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CONFÉRENCE DU MERCREDI 24/7 : PSAUME 50
3 Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
4 Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.
5 Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
6 Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice,
être juge et montrer ta victoire.
7 Moi, je suis né dans la faute,
j’étais pécheur dès le sein de ma mère.
8 Mais tu veux au fond de moi la vérité ;
dans le secret, tu m’apprends la sagesse.
9 Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ;
lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.
10 Fais que j’entende les chants et la fête :
ils danseront, les os que tu broyais.
11 Détourne ta face de mes fautes,
enlève tous mes péchés.
12 Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
13 Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.
14 Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
15 Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.
16 Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur,
et ma langue acclamera ta justice.
17 Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.
18 Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas,
tu n’acceptes pas d’holocauste.
19 Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ;
tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.
20 Accorde à Sion le bonheur,
relève les murs de Jérusalem.
21 Alors tu accepteras de justes sacrifices, oblations et holocaustes ;
alors on offrira des taureaux sur ton autel.
Commentaire du Psaume 50 (51)
J’aborde immédiatement le texte, verset par verset.
Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
Selon ta grande miséricorde, efface mon péché. (v.3)
Comme souvent dans les psaumes, les premiers mots donnent le thème (et le ton). Pitié… pour moi, mon Dieu… c’est la prière d’une seule personne et cette prière concerne cette personne même, dans sa propre réalité intime. C’est du moins la première impression. Il est vrai que sans individus il n’y a pas de communauté. Mais il est vrai aussi que l’individu contribue à faire la communauté. L’homme est un être social. Le psaume nous l’apprendra et nous le verrons vers la fin.
Apparemment la relation entre Dieu et le psalmiste est brisée par quelque chose de grave. Le psalmiste demande donc pardon. Le mot pitié, dans le langage biblique, n’a pas la même résonance négative que dans le français courant. En français, le mot pitié a une connotation un peu négative. Il sonne paternaliste. Mais, dans le langage biblique, le mot veut dire : com-passion (souffrir avec). Le psalmiste compte sur Dieu parce qu’il sait que Dieu est amour et compassion .
La compassion est le fleuron, la forme la plus achevée de l’amour. Dans ce premier verset ce n’est pas l’image du Dieu juge qui est mise en avant (pas encore parce qu’il viendra bientôt).
Il est clair que le psalmiste veut être libéré de quelque chose. Le mot « effacer » est en effet repris par des synonymes dans le verset suivant. L’image est surtout celle de l’eau qui lave et purifie :
Lave-moi tout entier de ma faute
Purifie-moi de mon offense. (v.4)
Purifier renvoie aux rites de purification dans l’eau courante. Il faut sentir ce que veut dire être lavé entièrement, être plongé dans un bain, jusqu’au-dessus de la tête. Aucune partie de l’homme n’est oubliée.
Aussi le mot péché du v. 1 est repris :
Oui, je connais mon péché,
Ma faute est toujours devant moi. (v.5)
La première ligne de ce verset est touchante par sa simplicité. Dans la phrase « oui, je connais mon péché » il n’y a aucune emphase, aucun faux-semblant. L’aveu est confondant. « Oui, je connais mon péché ». Aucune excuse. La deuxième partie du verset dit qu’il s’agit d’une faute très concrète. Le psalmiste se rappelle cette faute constamment. C’est une obsession qui envahit sa vie. Le film tourne tout le temps devant ses yeux. Mais de quoi s’agit-il ? Nous ne le savons pas encore et le psalmiste ne semble pas prêt à le dire. Cela lui pèse trop lourd, sans doute. Il devra aller tout un chemin avant de pouvoir nommer simplement l’acte qu’il a commis. Et c’est vrai pour nous aussi : pour nommer les choses – surtout nos grandes souffrances – il faut quelquefois beaucoup de temps. Et il faut même être déjà un peu au-delà pour pouvoir les dire. Celui qui peut dire sa souffrance est déjà en voie de guérison. Le psalmiste est sur le chemin, au début du chemin. Il avoue… mais quoi exactement ? Il s’identifie à sa faute. Et en cette faute sont concentrées toutes ses autres fautes.
Quelque chose au moins est clair dans la tête et le cœur du psalmiste. Quoi qu’il ait fait, il en connait la dimension de péché. Il fait donc la distinction entre faute et péché. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
Aujourd’hui nous voyons plus facilement la dimension sociale de la faute. Nous la verrons aussi chez le psalmiste, quand il sera capable de dire de quoi il s’agit. Mais ici, il se situe dans sa relation à Dieu :
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. (v.6ab)
Cette façon de se positionner est importante du point de vue religieux. Le péché est toujours par rapport à Dieu. Mais chez nous, le péché et la culpabilité psychologique sont mêlés, mélangés. Si certains n’aiment plus parler de péché, ce n’est pas nécessairement parce que leur sens du péché est sous-développé, mais parce qu’ils veulent se libérer d’un sentiment de culpabilité exacerbé. C’est le côté psychologique qui les gêne. Pourtant les deux ne sont pas la même chose. Pour dire la différence en une seule phrase, on peut dire que dans le péché, Dieu est au centre et dans la culpabilité, je suis moi-même au centre. Ou plus concrètement, mon idéal du moi est au centre ainsi que les normes que j’ai intériorisées de l’extérieur, mais avec lesquelles je m’identifie. Comme pour nous donc, chez le psalmiste le sens du péché se mêle très vite avec sa culpabilité. Et cela le mène sur une mauvaise piste. Le Dieu d’amour, du v. 1, devient un juge, et surtout un juge sévère. Le Dieu d’amour se confond avec un gendarme intérieur. Mais c’est en fait le psalmiste qui projette sur Dieu sa propre sévérité envers lui-même. C’est inévitable. Il est bon de le voir dans le psaume et de cheminer avec le psalmiste. Avant d’avoir une vision juste de Dieu, nous traversons quelquefois pendant de longues années une vision de Dieu très mélangée.
Le psalmiste commence donc par dire :
Ainsi tu peux parler et montrer ta justice,
Être juge et montrer ta victoire. (v.6cd).
Le mot « victoire » est un peu discutable comme traduction , mais je garde le texte comme il est. On a l’impression que le psalmiste s’écrase devant un jugement qu’il reconnaît toutefois comme juste. Il attend sa punition. Il accepte les conséquences logiques d’un acte qui n’était pas une peccadille. Nous ne sommes pas devant un scrupuleux. En même temps dans les mots « tu peux montrer ta victoire » on sent une sorte d’inimitié. Dieu est vu comme quelqu’un qui se met en opposition. Il sera l’adversaire qui a raison. Dieu, le Saint par excellence, et le péché sont incompatibles. Le psalmiste reconnaît donc son tort. Il se prépare intérieurement à s’incliner… à s’écraser. Il donne même le droit à Dieu de prononcer un jugement sévère (sans se douter qu’il se trompe peut-être sur Dieu).
Alors, vient un verset qui est très important. Les commentateurs du psaume vont un peu dans tous les sens. Les premiers mots en hébreu sont une exclamation : הֵן (hên) qu’on pourrait traduire par « Oh ! Oh, je sais bien ! Nous voilà ! ». Une autre traduction, mais plus faible, est : MAIS. Ce petit mot significatif n’est pas repris dans notre traduction. On le sent tout de même derrière le texte et la diction du texte peut aider :
[MAIS] Moi, je suis né dans la faute, [oh, je le sais bien ]
J’étais pécheur dès le sein de ma mère. (v. 7)
Comment comprendre cela ? Pauvre mère ! Est-elle responsable de mon péché ? (Et le père alors ?) Sans s’en rendre compte, le psalmiste sort d’un contexte purement religieux (« contre toi et toi seul j’ai péché »), pour entrer dans le cercle infernal de la culpabilité. Mais le psalmiste essaie de se défendre . Il doit le faire pour ne pas se noyer psychologiquement. Il le fait en « rationalisant » la situation, en donnant une raison qui explique sa culpabilité. On est toujours dans la faute. Cela vaut pour tout être humain. On n’est pas né parfait. Je lis ces phrases comme une sorte de défense contre le Dieu juge. Le psalmiste dit : d’accord, je reconnais ma faute. Toi, Dieu, tu es un Dieu qui a raison (bien sûr). Tu as gagné et moi j’ai tort. Seulement, n’oublie pas que je suis né dans la faute, que tout le monde est pécheur et que, par conséquent, tout le monde est coupable. Dès qu’on respire l’air, on respire les microbes. C’est ainsi.
Le psaume aurait pu s’arrêter ici. Le jugement est fait et accepté. Mais avec ce qui est dit, où est la liberté et donc la vraie responsabilité de l’homme ? Et au Dieu Créateur je peux répondre : ce n’est pas ma faute si le monde n’est pas parfait. Tandis que moi, je dois en subir les conséquences. C’est le sentiment de beaucoup de gens. Finalement, ce Dieu juge est-il vraiment juste ?
Le reste du psaume est une réaction contre cette vision des choses, exprimée dans notre verset 6 ; vision très répandue chez les personnes et qui mène souvent au rejet de Dieu. Il faut se débarrasser de ce Dieu qui est en concurrence avec l’homme.
Le psaume nous apprend que Dieu lui-même n’est pas d’accord avec cette façon de voir du psalmiste. Et le psalmiste, au plus intime de lui-même, le sait bien. De là une deuxième fois ce petit mot « mais » par lequel commence aussi la phrase suivante et qui exprime une rectification. « MAIS » est de nouveau la traduction du même mot hébreu qui avait été omis dans la traduction du verset précédent : הֵן (hên : oh, je sais bien). Donc, à la première négation – « mais, tu es un juge injuste » – suit la négation de cette négation, comme pour dire : « mais ce n’est pas ainsi que toi, tu vois les choses ; et tu m’en fais prendre conscience ».
MAIS tu veux au fond de moi la vérité ;
Dans le secret, tu m’apprends la sagesse. (v. 8)
Le psalmiste dit : s’il est vrai que nous, les humains, nous vivons toujours dans un climat d’imperfection, de faute, de péché, toi (Dieu), tu ne te contentes pas de cette explication. Il est trop facile de se cacher derrière un principe général pour ne pas assumer sa propre responsabilité. Toi, Dieu, tu me prends à part et tu me demandes : « et toi ? Où en es-tu ? Comment as-tu vécu dans ce climat général ? Où est ta complicité avec le mal ? En as-tu profité pour faire ce que tu voulais faire en sachant que ce n’était pas bien ? » Le psalmiste comprend. « Tu veux au fond de moi (au plus intime de moi, là où je ne peux plus me cacher derrière des excuses) la vérité (la vraie vérité ; pas la vérité abstraite qui vaut pour tout le monde, mais ce qui vaut pour moi, sans pouvoir me retrancher derrière autre chose). » Et dans ce silence intérieur, dans le recueillement, dans le secret de moi-même, Dieu, tu abordes les choses bien autrement. Tu m’aides à convertir ma situation de coupable en expérience de sagesse (voilà la vraie conversion !). Tu me l’apprends en me faisant traverser mes propres obscurités ! Ainsi donc, Dieu, tu m’obliges à voir ma vie, ma propre vie (pas celle des autres, derrière laquelle je voudrais me cacher). Tu m’apprends ainsi une vérité, qui a la densité de mon histoire, de ma chair, de mon sang (on reviendra sur le sang !). C’est cela : la sagesse.
Immédiatement après en avoir pris conscience, le psalmiste demande :
Purifie-moi avec l’hysope et je serai pur ;
Lave-moi et je serai blanc, plus que la neige. (v. 9)
Nous lisons plusieurs choses dans ce verset. Dans la bible, l’hysope est un arbrisseau utilisé pour asperger avec de l’eau ou du sang . Le verset est une reprise du début : « lave-moi tout entier de ma faute, / purifie-moi de mon offense » (v. 4). Mais la phrase se dit maintenant après une prise de conscience intérieure qu’il y a vraiment une relation personnelle entre Dieu et le psalmiste. Au début du psaume, le psalmiste voulait retrouver son intégrité personnelle, pour être pur à ses propres yeux, pour n’avoir rien à se reprocher. Attitude très narcissique, finalement, qui plaçait le psalmiste au centre. Il luttait avec sa culpabilité psychologique. Ici on a l’impression que le psalmiste se jette dans les bras de Dieu. Il s’abandonne vraiment et il croit (vraiment) que Dieu peut le purifier. Il ne se cache plus derrière la constatation (exacte par ailleurs) que tout le monde est né dans la faute et qu’on est pécheur dès le sein de sa mère. Non, Dieu peut rétablir la relation avec lui ; il peut libérer quelqu’un du péché. L’image est évidemment absolue : je serai pur, totalement. Et blanc, plus que la neige. Mais la pureté n’est pas la perfection. Elle est une relation rétablie !!!! L’eau qui lave et la blancheur de l’homme renouvelé renvoient le chrétien directement au baptême.
La conséquence ne se fait pas attendre :
Fais que j’entende les chants et la fête :
Ils danseront, les os que tu broyais. (v. 10)
Les chants et la fête sont là, indépendamment de la nuit intérieure du psalmiste. Mais il ne les entendait plus. Le soleil brillait en dehors de lui, pour les autres. Intérieurement il était dans les ténèbres. La joie de son entourage ne l’atteignait plus.
Dieu peut guérir et faire qu’on ne voie plus seulement la misère dans l’humanité (oui, la faute est partout – v. 7). Libéré d’un poids intérieur, on peut de nouveau s’ouvrir à l’extérieur, et participer à la joie de vivre qui y existe elle aussi. Pour le psalmiste c’est une vie renouvelée. « Ils danseront, les os que tu broyais ». Que tu broyais ?… image du Dieu vengeur… ? Le psalmiste est toujours en train de s’en distancier. Chaque être humain doit se libérer de cette image. Combien de fois entend-on dire : « Où ai-je mérité cela ? » « Qu’est-ce que j’ai fait pour être puni ? ». Longtemps on a interprété le mal subi ou la maladie comme une punition de Dieu. Et on continue à le faire. On se le dit pour trouver une raison quelque part. Mais avec le psalmiste nous évoluons vers une perception plus juste de Dieu. Au point où nous en sommes dans le psaume, Dieu reste quelque peu ambigu. Est-ce pour cela, par une peur qui traine toujours dans son inconscient, que le psalmiste n’est pas encore capable de nommer sa faute ? Nous ne savons toujours pas pourquoi il demande pardon !
Continuons donc l’approfondissement de notre relation à Dieu. Il y a plusieurs étapes.
Détourne ta face de mes fautes,
Enlève tous mes péchés. (v. 11)
C’est la première fois que le psalmiste parle de la « face » de Dieu. Dans une relation, le visage est important. Ne pas avoir un contact des yeux avec quelqu’un exprime (dans beaucoup de cultures) ou bien la peur (la timidité) ou le mépris (le rejet). D’autre part, on peut détourner la face pour ne pas voir ce qui est laid, comme si on ne l’avait pas vu. C’est la première chose que le psalmiste demande : ne regarde pas. Dans l’ancien testament, on ne peut voir la face de Dieu. Mais pour nous, chrétiens, la situation a beaucoup changé. Jésus est la face de Dieu, tournée vers nous. Une fois qu’on a découvert Jésus, on ne demande plus à Dieu de détourner la face. Au contraire : qu’il me regarde et qu’il regarde mon mal-être avec ses yeux à lui. Si j’y lis de l’exigence, c’est l’exigence de l’amour.
Le psalmiste demande encore autre chose : « enlève tous mes péchés ». En fait, cette demande va beaucoup plus loin. Fais disparaître mes péchés. Et pas seulement ce péché que j’ai toujours devant les yeux comme une obsession. Non, tous les péchés. Une fois de plus ce verset a pour nous, chrétiens, une forte résonnance christique. Là encore, Jésus va au-delà de la demande. Non seulement il « enlève tous mes péchés », mais tous les péchés du monde. « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Avec Jésus, la prière du psalmiste est plus qu’exaucée. Quelqu’un – Jésus – a pris sur lui d’enlever radicalement ce qui nous gênait tellement dans notre rapport à Dieu. Même si nous devons toujours faire notre chemin, refaire le chemin… et le psaume est en train de nous y aider.
Enlève le péché, tous mes péchés. Mais avec le cœur que j’ai, il est sûr que je recommencerai. Alors,
Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
Renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. (v. 12)
Le cœur est le centre de l’humain, là où le cerveau (l’intelligence) et les entrailles (les sentiments) se rencontrent. Le cœur est encore plus que cela. Il est le centre de la décision et de la volonté. Et en plus : le lieu de Dieu, la demeure de l’Esprit. C’est le verset le plus fort du psaume, juste au milieu du texte. Au centre du texte, nous descendons dans le centre de l’homme. Au début du psaume, en se cachant derrière l’idée d’une culpabilité universelle, le psalmiste restait dans la tête. Mais le cœur du psalmiste restait malade. Il était atteint par le mal, objectivement. Il luttait avec sa culpabilité – sentiment subjectif tellement humain. Il est aussi spirituellement malade, parce que sa relation envers Dieu est blessée. De là, une nouvelle demande, plus radicale encore : « Crée en moi un cœur pur ».
Le centre de notre psaume – la lumière dont nous avons besoin – nous renvoie ainsi à la création. Le verbe créer, utilisé dans notre verset, est effectivement le même verbe qu’au début de la bible : בָּרָא (bârâ‘) : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » . Mon cœur a besoin d’être re-créé. J’ai besoin d’un cœur nouveau. Ezéchiel avait déjà prophétisé: « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit : alors vous suivrez mes lois, vous observerez mes commandements et vous y serez fidèles » (Ez 36, 26-27). Il y a plusieurs thèmes que ce chapitre d’Ezéchiel a en commun avec notre psaume . La pureté, dont le psaume a parlé déjà plusieurs fois (v. 4, v. 9) ne peut donc venir que par une nouvelle création, un renouveau spirituel complet. Le cœur pur n’est pas tellement un cœur lavé de l’impureté, mais un cœur sans mélange, qui est dirigé uniquement vers Dieu. Pensons aux Béatitudes : « heureux les cœurs purs ; ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Ceci est une nouveauté radicale.
Le psalmiste demande aussi que cette nouveauté demeure et ne soit pas quelque chose d’un instant : « raffermis au fond de moi mon esprit ». Que mon esprit soit solidement dirigé vers Dieu. Le psalmiste introduit ici un nouveau mot, important : l’esprit (ruah). La ‘ruah’ (au féminin) ne désigne pas l’esprit au sens d’intelligence (‘nous’ en grec), mais le souffle (‘pneuma’ en grec ; il s’agit du souffle qui traverse les poumons). Il faut du souffle pour que ce retournement personnel dure et pour poursuivre sur le bon chemin.
Ainsi, pas seulement un nouveau cœur, mais aussi un nouvel esprit/souffle. Dans notre verset, il s’agit bien de « mon esprit/souffle », le mien. Si Dieu crée quelque chose de nouveau en moi, ce n’est pas pour m’aliéner, pour me désapproprier de moi-même. Au contraire, c’est pour que je sois enfin moi-même (c’est le péché qui est une aliénation !). Et cet esprit/souffle, qui est le mien – qui est moi – est en même temps reçu comme une nouvelle création, qui ne vient pas de moi. Un organe nouveau qui m’introduit dans la relation avec Dieu et qui fait de cette relation un cœur à cœur. Bien sûr je ne veux plus perdre cette relation :
Ne me chasse pas loin de ta face,
Ne me reprends pas ton esprit saint. (v. 13)
La face revient. À l’inverse du verset qui disait « détourne ta face de mes fautes », maintenant il est clair que Dieu continue à me regarder. Mais je ne veux pas être chassé de sa face. Moi, chrétien, je ne peux plus me passer du visage de Jésus. Être chassé me rappelle aussi l’épisode qui suit immédiatement la création et la chute : Dieu chassa Adam et Eve du paradis. Mon paradis, c’est d’avoir trouvé la face de Dieu, la face de Jésus, grâce au cœur re-créé. Être chassé loin de lui serait comme être chassé hors du paradis. Mon paradis, c’est la relation à Dieu. « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3).
Nous rencontrons ici les trois personnes de Dieu, dont les chrétiens ont compris petit à petit qu’Il est communion dans la Trinité : on s’adresse à Dieu-Père, en lui demandant de ne pas être chassé de sa face (Jésus) et de ne pas perdre sa Ruah, son Esprit/Souffle. Le Souffle de Dieu, l’Esprit, est le principe de toute vie (en même temps physique et spirituelle, comme on le voit dans le récit de la création). Le psalmiste est maintenant entré dans une toute nouvelle réalité : celle de sa relation à Dieu. Il le fait comme un homme nouveau. Nous dirons : dans l’Homme Nouveau qui est Jésus, par le baptême.
C’est ce que nous appelons le salut. Le psalmiste le dit d’ailleurs dans le verset suivant :
Rends-moi la joie d’être sauvé ;
Que l’esprit généreux me soutienne. (v. 14)
Le salut, être sauvé, va ensemble avec la joie. Le salut c’est être unifié, réconcilié, intégré. En néerlandais (comme en allemand), le mot pour salut est « Heil », qui vient de « heel » (entier, réunifié) .
Quand l’homme est unifié, en harmonie, il est heureux. Mais, une fois de plus, le psalmiste demande que ce bonheur reste. C’est pourquoi il a besoin du soutien de l’esprit généreux. Littéralement c’est la joie du salut, du sauvetage. Le salut, c’est יֶשַׁע יֵשַׁע (yesha‛ yêsha‛). Le prénom ישוע (Iéshua) – Dieu sauve – est le prénom même Jésus en hébreu.
L’esprit me donne de la dignité, de la noblesse. L’esprit est appelé généreux. « Généreux » veut dire ici, magnanime, volontaire, libre. Je traduirais par « bien disposé ; bien-veillant ». C’est l’esprit qui me permet d’être libéré de moi-même et donc de me donner aux autres. Je me rends disponible. Pensons à la liberté de Jésus dans son amour jusqu’au bout. Jésus a dit aussi : « Tout homme qui commet le péché est un esclave. Mais…si le Fils vous affranchit, vous serez vraiment libres » (Jn 8, 34-36). La liberté est assentiment. Notons le jeu entre « mon esprit » et l’Esprit Saint. En fait, les deux vont ensemble . Mon esprit est d’autant plus le mien qu’il est habité par l’Esprit Saint. Le salut signifie que nous sommes rendus à nous-mêmes.
La générosité, le don libre de soi, doit nécessairement déborder sur les autres. Celui qui est généreux est tourné vers l’extérieur. L’Esprit qui travaille à l’intérieur, dans le secret, au fond du psalmiste devient communication :
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
Vers toi, reviendront les égarés. (v.15)
Ce qu’on a reçu comme guérison ne peut pas rester privé. On veut aider les autres à trouver les chemins de la vie, eux aussi. Pour le Juif, « tes chemins », ce sont les recommandations de Dieu comme on les trouve dans la bible (notamment dans la Thora). Ce sont les paroles de vie, de la part de Dieu. Pour nous, les chrétiens, ce sont les chemins de l’amour comme Jésus nous l’a appris. On devient intermédiaire soi-même, passeur ; on devient messager, « missionnaire », envoyé en mission. On veut travailler à l’unification des autres : l’unité en eux-mêmes et par le fait même, l’unité entre les personnes. Avec le pardon naît une vie nouvelle tournée vers les autres. Dieu continue à écrire l’histoire à travers la fragilité de ceux qu’il envoie. Le pécheur pardonné est le seul à comprendre ce qu’il avait perdu.
Nous sommes déjà assez loin dans notre cheminement spirituel (chemin sous la conduite de l’Esprit, comme le psalmiste l’a demandé : « renouvelle mon esprit », « ne me reprends pas ton esprit saint », « que l’esprit généreux me soutienne »). Petit à petit le psalmiste s’est libéré de la culpabilité qui l’enchainait à lui-même pour être en relation avec Dieu, pour être devant sa face, pour entendre de nouveau les chants et la fête autour de lui. Maintenant seulement il est capable de nommer son péché qui l’a mis en route. Il peut dire enfin le mot qui est le seul vrai et simple et concret. Un mot de vérité, qui, parce qu’il est vrai, libère. Le psalmiste a pris suffisamment de distance par rapport à lui-même – il se sent suffisamment en confiance avec Dieu – pour pouvoir dire :
Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur (v. 16a).
Le psalmiste est… un meurtrier. (C’est l’interprétation traditionnelle). Il a versé du sang. C’est un assassin. Maintenant il est capable de le dire, il peut nommer sa faute. Pour lui, être sauvé signifie être libéré du sang versé. Voilà l’énormité de l’acte, un acte qui est bien le sien, qui n’a plus rien à voir avec le fait que, « bah, oui », tout le monde est né dans la faute et on est pécheur dès le sein maternel. Tout le monde n’est pas pour autant assassin ! Dans cette situation tout à fait particulière, Dieu devient aussi plus que jamais particulier : « Dieu, mon Dieu sauveur », et pas seulement le Dieu de tout le monde. Une fois de plus, Dieu sauveur est le sens du nom de Jésus.
Nous devons arriver, un jour – espérons sans faire de crimes majeurs – à cette confession de foi, que nous trouvons dans la bouche de saint Paul : « le Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Gal 2, 20). De la part de Paul qui n’a jamais connu Jésus de son vivant (comme nous d’ailleurs) c’est aussi une énormité ; surtout quand on se rappelle que Paul a poursuivi et assassiné des chrétiens !
Le verset – « Libère-moi du sang versé » – a fait attribuer ce psaume à David. David a volé Bethsabée, la femme d’Urie, pour coucher avec elle. Mais pour garder Bethsabée, David a fait tuer Urie, son époux. Urie était pourtant un de ses plus fidèles collaborateurs. Le prophète Nathan s’indignera pour tout cela fortement contre David (1Sam 11-12).
La libération de son crime fait dire au psalmiste (David) des paroles tout de même surprenantes (la deuxième partie du même verset) :
Et ma langue acclamera ta justice. (v. 16b)
N’est-ce pas choquant ? Où est la justice là-dedans ? Nous sommes certainement très loin du juge dont le psaume parlait au début, ce juge écrasant. Mais de là à appeler encore juste quelqu’un qui justifie un assassin, n’est-ce pas aller trop loin dans l’autre sens ? Cette soi-disant justice ne restitue pas la vie à Urie et ne redonne pas son mari à Bethsabée ! C’est irréaliste. Pensons (pour les Belges) à toute l’indignation dans l’affaire Dutroux et aux réactions suite à la libération conditionnelle de sa femme, Michèle Martin. Pour entendre ceci, nous préférerions que le psalmiste ait parlé de peccadilles. Mais dans une affaire aussi sérieuse ? C’est révoltant. Et qu’il s’agisse de David, ne fait qu’aggraver la situation (c’est ce que le prophète Nathan avait bien compris par ailleurs).
En fait nous sommes passés d’une justice vindicative (il faut condamner l’homme pécheur) à une justice de grâce (Dieu supprime le péché et recrée l’homme ; chez Lui il y a la gratuité à l’excès) . Mais ce n’est pas au psalmiste de s’en vanter. Le psalmiste l’a compris immédiatement. Oui, il a parlé trop vite et à la légère. C’est pourquoi il rectifie le tir :
Seigneur, ouvre mes lèvres,
Et ma bouche annoncera ta louange. (v. 17)
Si Dieu n’ouvre pas ses lèvres, rien n’en sortira. Mais si Dieu ouvre ma bouche, ce sera pour faire une annonce : l’annonce de la louange de Dieu (même pas de la libération du psalmiste, parce qu’il n’y a pas de quoi être vraiment fier). D’autre part, le psalmiste est vraiment capable de montrer le chemin aux pécheurs (comme il le disait au v. 15), parce qu’il est allé lui-même par ce chemin. Il ne présume plus de ses propres forces. Il sait qu’il ne peut pas se racheter lui-même. Mais il vit maintenant avant tout de sa relation à Dieu, « mon Dieu sauveur » (v. 16). Il n’a aucun mérite devant Dieu.
Un grand pas supplémentaire a été fait. Pas de mérite, pas de donnant-donnant. Le psalmiste sait maintenant, plus intimement que jamais, qu’on ne peut acheter Dieu.
Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas,
Tu n’acceptes pas d’holocauste. (v. 18)
Nous sommes tout à fait dans la spiritualité des prophètes. Jésus rappellera à plusieurs reprises la citation d’Osée (6, 6) : « C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice » (Mt 9, 13 ; 12, 7) . Le psaume précédent au nôtre – Ps 49 (50) – est d’ailleurs un long réquisitoire contre le peuple qui pense être juste à cause des sacrifices.
Le psalmiste a compris de quoi il s’agit, mais il l’a appris à travers la chute, l’échec, et l’humiliation :
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ;
Tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé. (v. 19)
Nous ne sommes pas devant un Dieu sadique qui veut que l’homme s’humilie pour être accepté. « L’esprit brisé » et « le cœur brisé et broyé » parlent de l’orgueil, de la prétention. Le psalmiste pensait pouvoir mépriser la loi. Il pouvait donc minimaliser l’importance de ses actes injustes. Maintenant ses yeux se sont ouverts et il voit tout le mal qu’il a fait. Cette humiliation le conduit vers la vraie humilité, celle qui aide à s’abandonner à Dieu et à entrer en même temps dans une relation de compassion avec le prochain.
Il se rend compte qu’avec son injustice, il a contribué à la destruction de sa communauté, de la « ville de Jérusalem ».
Le psaume montre aussi que le péché n’est pas effacé magiquement. Il laisse des traces profondes dans l’histoire et dans la conscience du psalmiste. Le pécheur pardonné reste encore fragile et vulnérable ; mais il est devenu plus humain . Nul ne peut consoler s’il n’a jamais souffert.
Accorde à Sion le bonheur,
Relève les murs de Jérusalem. (v. 20)
Selon certains commentateurs ce verset et le suivant, le dernier du psaume, sont un rajout. Peu importe pour nous. Ils font partie de notre texte. Le cœur sauvé, renouvelé qu’a reçu le psalmiste lui permet maintenant de s’ouvrir à la communauté, à la ville de Jérusalem, ville de paix. L’image est celle d’une ville ruinée. Et la ruine de Sion a eu lieu en 587 avant le Christ. Nous sommes donc historiquement parlant, à une époque bien plus tardive que celle de David (qui a vécu vers l’an 1000 a. JC.). Mais peu importe. Tout le processus que j’ai décrit de la culpabilité jusqu’au vrai sens du péché, le passage d’un Dieu jaloux au Dieu de vie, aide à la construction de la communauté. « Relève les murs de Jérusalem ». Qui les relève ? Dieu ? Le psalmiste bien sûr. Mais il s’appuie sur le pardon de Dieu grâce auquel il ne se noie plus dans le remords, comme au début du psaume. Sa guérison spirituelle lui permet maintenant de vivre un authentique repentir (volontaire et actif, au niveau moral) en travaillant à la reconstruction de sa communauté. Il n’est plus paralysé par sa faute. Au contraire, il assume sa responsabilité. Collaborer avec Dieu à la reconstruction de la ville est ainsi, dans la vision prophétique, de la part du psalmiste, un acte de réparation.
« La joie d’être sauvé » (v. 14) s’étend maintenant au peuple : c’est « le bonheur de Sion » (v. 20). On ne reste pas dans un monde individualiste et spirituel. Selon les prophètes c’est l’infidélité du peuple qui avait déclenché la destruction de Jérusalem et l’exil. L’homme sauvé et justifié pratique la justice. Ainsi il reconstruit la cité, il travaille pour la société humaine, il relève des murs qui mettent le prochain en sécurité. Cette ouverture sur la société plus large nous fait poser la question aujourd’hui, quel est le lien entre notre culpabilité personnelle d’une part et d’autre part le mal structurel, le péché collectif qui menace la création et l’humanité ?
Et alors seulement, les vieux rites peuvent avoir de nouveau un sens.
Alors tu accepteras de justes sacrifices, oblations et holocaustes ;
Alors on offrira des taureaux sur ton autel. (v. 21)
Le peuple (purifié dans ses membres) peut maintenant vivre de façon authentique l’Alliance. Celle-ci a effectivement prévu des sacrifices. Quand le peuple est fidèle, le rite est (ou redevient) agréable à Dieu. Evidemment, ce n’est pas dans la société d’aujourd’hui qu’on va encourager le sacrifice des animaux comme c’était le cas en Israël. Il me semble que l’idée à retenir est que des attitudes qui pourraient être seulement formalistes, trouvent un nouveau sens, leur vrai sens. Exactement comme Jésus n’a pas aboli les rites du temple (il y assistait et ses disciples l’ont fait aussi longtemps qu’ils n’étaient pas exclus de la synagogue). Et pourtant : quelle distance énorme entre la liberté de Jésus et le formalisme existant.
Des remarques qui auraient pu venir en introduction :
Il est bon d’approfondir les psaumes dans le cadre d’OJP. C’est que les psaumes sont déjà une prière. Ils nous aident donc à vivre notre relation à Dieu sous forme de prière… c’est précisément ce qu’OJP se pose comme but. Nous essayons de faire une expérience de la prière. Et la meilleure façon est d’entrer dans un texte concret. Aujourd’hui nous avons regardé d’un peu plus près un des psaumes les plus connus, les plus priés aussi : le Psaume 50 (51).
J’ai été guidé par quelques options qu’il est bon de rappeler plus clairement.
J’ai pris le texte du Ps 50 (51) comme nous le lisons en français pendant l’office à Orval, qui est la version œcuménique du texte liturgique. Je n’en discute pas la valeur. Comme tout texte il a ses limites. Cela vaut pour n’importe quelle traduction. Mais une fois qu’on a un texte devant soi, dans le cadre de la lectio, le but est de prier sans se laisser encombrer par des réflexions qui nous replient finalement sur nous-même au lieu de diriger notre attention vers Dieu. Dans la lectio, la première signification du texte est d’être comme un intermédiaire entre Dieu et nous. Dans la bible, Dieu nous donne des mots pour que nous puissions lui parler. Quand on rencontre un ami, on s’intéresse à sa personne plus qu’à ce qu’il dit ou ce qu’il fait. On s’intéresse à sa façon de parler et à son travail à cause de sa personne. Et pas l’inverse. On va de cœur à cœur ; pas d’idée en idée. Si on discute fermement, c’est encore d’abord pour le plaisir d’être ensemble. Nous nous situons dans l’amitié à un autre niveau. Dans un beau texte sur la lectio , Guillaume de Saint-Thierry, moine cistercien et théologien très instruit du 12e siècle, fait la distinction entre lectio et étude. Il dit que la lectio et l’étude sont comme l’amitié par rapport à l’hospitalité (les deux sont nécessaires, mais l’amitié est beaucoup plus intime) ; ou comme l’affection fraternelle en comparaison avec une simple salutation occasionnelle. Nous sommes à OJP pour faire l’expérience de l’amitié et l‘affection fraternelle ; pas pour séjourner quelques jours dans un hôtel où nous ne connaissons personne et pour nous contenter d’un geste de salutation à des inconnus.
Mon approche n’était pas exégétique (l’étude de la bible), aussi importante soit celle-ci. J’ai toutefois confronté mes réflexions à des études sérieuses. Le point de départ est resté le texte lui-même. Saint François demande de lire sa Règle « simplement et sans glose » , sans trop d’idées ajoutées. Ainsi, ma première option était de lire le texte, comme il nous est donné, offert dans la liturgie.
Deuxième option : s’attacher au texte ne veut pas dire seulement avoir de l’attention pour les mots utilisés. Un texte est plus qu’un assemblage de mots. Dans un texte il y a toute une dynamique. Et celui qui ne le voit pas, ne comprend pas le texte. Si un mot nous permet de faire une expérience spirituelle, c’est parce qu’il est utilisé dans le contexte plus large d’une phrase et du texte dans son ensemble. Dans le psaume 50 (51), le thème est celui de la faute et de la culpabilité. C’est une réalité avec laquelle chacun et chacune d’entre nous est confronté. Tout être humain – croyant ou pas – l’expérimente dans sa vie. Mais dans notre cas, le psalmiste se situe devant Dieu. Interviendra alors une autre notion : celle du péché. Aujourd’hui on n’aime pas trop parler du péché, peut-être parce que les générations précédentes en ont trop parlé. Le psaume nous aide, j’espère, à situer les choses de façon plus juste.
Voilà les deux principes : le texte comme il est (donc les mots comme ils se présentent) et la dynamique dans le texte.
Dans ce psaume, nous touchons de près la dimension psychologique et spirituelle de l’homme. Autant dire que le niveau spirituel se construit sur le niveau psychologique. Il doit le prendre en compte et ira en le renforçant ou en le guérissant. Le sujet est vaste.
Dans notre psaume, on part d’une culpabilité narcissique (le psalmiste est plus occupé de l’image de lui-même que de sa relation à Dieu). Puis, il passe par la phase névrotique : que Dieu me punisse. Le psalmiste est déjà préparé à encaisser la chose et à s’y conformer. Ces sentiments suscitent les désirs d’être purifié, de (re)devenir absolument pur. Heureusement, le psalmiste, à travers tous ces passages, ne rompt jamais la relation à Dieu. Il évolue petit à petit vers une vraie alliance de désir. Il sort d’une culpabilité pathologique pour vivre une vraie conversion. Il touche son vrai désir, qui élargit son existence vers Dieu en même temps que vers les autres et la communauté.