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BENOÎT XVI – TON RÈGNE EST UN RÈGNE ÉTERNEL PS 144, 14.17-18.21

11 juillet, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060208.html

BENOÎT XVI – TON RÈGNE EST UN RÈGNE ÉTERNEL PS 144, 14.17-18.21

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 8 février 2006

Ton règne est un règne éternel Lecture:  Ps 144, 14.17-18.21

1. Dans le sillage de la Liturgie qui le divise en deux parties, nous revenons sur le Psaume 144, un chant admirable en l’honneur du Seigneur, roi aimant et attentif à ses créatures. Nous voulons à présent méditer sur la deuxième des sections qui constituent le Psaume:  il s’agit des versets 14-21 qui reprennent le thème fondamental du premier mouvement de l’hymne. Dans celui-ci, on exaltait la piété, la tendresse, la fidélité et la bonté divine qui s’étendent à toute l’humanité, touchant chaque créature. A présent, le Psalmiste porte toute son attention sur l’amour que le Seigneur réserve de manière particulière au pauvre et au faible. La royauté divine n’est donc pas détachée et hautaine, comme cela peut parfois se produire dans l’exercice du pouvoir  humain.  Dieu  exprime   sa royauté en s’inclinant sur les créatures les plus fragiles et sans défense. 2. En effet, Il est tout d’abord un père qui « soutient tous ceux qui tombent » et qui relève ceux qui sont tombés dans la poussière de l’humiliation (cf.  v.  14). Les êtres vivants sont, en conséquence, tendus vers le Seigneur presque comme des mendiants affamés et Il offre, en père attentif, la nourriture qui leur est nécessaire pour vivre (cf. v. 15). A ce point, fleurit sur les lèvres de l’orant, la profession de foi dans les deux qualités divines par excellence:  la justice et la sainteté. « Le Seigneur est juste en toutes ses voies, saint dans toutes ses oeuvres » (v. 17). Il existe en hébreu  deux  adjectifs  typiques  pour illustrer l’alliance qui existe entre Dieu et son peuple:  saddiq et hasid. Ils expriment la justice qui veut sauver et libérer du mal et la fidélité qui est signe de la grandeur pleine d’amour du Seigneur. 3. Le Psalmiste se place du côté de ceux qui en bénéficient, qui sont définis par diverses expressions; en pratique, ce sont des termes qui constituent une représentation du véritable croyant. Celui-ci « invoque » le Seigneur dans une prière confiante, il le « cherche » dans la vie « avec un coeur sincère » (cf. v. 18), il « craint » son Dieu, respectant sa volonté et obéissant à sa parole (cf. v. 19), mais surtout il l’ »aime », assuré d’être accueilli sous le manteau de sa protection et de son intimité (cf. v. 20). La dernière parole du Psalmiste est, alors, celle par laquelle il avait ouvert son hymne:  c’est une invitation à louer et à bénir le Seigneur et son « nom », c’est-à-dire sa personne vivante et sainte qui oeuvre et apporte le salut dans le monde et dans l’histoire. Plus encore, son appel est un appel à faire en sorte qu’à la louange orante du fidèle s’associe chaque créature marquée par le don de la vie:  « Son nom très saint, que toute chair le bénisse toujours et à jamais! » (v. 21). C’est une sorte de chant éternel qui doit s’élever de la terre au ciel, c’est la célébration communautaire de l’amour universel de Dieu, source de paix, de joie et de salut. 4. Pour conclure notre réflexion, revenons sur ce doux verset qui dit:  « Il [le Seigneur] est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité » (v. 18). Cette phrase était particulièrement chère à Barsanuphe de Gaza, un ascète mort autour de la moitié du VI siècle, souvent interpellé par des moines, des ecclésiastiques et des laïcs pour la sagesse de son discernement. C’est ainsi, par exemple, qu’à un disciple qui exprimait le désir « de rechercher les causes des diverses tentations qui l’avaient assailli », Barsanuphe répondait:  « Frère Jean, ne crains rien des tentations qui sont apparues contre toi pour te mettre à l’épreuve, car le Seigneur ne te laisse pas en proie à celles-ci. Lorsque l’une de ces tentations te vient, ne prends donc pas la peine d’examiner ce dont il s’agit, mais crie le nom de Jésus:  « Jésus, aide-moi ». Et il t’écoutera car « il est proche de ceux qui l’invoquent ». Ne te décourage pas, mais cours avec ardeur et tu rejoindras l’objectif, dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Barsanuphe et Jean de Gaza, Epistolario, 39:  Collection de Textes patristiques, XCIII, Rome 1991, p. 109). Et ces paroles du Père de l’Antiquité valent également pour nous. Dans nos difficultés, problèmes et tentations, nous ne devons pas uniquement accomplir une réflexion théorique – d’où venons-nous? – mais nous devons réagir de façon positive, invoquer le Seigneur, maintenir un contact vivant avec le Seigneur. Nous devons même crier le nom de Jésus:  « Jésus, aide-moi! ». Et nous sommes certains qu’il nous écoute, parce qu’il est proche de celui qui le cherche. Ne nous décourageons pas, mais courons avec ardeur – comme le dit ce Père – et nous atteindrons nous aussi l’objectif de la vie, Jésus, le Seigneur.

LE HALLEL ÉGYPTIEN (psaumes 113 à 118)

12 avril, 2016

http://www.abouvet.org/ELOI/ps_2006_1.html

LE HALLEL ÉGYPTIEN

Conférences bibliques 2005-2006

On appelle Hallel, un mot formé à partir de la racine de la louange ‘’hallal’’, un ensemble de six psaumes de louange, les psaumes 113 à 118. Comme la grande merveille pour laquelle la louange d’Israël s’élève vers Dieu est la libération de l’esclavage et la sortie d’Égypte, sortie qui est d’ailleurs évoquée dans le psaume 114, le Hallel est souvent appelé Hallel égyptien. Le Hallel est récité notamment aux trois fêtes de pèlerinage, fête de Pâque, fête des Semaines, fête des Tentes, ainsi qu’à la fête de Hanoukka qui commémore la nouvelle dédicace du Temple en 167 après sa profanation par les Grecs. A Pâque, le Hallel est récité à la synagogue le matin de la fête mais aussi au cours de la célébration de la fête en famille la veille au soir. On dit avant le repas les psaumes 113 et 114 et cette récitation est précédée d’une déclaration solennelle enjoignant à chaque participant de s’identifier à ceux qui sont sortis d’Égypte. « Dans tous les siècles chacun de nous a le devoir de se considérer comme s’il était lui-même sorti d’Égypte, comme il est dit (en Exode 13,8) : Tu donneras alors cette explication à ton fils : C’est en vue de cela que le Seigneur a agi en ma faveur quand je suis sorti d’Égypte. Ce ne sont pas seulement nos ancêtres que le Saint, béni soit-il, a délivrés mais nous aussi il nous a délivrés avec eux, comme il est dit (Deutéronome 6,23) : Et nous il nous fit sortir de là pour nous amener ici, pour nous donner le pays qu’il avait promis à nos pères. » Les citations de l’Écriture montrent que nous sommes sortis d’Égypte pour servir le Seigneur. Nous ne faisons pas mémoire d’un évènement historique qui a eu lieu dans un passé lointain mais nous participons à une délivrance qui nous concerne à titre personnel. Nous sommes conviés à toutes les époques à rechercher notre libération des servitudes d’Égypte. Après cette déclaration s’élève la louange du ‘’C’est pourquoi’’. « C’est pourquoi nous avons le devoir de remercier, de chanter, de louer, de glorifier, d’exalter, de célébrer, de bénir, de magnifier et d’honorer Celui qui a fait pour nos ancêtres et pour nous tous ces miracles. Il nous a fait sortir de l’esclavage vers la liberté, de la détresse vers la joie, du deuil vers la fête, des ténèbres vers la lumière, de l’esclavage vers la rédemption. Chantons en son honneur un cantique nouveau. Hallelou-Yah ! » La sortie d’Égypte est évoquée par cinq images de sortie, de transformation ou de passage vers la liberté, la joie, la fête, la lumière, la rédemption. Pour les miracles que Dieu a faits dans le passé (pour nos ancêtres) et pour ceux qu’il fait pour nous aujourd’hui (ce paragraphe reprend l’actualisation du texte précédent), dans l’attente de la Rédemption finale, nous pouvons le louer sans retenue et le ‘’C’est pourquoi’’ déploie neuf verbes de louange (toute la gamme des verbes de louange du psautier) avant de terminer par le Hallelou-Yah qui introduit naturellement le psaume 113 dont il est le premier mot. Nous, chrétiens, pouvons adhérer pleinement à cette introduction à la récitation du Hallel en ajoutant aux passages nommés dans le ‘’C’est pourquoi’’ un autre passage, celui de la mort à la vie par la résurrection du Christ. A la fin du repas on termine le Hallel par la récitation des psaumes 115 à 118. Matthieu et Marc nous disent qu’à la fin du repas où fut instituée l’Eucharistie, Jésus a chanté des psaumes avec ses disciples : après le chant des psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers (Mat. 26,30). Il s’agit des psaumes qui ouvrent et ferment le repas pascal et prennent ainsi plus de prix encore à nos yeux .

LE PSAUME 113 Lecture du psaume pas à pas

1  Alléluia (Louez Yah) ! Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur ! 2  Que le nom du Seigneur soit béni dès maintenant et pour toujours 3  Du levant du soleil à son couchant loué soit le nom du Seigneur

Le psaume commence et se termine par Alléluia, mot qui est la transcription en français de l’hébreu Hallelou-Yah : Hallellou est un impératif pluriel du verbe hallal qui veut dire louer et Yah est une forme abrégée de YHWH, Hallelou-Yah signifie donc ‘’Louez Yah, louez le Seigneur !’’. Quand le célébrant prononce Alléluia dans notre liturgie il invite donc les fidèles à louer le Seigneur et ceux-ci répondent en s’invitant mutuellement à la louange. De même dans le psaume l’exclamation est à la fois un appel de celui qui préside la réunion des fidèles et une réponse de cette assemblée. Après l’exclamation initiale, le psaume commence par les deux composantes du début d’une louange d’invitation ou louange factitive (l’invitatoire en langage technique), l’impératif pluriel Louez et la mention de ceux qui sont appelés à louer serviteurs du Seigneur ; l’appel louez est ensuite repris (ce qui donne plus de vigueur à l’appel) et suivi cette fois du complément qui dit à qui s’adresse la louange, le Nom du Seigneur. Quand Dieu est apparu à Moïse dans le buisson ardent, il lui a révélé son nom personnel de quatre lettres, YHWH, et, comme vous savez, la tradition a choisi de ne pas prononcer ces quatre lettres (ou tétragramme) par respect, et de dire Seigneur ou Mon Seigneur chaque fois que ce Nom figure dans l’Ecriture. Louer le nom que Dieu a bien voulu donner à son peuple, c’est louer Dieu lui-même. Le verset 2 est une réponse de l’assemblée à l’invitation qui lui a été adressée : Que le nom du Seigneur soit béni dès maintenant et pour toujours. Quand l’homme bénit Dieu ou, comme ici, demande que Dieu soit béni, le verbe a le sens de louer comme on le constate, par exemple, au psaume 34, 2 : Je bénirai le Seigneur en tout temps, toujours sa louange à la bouche ; les deux stiques ont le même sens et l’un dit bénir quand l’autre dit louer (voir aussi le psaume 145,2). L’assemblée répond donc : que le Nom soit béni, loué, maintenant, par nous, par notre génération, et que cette louange se poursuive dans la suite des temps, c’est-à-dire qu’elle soit reprise par les générations à venir. L’assemblée poursuit sa réponse au v.3 et proclame : Du levant du soleil à son couchant loué soit le nom du Seigneur. Le verset précédent exprimait le vœu que la louange se poursuive de siècle en siècle, celui-ci fait le souhait que la louange du Seigneur s’étende à tout l’univers dont les limites sont désignées par l’orient où le soleil se lève et l’occident, lieu de son coucher. Le v.3 forme le vœu que le vrai Dieu soit reconnu et loué par tous les hommes pour que s’accomplisse la prophétie de Zacharie (14, 9) Alors le Seigneur se montrera le roi de toute le terre. En ce jour-là le Seigneur sera unique et son nom unique. La louange est le thème qui unifie la première strophe : en plus de l’Alléluia initial, le verbe ‘’louer’’ figure deux fois dans le v.1 et une fois dans le v.3 et un synonyme ‘’bénir’’ exprime la même action dans le v.2. L’assemblée est invitée à faire monter sa louange vers le Seigneur et répond en souhaitant que cette louange se prolonge sans fin dans le temps et s’étende jusqu’aux extrémités de la terre.

4  Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, au-dessus des cieux est sa gloire. 5  Qui est comme le Seigneur, notre Dieu, lui qui monte pour siéger, 6  lui qui s’abaisse pour voir, dans les cieux et dans la terre ?

Dans cette seconde strophe nous passons du plan horizontal à la dimension verticale, nous étions avec ceux qui louent, nous nous élevons vers Celui qui est loué. Le Seigneur est élevé, est plus haut que toutes les nations, dit le v.4, il les domine selon la traduction liturgique, il est aussi au-dessus des cieux, plus haut que les cieux. Il semble que le poète suggère que la louange continue dans les cieux car le participe ‘’ram’’ du verbe ‘’roum’’ traduit ici par il est élevé a, par ailleurs, une connotation de louange (comme en français le verbe exalter évoque la hauteur, l’altitude, et a, en même temps, le sens de louer). Le mot gloire (Kabod) à la fin du verset désigne la présence divine comme en Exode 40,34 et suggère aussi, comme le mot ram, la louange (rendons gloire…) ; derrière la transcendance de Dieu que proclame ce verset, on entend aussi, en contrepoint, que dans les cieux se poursuit la louange qui montait de la terre. Les versets 5 et 6 forment une seule phrase comme le montre le parallélisme évident entre 5b lui qui s’élève pour siéger et 6a lui qui s’abaisse pour voir. Le début de la phrase ne pose pas de difficulté : Qui est comme le Seigneur notre Dieu, lui qui … lui qui…mais que faire des derniers mots du v.6 dans la terre et dans les cieux ? La plupart des traducteurs les traitent comme un complément du verbe voir, mais cela donne un sens banal : Dieu voit dans la terre et dans les cieux. Ce choix bute en outre sur la proposition ‘’dans’’ du texte hébreu car la construction ‘’voir dans la terre’’ est inappropriée et les traducteurs sont obligés de modifier la préposition en ‘’vers’’ (texte liturgique) ou ‘’sur’’ (Dhorme dans la Pléiade) ou encore de la supprimer (TOB). Il vaut mieux respecter le parallélisme parfait entre 5b et 6a (pourquoi l’un seulement de ces deux stiques aurait-il un complément ?) et rattacher 6b à 5a : Qui est comme le S’ notre Dieu …dans la terre ou dans les cieux ? Y a-t-il un Dieu comparable au nôtre où que ce soit ? Et au cœur de l’inclusion ainsi formée par 5a et 6b se trouve la raison de la grandeur unique de notre Dieu : lui qui s’élève pour siéger, lui qui s’abaisse pour voir. Notre Dieu est celui qui à la fois siège ou trône au plus haut et celui qui accepte de s’abaisser pour voir. On note que la préposition ‘’dans’’ qui posait problème dans la solution précédente, convient parfaitement, au contraire, si elle s’inscrit dans la question : Qui peut se comparer à notre Dieu dans la terre ou dans les cieux ? Quand le psaume nous dit que Dieu s’abaisse pour « voir », il ne faut pas penser que ce voir signifie le regard neutre d’un observateur détaché, indifférent, mais il faut l’entendre comme en Exode 2,25 : quand Dieu entendit la plainte des fils d’Israël opprimés en Egypte, Dieu vit les fils d’Israël et Dieu connut… Le verset est interrompu mais nous comprenons que Dieu a fait plus que regarder, il a ressenti les peines d’Israël et a décidé d’intervenir : il va apparaître à Moïse au buisson ardent et, dès ses premiers mots, le verbe ‘’voir’’ revient (Ex. 3, 7) : J’ai vu, vraiment vu, la misère de mon peuple et il précise : Je connais ses souffrances puis il renvoie Moïse en Egypte pour faire sortir son peuple de l’esclavage. On comprend la force de ce « voir » de Dieu.

7  De la poussière il met debout le pauvre, du tas d’ordures il élève l’indigent, 8  pour le faire siéger avec les princes, avec les princes de son peuple. 9  Il fait siéger la femme stérile dans la maison, mère de fils, heureuse.

Alléluia (Louez Yah) !

Pour Dieu, voir incite à l’action et la troisième strophe du psaume donne des exemples des interventions divines. Le v.7 est construit selon deux propositions strictement parallèles; les deux mots traduits par pauvre et indigent (dal et ‘ébyon) ont le même sens et vont souvent de pair comme en Ps 72,13 et 82,4 ; ces malheureux sont sortis de la poussière ou des ordures, encore deux termes très proches, ils sont mis debout ou relevés, de nouveau des synonymes. Arrêtons-nous un instant sur la forme des versets. Vous savez que la poésie hébraïque joue très souvent sur le parallélisme des stiques : nous avons ici, au v.7, un bon exemple de parallélisme synonymique où les deux membres du verset se répondent terme à terme. Un peu plus haut nous avons rencontré en 5b et 6a un cas de parallélisme antithétique où les deux stiques s’opposaient : Lui qui s’élève pour siéger, lui qui s’abaisse pour voir. Quand les deux stiques disent la même chose, ils nous permettent de nous imprégner du sens, d’entrer dans la méditation et la prière. Quand ils forment contraste les oppositions nous incitent à creuser la signification : en quoi siéger sur un trône s’oppose-t-il à voir ? Revenons au fond : l’image du pauvre assis dans la poussière n’est pas seulement une métaphore mais, souvent, comme nous le montrent les médias ou le spectacle de la rue, l’expression de la réalité ; il en va de même pour le tas d’ordures où l’exclus cherche sa nourriture et un abri. La phrase se poursuit en v.8 : le Seigneur relève le malheureux pour le faire siéger avec les princes, avec les princes de son peuple. Le mot hébreu traduit par princes peut aussi être rendu par puissants ou grands, peu importe : la miséricorde divine non seulement redresse le malheureux mais le sort de son exclusion, le fait entrer parmi les princes de son peuple. En français comme en hébreu le pronom son est ambigu : s’il renvoie au miséreux, le psalmiste nous dit que celui-ci est réintégré dans sa communauté ; cette précision est importante car le miséreux dans les psaumes de supplication, souffre de la pauvreté, de la maladie mais aussi de la haine, de l’exclusion et du mépris; pensons notamment à la victime du psaume 22, méprisée par tous avant d’être relevée et d’entonner la louange au milieu de ses frères. Si le pronom son renvoie au Seigneur, ces mots désignant alors le peuple du Seigneur diraient que le pauvre va s’asseoir au milieu des justes, des élus. Le poète qui a écrit le psaume 113 a choisi d’employer les mêmes verbes pour parler de Dieu dans la strophe centrale et pour décrire son action en faveur des malheureux dans la strophe finale. La version proposée ci-dessus reprend, elle aussi, les mêmes verbes, quitte à sacrifier quelque peu l’élégance de la traduction, car ces répétitions ont un sens. Le poète exprime en effet le sort de l’indigent en disant que le Seigneur l’élève, le fait monter, en employant le même verbe ‘’roum’’ qu’il appliquait, au début du verset 4, au Seigneur lui-même qui est élevé. Il use aussi du même verbe pour dire que le Seigneur siège dans les hauteurs en 5b et qu’il fait siéger le pauvre parmi les princes de son peuple en 8. Cette reprise des mêmes verbes appliqués à Dieu d’abord et ensuite au pauvre qu’il redresse et relève, puis fait asseoir ou trôner sont, je pense, une manière discrète de suggérer que le Seigneur rapproche de lui, fait, si on peut dire, participer à sa condition le misérable qu’il remet debout. Le v.9 présente un autre exemple des interventions du Seigneur. Il s’agit cette fois de la femme stérile, celle qui ne peut pas avoir d’enfant, et qui est donc, selon les mœurs de ce temps, méprisée et repoussée par son mari, et doit finir sa vie dans la solitude et la pauvreté. Le Seigneur fait siéger la femme stérile dans la maison ; par la grâce du Seigneur la délaissée siège ou trône au foyer, car elle est devenue mère de fils, heureuse. Le verbe siéger, appliqué ici à la femme stérile comme il l’était à Dieu en 5b, laisse entendre que cette femme est, comme le pauvre, appelée à être proche du lieu où siège le Seigneur.

Le plan du texte Nous distinguons maintenant le plan de ce petit poème. Il comprend trois parties de trois versets chacune et l’ensemble est encadré par deux Alléluia. La première (1 à 3) traite de la louange adressée à Dieu : invitation à la louange, vœu que cette louange s’étende à la totalité du temps et de l’espace. La deuxième (4 à 6) parle de Dieu à qui s’adresse la louange ; il faut lire à la suite 5a et 6b qui forment une inclusion où s’insère l’affirmation centrale du psaume Lui qui s’élève pour siéger (sur son trône) et s’abaisse pour voir. La troisième (7 à 9) donne deux exemples du ‘’voir’’ divin : il relève le pauvre, il donne des enfants à la femme stérile.

Les échos du psaume dans la tradition juive Un midrash met, de manière surprenante, le premier verset de notre psaume dans la bouche de Pharaon lui-même. Avant de le raconter, une précision de vocabulaire : en hébreu le mot ‘’ébed’’ (qui figure au pluriel dans le premier verset du psaume 113) signifie à la fois esclave ou serviteur comme le mot ‘’abodah’’ de la même racine veut dire, selon le contexte, servitude, esclavage, ou service, notamment le service divin c’est à dire le culte. Le midrash raconte que la nuit où tous les premiers-nés d’Egypte furent frappés de mort, le puissant Pharaon perdit toute sa superbe et, affolé, se leva (Ex. 12,30), alla dans le quartier où habitaient les Hébreux, chercha dans l’obscurité la maison de Moïse et il appela Moïse et Aaron pendant la nuit (Ex. 12,31) ; il frappait à leur porte et les suppliait de partir (12,32) ; ils lui répondirent : Si tu veux que nous partions, reconnais que nous ne sommes plus tes esclaves, que nous sommes des hommes libres. Pharaon, qui avait enfin compris la puissance du Dieu d’Israël, commença alors à crier en disant : Vous étiez mes esclaves mais maintenant vous n’êtes plus à mon service, vous êtes au service du Seigneur et, puisque vous êtes ses abadim (pluriel de ébed) vous devez le louer et il les exhortait « Louez, esclaves du Seigneur, louez le Nom du Seigneur ! » Ce midrash donne une saveur particulière au verset qui ouvre les six psaumes qui forment le hallel égyptien, une louange en six psaumes que les fils d’Israël font monter vers Dieu qui les a fait sortir d’Egypte. La nuit de la Pâque est le moment où Israël sort de la servitude grâce à l’intervention du Seigneur, devient le peuple de Dieu et peut commencer à louer son Dieu en l’invoquant par le Nom de quatre lettres, YHWH, que Lui-même a révélé à Moïse depuis le buisson ardent avant de l’envoyer en Egypte. Le verset 2 exprime le vœu que le Nom qui est loué pour la première fois dans l’histoire de l’humanité à la sortie de la mer (Exode chapitre 15) soit loué de génération en génération, ce qui est la vocation d’Israël. Le verset 3 met en relation la vocation d’Israël et l’ensemble des nations : Israël aspire au jour où la terre entière louera le Seigneur selon les prophéties de Malachie 1,11 et de Sophonie 3,9-10. Les versets qui sont au centre du poème mettent l’accent sur le caractère incomparable de ce Dieu qui est à la fois le Très Haut, l’Ineffable et dans le même temps celui qui s’abaisse et voit la misère de l’homme, la connaît intimement ; nous avons déjà cité les passages de l’Exode qui donnent au mot ‘’voir’’ toute sa force. L’interrogation « Qui est comme le Seigneur notre Dieu ? » est une manière de dire qu’Il est unique et fait écho à la prière fondamentale d’Israël : Ecoute Israël : le Seigneur notre Dieu le Seigneur est l’Unique. L’affirmation que Dieu est à la fois le Très-Haut, le Saint et, en même temps, si on peut dire, le Très Bas, celui qui se penche vers nous, nous écoute et nous voit est au cœur de la foi juive ; un bon commentaire de cette affirmation du centre du psaume, est donné par Isaïe dans une annonce de salut en 57,15 : Car ainsi parle celui qui est haut et élevé, qui demeure dans l’éternité et saint est son nom : Haut et saint je demeure tout en étant avec le broyé et celui de souffle abaissé pour le faire revivre… La tradition juive ne propose pas de personnage historique à qui puisse s’appliquer les versets 7 et 8 de notre psaume mais réfère ces mots au peuple tout entier : ce pauvre que Dieu relève du fumier, c’est Israël réduit à la misère et à la servitude pendant l’exil à Babylone que le Seigneur fait revenir dans sa terre puis soutient dans ses épreuves au cours des siècles. Le dernier verset peut lui aussi être appliqué collectivement à Israël : ce verset est mis en relation avec deux passages d’Isaïe (49,21-24 et 54,1-3) où Jérusalem est d’abord qualifiée de stérile puis voit miraculeusement ses enfants revenir en foule dans ses murs.

Une homélie rabbinique sur le verset 113, 9 La lecture de ce verset du psaume 113 donne l’occasion de rappeler des étapes de l’histoire du salut antérieures à la sortie d’Egypte et de remonter jusqu’aux patriarches. Voici un texte du 5e siècle extrait de la Pesiqta de Rav Kahana, un recueil d’homélies commentant des lectures faites au cours de la liturgie du shabbat à la synagogue. L’homélie porte sur le dernier verset du psaume 113 et tout le commentaire est construit selon un même schéma : rappel du premier stique de 113,9 qui parle de manière générale d’une femme sans enfant puis citation d’un verset de l’Ecriture qui mentionne la stérilité d’un personnage féminin, citation du second stique de 113,9 affirmant que la stérile est devenue mère et citation d’un verset de l’Ecriture montrant que la femme sans descendance mentionnée précédemment a été comblée par une ou plusieurs naissances. Voici donc l’homélie de rabbi Kahana. Il établit la femme stérile sans maison (c. à d. sans enfants), mère de fils, heureuse (113,9). Il y a sept femmes stériles : Sara, Rébecca, Rachel, Léa, la femme de Manoah, Anne et Sion. Première interprétation. Il établit la femme stérile sans maison : il s’agit de notre mère Sara ‘’Et Sara était stérile’’ (Genèse 11,30), mère de fils heureuse : ‘’Sara a allaité des fils’’ (Gen. 25,21). Autre interprétation. Il établit la femme stérile sans maison : c’est Rébecca ‘’Et Isaac supplia le Seigneur en faveur de sa femme car elle était stérile’’ (Gen. 25,21), mère de fils, heureuse : ‘’Et le Seigneur exauça sa supplication et Rébecca sa femme conçut’’ (id.). Autre interprétation. Il établit la femme stérile sans maison : c’est Léa ‘’Et le Seigneur vit que Léa était haïe et il ouvrit son sein’’ (Gen. 29,31), de là nous apprenons que Léa était d’abord stérile, mère de fils heureuse : ‘’car je lui ai enfanté six fils’’ (Gen. 30,20). Autre interprétation. Il établit la femme stérile sans maison : c’est Rachel ‘’Rachel était stérile’’ (Gen. 29,31), mère de fils heureuse : ‘’les fils de Rachel, Joseph et Benjamin’’ (Gen. 35,24). Autre interprétation. Il établit la femme stérile sans maison : c’est la femme de Manoah ‘’Un ange du Seigneur apparut à la femme et lui dit : Vois, tu es stérile et tu n’as pas eu d’enfant’’ (Juges 13,3), mère de fils heureuse : ‘’mais tu concevras et enfanteras un fils’’ (id.). Autre interprétation. Il établit la femme stérile sans maison : c’est Anne ‘’Pennina avait des enfants mais Anne n’avait pas d’enfant’’ (I Samuel 1,2), mère de fils heureuse : ‘’Anne conçut et enfanta trois fils et deux filles’’ (I Sam. 2,21). Autre interprétation. Il établit la femme stérile sans maison : c’est Sion ‘’Pousse des acclamations, stérile, toi qui n’as pas enfanté’’ (Isaïe 54,1), mère de fils heureuse ‘’Et tu diras alors dans ton cœur : Qui me les a enfantés, tous ceux-là, à moi qui étais privée d’enfant et solitaire ?’’ (Isaïe 49,21). Quelques mots d’abord sur les femmes mentionnées dans cette homélie. La première matriarche citée est Sara ; longtemps stérile, elle donna le jour à Isaac à l’âge de 90 ans alors que son époux, Abraham, était âgé de 100 ans. Rebecca, épouse d’Isaac, demeura longtemps stérile puis devint mère des jumeaux Esaü et Jacob. Léa devint par ruse la première épouse de Jacob ; sa stérilité n’est pas explicitement mentionnée dans l’Ecriture mais déduite de l’expression ‘’ Il [le Seigneur] ouvrit son sein’’ : ce sein était donc fermé ; elle devint ensuite mère de six fils et d’une fille. Rachel, sœur cadette de Léa et préférée de Jacob, fut longtemps stérile et eut enfin deux fils, Joseph et Benjamin. La femme désignée dans le texte comme épouse de Manoah est plus connue comme mère de Samson qui devint juge en Israël et dont la force était proverbiale. L’histoire d’Anne nous est contée au début du livre de Samuel. Elle était aimée de son époux mais ne pouvait lui donner d’enfant ; en pèlerinage au sanctuaire de Silo, elle implora le Seigneur de lui donner un fils et fut exaucée, elle enfanta Samuel et le voua au service divin. Quand elle conduisit son fils au temple de Silo, auprès du prêtre Eli, elle chanta un cantique (I Sam. 2, 1-10) qui comporte des points communs avec le psaume 113, en particulier ces mots (2,8) : de la poussière, il met debout le pauvre, du tas d’ordures il élève l’indigent, pour les faire siéger avec les princes, leur attribuer la place d’honneur. La fin de l’homélie concerne Sion, petite colline où se trouvait le palais de David, au sud-est de Jérusalem, dont le nom sert parfois pour désigner toute la ville. Une prophétie d’Isaïe parle à Jérusalem en lui disant Toi, la stérile qui n’enfante plus. Mais si l’Ecriture parle ainsi c’est paradoxalement une annonce de bonheur. En effet un passage de la Pesiqta cite un peu plus loin un maître qui dit « En tout passage (de l’Ecriture) où il est dit elle n’a pas, qu’elle ait ». Autrement dit, quand l’Ecriture parle d’un manque, cela annonce que ce manque sera comblé. Dire de Jérusalem, comme des femmes nommées dans le midrash, qu’elle est stérile, c’est annoncer qu’elle va être comblée. Et, en effet, la même prophétie se poursuit en disant :les voici en foule les fils de la désolée… Élargis l’espace de ta tente… car à droite et à gauche tu vas déborder, ta descendance héritera des nations … Il faut donc entendre la fin du psaume comme l’annonce que Sion aujourd’hui en exil, déracinée, sera demain restaurée, siégera auprès de son époux qui l’aime, recevra l’hommage de tous les peuples : le Seigneur lui donnera le bonheur, la joie et la paix.

Une lecture chrétienne du psaume La naissance de Jean le Baptiste, fils de parents avancés en âge, racontée au début de l’Evangile de Luc s’inscrit dans la suite des naissances miraculeuses que nous venons de rappeler et on pourrait poursuivre l’homélie du maître juif en ces termes : ‘’Autre interprétation. Il établit la femme stérile sans maison, c’est d’Élisabeth qu’il s’agit : Elisabeth était stérile et ils étaient tous deux avancés en âge (Luc 1,7), mère de fils heureuse : quand vint le temps où elle devait accoucher, elle mit au monde un fils (Luc 1,57).’’ Quand Marie conçoit, l’intervention divine prend place dans la continuité de ces fécondités miraculeuses mais elle introduit aussi une nouveauté radicale qui surpasse infiniment toute attente : une vierge conçoit et va devenir la mère de Dieu. On remarque la parenté entre ce psaume et le Magnificat de Marie : elle aussi loue le nom du Seigneur « Saint est son Nom », elle aussi chante le Dieu qui élève les humbles, ‘’elle est surtout, par excellence, cette femme heureuse à qui Dieu donne une postérité inespérée, parce que virginale, et que toutes les générations diront bienheureuse « (n1) Le Dieu qui accepte de s’abaisser pour voir et connaître la condition des hommes se révèle dans l’incarnation de Jésus, fils de Dieu et fils de l’homme. L’hymne de la lettre aux Philippiens 2, 6-11 est la traduction chrétienne du thème central du psaume 113. Et pour Jésus qui a prononcé ce psaume à la veille de sa passion, les mots de la poussière il relève le pauvre pour le faire asseoir avec les princes devaient avoir le sens d’une promesse prophétique : lui, le Pauvre, allait sortir de la poussière de la mort, se lever puis s’asseoir à la droite de Dieu. Le psaume dit que Dieu met debout le pauvre et élève l’indigent mais, s’il arrive parfois que Dieu intervienne directement, c’est généralement par des mains humaines, par nos mains, qu’il agit. ‘’Qui pourrait dire sincèrement que « Dieu relève le faible », si, dans ses comportements concrets, il n’essayait pas de participer à la promotion des plus défavorisés de nos sociétés ? … A côté des grands engagements … il y a mille formes d’action, d’aide, de compassion que chacun peut vivre à sa manière. « (n2)

_____________________ n1 Noël Quesson : 50 psaumes pour tous les jours, tome 1 p. 257. n2 Noël Quesson, ouvrage cité, p. 259.

LA PRIÈRE, EXPÉRIENCE DE LA LIBERTÉ (PSAUME 6)

22 mars, 2016

https://oratoiredulouvre.fr/predications/la-priere-experience-de-la-liberte-psaume-6.php

LA PRIÈRE, EXPÉRIENCE DE LA LIBERTÉ (PSAUME 6)

Culte du dimanche 23 juin 2013 à l’Oratoire du Louvre, prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, il y a une multitude de récits guerriers dans la Bible qui font une large place aux massacres, aux coups fourrés et qui sont autant d’entorses à la morale. Que viennent faire toutes ces batailles dans un livre dont on aimerait qu’il ne contienne que des paroles de paix et d’harmonie, des hymnes à l’amour, des chants d’allégresse ? Je pense que tous ces récits ont leur place dans ce compagnon de vie qu’est la Bible. Pour que la Bible soit un compagnon de route utile, il faut, certes, qu’elle soit capable de donner plus d’ampleur aux bons moments, mais il faut qu’elle soit capable, également, de nous aider à traverser les mauvaises passes, ces moments où nous errons dans les vallées où planent l’ombre de la mort. C’est en abordant de front ces mauvais moment de la vie que la Bible peut nous être d’un précieux secours et c’est la raison pour laquelle je pense qu’il ne faut pas s’émouvoir outre mesure qu’il y ait tant d’horreur dans les textes bibliques : c’est que la vie, par bien des aspects, est assez horrible. Ainsi, les textes bibliques ont leur place sur les champs de bataille, qu’il s’agisse de guerres armées ou des conflits auxquels nous devons faire face au jour le jour. Pour prendre le cas le plus radical, celui de la guerre au sens militaire du terme, la Bible a été utilisée pour donner des mots à ces soldats qui étaient affrontés à l’indicible. Si nous prenons l’exemple de la première guerre mondiale, vous serez en droit de dire que les prières n’étaient pas théologiquement correctes. La haine de l’autre se versait dans ces prières au même débit que la mitraille. C’était un temps où l’on bénissait les canons pour qu’ils visent juste. Quelques années après, les aumôniers militaires de l’époque étant devenus professeurs de théologie, on aurait pu imaginer que les mentalités avaient changé et que, plus jamais, on ne demanderait à Dieu de prendre part à la violence du combat. En juillet 1942, lorsque l’aspirant Zirnheld, un SAS, fut tué en Lybie, on retrouva sur lui cette prière ainsi formulée :

Je veux l’insécurité et l’inquiétude. Je veux la tourmente et la bagarre, Et que vous me les donniez, mon Dieu, Définitivement. Que je sois sûr de les avoir toujours Car je n’aurai pas toujours le courage De vous les demander.

Ce sont les mots de cette prière désormais intitulée « prière des paras » qui ont été utilisés pour les hymnes actuels de l’Etat Major Inter-Armes et le 8ème RPIMa. « Je veux l’insécurité et l’inquiétude. Je veux la tourmente et la bagarre »… voilà des demandes pas très évangéliques, des demandes qui font froid dans le dos. Nous sentons bien que ce n’est pas ce qu’il faudrait demander à Dieu et pourtant… le livre des prières de la Bible, le livre des Psaumes, ne résonne-t-il pas de ces mêmes demandes ? Ne résonne-t-il pas de ces mots a priori pas très évangéliques et qui, pourtant, ont été retenus comme des mots et des prières dignes de figurer dans la Bible ? « Je les hais d’une haine parfaite, ils sont pour moi des ennemis » au psaume 139, « Toi, Eternel, Dieu des armées, Dieu d’Israël, lève-toi pour intervenir contre toutes les nations ! Ne fais grâce à aucun de ces traîtres injustes ! » au psaume 59, « enfonce ton pied dans le sang et que la langue de tes chiens ait sa part des ennemis » au psaume 68, « que leur route soit ténébreuse et glissante et que l’ange de l’Eternel les poursuivent, ceux qui méditent mon malheur » au psaume 35 et les psaume 94, dans lequel un croyant dit : « Dieu des vengeances, Eternel ! Dieu des vengeances, parais dans ta splendeur ! »…

1. on peut tout dire à Dieu Il y a le meilleur et le pire dans la Bible : ce qui nous fait rêver et ce qui nous réveille en nage. Le livre des prières de la Bible n’est pas exempt, non plus, de toutes ces phrases terribles qui expriment des sentiments de violence, de vengeance, de haine… avec le psaume 6 dont les mots sont moins durs, tous ces psaumes nous montrent qu’il est possible de tout dire à Dieu. Et sans fioriture. La prière n’est pas le moment où il faut dire des choses justes sur Dieu mais le moment on l’on dit à Dieu des choses justes sur soi. Et si ces choses sont terribles, il n’y a pas de raison de les dissimuler sous de belles formules consacrées. Le livre des psaumes nous apprend à prier en laissant de côté les formules rituelles, les formules toutes faites, qui sont théologiquement justes mais qui ne disent peut-être pas exactement ce que l’on a vraiment sur le cœur. Le livre des psaumes est cette école de la prière où l’on apprend qu’il est possible de tout dire à Dieu. On ne s’adresse pas à Dieu pour lui dire ce qu’on imagine qu’il aimerait entendre : on lui parle pour lui exprimer ce que l’on pense vraiment, ce que sont nos sentiments profonds. Cela signifie qu’une prière authentique est forcément unique en son genre. Si la prière est le dialogue entre une personne et Dieu, ce qui s’y dira sera forcément singulier. C’est pour cela que la prière est d’abord un acte individuel. C’est seul, dans un face à face avec le divin, autrement dit en plaçant notre existence face à l’absolu, que les choses peuvent honnêtement se dire. Parce que nous sommes uniques, notre vérité est unique et notre prière le sera aussi, nécessairement. En soi, la prière communautaire a toujours un caractère artificiel parce qu’elle gomme ces aspérités qui sont propres à chacun, depuis la manière que nous avons de nommer Dieu dans l’intimité, jusqu’à la manière de dire ce qu’on a à dire. Les Psaumes nous autorisent à sortir des prières rituelles toutes faites et nous invitent à nous exprimer en toute liberté. On est mal, on transpire de tristesse, on se sent usé : à la manière du psaume 6, nous pouvons dire tout cela dans notre prière et plus encore. Nous n’en pouvons plus, il y en a marre, on a envie de vomir tellement la vie nous écœure ? Notre vérité est bonne à dire. C’est alors que la prière est l’apprentissage de la liberté.

2. Il faut laisser Dieu nous répondre En contrepartie, il faut aussi laisser à Dieu la liberté de nous répondre. Nous pouvons tout lui dire, mais encore faut-il accepter de tout entendre en retour. Les psaumes nous apprennent que Dieu n’est pas sourd à nos prières ou, pour être plus précis, que notre prière ne reste pas sans effet, qu’elle ne laisse pas le monde indemne. Ici, le psalmiste affirme que Dieu a entendu ses pleurs, ses supplications. Le psalmiste ne dit pas ce que Dieu lui a répondu, il ne répète pas ce qu’il a compris de la réponse de Dieu. Il dit juste qu’il a perçu que sa prière avait trouvé un écho auprès de Dieu. Ce qu’il a pleuré est désormais à l’œuvre dans le cours de l’histoire. De la même manière que chaque prière est unique, la réponse ou les éléments de réponse que l’Eternel offrira seront eux aussi uniques ! Les psaumes nous apprennent que l’Eternel ne répond pas nécessairement en nous apportant ce que nous lui demandons. Lorsque la mort de l’adversaire est souhaitée, c’est plutôt la libération du psalmiste qui est offerte. Il y a souvent un déplacement entre la demande et l’exaucement. L’exaucement ne consiste pas dans une réponse symétrique à notre demande, mais dans une évolution de la situation dans laquelle nous nous trouvons. La prière ne nous fait pas retrouver l’être perdu, par exemple, mais elle transforme l’absence insupportable en nous rendant capable d’une forme de présence au monde renouvelée. Un jour une petite fille rentre à la maison avec un air plutôt maussade. Sa mère lui demande ce qu’elle a. Elle répond qu’une amie vient de casser sa poupée. Sa mère lui demande ce qu’elle a fait pour aider son amie, si elle l’a aidée à réparer la poupée. Et la petite fille lui répond que ce qu’elle a fait, c’est de s’asseoir à côté d’elle, et qu’elle l’a aidée à pleurer. Il semble que, bien souvent, c’est ainsi que la prière agit : elle nous permet de faire une place à celui qui vient à nous, comme un ami qui viendrait s’asseoir à côté de nous pour nous aider à pleurer, pour que tout sorte, pour que nous exprimions plus encore ce que nous avons au fond de nous. Répondre, ce n’est pas forcément donner une solution à un problème. Il suffit de relire ce que le livre de Job dit au sujet de ses amis pour comprendre cela.

3. Dieu retisse en nous l’espérance La prière, c’est une occasion de pouvoir tout dire à Dieu, de mettre en pleine lumière ce qui nous interroge ou ce qui nous fait mal. La prière c’est aussi laisser à l’Eternel la liberté de répondre comme il le souhaite et non comme je le souhaite. C’est accepter que ce qui sera bon pour moi n’est pas nécessairement ce que j’avais envisagé. Quelle que soit la forme de cette réponse, elle a toujours un même objectif : retisser en nous l’espérance qui nous permettra de reprendre pied dans la vie. Les méchants ne sont pas terrassés devant le psalmiste. D’ailleurs, il est fort possible que les ennemis du psalmiste ne soient pas des personnes mais des soucis, des tracas, des ennuis. Preuve en est que le psalmiste demandait à Dieu de le guérir, au verset 3 ; il est donc probable qu’il se sente malade et que l’adversité à laquelle il doit faire face soit une maladie, peut-être une dépression. Dieu a répondu au psalmiste, mais Dieu ne l’a pas guéri. Il a mis de la distance entre lui et l’adversité qui le rongeait. Dieu a mis de la distance entre le psalmiste et sa détresse qui va reculer, ainsi que nous le lisons au dernier verset. Nous ne savons pas ce que fut précisément la réponse de Dieu car il n’y a pas un mode unique de réponse à la prière. En revanche, nous voyons l’effet de la prière : ce qui semblait être une situation inextricable, ce qui apparaissait comme un malheur irrémédiable, s’est fissuré. L’espérance gagne à nouveau le cœur du croyant qui découvre un nouvel horizon, un nouvel espace. Une vie est à nouveau possible. L’adversité n’a pas disparu, mais elle n’a plus l’emprise que supposait le psalmiste. Dieu n’a pas écrasé l’adversité qui écrasait le croyant : il a révélé au croyant que l’adversité n’avait pas la force qu’on voulait bien lui prêter, que le malheur n’était pas insurmontable. Désormais, ce ne sont plus ses os qui tremblent mais ce qui était la cause de ses ennuis. La prière permet à Dieu de remettre les choses à leur place, de remettre de l’ordre dans la vie, dans notre propre vie. Chers frères et sœurs, on peut tout demander à Dieu. On peut lui demander « l’insécurité et l’inquiétude. On peut lui demander la tourmente et la bagarre », on peut vider son sac sans rien retenir, mais on doit aussi laisser à l’Eternel le soin de nous donner ce qui est bon pour nous, et accepter ce qu’il convient de faire de notre violence, de notre haine, de nos tristesses, non pas en fonction de notre humeur du moment, mais en fonction de ce qui est un bien absolu. C’est ainsi que nous pouvons permettre à l’Eternel de retisser en nous l’espérance.

Amen  

BENOÎT XVI – ACTION DE GRÂCE – LECTURE: PS 137, 1-4.8

27 janvier, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2005/documents/hf_ben-xvi_aud_20051207.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 7 décembre 2005

ACTION DE GRÂCE – LECTURE:  PS 137, 1-4.8

1. Placé par la tradition juive sous le patronage de David, même s’il est probablement apparu à une époque successive, l’hymne d’action de grâce que nous venons d’entendre s’ouvre par un chant personnel de l’orant. Il élève sa voix dans le cadre de l’assemblée du temple ou, tout au moins, en ayant comme référence le Sanctuaire de Sion, siège de la présence du Seigneur et de sa rencontre avec le peuple des fidèles. En effet, le Psalmiste confesse qu’il se « prosterne vers ton temple sacré » de Jérusalem (cf. v. 2):  là, il chante devant Dieu qui est dans les cieux avec sa cour d’anges, mais qui est également à l’écoute dans l’espace terrestre du temple (cf. v. 1). L’orant est certain que le « nom » du Seigneur, c’est-à-dire sa réalité personnelle vivante et active, et ses vertus de fidélité et de miséricorde, signes de l’alliance avec son peuple, représentent le soutien de toute confiance et de toute espérance (cf. v. 2). 2. Le regard se tourne alors, l’espace d’un instant, vers le passé, au jour de la souffrance:  alors, au cri du fidèle angoissé avait répondu la voix divine. Elle avait diffusé le courage dans l’âme troublée (cf. v. 3). L’original en hébreu parle littéralement du Seigneur qui « a troublé la force dans l’âme » du juste opprimé:  comme s’il s’agissait de l’irruption  d’un  vent  impétueux qui balaye les hésitations et les peurs, confère une énergie vitale nouvelle et fait fleurir la force et la confiance. Après ce début apparemment personnel, le Psalmiste étend alors son regard sur le monde et imagine que son témoignage touche l’horizon tout entier:  « tous les rois de la terre », dans une sorte d’adhésion universelle s’associent à l’orant juif dans une louange commune en honneur de la grandeur et de la puissance souveraine du Seigneur (cf. vv. 4-6). 3. Le contenu de cette louange commune qui s’élève de tous les peuples laisse déjà entrevoir la future Eglise des païens, la future Eglise universelle. Ce contenu a comme premier thème la « gloire » et les « chemins du Seigneur » (cf. v. 5), c’est-à-dire ses projets de salut et sa révélation. On découvre ainsi que Dieu  est  certainement « sublime » et transcendant, mais il « voit les humbles » avec affection, tandis qu’il éloigne de son regard le superbe en signe de rejet et de jugement (v. 6). Comme le proclamait Isaïe, « Car ainsi parle celui qui est haut et élevé, dont la demeure est éternelle, et dont le nom est saint. Je suis haut et saint dans ma demeure, mais je suis avec l’homme contrit et humilié, pour ranimer les esprits humiliés, pour ranimer les coeurs contrits » (Is 57, 15). Dieu choisit donc de se ranger en défense des faibles, des victimes, des derniers:  cela est porté à la connaissance de tous les rois, afin qu’ils sachent quelle doit être leur option dans le gouvernement des nations. Naturellement, cela est dit non seulement aux rois et à tous les gouvernements,  mais à nous tous, car nous aussi, nous devons savoir quel choix faire, quelle est l’option:  se ranger du côté des humbles, des derniers, des pauvres et des faibles. 4. Après cette référence, au niveau mondial, aux responsables des nations, non seulement de ce temps, mais de tous  les  temps, l’orant retourne à la louange personnelle (cf. Ps 137, 7-8). Le regard s’étendant vers l’avenir de sa vie, il implore une aide de Dieu également pour les épreuves que l’existence lui réservera encore. Et nous prions tous ainsi, avec cet orant de cette époque. On parle de façon synthétique de la « fureur de mes ennemis » (v. 7), une sorte de symbole de toutes les hostilités qui peuvent s’élever face au juste au cours de l’histoire. Mais il sait – et avec lui, nous savons – que le Seigneur ne l’abandonnera jamais et étendra sa main pour le secourir et le guider. La fin du Psaume est alors une ultime et passionnée profession de foi en Dieu dont la bonté est éternelle:  il « ne délaisse pas l’oeuvre de tes mains », c’est-à-dire sa créature (v. 8). Et nous aussi, devons vivre dans cette confiance, dans cette certitude de la bonté de Dieu. Nous devons être certains que, aussi lourdes et tumultueuses que soient les épreuves qui nous attendent, nous ne serons jamais abandonnés à nous-mêmes, que les mains du Seigneur ne nous lâcheront pas, ces mains qui nous ont créés et qui à présent nous suivent dans l’itinéraire de notre vie. Comme le confessera saint Paul, « Celui qui a commencé en vous cette oeuvre excellente en poursuivra l’accomplissement » (Ph 1, 6). 5. Nous avons ainsi prié, nous aussi, avec un psaume de louange, d’action de grâce et de confiance. Nous voulons continuer à dérouler ce fil de louange sous forme d’hymne à travers le témoignage d’un chantre chrétien, le grand Ephrém le syrien (IV siècle), auteur de textes d’un extraordinaire parfum poétique et spirituel. « Aussi grand que soit notre émerveillement face à toi, ô Seigneur, / ta gloire dépasse ce que nos langues peuvent exprimer », chante Ephrém dans un hymne (Hymnes sur la virginité, 7; La harpe de l’Esprit, Rome, 1999, p. 66), et dans un autre:  « Gloire à toi, pour lequel toutes les choses sont faciles, /car tu es tout-puissant » (Hymnes sur la Nativité, 11:  ibid., p. 48). Et cela représente une ultime raison de notre confiance:  Dieu a le pouvoir de la miséricorde, et il utilise son pouvoir pour la miséricorde. Et enfin, une dernière citation:  « Gloire à toi de tous ceux qui comprennent la vérité » (Hymnes sur la Foi, 14:  ibid., p. 27).

JEAN PAUL II – PRENDS PITIÉ DE MOI, Ô SEIGNEUR » – PS 50, 3.6.9-10

11 janvier, 2016

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2002/documents/hf_jp-ii_aud_20020508.html

JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 8 mai 2002

« PRENDS PITIÉ DE MOI, Ô SEIGNEUR » – LECTURE: PS 50, 3.6.9-10

http://www.aelf.org/bible-liturgie/ps/psaumes/chapitre/50

1. Chaque semaine de la Liturgie des Laudes est rythmée, le vendredi, par le Psaume 50, le Miserere, le Psaume pénitentiel le plus aimé, chanté et médité, un hymne que le pécheur repenti élève à Dieu miséricordieux. Nous avons déjà eu l’occasion, dans une précédente catéchèse, de présenter le cadre général de cette grande prière. On entre tout d’abord dans la région ténébreuse du péché pour y apporter la lumière du repentir humain et du pardon divin (cf. vv. 3-11). On passe ensuite à l’exaltation du don de la grâce divine, qui transforme et renouvelle l’esprit et le coeur du pécheur repenti: c’est une région lumineuse, remplie d’espérance et de confiance (cf. vv. 12-21).
Au cours de cette réflexion nous nous arrêterons, pour réfléchir sur la première partie du Psaume 50 en approfondissant certains de ses aspects. En ouverture, nous voudrions cependant présenter la merveilleuse proclamation divine du Sinaï, qui est presque le portrait de Dieu chanté dans le Miserere: « Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché » ( Ex 34, 6-7).
2. L’invocation initiale s’élève vers Dieu pour obtenir le don de la purification qui rend – comme le disait le prophète Isaïe – « blancs comme neige » et « comme laine » les péchés, qui sont en eux-mêmes semblables à l’ »écarlate » et « rouges comme la pourpre » (cf. Is 1, 18). Le Psalmiste confesse son péché de façon nette et sans hésitation: « Car mon péché, moi, je le connais… contre toi, toi seul, j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait » (Ps 50, 5-6).
La conscience personnelle du pécheur entre donc en scène, s’ouvrant à une claire perception de son mal. C’est une expérience qui fait appel à la liberté et la responsabilité, et qui conduit à admettre que l’on a brisé un lien pour effectuer un choix de vie différent de celui de la Parole divine. Il s’ensuit une décision radicale de changement. Tout cela est contenu dans le verbe « reconnaître », un verbe qui en hébreu ne signifie pas seulement une adhésion intellectuelle, mais un choix de vie.
C’est ce que, malheureusement, de nombreuses personnes ne font pas, comme nous admoneste Origène: « Certaines personnes, après avoir péché, sont absolument tranquilles et ne se préoccupent pas du tout de leur péché; elles ne sont pas non plus effleurées par la conscience du mal commis, mais elles vivent comme si de rien n’était. Ces personnes ne pourraient certainement pas dire: ma faute est toujours devant moi. En revanche, lorsqu’une personne, après avoir péché, se ronge et s’afflige pour son péché, est tourmentée par les remords, est sans cesse déchirée et subit les assauts intérieurs de sa conscience qui la condamne, elle s’exclame à juste titre: il n’y a pas de paix pour mes os face à l’aspect de mes péchés… Lorsque nous plaçons donc devant les yeux de notre coeur les péchés commis, que nous les regardons un par un, nous les reconnaissons, nous rougissons et nous nous repentons de ce que nous avons fait, bouleversés et affligés à juste titre, nous disons qu’il n’y a pas de paix dans nos os face à l’aspect de nos péchés… » (Homélie sur les Psaumes, Florence 1991, pp. 277-279). La reconnaissance et la conscience du péché sont donc le fruit d’une sensibilité acquise grâce à la lumière de la Parole de Dieu.
3. Dans la confession du Miserere, un élément, en particulier, est souligné: le péché n’est pas seulement appréhendé dans sa dimension personnelle et « psychologique », mais il est surtout évoqué dans sa valeur théologique. « Contre toi, toi seul, j’ai péché » (Ps 50, 6), s’exclame le pécheur, auquel la tradition a donné le visage de David, conscient de son adultère avec Bethsabée, et de la dénonciation de ce crime par le prophète Nâtan, ainsi que de celui du meurtre d’Urie, mari de celle-ci (cf. v. 2; 2 S 11-12).
Le péché n’est donc pas une simple question psychologique ou sociale, mais c’est un événement qui entame la relation avec Dieu, en violant sa loi, en refusant son projet dans l’histoire, en détruisant l’échelle des valeurs, « en faisant des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres », c’est-à-dire « en appelant le mal bien et le bien mal » (cf. Is 5, 20). Avant d’être une quelconque injure faite à l’homme, le péché est tout d’abord une trahison à l’égard de Dieu. Les mots adressés par le fils prodigue de biens à son père prodigue d’amour: « Père, j’ai péché contre le Ciel – c’est-à-dire contre Dieu – et envers toi » (Lc 15, 21) sont emblématiques.

4. A ce stade, le Psalmiste introduit un autre aspect, plus directement lié à la réalité humaine. C’est une phrase qui a suscité de nombreuses interprétations et qui a également été liée à la doctrine du péché originel: « Vois, mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu » (Ps 50, 7). L’orant veut indiquer la présence du mal dans tout notre être, comme cela apparaît de façon évidente dans la mention de la conception et de la naissance, une façon d’exprimer l’existence tout entière en partant de sa source. Toutefois, le Psalmiste ne relie pas formellement cette situation au péché d’Adam et d’Eve, c’est-à-dire qu’il ne parle pas explicitement du péché originel.
Il reste cependant clair que, selon le texte du Psaume, le mal se cache dans la profondeur même de l’homme, qu’il est inhérent à sa réalité historique; c’est pourquoi la question de l’intervention de la grâce divine est décisive. La puissance de l’amour de Dieu dépasse celle du péché, le fleuve impétueux du mal a moins de force que l’eau féconde du pardon: « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20).
5. A travers cette voie, la théologie du péché originel et toute la vision biblique de l’homme pécheur sont indirectement évoquées par des mots qui laissent à la fois entrevoir la lumière de la grâce et du salut.
Comme nous aurons l’occasion de le découvrir à l’avenir, en revenant sur ce Psaume et sur les versets suivants, la confession de la faute et la conscience de sa propre misère ne débouchent pas sur la terreur ou la crainte du jugement, mais sur l’espérance de la purification, de la libération, de la nouvelle création.
En effet, Dieu nous sauve, non pas en vertu « des oeuvres de justice que nous avons pu accomplir, mais, poussé pas sa seule miséricorde, il nous sauve par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus-Christ notre Sauveur » (Tt 3, 5-6).

JEAN PAUL II (2001) – PSAUME 117, 1-2.19-20.22.24).

30 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2001/documents/hf_jp-ii_aud_20011205.html

JEAN PAUL II (2001) – PSAUME 117, 1-2.19-20.22.24). (05 Dans mon angoisse j’ai crié vers le Seigneur, et lui m’a exaucé, mis au large)

http://www.aelf.org/bible-liturgie/Ps/Psaumes/chapitre/117

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 5 décembre 2001

Chant de joie et de victoire 

Lecture:  Ps 117, 1-2. 19-20.22.24

1. Lorsque le chrétien, en harmonie avec la voix en prière d’Israël, entonne le Psaume 117 que nous venons d’entendre retentir, il ressent une émotion particulière. En effet, il trouve dans cette hymne, qui possède une profonde empreinte liturgique, deux phrases qui retentissent au sein du Nouveau Testament avec une nouvelle intensité. La première est constituée par le verset 22:  « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l’angle ». Cette phrase est citée par Jésus, qui l’applique à sa mission de mort et de gloire, après avoir raconté la parabole des vignerons homicides (cf. Mt 21, 42). La phrase est également rappelée par Pierre dans les Actes des Apôtres:  « C’est lui la pierre que vous, les bâtisseurs, avez dédaignée, et qui est devenue la pierre d’angle. Car il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » ( Ac 4, 11-12). Cyrille de Jérusalem commente:  « Nous disons qu’il n’y a qu’un seul Seigneur Jésus-Christ, afin que la filiation soit unique; nous disons un seul, afin que tu ne penses pas qu’il y en ait un autre… En effet, il est appelé pierre, une pierre qui n’est pas inanimée, ni taillée par des mains d’homme, mais pierre d’angle, car celui qui aura cru en elle ne sera pas déçu » ( Le Catechesi, Rome 1993, pp. 312-313). La seconde phrase que le Nouveau Testament tire du Psaume 117 est proclamée par la foule le jour de l’entrée messianique solennelle du Christ à Jérusalem:  « Béni celui qui vient au nom du Seigneur! » ( Mt 21, 9; cf. Ps 117, 26). L’acclamation est encadrée par un « Hosanna » qui reprend l’invocation juive hoshia’na’, « deh, sauve-nous! ». 2. Cette splendide hymne biblique appartient au petit groupe de Psaumes, allant du 112 au 117, appelé le « Hallel pascal », c’est-à-dire la louange psalmique utilisée par le culte juif pour la Pâque juive et également pour les principales solennités de l’année liturgique. Le rite de procession scandé par les chants alternés du soliste et du choeur, avec en arrière-plan la ville sainte et son temple, peut être considéré comme le fil conducteur du psaume 117. Une belle antienne ouvre et conclut le texte:  « Rendez grâce à Yahvé, car il est bon, car éternel est son amour! » (vv. 1.29). La parole « amour » traduit la parole juive hesed, qui désigne la fidélité généreuse de Dieu à l’égard de son peuple allié et ami. Trois catégories de personnes chantent cette fidélité:  Israël en entier, la « maison d’Aaron », c’est-à-dire les prêtres, et ceux « qui craignent Yahvé », une locution qui indique les fidèles et également par la suite les prosélytes, c’est-à-dire les membres des autres nations souhaitant adhérer à la loi du Seigneur (cf. vv. 2-4). 3. La procession semble se dérouler dans les rues de Jérusalem, car l’on parle des « tentes des justes » (cf. v. 15). Une hymne d’action de grâce s’élève cependant (cf. vv. 5-18), dont le message est essentiel:  même lorsqu’on éprouve de l’angoisse, il faut maintenir vive la flamme de la confiance, car la main puissante du Seigneur conduit son fidèle à la victoire sur le mal et au salut. Le poète sacré utilise des images fortes et vivantes:  les adversaires cruels sont comparés à un essaim d’abeilles ou à un front de flammes qui avance en réduisant tout en cendres (cf. v. 12). Mais la réaction du juste, soutenu par le Seigneur, est véhémente; à trois reprises, il répète:  « Au nom de Yahvé, je les sabre » et le verbe hébreu souligne une intervention destructrice à l’égard du mal (cf. vv. 10.11.12). En effet, à la base se trouve la main droite puissante de Dieu, c’est-à-dire son oeuvre efficace, et certainement pas la main faible et hésitante de l’homme. C’est pour cette raison que la joie pour la victoire sur le mal débouche sur une profession de foi très suggestive:  « Ma force et mon chant, c’est Yahvé, il fut pour moi le salut » (v. 14). 4. La procession semble être parvenue au temple, aux « portes de justice » (v. 19), c’est-à-dire à la porte sainte de Sion. C’est là qu’est entonné un deuxième chant d’action de grâce, qui s’ouvre par un dialogue entre l’assemblée et les prêtres pour être admis au culte. « Ouvrez-moi les portes de justice, j’entrerai, je rendrai grâce à Yahvé! », dit le soliste au nom de l’assemblée en procession. « C’est ici la porte de Yahvé, les justes entreront » (v. 20), répondent d’autres personnes, probablement les prêtres. Une fois entré, on peut commencer à entonner l’hymne de gratitude au Seigneur, qui, dans le temple, s’offre comme une « pierre » stable et sûre sur laquelle édifier la maison de la vie (cf. Mt 7, 24-25). Une bénédiction sacerdotale descend sur les fidèles, qui sont entrés dans le temple pour exprimer leur foi,  élever  leur  prière  et  célébrer le culte. 5. La dernière scène qui s’ouvre à nos yeux  est  constituée  par  un rite joyeux de danses sacrées, accompagnées par des rameaux qui sont agités en signe de fête:  « Serrez vos cortèges, rameaux en main, jusqu’aux cornes de l’autel » (v. 27). La liturgie est joie, rencontre de fête, l’expression de toute l’existence qui loue le Seigneur. Le rite des rameaux fait penser à la fête juive des Tentes, en mémoire du pèlerinage d’Israël dans le désert, solennité au cours de laquelle une procession était accomplie avec des rameaux de palmiers, de myrtes et de saules. Ce rite évoqué par le Psaume est reproposé au chrétien à l’entrée de Jésus à Jérusalem, qui est célébrée lors de la liturgie du Dimanche des Rameaux. Le Christ est honoré comme le « fils de David » (cf. Mt 21, 9) par la foule qui, « venue pour la fête…. prit les rameaux des palmiers et sortit à sa rencontre en s’écriant:  Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur et le roi d’Israël! » (cf. Jn 12, 12-13). Au cours de cette célébration de fête, qui prélude cependant à l’heure de la passion et de la mort de Jésus, se réalise également et acquiert sa pleine signification le symbole de la pierre d’angle, proposé à l’ouverture,  et  qui  revêt  une valeur joyeuse et pascale. Le Psaume 117 encourage les chrétiens à reconnaître dans l’événement pascal de Jésus « le jour que fit Yahvé », où « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête d’angle ». Remplis de gratitude, ils peuvent donc chanter avec le Psaume:  « Ma force et mon chant c’est Yahvé, il fut pour moi le salut » (v. 14); « Voici le jour que fit Yahvé, pour  nous  allégresse  et joie » (v. 24).

LES PROMESSES DIVINES FAITES À DAVID – LECTURE: PS 131, 1-10

12 novembre, 2015

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/bpo.htm

MERCREDI 14 SEPTEMBRE 2005: LES PROMESSES DIVINES FAITES À DAVID – LECTURE: PS 131, 1-10

1. Nous venons d’écouter la première partie du Psaume 131, un hymne que la Liturgie des Vêpres nous offre à deux moments distincts. Beaucoup d’exégètes pensent que ce chant a retenti lors de la célébration solennelle du transport de l’arche du Seigneur, signe de la présence divine au sein du peuple d’Israël, à Jérusalem, la nouvelle capitale choisie par David. Dans le récit de cet événement, tel qu’il nous est rapporté par la Bible, on lit que le roi David « dansait en tournoyant de toutes ses forces devant Yahvé, il avait ceint un pagne (efod) de lin. David et toute la maison d’Israël faisaient monter l’arche de Yahvé en poussant des acclamations et en sonnant du cor » (2S 6,14-15). D’autres chercheurs, en revanche, rapportent le Psaume 131 à une célébration commémorative de cet antique événement, après l’institution du culte dans le sanctuaire de Sion, qui est précisément l’oeuvre de David. 2. Notre hymne semble supposer une dimension liturgique: il était probablement utilisé au cours du déroulement d’une procession, en présence de prêtres et de fidèles, avec la participation d’un choeur. En suivant la Liturgie des Vêpres, nous nous arrêterons sur les dix premiers versets du Psaume, ceux qui viennent d’être proclamés. Au coeur de ce passage se trouve le serment solennel prononcé par David. En effet, on dit que celui-ci – après avoir surmonté le dur conflit avec son prédécesseur, le roi Saul – « fit serment à Yahvé, un voeu au puissant Jacob » (cf. Ps 131,2). Le contenu de cet engagement solennel, exprimé dans les versets 3-5, est clair: le souverain ne mettra pas pied dans le palais royal de Jérusalem, ne trouvera plus la tranquillité, ni le repos avant d’avoir trouvé une demeure pour l’arche du Seigneur. Et il s’agit d’une chose très importante, car elle démontre qu’au centre de la vie sociale d’une ville, d’une communauté, d’un peuple, il doit y avoir une présence qui évoque le mystère de Dieu transcendant, un espace spécifique pour Dieu, une demeure pour Dieu. L’homme ne peut pas bien marcher sans Dieu, il doit marcher avec Dieu dans l’histoire, et le temple, la demeure de Dieu, a le devoir de signaler de façon visible cette communion, cette attitude de se laisser guider par Dieu. 3. A ce point, après les paroles de David, apparaît, peut-être à travers les paroles d’un choeur liturgique, le souvenir du passé. En effet, on réévoque la découverte de l’arche dans les campagnes d’Iaar, dans la région d’Ephrata (cf. v. 6): elle était demeurée longtemps en ce lieu, après avoir été restituée par les Philistins à Israël, qui l’avait perdue au cours d’une bataille (cf. 1S 7,1 2S 6,2 2S 6,11). De la province, elle est donc amenée dans la future ville sainte, et notre passage se termine par une célébration festive qui voit, d’un côté, le peuple en adoration (cf. Ps 131,7 Ps 131,9), c’est-à-dire l’assemblée liturgique et, de l’autre côté, le Seigneur qui recommence à devenir présent et actif sous le signe de l’arche installée à Sion (cf. v. 8), et ainsi au coeur de son peuple. L’âme de la liturgie se trouve dans cette rencontre entre prêtres et fidèles, d’une part, et le Seigneur et sa puissance, de l’autre. 4. Scellant la première partie du Psaume 131, une acclamation de prière retentit en faveur des rois successeurs de David: « Par amour de David ton serviteur, n’écarte pas la face de ton consacré » (cf. v. 10). On voit donc le futur successeur de David, « ton consacré ». Il est facile d’entrevoir la dimension messianique de cette supplication, tout d’abord destinée à implorer un soutien pour le souverain juif face aux épreuves de la vie. Le terme « consacré » traduit en effet le terme hébreu « Messie »: le regard de l’orant va ainsi au-delà des événements du royaume de Judée et se projette vers la grande attente du « Consacré » parfait, le Messie qui sera toujours agréable à Dieu, aimé et béni par lui, et qui ne sera pas seulement d’Israël, mais sera le « consacré », le roi pour le monde entier. Lui, Dieu, est avec nous, et attend ce « consacré », venu ensuite dans la personne de Jésus Christ. 5. C’est cette interprétation messianique, pour le « consacré » futur, qui dominera dans la relecture chrétienne et qui s’étendra à tout le Psaume. Par exemple, l’application qu’Esychion de Jérusalem, un prêtre de la première moitié du V siècle, fera du verset 8 à l’incarnation du Christ est significative. Dans sa Deuxième Homélie sur la Mère de Dieu, il s’adresse ainsi à la Vierge: « A propos de toi et de Celui qui est né de toi, David ne cesse de chanter sur sa lyre: « Lève-toi, Yahvé, vers ton repos, toi et l’arche de ta force » (Ps 131,8) ». Qui est l’ »arche de ta force »? Esychion répond: « Bien évidemment la Vierge, la Mère de Dieu. Car si tu es la perle, elle est de bon droit l’arche; si tu es le soleil, la Vierge sera nécessairement appelée le ciel; et si tu es la Fleur incontaminée, alors la Vierge sera la plante incorruptible, le paradis d’immortalité » (Testi mariani del primo millennio, I, Roma 1988, pp. 532-533). Cette double interprétation me semble très importante. Le Christ est le « consacré ». Le Christ, le Fils de Dieu lui-même, s’est incarné. Et l’Arche de l’Alliance, la véritable demeure de Dieu dans le monde, qui n’est pas faite de bois mais de chair et de sang, c’est la Vierge qui s’offre elle-même au Seigneur comme Arche de l’Alliance et qui nous invite à être nous aussi une demeure vivante pour Dieu dans le monde. *** Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin. Puisse la Croix du Christ, signe de l’amour du Seigneur victorieux du mal et de la mort, vous appeler à devenir toujours plus des serviteurs de l’Évangile et de généreux artisans de paix et de fraternité !

JEAN-PAUL II – PS 29, 2-3.9.11-13 – ACTION DE GRÂCE POUR LA LIBÉRATION DE LA MORT

2 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2004/documents/hf_jp-ii_aud_20040512.html

JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 12 mai 2004

ACTION DE GRÂCE POUR LA LIBÉRATION DE LA MORT

LECTURE:  PS 29, 2-3.9.11-13

1. Une intense et douce action de grâce s’élève vers Dieu du coeur de l’orant, une fois dissipé en lui le cauchemar de la mort. Tel est le sentiment qui ressort avec force du Psaume 29, qui vient de retentir non seulement à nos oreilles, mais sans aucun doute également dans nos coeurs. Cet hymne de gratitude possède une grande finesse littéraire et repose sur une série de contrastes qui expriment de façon symbolique la libération obtenue du Seigneur. Ainsi, à la phrase « tu as tiré mon âme du shéol » s’oppose « me ranimant d’entre ceux qui descendent à la fosse » (v. 4); la « colère d’un instant », manifestée par Dieu, est suivie de « sa faveur pour la vie » (v. 6); aux « pleurs » du soir suit la « joie » du matin (ibid.); la « danse » succède au « deuil », le vêtement d’ »allégresse » au « sac » revêtu en signe de deuil (v. 12). Une fois passée la nuit de la mort, naît donc l’aube d’un jour nouveau. C’est pourquoi la tradition chrétienne a lu ce Psaume comme un chant pascal. C’est ce qu’atteste la citation d’ouverture, que l’édition du texte liturgique des Vêpres reprend d’un grand auteur monastique du IV siècle, Jean Cassien:  « Le Christ rend grâce au Père pour sa résurrection glorieuse ». 2. L’orant s’adresse à plusieurs reprises au « Seigneur » – pas moins de huit fois -, que ce soit pour annoncer qu’il le louera (cf. vv. 2 et 13), ou pour rappeler le cri lancé vers Lui au moment de l’épreuve (cf. vv. 3 et 9) et son intervention libératrice (cf. vv. 2.3.4.8.12), ou encore pour invoquer à nouveau sa miséricorde (cf. v. 11). Dans un autre passage, l’orant invite les fidèles à chanter des hymnes au Seigneur pour Lui rendre grâce (cf. v. 5). Les sensations oscillent constamment entre le souvenir terrible du cauchemar traversé et la joie de la libération. Certes, le danger auquel il a échappé est grave et réussit encore à faire frissonner; le souvenir de la souffrance passée est encore net et vif; les larmes n’ont été séchées des yeux que depuis peu. Mais désormais pointe l’aube d’un jour nouveau; la mort a laissé place à la perspective de la vie qui continue. 3. Le Psaume démontre ainsi que nous ne devons jamais nous laisser entraîner dans l’enchevêtrement obscur du désespoir, lorsqu’il semble que tout est désormais perdu. Bien sûr, il ne faut pas non plus tomber dans l’illusion que l’on peut se sauver tout seul, par ses propres moyens. En effet, le Psalmiste est tenté par l’orgueil et l’idée de se suffire à lui-même:  « Moi, j’ai dit dans mon bonheur:  Rien à jamais ne m’ébranlera! » (v. 7). Les Pères de l’Eglise se sont eux aussi arrêtés sur cette tentation qui s’insinue dans les moments de bien-être, et ils ont vu dans l’épreuve un rappel divin à l’humilité. C’est par exemple le cas de Fulgence, Evêque de Ruspe (467-532), dans son Epistola 3, adressée à la religieuse Proba, où il commente le passage du Psaume par ces mots:  « Le Psalmiste confessait que parfois il s’enorgueillissait d’être sain, comme s’il s’agissait d’une de ses vertus, et qu’en cela il avait compris que se trouvait le danger d’une très grave maladie. Il dit en effet:  … »Moi,  j’ ai dit dans mon bonheur:  Rien à jamais ne m’ébranlera! ». Mais puisqu’en disant cela, il avait été abandonné par le soutien de la grâce divine et, troublé, était tombé dans la maladie, il poursuit en disant:  « Yahvé, ta faveur m’a fixé sur de fortes montagnes; tu caches ta face, je suis bouleversé ». En outre, pour montrer que l’aide de la grâce divine, bien qu’on la possède déjà, doit toutefois être invoquée humblement sans interruption,  il  ajoute encore:  « Vers toi, Yahvé, j’appelle, à mon Dieu je demande pitié ». Par ailleurs, personne n’élève sa prière et n’avance des requêtes sans reconnaître avoir commis des fautes, et personne ne considère pouvoir conserver ce qu’il possède en ne comptant que sur sa propre vertu » (Fulgence de Ruspe, Les lettres, Rome 1999, p. 113). 4. Après avoir confessé la tentation de l’orgueil qu’il a éprouvée au temps de sa prospérité, le Psalmiste rappelle l’épreuve qui a suivi, en disant au Seigneur:  « Tu caches ta face, je suis bouleversé » (v. 8). L’orant rappelle alors de quelle manière il a imploré le Seigneur (cf. vv. 9-11):  il a crié, demandé de l’aide, supplié d’être préservé de la mort, en donnant comme raison que la mort n’apporte aucun avantage à Dieu, car les morts ne sont plus en mesure de louer Dieu et n’ont plus aucun motif de proclamer la fidélité à Dieu, ayant été abandonnés par lui. Nous retrouvons la même argumentation dans le Psaume 87, dans lequel l’orant, proche de la mort, demande à Dieu:  « Parle-t-on de ton amour dans la tombe, de ta vérité au lieu de perdition? » (Ps 87, 12). De même, le roi Ezéchias, gravement malade puis guéri, disait à Dieu:  « Ce n’est pas le shéol qui te loue, ni la mort qui te célèbre… Le vivant, le vivant lui seul te loue » (Is 38, 18-19). C’est ainsi que l’Ancien Testament exprimait l’intense désir humain d’une victoire de Dieu sur la mort et rapportait de nombreux cas dans lesquels cette victoire avait été obtenue:  des personnes menacées de mourir de faim dans le désert, des prisonniers ayant échappé à la peine de mort, des malades guéris, des marins sauvés du naufrage (cf. Ps 106, 4-32). Il s’agissait cependant de victoires qui n’étaient pas définitives. Tôt ou tard, la mort réussissait toujours à l’emporter. Malgré tout, l’aspiration à la victoire a toujours été conservée et est devenue, à la fin, une espérance de résurrection. La satisfaction de cette puissante aspiration a été pleinement assurée à travers la résurrection du Christ, pour laquelle nous n’aurons jamais fini de rendre grâce à Dieu.

JEAN-PAUL II – PS 147, 12-15.19-20 – LAUDA, JERUSALEM, DOMINUM

17 octobre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20030820.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 20 août 2003  

LECTURE:  PS 147, 12-15.19-20 -   LAUDA, JERUSALEM, DOMINUM

1. Le Psaume qui vient d’être proposé à notre méditation constitue la deuxième partie du précédent Psaume 146. Les antiques traductions grecque et latine, suivies par la Liturgie, l’ont en revanche considéré comme un chant indépendant, car son début le distingue nettement de la partie précédente. Ce début est devenu célèbre, également parce qu’il a souvent été mis en musique en latin:  Lauda, Jerusalem, Dominum. Ces paroles initiales constituent l’invitation typique dans les hymnes des Psaumes à célébrer et louer le Seigneur:  c’est à présent Jérusalem, personnification du peuple, qui est interpellée afin d’exalter et de glorifier son Dieu (cf. v. 12). On mentionne immédiatement le motif pour lequel la communauté en prière doit élever sa louange au Seigneur. Celui-ci est de nature historique:  c’est Lui, le Libérateur d’Israël de l’exil de Babylone, qui donne la sécurité à son peuple « en renforçant la barre des portes » de la ville (cf. v. 13). Lorsque Jérusalem s’était effondrée sous l’assaut de l’armée du roi Nabuchodonosor, en 586 av. J.C., le livre des Lamentations avait mis en scène le Seigneur lui-même en tant que juge du péché d’Israël, alors qu’il « a médité d’abattre le rempart de la fille de Sion… Ses portes sont enfouies sous terre, il en a détruit et brisé les barres » (Lm 2, 8.9). A présent, en revanche, le Seigneur redevient le constructeur de la ville sainte; dans le temple qui a été reconstruit, Il bénit à nouveau ses fils. Il est  ainsi fait mention de l’oeuvre de Néhémie (cf. Ne 3, 1-38), qui avait rebâti les murs de Jérusalem, afin qu’elle redevienne une oasis de sérénité et de paix. 2. La paix, salôm, est en effet immédiatement évoquée, également parcequ’elle est symboliquement contenue dans le nom même de Jérusalem. Le prophète Isaïe promettait déjà à la ville:  « Comme magistrature j’instituerai la Paix et comme gouvernant la Justice » (60, 17). Mais, en plus de rebâtir les murs de la ville, de la bénir et de la pacifier dans la sécurité, Dieu offre à Israël d’autres dons fondamentaux:  c’est ce qui est décrit dans la partie finale du Psaume. C’est en effet là que sont rappelés les dons de la Révélation, de la Loi et des prescriptions divines:  « Il révèle à Jacob sa parole, ses lois et jugements à Israël » (Ps 147, 19). On célèbre ainsi l’élection d’Israël et sa mission unique parmi les nations:  proclamer au monde la Parole de Dieu. C’est une mission prophétique et sacerdotale, car « quelle est la grande nation dont les lois et coutumes soient aussi justes que toute cette loi que je vous prescris aujourd’hui » (Dt 4, 8). A travers Israël, et donc également à travers la communauté chrétienne, c’est-à-dire l’Eglise, la Parole de Dieu peut retentir dans le monde et devenir la norme et la lumière de vie pour tous les peuples (cf. Ps 147, 20). 3. Nous avons jusqu’à présent décrit la première raison de la louange à élever au Seigneur:  il s’agit d’une motivation historique, c’est-à-dire liée à l’action libératrice et révélatrice de Dieu à l’égard de son peuple. Il y a cependant une autre source de joie et de louange:  elle est de nature cosmique, c’est-à-dire liée à l’action créatrice divine. La Parole divine apparaît pour donner vie à l’être. Semblable à un messager, elle court à travers les espaces immenses de la terre (cf. Ps 147, 15). Et l’on assiste immédiatement à une floraison de merveilles. Voici venir l’hiver, qui est décrit à travers ses phénomènes atmosphériques avec une touche de poésie:  la neige est semblable à la laine en raison de sa blancheur, le givre avec ses grains fins est comme la poussière du désert (cf. v. 16), la grêle est semblable à des miettes de pain jetées par terre, le gel fige la terre et bloque la végétation (cf. v. 17). Il s’agit d’une description hivernale qui invite à découvrir les merveilles de la création et qui sera reprise dans une page très pittoresque également par un autre livre biblique, celui du Siracide (43, 18-20). 4. Voilà cependant, toujours sous l’action de la Parole divine, que réapparaît le printemps:  la glace fond, le vent chaud souffle et laisse les eaux s’écouler (cf. Ps 147, 18), répétant ainsi le cycle éternel des saisons et donc la possibilité même de la vie pour les hommes et les femmes. Naturellement, les lectures métaphoriques de ces dons divins n’ont pas manqué. La « fleur de froment » a fait penser au grand don du pain eucharistique. Et le grand écrivain chrétien du III siècle, Origène, a même identifié ce froment comme le signe du Christ lui-même et, en particulier, de l’Ecriture Sainte. Voici son commentaire:  « Notre Seigneur est le grain de blé qui tomba en terre, et qui se multiplia pour nous. Mais ce grain de blé est abondant de façon superlative… La Parole de Dieu est abondante de façon superlative, elle contient en elle tous les délices. Tout ce que tu désires provient de la parole de Dieu,  comme  le  racontent les juifs:  lorsqu’ils mangeaient la manne, celle-ci prenait dans leur bouche le goût de ce que chacun désirait… Ainsi en est-il également de la chair du Christ, qui est la parole de l’enseignement, c’est-à-dire la compréhension des Saintes Ecritures, plus le désir que nous en avons est grand, plus abondante est la nourriture que nous en recevons. Si tu es saint, tu trouves la fraîcheur; si tu es pêcheur, tu trouves le tourment » (Origène, Jérôme, 74 homélies sur le livre des Psaumes, Milan 1993, pp. 543-544). 5. Le Seigneur agit donc à travers sa Parole non seulement dans la création, mais également dans l’histoire. Il se révèle à travers le langage muet de la nature (cf. Ps 18, 2-7), mais il s’exprime de façon explicite à travers la Bible et sa communication personnelle chez les prophètes et en plénitude dans son Fils (Cf. He 1, 1-2). Ce sont deux dons différents, mais convergents, de son amour.

« ETERNEL ! TU M’AS SONDÉ, ET TU M’AS CONNU » – LIRE : PSAUME 139

27 septembre, 2015

http://www.bible-notes.org/article-687-eternel-tu-m-as-sonde-et-tu-m-as-connu.html

« ETERNEL ! TU M’AS SONDÉ, ET TU M’AS CONNU »

LIRE : PSAUME 139

David recherchait la communion avec un peuple disposé à adorer le Seigneur, mais il ne négligeait pas des moments de solitude avec Dieu (2 Sam. 7 : 18). Cet aspect de sa vie personnelle apparaît dans les « moi » et les « je » qui émaillent ce psaume.
La méditation a pour effet de nous aider à nous laisser « sonder » par la Parole de Dieu et contribue à enrichir spirituellement. Elle ne consiste pas à « faire le vide » ; elle nous amène à considérer soigneusement les pensées exprimées par Dieu dans sa Parole (Ps. 19 : 14).
« Dieu est lumière et il n’y a en Lui aucunes ténèbres » (1 Jean 1 : 5). « Il n’existe aucune créature qui soit cachée devant lui, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous avons affaire » (Héb. 4 : 13). David en rend ici témoignage avec une élévation et une puissance de langage saisissantes. Il ne traite pas ce grand sujet d’une manière abstraite – comme on le fait pour une thèse scientifique ; il applique constamment à lui-même la grande vérité qu’il expose.
Aussi dès les premiers mots, c’est de lui-même d’abord qu’il parle : « Eternel ! Tu m’as sondé et tu m’as connu ». Dieu le voit constamment (v. 1-6). Rien ne saurait le soustraire à cette présence divine (v. 7-12). Dès avant sa naissance, Dieu l’a préconnu (v. 13-18). Sa conclusion est celle de l’apôtre Jean. Malheur à celui qui reste volontairement dans les ténèbres ! Le psalmiste a en horreur un tel homme ! En même temps, il demande à Dieu de le sonder à fond et de le garder de marcher dans une voie perverse (v. 19-24).

Ce psaume montre d’abord que Dieu est omniscient : Il voit tout. Le premier verset, comme c’est le cas fréquemment dans ce livre (Ps. 23 ; 87 ; 90…), résume la pensée qui se dégage de tout le reste du psaume. « Tu m’as sondé, et tu m’as connu » (v. 1). Rien n’échappe à Sa connaissance. En hébreu, ce mot sert aussi pour exprimer la pensée de la recherche d’un trésor. Dieu voit ce qu’Il peut bénir, approuver et récompenser. Quand Agar s’écrie : « Tu es le Dieu qui me voit », ce n’est pas l’expression de la terreur, mais elle exprime avec reconnaissance que Dieu, le Dieu d’Abraham, a pris note de tout ce qui la concerne, elle qui est involontairement une esclave (Gen. 16 : 13).
« Tu connais quand je m’assieds et quand je me lève » (v. 2). Ces expressions donnent un aperçu de l’activité humaine sous ses différents aspects. Dieu seul connaît tout ce que je dis, fais ou pense. Il discerne de loin mes pensées les plus intimes. Il sait quand j’ai une insomnie, si je me lève au milieu de la nuit et quelles sont alors mes occupations nocturnes. Il n’a nul besoin de faire pour cela une enquête minutieuse. Aucun tribunal juste n’accepterait de condamner un prévenu après avoir entendu un témoin qui prétendrait connaître la pensée de l’accusé. Dieu seul la connaît. Deux fois au moins dans les Evangiles, on peut lire que Jésus connaissait leurs pensées. Une de ces occasions est particulièrement importante. Après avoir entendu parler de tous les miracles que Jésus faisait, les pharisiens pensent que c’est par le chef des démons qu’Il chasse les démons. Matthieu écrit : « connaissant leurs pensées, Il dit… » (12 : 25). Dès lors, Il déclare les pharisiens responsables d’un impardonnable blasphème contre le Saint Esprit. Il connaît toutes nos pensées, quelles qu’elles soient.
Notons en passant que la même expression : « de loin », se trouve aussi dans le psaume précèdent, au verset 6.
« Tu me tiens serré par derrière et par devant » (v. 5a). Comment l’homme pourrait-il échapper à la connaissance de Dieu quand, de toutes parts, il réalise qu’il est entouré par Sa présence ? « Tu as mis ta main sur moi » (v. 5b) : cette expression est bien le signe d’une autorité absolue.
« Connaissance trop merveilleuse pour moi, si élevée que je n’y puis atteindre » (v. 6). Si l’on cherche à découvrir les perfections de Dieu, on s’aperçoit très vite à quel point elles dépassent la compréhension de l’homme, déjà incapable de se connaître lui-même, n’en déplaise au philosophe !
Le psalmiste passe ensuite de cette merveilleuse pensée de l’omniscience de Dieu à celle tout aussi importante de son omniprésence, qui est développée dans la strophe suivante.

Dieu est donc également omniprésent (v. 7-12 ; Jér. 23 : 24). Le psalmiste se met un instant à la place d’un homme qui cherche à fuir la présence divine. Si même on suppose que cet homme soit capable de réaliser le vieux rêve d’Icare, et de s’envoler à l’autre bout du monde, il n’échappera pas à l’Eternel. L’exemple de Jonas, cherchant en vain à s’enfuir « loin de la face de l’Eternel » (Jon. 1 : 3) s’impose à notre esprit.
« Où irai-je loin de ton Esprit » (v. 7). C’est bien de Dieu le Saint Esprit qu’il s’agit. L’expression « loin de ta face » le confirme. « Si je monte aux cieux, tu y es » – ce qui est d’ailleurs l’attente de tous les croyants ! – mais : « Si je me couche au shéol, t’y voilà » (v. 8). Le mot hébreu shéol désigne le séjour d’une âme séparée du corps. Un tel lieu semble être celui de l’oubli, par excellence. Vain espoir ! Ceux qui ont banni Dieu de leur vie terrestre, le rencontreront au-delà de la mort. Déjà la Parole évoque un shéol d’en bas (Es. 14 : 9). La mort ne modifie rien pour ceux qui s’en vont : les morts seront rendus vivants (1 Cor. 15 : 22). Ceux qui sont perdus ont devant eux une éternité de malheur ; il faudra rencontrer Dieu devant le grand trône blanc (Apoc. 20 : 11-15).
Les expressions poétiques « les ailes de l’aube du jour » et « la demeure au bout de la mer » (v. 9) montrent après celui du ciel et du shéol, un nouveau contraste ; elles suggèrent avec quelle rapidité et quelle puissance le soleil semble parcourir l’espace immense séparant les deux extrémités de l’horizon. Mais si j’avais à ma disposition, dans ma fuite, cette puissance et cette rapidité, c’est encore Lui qui en réalité me conduirait et me saisirait par Sa droite ! (v. 10).
« Et si je dis : Au moins les ténèbres m’envelopperont, – alors la nuit est lumière autour de moi » (v. 11). C’est la nouvelle et ultime ressource imaginée par celui qui cherche à fuir Dieu. Mais Dieu lui-même est lumière et par Sa seule présence, Il illumine tout (v. 12). Il est là dans les rues les plus obscures d’une grande ville et prend connaissance de la conduite de chacun, du bien qu’il peut faire ou du mal dont il se rend coupable (Jean 3 : 19).
Cependant il est réconfortant pour un enfant de Dieu de savoir que Dieu le conduit et qu’Il est toujours prêt à le saisir. Où qu’il soit envoyé, Jésus lui rappelle : Je suis toujours avec toi. Avec de telle assurance, des hommes et des femmes osent affronter de grands dangers pour répandre l’Evangile, même dans les lieux les plus reculés ou les plus dangereux du monde. (Es. 43 : 2).
En revanche, on comprend pourquoi le saint regard que Dieu pose continuellement sur lui est insoutenable pour le pécheur. Il met à nu nos pensées les plus intimes, découvre nos motifs les plus secrets. Le pécheur n’a d’abord vraiment qu’un seul désir : fuir ce terrible faisceau de lumière qui fouille sans cesse les ténèbres où il cherche, en vain, à se cacher. Il est rejoint au bout du monde et Dieu remonte sans effort dans son plus lointain passé (Gen. 3 : 8 ; Jean 3 : 19). Déjà, aussitôt après la chute, Adam et Eve dans le jardin d’Eden cherchaient à se cacher derrière les arbres au regard pénétrant de Dieu (Gen. 3 : 8).
Mais si notre conscience reprise voulait tenir Dieu à distance, Sa grâce nous attire à Lui. Pierre dit à Jésus : « Retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur », mais, simultanément, il se jette à ses genoux (Luc 5 : 8).

Présent partout, omniscient, Dieu est également omnipotent (v. 13-18). Il a composé l’homme comme une oeuvre d’art et Il connaît tous les secrets de sa nature. C’est une manifestation extraordinaire de la puissance créative de Dieu. Impossible d’accepter la folle théorie de la génération spontanée ! David ne connaissait rien de la science moderne de l’embryologie, rien sur le processus de croissance d’un embryon dans le sein de sa mère, mais il en savait assez pour être rempli d’un respect mêlé de crainte.
« Tu as possédé mes reins » (v. 13a). C’est la partie la plus intime de l’homme, le siège de ses pensées (Ps. 16 : 7) et de sa force, celle qui lui permet de se tenir debout. Au point de vue moral, on les considère plutôt comme le siège des instincts, tandis que le coeur serait celui d’une activité libre et consciente (Ps. 7 : 10 ; 16 : 7).
Une seule lettre comme le O contient 30 à 40.000 cellules, chacune constituant en elle-même un « monde » avec des millions d’atomes. Chaque cellule qui a un rôle personnel est en soi un véritable univers d’une inconcevable complexité. Ensemble, elles forment un être vivant.
Le coeur et les reins représentent la vie cachée de l’homme. Mais ce qui est pour nous obscur et impénétrable, n’échappe pas au regard de Dieu. « Tu m’a tissé dans le ventre de ma mère » (v. 13b). Les os recouverts de chair, avec les veines et les nerfs, forment ensemble ce qui est ici comparé à un admirable tissu (Job 10 : 10-11). David s’écrie : « Je te célébrerai de ce que j’ai été fait d’une étrange et admirable manière. Tes oeuvres sont merveilleuses et mon âme le sait très bien » (v. 14).
« Mes os ne t’ont point été cachés lorsque j’ai été fait dans le secret, façonné comme une broderie… » (v. 15). Les os dont il est question ici sont ceux qui forment le squelette, c’est la « charpente » de notre corps. « Façonné » évoque les variétés, la bigarrure d’un tissu. L’expression « les lieux bas de la terre » est employée poétiquement pour représenter le « sein maternel », où l’enfant s’élabore mystérieusement. La vie reçue par chaque être humain, au moment de la conception, est « maintenue » par Dieu lui-même, « soutenue par la parole de sa puissance » (Héb. 1 : 3).
« Tes yeux ont vu ma substance informe et dans ton livre mes membres étaient tous écrits » (v. 16). Toute l’origine de l’existence humaine était là devant Dieu, dès le commencement. Mais la liberté de l’homme et sa responsabilité n’en sont pas pour autant diminués (voir v. 19-21).
« Combien me sont précieuses tes pensées, ô Dieu ! » (v. 17). Le psalmiste a été confronté aux plus grands problèmes que l’intelligence humaine peut être amenée à envisager. A quelle conclusion en est-il amené ? Il adore et rend grâces, saisissant un peu le plan divin pour sa vie (Jér. 1 : 5 ; Gal. 1 : 15-16) et les pensées miséricordieuses de Dieu à son égard. Elles sont si nombreuses qu’il ne peut les compter. « Si je me réveille, je suis encore avec toi » (v. 18). Chaque jour, il est encore avec Dieu, soutenu par sa bonté, sous sa protection et sa direction (v. 18 ; Ps. 73 : 23).

Dans les versets suivants (19-22), le doux psalmiste d’Israël (2 Sam. 23 : 1) évoque les ennemis de Dieu : « Si tu voulais tuer le méchant ». Il vient de contempler avec adoration les perfections divines. Il voit avec étonnement, avec horreur, la présence de ces méchants qui s’élèvent contre Dieu (v. 21), leur bouche pleine de malédiction, de tromperies et d’oppressions (Ps. 10). C’est une injure permanente envers un Dieu si grand et si bon. Ces « hommes de sang », remplis de violence (Ps. 5 : 7 ; 26 : 9) prennent le nom de Dieu en vain (Es. 1 : 13), même lors des fêtes religieuses qu’ils osent célébrer ! David les a en horreur ; il les hait d’une parfaite haine (v. 22). Toutefois, malgré cette indignation qui jaillit ici de son coeur, le psalmiste n’est pas un pharisien (Luc 18 : 11-12). Il ne cherche pas à « jeter un manteau » sur ses défaillances personnelles. Au contraire, il demande avec insistance à Dieu de le « transpercer » de son regard (voir Ps. 26 : 2). Il veut être délivré du mal qui subsiste en lui et conduit à suivre un chemin droit.
Citons enfin, « in extenso », les dernières paroles du Psaume : « Sonde-moi, ô Dieu ! et connais mon coeur ; éprouve-moi, et connais mes pensées. Et regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin, et conduis-moi dans la voie éternelle » (v. 23-24).

Ph. L 03. 09. 09

Dieu fort et grand ! Tu vois toute ma vie ;
Tu m’as connu, tu m’as sondé des cieux.
Pourrais-je donc fuir ta lumière infinie ?
De ton regard tu me suis en tous lieux.

Eprouve-moi, ô Dieu toujours fidèle,
Sonde mon coeur pour le sanctifier ;
Et conduis-moi dans la voie éternelle
En m’accordant de te glorifier.

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