir.

Éduquer à l’appartenance à l’Église

Vous, parents, ressentez la responsabilité de pourvoir au bonheur de vos enfants : vous êtes disposés à concéder beaucoup, parfois même trop, « pourvu qu’il (qu’elle) soit heureux (heureuse) ». Cela devient un motif d’anxiété, un sentiment de faute, une exaspération, quand vous ne réussissez pas à obtenir de vos enfants qu’ils assument, qu’ils partagent vos indications, quand se révèlent impraticables les propositions qui semblaient tellement évidentes aux prêtres, aux enseignants, aux experts qui écrivent dans les journaux.

Il me semble qu’il est plus sage de considérer que les parents ne sont pas coupables de toutes les erreurs et de tous les malheurs de leurs enfants, de toute la misère de certaines jeunesses gâchées par le manque total de résultat ou la transgression. Il est excessif qu’un père ou une mère se sentent coupables de tout : il est plus prudent et plus apaisant de partager la responsabilité à l’intérieur d’une communauté.
Quand vous avez porté votre enfant à l’église pour demander le baptême, vous avez déclaré votre foi dans le Père qui est dans les cieux, et votre décision que l’enfant grandisse dans la communauté chrétienne.
Il me semble qu’une conséquence cohérente du choix de demander le baptême pour ses enfants est une oeuvre éducative qui se préoccupe de les insérer dans une communauté, de promouvoir la participation, d’insinuer chez les enfants et les jeunes un sentiment d’appartenance à la communauté chrétienne grâce auquel on éduque à la foi, à la prière, à la question concernant l’avenir. Une famille qui s’isole, qui défend sa propre tranquillité, en se soustrayant aux rendez-vous communautaires se révèle à la fin plus fragile et ouvre la porte à ce nomadisme des jeunes qui vont ici et là en goûtant à de nombreuses expériences, même contradictoires, sans se nourrir d’aucune nourriture solide.
S’insérer dans une communauté, cela peut exiger quelque fatigue et ne met pas à l’abri de quelque humiliation : je pense aux familles qui ont changé de maison et qui se sentent perdues dans de nouveaux quartiers ; je pense à celles qui ont souffert d’une incompréhension ; je pense à celles qui ont l’ardent désir d’aller ailleurs pour voir des gens, pratiquer un sport, respirer un peu de bon air. Voilà : vient le temps de choisir les priorités. L’avenir de vos enfants a besoin de choix qui déclarent ce qui est le plus important. Estimer que l’on ne peut absolument pas se passer de participer à la messe dominicale introduit une mentalité de foi qui estime que, sans le Seigneur, on ne peut rien faire de bon. Aussi, la fréquentation de la messe dominicale dans votre paroisse, la participation aux fêtes de la communauté, la prise de quelque responsabilité, le souci que vos enfants fréquentent le « patronage », la catéchèse, les engagements et les initiatives des jeunes de la paroisse, sont une manière de favoriser ce sentiment d’appartenance qui donne une stabilité et conduit à ce que l’on prenne en charge progressivement la communauté, décision qui peut mûrir aussi dans une vocation à son service.

3 – Estime des prêtres et appréciation de leur vie

Il m’arrive parfois d’être témoin chez les parents, d’une sorte de peur, d’appréhension, devant le soupçon qu’un de leurs enfants pourrait s’orienter vers le ministère sacerdotal.
Même les parents des séminaristes me font comprendre leur inquiétude, comme s’ils me demandaient : « Mais, quelle vie attend mon enfant s’il devient prêtre ? Sera-t-il heureux ? Sera-t-il seul ? ».
Je voudrais répondre que la vie du prêtre, d’aujourd’hui et de demain, comme celle d’hier, est une vie chrétienne : aussi celui qui veut être un bon prêtre portera-t-il sa croix chaque jour, comme vous le faites, dans un dévouement qui ne sera pas toujours couronné de reconnaissance et de résultats, en exerçant des responsabilités où il rencontrera aussi la critique et l’incompréhension, dans tout un tas d’engagements et de prétentions qui seront parfois usants. Cependant, on ne pense pas assez – me semble-t-il – à ce qui rend belle la vie d’un prêtre, belle et heureuse, d’une manière unique.
Le prêtre, en effet, vit surtout de relations : il consacre son temps aux personnes. Il ne se préoccupe pas de choses, de papiers, de sous, sinon de manière secondaire. Il passe son temps à rencontrer des gens : les enfants et les personnes âgées, les jeunes et les adultes, les malades et les personnes en bonne santé, ceux qui l’aiment bien et qui l’aident comme ceux qui le critiquent, se moquent de lui et se montrent par trop exigeants. C’est une expérience humaine extraordinaire. Et il rencontre les personnes non pas pour leur vendre quelque chose, non pas pour en tirer quelque avantage, non pas par curiosité, non pas comme on rencontre un client, mais pour se préoccuper de leur vie, de leur vocation à la joie, de leur être de fils de Dieu. Les personnes ouvrent souvent leur cœur au prêtre avec une confiance qui n’a pas son égal dans les rapports humains et, en cette confiance, est semée la Parole qui dit la vérité, qui ouvre à l’espérance éternelle, qui guérit par le pardon.
Le prêtre vit une liberté extraordinaire : il s’est remis lui-même à l’Église, aussi, s’il est cohérent avec sa vocation, il n’a pas d’appréhensions pour son avenir, il ne s’attache pas aux choses, il n’est pas obsédé par l’idée de s’enrichir. Il s’est remis lui-même par son obéissance à l’évêque et, précisément pour exercer cette obéissance, il vit une grande liberté, dispose de son temps pour servir, dispose de ses qualités particulières pour être utile à sa communauté.
Le prêtre célèbre pour lui et pour le peuple les mystères du salut : ce ne sont pas des produits précaires qui sont l’œuvre de ses mains, des succès exposés au sort incertain des choses humaines. En célébrant les saints mystères, il donne au peuple la grâce d’entrer dans la vie éternelle, la communion avec Jésus. Même si sa parole n’est pas attendue, si le nombre de ceux qui recherchent le don offert peut paraître réduit, le prêtre vit la certitude que le Royaume de Dieu vient précisément comme cela, comme la semence qui meurt pour produire beaucoup de fruits. À la fin de sa vie, s’il jette un regard sur le passé, le prêtre pourra éprouver du repentir devant ses misères et du chagrin devant son inadéquation à la mission reçue, mais ne lui fera pas défaut l’incomparable consolation d’avoir offert aux hommes le pain de la vie éternelle et l’étreinte du pardon de Dieu.
Il me semble opportun de rappeler ce qui rend grande et belle la vie du prêtre, pour que l’accent mis sur la fatigue, le soulignement des difficultés n’obscurcissent pas cette forme splendide de vie chrétienne.
Je pense qu’un père et une mère peuvent comprendre, au-delà des lieux communs et des réactions émotives, quelle grande grâce est le don du sacerdoce, et ils peuvent alors se réjouir si un de leurs enfants se sent attiré par cette route : je vous assure que la joie ne lui manquera pas, s’il est un bon prêtre.
En tout cas, mal parler des prêtres et les désigner comme responsables de tout ce qui ne va pas dans les communautés chrétiennes ne peut certes pas aider à améliorer les choses et encore moins encourager un jeune à se présenter pour assumer un ministère si nécessaire pour l’Église et si beau pour celui qui le vit bien.

4 – La prière pour les vocations au ministère

La beauté chrétienne de la vie d’un bon prêtre et la grâce extraordinaire que représente un saint prêtre pour une communauté doivent suggérer à tous de prier afin que les prêtres ne manquent pas dans nos communautés. La prière pour les vocations au ministère sacerdotal doit être partagée par toute la communauté.
Je vous invite vous aussi à prier en famille et à suggérer cette intention de prière également à vos enfants, en obéissance à la parole du Seigneur : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson » (Lc 10, 2).
Comme je l’ai écrit aux prêtres à l’occasion de la fête de saint Charles, cette prière n’est pas une sorte de délégation au Seigneur pour qu’il fasse ce que nous ne réussissons pas à faire : c’est plutôt un abandon intelligent et libre à la conduite de l’Esprit qui devient disponibilité à accomplir les oeuvres de Dieu. Aussi la prière pour les vocations devrait-elle être plus intensément pratiquée par ceux qui se trouvent à l’âge et dans les conditions du choix de leur état de vie. Je voudrais que tout adolescent ou jeune comprenne que la vérité de la prière pour les vocations est atteinte quand elle retentit au fond comme la prière d’Isaïe : «Seigneur, si tu le veux, envoie-moi !» (Is 6, 8).

Je vous invite à prier en ces termes :
Dieu, Père tout-puissant, nous te prions
d’envoyer des ouvriers de l’Évangile à notre sainte Église ambrosienne
dans laquelle, pendant des siècles, tu as opéré tes merveilles.
Nous te prions par l’intercession de nos saints évêques Ambroise et Charles,
du bienheureux cardinal Ferrari et du bienheureux cardinal Schuster.
Nous te prions par l’intercession de Marie, notre petite Vierge
qui, du haut du Duomo, prie pour notre Église.
Nous te prions pour nos communautés : qu’elles soient peuplées de personnes riches en foi,
empressées au service, portées à la reconnaissance
pour tous ceux qui se consacrent au saint ministère.
Nous te prions de répandre chez nos jeunes ton Esprit Saint,
pour qu’ils soient attirés par la contemplation de Jésus
et la marche à sa suite, qu’ils puissent faire l’expérience de la joie
d’une liberté qui se fait don, obéissance, empressement pour la foi des frères.
Nous te prions de répandre en nous tous ton Esprit Saint,
pour que nous soyons forts et intelligents dans la lutte contre les tentations de notre temps
et que nous soyons persévérants dans le bien,
pour mener à son achèvement notre vocation et parvenir à la joie éternelle
et parfaite que tu prépares pour tes enfants bien-aimés.
Amen.

Milan, le 24 juin 2002 – En la fête de la Nativité de saint Jean-Baptiste

Carlo Maria cardinal MARTINI

(*) Texte original italien du diocèse de Milan. Traduction de la Documentation Catholique.
La documentation catholique N° 2280 du 17/11/2002 – L’Église dans le monde

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[1] Le 11 juillet dernier, le Pape Jean-Paul II a accepté la démission du cardinal Carlo Maria Martini, archevêque de Milan, âgé de 75 ans depuis le mois de février. Le cardinal Dionigi Tettamanzi, dont l’installation a eu lieu le dimanche 29 septembre, lui a succédé à la tête du plus grand diocèse du monde. Le 24 juin dernier, avant de conclure son ministère à Milan et de retourner à ses études bibliques, le cardinal Carlo M. Martini a adressé une lettre aux parents. Nous en publions le texte (*)

[2] Saint Charles Borromée fut un grand archevêque de Milan au XVI° siècle après le Concile de Trente. Il fut de ceux qui reprirent les décrets du Concile de Trente et les mis en œuvre opérant par là une vraie réforme dans l’Eglise catholique.

Card. Carlo Maria Martini: Faire confiance à la prière

25 juillet, 2007

du « Famille Saint Charbel »:

http://www.ayletmarcharbel.org/lecture13.htm

Faire confiance à la prière

Vouloir obtenir tout de suite, et se lasser, c’est n’avoir pas fait confiance : c’est l’attitude des apôtres qui, en pleine nuit, rentrent chez eux. La prière demande un investissement de patience, parce qu’à travers elle, l’homme se trouve en situation d’authenticité où Dieu se manifeste à lui. Dans un livre sur la prière, une page m’a beaucoup frappé. Elle rejoint notre sujet : savoir patienter dans l’attente, avoir la patience de reconnaître Jésus. « La chose la plus difficile pour ceux qui se sont embarqués dans l’aventure de la foi, c’est d’user de patience avec Dieu. La conduite du Seigneur avec ceux qui se donnent à lui est très souvent déconcertante. Il n’y a pas de logique dans ses réactions, c’est pourquoi il n’y a pas de proportions entre les efforts pour découvrir son visage voilé et les résultats de tels efforts. Nombreux sont ceux qui perdent patience et, découragés, abandonnent tout. Dans le dynamisme de l’économie de Dieu, il n’existe qu’une direction : celle de donner. De Dieu personne ne peut exiger quoi que ce soit, personne ne peut l’interroger en l’assaillant de questions ».

Demandons-nous quelle est la qualité de notre prière, si elle est persévérante ou au contraire inconstante et lunatique.

Cardinal Martini.

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