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LA CONNAISSANCE MYSTIQUE DE DIEU CHEZ LE JUIF PAUL » PAR LE CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS.

15 février, 2016

http://www.paris.catholique.fr/990-6-Conference-du-Cardinal-Andre.html

5 AVRIL 2009, CONFÉRENCE DE CARÊME : « LA CONNAISSANCE MYSTIQUE DE DIEU CHEZ LE JUIF PAUL » PAR LE CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS.

« Prendre Dieu au sérieux » Le cœur de la personne et de l’œuvre de saint Paul se cache en un lieu secret, où sa vie s’est décidée et à partir duquel elle a reçu la fécondité à laquelle les conférenciers de cette année ont rendu témoignage. Je propose de nommer ce cœur de la vie de Paul sa « connaissance mystique de Dieu ». Pour bien comprendre ces mots, je partirai d’une définition ou plutôt d’une description de la mystique, simple et sans doute incomplète, mais fidèle à l’expérience chrétienne et ouverte à d’autres traditions : est mystique celui qui prend Dieu au sérieux. La Bible dit que Dieu se donne librement comme il veut, quand il veut, à qui il veut. Cette expérience juive et chrétienne inclut une révélation essentielle : Dieu est personnel, Dieu est Sujet. Il possède lui-même cette perfection suprême de l’existence que nous goûtons nous aussi, quand nous nous engageons, dans les relations humaines les plus concrètes et les plus importantes, par des actes où s’exprime et se façonne l’unité spirituelle et corporelle des hommes et des femmes que nous sommes. La Bible transmet d’âge en âge l’expérience de l’amour et de l’amitié personnels de Dieu pour les hommes. En choisissant et en aimant le peuple d’Israël, dont il fait son témoin dans l’histoire, Dieu le singularise, le particularise pour le bien de toutes les Nations. Il lui révèle le mystère enfoui au cœur de toute créature, malgré la déformation des violences et des égoïsmes. Ce mystère est le suivant : nous sommes tous porteurs d’une dignité native, universelle et inamissible. Nous sommes et devenons des personnes, des sujets, donnés et révélés à nous-mêmes par la rencontre d’un Autre. Si Dieu se donne librement, il se reçoit librement. Le don de Dieu est identique pour tous, puisque c’est Dieu lui-même qui se donne, mais chacun le reçoit singulièrement, car Dieu est personnel et sa rencontre personnalise. Qu’est-ce qu’une personne ? Les philosophies, les sciences, les religions cherchent à le dire de multiples manières. Il n’est pas en notre pouvoir de décider qui est personne et qui ne l’est pas. Je dis simplement, à partir de l’expérience biblique, qui exprime ce que tout homme sait plus ou moins clairement : une personne ne se révèle à moi qu’en m’engageant personnellement envers elle. Le mystère de Dieu ou de l’homme ne se reconnaît qu’en risquant dans la confiance le tout de mon être dans la rencontre avec lui. La foi-confiance est le meilleur chemin de la connaissance d’une personne. Une telle expérience est partagée par tous ceux qui, à travers le temps et l’espace, prennent soin des plus fragiles d’entre nous. Celui qui accueille un pauvre, ou un étranger, dans sa famille, à un repas de Noël ou de Pâques ; celui qui se met en état de recevoir les gestes d’affection d’un malade ou d’une personne handicapée ; celui qui fait grandir et éduque un enfant, ou visite un vieillard en partageant sa vision du monde et en apprenant de lui les trésors d’humanité qu’il recèle en propre… tous ceux qui accueillent une personne reçoivent d’elle une lumière qui illumine l’intime de leur cœur. La vie mystique offre une rencontre de cette nature avec Dieu lui-même. Est mystique celui qui cherche à correspondre au don reçu de Dieu, à L’accueillir « en personne », dans la pleine mesure de liberté où Il se donne. Nous connaissons de ces « mystiques » ordinaires : l’enfant qui se prépare à la première communion ; la mère qui exulte de joie en son futur enfant ; l’homme mûr en danger de mort qui se confie à Dieu ; le médecin qui, comme Ambroise Paré, sait dire : « Je l’ai soigné, Dieu l’a guéri » ; le savant qui poursuit avec assiduité la vérité qui se cache dans l’admiration que lui inspire le cosmos ; l’artiste qui interroge les secrets de ce monde et renouvelle l’événement de la rencontre du Logos et de la chair… Les « retournements » de Saul de Tarse, d’Alphonse Ratisbonne, de Paul Claudel, d’Etty Hillesum, d’André Frossard sont des expériences mystiques extraordinaires qui confirment la portée de l’expérience ordinaire de la richesse inouïe de la vie et du réel, que nous faisons tous un jour ou l’autre. La grâce mystique est une visite de Dieu. Elle est toujours surnaturelle, car le mystère divin opère en nous ce qu’il signifie pour Dieu. Elle renouvelle la nature humaine, car le don reçu de Dieu appelle une réponse personnelle, fidèle et courageuse, sans laquelle il ne peut y avoir vraiment de rencontre, d’alliance et de salut. Le sceau d’authenticité de la mystique se trouve dans les œuvres désintéressées que la visite de Dieu donne d’accomplir, dans la communion de Marie, qui écoute la Parole, et de Marthe, qui la met en pratique. Thérèse d’Avila fut mystique dans sa description des « Demeures » de l’union avec Dieu comme dans le récit des « Fondations » par lesquelles elle a renouvelé l’Église. Pour le mystique, la connaissance de Dieu n’est pas une abstraction, mais un événement décisif, une rencontre et une attente qui ne cessent d’appeler sa réponse. Il y a rencontre mystique dès que le rationaliste ou le sceptique qui sommeille en nous est bousculé, ou vaincu. Dieu ne se réduit plus à une réalité purement extérieure, ou, pire encore à une divinité enfermée dans les images figées d’un catéchisme colorié ou d’une connaissance aseptisée. Dieu, le premier, connaît et aime mystiquement l’homme, chaque être humain. Il n’est pas enclos,- et relégué- dans le ciel, dans l’avenir ou dans le passé, mais il est une Réalité pleinement active, un Autre qui nous révèle comme personnes. La révélation du « Je Suis » ne s’arrête pas à la confession de foi qui dit : « Tu es », mais, dans l’amitié avec Lui, elle conduit à dire : « Je suis avec Toi, aimé par Toi et t’aimant ». C’est pourquoi les mystiques comparent souvent leur expérience à celle des amoureux, des fiancées, ou à des époux, qui nouent des relations de personne à personne, relations où ils sont engagés entièrement, et libérés entièrement, envers Dieu et envers eux-mêmes. Ils deviennent eux-mêmes par la rencontre de l’Autre, comme Henri Bergson l’avait montré . Avec les mots du Cantique des cantiques, Thérèse d’Avila et Edith Stein parlent de la mystique comme de Noces : « (L’union mystique est) l’aboutissement à la fois de l’amour de la créature qui aspire et désire (amor, eros), et de l’amour de Dieu qui se penche avec miséricorde sur sa créature (caritas, agapè). Au point où ces deux amours se rencontrent, l’union peut petit à petit se réaliser » . Dieu dilate à Sa mesure les capacités d’accueil du cœur qui Le reçoit. Il ouvre son Intimité à qui lui ouvre son intimité, car son Être est personnel et le cœur humain est la source de la vie personnelle et le lieu approprié d’une rencontre en vérité . Ainsi peut-on décrire le lieu et l’enjeu de toute expérience mystique, de toute rencontre au cœur entre l’homme et son Dieu. Dans ce cadre les rencontres personnelles que chacun peut faire avec son Dieu trouvent toute leur singularité. Celle de Paul de Tarse également. Nous allons à présent dégager quelques traits propres à la manière selon laquelle Paul de Tarse a rencontré cet amour et accepté de prendre Dieu au sérieux. 1. L’Alliance comme terreau de l’expérience mystique de Paul et la rencontre du « Messie crucifié » (1 Corinthiens 1, 23) Il nous faut premièrement nous rappeler que Saul de Tarse a grandi dans le peuple d’Israël. Il appartient au peuple de l’Alliance conclue par Dieu avec Abraham et confirmée avec Moïse. Paul n’a jamais reniée cette appartenance. Le judaïsme est une école pour prendre Dieu au sérieux en raison de l’élection : les promesses, la Loi, la connaissance de Dieu, sa miséricorde envers les pécheurs, sa fidélité dans les épreuves, sa Parole éclairant l’histoire, la mémoire des prophètes, la promesse des renouveaux messianiques, la louange des psaumes, les pèlerinages à Jérusalem, le culte, le sacerdoce, l’étude de la Tora, l’adoption filiale (Romains 9-11)… sont le support et la clé de l’expérience de Saul sur le chemin de Damas. Mais celle-ci marque une nouveauté dans le parcours de Paul. Pour l’apôtre des nations, il y a un saut qu’il convient de comprendre entre la défense zélée de l’héritage de ses pères, et l’accueil de Dieu dans la figure du Christ crucifié. Saul a en effet d’abord vécu comme une épreuve la rencontre de la Voie de Jésus. Cette épreuve l’a conduit à la violence et il s’est fait le persécuteur des premiers disciples juifs de Jésus (Actes 7-9). Cette violence, comme toutes celles qui se déchaînent de tous temps entre croyants, mesure l’écart qui demeure entre le cœur malade de l’homme, même sincèrement religieux, mais encore idolâtre, et la sainteté manifestée dans la justice et la douceur de Jésus dont Saul de Tarse va faire l’expérience bouleversante. Et par la rencontre de Jésus de Nazareth, « livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification » (Romains 4, 25), vont être dévoilés pour Paul les trésors d’amour et de vérité dont est porteuse la tradition de ses pères et de ses Maîtres, les Sages d’Israël. La rencontre de Dieu dans le Messie crucifié (Actes 9) devient alors le centre à partir duquel il reprend et réfléchit toute la révélation. « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié » (1 Corinthiens 2, 2). Le Fils de Dieu a assumé la faiblesse et la folie humaines, selon le dessein « mystérieux » de l’incarnation, afin de dévoiler la sagesse et la puissance de Dieu (1 Corinthiens 2, 7-9). Ce retournement touche en profondeur l’existence même de Paul : « Ma vie dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Galates 2, 21). Le destin du Messie, rejoignant celui de son peuple et de tout innocent persécuté, exprime l’amour et l’humilité de Celui qui s’est fait fils d’Adam pour récapituler en lui l’histoire (Ephésiens 1, 10), devenir le nouvel Adam et le Premier-né de la création nouvelle. « Si par la faute d’un seul –lit-on dans la lettre aux Romains – la multitude est morte, combien plus la grâce de Dieu et le don conféré par la grâce d’un seul homme, Jésus Christ, se sont-ils répandus à profusion sur la multitude. » (Romains 5, 15) La Pâque du Christ est l’étape décisive du travail d’enfantement de la nouvelle création promise, libérée du péché et de la mort (Romains 8, 22-23). « Il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité. » (Ephésiens 4, 22-24) Le Christ a été conduit à son accomplissement par ses souffrances et sa résurrection et est devenu le grand prêtre fidèle et miséricordieux dont les hommes éprouvés ont besoin (Hébreux 2, 17-18). L’enseignement de Paul, et de la tradition juive, sur la valeur expiatoire du martyr du Christ-Messie et de ses témoins pour le pardon des péchés n’est ni dolorisme ni ressentiment, mais reconnaissance de la puissance suprême de la douceur pour la réparation et la rédemption d’un monde violent, dans lequel l’amour divin n’est pas aimé et la dignité absolue de l’homme bafouée. Ainsi donc, le Christ Jésus a traversé la condition humaine dans la fidélité envers Dieu et l’amour des hommes et inauguré l’Alliance nouvelle et éternelle promise par les prophètes. Celui que Paul rencontre est celui qui est le salut de tous les hommes (1 Timothée 2,4) et qui va faire de lui l’apôtre des nations. 2. « Appelé à être apôtre » (Romains 1, 1) Voici le deuxième point que nous voudrions développer : Pour Paul, la rencontre du Christ et la mission d’apôtre qu’il reçoit ne peuvent être séparées. Il est visité par Dieu pour en être le serviteur. L’expérience de l’élection, qui constitue Israël comme serviteur de Dieu et prêtre pour les Nations, commence avec l’histoire d’Abraham : « En toi seront bénies toutes les tribus de la terre » (Genèse 12, 3). Elle se poursuit quand Moïse transmet aux fils d’Israël, rassemblés au pied de la montagne sainte du Sinaï, la parole qui prépare le don de la Loi et appelle à la garder fidèlement : « Tu seras pour moi un royaume de prêtres » (Exode 19, 6). Paul a vécu l’expérience de l’élection, à la manière de Jérémie, comme un appel, une vocation, qui a décidé de son existence orientée vers l’universel : « Quand Celui qui, dès le sein maternel, m’a mis à part et appelé, daigna révéler en moi son Fils… » (Galates 1, 15-16). Cet appel l’a changé et révélé à lui-même : il a renoncé à toute violence religieuse, acceptant plutôt le sort des persécutés, non par complaisance envers la douleur, mais par amour du Christ et pour témoigner du don d’une vie plus grande à laquelle tous sont appelés : « ainsi donc la mort fait son œuvre en nous et la vie en vous » (2 Corinthiens 4, 12). Saul le persécuteur choisira pour lui-même le nom de Paulus, qui signifie justement « petit ». Paul a compris l’expérience chrétienne comme une élection et une vocation : le baptême fait des disciples du Messie des apôtres de l’Evangile, des témoins de la vérité sur Dieu et sur l’homme révélée dans la vie et la personne de Jésus de Nazareth. A la lumière de la croix et de la résurrection du Christ, il comprend l’existence humaine comme un appel universel à connaître le Créateur et Sauveur de l’homme (Romains 4, 17). L’élection chrétienne ne supprime pas l’élection juive. Elle ne la remplace pas. Elle la confirme en y insérant, selon les promesses, les disciples du Messie venus des Nations (Romains 9-11). « Les dons de Dieu sont sans repentance » (Romains 11, 32) et la présence de Jésus n’annule pas la mission du peuple qu’il vient sauver. Ceux que Jésus agrège au Peuple saint peuvent désormais chanter avec lui les louanges du Dieu d’Israël et témoigner de l’unité du genre humain. L’assemblée des disciples du Christ, qui a reçu la visite messianique et le don de l’Esprit consolateur, doit désormais, pour accomplir les Ecritures, porter aux Nations « l’annonce du salut » que le premier Testament appelle déjà un « évangile » : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui dit à Sion : ‘Ton Dieu règne’ ! » (Isaïe 52, 7 ; cf. Romains 10, 15). Jésus a formé ses disciples, dès avant Pâques, pour qu’ils annoncent et étendent le Règne de Dieu. Dans le Christ ressuscité agissant par ses apôtres, Paul reconnaît l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe : « C’est trop peu que tu sois pour moi un Serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël : Je fais de toi la lumière des Nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre » (Isaïe 49 6 ; cf. Actes 13, 47). _ L’annonce de l’évangile aux Nations ne signifie jamais pour Paul une rupture de la relation avec les Juifs ; il s’en défend à plusieurs reprises (cf. Actes 26 ; 28, 17-29 texte occidental). Il enseigne au contraire que la gloire d’Israël est l’objet de sa prière intense et de son espérance (Romains 9, 1-5 et 11, 11-15). Paul, théologien et mystique, est responsable de communautés mixtes de croyants, venus d’Israël et des Nations, pour lesquelles il cherche un mode de vivre ensemble en s’appuyant sur la charité afin de discerner les chemins de Dieu (1 Corinthiens 12-14 ; Romains 14). Ces pages de son enseignement doivent aujourd’hui être relues de manière approfondie grâce au nouveau dialogue et à la nouvelle estime mutuelle entre juifs et chrétiens, après des siècles de quasi séparation. Paul, lu dans le contexte de l’ensemble des Ecritures et à la lumière de la tradition d’Israël et de l’Église, peut nous aider, avec nos frères juifs, chacun à notre manière, à mieux comprendre notre mission aujourd’hui dans le monde. La mystique paulinienne de l’élection débouche sur le concept théologique original d’un « universel centré » où la dialectique d’Israël et des Nations joue un rôle important. L’élection d’Abraham apportait un principe d’unité après la confusion de Babel (Genèse 11). A la première Pentecôte chrétienne, en témoignage d’universalité, l’Église des disciples juifs de Jésus parlait déjà toutes les langues. Le salut promis par les prophètes à toutes les Nations est figuré dans la Bible par le pèlerinage à Jérusalem qu’annonce Isaïe (2, 1-5) et l’Evangile atteint les Nations en empruntant pour se répandre les chemins de la diaspora juive (Actes 2, 1-13). La Bible adresse un appel à toutes les Nations en dessinant la figure d’une histoire commune de l’humanité qui respecte et favorise chaque Nation dans sa différence. La foi chrétienne donne ainsi la main à la raison politique pour affirmer que l’unification de l’humanité ne peut ni résulter d’un impérialisme ni se renoncer dans l’indifférence ou l’apartheid, mais qu’elle demande un engagement éthique de chaque Nation pour accéder à un Bien commun universel de l’humanité. L’enracinement de l’Église en Israël appartient à son mystère, comme l’a enseigné le Concile Vatican II (Nostra aetate n° 4). L’Église est catholique parce qu’elle est « dans le Christ comme le sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain » (Lumen gentium n° 1), or le genre humain est composé, pour le théologien qu’est saint Paul, d’Israël et des Nations. Une conception de l’universel qui s’arracherait à la particularité d’Israël manquerait le véritable apport de Paul et du christianisme à l’histoire des religions, comme à l’anthropologie ou à la philosophie politique. La sagesse biblique juive et chrétienne est bienveillante envers les efforts que l’humanité consent pour s’unifier, mais elle affirme que le rassemblement universel de l’humanité, s’il se prépare dans l’histoire, ne peut s’achever sans un acte transcendant l’histoire, déjà à l’œuvre dans l’histoire depuis l’élection d’Abraham. C’est un acte de Dieu que l’Église nomme avec saint Paul « la parousie du Christ » et qui mettra fin à la mort et au péché, et à ce que Paul appelle le « mystère de l’impiété » (2 Thessaloniciens 2, 6-8). Il faut méditer dans la foi cette dimension eschatologique de l’histoire, mais on doit aussi en examiner la signification religieuse du point de vue de la raison, car « l’apparition du Christ au sein du peuple juif » est un phénomène qui, « même pour l’incroyant, mérite une longue méditation » . La parabole de l’olivier franc nous fait entrer dans la théologie de l’histoire de Paul : dans le Christ, fils d’Israël, les Nations sont greffées sur l’olivier franc du Peuple de Dieu. Cela peut provoquer jalousie et rancune mutuelles. Les chrétiens doivent entendre cet avertissement aussi ancien que le Nouveau Testament : « ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte » (Romains 11, 18). L’Église est nommée le corps du Christ parce qu’elle est le lieu où s’inaugure une décisive réconciliation des juifs et des païens par la foi au Messie crucifié et ressuscité : « Rappelez-vous qu’en ce temps là vous étiez sans Christ, exclus de la cité d’Israël, étrangers aux alliances de la promesse, n’ayant ni espérance ni Dieu en ce monde » (Ephésiens 2, 12). « Aussi soyez accueillants les uns pour les autres, comme le Christ le fut pour vous à la gloire de Dieu. Je l’affirme en effet, le Christ s’est fait serviteur des circoncis à l’honneur de la véracité divine, pour accomplir les promesses faites aux patriarches, et les nations glorifient Dieu pour sa miséricorde » (Romains 15, 7-9). Il nous faut le rappeler sans fin !

3. L’accomplissement des temps Troisièmement, il nous faut encore comprendre l’urgence dans laquelle se déploie la mystique de l’Apôtre des nations. « Le temps se fait court » écrit-il (1 Co 7,29). Paul vit avec sérieux l’urgence de ce nouveau temps et l’annonce avec force : « l’amour du Christ nous presse » et nous invite à vivre en hommes nouveaux « selon la vérité qui est en Jésus » (Ephésiens 4, 21). « Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu ! » (2 Corinthiens 5, 14. 20). Les concepts bibliques d’ « accomplissement » et de « nouveauté » sont au cœur de la mystique de Paul, juif et apôtre des Nations. Pour Paul, l’accomplissement que le Christ inaugure est d’abord l’accomplissement des temps : « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale » (Galates 4, 4). La plénitude des temps est le temps de la plénitude : non pas la fin de l’histoire, ni un surcroît quantitatif de temps, mais un processus qui donne au temps une qualité nouvelle, plénière. Chaque instant devient une porte par où entre le Messie, une porte du Royaume . « Le temps se fait court… car elle passe la figure de ce monde » (1 Corinthiens 7, 29. 31). Comme Paul le dit au sujet de l’Eucharistie : « Chaque fois que vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Corinthiens 11, 26). La plénitude des temps est un événement messianique ; elle a une dimension anthropologique et universelle. L’incarnation et la résurrection du Christ restaurent l’unité de la chair et de l’Esprit, blessée par le péché et par la mort ; elles concernent donc tous les hommes, qui tous naissent et doivent mourir. Dieu est le créateur et le sauveur de tout homme et de tout l’homme, c’est pourquoi tout enfant des hommes a droit au respect absolu de sa dignité personnelle de la conception à la mort. Divisée en elle-même par le péché (Romains 7, 22-23), l’humanité retrouve son unité par le salut du Christ. Ce message mystique de Paul n’a pas fini d’interroger la conscience des hommes, qui est le cœur secret de l’histoire, et de susciter, bien au-delà de l’Église, des progrès dans la quête de la justice. Saint Paul a expérimenté et nommé la fragilité de l’homme et chanté la puissance de salut du Christ. Nul ne peut se sauver par ses actes, mais en étant conformé au Christ en qui est accompli le salut. « Vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ » (Galates 3, 27). « Ainsi la Loi nous servit-elle de Pédagogue jusqu’au Christ pour que nous obtenions de la Foi notre justification » (Galates 3, 24). Entre la Loi donnée à Moïse et la Foi du Christ, il n’y a pas pour Paul opposition et rupture, mais unité et accomplissement dynamique. Le précepte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » accomplit la Loi (Romains 13, 9), et le Christ en a dévoilé la pleine signification. La charité est le chemin de l’unification et de l’authentique libération de chacun et de tous. « Vous en effet, mes frères, vous avez été appelés à la liberté, seulement que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair, mais par la charité mettez-vous au service les uns des autres » (Galates 5, 13). Par l’Esprit Saint, la charité est répandue dans les cœurs (Romains 5, 5) pour en faire des cœurs de chair, partageant les sentiments du Christ (Philippiens 2, 1-11). « Maintenant demeurent ces trois : foi, espérance, charité, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité » (1 Corinthiens 13, 13). L’Eucharistie, qui unit ses disciples du Christ à son offrande, leur donne de vivre par Lui, avec Lui et en Lui. En prescrivant au soir de la Cène : « vous ferez cela en mémoire de moi » (1 Corinthiens 11, 23-25), selon la formule que Paul transmet aux Corinthiens, le Christ désigne l’Eucharistie comme le mémorial et l’actualisation de l’offrande de sa vie. Par elle, l’Église devient sacramentellement le Corps du Christ en tout temps et en tout lieu. « Nul n’a haï sa propre chair, on la nourrit au contraire et on en prend soin. C’est justement ce que le Christ fait pour l’Église : ne sommes-nous pas les membres de son Corps ? » (Ephésiens 5, 29-30) La résurrection sera l’unité enfin accomplie de l’esprit et de la chair, dont la communion au corps du Christ donne le gage et les arrhes. La résurrection du Christ suscite et garantit l’espérance de la foi dès ses premiers pas : « si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité » (1 Corinthiens 15, 16). L’espérance n’est pas la conséquence consolante de la foi, mais un élément interne de son dynamisme. Car la foi n’est pas d’abord un acte intellectuel, mais une connaissance personnelle et mystique du Christ : « le moyen de posséder déjà » la résurrection « espérée » (Hébreux 11, 1).

4. « Tout Israël sera sauvé » Romains 11, 26 L’accomplissement des promesses en Jésus et l’avènement des temps nouveaux semblent cependant échapper à la plus grande part du Peuple de l’Alliance. Il nous faut finalement saisir avant de conclure comment la relation mystique de Paul et de son Seigneur intègre ce qui apparaît comme un manque. Israël, peuple de Dieu est pour toujours son fils aîné : « Quand Israël était jeune, je l’aimais et d’Egypte j’ai appelé mon fils » (Osée 11, 1 ; cf. Romains 9, 4). « Ainsi parle le Seigneur : mon fils premier-né, c’est Israël » (Exode 4, 22). La prophétie d’Osée et la parole de Dieu adressée à Moïse pour qu’il la redise à Pharaon annoncent le jour où s’accomplira la bénédiction de Dieu sur les ennemis d’Israël enfin réconciliés, selon la prophétie d’Isaïe : « Ce jour-là, une chaussée ira d’Egypte en Assyrie. Les Assyriens viendront en Egypte et les Egyptiens en Assyrie. Les Egyptiens adoreront avec les Assyriens. Ce jour-là, Israël viendra le troisième, avec l’Egypte et l’Assyrie. Telle sera la bénédiction que dans le pays prononcera le Seigneur, le tout-puissant : ‘Bénis soient l’Egypte, mon peuple, et l’Assyrie, œuvre de mes mains, et Israël, mon héritage’ » (Isaïe 19, 23-25). Pour Paul, cette promesse commence à s’accomplir dans le Christ. Les disciples du Messie venus des Nations ont part à la bénédiction de la descendance d’Abraham (Genèse 22, 18), non pas à la bénédiction du fils de la servante, Ismaël, mais bien à celle donnée à Isaac et transmise par lui à son fils Jacob, nommé Israël, et à ses Douze fils. Les disciples du Messie venus des Nations entrent dans son Corps pour avoir part à son Esprit, non en se substituant à Israël, ou en le surclassant, mais en ayant part à sa dignité : « A me lire, dit Paul, vous pouvez vous rendre compte de l’intelligence que j’ai du mystère du Christ. Ce mystère n’avait pas été communiqué aux hommes des temps passés comme il vient d’être révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes dans l’Esprit : les païens sont admis au même héritage, membres du même corps, bénéficiaires de la même promesse dans le Christ Jésus par le moyen de l’Evangile » (Ephésiens 3, 4-6). Les Nations ne prennent pas la place du fils aîné : c’est impossible. Tant qu’Israël n’a pas reçu toute la gloire qui lui vient de son Messie, celle-ci n’est pas complète (Romains 11, 25-29). L’accomplissement de sa propre judéité, vécu par Paul dans la rencontre du Christ, n’est pas achevé pour lui tant qu’il est en pèlerinage dans ce corps. Le disciple demeure tendu en avant vers le Christ qui l’a saisi et qu’il cherche à connaître comme il est connu de Lui (Philippiens 3, 12-14). Ainsi s’accomplit la vocation d’Israël : le fils aîné de Dieu ne perd pas son rang, ni son statut d’héritier, quand il le partage à ses frères cadets. Le partage de l’adoption filiale ne se fait pas par une sorte d’extension, mais par une intériorisation. L’Esprit Saint renouvelle le cœur des juifs et des païens quand il donne à l’olivier franc d’Israël de porter des fruits nouveaux à travers des rameaux venus de l’olivier sauvage, greffés sur l’arbre franc de la promesse. Paul ne nous enseigne aucune théologie de la substitution, puisque « les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance », mais il nous avertit que tous, juifs et païens, sont bénéficiaires de la miséricorde divine (Romains 11, 32). Dans la parabole du Père et des deux fils, en Luc 15, non seulement le fils cadet ne perd rien de ses droits à l’amour paternel quand il a dilapidé les biens de son héritage, mais le fils aîné, à l’heure même où il refuse la miséricorde du Père et la réconciliation avec son frère, demeure celui à qui il est dit : « Mon enfant, toi tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi » (15, 31). La générosité paternelle est source pérenne de réconciliation pour tout conflit fraternel. Paul sait ce qui reste voilé de la gloire du Christ aux yeux de ses frères juifs (2 Corinthiens 3, 14-18) ; il pressent l’orgueil qui peut saisir les Nations : « Ne t’enorgueillis pas ! Crains plutôt, car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, prends garde qu’il ne t’épargne pas davantage » (Romains 11, 20-21). Deux générations après le martyr de Paul, Rabbi Aqiba pouvait danser sur les ruines du Temple de Jérusalem, détruit par les Romains, dans l’assurance que Celui qui avait accompli la prophétie qui disait qu’il en serait ainsi accomplirait aussi celle qui annonce sa reconstruction définitive . Dans l’histoire, souvent si négative et douloureuse, des relations des juifs et des chrétiens, les craintes de Paul ont été hélas trop souvent confirmées. Réjouissons-nous de ce que sa prophétie d’une émulation de sainteté entre Israël et l’Église le sera aussi, par la grâce de Dieu, et produira davantage de beaux fruits pour le salut du monde (Romains 11, 14). Paul sait éclairer les choix singuliers des cœurs, comme l’histoire universelle, par la lumière qui vient des saintes Ecritures et de la tradition. Il ne sépare jamais l’esprit de la lettre, qu’il lit dans la foi au Christ Jésus. C’est ainsi qu’il demeure attentif à la fidélité de Dieu envers son peuple et aux surcroîts cachés de sa miséricorde. Gardons-nous de négliger un tel témoignage quand nous lisons avec lui la Bible ! 5. « Dieu tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28) L’espérance de l’accomplissement du dessein de Dieu dans le Christ oriente et éclaire la vie de Paul et sa pensée. Au terme de cette conférence, écoutons-le encore une fois : « laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Corinthiens 5, 20) qui veut « tout récapituler dans le Christ » (Ephésiens 1, 22-23). En lui, « il n’y a plus ni juif, ni grec, il n’y a plus ni esclave, ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous vous n’êtes qu’un dans le Christ » (Galates 3, 28). Au terme « Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). L’aspiration mystique de saint Paul ne le fait pas échapper à l’histoire, mais lui enseigne à aimer mystiquement l’histoire, comme le lieu où se prépare la rencontre de Dieu. Son sens de l’universel ne le conduit pas à récuser, mais à confirmer la signification de l’élection d’Israël quand il la relit dans le Christ. Paul, en désignant le Christ comme « notre paix », nous indique à la fois le but et le chemin : faire de nos diversités, toujours en conflit, des lieux de réconciliation grâce à la recherche en commun de Dieu, l’Autre divin, éprouvé comme plus intime et plus grand que nous-mêmes.

 

HOMÉLIE DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS – MERCREDI DES CENDRES 2013

9 février, 2016

http://www.notredamedeparis.fr/spip.php?article1779

HOMÉLIE DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS – MERCREDI DES CENDRES

(Homélie, les lectures sont les mêmes qui sont lus demain)

PRONONCÉE LORS DE LA MESSE DU MERCREDI DES CENDRES 2013

Jl 2, 12-18 ; Ps 50, 3-6.12-14.17 ; 2 Co 5, 20 – 6, 2 ; Mt 6, 1.16-18

Frères et Sœurs,

Nous sommes invités à vivre ce Carême de l’année 2013 sous le signe de l’Année de la foi que le Saint Père a promulguée pour toute l’Église et à laquelle nous participons de différentes façons dans nos communautés. C’est dire que notre cheminement, à partir de ce jour d’ouverture du Carême jusqu’à Pâques, sera éclairé par cette Année de la foi et sera vécu comme un chemin d’approfondissement, d’épanouissement et de fécondité de notre foi. Si nous sommes invités par l’évangile de saint Matthieu à concentrer nos efforts de conversion sur la prière, le partage et le jeûne, nous n’oublions pas que ces démarches, comme l’évangile nous le rappelle, ne sont pas d’abord destinées à manifester notre sainteté aux yeux des hommes, mais à traduire notre disponibilité intérieure et personnelle devant Dieu qui connaît le secret des cœurs. Augmenter notre temps de prière, en tout cas le vivre de manière plus régulière. Augmenter notre capacité de partager, non seulement notre superflu mais aussi notre nécessaire avec ceux qui sont dans le besoin. Éprouver dans notre chair par le jeûne et la privation que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Ces trois démarches de la prière, du partage et du jeûne visent à mettre notre cœur en disponibilité pour accueillir l’appel de Dieu et y répondre, et surtout à éprouver dans notre désir, dans l’utilisation des moyens dont nous disposons, dans l’orientation de notre vie, que Dieu est le seul nécessaire et que c’est Lui qui est le fondement de toute chose. Dans cette démarche de foi, la reconnaissance du Dieu Père de Miséricorde, comme nous l’indiquait le prophète Joël, nous fait prendre conscience que l’amour de Dieu, toujours disponible, déborde de toutes manières nos imperfections, nos limites et nos fautes. Celui vers lequel notre foi se tourne, celui que nous essayons de mieux connaître par l’engagement de la foi est en même temps celui qui constitue notre espérance : Dieu riche en miséricorde. C’est pourquoi saint Paul nous invite et nous exhorte à nous laisser réconcilier avec Lui, non pas d’abord parce que nous serions capables de rénover complétement notre manière de vivre, mais parce que Dieu veut nous réconcilier avec Lui, parce qu’il a pris l’initiative d’envoyer son fils en ce monde pour prendre sur lui-même le péché du monde, et ainsi nous délivrer du péché. Au nom du Christ, au nom de celui qui a pris sur lui le péché des hommes, nous sommes invités à nous laisser réconcilier avec Dieu, c’est-à-dire à laisser Dieu exercer sa miséricorde sur notre vie et à le laisser construire en nous une nouvelle manière de vivre. C’est dans la mesure où notre foi en cette puissance miséricordieuse de Dieu qui agit, et notre espérance qui nous tourne vers Lui pour accueillir son pardon, que notre charité peut se trouver renouvelée, développée, et s’exprimer d’une façon plus concrète et plus ample à travers tous les moments de notre existence. Cet appel à la conversion, cet appel à accueillir la miséricorde, cet appel à vivre une vie nouvelle, c’est maintenant qu’il nous est adressé. C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. Évidemment nous ne sommes pas dupes de cette formulation. Depuis la mort et la résurrection de Jésus tout moment de notre vie est un moment favorable, et tous les jours de notre vie sont des jours du salut. Mais en ce jour où nous nous mettons en marche d’une façon plus délibérée vers un renouvellement de notre vie baptismale, cette exaltation du moment favorable et du jour du salut prennent une dimension particulière : c’est aujourd’hui, frères et sœurs, que nous sommes invités à entrer résolument dans le chemin de la foi, de l’espérance et de la charité. C’est pourquoi tout à l’heure, en vous imposant les cendres, je vous dirai la formule tirée de l’Évangile : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne nouvelle » (Mc 1, 15), parce que la foi en la Bonne nouvelle du salut, la foi au Christ venu prendre sur lui notre péché, la foi en ce temps favorable et ce jour du salut sont indissociables de notre conversion de vie. C’est parce que nous croyons en Dieu que nous sommes appelés à une vie nouvelle, et nous menons une vie nouvelle pour que notre foi se développe et porte davantage de fruit. La conversion est indissociable de la foi, sinon elle n’est qu’un effort moral pour perfectionner notre existence, elle succombe aux défauts que saint Matthieu soulignait dans son évangile : changer dans nos pratiques pour montrer aux hommes que nous sommes des justes. La conversion selon le Christ consiste au contraire à exprimer notre foi indéfectible en la miséricorde de Dieu, notre espérance inépuisable en l’actualité de sa miséricorde, par le changement qu’il produit en nos cœurs, et de nos cœurs à nos manières de vivre. Ce temps favorable, ce jour du salut, ce temps de la conversion pour croire à la Bonne nouvelle, oui c’est vraiment un temps de joie et c’est un temps d’exultation parce que chaque pas franchi dans la direction de la foi, de l’espérance et de la charité nous engage davantage dans le mystère de Dieu et nous fait éprouver davantage encore l’amour dont il aime chacun d’entre nous. « Sonnez de la trompette dans Jérusalem, prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple » (Jl 2, 15-16), voilà ce que le prophète demandait à Israël, voilà ce que Dieu nous demande aujourd’hui : vivre ce temps de grâce, ce jour du salut, dans la joie de l’espérance. Amen.

† André cardinal VINGT-TROIS Archevêque de Paris

DIACONIA 2013: HOMÉLIE DU CARD. VINGT-TROIS – MESSE D’ACTION DE GRÂCE ET D’ENVOI

13 mai, 2013

http://www.zenit.org/fr/articles/diaconia-2013-homelie-du-card-vingt-trois

DIACONIA 2013: HOMÉLIE DU CARD. VINGT-TROIS

MESSE D’ACTION DE GRÂCE ET D’ENVOI

LOURDES, 12 MAI 2013 (ZENIT.ORG) CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS

« Aimer ses ennemis, cela prend du temps, nous aimer les uns les autres, cela demande un effort et nous aimer comme Jésus lui-même nous a aimés, jusqu’au point de donner sa vie pour nous, cela demande toute une existence avant d’y arriver », fait observer le cardinal Vingt-Trois.
Samedi 11 mai 2013, l’archevêque de Paris, président de la Conférence des évêques de France, a présidé la messe d’action de grâce et d’envoi du Rassemblement Diaconia 2013 à Lourdes.

Homélie du cardinal André Vingt-Trois

- Ac 18, 23-28 ; Ps 46, 2-3 8-10 ; Jn 16, 23-28
Frères et Sœurs, par sa mort et sa résurrection, par son ascension, Jésus est passé de ce monde au Père. Et avant de quitter ses disciples, il a voulu leur donner un certain nombre d’indications sur la manière de vivre après son départ, quand il ne serait plus physiquement au milieu d’eux. C’est aussi le temps que nous vivons, nous, aujourd’hui, disciples du Seigneur, qui n’avons plus la présence visible de Jésus au milieu de nous. Nous avons célébré avant-hier la fête de son Ascension et nous attendons dans l’espérance la venue de son Esprit Saint le jour de la Pentecôte. Mais pour préparer ses disciples à ce temps nouveau qui est le dernier -il n’y aura plus d’autre étape après- Jésus leur donne une mission, il leur donne une promesse, il leur donne un chemin.
La mission : être ses témoins parmi les hommes. Être les témoins de ce qu’ils ont vu, de ce qu’ils ont vécu avec lui, ils ont été les témoins de sa mort et de sa résurrection. Et à travers ce témoignage rendu à la vie de Jésus, ils sont appelés à annoncer la nouvelle extraordinaire dont Jésus a été le messager et l’acteur : Dieu a aimé le monde, Dieu aime les hommes, Dieu est un Père.
Cette nouvelle extraordinaire consiste en ce que Dieu connaît chacun et chacune d’entre nous, il connaît non seulement nos apparences comme tout le monde, il nous voit, il nous entend, mais plus profondément il connaît le cœur de chacun d’entre nous. Il sait ce qu’il y a dans l’homme, et pas seulement dans l’homme en général, mais dans chaque homme et dans chaque femme de notre monde, Dieu connaît la liberté de son cœur et la manière dont chacun essaye de faire face aux difficultés de la vie. Et Dieu n’est pas seulement celui qui connaît notre vie, mais il est surtout celui qui accompagne notre vie, celui qui nous tient par la main et qui nous conduit avec amour et patience. C’est de cela que nous, témoins du Christ, fortifiés par l’Esprit Saint, nous sommes appelés à rendre témoignage.
Devant aucun homme, devant aucune femme, devant aucune existence, devant aucune blessure de la vie, nous n’avons le droit de détourner les yeux, nous n’avons le droit de désespérer. Nous sommes témoins de celui qui ne désespère jamais, non pas parce qu’il nous croit très fort, mais parce qu’il sait, il nous tient dans sa main et nous garde sur son cœur. Cette mission, Jésus sait bien, et les disciples savent bien eux aussi, que nous n’avons pas par nous-mêmes la force de l’assumer. C’est pourquoi cette mission est assortie d’une promesse, la promesse de l’envoi de l’Esprit Saint, cet Esprit du Christ qui vient habiter le cœur des croyants et qui fait d’eux la demeure de Dieu parmi les hommes, cet Esprit du Christ qui les conduit vers la vérité toute entière, c’est-à-dire, qui les mène au-delà des apparences, au-delà des catégories sociales, au-delà des misères de chacune de leurs vies, pour éclairer d’un jour nouveau la richesse de leur cœur.
Cet Esprit Saint, qui est la force de Dieu lui-même, est capable de reprendre notre existence au creux de sa faiblesse, capable de surmonter notre désir de ne nous occuper que de nous-mêmes, capable de briser notre indifférence et notre égoïsme, capable de construire dans notre vie une existence de frère et de sœur, capable de nous faire entrer dans la famille de Dieu. Cette promesse du Christ s’est accomplie pour les douze qu’il avait choisis et entrainés avec lui au jour de la Pentecôte. Elle s’est accomplie pour ceux qui ont reçu le baptême dans l’Eglise par le don de l’Esprit Saint, elle s’est accomplie pour ceux qui ont été confirmés et fortifiés dans ce baptême par le sacrement de la confirmation. Elle s’est accomplie pour ceux que Dieu consacre à son service dans les ordres : évêques, prêtres et diacres. Elle s’accomplit pour chacun de ceux qui essayent de suivre fidèlement le Christ parce que leur vie est consacrée par l’Esprit pour devenir signe de l’amour vivant de Dieu dans ce monde.
Une mission, une promesse, une mission confiée, une promesse accomplie et un chemin. Vous vous rappelez -comment l’oublier à Lourdes- quand l’Esprit Saint est descendu sur  la Vierge Marie et que l’ange lui a dit qu’elle deviendrait la mère du Sauveur, elle a dit : « comment cela se fera-t-il ? ». Et nous, qui marchons à la suite du Christ avec nos lourdeurs, nos faiblesses, nos péchés, nos misères, nos pauvretés, nous aussi, nous nous demandons comment cela se fera-t-il ? Comment Dieu peut-il faire surgir des hommes et des femmes d’amour à partir de nos cœurs de pierre ? Quel est le chemin par lequel il peut nous conduire à devenir vraiment témoin de l’amour de Dieu pour tous les hommes ? Ce chemin Jésus nous l’a indiqué à plusieurs reprises dans son évangile : garder sa parole. Evidemment on n’a pas tous la même mémoire, il y en a qui ont plus de mémoire que d’autres et on a tous une mémoire sélective, mais Dieu ne nous demande pas d’être des encyclopédies vivantes, il ne nous demande pas d’être des bibles ambulantes, il nous demande de garder sa parole c’est-à-dire de garder vivante dans notre cœur la parole qu’il y a inscrite et qu’il y inscrit jour après jour.
Nous n’avons pas besoin d’une mémoire exceptionnelle de surhomme, nous connaissons suffisamment de paroles de l’évangile pour conduire notre vie et je dirais même que nous avons de la marge. En effet, aimer ses ennemis, cela prend du temps, nous aimer les uns les autres, cela demande un effort et nous aimer comme Jésus lui-même nous a aimés, jusqu’au point de donner sa vie pour nous, cela demande toute une existence avant d’y arriver. Mais soyez tranquilles, nous y arriverons tous. Nous arriverons tous à perdre notre vie ! Mais la question, c’est de savoir si nous arriverons à la donner. Parce que pour la perdre, cela ne dépend pas de nous ! Mais pour la donner, cela dépend de nous.
Voilà le chemin dans lequel le Christ nous appelle à marcher, et chaque fois que nous vivons un moment de communion plus intense avec lui, chaque fois que nous écoutons sa parole, que nous la méditons, que nous prions, même si notre prière est pauvre, chaque fois que nous vivons un moment de communion plus intense avec nos frères comme nous le faisons en ce moment à Lourdes, comme nous pouvons le faire et comme nous sommes invités à le faire chaque dimanche dans notre paroisse, chaque fois que l’eucharistie nous rassemble comme le corps du Christ, il nous envoie pour devenir ses témoins avec la force de l’Esprit.
Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas mais qui n’aime pas son frère qu’il voit, est un menteur dit saint Jean. Celui qui essaye de croire au Christ ressuscité, de communier à son corps et à son sang mais qui se refuse à entrer en communion avec ses frères est un menteur. Et cela ne veut pas dire qu’il faille renoncer à écouter la parole du Christ et à recevoir le corps du Christ pour nous mettre en vérité. Cela veut dire qu’il faut changer notre vie pour nous mettre en vérité et ne plus être des  menteurs. Alors si nous avons vécu, et je crois que nous avons vécu ces jours-ci, ici, un temps de communion particulièrement fort, si ceux qui sont les plus faibles d’entre nous, ceux qui ont été affligés par la vie, ceux dont le corps est marqué par la souffrance, ceux dont le cœur est habité par la souffrance qui ne se voit pas, ont pu trouver leur place au milieu de nous et ouvrir leur expérience pour la partager avec tous, ce que nous avons vécu ici à Lourdes peut devenir un nouveau départ pour vivre de façon renouvelée la charité dans nos communautés.
Frères et sœurs, les Actes des apôtres nous disent que les douze étaient réunis dans la chambre haute avec Marie, la mère de Jésus, qu’ils étaient en prière quand l’Esprit Saint est venu sur eux. Alors ce matin, fermons un instant les yeux et contemplons cette Eglise rassemblée dans la prière avec Marie en son centre et qui implore la venue de l’Esprit Saint pour que toute notre vie soit renouvelée et ouverte à l’amour.  Tous ensemble, du fond du cœur, nous prions les uns pour les autres, pour que nous soyons à notre tour comblés de la joie du Christ. Amen.

FRANCE : NOUVELLE ÉGLISE ORIENTALE CATHOLIQUE, DE RITE CHALDÉEN – Pose de la première pierre par le card. Vingt-Trois

29 novembre, 2012

 http://www.zenit.org/article-32685?l=french

FRANCE : NOUVELLE ÉGLISE ORIENTALE CATHOLIQUE, DE RITE CHALDÉEN

Pose de la première pierre par le card. Vingt-Trois

ROME, mercredi 28 novembre 2012 (Zenit.org) –  Une nouvelle église orientale catholique, de rite chaldéen, verra le jour à Arnouville, au second semestre 2014, annonce ce communiqué de L’Œuvre d’Orient.
La première pierre de cet édifice dédié à saint Jean Apôtre sera posée samedi 1erdécembre à 15 heures par le Cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et Ordinaire des Catholiques orientaux résidant en France, en présence des élus et de nombreuses personnalités. Un événement pour les 12000 chaldéens d’Ile de France, qui résident principalement dans le Val d‘Oise (95).
L’Église chaldéenne a été fondée par l’apôtre saint Thomas à Babylone. Elle est la branche catholique de l’Église d’Orient dont elle s’est séparée en 410. Florissante en Mésopotamie au IVe siècle elle est aujourd’hui présente en Irak, Iran et Turquie, et en diaspora au Moyen-Orient , aux Etats-Unis, en Europe, au Canada et en Australie.
En France, les chaldéens sont environ 18 000, principalement en Ile de France, Lyon et Marseille. Il y a eu plusieurs vagues d’émigration, principalement de Turquie, dans les années 1890, suite à la révolution « turco-kurde » contre les chrétiens de l’est du pays , puis pendant la 1èreguerre mondiale avec le génocide de 1915, et enfin après la 2èmeguerre mondiale ; depuis les années 80, ils arrivent  d’Irak  où ils étaient  la communauté chrétienne la plus importante du pays.
En Ile de France, il n’y a actuellement que 2 paroisses chaldéennes : Notre Dame de Chaldée (rue Pajol)  à Paris érigée en 1992 et Saint-Thomas-Apôtre à Sarcelles érigée en 2004. Ce qui est très insuffisant pour répondre aux besoins d’une communauté très pratiquante qui a doublé en 10 ans. « Bien sur, nous célébrons dans des églises latines mais les horaires des messes sont inadaptées et c’est très compliqué pour les baptêmes et les mariages, le catéchisme et les activités.
En effet, pour les chrétiens d’Orient, l’église est un centre de vie, ils s’y retrouvent pour de nombreuses activités, elle préserve notre histoire et notre  culture, souligne le père Sabri Anar, curé de Sarcelles. Nous avons 1100 enfants au catéchisme. La communauté est jeune et très dynamique. La moitié des participants aux JMJ du diocèse de Pontoise était de notre communauté.  Nous avons 200 baptêmes pour 20 à 25 enterrements par an… »
La nouvelle église desservira les besoins des fidèles d’Arnouville, de Villiers le Bel, Gonesse et des villes voisines, soit 520 familles.
Elle sera construite selon un plan architectural traditionnel babylonien, face à la gare RER D, sur un terrain de 4600 m2. Elle comprendra 500 places, un presbytère, une salle polyvalente ,6 salles de cours (catéchisme et langue) et une bibliothèque.
Mgr Bressolette, vicaire de l’Ordinariat des catholiques orientaux en France et responsable du projet, se réjouit que le diocèse de Pontoise en ait fait son projet majeur pour les années à venir.  Le budget d’environ 6.5 millions d’euro sera financé pour moitié par la communauté,  par les Chantiers du Cardinal à hauteur d’1 million d’euro, par l’Œuvre d’Orient et d’autres partenaires. Mais nous devons encore trouver 2 millions d’euro auprès de mécènes ».
«  Si l’on attendait d’avoir tout bouclé on ne ferait jamais rien. Il faut faire confiance à la providence », ajoute le Père Sabri Anar, qui parle d’expérience. En effet, la construction de l’église Saint-Thomas-Apôtre a été une fierté pour tous les chrétiens et a été payée très rapidement. « Le maire d’Arnouville soutient le projet tout comme le maire de Sarcelles avait compris l’intérêt pour sa ville : la présence de la communauté chaldéenne a changé le visage de Sarcelles  ont reconnu les politiques locaux. »
« L’Église chaldéenne jouera un rôle médiateur important dans la ville, comme elle le fait au Moyen-Orient entre les différentes composantes de la société » confirme Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, qui rappelle que « la liberté de culte est pour tout le monde, c’est une question de justice, de laïcité. Si on bâtit des mosquées, on doit construire des églises orientales, s’il en est besoin, pour accueillir les chrétiens qui arrivent de l’autre côté de la Méditerranée. Tous doivent avoir un lieu pour prier. La France saura respecter cet équilibre. La solidarité des chrétiens de France doit s’exercer envers leurs frères orientaux. »

FRANCE : ADRESSE DU CARD. VINGT-TROIS À BENOÎT XVI

20 novembre, 2012

 http://www.zenit.org/article-32577?l=french

FRANCE : ADRESSE DU CARD. VINGT-TROIS À BENOÎT XVI

Deuxième groupe d’évêques français en visite ad limina

ROME, vendredi 16 novembre 2012 (Zenit.org) – A l’occasion de la visite ad limina des évêques des provinces du Nord et de l’Est de la France, ce 17 novembre, le président de la conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a prononcé l’adresse suivante :
Très Saint Père,
Les évêques qui ont la joie de vous rencontrer aujourd’hui représentent les cinq provinces ecclésiastiques de Paris, Besançon, Dijon, Lille et Reims auxquels se joignent les diocèses d’Alsace-Moselle, les évêques de l’éparchie des Arméniens et l’évêque aux Armées. Ce groupe important couvre largement le quart Nord-Est de la France. Comme chacune des provinces aura l’occasion de vous exprimer ses particularités, vous me permettrez d’évoquer simplement quelques grandes caractéristiques dont nous partageons les effets.
Nos diocèses sont marqués par les évolutions de la sociologie de nos régions. Au cours des dernières décennies, des secteurs entiers de cette partie de la France ont vu régresser ou disparaître ce qui était un beau potentiel industriel : les bassins miniers, la sidérurgie, l’industrie lourde, industrie textile, les régions agricoles s’interrogent sur leur avenir dans le cadre des négociations européennes, etc. Cet écroulement économique a pesé lourdement sur nos populations et entraîné un appauvrissement humain considérable. Les diocèses les plus ruraux ont subi une perte de population importante et un vieillissement préoccupant, même si nous discernons des signes d’une évolution positive. Enfin, la Région de l’Ile-de-France, avec près d’un cinquième de la population française connaît, avec d’autres métropoles du nord et de l’est, une concentration de populations très diverses et très inégalement intégrées à la vie sociale. Beaucoup de nos concitoyens sont saisis par le désarroi et l’inquiétude.
C’est dans cette situation que les fidèles laïcs de nos diocèses s’efforcent de rendre témoignage au Christ et de participer à la mission de l’Église. Immergés dans une culture dont les références chrétiennes sont très souvent oubliées ou inconnues, ils ont moins de prêtres pour les encadrer et les soutenir. L’avenir de leur vie ecclésiale repose davantage sur leur implication personnelle et sur la grâce de leur baptême et de leur confirmation. Dans ces conditions difficiles, nous sommes témoins de la fidélité de beaucoup de nos fidèles, de leur générosité et de leur détermination à vivre de la foi. Confrontés à des idéologies diverses, ils ressentent le besoin d’une formation chrétienne renouvelée pour rendre compte de leur espérance. Dans chacun de nos diocèses nous nous efforçons de répondre à cette attente et de nous entraider pour le faire. Nous devons aussi rendre grâce à Dieu pour les nombreuses propositions de sessions et de retraites que des communautés ou des mouvements proposent pendant les périodes de repos. Dans beaucoup de nos diocèses, nous engageons le meilleur de nos forces dans la pastorale auprès des jeunes et dans la recherche et l’accompagnement des vocations sacerdotales.
Le ministère des prêtres et des diacres est souvent éprouvant et nous travaillons avec foi et persévérance à renouveler l’appel aux ministères ordonnés tout en développant les moyens de formation permanente et de soutien spirituel pour les prêtres. Leur réduction numérique et leur vieillissement encouragent à mieux cerner la spécificité de leur ministère d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Malgré ces efforts et notre confiance en Dieu, nous ne pouvons pas toujours surmonter une certaine inquiétude sur l’avenir de nos communautés chrétiennes. Dans beaucoup de diocèses, les célébrations dominicales sont vécues sur des villes que les habitants des villages doivent rejoindre. La qualité et la densité spirituelle de la liturgie méritent cet effort. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir dans ce sens.
Le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II est dans nos diocèses une occasion providentielle de revenir au dynamisme spirituel du Concile. Encouragés par votre appel à vivre une Année de la Foi, nous souhaitons en même temps faire connaître le Concile et en développer une interprétation autorisée dans la continuité de la Tradition ecclésiale. Pour nous, le Concile est historiquement achevé, mais il est encore devant nous : il doit encore fructifier et nourrir la mission de l’Église dans le monde de ce temps. Avec vous, nous souffrons de voir certains de nos frères s’adonner au « libre examen » et définir par eux-mêmes la vérité dogmatique. Nous savons avec quelle patience vous essayez de ramener ces fils à la raison et nous vous y aidons autant que nous le pouvons.
La récente session du synode des évêques sur la Nouvelle Evangélisation et la transmission de la foi chrétienne renouvelle l’aspiration de nos communautés chrétiennes à aller au-devant de ceux qui ont laissé se distendre leurs liens avec l’Église. Nous sommes encouragés à mettre en œuvre des initiatives pour relancer une première annonce de la Bonne Nouvelle dans notre société sécularisée.
Dans les débats de société auxquels nous sommes confrontés, nous essayons de susciter et de rejoindre les questionnements et les interrogations des hommes de bonne volonté. Enracinés dans la tradition judéo-chrétienne, nous nous efforçons de formuler, à la lumière de la foi, les impératifs de la morale universelle de telle sorte que ceux qui cherchent le bien puissent y souscrire quand bien même ils ne sont pas chrétiens. Vos interventions, tant à Paris qu’à Londres ou à Berlin nous éclairent et nous encouragent dans la recherche d’une formulation toujours plus accessible à la raison humaine.
Notre rencontre aujourd’hui est pour nous un temps de communion intense avec le Successeur de Pierre et nous vous prions de nous conforter dans notre mission en nous accordant votre bénédiction apostolique.

CERTAINES RÈGLES DE COMPORTEMENT DÉPASSENT LES DÉSIRS INDIVIDUELS (Homélie du card. Vingt-Trois)

6 novembre, 2012

http://www.zenit.org/article-32447?l=french

CERTAINES RÈGLES DE COMPORTEMENT DÉPASSENT LES DÉSIRS INDIVIDUELS

Homélie du card. Vingt-Trois, assemblée des évêques de France 2012

ROME, dimanche 4 novembre 2012 (ZENIT.org) – « Comment vivre en société sans reconnaître qu’il y a certaines règles de comportement qui dépassent les désirs individuels et qui s’imposent à tous, non par moralisme ou aveuglement, mais simplement par un exercice de notre jugement à la lumière de la sagesse humaine et de notre conscience ? », interroge le cardinal Vingt-Trois.
Le président de la Conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a prononcé cette homélie lors de la messe qu’il a présidée, dans le cadre de l’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes (3-8 novembre 2012), en la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, ce dimanche 4 novembre.
« La grandeur de la liberté humaine nous appelle, dit-il, à maîtriser nos comportements en ne cédant pas à tous les désirs. Notre foi chrétienne ne fonde pas notre ambition sur nos capacités, mais sur l’amour absolu de Dieu qui nous a été révélé dans le Christ. Cette certitude nourrit notre conviction que les êtres humains sont capables de choisir ce qui est le meilleur, non pour satisfaire les souhaits de chacun, mais pour le bien de tous. Nous ne prenons pas notre parti de voir un conformisme social abolir les progrès de tant de siècles pour le respect des plus faibles ».
Homélie du Cardinal André Vingt-Trois :
Vivre de la foi
Le Seigneur Jésus Christ est entré à Jérusalem pour la dernière étape de son ministère public. Il enseignait dans le Temple et des scribes, et des pharisiens, venaient lui poser des questions. Certains souhaitaient le mettre à l’épreuve, d’autres cherchaient à approfondir ce qu’ils savaient de son enseignement. L’Évangile de Marc ne nous dit pas dans laquelle de ces catégories se situait le scribe qui l’interrogeait, mais la manière dont il répond à Jésus et la conclusion du dialogue, indiquent que sa remarque était judicieuse et qu’il n’était « pas loin du Royaume ».
Le scribe cherche ce qui est l’essentiel de la foi : le premier commandement. Certains courants du judaïsme contemporains de Jésus, pour être sûrs de leur justice, multipliaient les commandements à l’infini et finissaient par transformer la loi, donnée par Dieu, comme signe de libération en un carcan insupportable, même pour leur propre conduite. Nous avons facilement tendance à condamner cet excès de légalisme. Même si nous oublions trop souvent que ce risque nous guette, nous aussi. La recherche continuelle de ce qui est imposé ou interdit, l’appel à des règles minutieuses, peuvent devenir le symptôme de notre crainte ou de notre incapacité à affronter le risque de la liberté. Un code de la route, même si on ne le respecte pas toujours, est moins exigeant pour notre liberté que la vertu de prudence qui nous incombe.
En cette Année de la foi, nous sommes invités à revenir à l’essentiel de notre foi en Dieu : notre foi en un Dieu Père, révélé par le Christ, son Fils unique, et habitant le cœur des croyants par le don de l’Esprit. Bien souvent on nous pose une question analogue à celle du scribe : qu’est-ce que c’est d’être chrétien ? Or, comme le scribe, nos questionneurs ont déjà des éléments de réponse : être chrétien, c’est croire en Dieu et servir notre prochain. Nos difficultés commencent quand nous essayons d’exprimer les conséquences de ce double commandement que nous pressentons si exigeant.
Le christianisme apparaît à certains comme un carcan trop lourd à porter, surtout dans une civilisation dominée par la satisfaction des désirs individuels. De quel droit Dieu viendrait-il se mêler de notre vie particulière ? Bien entendu, cette objection exprime en elle-même sa contradiction. Si Dieu est Dieu comment pourrait-on lui contester le droit de s’occuper de nous ? Mais notre difficulté principale ne vient pas de cette contradiction. Elle vient de notre répugnance à accepter qu’il y ait des règles de vie et que ces règles soient ordonnées au bien de l’homme. Nous adhérons avec une certaine satisfaction à une religion de l’amour, mais nous acceptons difficilement les conséquences d’un amour total, « jusqu’à l’extrême », pour reprendre l’expression de Jésus.
Notre tentation de nous satisfaire de bons sentiments sans en supporter le poids, n’est pas seulement un travers des chrétiens. Elle se retrouve chez tous les croyants et même chez les incroyants. Comment vivre en société sans reconnaître qu’il y a certaines règles de comportement qui dépassent les désirs individuels et qui s’imposent à tous, non par moralisme ou aveuglement, mais simplement par un exercice de notre jugement à la lumière de la sagesse humaine et de notre conscience ? Comment ériger en règle générale, voire absolue, ce que chacun désire ou expérimente et ce qu’il veut faire reconnaître comme une règle commune par tous ?
Quand l’Église fait appel à la conscience humaine, elle ne cherche pas à imposer une conception particulière de l’existence. Elle renvoie à ce que notre civilisation a déchiffré du sens de la vie humaine et des impératifs du respect de la dignité personnelle de chacun. Les dix Commandements comme les évangiles ont été des éléments décisifs de ce long travail. Notre foi et notre sagesse chrétiennes ont joué un rôle important dans cette prise de conscience commune, mais elles n’ont pas été les seules. Les sages d’autres religions y ont aussi contribué, comme les humanistes de toutes les époques. Au nom de quelle sagesse, subitement surgie des désirs particuliers à notre pays et à notre temps, devrait-on rejeter ces acquis de l’humanité ? Faut-il comprendre que l’humanité ne peut progresser qu’en rejetant ses acquis et son histoire ? Quand ces impératifs de la conscience humaine sont contestés et rejetés jusque dans des lois qui définissent les conditions du vivre ensemble, nous ne pouvons pas nous taire.
Quand nous défendons le droit des enfants à se construire en référence à celui et à celle qui leur ont donné la vie, nous ne défendons pas une position particulière. Nous reconnaissons ce qu’expriment les pratiques et les sagesses de tous les peuples depuis la nuit des temps et ce que confirment bien des spécialistes modernes. Quand nous rejetons l’idée que quelqu’un soit habilité légalement à disposer de la vie de son semblable, quels que soit son âge et son état de santé, nous ne défendons pas une position particulière. Nous rappelons simplement que la vie en société suppose que l’interdit du meurtre soit un des fondements de la confiance mutuelle.
La grandeur de la liberté humaine nous appelle à maîtriser nos comportements en ne cédant pas à tous les désirs. Notre foi chrétienne ne fonde pas notre ambition sur nos capacités, mais sur l’amour absolu de Dieu qui nous a été révélé dans le Christ. Cette certitude nourrit notre conviction que les êtres humains sont capables de choisir ce qui est le meilleur, non pour satisfaire les souhaits de chacun, mais pour le bien de tous. Nous ne prenons pas notre parti de voir un conformisme social abolir les progrès de tant de siècles pour le respect des plus faibles.
En cette année de la foi, c’est ainsi que nous pouvons aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute notre force et notre prochain comme nous-mêmes. Que Dieu nous donne la force d’être fidèles à ces deux commandements dans tous les domaines de notre vie personnelle et de notre vie sociale.

ENSEIGNEMENT DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS À MILAN

11 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31081?l=french

ENSEIGNEMENT DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS À MILAN

« La famille, un bonheur à construire »

ROME, lundi 11 juin 2012 (ZENIT.org) – À l’occasion de la VIIe Rencontre internationale des familles, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la conférence des évêques de France est intervenu lors du rassemblement des pèlerins francophones organisé par le diocèse de Paris, les Associations Familiales Catholiques et la Communauté de l’Emmanuel, samedi 2 juin, à Milan, en la basilique S. Nazaro Apostolo. L’enseignement a été publié sur le site du diocèse de Paris.

Enseignement du Cardinal André Vingt-Trois :
« La famille, un bonheur à construire »

Chers amis,
Je suis heureux de cette occasion qui m’est donnée de m’adresser à vous, et je voudrais commencer par attirer votre attention sur une situation très paradoxale, mais en même temps significatrice de l’état d’esprit de notre société. Aujourd’hui, en France, il est clair que la famille est une réalité unanimement plébiscitée : tout le monde attend beaucoup de sa famille, chacun souhaite réussir une vie de famille et veut croire que sa famille sera une ressource importante pour lui. Mais – et c’est là le paradoxe – ces attentes à l’égard de la famille s’accroissent à mesure que la réalité familiale se dissout. Et on finit par se demander ce que concernent ces attentes. Tout se passe comme si tout le monde rêvait d’avoir quelque part une famille solide, dans laquelle il puisse s’abriter, sans que personne ne se demande à quelles conditions cette famille solide peut exister.
Comme nous sommes par ailleurs dans une période difficile du point de vue économique, beaucoup de jeunes attendent longtemps pour pouvoir avoir un emploi et s’établir. Ils restent parfois de longues années dépendants de leurs parents et de leur famille. Ces instabilités économiques accroissent aussi le besoin de soutien, de refuge et de protection, et la famille apparait alors comme un bon parapluie. Le seul problème est qu’à force d’avoir été utilisé et transformé, le parapluie n’est plus qu’une ombrelle et ne protège plus personne quand l’orage vient à tomber !
Face à toutes ces attentes, nous devons donc nous demander comment mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que la protection attendue de la cellule familiale ne soit pas un refuge virtuel, mais une ressource bien réelle. Je voudrais vous proposer trois points de réflexion, qui peuvent intéresser les familles actuelles et futures.
La famille demande du travail
L’existence d’une famille suppose un investissement de forces et de moyens, et, pourquoi ne pas le dire : un travail. Je ne parle pas ici du fait que la famille soit une base arrière pour que ceux qui ont une activité professionnelle puissent y refaire leurs forces. C’est la vie de famille elle-même qui doit être objet d’un travail. Elle a aujourd’hui besoin d’être prise en main, réfléchie et construite en fonction des difficultés auxquelles elle est confrontée et des attentes qu’on lui fait supporter.
Notre Église, en France, a beaucoup investi dans ce travail depuis des décennies. Antoine Renard évoquait le centenaire de la création des Associations Familiales Catholiques. Tout le XXème siècle a été jalonné d’initiatives pour soutenir la vie de couple, la vie de famille ou le métier de parent. Ainsi par exemple, on a réalisé progressivement que l’éducation ne se déroulait plus naturellement sans qu’on ait besoin de réfléchir au rôle des parents (et que ceux-ci aient besoin de s’y préparer en lisant des publications qui ont fait la fortune des éditeurs!). Je pense aussi aux initiatives des mouvements familiaux, des groupes de préparation au mariage (CPM ou autres) et plus largement à l’investissement de nombreux chrétiens, laïcs, hommes, femmes, et couples, au soutien de l’Église et au travail des pasteurs au service des familles, des époux, des enfants et des jeunes. Toute une pastorale s’est développée pour accompagner et soutenir l’implication décisive et centrale des couples dans la construction de leur famille.
Pour mieux définir la nature de ce travail, nous devons comprendre que le XXème siècle a fait passer notre société d’une représentation implicite de la famille, à la nécessité de la comprendre explicitement. Il y a un siècle ou même un demi siècle, la famille faisait partie des données non discutées et non réfléchies de la vie sociale. De même que l’on ne réfléchit pas au fait de respirer, tout en le faisant pourtant tous et tout le temps, la famille – à quelques notables et rares exceptions près – faisait partie des conditions de vie de tous, sans qu’il y ait tellement besoin d’y penser. On naissait dans une famille, on créait une famille en se mariant, on la faisant grandir en ayant des enfants, et vaille que vaille, avec les ennuis habituels de l’existence, tout cela avançait. Dans le couple, on ne voyait pas beaucoup d’alternative au fait de s’entendre. On se réjouissait donc lorsque les choses se passaient bien, et on endurait si elles se présentaient autrement. Pour l’éducation des enfants, on répétait à leur égard ce que l’on avait reçu de ses parents, sans avoir de grandes théories éducatives, du moins pour la plupart des gens. La solidarité intergénérationnelle ne posait aucune question, d’abord parce que, la vie étant moins longue qu’aujourd’hui, les personnes âgées moins nombreuses et la proportion des jeunes, considérable. Un aïeul pouvait avoir quinze ou trente descendants qui se partageaient sa charge, alors qu’aujourd’hui c’est l’inverse : de nombreuses personnes sont seules à devoir veiller sur quatre ou huit grands-parents et arrières grands-parents. Aujourd’hui, les relations intergénérationnelles ne sont plus portées comme elles l’étaient par un socle de jeunesse qui dynamise le système. Elles sont au contraire polarisées par des personnes plus âgées qui font pencher l’équilibre vers eux. Ce n’est d’ailleurs pas dramatique en soi et n’empêche pas de vivre heureux, mais cela change les conditions de vie, la manière de voir le monde et d’organiser son univers.
Toujours est-il que peu à peu, on a découvert que la famille n’était plus une institution fortement supportée et intégrée à la société dans laquelle il suffit d’investir notre sentiment et notre générosité. Elle n’est plus comme un immeuble bien construit, où chacun apporte ses capacités de collaboration et d’investissement sans avoir à assumer ou repenser l’architecture de l’ensemble. Aujourd’hui, l’architecture de cet immeuble est informe. Les éléments de repères qui constituaient l’organisation familiale sont devenus friables. Le mariage n’est plus systématiquement – loin de là ! – l’engagement mutuel d’un homme et d’une femme pour toujours et pour élever les enfants qu’ils auront. Son caractère définitif et exclusif n’est plus perçu, tout comme la nécessité de vouloir et même d’envisager d’avoir des enfants pour s’engager. D’autres éléments constitutifs de la famille sont même l’objet de remise en cause théorique, comme par exemple le fait que la famille suppose un homme et une femme. Et nous savons que beaucoup poussent, pour que cette question encore théorique devienne une question pratique…
Nous étions dans un équilibre et une représentation claire où l’institution soutenait l’implication personnelle et renforçait ceux et celles qui étaient éprouvés ou défaillants. Aujourd’hui, au contraire, chacune et chacun est sollicitée non pas pour entrer dans un projet encore bien défini, mais pour assumer la construction de cette institution afin qu’elle soit solide. On a toujours quelque part le plan de l’immeuble, mais personne ne le trouve déjà construit. Le travail de la famille est donc, pour chacun, de trouver les matériaux et de retrousser ses manches pour bâtir la maison dans laquelle il devra vivre. Comme tout travail, cette tâche est fatigante et demande du temps, de l’énergie et des ressources. Celui qui imagine la famille comme un havre où se reposer entre les épreuves, est surpris de devoir fournir ce travail. Celui qui espère s’appuyer sur la famille, n’est pas prêt à ce que ce soit la famille qui s’appuie sur lui !
Nous sommes donc dans une période de crise, non pas au sens négatif d’une crise- effondrement mais au sens où cette période doit conduire à prendre des décisions. La question n’est plus de rejoindre ou non le bataillon des « familles normales », parce qu’on ne sait pas où est le bataillon ! La question est de savoir si je veux construire une famille, comment je vais m’y prendre, quel prix je suis prêt à payer pour que cette famille existe, quel temps, quels efforts, quel engagement dans les relations de pardon et de miséricorde j’accepte d’y consacrer.
Nous sommes donc loin du stéréotype qui traine un peu dans les imaginations, même s’il ne correspond plus du tout à la réalité, de la famille « repos du guerrier ». Aujourd’hui, le guerrier, qui est d’ailleurs souvent aussi une guerrière, est allé travailler au dehors, il a sué sang et eau toute la journée et supporté des tensions et des conflits de toutes sortes. Quand il rentre chez lui, il espère peut-être avoir la paix, se reposer et ne pas avoir besoin de réfléchir à ce qu’il va faire ou dire, ou à la programmation de la soirée, de la semaine ou du week-end. Mais voilà qu’au contraire sa vie de famille doit être créée, soutenue, nourrie, réfléchie…, et qu’il ne peut pas se reposer, et qu’il doit continuer à se donner du mal.
La fonction sociale de la famille
Le deuxième point rejoint ce qu’Antoine Renard a pu expliquer : comment arriver à comprendre et à intégrer dans notre manière de vivre la fonction sociale de la famille ? Car s’engager de toutes nos forces dans la construction d’une famille ne porte pas seulement des fruits dans la vie privée. Le travail de mise en œuvre d’une vie de famille n’a pas pour seul but de fournir à chacun des membres de la famille un lieu harmonieux pour son existence. Il ne relève pas uniquement de ce que l’on appelle la vie privée. Bien-sûr, la réussite de la construction de la famille a des conséquences pour chacun des membres et permet de trouver un équilibre pour chacun d’eux et entre eux tous. Mais elle concerne aussi inséparablement toute la société.
Dire cela est aujourd’hui un message social et politique, que l’on n’ose pas souvent aborder de front. On peut en effet s’interroger sur les dommages sociaux de la désintégration des familles. Ils sont de plusieurs ordres et concernent par exemple le logement, puisque lorsqu’une famille se divise en deux, cela nécessite deux habitations au lieu d’une. Mais qui a le courage de dire que la pénurie de logement que nous connaissons ici et là s’explique en partie de cette manière ? La désintégration des familles à donc un cout économique. Elle entraine aussi des dommages éducatifs, par exemple les difficultés scolaires ou même d’intégration sociale que rencontrent les jeunes qui ont souffert de la séparation de leurs parents. L’étude des dossiers des délinquants juvéniles ou des adolescents ayant été condamné par la justice permet bien souvent de déceler des carences familiales dans l’enfance ou la jeunesse.
Je le répète, nous ne sommes pas là dans le domaine de la vie privée, mais dans celui de la vie sociale, puisqu’il s’agit de difficultés d’intégration scolaire, de l’accueil d’enfants perturbés nerveusement ou dans leur équilibre personnel, ou de la prise en charge des souffrances affectives d’enfants de parents séparés, qui doivent occulter leur mal-être parce qu’ils ne veulent pas le faire peser sur leur père ou leur mère, pour qui ils gardent toute leur affection. Si au départ, il s’agit d’un évènement tout-à-fait privé, il est clair que la séparation d’un couple et l’organisation de la garde de leurs enfants ne regarde pas qu’eux, puisqu’à travers eux, c’est une part de la vie sociale qui est mise en danger et perturbée.
L’enseignement de Jean Paul II tout au long de son pontificat a présenté la famille comme la première cellule de la société, non pas au sens chronologique (celle qui serait là avant les autres), mais au sens logique. La famille est la cellule de fondement de la société, parce qu’en elle les représentants des deux pôles entre lesquels se partage l’humanité (le pôle masculin et le pôle féminin) s’unissent et s’harmonisent, coexistent et collaborent. C’est parce que la famille est l’élaboration d’un processus de communion à partir d’une différence radicale, qu’elle est un lieu d’apprentissage de la vie sociale. La famille est la cellule fondamentale de la société parce qu’en elle, les enfants sont accueillis, aimés, écoutés, pris en charge, et toujours considérés comme tels quoiqu’ils fassent. La famille est première dans une société parce qu’elle inscrit dans la vie sociale un principe de régulation des relations entre les générations. Elle est première parce qu’elle est comme le laboratoire dans lequel chacun apprend à maîtriser et à dominer la violence des relations entres les hommes et les femmes, et entre les générations. Elle est le lieu où s’apprend la socialisation, où se construit la capacité de respect de l’autre, où s’engendre le désir de faire quelque chose avec l’autre.
Par là nous comprenons les effets positifs ou négatifs de l’équilibre familial sur la vie collective. Là où les familles sont déstructurées, ou affaiblies, les mœurs communes ne sont plus régulées de la même façon, et la volonté de puissance et la violence dominent. Le projet de réussir une vie de famille harmonieuse, n’est donc pas seulement un objectif privé, celui de « réussir son coup » pour soi ou plutôt pour soi et son conjoint. La réussite de ce projet participe de notre réussite collective, c’est un service du bien commun. Percevoir, comprendre et vivre cela, c’est donner à la vie familiale une dimension plus large que celle d’un réseau étroit de sentiments particuliers.
La famille lieu de témoignage
Aujourd’hui, la famille est le lieu d’un témoignage. Il faut dire les choses comme elles sont, notre société n’est pas à une contradiction près. Pour que la famille redevienne un lieu de sécurité affective, les hommes ou les femmes politiques de tous bords sont prêts à dire qu’ils vont soutenir la famille. Mais aucun ne sait dire comment il va le faire, quand et jusqu’où. Par principe, ils sont pour la famille, mais qui pourrait être contre ? Surtout si la famille c’est tout et son contraire !? Et dans cette perspective, soutenir la famille signifie simplement récupérer ce qui reste de sécurité affective dans la famille.
Ainsi, par exemple, on donne progressivement à chaque parent (pris d’ailleurs individuellement et non pas comme couple) un pouvoir de contestation de l’institution scolaire, au nom de raisons affectives. On trouve naturel que des parents s’unissent à deux ou trois pour défiler sous les fenêtres de l’école en disant « c’est inadmissible », parce que des enfants ont récolté des mauvaises notes, en raison du fait qu’ils ne sont pas compris par leur professeur, qui est tantôt professeur, tantôt éducateur.
Mais en cautionnant ce genre d’initiatives, ce n’est pas la famille que l’on soutien mais on encourage plutôt la prééminence des réactions affectives de la famille au dépend de l’institution sociale. Finalement, on veut soutenir la sécurité de la famille, sans reconnaître les conditions nécessaires pour qu’elle joue pleinement son rôle social.
Ainsi, dans le même numéro de n’importe quel hebdomadaire, on vous fera une page sur la disparition des pères dans l’éducation, et une autre sur les bienfaits du divorce par consentement mutuel devant un secrétaire de mairie, sans percevoir qu’il y a là une contradiction ! D’un côté, on trouve normal que les conjoints puissent s’unir et se désunir selon leurs désirs, et de l’autre on crie au secours parce que l’autorité parentale a disparu !
Mais il est difficile à ceux qui nous proposent cette lecture de voir que ces questions se rejoignent, parce que l’on ne fait pas appel au même expert. Aujourd’hui, vous trouverez toujours un expert pour vous expliquer qu’il n’y a pas assez de pères – ou de mères – et un autre pour vous montrer qu’il y en a trop. L’un démontrera que les enfants élevés par des parents séparés sont beaucoup plus heureux que ceux qui sont élevés par des parents unis, en expliquant qu’ils échappent ainsi aux discussions entre les parents (et sans se rendre compte que l’on enseigne ainsi à gérer les différents… en y échappant !). Un autre expert vous présentera une étude faite auprès de personnes homosexuelles ayant élevé des enfants dont les conclusions montrent qu’ils sont beaucoup mieux élevés que la moyenne, sans vous dire que ce sont les parents que l’on à interrogé, en laissant croire que les réponses venaient des enfants.
D’une certaine manière, cette incohérence par experts interposés traverse tous les aspects de notre vie. Sur les réalités économiques, écologiques ou sociales, on trouvera toujours un expert pour être d’un côté et un autre pour justifier le contraire, sachant que l’un des deux – au moins – dira forcément à la fin : « je vous l’avais bien dit ! »
Mais notre question est de savoir s’il suffit de plaquer l’étiquette famille sur n’importe quelle situation vécue pour lui donner une véritable capacité éducative. On peut crier et répéter que l’appellation famille n’a pas à être confisquée par un modèle (on se demande d’ailleurs comment), mais on ne peut pas éviter qu’un substantif corresponde à une réalité. Si vous avez une trottinette, vous ne l’appelez pas bicyclette parce que ce n’est pas une bicyclette ! Et si vous appelez bicyclette une trottinette, vous ne pourrez jamais faire des affaires… Mais cependant, on trouve normal que des mots comme ‘parents’, ‘couple’ ou ‘famille’ ne désignent pas une réalité définie mais puissent s’appliquer à un large panel de situations. Et pourtant, suffit-il de mettre le panneau à la devanture pour qu’il corresponde à ce qu’il y a dans la boutique ? Si l’on dit que tout le monde doit pouvoir se marier, que fait-on de ceux qui se marient pas, dont on dit qu’ils sont les plus nombreux ? Car si on est prêt à mettre l’étiquette à tout prix sur quelque chose qui ne correspond pas, on voit bien que certains vont être floués ! Ou alors, y-a-t-il quelque effet magique qui ferait que si l’on prononce le mot mariage, on arrive à capter des ondes positives ou quelque chose qui vient des dieux ? Tout cela est un peu étrange. Eh bien non, il ne suffit pas de plaquer l’étiquette pour que la réalité corresponde !
Le bienfait de la famille ne vient ni du substantif, ni du titre, mais de la réalité vécue. Car le bien-vivre des individus et l’équilibre de la société ne peuvent être atteints que par l’apprentissage patient et régulé de la gestion des relations humaines que permet une famille. C’est dans la relation d’un père et d’une mère, et dans leurs rapports avec leurs enfants que ceux-ci apprennent petit à petit à relativiser les drames. Dans une famille avec des enfants de différents âges, chacun voit comment un enfant apprend à sortir d’un conflit pour lui terrible avec un de ses frères et sœurs, lorsqu’on lui donne de redécouvrir que son ennemi juré est aussi son frère ou sa sœur à qui il peut pardonner, qu’il peut aimer encore, et que cette tragédie sans issue pouvait finalement être surmontée.
Il ne suffit pas de brandir un étendard pour que toutes les situations aient la même fécondité sociale. Cette tendance à privatiser la réalité familiale en en faisant un choix indéfini, vide finalement la famille de sa capacité à construire du lien social. La famille n’est plus que l’écrin dans lequel on enferme l’expérience privée, et n’est plus un cadre fondamental où l’expérience privée permet un apprentissage d’une manière d’être avec les autres, construit un certain type de relation et rend capable de participer au développement d’une société harmonieuse.
C’est pourquoi les chrétiens d’aujourd’hui sont appelés à vivre leur engagement familial, non comme un choix particulier mais comme un témoignage. Pour cela il faut que nous sortions de la logique induite par la formule « c’est son choix ». Quand on dit cela, cela signifie qu’il n’y a ni à réfléchir, ni à discuter. Même si on n’est pas d’accord, comme on ne veut pas avoir de conflit à gérer, et que tout le monde semble déjà convaincu, on n’envisage même plus de dire à son frère, sa sœur, son cousin ou sa cousine : « tu fais cela, mais je trouve que ce n’est pas bien », car ce serait risquer de se faire jeter par la fenêtre avec armes et bagages. Dire « c’est son choix » signifie au fond : « je ne suis pas d’accord mais je ne peux pas le dire ». Et il est devenu d’usage de considérer que la manière d’un homme et d’une femme de vivre leurs relations affectives soit leur choix : certains se mettent en ménage à l’année, d’autre pour un temps indéterminé, d’autres ne se mettent pas en ménage du tout, d’autres changent de partenaires, d’autres encore changent de sexe. C’est leur choix.
Nous chrétiens, nous sommes immergés dans cette manière de voir. Dès lors, allons- nous nous aussi suivre cette ligne indéfinie en réclamant simplement – par équité et non- discrimination – le droit d’avoir aussi notre choix ? Mais ce serait comprendre notre situation comme un particularisme de plus Or, nous ne sommes pas des gens particuliers, comme le rappelle l’épître à Diognète : « les Chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements… » (V, 1). Il ne s’agit pas de dire que nous serions comme tous les autres, hormis le fait que quand on s’aime, on se marie.
L’enjeu pour nous n’est pas de réclamer un droit à la particularité, mais de montrer que le choix d’une vie de famille vécue dans l’engagement mutuel des époux et la solidarité entre les générations, engage quelque chose qui n’est pas de l’ordre du choix confessionnel, mais du choix de société. Et puisque c’est un choix de société, nous avons non seulement le droit mais le devoir de le défendre socialement. Nous ne le défendons pas au nom de la foi, car la foi ne nous donne pas un droit particulier de défendre un modèle social. Nous le défendons au nom du bien commun.
Certes notre foi chrétienne nous enracine d’une manière plus déterminée dans cette conviction que l’union stable et définitive de l’homme et de la femme pour élever leurs enfants est comme ‘inscrit’ dans le code génétique de l’humanité. Le mariage doit être défendu au nom du respect de l’humanité, et nous lui sommes passionnément attachés par notre foi, parce que nous croyons que Dieu est Créateur et que l’être humain est créé à son image. Nous avons donc une force particulière pour rendre ce témoignage. Encore une fois ce n’est pas de l’ordre du particularisme d’une secte un peu égarée dans la société. Notre mission est d’être les précurseurs, ou les prophètes, qui annoncent quelque chose qui est de l’intérêt de tout le monde.
Que nous ne soyons pas toujours entendus, que nous soyons même combattus, c’est normal. Mais nous avons le devoir impératif de témoigner avec des arguments humanistes, des arguments de raisons et de bon sens, qui puissent être reçus par des hommes et des femmes de bonne volonté. Parmi ces arguments compréhensibles par tous, il y a cette question de bon sens : est-il mieux pour un enfant d’être élevé par son père et sa mère ou autrement ? Nul besoin de croire à la révélation biblique pour poser cette question, ni pour y répondre. De même, est-il mieux pour un homme et une femme de s’engager l’un envers l’autre ou pas ? Que nous soyons particulièrement convaincus de la réponse en raison de notre foi est un appui supplémentaire. Mais nous ne demandons pas à nos contemporains d’en être convaincus parce que l’Église le dit. Ce n’est pas l’Église qui a inventé que c’est mieux pour un enfant d’être élevé par son père et sa mère. Toute l’expérience de l’humanité le manifeste. Cela appartient à la sagesse humaine, et chacun peut le comprendre et en tenir compte.
Nous chrétiens, nous pouvons apporter un témoignage unique et original lorsque les circonstances nous permettent de comprendre et de vivre que cette alliance définitive entre un homme et une femme est une parabole de l’alliance définitive entre Dieu et l’humanité. Nous sommes chargés de vivre et d’annoncer que l’unité de la famille est l’image et le prototype de l’unité que Dieu veut accomplir entre lui et l’humanité, de ce que les récits apocalyptiques appellent « les noces éternelles » (Ap 19, 8-9). La réalité de la vie familiale est un message sur la fidélité de Dieu, sur sa miséricorde, sa patience, son inventivité et son projet de rassembler en lui toute l’humanité.
Chers amis, voilà ce que je voulais vous donner comme message d’espérance ; Je vous souhaite de le vivre du mieux que vous pouvez pour le bien de tous les hommes.

Sainte Marie, Notre-Dame de la Prière (8 décembre 1999 par André VINGT-TROIS)

1 décembre, 2011

du site:

http://www.ilebouchard.com/prieres/priere_mgr.htm

Sainte Marie, Notre-Dame de la Prière
——————————
par: Le 8 décembre 1999
André VINGT-TROIS, Archevêque de Tours
—————

Tu as accueilli dans la foi le message de l’ange Gabriel
et tu es devenue la Mère de Jésus, le Fils Unique de Dieu,
Apprends-nous à prier pour grandir dans la foi.

A la Visitation, tu as exulté de joie par le Magnificat,
Apprends-nous à rendre grâce à Dieu.

A Cana, tu as prié le Christ
pour qu’Il donne le vin des noces,
Apprends-nous à intercéder pour nos frères.

Debout au pied de la Croix,
tu as souffert avec Jésus par amour pour les pécheurs,
Apprends-nous à accueillir la miséricorde du Père.

A la Pentecôte, tu priais avec les Apôtres
quand ils ont reçu la plénitude de l’Esprit-Saint,
Apprends-nous à demander l’Esprit pour témoigner de l’Evangile.

Tu es la Mère de l’Eglise et la Protectrice des Familles,
Veille sur chacune de nos familles,
Apprends-nous à nous aimer avec fidélité.

Tu es la Mère de l’humanité et la Patronne de la France,
ouvre notre pays aux dimensions universelles de l’amour de Dieu.
Apprends-nous à servir avec générosité.

O Marie conçue sans péché,
priez pour nous qui avons recours à vous !
Notre-Dame de la Prière, apprenez-nous à prier !

LA CRISE EUROPÉENNE, CRISE DU SYSTÈME: DIAGNOSTIC DU CARD. VINGT-TROIS

4 novembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-29376?l=french

LA CRISE EUROPÉENNE, CRISE DU SYSTÈME: DIAGNOSTIC DU CARD. VINGT-TROIS

JMJ de Madrid, Youcat, crise, Eglise en France, Moyen Orient, Bénin

ROME, vendredi 4 novembre 2011 (ZENIT.org) – « La crise européenne que nous traversons  (…) est véritablement une crise du système », diagnostique le président de la Conférence des évêques de France.
Le discours d’ouverture de l’assemblée des évêques de France qui se tient à Lourdes jusqu’au 9 novembre, a été prononcé ce matin par le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France (cf. « Documents », pour le texte intégral).

Une crise du système
L’archevêque y passe en revue l’actualité de l’Eglise et du monde, notamment le bilan des JMJ de Madrid, le succès de Youcat, la crise en Europe, l’Eglise en France, mais aussi le Moyen Orient, le Bénin et l’Afrique. Il identifie des risques, des tentations, provoquées par la crise actuelle en Europe.
« La crise européenne que nous traversons n’est pas simplement, comme certains le disent parfois, une crise de la gouvernance qui se résoudrait par des alternances démocratiques, ni une crise de la distribution des revenus dont on sortirait en réduisant quelques salaires scandaleux. C’est véritablement une crise du système », fait observer l’archevêque.
Il affine son diagnostic : « Puisque nous entrons en campagne électorale, il me paraît juste de le souligner pour tenter de cerner, à partir de là, quelques-uns des risques et des enjeux de cette campagne ». Il rappelle la déclaration du Conseil Permanent sous le titre :  « Élections : un vote pour quelle société ? ». Il identifie des risques.

Respect des adversaires et courage politique
Et met en garde contre les attaques aux personnes : « Le premier risque (…) serait de croire que l’enjeu des élections à venir est de choisir simplement un homme ou une femme, et de se laisser enfermer dans une sorte de comparaison des personnalités. (…) Les agressions sur l’intégrité ou les intentions des personnes débouchent sur la haine et le mépris. Il n’y a pas de démocratie sans un véritable respect des adversaires et un jugement honnête de leurs actes ou de leurs propositions. »
Le cardinal Vingt-Trois met en garde aussi contre des publicités politiques illusoires : « Le second risque serait de nourrir l’illusion que, dans la crise actuelle, un programme, si élaboré et si sérieux soit-il, viendra facilement à bout des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. (…) Ce serait mépriser les électeurs que de leur faire croire que tout va s’arranger moyennant quelques corrections à la marge. Celles et ceux qui vont briguer nos suffrages doivent avoir déjà le courage politique de dire clairement les contraintes de l’avenir, et de montrer qu’ils sont résolus à affronter les insatisfactions. »

Les jeunes générations
La vie à crédit, c’est le troisième risque : « Le troisième risque, ajoute le cardinal Vingt-Trois, serait de laisser croire que nous pouvons indéfiniment continuer de vivre à crédit. En accumulant les déficits et le poids de la dette, qui obère les investissements pour l’avenir, on consommera les chances des jeunes générations et on mettra sur leurs épaules un fardeau insupportable. »
Plus encore, l’archevêque invite à changer de mode de vie : « Il faut que nous ayons tous le courage de mettre en œuvre ces nouveaux modes de vie et que nous apprenions à donner le signe d’une consommation plus raisonnable et plus équitable. »
Il souligne deux éléments rassurants : « Grâce à Dieu, de nombreuses initiatives d’entrepreneurs commencent à aller en ce sens. Et il est important de rappeler que si la dette publique de la France est très élevée, le taux de l’épargne privée y est aussi particulièrement haut. Ce n’est pas le moindre paradoxe, mais cela signifie que notre pays a des ressources économiques et humaines pour investir de nouveaux chantiers, même si ceux-ci ne sont évidemment pas sans risques. »

La concertation internationale
Le quatrième défi consiste dans « les tentations de repli et de fermeture de l’Europe » : « Non seulement nous sommes tentés de rejeter à la mer (hélas ! il ne s’agit pas seulement d’une image) ceux qui viennent chez nous poussés par la misère, mais nous venons de vérifier que nous pouvons être tentés de laisser certains pays européens sombrer pour sauver notre fragile équilibre. »
« Veillons, recommande l’archevêque de Paris, à ne pas nous laisser entraîner dans la spirale de l’égoïsme, de l’isolationnisme ou de la xénophobie. Comme l’a rappelé récemment avec force le document du Conseil pontifical Justice et Paix, les solutions sont à chercher dans la concertation internationale et la mise en place d’instances de régulation fiables. »
 
Anita S. Bourdin

LA THÉORIE DU GENDER PRÔNE « UNE SEXUALITÉ DISSOCIÉE DE LA PERSONNALITÉ » (cardinal Vingt-Trois)

17 juin, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-28241?l=french

LA THÉORIE DU GENDER PRÔNE « UNE SEXUALITÉ DISSOCIÉE DE LA PERSONNALITÉ »

Le cardinal Vingt-Trois déplore l’introduction de cette théorie dans les manuels scolaires

ROME, Jeudi 16 juin 2011 (ZENIT.org) – Alors que le ministère français de l’éducation nationale a récemment annoncé l’introduction de la théorie du genderdans les manuels de Sciences de la Vie et de la Terre de toutes les classes de premières, le cardinal André Vingt-Trois a déploré une théorie qui prône « une sexualité complètement désarticulée ».
Sur Radio Notre-Dame, l’archevêque de Paris a regretté que la sexualité ne soit présentée aux jeunes qu’en terme de maladies. Face à ce « tableau noir, sinistre », il a souhaité la mise en place d’une véritable initiation à la vie affective.
Le gender, c’est « une manière d’approcher l’expérience humaine de la sexualité d’une façon tout à fait systématique en prétendant que l’orientation sexuelle est une construction purement culturelle », a expliqué le cardinal Vingt-Trois. Une « option » que l’on peut prendre en fonction de ce que l’on désire : « il n’y a pas de prédisposition physiologique ou psychologique mais il y a un choix personnel dans une orientation sexuelle ».
L’archevêque de Paris a rappelé« combien les représentations symboliques sexuelles jouent un rôle primordial dans la construction de la personnalité ». Introduire la théorie du gender, c’est donc « prôner une sexualité complètement désarticulée et dissociée de la personnalité », c’est-à-dire « une sexualité qui se réduit à une relation sexuelle sans envisager comment cette relation sexuelle est articulée avec la construction d’une personne ».
« C’est d’ailleurs ce qui est le plus triste dans ces manuels dont j’ai feuilleté quelques exemplaires : l’image de la sexualité humaine qui est donnée là-dedans, c’est uniquement une image de maladie », a déploré le cardinal. « C’est un enseignement de la sexualité qui est centré exclusivement sur les maladies sexuellement transmissibles, pour donner des conseils pour les éviter, et sur l’interruption de grossesse qui est le passe-partout ». « C’est vraiment une sorte de tableau noir, sinistre, de la sexualité humaine ».
A la rentrée, cet enseignement devrait être inséré dans les cours de sciences naturelles. « Dès l’instant que les éducateurs ne réussissent pas à mettre en place une véritable initiation à la vie affective, ils en sont réduits à faire des sciences naturelles », a expliqué l’archevêque.
Il a rappelé l’importance primordiale « d’aider les jeunes à comprendre que leur sexualité, l’énergie affective qui les habite, n’est pas simplement un phénomène hormonal mais que c’est quelque chose qui est constitutif de leur personne et qui doit leur permettre de grandir ». Et cela, « à condition de l’investir dans une relation humaine ».
Malheureusement, a ajouté le cardinal Vingt-Trois, « on leur explique par toutes sortes de moyens que la meilleure façon de le vivre c’est de n’entrer dans aucune relations humaines. Evidemment, il ne reste plus qu’à déployer des moyens de protection sanitaire ».
Le cardinal a enfin évoqué « un aspect important » de la « mission » des enseignants : « aider les jeunes à découvrir qu’ils ont une personnalité infiniment plus riche qu’il n’y paraît et qu’ils peuvent découvrir un investissement de richesses extraordinaires mais à condition d’entrer dans une relation humaine avec l’autre ». « Or c’est précisément ce qu’on ne veut pas leur dire », a-t-il conclu.

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