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LE CORPS DANS L’ANCIEN TESTAMENT

16 juin, 2014

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LE CORPS DANS L’ANCIEN TESTAMENT

Jérôme Levie

En ces temps de valorisation frénétique d’un corps jouisseur et hédoniste, aseptisé et cosmétisé, privé de toute conscience, étranger au temps, à toute émotion authentique et à Dieu, la tradition chrétienne, réputée pour son intellectualisme et son mépris du corps, a-t-elle quelque chose à nous dire ?1 Pour répondre à la question posée par ce Sénevé, tournons-nous vers les Écritures, en particulier vers l’Ancien Testament. Le langage biblique du corps, aux antipodes d’un glossaire anatomique2, place chacune des composantes dans une optique synthétique : non comme pièce d’un assemblage, mais comme un aspect de la personne par lequel l’être entier est exprimé, dans un symbolisme parfois déroutant. L’homme pense, désire, souffre, jubile, de tout son être et à travers tout son corps3. Il y a, dans la Bible chrétienne, malgré la diversité des langues et l’évolution de la foi d’Israël au cours de la Révélation, une profonde unité de langage, de système symbolique, de vision du monde. Hélas les expressions corporelles, les symboles et métaphores, sont le plus souvent occultées dans nos traductions. L’étude de l’anthropologie vétéro-testamentaire est essentielle, non seulement en vue d’une compréhension profonde des Évangiles dont on sait combien ils sont charnels, mais pour saisir à quel point et comment la vie chrétienne est enracinée dans le corps, dans la liturgie, dans les rites sacramentels, dans notre prière. Je ne signalerai pas tous les prolongements de cette vision du corps dans le Nouveau Testament et dans la liturgie chrétienne, mais bon nombre d’entre eux sauteront aux yeux de ceux qui les fréquentent un tant soit peu.

Dieu créa les humains à sa propre ressemblance. (Gn 1 27)4
Le langage biblique, et en premier lieu l’hébreu, conserve le lien entre un organe et ses fonctions5, et les prend comme symboles6 des réalités intérieures qu’ils mobilisent. Il ne nie pas la possibilité d’une duplicité de l’homme : les psaumes sont pleins de l’opposition entre les coeurs droits et unifiés et les coeurs faux. Les relations entre Dieu et l’homme sa créature étant le sujet essentiel de la Bible, chacune des réalités du corps humain (hormis les exceptions significatives de la chair et des os) est appliquée à Dieu, de qui toute
duplicité est absente. La Bible, si elle loue chacune des potentialités corporelles de l’homme, les soupçonne dès qu’elles se referment sur elles-mêmes, s’écartant de leur orientation, qui est celle de l’homme tout entier : le face-à-face avec Dieu. Ainsi, ces anthropomorphismes, justifiés par le théomorphisme initial, cohabitent sans heurts avec l’insistance biblique sur l’absolue transcendance de Dieu. La ressemblance avec Dieu se traduit par une injonction : user de notre corps, de notre être, comme Dieu le fait, malgré l’abyssale différence entre Lui et nous.
Le surnaturel est lui-même charnel.7
Pour les hébreux, le sujet n’est pas incarné, mais est charnel dès le départ. Leur anthropologie est très différente de la conception grecque de l’âme incorruptible incarnée (voire juxtaposée) dans un corps. Ce mot «corps» n’existe pas en hébreu, et n’apparaît pas dans l’Ancien Testament, sauf dans les textes sapientiaux tardifs8. Le terme basar, traduit par «chair», n’est pas restreint aux aspects matériels, ni lié au péché. La chair désigne l’individu entier (Qo 4,5 : Le sot se croise les mains, et mange sa propre chair ; Gn 6,17, où Dieu veut détruire «toute chair»). L’expression «toute chair» peut désigner l’humanité (Jl 3,1) ou toute la création animale (Gn 6,19). Cette même chair, susceptible et suspectée de péché, trouvera son accomplissement (Gn 6,13) en la gloire de Dieu : Et la gloire de l’Éternel sera révélée, et toute chair ensemble la verra. (Is 40,5, cf. la chair sainte de Jr 11,15)
L’homme… ses jours sont comme l’herbe; il fleurit comme la fleur des champs (Ps 103, 15) : les aspects désignés par la chair9 sont, outre l’homme manifesté et extériorisé, notamment dans son corps (2 R 9,36; Jb 19,26), l’homme comme créature, lié par là à l’animalité et à la terre (Ps 90), l’homme fragile et mortel (Ps 16,9; Is 40,6), impuissant (Ps 56,5 : En Dieu je me confie : je ne craindrai pas. Que me fera la chair ?), dépendant entièrement de Dieu (Jr 17,5–7; Jb 6,12; 2 Ch 32,8). La chair désigne donc le créé, étant un des rares termes anthropologiques ne s’appliquant pas à Dieu (il est appliqué aux anges en Ez 10,12; Jude 7).
Or maintenant, Éternel, tu es notre père : nous sommes l’argile, tu es celui qui nous as formés, et nous sommes tous l’ouvrage de tes mains (Is 64,7) : la chair, créée par Dieu (comme un potier : Jb 10,8; Gn 2,7; ou un tisserand : Jb 10,11), donc digne d’admiration (Qo 11,5; 2 M 7,22–23) ne véhicule pas, au départ, de connotation péjorative ni d’infériorité. Elle nous permet de nous extérioriser, de communiquer, nous fait frères (Gn 29,14; Gn 37,27) ou époux (Gn 2,23–24) et construit la communion entre nous. En la chair est inscrite l’Alliance, c’est le lieu de l’énergie sexuelle prolongeant la fécondité divine. Elle ne se limite pas au corps, ce qui serait l’«horizontaliser», la stériliser en la privant de son orientation verticale vers sa finalité divine : elle a peur, désire, se réjouit (Ps 84,2–3; Pr 4,22). Un coeur de chair, sensible et intelligent (d’une chair se reconnaissant telle, avec ses limites), comprenant et appliquant les commandements divins, est préférable à un coeur de pierre, endurci, un esprit bouché (Ez 11,19; Ez 36,26; Za 7,12).

Maudit l’homme qui se confie en l’homme, et qui fait de la chair son bras, et dont le coeur se retire de l’Éternel ! (Jr 17 5)
Les actes humains doivent exprimer l’OEuvre du Créateur, le prolonger. L’image qu’est l’homme ne pouvant subsister indépendamment de Celui qu’elle doit exprimer10, elle doit rester ouverte à Son souffle. Le mal et la souffrance physiques, ainsi que les divisions, sont, pour les Hébreux, le résultat du mal moral11 (le livre de la Genèse en est une illustration, l’homme se désolidarisant de sa femme, puis de sa parentèle), du péché de la chair se fiant à elle-même, ou à des «citernes percées» (Jr 2,13).
Plus misérable que l’argile, sa vie ! Car il a méconnu Celui qui l’a modelé, qui lui a insufflé une âme agissante et inspiré un souffle vital. (Sg 15,10–11) Le péché provient d’une «erreur de visée» de notre nature, d’une insubordination de la créature à son Créateur. La chair s’égare si elle se fie à elle-même et non à Dieu qui la maintient en vie, l’homme se perd s’il veut disposer libertairement de sa propre vie. Le péché, rejet de l’amitié, de la dépendance vitale entre Dieu et Adam le glébeux, issu de la terre mais, grâce à sa relation privilégiée à Dieu, ne s’y limitant pas12, s’exprime par une utilisation de chaque partie du corps sans référence à l’usage voulu par Dieu. Ainsi la chair signifiera parfois la chair voulue pour elle-même, poursuivant son but propre, refusant de reconnaître son caractère de dépendance vis-à-vis de Dieu, et s’opposera alors à l’esprit (Is 31,3 : Les chevaux des Égyptiens «sont chair et non esprit»).
S’abîmant ainsi dans les iniquités et les «sépulcres de la convoitise» (Nb 11,4), elle creuse la distance entre Dieu et l’homme. La chair n’est bonne qu’ordonnée à Dieu et à l’esprit, et telle est le sens de la circoncision, et de la phrase de Paul : La chair convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair (Ga 5,17; cf. Ga 3,3). La chair n’est chair qu’unie à l’âme, vivifiée par l’Esprit — l’hébreu ne nomme jamais «chair» un cadavre (cf. 2R 9,37).
L’idée de faire des idoles a été l’origine de la fornication, leur découverte a corrompu la vie. (Sg 14,12) La sexualité, voulue par Dieu (Gn 1,27–28; Qo 9,9)13, est inscrite comme incomplétude au creux de la chair de chacun, et liée à la fécondité de Dieu insufflant la vie. Mais un désir de possession égoïste perturbe en l’introvertissant la poussée sexuelle vers l’autre (Pr 5,18–27; Si 26,13–16). La chair est dès la création signe de l’Alliance que j’établis entre moi et toute chair qui est sur la terre (Gn 9,17), et de la promesse de fécondité faite à Abraham. L’Alliance, extériorisée par la circoncision (Gn 17), écarte l’enflure du moi pour révéler l’homme à lui-même en l’ordonnant ontologiquement à Dieu, en le faisant membre de Son peuple. Toute la vie humaine devant être reliée à Dieu, la notion de circoncision s’est élargie aux lèvres (Ex 6,30; Ha 2,15), à l’oreille (Jr 6,10) et à toute impureté (Lv 19,23; Is 52,1), à l’idolâtrie, l’infidélité (Israël est incirconcise de coeur, Jr 9,25; Jr 4,4 : Ôtez le prépuce de votre coeur), l’hypocrisie, l’orgueil (Lv 26,41). Cette tension entre les sens extérieur et intérieur de la circoncision devient paroxystique dans le Nouveau Testament (Rm 2,25).

Car mes jours s’évanouissent comme la fumée, et mes os sont brûlés comme un foyer. (Ps 102 3)
Les os signifient aussi l’humain dans son caractère dérisoire lorsque non animé par Dieu. La chair, disparaissant plus rapidement que ceux-ci après la mort, a désigné particulièrement la fragilité de la créature humaine, les os rappelant la vie durable, puis la mort définitive. Les os, symboles du cadavre et de l’état post mortem, sont revivifiés par le Souffle divin dans Ez 37. Un homme est d’autant plus vivant qu’il a de la chair autour des os (Jb 33,19–21; 7,5; 30,30); l’état de la moëlle indique l’âge de l’individu (Jb 20,11). Les os peuvent ressentir des émotions durables (Pr 14,30; 15,30; Ps 6,2; 38,4 : Point de paix dans mes os, à cause de mon péché), la honte (Pr 12,4), le trouble (Ps 6,3), la tristesse (Ps 31,10), et peuvent, métaphoriquement, se disloquer (Ps 22,15), dépérir loin de Dieu (Ps 32,3; Jb 30,30), se briser lorsqu’on attaque Dieu (Ps 42,11). Chair et os sont les conditions premières de toute vie, et le signe de reconnaissance d’un parent, d’un homme (Gn 2,21–25 : Adam reconnaît Ève; Gn 29,14 : Laban reconnaît Jacob, David et Israël se retrouvent; 2 S 5,1; 19,12–13). Ainsi le Christ ressuscité n’est pas un simple esprit, car il est de chair et d’os (Lc 24,39).
Un coeur sain est la vie de la chair, mais l’envie est la pourriture des os. (Pr 14,30) Au départ de la pensée hébraïque, la vie, bien que transcendante (Jos 9,24; Ps 34,23; 72,13–14) est liée au temps (Ps 6,6; Jb 7,10), et l’état post mortem est l’inespoir du Shéol (Qo 5,14). Néanmoins, les ossements conservent un pouvoir, une énergie vitale, et exigent un certain respect (2 S 21,12–14; 2 R 23,18; 2 R 13,20–21). L’expérience d’intimité avec l’Éternel (Ps 16,11), la confiance en Sa fidélité (Ps 16,10 : Car tu n’abandonneras pas mon âme au shéol, tu ne permettras pas que ton saint voie la corruption.), amènent à espérer une vie pleine (Pr 3,18; 11,30), une résurrection14, espérance qui s’ancrera lors de la persécution d’Antioche15. La personne, donc la chair, sera restaurée en son intégralité, à l’image de la délivrance des puissances de mort, de péché, que Dieu accomplit ici-bas (Ps 13,1–5; 94,17; 103,4; Os 13,14 : Où est ta peste, ô Mort ? Où est ta contagion, ô Shéol ?).

La poussière retourne à la terre comme elle en est venue, et le souffle à Dieu qui l’a donné. (Qo 12 7)
Le mot nephesh, qui est le plus utilisé pour parler de l’âme (l’autre mot est neshamah, haleine), désigne la gorge, le lieu par excellence des échanges de nourriture et d’air. C’est le lieu du principe vital, vivifié par le souffle de Dieu. Par suite, ce mot prendra la signification de principe vital, présent en tout être vivant (Gn 1,20), et de ses fonctions — à la fois les opérations psychiques les plus basiques (se nourrir, respirer) et les opérations spirituelles les plus hautes. Parmi celles-ci, la louange s’exprime par le verbe hallelu, onomatopée désignant le bruit gazouillant obtenu en frappant les mains contre la gorge : Bénis le Seigneur, ô mon âme ! Alleluia ! (Ps 104,35) Être vivant, c’est avoir en soi le souffle (2 S 1,9), car à la mort l’âme repart (Gn 35,18; Jr 15,9). La Bible nomme la dépouille âme morte (Nb 6,6; Lv 21,11), ou simplement âme (Nb 22,4; Nb 5,2), signifiant par là qu’une âme n’est rien si elle n’est pas animée par le Souffle divin. Plus souvent Dieu reprend l’esprit (Jb 34,14; Qo 12,7), et l’âme meurt (Nb 23,10; Jg 16,30; Ez 13,19) ou «habite le silence» (Ps 94,17). Paul reprendra cette distinction, parlant des stades psychique et pneumatique16 de l’homme.
Les bonnes nouvelles d’un pays éloigné sont de l’eau fraîche pour une âme altérée. (Pr 25,25) L’âme désigne l’homme vivant (Lv 5,2; 1 R 17,21–22; Ex 21,23.24 : âme pour âme, oeil pour oeil) et sert à compter les individus (Gn 46,27; Nb 31,46; Dt 10,22). L’expression «toute âme», moins fréquente que «toute chair», désigne parfois les hommes (Ex 12,16), parfois les êtres vivants (Gn 9,10–12). Un autre aspect de l’homme (1 S 18,1–3) ou de Dieu (Am 6,8; Jr 51,14) qu’elle souligne est l’engagement profond dans le secret. Devenue spirituelle, l’âme peut toujours avoir soif (Ps 63,2), faim (Ps 107,9), être noyée (Ps 69,2); en elle se ressentent le désir sexuel (Gn 34,2–3), la soif de Dieu (Ez 22,24), la joie (Ps 86,4), l’orgueil (Ha 2,5), la tristesse (Ps 42,6). L’âme bénit (Gn 27,4; Ps 103,1), l’âme de Dieu hait le méchant (Ps 11,5), l’âme de l’homme aime et cherche Dieu (Dt 6,5).
L’âme n’est pas la source autonome de la vie, qui est l’haleine (neshamah ou ruah) insufflée de Dieu (Ps 104,29) : elle ne vit qu’unie à la chair qu’elle vivifie (du moins dans les textes anciens). C’est le coeur vivant de l’être, auquel seule la Parole a accès. L’homme n’est pas le maître de la vie : Oui, c’est toi qui as pouvoir sur la vie et sur la mort, qui fais descendre aux portes de l’Hadès et en fais remonter. L’homme, dans sa malice, peut bien tuer, mais il ne ramène pas le souffle une fois parti, et ne libère pas l’âme que l’Hadès a reçue de Dieu. (Sg 16,13.14) L’âme est dans la main de Dieu (Sg 3,1), qui protège les justes, combat les ennemis d’Israël (1 S 25,29) et juge les âmes (Sg 12,22–23; 4,14).
L’Esprit de Dieu m’a fait, et le souffle du Tout-puissant m’a donné la vie. (Jb 33,4) Le mot ruah, vent, symbolisa vite le souffle des narines de Dieu17 (Lm 4,20; Ex 15,8–10; Ps 18,16), instrument de Sa justice (Os 13,15; 4,19), exécuteur de Ses préceptes et de Sa création (Gn 1,2; Jdt 16,14; Ps 33,6). La vigueur, la vitalité, le maintien en vie du monde en dépendent18 (Jb 34,14–15; 12,10). Ce vent peut être violence (Ez 13,13; Is 30,33) ou murmure (1 R 19,12), desséchant, fécondant ou renouvelant (Ez 37,9–10; 39,29). Il représente aussi l’esprit humain (opposé, au moins par endroits, au souffle animal), force soulevant, animant le corps par la respiration. Il vient de Dieu et y retourne (Gn 6,3; Qo 12,7), vivifie la chair inerte, lui donne une âme vivante. Il désigne l’homme en tant qu’animé par Dieu (Gn 7,22; Is 42,14), ouvert à la vie divine et à la Sagesse (Jb 32,8–9; Ps 143,10).
Et l’Esprit de Dieu vint sur les messagers de Saül, et eux aussi ils prophétisèrent. (1 S 19,20) On voit ici clairement comment l’observation de la nature rejaillit sur l’anthropologie. La ruah inspire toutes les actions humaines selon la Justice de Dieu : ainsi les prophètes sont les interprètes (au sens large) de l’esprit de Dieu (Nb 11,29; Is 61,1; Jl 3,1–2). Inséparable de l’être (chair et âme) qu’il anime, pas toujours bien distingué de l’âme, l’esprit humain, s’il peut implorer Dieu (Za 12,10), désigne au départ une vie physio-psychologique particulièrement vigoureuse (vitalité : 1 S 30,12, colère : Jg 8,3, discernement : Is 28,6, sagesse : Is 11,2). Il peut s’égarer, mentir (1 R 22,23), s’abandonner à des forces néfastes, des «esprits mauvais» (1 S 16,14–16; Jg 9,23), lorsque la conscience humaine ne s’appartient plus, dans la jalousie (Nb 5,14), la haine et l’impureté (Za 13,2), mais il peut aussi, s’il est en relation avec la ruah divine, être source de renouvellement de l’être.
J’entends le sang de ton frère dans le sol me crier vengeance. (Gn 4,10) L’origine du mot nephesh montre bien l’importance du sang. Circulant dans la gorge, il s’identifie avec l’âme de l’être vivant, la vie de sa chair (Ps 72,14; Lv 17,11 : L’âme de la chair est dans le sang, Lv 17,14). Chair et sang ensemble désignent l’homme dans sa nature terrestre, faillible (Si 14,18; Mt 16,17). Le sang étant, comme la vie, sacré, on ne peut mêler sangs animal et humain, ni ingérer du sang (Gn 9,4; Lv 7,27). Si le sang menstruel est impur, le sang du sacrifice, le sang de l’Alliance, est expiatoire, pouvant par-là même protéger.

Ma chair et mon coeur sont consumés; Dieu est le rocher de mon coeur, et mon partage pour toujours. (Ps 73 26)
Le coeur (lev, levav) est celui de nos organes que nous sentons le plus constamment. S’il est le moteur de nos mouvements (1 S 25,37–38; Ps 38,11), il désigne également, plus largement qu’en nos langages, le dedans de l’homme, son centre d’intériorité, le siège de ses sentiments (Is 65,14), sa santé (les deux étant liés en Pr 17,22 : La bonne humeur favorise la guérison, mais la tristesse fait perdre toute vitalité), de sa mémoire, de sa personnalité consciente (2 S 15,13). Le coeur de l’homme est différent du coeur de la bête (Dn 5,21; 7,4).
En outre, plus que le siège du sentiment amoureux19, le coeur est le lieu de la mise en ordre de nos sensations, de l’intelligence et de la connaissance (Dt 29,3), de la délibération avant l’action : tout sauf le symbole de l’irrationalité ! Salomon est large de coeur (1 R 4,29) par l’étendue de son savoir et de sa sagesse. Connaître au sens biblique (l’expression populaire signifie : avoir des rapports sexuels) n’est pas séparable d’aimer et de comprendre. Celui qui manque de coeur est idiot (Os 7,11) ou insensé (Pr 10,13), dit dans son coeur : Il n’y a point de Dieu (Ps 53,2). Dieu inscrit Sa Parole dans le coeur de Son peuple (Dt 6,6), qui Le suit en confiance. Et c’est dans un tel coeur que Marie conserve les paroles de son fils (Lc 2,51).
Sagesse et connaissances humaines ne sont rien devant Dieu (Is 44,25). Le psalmiste demande un coeur propre, c’est-à-dire une conscience pure (Ps 51,12). Un coeur endurci demande une conversion, une circoncision qui est re-création à l’image du coeur de Dieu, Alliance renouvelée (Jr 31,33; 32,39; Dt 30,6; Is 65–66; Ez 18,31)
Le coeur de Dieu souffre et se réjouit avec nous (Os 11,8). C’est avec son coeur que l’on cherche Dieu (Dt 4,29) ou retourne à Lui (Jr 24,7), qu’on L’aime (Dt 6,5) et Lui est fidèle (1 S 7,3). Par Son coeur il connaît nos coeurs, id est nos projets, décisions, idées, souvenirs : Moi, l’Éternel, je sonde le coeur, j’éprouve les reins. (Jr 17,10) On ne peut cacher l’intérieur de notre coeur à Dieu, et nos hypocrisies éclatent au grand jour (Am 5,21; Ps 78,36–39).

Mes entrailles ! mes entrailles ! je suis dans la douleur ! Les parois de mon coeur ! (Jr 4 19)
Pour les Hébreux, conscients des connections psychosomatiques, les paroles et les actes extérieurs ont des effets sur le corps jusqu’au creux des entrailles (Pr 18,8). Le foie, de l’homme ou de Dieu, souffre de la destruction du peuple (Lm 2,11), est transpercé par la fornication comme d’une flèche (Pr 7,23), ou se réjouit : Mes entrailles jubilent. (Ps 16,9)
Les reins désignent la puissance procréatrice (2 S 7,12; Ps 132,11), la vigueur physique en général (1 R 12,10) et la source des passions les plus fortes (Ps 38,8 : Mes reins sont pleins de fièvre; 1 M 2,24; Na 2,11) : la joie (Pr 23,15–16), le désir (Jb 15,17; 16,12–13 je me tourmentais dans mes reins), l’indignation (Ps 73,21). Comme le foie (mais plus fréquemment cités), ils sont le lieu des blessures sentimentales. Là règne la sécheresse de l’amour perverti, ou l’ardeur de la fécondité; c’est le symbole de la descendance future et du développement de la personnalité : Car tu as possédé mes reins, tu m’as tissé dans le ventre de ma mère. (Ps 139,13) L’homme a beau vouloir cacher ses sentiments, à cette région lombaire des desseins cachés (Jr 11,20) qu’Il a lui-même tissée, Dieu, qui «sonde les reins et les coeurs», a également accès20. La puissance de Dieu sur nos projets (Ps 69,23), nos actions, notre descendance, est ainsi rappelée. Ceindre ses reins d’homme ou de femme, c’est s’ordonner au service fidèle de Dieu (Ex 12,11; Pr 31,17; Is 11,5 : La justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité, la ceinture de ses flancs.)
Une femme oubliera-t-elle son nourrisson, pour ne pas avoir compassion du fruit de son ventre ? Même celles-là oublieront; mais moi, je ne t’oublierai pas. (Is 49,15) Le mot rahamim, désignant la compassion, la générosité, fréquemment attribuées à Dieu, dont les entrailles peuvent s’émouvoir (Is 63,15; 54,8; Ps 116,5; 77,9.10; Dt 13,18; Jr 31,20; Os 11,8), découle de rehem, utérus, ventre. La demande d’un enfant était une des plus pressantes adressées à Dieu, seul capable de l’exaucer (1 S 1,10–13; Gn 30,1–2; Dt 34,4 : Je le donnerai à ta semence.), Lui qui nous connaît dès avant notre conception (Jr 1,5; Ps 22,9–10). Malgré l’impureté rituelle de la femme menstruée, décrétée en Lv 15,19–21 (impureté comparée au péché d’Israël en Ez 36,16–17), le ventre fécond d’une femme, qui n’appartient qu’à Dieu, est une promesse, et une poitrine pleine (Is 66,11; Ps 131,2; Os 9,4 a contrario) annonce abondance et rédemption. Lorsque Salomon attribue (1 R 3) une moitié d’enfant à chacune des deux prétendues mères, la vraie mère est celle qui manifeste de la compassion21. Si la sympathie, l’empathie, ont dans l’esprit hébreu une origine féminine privilégiée, les hommes peuvent aussi l’éprouver (Gn 45,2). Par cette relation sémantique, l’aspect maternel de Dieu (pour son peuple) est souligné (Os 11; Jr 21,4–7).
L’esprit de l’homme est une lampe de l’Éternel; il sonde toutes les profondeurs du coeur. (Pr 20,27) Toutes ces entrailles, avec le coeur, symboles de la réactivité psychosomatique de l’homme, sont connues (donc visitées) par Dieu. Elles sont l’espace intérieur où nous digérons nos sensations et prenons nos décisions22, le for intérieur d’où nous louons Dieu : Que mon âme bénisse l’Éternel, et tout ce qui est au dedans de moi, son saint nom ! (Ps 103,1)

Fais luire ta face sur ton serviteur; sauve-moi par ta bonté. (Ps 31 16)
Au Proche-Orient, le crâne était enterré à part23, la tête était (comme la main et l’organe sexuel) un trophée de guerre. Chez les Hébreux, la tête, comme pars pro toto, représente la personne entière. Vulnérable, elle exige respect et vénération : les têtes de rois ou de prophètes sont ointes ou couronnées (1 S 10,1; Jb 19,9), et la Bible dénonce ceux qui mésusent de leur puissance (Ps 147,10; Is 9,3–5; Jdt 9,11–14) et exploitent les pauvres parce qu’ils écrasent la tête des faibles sur la poussière de la terre (Am 2,7).
Parmi les éléments de la tête, la face exprime la personnalité en contact, en relation, le partage des états d’âme s’y inscrivant (la honte : Ps 44,16; 69,7.8; la vie : Pr 16,15). D’aucuns refusent de voir la réalité en tournant la tête vers le mur (1 R 21,4; 2 R 20,1–2; Is 38,2); de même après le meurtre d’Abel, Caïn fuit la face de Dieu (Gn 4,4–6). S’incliner face contre terre est la réaction normale face à Dieu (Jg 13,20; 1 R 18,39); cracher à la figure d’une personne est la marque suprême du mépris (Nb 12,14; Dt 25,9; Jb 30,10). Le face-à-face est le lieu de la communication la plus intime, d’où l’aspiration cultuelle à voir la face de Dieu (Ps 17,15), symbolisant Sa présence (Ex 34,28–35), ce qui fut, après Jacob (Gn 32,22–32) et Moïse (Ex 33,11), réservé au temple (2 S 21,1). Dieu détourne Sa face du péché d’Israël (Dt 31,17; Jb 13,24; Ps 51,11–12), et ne montre l’éclat stellaire de Son visage, la «lumière de Sa face», qu’à ceux qu’Il aime (Nb 6,22–27; Ps 4,7; 44,4; 67,2).
Mais ils refusèrent d’être attentifs, et opposèrent une épaule revêche, et appesantirent leurs oreilles pour ne pas entendre. (Za 7,11)24 Le front, au centre de la tête, symbolise l’affirmation de soi (Ez 3,7–9), et le port de tête les diverses attitudes de l’homme. La nuque, comme le front et l’épaule, peut être souple, montrant l’humilité, haute, exprimant la fierté (Is 3,16–24), ou raide, montrant l’entêtement (Ex 32,9; Is 48,4; Jg 2,19), ployée sous un joug (Jos 10,24; Jr 27–28).
Le nez perçoit les odeurs, agréables (Ct 7,14) ou non (Am 4,10); les narines sont le lieu du souffle divin maintenant la vie. En outre, un nez fort symbolise la décision, un nez haut l’arrogance, un nez enflammé la rage (Jb 32,2–3) ou la colère divine (Jr 21,5), attribut très masculin de Dieu, qu’on essaye de calmer avec de saintes odeurs.
Tu pris ta croissance, et tu devins grande, et tu parvins au comble de la beauté; tes seins se formèrent, et ta chevelure se développa (Ez 16,7) : les cheveux représentent le dynamisme et la vitalité25 (Ct 6,5; 4,1; 2 S 10,4; Nb 6; Jg 13–16 : Samson), pour les femmes l’érotisme. Les coiffures, différentes d’un peuple à un autre, étaient réglementées26, ainsi que l’hygiène capillaire, pour tout Israélite, spécialement les prêtres et guérisseurs (Lv 19,27–28; Jr 9,25; Lv 13,40–44; Ez 44,20). Un des voeux des nazirs, consacrés à Dieu, était de se laisser croître les cheveux (Nb 6,5; Jb 16,17).

Ils se baisèrent l’un l’autre et pleurèrent l’un avec l’autre, jusqu’à ce que les pleurs de David devinssent excessifs. (1 S 20 41)
Avec la bouche, nous communiquons avec le monde, par l’ingestion de nourriture, et avec nos semblables, par le rire, le baiser (amoureux Ct 1,2 ou familial, pour se saluer : Gn 29,13; Rt 1,9–14; Ex 18,7, sceller un héritage : Gn 33,4; 48,10), contact intime et transparent27 (Gn 29,11), provoquant les larmes, ce «sang de l’oeil»28, et le langage. Mais le baiser, célébré par la Bible, peut être signe de défaite ou d’hypocrisie (Pr 27,6).
J’ai ouvert ma bouche, et j’ai soupiré; car j’ai un ardent désir de tes commandements. (Ps 119,131) L’ingestion de nourriture est positive, car nécessaire à la vie. Mais la manne (Ex 16,31) acquiert vite un sens spirituel (Dt 8,3) signifiant la Loi, la Parole. Mais une bouche avide (Is 3,14) montre une cupidité malsaine.
Les ouvriers d’iniquité parlent paix avec leur prochain tandis que la méchanceté est dans leur coeur. (Ps 28,3) La Bible ne cesse de nous exhorter à mesurer nos paroles, expressions privilégiées de notre intelligence, de notre sagesse. Le langage, privilège de l’homme, instrument de domination (Pr 18,21), doit, via les lèvres, la bouche et la langue (comme d’ailleurs nos actes et notre visage), exprimer à Dieu et à notre semblable les sentiments de notre coeur (Pr 16,23). Sinon, non seulement l’homme est divisé, mais son coeur lui-même l’est (Ps 12,3). Seuls les coeurs unifiés sont heureux (Si 27,23) : rien de pire que la duplicité et le mensonge (Ex 23,1; Jr 9,3). La Bible vilipende la parole d’iniquité (Ps 36,3.4), fausse, perverse, flatteuse (Pr 26,28), violente, proférant des malédictions (Ps 10,7), faisant du gosier un «sépulcre du mensonge» (Ps 5,10), souillant l’homme (Si 20,24–26), brisant jusqu’à son esprit et sa santé (Pr 12,18; 10,11; 15,4). Jésus, traitant les pharisiens d’hypocrites, de langues de vipères, reprend cette tradition (Mt 12,34–37). Aimé de Dieu (Pr 12,22) le juste dont la parole est sagesse, pesée, maîtrisée, informée et judicieuse (Pr 10,20; 20,15; 12,19; 17,27; 29,20; Jc 1,26.27). Cette parole vraie, qui est d’argent, est comparée à la beauté des lèvres, dents et joues, célébrée en Ct 4,2–3 : Celui qui répond des paroles justes donne un baiser aux lèvres. (Pr 24,26)
Pour ne point être avides ou contraires à l’Éternel (Is 3,12), les lèvres doivent être suspendues aux lèvres de Dieu, idéal de sincérité, écouter l’incomparable Parole de Dieu (Ps 12,7), agissante et percutante comme nulle autre (Is 55,8–11; Ps 33,6; Jr 23,29), pour obtenir la grâce de simplicité, et La reproduire (Ps 119,43), malgré leur radicale impureté (Ex 6,12).
Que toute chair fasse silence devant l’Éternel, car il s’est réveillé de sa demeure sainte. (Za 2,13) Les lèvres doivent être ouvertes pour exprimer le fond du coeur, aussi dans le Nouveau Testament (Mc 7,32–35), et si, plutôt qu’une logorrhée injuriant l’Éternel29, le silence peut être sagesse (Jb 13,5; Lm 3,26), il peut aussi révéler une incapacité de répondre à Dieu, de le louer (Ps 38,14–15; Is 56,10). Mais «l’Éternel ouvrira les yeux des aveugles» (Ps 146,8), alors leur bouche «annonce [sa] louange» (Ps 51,16) et «la langue du muet chantera de joie» (Is 35,5; voir aussi 32,3.4 et Ps 88,11; Jb 8,21).

Voici, tu es belle, mon amie; voici, tu es belle ! Tes yeux sont des colombes derrière ton voile. (Ct 4 1)
Ici l’hébreu insiste, non sur l’aspect extérieur de l’organe, mais sur le dynamisme de la fonction. Les yeux ne sont pas passifs, ils envoient des messages (Ct 4,9), ont un éclat30 qui est le rayonnement de la personne (Ps 38,10; Gn 29,16–18 : Rachel et Léa; 1 S 16,12 : David). Il s’ensuit que Dieu, s’il «voit tout ce qu’Il a créé» (Gn 1,31), a certes un regard pénétrant, mais plutôt compatissant (Ex 3,7; Jb 36,5–7) et secourant31 que surplombant (voir cependant Am 9,3–8). Rappelons que le sens de la prohibition des images (Ex 20,4–5; Dt 5,8–9) est de protéger Israël de la dépendance aux faux dieux, aux réalités écartant d’une vie pleine. Si, on le verra, le sens auditif n’est pas peu important, les yeux de l’homme cherchent Dieu et implorent son secours (Ps 121,1), et voir Dieu reste la fin suprême : Mon oreille avait entendu parler de toi, mais maintenant mon oeil t’a vu. (Jb 42,5)
Souviens-toi que c’est mal d’avoir un oeil avide. (Si 31,13) Voir, surtout pour les prophètes, signifie connaître, comprendre et expérimenter substantiellement. On comprend alors l’importance des paroles de Siméon : mes yeux ont vu ton salut (Lc 2,30) et de Pierre en 2 P 1,16. Dans l’Ancien Testament, et davantage encore dans le Nouveau, il y a ceux qui voient et écoutent (id est qui comprennent en leur coeur et se convertissent) et ceux qui ne voient ni n’écoutent (Is 6,9–10; Ez 12,2–3; Mc 4,11–12). C’est là tout le sens de la pédagogie des paraboles de Jésus et de ses guérisons d’aveugles et de sourds32 annoncées par Isaïe. Cependant, sur fond de peur du «mauvais oeil» (Pr 28,22 : L’homme qui a l’oeil mauvais se hâte pour avoir des richesses), la sagesse biblique critique le regard idolâtre et avide (trouvant son prolongement en Mt 5,29) : l’homme est en danger s’il s’attache aux choses vues (Jb 31,7 : si mon coeur a suivi mes yeux) et les désire avidement. Comme la véritable écoute, le regard véritable n’est pas qu’extérieur (Is 32,3–4).

Donne donc à ton serviteur un coeur qui écoute, pour juger ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal. (1 R 3 9)
C’est en «écoutant», c’est à dire en apprenant et en expérimentant, que Salomon s’attire la faveur divine de vivre longtemps, et écrit «ses» proverbes (Pr 1,1–6). Ils nous poussent à écouter (donc à suivre) les enseignements de nos parents et de Dieu (Pr 23,22; 22,17) — sinon la peine capitale est au bout du chemin (Dt 21,18–21). Israël est vu comme une communauté à l’écoute amoureuse de Dieu (Dt 6,4–9), c’est le Shema Israël. C’est cette écoute que désire Dieu, non des sacrifices : Tu ne veux ni sacrifices ni offrandes, mais tu m’as donné une oreille ouverte. (Ps 40,7; cf. 1 S 15,21.22) Dans la bouche de ceux qui L’écoutent, dont Il ouvre lui-même les oreilles, Il mettra Sa propre Parole, et ils interpréteront Ses signes (Is 40,4–5), comme Moïse et Aaron (Ex 4,10–16; Dt 32,1–2). Comme le regard, l’audition entre Dieu et Son peuple est une relation intime33 : ainsi Dieu, au contraire des idoles (Ps 115,6; 135,17; 1 R 18,27), écoute les cris et les suppliques des affligés (Ex 2,23–24; 22,22–23; Ps 34,16; 116,1–2), exauce les demandes de descendance (Gn 16,11; 1 S 1,20) — mais ce que Dieu entend peut aussi réveiller sa colère (Nb 11,1). Cette théologie liant écoute, réflexion (Pr 18,13 : fous ceux qui parlent avant d’écouter), ouverture à la foi et actes droits, est sous-jacente aux guérisons de sourds par Jésus (Lc 8,21; Mc 7,32–35; 4,14–20; cf. Jc 1,22–25).

Si l’Éternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent y travaillent en vain. (Ps 127 1)
Les bras et la main (un même mot en sémitique primitif), sont le signe de l’action humaine. Le langage des mains est complexe et varié : on peut taper des mains pour applaudir (2 R 11,12), encourager (Is 55,12; Ps 98,4), ou pour rejeter, s’écarter d’un malheureux, d’un disgrâcié (Jb 27,23; Ez 21,17; 25,6; 6,11)34. Le travail de nos mains sera béni ou non (Dt 14,29), suivant notre attitude vis-à-vis de Dieu; s’il n’est pas relié à notre «coeur», donc à notre intelligence, et à Dieu, ce travail est aliéné (Gn 31,42) et inutile.
J’ai mis Yahvé devant moi sans relâche; puisqu’il est à ma droite, je ne bronche pas. (Ps 16,8) La main gauche, qui porte l’iniquité (Ez 4,4) et est subalterne (Gn 48,13–20), est nettement différenciée de la droite (seule utilisée pour les gestes sacrificiels), qui est droiture et puissance. Si Dieu a deux mains, il n’a qu’une main droite (Is 63,12), Sa puissance, Sa solidité, qui est la nôtre quand Il nous protège. Le doigt de Dieu est sa trace, sa signature (Ex 8,18), sa volonté et son action (Ex 31,18; Dt 10,2), par laquelle Jésus chassera les démons. Le bras des rois, symbole de leur puissance via le sceptre (Jg 5,14; Est 4,11; 5,2), peut être brisé (Ez 30,21–25; Jr 48,17), le bras de Dieu seul ayant la vraie puissance (Is 59,16; 62,8). Dieu seul peut nous aider (Dt 4,34.35; 7,19), «à main forte et à bras étendu». Tu ouvres ta main, et tu rassasies à souhait tout ce qui vit (Ps 104,28) : potier et tisserand, Dieu tire de Sa main toute vie, de Sa main généreuse offre les moissons, rend le bétail fécond. C’est donc en Ses mains que l’on se remet en toute confiance, à l’heure de la mort ou de la détresse (Ps 31,6).

Ta parole est une lampe à mon pied, et une lumière à mon sentier.
(Ps 119 105)
L’hébreu n’a qu’un mot, regel, pour les pieds, les jambes et les genoux (et parfois, l’entrejambe35). Jambes et genoux représentent la force de réalisation de l’homme, son lien à la terre et à l’animalité36 (Ps 147,10). Fléchir le genou est un signe37 d’infériorité, de soumission (Is 45,23), mais également de sainteté. L’agenouillement dans la prière marque l’imploration muette, la supplication profonde. Les pieds nous lient à la terre, avec eux nous nous tenons debout et nous marchons. Avec la démarche (Pr 30,29; Sg 14,11 : les idoles sont «un piège pour les pieds des insensés»), ils symbolisent notre personnalité dans sa solidité et ses fondements. Le boiteux est vu comme très fragile (2 S 9,13; 1 R 15,23), et chacun se doit de l’assister, d’«être ses pieds» (Jb 29,15) — comme du reste le sourd et l’aveugle. Signalons qu’a contrario, ceux qui courent trop vite sont mal vus, soupçonnés d’espionnage (1 S 26,4; 2 S 15,10.11), sauf le messager du salut (Is 52,7). Les pieds d’une femme, en particulier d’une vierge, sont adulés (Ct 7,1.2; Ez 16,10; Jdt 10,4; 16,9), et incarnent sa fierté, son pas altier.
Siège à ma droite, avant que je ne fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds. (Ps 110,1) Cette expression (cf. Ps 18,37–39) sera fréquemment appliquée à Jésus (Mc 12,36; Ac 2,35). Indiquant la suprématie, elle est appliquée à Dieu (Ps 99,5; Is 66,1), ou à l’homme, pour indiquer sa prépondérance au sein de la création (Ps 8,6.7) ou sur la terre que Dieu lui donne (Gn 13,17)38. Par suite, l’humiliation suprême, à ne faire quasiment que devant Dieu ou ses envoyés (Ps 2,12; 99,5; 132,7; 2 R 4,27.37; exception: 1 S 25,23), est la prostration aux pieds de quelqu’un. Enlever ses sandales et aller pied nu est un signe d’impuissance (2 S 15,30; Is 20,2–4), de honte (associé au crachat à la figure en Dt 25,9–10); en outre, les sandales, liées à la terre, sont impures par excellence (Ex 3,5), et enlever celles d’autrui était une des plus basses tâches (de même pour laver les pieds, ce qui se faisait cependant aussi entre amis).

Par l’Esprit Saint il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme…39
Voilà donc la culture à travers laquelle Dieu S’est révélé, dans laquelle il Lui a plu d’Incarner Son Fils. Il me semble que sa vue unifiée de l’homme, sa juste appréciation de ce qu’est la chair, fragile mais capable de déification, la rendait particulièrement propice à saisir le mystère glorieux qu’est l’Incarnation. Outre une vision renouvelée, réconciliée, de notre propre corps, l’Ancien Testament, toujours orienté sur les rapports entre l’homme et Dieu, nous apprend que l’ensemble de notre être, chacune de nos fonctions physiologiques, psychologiques et spirituelles, est créé à l’image de Dieu, à laquelle nous sommes invités à nous conformer. À travers Son visage, Son regard, Son bras, Son souffle, Dieu y apparaît parfois ferme, voire violent, parfois tendre et aimant, aspects mystérieusement réconciliés en la Justice parfaite du Père. Par ses retournements successifs, sa relation à la fois respectueuse et suspecte vis-à-vis, non tant des réalités corporelles, mais de nos fonctions de créatures, enfin par sa conscience aiguë de l’unité pneumato-psycho-somatique de l’homme, la sagesse biblique, que j’ai tenté d’esquisser, a je crois beaucoup à apporter à notre monde actuel.

J.L.

GN 1 : LA CRÉATION EN SEPT JOURS

14 mai, 2014

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/194.html

GN 1 : LA CRÉATION EN SEPT JOURS

LORSQUE DIEU COMMENÇA LA CRÉATION DU CIEL ET DE LA TERRE, LA TERRE ÉTAIT DÉSERTE ET VIDE…

Gn 1,1 Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, 2 la terre était déserte et vide, et la ténèbre à la surface de l’abîme ; le souffle de Dieu planait à la surface des eaux.

3 et Dieu dit : « Que la lumière soit »! Et la lumière fut. 4 Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre. 5 Dieu appela la lumière «jour» et la ténèbre il l’appela «nuit». Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour.
6 Dieu dit : « Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux ! » 7 Dieu fit le firmament et il sépara les eaux inférieures au firmament d’avec les eaux supérieures. Il en fut ainsi. 8 Dieu appela le firmament «ciel». Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour.
9 Dieu dit: « Que les eaux inférieures au ciel s’amassent en un seul lieu et que le continent paraisse ! » Il en fut ainsi. 10 Dieu appela «terre» le continent : il appela «mer» l’amas des eaux. Dieu vit que cela était bon. 11 Dieu dit : « Que la terre se couvre de verdure, d’herbe qui rend féconde sa semence, d’arbres fruitiers qui, selon leur espèce, portent sur terre des fruits ayant en eux-mêmes leur semence ! » Il en fut ainsi. 12 La terre produisit de la verdure, de l’herbe qui rend féconde sa semence selon son espèce, des arbres qui portent des fruits ayant en eux-mêmes leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. 13 Il y eut un soir, il y eut un matin : troisième jour.
14 Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour de la nuit, qu’ils servent de signes tant pour les fêtes que pour les jours et les années, 15 et qu’ils servent de luminaires au firmament du ciel pour illuminer la terre ». Il en fut ainsi. 16 Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour présider au jour, le petit pour présider à la nuit, et les étoiles. 17 Dieu les établit dans le firmament du ciel pour illuminer la terre, 18 pour présider au jour et à la nuit et séparer la lumière de la ténèbre. Dieu vit que cela était bon. 19 Il y eut un soir, il y eut un matin : quatrième jour.

20 Dieu dit : « Que les eaux grouillent de bestioles vivantes et que l’oiseau vole au-dessus de la terre face au firmament du ciel ». 21 Dieu créa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur espèce, dont grouillèrent les eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. 22 Dieu les bénit en disant : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez les eaux dans les mers, et que l’oiseau prolifère sur la terre » ! 23 Il y eut un soir, il y eut un matin : cinquième jour.
24 Dieu dit : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce: bestiaux, petites bêtes, et bêtes sauvages selon leur espèce » ! Il en fut ainsi. 25 Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les petites bêtes du sol selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. 26 Dieu dit: « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre » ! 27 Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa; mâle et femelle il les créa. 28 Dieu les bénit et Dieu leur dit : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre » ! 29 Dieu dit : « Voici, je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence; ce sera votre nourriture. 30 A toute bête de la terre, à tout oiseau du ciel, à tout ce qui remue sur la terre et qui a souffle de vie, je donne pour nourriture toute herbe mûrissante ». Il en fut ainsi. 31 Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : sixième jour.

Gn 2,1 Le ciel, la terre et tous leurs éléments furent achevés. 2 Dieu acheva au septième jour l’uvre qu’il avait faite, il arrêta au septième jour toute l’uvre qu’il faisait. 3 Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l’uvre que lui-même avait créée par son action. 4 Telle est la naissance du ciel et de la terre lors de leur création.

Le Midrash sur les Proverbes

30 avril, 2014

http://www.objectif-transmission.org/notre-catalogue/autrescorpus/100-le-midrash-sur-les-proverbes

Le Midrash sur les Proverbes

Le Midrash en général et la place du présent midrash.
Le terme de midrash est issu de la racine hébraïque darash : chercher, fouiller. Le Midrash peut donc être défini comme une lecture fouillante de la Bible. C’est une explicitation du texte biblique mais sous une forme particulière : le commentaire fait appel à de nombreuses techniques (jeu de mots, utilisation de versets bibliques hors de leur contexte, situation anachronique des personnages, mise en rapport de versets utilisant les mêmes mots, etc.) et n’hésite pas à prendre de nombreuses libertés avec le texte, mais toujours dans le but d’en faire jaillir le sens. Cela est issu de la conception selon laquelle il n’y a pas de « parole vide » dans le texte biblique.
Mon but n’est pas d’expliciter en détail les caractéristiques du midrash, le lecteur pourra se reporter aux excellents ouvrages disponibles en langue française 1. Je voudrais simplement situer le texte qui nous intéresse dans l’immense littérature rabbinique. Si l’on omet tous les midrashim proprement halakhiques (c’est-à-dire qui s’occupent de questions légales), le midrash le plus ancien est le Midrash Rabba. Cette somme réunit des midrashim sur l’ensemble de la Torah (ou Pentateuque) ainsi que sur les Méguilot (ou Hagiographes). Une place vide est laissée aux prophètes ainsi qu’aux écrits ne faisant pas partie des cinq Méguilot. Il est vrai que des commentaires de certains versets de ces livres peuvent être trouvés dans le Midrash Rabba, les Talmuds, et plus généralement dans la littérature midrashique. Mais, aucun midrash ne traite spécifiquement de ces ouvrages si ce n’est trois livres dits « mineurs » : le midrash sur les Livres de Samuel (Midrash Shemuel), le midrash sur les Psaumes (Midrash Tehilim) et le Midrash sur les Proverbes (Midrash Mishlé). Ce sont des textes généralement tardifs (du Vème au XIIIème siècle). Mais si ces ouvrages reprennent des commentaires que l’on peut trouver dans le Midrash Rabba ou dans les Talmuds, ils conservent beaucoup de traditions originales. C’est pourquoi ils se révèlent de première importance. De plus, ils constituent une mine d’informations irremplaçable quant à l’évolution de la pensée juive au cours des âges.

• Le Midrash Mishlé
Datation et caractéristiques générales
La datation d’un texte tel que le Midrash Mishlé est d’une grande difficulté. On sait que l’ensemble des textes de ce genre comportent des commentaires de datations très diverses. C’est également le cas de notre ouvrage et la seule date que l’on puisse examiner est celle de la clôture du texte. Pour celle-ci les dates avancées par les spécialistes varient du VIème au IXème siècle sans que l’on puisse la préciser davantage à cause de l’hébreu employé qui est peu caractéristique d’une époque ou d’une autre.
Certains chercheurs ont supposé que le texte que nous possédons est une forme lacunaire d’un midrash plus complet car le commentaire du texte n’est pas systématique. En effet, les chapitres 3 et 18 du Livre des Proverbes ne bénéficient d’aucun commentaire, alors que d’autres ne sont que peu commentés (chapitres 4, 7, 12, 17, 24, 28 et 29). Le débat est toujours ouvert. Toutefois, ce midrash possède une structure classique. Les premiers chapitres sont abondamment commentés (en particulier le chapitre 1). Et ce commentaire se fait de plus en plus laconique au fur et à mesure du parcours de l’ouvrage. Il se termine malgré tout par deux chapitres (chapitres 30 et 31) de volume important.

Contenu du texte.
Le rôle principal de ce midrash est occupé par la Torah ou plutôt par l’étude de la Torah. Il ne faut pas voir uniquement sous cette expression l’étude des cinq premiers livres de la Bible, mais l’étude de l’ensemble de la littérature rabbinique (Michna, Talmud, midrashim et ouvrages mystiques). Un passage particulièrement emblématique de ce thème se trouve au chapitre 10 où, au jour du jugement, Dieu procède un véritable interrogatoire de la connaissance de l’homme jugé. En fonction de l’étendue de son savoir, il sera ou non jeté dans la Géhenne. De plus, un nombre impressionnant de commentaires rattache le texte du livre des Proverbes à l’étude de la Torah. Cette conception est toujours présente dans la littérature midrashique, mais elle occupe dans ce midrash une place particulière : l’étude de la Torah y est explicitement salutaire et la résurrection en dépend comme le dit elliptiquement R. Yehochoua au chapitre 18 : « la Torah ne parle pas des morts, mais des vivants. » C’est-à-dire qu’il ne suffit pas d’observer les commandements et de faire de bonnes actions, il faut également étudier la Torah et pour cela l’avoir reçue.
Cet aspect est naturel puisque la lecture rabbinique du livre des Proverbes insiste sur le fait que celui-ci en fait commente les autres livres bibliques. Il est donc un « prototype » de l’étude de la Torah. Le Midrash Mishlé insiste également sur le fait que le Livre des Proverbes est cohérent avec les autres ouvrages bibliques, ce qui justifie son entrée dans le canon (Cf. chap. 25).
On y trouve également de nombreux matériaux originaux. Notons, par exemple, le développement autour de l’histoire de Joseph et ses frères (chap. 1), le récit détaillé de la rencontre de la reine de Saba et de Salomon (chap. 1), un récit de la mort de Moïse (chap. 14), un récit hilarant sur Coré et les franges bleues (chap. 11).
Mais, les personnages bibliques ne sont pas les seuls à bénéficier de long développements. Certains rabbins en sont également l’objet. On peut citer par exemple, la mort de R. Aquiba (chap. 9), le dialogue entre Vespasien et R. Yohanan ben Zakaï (chap. 15), le récit de la mort des deux fils de R. Méir (chap. 31), etc. L’ensemble de ces midrashim aggadiques font de cet ouvrage un texte de première importance.
Signalons pour terminer que le Midrash Mishlé n’est pas uniquement midrashique. Parfois, il justifie un verset en citant simplement le verset suivant. C’est une des singularité de ce texte.

Texte et traduction.

Le texte hébreu traduit ici est établi à partir de l’édition critique de B. L. Visotzky 2 qui constitue le travail le plus abouti sur ce texte. Je renvoie évidemment à ce travail très précieux dans lequel le lecteur trouvera un ensemble de variantes ainsi que des commentaires critiques d’un grand intérêt.
Dans la présente traduction, j’ai tenté de suivre scrupuleusement le texte avec un souci double : obtenir une traduction intelligible pour des lecteurs peu familiers du midrash, mais suffisamment proche du texte pour que le lecteur hébraïsant puisse pleinement profiter de cette édition bilingue. J’espère avoir atteint ce juste milieu.
Visotzky a lui-même proposé une traduction en anglais de son édition critique3. J’ai toujours consulté ses leçons d’une grande perspicacité, mais je m’en suis régulièrement éloigné de façon à rendre le côté elliptique du discours midrashique. J’ai pensé qu’une édition bilingue autorisait ce genre de liberté.
Bien qu’artificielle, j’ai conservé la numérotation classique du midrash de façon à ce que le lecteur puisse accéder directement à un passage signalé dans la littérature. Cela comporte une difficulté: le texte traduit, bien que très proche, n’est pas le texte courant de ce midrash, ainsi quelques rares paragraphes manquent dans la présente traduction 4.
J’ai ajouté entre crochets des mots ou morceaux de phrases capables de rendre intelligible ce texte à sa première lecture. De plus, j’ai usé de la majuscule lorsque le discours se rapportait à Dieu. Il ne faut pas y voir une marque de respect excessive mais plutôt une manière d’ajouter du sens au texte : le lecteur peut, de cette manière, savoir si Dieu est l’objet ou le sujet du discours. J’ai également opté pour une transcription imprononçable du tétragramme divin : YHWH.
Pour les citations bibliques, j’ai utilisé la traduction de la Bible de Jérusalem que j’ai adaptée en fonction du commentaire midrashique. Il est, en effet, très courant que le midrash n’utilise pas le sens contextuel, auquel cas j’ai rendu le sens commenté ou l’ai signalé en note.
Enfin, le but de cette traduction n’étant pas d’obtenir une édition critique mais de donner enfin à lire ce midrash en français, je n’ai pas signalé les parallèles des commentaires que l’on trouvera dans ce midrash avec ceux de la littérature midrashique en général. Les seules références que l’on trouvera sont celles de la Michna qui est citée plusieurs fois dans le texte.

Sandrick Le Maguer

DIMANCHE 6 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – Ezékiel 37, 12-14; Romains 8, 8-11

4 avril, 2014

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 6 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE ET DEUXIEME LECTURE – Ezékiel 37, 12-14; Romains 8, 8-11

PREMIERE LECTURE – Ezékiel 37, 12-14
12 Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu.
Je vais ouvrir vos tombeaux
et je vous en ferai sortir
ô mon peuple,
et je vous ramènerai sur la terre d’Israël.
13 Vous saurez que je suis le SEIGNEUR,
quand j’ouvrirai vos tombeaux
et vous en ferai sortir,
ô mon peuple !
14 Je mettrai en vous mon esprit,
et vous vivrez ;
je vous installerai sur votre terre,
et vous saurez que je suis le SEIGNEUR :
je l’ai dit,
et je le ferai.
– Parole du SEIGNEUR.

Ce texte est très court mais on voit bien qu’il forme une entité : il est encadré par deux expressions similaires ; au début « Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu », à la fin « Parole du SEIGNEUR ». Un cadre qui a évidemment pour but de solenniser ce qui est encadré. Chaque fois qu’un prophète juge utile de repréciser qu’il parle de la part du Seigneur, c’est parce que son message est particulièrement important et difficile à entendre.
Le message d’aujourd’hui, c’est donc ce qui est encadré : c’est une promesse répétée deux fois et adressée au peuple de Dieu, puisque Dieu dit « ô mon peuple » ; les deux fois, la promesse porte sur deux points : premièrement « je vais ouvrir vos tombeaux », deuxièmement « je vous ramènerai sur la terre d’Israël », ou « Je vous installerai sur votre terre », ce qui revient au même. Ces expressions nous permettent de situer le contexte historique : le peuple est en exil à Babylone, réduit à la merci des Babyloniens, il est anéanti (au vrai sens du terme, réduit à néant), comme mort, c’est pourquoi Dieu parle de tombeaux.
Et donc l’expression « je vais ouvrir vos tombeaux » signifie que Dieu va relever son peuple. Si vous avez la curiosité de vous reporter à votre Bible, au chapitre 37 d’Ezékiel, vous verrez que notre petit texte d’aujourd’hui fait suite à une vision du prophète qu’on appelle « la vision des ossements desséchés » et il en donne l’explication. Je vous rappelle cette vision : le prophète voit une immense armée morte, gisant dans la poussière ; et Dieu lui dit : tes frères sont tellement désespérés dans leur Exil qu’ils se disent morts, finis… eh bien, moi, Dieu, je les relèverai.
Et toute cette vision et son explication que nous avons lue aujourd’hui, évoquent cette captivité du peuple exilé et son relèvement par Dieu. Car, pour le prophète Ezékiel, c’est une certitude : le peuple ne peut pas être éliminé parce que Dieu lui a promis une Alliance éternelle que rien ne pourra détruire ; donc, quelles que soient les défaites, les brisures, les épreuves, on sait que le peuple survivra et qu’il retrouvera sa terre, parce qu’elle fait partie de la promesse. « Je vais ouvrir vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur la terre d’Israël » : au fond ces phrases n’ont rien d’étonnant : depuis toujours, le peuple d’Israël sait que son Dieu est fidèle ; et l’expression « Vous saurez que je suis le SEIGNEUR » dit justement que c’est à sa fidélité à ses promesses que l’on reconnaît le vrai Dieu.
Mais pourquoi répéter deux fois à peu près les mêmes choses ? A dire vrai, la deuxième promesse ne se contente pas de répéter la première, elle l’amplifie : elle redit bien « J’ouvrirai vos tombeaux et je vous en ferai sortir, ô mon peuple ! Je vous installerai sur votre terre, et vous saurez que je suis le SEIGNEUR » et tout cela au fond c’est le retour à l’état antérieur avant le désastre de l’exil à Babylone ; mais dans cette deuxième promesse, il y a autre chose, il y a beaucoup plus, il y a du neuf, du jamais vu : « Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez » ; c’est la nouvelle Alliance qui est dite là : désormais la loi d’amour sera inscrite non plus sur des tables de pierre, mais dans les coeurs. Ou pour reprendre une autre formule d’Ezékiel, les coeurs humains ne seront plus de pierre mais de chair.
Ici, donc, il n’y a pas d’hésitation possible, la répétition de la formule « ô mon peuple » montre clairement que ces deux promesses annoncent un sursaut, une restauration du peuple. Il n’est pas question ici d’une résurrection individuelle : pas plus qu’aucun des prophètes de son époque, Ezéchiel n’envisage encore une chose pareille. En fait, le peuple d’Israël n’a découvert la foi en la Résurrection qu’au deuxième siècle av.J.C. Jusque-là, on affirmait que les morts descendent au « Shéol » ; un lieu sombre dont on ne sait rien ; mais aussi curieux que cela nous paraisse aujourd’hui, c’est un sujet dont on se préoccupait peu. Car la mort individuelle n’atteint pas l’avenir du peuple ; or, pendant bien longtemps, c’est l’avenir du peuple, et lui seul, qui comptait. Quand quelqu’un mourait, on disait qu’il était « couché avec ses pères », mais on n’envisageait pas de survie possible ; en revanche la survie du peuple a toujours été une certitude puisque le peuple est porteur des promesses de Dieu. On peut dire que, pendant des siècles, on s’est intéressé au lendemain du peuple et non à celui de l’individu.
Pour croire en la Résurrection individuelle, il faut combiner deux éléments :
D’abord s’intéresser au sort de l’individu : ce qui n’était pas le cas au début de l’histoire biblique : l’intérêt pour le sort de l’individu est une conquête, un progrès tardif. Ensuite, un deuxième élément est indispensable pour que naisse la foi en la Résurrection : il faut croire en un Dieu qui ne vous abandonne pas à la mort.
Cette certitude que Dieu n’abandonne jamais l’homme n’est pas née d’un coup ; elle s’est développée au rythme des événements concrets de l’histoire du peuple élu. L’expérience historique de l’Alliance est ce qui nourrit la foi d’Israël. Or l’expérience d’Israël est celle d’un Dieu qui libère l’homme, qui veut l’homme libre de toute servitude, qui intervient sans cesse pour le libérer ; un Dieu fidèle qui ne se reprend jamais. C’est cette foi qui guide toutes les découvertes d’Israël ; elle en est le moteur.
Cinq siècles après Ezékiel, vers 165 av.J.C., ces deux éléments conjugués, foi en un Dieu qui libère sans cesse l’homme, découverte de la valeur de toute personne humaine, ont abouti à la foi en la résurrection individuelle ; au terme de cette double évolution, il est apparu évident que Dieu libèrera l’individu de l’esclavage le plus terrible, définitif de la mort. Cette découverte est si tardive dans le peuple juif qu’au temps du Christ, cette foi n’était pas encore partagée par tout le monde puisqu’on désignait les Sadducéens par cette précision « ceux qui ne croient pas à la résurrection ».
Il n’est bien sûr pas interdit de penser que la prophétie d’Ezéchiel dépassait sa propre pensée sans le savoir lui-même ; l’Esprit de Dieu parlait par sa bouche et maintenant nous pouvons penser « Ezéchiel ne savait pas si bien dire ».

DEUXIEME LECTURE – Romains 8, 8-11
Frères,
8 sous l’emprise de la chair, on ne peut pas plaire à Dieu.
9 Or vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair,
mais sous l’emprise de l’Esprit,
puisque l’Esprit de Dieu habite en vous.
Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas.
10 Mais si le Christ est en vous,
votre corps a beau être voué à la mort à cause du péché,
l’Esprit est votre vie, parce que vous êtes devenus des justes.
11 Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts
habite en vous,
celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts
donnera aussi la vie à vos corps mortels
par son Esprit qui habite en vous.

« Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez » annonçait le prophète Ezéchiel (dans notre première lecture) ; désormais, depuis notre baptême, nous dit Paul, c’est chose faite. Il emploie une expression imagée : « L’Esprit de Dieu habite en vous ». La prenant au pied de la lettre, un commentateur de ce passage parle de « changement de propriétaire ». Nous sommes devenus des maisons de l’Esprit : c’est lui qui commande désormais.
Il serait intéressant de se demander, dans tous les secteurs de notre vie, personnelle et communautaire, qui est aux postes de commande, qui est le maître de maison chez nous, ou si vous préférez, quel est notre objectif, qu’est-ce qui nous « fait courir », comme on dit. D’après Paul, il n’y a pas trente-six solutions : ou bien nous sommes sous l’emprise de l’Esprit, c’est-à-dire que nous nous laissons guider par l’Esprit, ou bien nous ne nous laissons pas inspirer par l’Esprit et c’est ce qu’il appelle « être sous l’emprise de la chair ». Etre sous l’emprise de l’Esprit, on voit bien ce que cela veut dire, il suffit de remplacer le mot Esprit par le mot Amour. Et dans la lettre aux Galates, Paul explique ce que sont les fruits de l’Esprit ; « joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi », en un mot l’amour décliné selon toutes les circonstances concrètes de nos vies.
J’ai bien dit les « circonstances concrètes » : pour Paul la vie selon l’Esprit ne veut pas dire la tête dans les nuages ; Paul est l’héritier de toute la tradition des prophètes : or tous affirment que notre relation à Dieu se vérifie dans la qualité de notre relation aux autres ; et dans les chants du serviteur, Isaïe affirme très fermement que vivre selon l’Esprit de Dieu, c’est aimer et servir nos frères. Et les prophètes ont toujours des mots très durs pour ceux qui croient plaire à Dieu par des cérémonies magnifiques pendant que des pauvres meurent de faim ou de chagrin à leur porte.
Une fois définie la vie selon l’Esprit, ce qui veut dire tout simplement la vie selon l’amour, on déduit très facilement ce que Paul entend par vie selon la chair : c’est le contraire, c’est-à-dire l’indifférence ou la haine ; pour le dire autrement, l’amour c’est le décentrement de soi, la vie sous l’emprise de la chair, c’est le centrement sur soi. Ma question de tout-à-l’heure « Qui commande ici ? « se transforme alors en « Qui est le centre de notre monde ? »
Il est clair que sous l’emprise de la chair, dans ce sens-là, c’est-à-dire centré sur soi, on ne peut pas être en harmonie avec Dieu, accordé à Dieu qui n’est qu’amour. « Sous l’emprise de la chair, on ne peut pas plaire à Dieu » dit Paul.
Au contraire, le Christ est le Fils bien-aimé en qui Dieu se complaît, c’est-à-dire qu’il est en harmonie parfaite avec Dieu précisément parce que le Christ n’est lui aussi qu’amour. Dans ce sens le récit des Tentations, que nous avons lu pour le premier dimanche de carême, était saisissant : c’est au chapitre 4 de Matthieu. Il nous montre Jésus centré uniquement sur Dieu et sur la Parole de Dieu. Il refuse résolument de se centrer sur sa faim ni même sur les besoins de sa mission de Messie :
Première tentation : après quarante jours de jeûne, Jésus a faim… la tentation n’est pas là, bien sûr. Avoir faim au bout de quarante jours de jeûne, c’est normal, c’est même plutôt bon signe ! La tentation, c’est d’exiger de Dieu un miracle pour son bénéfice personnel, c’est de se prendre pour le centre du monde, si j’ose dire. « Ordonne à ces pierres de devenir des pains » lui susurre le tentateur, le diviseur. Jésus préfère mettre la Parole au centre du monde et de sa vie « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Le fruit de l’Esprit, c’est la maîtrise de soi, la patience, dit Paul.
Deuxième tentation : « Jette-toi du haut du Temple, Dieu sera bien obligé de te protéger » ; réponse de Jésus : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Le fruit de l’Esprit, c’est la confiance en Dieu.
Troisième Tentation : « Détourne-toi de Dieu, prosterne-toi devant moi, tu seras le maître des royaumes de la terre » ; mais Jésus est complètement centré sur son Père et non sur ce qu’il pourrait obtenir pour lui : « Le Seigneur ton Dieu tu adoreras, c’est à lui seul que tu rendras un culte ». Le fruit de l’Esprit qui les résume tous, c’est l’amour, dit encore Paul.
Si ce texte des tentations nous est proposé chaque année en début de Carême, c’est parce que le temps du Carême est justement une entreprise de décentrement de nous-mêmes pour nous centrer sur les autres et sur Dieu.
Un peu plus loin dans cette même lettre aux Romains, Paul dit que l’Esprit de Dieu fait de nous des fils, c’est lui qui nous pousse à appeler Dieu-Père ; j’ai envie de dire « tel Père, tel fils ». Ce qui en nous est amour vient de Dieu, c’est notre héritage de fils. « L’Esprit est votre vie » dit encore Paul. Traduisez « l’amour est votre vie » ; d’ailleurs, nous savons tous d’expérience que seul l’amour est créateur.
Tandis que ce qui n’est pas amour ne vient pas de Dieu et parce que cela ne vient pas de Dieu, c’est voué à la mort. La très bonne nouvelle de ce texte d’aujourd’hui, c’est que tout ce qui en nous est amour vient de Dieu et donc ne peut mourir. Comme dit Paul, « Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ».

PREMIERE LECTURE – Genèse 12, 1-4a – MARIE NOËLLE THABUT

14 mars, 2014

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DIMANCHE 16 MARS : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – Genèse 12, 1-4a

Abraham vivait alors en Chaldée.
1 Le SEIGNEUR lui dit :
« Pars de ton pays,
laisse ta famille et la maison de ton père,
va dans le pays que je te montrerai.
2 Je ferai de toi une grande nation,
je te bénirai,
je rendrai grand ton nom,
et tu deviendras une bénédiction.
3 Je bénirai ceux qui te béniront,
je maudirai celui qui te méprisera.
En toi seront bénies toutes les familles de la terre. »
4 Abraham partit, comme le SEIGNEUR le lui avait dit,
et Loth partit avec lui.

Les quelques lignes que nous venons de lire sont le premier acte de toute l’aventure de notre foi, la foi des Juifs d’abord, bien sûr, puis dans l’ordre chronologique, des Chrétiens, et des Musulmans. Abraham vivait en Chaldée, c’est-à dire en Irak, et plus précisément, à l’extrême Sud-Est de l’Irak, dans la ville de OUR, dans la vallée de l’Euphrate, près du golfe persique. Il y vivait avec sa femme, Sara ; chez son père Térah, et avec ses frères, (Nahor et Haran), et son neveu Loth. Abraham avait soixante-quinze ans, sa femme Sara soixante-cinq ; ils n’avaient pas d’enfant, et donc, vu leur âge, ils n’en auraient plus jamais.
Nous sommes probablement (encore qu’on n’en ait actuellement aucune certitude) au 19ème siècle av.J.C. Les historiens ont retrouvé des traces de mouvements de population à cette époque-là, dans la vallée de l’Euphrate. C’est peut-être dans ce cadre-là qu’un jour le vieux père, Térah, prit la route avec Abraham, Sara et son petit-fils Loth. La caravane remonte la vallée de l’Euphrate du Sud-Est au Nord-Ouest avec l’intention de redescendre vers le pays de Canaan ; il y aurait une route plus courte, bien sûr, que ce grand triangle pour relier le golfe persique à la Méditerranée mais elle traverse un immense désert ; Térah et Abraham préfèrent emprunter le « Croissant Fertile » qui porte bien son nom. Leur dernière étape au Nord-Ouest s’appelle Harran. C’est là que le vieux père, Térah, meurt.
C’est là, surtout, que pour la première fois, il y a donc presque 4000 ans, vers 1850 av.J.C., Dieu parla à Abraham. « Pars de ton pays », dit notre traduction, cela nous paraît banal, et nous risquons de passer à côté de ce qui fut peut-être la découverte la plus importante de la vie d’Abraham ! Car le texte hébreu est beaucoup plus riche ; il dit en réalité « Va pour toi, loin de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père ». Le premier mot de Dieu est donc tout un programme : « Va pour toi » ; si vous avez la curiosité de consulter la traduction d’André Chouraqui, ou, pour les plus chanceux, le texte hébreu, le mot à mot est incontestable ; or tout l’enjeu de la foi est là, dans ce « pour toi ». Rachi, le grand commentateur juif du 11ème siècle, traduit « Va pour ton bien et pour ton bonheur » : si Dieu appelle l’homme, c’est pour le bonheur de l’homme, pas pour autre chose ! Le dessein bienveillant de Dieu sur l’humanité est dans ces deux petits mots « Pour toi ». Déjà Dieu se révèle comme celui qui veut le bonheur de l’homme, de tous les hommes ; ce « pour toi » ne doit pas être entendu comme exclusif ; s’il faut retenir une chose, c’est celle-là ! « Va pour toi » : un croyant c’est quelqu’un qui sait que, quoi qu’il arrive, Dieu l’emmène vers son accomplissement, vers son bonheur. Voilà donc la première parole de Dieu à Abraham, celle qui a déclenché toute son aventure… et la nôtre !
« Va pour toi, quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père, va vers le pays que je te montrerai ». Et la suite n’est que promesses : « Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, tu deviendras une bénédiction… En toi seront bénies toutes les familles de la terre ». Abraham est arraché à son destin naturel, choisi, élu par Dieu, investi d’une vocation d’ampleur universelle.
Abraham, pour l’heure, est un nomade, riche peut-être, mais inconnu, et il n’a pas d’enfant, et sa femme, Sara, a largement passé l’âge d’en avoir. C’est lui, pourtant, que Dieu choisit pour en faire le père d’un grand peuple. Voilà ce que voulait dire le « pour toi » de tout à l’heure : Dieu lui promet tout ce qui, à cette époque-là, fait le bonheur d’un homme : une descendance nombreuse et la bénédiction de Dieu.
Mais ce bonheur promis à Abraham n’est pas pour lui seul : dans la Bible, jamais aucune vocation, aucun appel n’est pour l’intérêt égoïste de celui qui est appelé. C’est même l’un des critères d’une vocation authentique : toute vocation est toujours pour une mission au service des autres. Ici, il y a cette phrase « En toi seront bénies toutes les familles de la terre ». Elle veut dire au moins deux choses : premièrement, ta réussite sera telle que tu seras pris comme exemple : quand on voudra se souhaiter du bonheur, on se dira « puisses-tu être heureux comme Abraham ». Ensuite, ce « en toi » peut signifier « à travers toi » ; et alors cela veut dire « à travers toi, moi, Dieu, je bénirai toutes les familles de la terre ».
Le projet de bonheur de Dieu passe par Abraham, mais il le dépasse, il le déborde ; il concerne toute l’humanité : « En toi, à travers toi, seront bénies toutes les familles de la terre ». Tout au long de l’histoire d’Israël, la Bible restera fidèle à cette découverte première : Abraham et ses descendants sont le peuple élu, choisi par Dieu, dans le mystère impénétrable de sa volonté, mais c’est au bénéfice de l’humanité tout entière, et celà depuis le premier jour, depuis la première annonce à Abraham. Reste que les autres nations demeurent libres de ne pas entrer dans cette bénédiction ; c’est le sens de la phrase un peu curieuse à première vue : « Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te méprisera. » C’est une manière de dire notre liberté : tous ceux qui le désirent pourront participer à la bénédiction promise à Abraham, mais personne n’est obligé d’accepter !
Et voilà ! L’heure du grand départ a sonné ; le texte est remarquable par sa sobriété ; il dit simplement « Abraham partit comme le SEIGNEUR le lui avait dit, et Loth partit avec lui ». On ne peut pas être plus laconique ! Ce départ, sur simple appel de Dieu, est la plus belle preuve de foi ; quatre mille ans plus tard, nous pouvons dire que notre propre foi a sa source dans celle d’Abraham ; et si nos vies tout entières sont illuminées par la foi, c’est grâce à lui ! Ce que Saint Paul exprime dans la lettre aux Galates quand il dit « Ce sont les croyants qui sont fils d’Abraham… Ceux qui sont croyants sont bénis avec Abraham le croyant » (Ga 3 , 7…9). Et toute l’histoire humaine est ainsi devenue le lieu de l’accomplissement de ces promesses de Dieu à Abraham. Accomplissement lent, accomplissement progressif, mais accomplissement sûr et certain.
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Compléments
« Abraham vivait alors en Chaldée » ; en fait, (la traduction liturgique simplifie), il ne s’appelait encore que « Abram » ; c’est plus tard, après des années de pèlerinage, si on peut dire, qu’Abram recevra de Dieu son nouveau nom, celui sous lequel nous le connaissons, « Abraham » qui veut dire « père des multitudes ». Et c’est vrai que nous sommes des multitudes, répandus sur toute la terre, à le reconnaître comme notre père dans la foi. Saraï, elle aussi, plus tard, recevra de Dieu un nouveau nom et s’appellera Sara.
« Va pour toi » :
1 – Grammaticalement, cette forme ne comporte peut-être pas tout le poids de sens qu’on se plaît à lui prêter. La traduction la plus fidèle serait probablement « Toi, va » ou « Quant à toi, va », qui exprime un appel adressé à une personne bien précise, une vocation. Le commentaire de Rachi est donc déjà de l’ordre de l’interprétation croyante, du commentaire spirituel (que nous ne demandons qu’à suivre, bien sûr).
2 – Mais ce « pour toi » ne doit pas être entendu comme exclusif ; j’ai écrit plus haut (§ 3) : « Déjà Dieu se révèle comme celui qui veut le bonheur de l’homme, de tous les hommes ». Dans un autre moment crucial de la vie d’Abraham, au moment de l’offrande d’Isaac, Dieu emploiera la même expression « Va pour toi » pour lui rappeler tout le chemin déjà parcouru et lui donner la force d’affronter l’épreuve.
Et quand l’auteur de la lettre aux Hébreux veut dire ce qu’est la foi, il prend pour exemple ce départ d’Abraham qui ressemblait fort à un saut dans l’inconnu, justifié par sa seule confiance en Dieu : « Par la foi, répondant à l’appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage… Par la foi, il vint résider en étranger dans la terre promise… Par la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge avancé, fut rendue capable d’avoir une postérité, parce qu’elle tint pour fidèle l’auteur de la promesse. C’est pourquoi aussi, d’un seul homme déjà marqué par la mort, naquit une multitude comparable à celle des astres du ciel, innombrable comme le sable du bord de la mer ».

DIMANCHE 23 FÉVRIER : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE ET PSAUME

21 février, 2014

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DIMANCHE 23 FÉVRIER : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIER ELECTURE ET PSAUME

PREMIERE LECTURE – LÉVITIQUE 19, 1-2 , 17-18

1.Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse : 2 « Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël ;  tu leur diras :  Soyez saints,  car moi, le SEIGNEUR votre Dieu,  je suis saint. 17 Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère.  Mais tu n’hésiteras pas à réprimander ton compagnon,  et ainsi tu ne partageras pas son péché. 18 Tu ne te vengeras pas.  Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple.  Tu aimeras ton prochain comme toi-même.  Je suis le SEIGNEUR ! »

Etre « comme des dieux » : on en a tous rêvé un jour ou l’autre… et le livre de la Genèse, racontant la faute d’Adam et Eve, dit que c’est bien là notre problème ! « Vous serez comme des dieux » avait promis le serpent, avait menti le serpent, devrait-on dire, et cette perspective les a perdus.  Mais voilà que c’est Dieu lui-même qui nous dit : « Soyez saints COMME moi »… « Soyez saints, car moi, le SEIGNEUR votre Dieu, je suis saint ». C’est un ordre, mieux, c’est un appel, c’est notre vocation. Donc, nous ne nous trompons pas quand nous rêvons d’être comme des dieux ! C’est le psaume 8 qui dit : « Tu as voulu l’homme à peine moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ». Seulement voilà : pour ressembler vraiment à Dieu, encore faudrait-il avoir une juste idée de Dieu.  Les premiers chapitres de la Bible disaient déjà que l’homme est fait pour ressembler à Dieu. Encore faut-il savoir en quoi consiste la ressemblance : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre ! » (Gn 1, 26). La formule « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette… » donne à penser que cette ressemblance serait de l’ordre de la royauté, de la soumission… Réellement, l’homme est créé pour être le roi de la création. Mais, le vocabulaire employé par l’auteur suggère que la royauté à laquelle l’homme est appelé est une autorité d’amour et non une domination.  Un peu plus loin, le même livre de la Genèse emploie de nouveau deux fois la même formule : une fois à l’identique : « Le jour où Dieu créa l’homme, il le fit à la ressemblance de Dieu », mais la seconde fois il s’agit des enfants d’Adam : « Adam engendra un fils à sa ressemblance et à son image » : cette fois on a bien l’impression que les mots image et ressemblance ont le sens qu’on leur donne d’habitude quand on dit qu’un fils ressemble à son père. « Tel père tel fils », dit-on.  Enfin, cette phrase que nous connaissons bien, « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa » (Gn 1, 27), nous dit que le couple créé pour l’amour et pour le dialogue est l’image du Dieu d’amour.  Il a fallu des siècles pour que le peuple comprenne que les mots « Sainteté « et « Amour » sont synonymes. « Saint », on s’en souvient, c’est le mot de la vocation d’Isaïe : au chapitre 6, il nous raconte la vision dont il a bénéficié ; comment, alors qu’il était dans le temple de Jérusalem, ébloui, il entendait les chérubins répéter « Saint, Saint, Saint est le SEIGNEUR de l’univers ». Ce mot « Saint » signifie que Dieu est le Tout-Autre, qu’un abîme nous sépare de lui. En même temps Isaïe a eu une révélation : cet abîme, c’est Dieu lui-même qui le franchit : et donc, quand il nous invite à lui ressembler, c’est que nous en sommes capables… grâce à lui, bien sûr, ou dans sa grâce, si vous préférez.  Les deux derniers versets du passage d’aujourd’hui ne sont que l’application de cette phrase « Soyez saints comme je suis saint, moi le SEIGNEUR votre Dieu ». Concrètement, cela veut dire « Tu n’auras aucune pensée de haine… Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune. Tu aimeras… » C’est cela être à la ressemblance de Dieu : Lui ne connaît ni haine, ni vengeance, ni rancune. C’est justement parce qu’il n’est qu’amour qu’il est le Tout-Autre. Et c’est seulement petit à petit que les prophètes comprendront eux-mêmes et feront comprendre au peuple que ressembler au Dieu saint, c’est tout simplement développer ses capacités d’amour.  Cela ne veut pas dire qu’on perd toute capacité de jugement sur ce qui est bon ou mauvais : « Tu n’auras aucune pensée de haine, mais tu n’hésiteras pas à faire des réprimandes… » : réprimander à bon escient, voilà un art bien difficile ! Et pourtant cela aussi, c’est de l’amour. Parmi nous, les parents ou les éducateurs le savent bien : c’est vouloir le bien de l’autre, c’est parfois arrêter l’autre au bord du gouffre. La critique positive par amour fait grandir.  Mais Dieu est patient envers nous : ce n’est pas en un jour que notre attitude peut devenir semblable à la sienne ! Si j’en crois les nouvelles qui nous parviennent tous les jours, il faudra encore beaucoup de temps ! Et Dieu déploie avec son peuple une pédagogie très progressive : quand ce texte est écrit, il ne parle pas encore d’amour universel, il se contente de dire : « Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère », « Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple »… « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »  C’est déjà une première étape dans la pédagogie biblique… Des siècles plus tard, Jésus, dans la parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 29-37), élargira à l’infini le cercle du prochain.  Voilà donc la royauté à laquelle nous sommes invités : quand nous rêvons d’être comme des dieux, nous pensons spontanément domination, puissance, et surtout la puissance nécessaire pour vaincre la maladie et la mort. Tandis que quand Dieu nous invite à lui ressembler, il nous appelle à la sainteté, à sa sainteté qui n’a rien à voir avec une quelconque domination ! Une sainteté qui n’est qu’amour et douceur. Cela nous paraît bien difficile ; mais là encore, peut-être sommes nous trop souvent des « hommes de peu de foi ».  

PSAUME 102 (103 ) – 1-2, 3-4, 8-10, 12-13

1 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme,  bénis son nom très saint, tout mon être ! 2 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme,  n’oublie aucun de ses bienfaits ! 3 Car il pardonne toutes tes offenses  et te guérit de toute maladie ; 4 il réclame ta vie à la tombe  et te couronne d’amour et de tendresse ; 8 Le SEIGNEUR est tendresse et pitié,  lent à la colère et plein d’amour ; 10 il n’agit pas envers nous selon nos fautes,  ne nous rend pas selon nos offenses. 12 aussi loin qu’est l’orient de l’occident,  il met loin de nous nos péchés ; 13 comme la tendresse du père pour ses fils,  la tendresse du SEIGNEUR pour qui le craint !

La liturgie de ce dimanche ne nous propose que huit versets d’un psaume qui en comporte vingt-deux ! Or l’alphabet hébreu comporte vingt-deux lettres donc on dit de ce psaume qu’il est « alphabétisant » ; et quand un psaume est alphabétisant, on sait d’avance qu’il s’agit d’un psaume d’action de grâce pour l’Alliance. Et effectivement, André Chouraqui disait que ce psaume est le « Te Deum » de la Bible, un chant de reconnaissance pour toutes les bénédictions dont le compositeur (entendez le peuple d’Israël) a été comblé par Dieu.  Deuxième caractéristique de ce psaume, le « parallélisme » : chaque verset se compose de deux lignes qui se répondent comme en écho ; l’idéal pour le chanter serait d’alterner ligne par ligne ; il a peut-être, d’ailleurs, été composé pour être chanté par deux choeurs alternés. Ce parallélisme, ce « balancement » est très fréquent dans la Bible, dans les textes poétiques, mais aussi dans de nombreux passages en prose ; procédé de répétition utile à la mémoire, bien sûr, dans une civilisation orale, mais surtout très suggestif ; si on soigne la lecture en faisant ressortir le face à face des deux lignes à l’intérieur de chaque verset, la poésie prend un relief extraordinaire.  D’autre part, cette répétition d’une même idée, successivement sous deux formes différentes, permet évidemment de préciser la pensée, et donc pour nous de mieux comprendre certains termes bibliques. Par exemple, le premier verset nous propose deux parallèles intéressants : « Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme, Bénis son Nom très saint, tout mon être » :   Premier parallèle : « Bénis le SEIGNEUR »… « Bénis son Nom très saint » : la deuxième fois, au lieu de dire « le SEIGNEUR », on dit « le NOM » : une fois de plus, nous voyons que le NOM, dans la Bible, c’est la personne. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les juifs ne s’autorisent jamais à prononcer le NOM de Dieu.1  Deuxième parallèle dans ce premier verset : « Ô mon âme… tout mon être » : on voit bien que le mot âme n’a pas ici le sens que nous lui donnons spontanément. A la suite des penseurs grecs, nous avons tendance à nous représenter l’homme comme l’addition de deux composants différents, étrangers l’un à l’autre, l’âme et le corps. Mais les progrès des sciences humaines, au cours des siècles, ont confirmé que ce dualisme ne rendait pas compte de la réalité. Or, déjà, la mentalité biblique, avait une conception beaucoup plus unifiée et, dans l’Ancien Testament, quand on dit « l’âme », il s’agit de l’être tout entier. « Bénis le Seigneur, ô mon âme, Bénis son Nom très saint, tout mon être ».  Un autre exemple de parallélisme, un peu plus loin dans ce psaume nous permet de mieux comprendre une expression un peu difficile pour nous, la « crainte de Dieu » : nous rencontrons assez souvent ce mot de « crainte » dans la Bible et il ne nous est pas forcément très sympathique a priori. Or nous le trouvons ici dans un parallèle très intéressant : « Comme la tendresse du père pour ses fils, ainsi est la tendresse du SEIGNEUR pour qui le craint » : ce qui veut bien dire que la crainte de Dieu est tout sauf de la peur, elle est une attitude filiale.  Je parle souvent de la pédagogie de Dieu à l’égard de son peuple : eh bien, là aussi, la pédagogie de Dieu s’est déployée lentement, patiemment, pour convertir la peur spontanée de l’homme envers Dieu en esprit filial ; je veux dire par là que, mis en présence de Dieu, du sacré, l’homme éprouve spontanément de la peur ; et il faut toute une conversion des croyants pour que, sans rien perdre de notre respect pour Celui qui est le Tout-Autre, nous apprenions à son égard une attitude filiale. La crainte de Dieu, au sens biblique, c’est vraiment la peur convertie en esprit filial : cette pédagogie n’est pas encore terminée, bien sûr ; notre attitude devant Dieu, notre relation à lui a sans cesse encore besoin d’être convertie. C’est peut-être cela « redevenir comme des petits enfants »… des petits enfants qui savent que leur père n’est que tendresse. Cette « crainte » comporte donc à la fois tendresse en retour, reconnaissance et souci d’obéir au père parce que le fils sait bien que les commandements du père ne sont guidés que par l’amour : comme un petit s’éloigne du feu parce que son père le prévient qu’il risque de se brûler.  Ce n’est donc pas un hasard si ce psaume qui parle de crainte de Dieu cite justement la fameuse phrase du livre de l’Exode (Ex 34, 6) : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour » ; cette phrase est très célèbre dans la Bible, car c’est la définition que Dieu a donnée de lui-même à Moïse au Sinaï. Elle est très souvent citée, en particulier dans les psaumes ; elle est à la fois la définition de Dieu et, inséparablement, un rappel de l’Alliance. Tous les psaumes, et plus particulièrement les psaumes d’action de grâce sont, avant tout, émerveillement devant l’Alliance.  Les versets retenus aujourd’hui insistent sur une des manifestations de cette tendresse de Dieu, le pardon. Un Dieu lent à la colère, Israël l’a expérimenté tout au long de son histoire : depuis la traversée du Sinaï, dont Moïse a pu dire au peuple « Depuis que je vous connais, vous n’avez jamais cessé de vous révolter contre Dieu » (Dt 9, 7), la longue histoire de l’Alliance a été le théâtre du pardon de Dieu accordé à chaque régression de son peuple. « Dieu pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. Aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés… »  La vraie tendresse, celle dont nous avons besoin pour repartir, c’est celle justement qui oublie nos péchés, nos abandons ; Jésus ne fera que la mettre en images dans la parabole du père et de l’enfant prodigue. ——————-  Note  1 – Le NOM : les fameuses quatre lettres, YHVH, (le « tétragramme »). Le prononcer, ce serait prétendre connaître Dieu. Seul, le grand-prêtre, une fois par an, au jour du Kippour, prononçait le NOM très saint, dans le Temple de Jérusalem. Encore aujourd’hui, les Bibles écrites en hébreu ne transcrivent pas les voyelles qui permettraient de prononcer le NOM. Il est donc transcrit uniquement avec les quatre consonnes YHVH. Et quand le lecteur voit ce mot, aussitôt il le remplace par un autre (Adonaï) qui signifie « le Seigneur » mais qui ne prétend pas définir Dieu.  Depuis le Synode des Evêques sur la Parole de Dieu, en octobre 2008, il est demandé à tous les catholiques de ne plus prononcer le NOM de Dieu (que nous disions Yahvé), et de le remplacer systématiquement par « SEIGNEUR » et ce pour plusieurs raisons :  - Tout d’abord, personne ne sait dire quelles voyelles portaient les consonnes du NOM de Dieu, YHVH. La forme « Yahvé » est certainement erronée.  - Ensuite, c’est une marque de respect pour nos frères juifs qui s’interdisent, eux, de prononcer le Nom divin.  - Enfin, et surtout, il nous est bon d’apprendre à respecter la transcendance de Dieu.  - Une quatrième raison nous vient de notre propre tradition chrétienne : les premiers traducteurs de l’Ancien Testament en latin, et, en particulier Saint Jérôme, ont traduit le Tétragramme par « Dominus », c’est-à-dire « SEIGNEUR »

 Complément  « Aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés » : dans la liturgie du Baptême des premiers siècles, les baptisés se tournaient vers l’Occident pour renoncer au mal, puis faisaient demi-tour sur place et se tournaient vers l’Orient pour prononcer leur profession de foi avant d’entrer dans le baptistère.

ECOUTE… SOUVIENS-TOI

29 janvier, 2014

http://www.bible-notes.org/article-271-ecoute-souviens-toi.html

ECOUTE… SOUVIENS-TOI

ECOUTER, SE SOUVENIR

Moïse expose la loi une seconde fois (c’est le sens du mot Deutéronome) au peuple, « en deçà du Jourdain, dans la plaine » (Deut. 1 : 1). Il est parvenu au seuil du pays de la promesse : les auditeurs auxquels il s’est adressé en Sinaï sont tous morts, Caleb et Josué exceptés. Selon la parole de l’Eternel, tous ceux qui n’avaient pas cru sont tombés dans le désert. Les petits enfants d’alors sont maintenant devenus des hommes : une nouvelle génération s’est levée, qui doit entrer en Canaan !
Ce livre du Deutéronome a donc été adressé principalement à des « jeunes ». Le vénérable serviteur dont Dieu s’est servi est à la fin de sa carrière : ce livre contient en quelque sorte ses dernières recommandations à la jeune génération. L’intérêt qu’il présente pour les jeunes gens est donc d’autant plus grand.
Moïse n’est pas ici un Législateur sévère, mais cet homme « très doux, plus que tous les hommes qui étaient sur la face de la terre » (Nom. 12 : 3). Il laisse parler son coeur, plein d’amour pour le peuple de Dieu. Dès les premiers chapitres, son langage direct frappe : Moïse interpelle le peuple, en se servant non seulement d’un « vous » collectif, mais aussi d’un « tu » fréquemment employé. Chacun se sent personnellement désigné, comme si l’affectueux et pressant intérêt de Moïse se portait directement sur lui.
Remarquons aussi que le Seigneur a emprunté à ce livre les différentes paroles dont Il s’est servi pour répondre à Satan lors de la tentation.
Autant de raisons pour recommander vivement aux jeunes croyants la lecture d’un livre aussi attachant.
Rappelons les trois divisions que l’on trouve dans le Deutéronome :
– les quatre premiers chapitres : c’est un rappel du passé
– la deuxième partie, qu’on pourrait appeler législative, se subdivise elle-même en deux : du chapitre 5 au chapitre 11, Moïse présente aux Israélites tous les motifs qu’ils ont d’obéir, puis dans les chapitres 12 à 26, il leur enseigne la manière dont ils devront se conduire en Canaan.
– la troisième partie enfin, présente des vues prophétiques, en particulier avec le cantique de Moïse et les bénédictions qu’il adresse au peuple.
Ce qui ressort partout, comme le sujet principal du livre, c’est l’obéissance requise de la part du peuple. Deux expressions, sur lesquelles nous désirons nous arrêter un peu, reviennent sans cesse : « Ecoute » et « Souviens-toi ».
C’est le message clef du Deutéronome !

Ecouter
Ecouter, c’est le chemin de l’obéissance ; obéir c’est d’abord écouter. C’est une des choses qu’il est vraiment difficile de réaliser parce que nous sommes, par nature, désobéissants. Un enfant déjà a de la peine à obéir, et plus tard, quand sa personnalité s’épanouit, la volonté propre se manifeste plus nettement encore. Moïse le savait bien, d’où l’insistance avec laquelle, enseigné de Dieu, il répète : « Ecoute, Israël… ».
Ecouter, c’est véritablement prêter l’oreille. Comment entendre la voix du Seigneur, si on laisse les bruits de ce monde la couvrir ? Comme pour le prophète autrefois, le Seigneur n’est pas actuellement dans le « grand vent impétueux déchirant les montagnes et brisant les rochers », ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans la « voix douce, subtile » (1 Rois 19) ; puissions-nous avoir l’oreille attentive : elle seule peut discerner une telle voix.
Mais comment, d’une manière effective, écouter ? C’est en lisant la Parole écrite de la part de Dieu pour notre instruction, en prenant l’attitude de Marie assise aux pieds de Jésus pour « écouter sa parole » (Luc 10 : 39). Lisons régulièrement le Saint Livre, pour nous-mêmes. Rien ne remplace ce contact personnel : ni une méditation, ni la lecture des écrits qui nous aident à comprendre cette Parole, si précieuses que soient ces lectures, à leur place.
Lisons-la avec prière, avec foi, demandant au Seigneur de l’éclairer et de la bénir pour nos âmes. Lisons-la dès l’enfance, n’écoutons pas l’Ennemi qui nous suggère de remettre à plus tard, quand nous serons en âge de mieux la comprendre. Pensons au contraire à Samuel, tout jeune, répondant : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute » (1 Sam. 3 : 10). Mettons à profit nos jeunes années pour lire « les saintes lettres qui peuvent rendre sage à salut » par la foi qui est dans le Christ Jésus (2 Tim. 3 : 15). Durant ces années où la mémoire est encore fraîche, où le coeur ne s’est pas encore durci du fait des soucis de la vie, il est plus facile de se ménager chaque jour un moment de répit.
Soyons nombreux à faire, avec Salomon, cette prière : « Donne à ton serviteur un coeur qui écoute » (1 Rois 3 : 9). Disposons notre coeur à écouter, de façon à vivre une vie de dépendance et de communion. Seule cette dépendance rendra notre service utile. Ne désirerions-nous pas « ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour Celui qui pour nous est mort et a été ressuscité » (2 Cor. 5 : 15) ? Il ne peut en être ainsi que si notre coeur est attentif à écouter Sa voix. Bien des années après Moïse, Samuel insiste à son tour sur l’obéissance : « L’Eternel prend-il plaisir aux holocaustes et aux sacrifices comme à ce qu’on écoute la voix de l’Eternel ? Voici, écouter est meilleur que sacrifice, prêter l’oreille, meilleur que la graisse des béliers » (1 Sam. 15 : 22).
Ecouter pour apprendre, écouter pour servir ; par-dessus tout, considérer sans cesse l’exemple du Seigneur Jésus lui-même. En communion constante avec son Père, Il n’avait, penserions-nous, nul besoin d’écouter ; cependant, Il a voulu qu’il soit justement dit de lui : « l’Eternel me réveille chaque matin, il réveille mon oreille pour que j’écoute comme ceux qu’on enseigne. Le Seigneur l’Eternel m’a ouvert l’oreille, et moi je n’ai pas été rebelle, je ne me suis pas retiré en arrière » (Es. 50 : 4, 5). Il a déclaré, en entrant dans le monde : « Tu m’as creusé des oreilles… Voici, je viens… pour faire ta volonté » (Ps. 40 : 6, 7 ; Héb. 10 : 9).

Se souvenir
« Souviens-toi… » ; « et tu te souviendras… » ; « n’oublie pas… » : constamment, ces paroles reviennent dans la bouche de Moïse. Il fallait donc encore, il faut aussi aujourd’hui, il faut toujours, se souvenir. Cette exhortation peut paraître étrange, adressée à des jeunes gens. La jeunesse regarde vers l’avenir devant elle et non vers le passé, si proche pour elle du présent, et si peu riche encore d’expérience, mais bien propre cependant à témoigner de la miséricorde du Seigneur.
« Et tu te souviendras de tout le chemin par lequel l’Eternel t’a fait marcher… ». Si court qu’il ait été encore, le chemin est jalonné des soins du bon Berger.
Souvenons-nous de ce foyer chrétien où Dieu nous a sans doute fait naître, de ces moments passés en famille à lire le Saint Livre, des précieux instants de communion fraternelle dans l’Assemblée. Souvenons-nous des chrétiens qui nous ont entouré dès l’enfance, « souvenons-vous de nos conducteurs qui nous ont annoncé la parole de Dieu » (Héb. 12 : 7). Souvenons-nous de tous les moyens dont le Seigneur s’est servi pour nous instruire, nous retenir près de lui, nous avertir, nous encourager… Souvenons-nous aussi de nos inconséquences, et de la grâce qui s’est alors occupée de nous ; souvenons-vous des faux pas, des désobéissances, de tout ce que nous avons dû apprendre à notre sujet.
« Souviens-toi et n’oublie pas » (Deut. 9 : 7).
« Souviens-toi », dit Moïse, en rappelant des épisodes humiliants ou réconfortants survenus durant la traversée du désert. La jeune génération aurait pu chercher à dire : il s’agit de nos pères ! L’histoire du peuple était aussi la leur, ils étaient tous solidaires.
Chrétiens, il en est ainsi dans l’Eglise : c’est en vain que nous chercherions à nier notre responsabilité personnelle. Courbons la tête en constatant le déclin, mais relevons-la pour regarder en haut, avec confiance et reconnaissance en voyant la fidélité du Seigneur à tous égards.
Avant tout, souvenons-nous de notre délivrance, nous qui avons été « justifiés gratuitement » par la grâce de Dieu, par la « rédemption qui est dans le Christ Jésus » (Rom. 3 : 24) : « Que tous les jours de ta vie, tu te souviennes du jour de ta sortie d’Egypte… » (Deut. 16 : 3). Souvenons-nous de notre rédemption et surtout du Rédempteur.
Chers croyants, la voix du Seigneur lui-même s’adresse à votre coeur : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22 : 19). Nous oublions facilement, mais Lui n’oublie pas. Il nous a « gravés sur les paumes de ses mains » (Es. 49 : 16), des mains qui furent percées pour nous et qui gardent le souvenir des choses souffertes. Il réveille aussi nos affections, afin que nous fassions ce qui est précieux à son coeur, « en mémoire de Lui ».
Comme le peuple autrefois – sur le point d’entrer en Canaan – nous sommes sur le point d’arriver à la maison du Père. Bientôt le Seigneur prendra les siens auprès de Lui. Nous n’aurons plus besoin de prêter l’oreille pour écouter : nous connaîtrons comme nous avons été connus (1 Cor. 13 : 12). Nous contemplerons à jamais le Seigneur, nous le verrons tel qu’Il est (1 Jean 3 : 2). Mais le souvenir de ce qu’Il a fait, et de ce qu’Il a été pour nous, sera vivace durant l’éternité. En attendant, prenons garde à Sa voix qui nous redit, pour notre sûreté et notre bénédiction : « Ecoute… Souviens-toi ».

M. C. – article paru dans « La feuille aux jeunes »

MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE  » (biblique)

20 janvier, 2014

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1319.html

 » MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE « 

Approfondir  … Choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont « mis à part dès le sein maternel » : pour quels enjeux ? Parmi les personnages bibliques choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont  » mis à part dès le sein maternel ». Si l’expression n’est pas utilisée pour Samson, Jean-Baptiste ou Jésus, les parallèles sont pourtant nombreux. Quels sont les enjeux de cette mise à part ? Comment éclaire-t-elle la mission donnée à l’élu ? Et quelle liberté réserve-t-elle à l’appelé ? L’expression « mis à part » (ou « consacré » selon les traductions), signifie « choisi parmi un groupe pour être institué dans une mission ». Elle sous-entend une délimitation, une définition et une séparation. Dans l’Ancien Testament, elle qualifie la distinction entre le pur et l’impur, entre le profane et le sacré. Elle désigne également la mission confiée au peuple élu (Cf. Lv 20,26).

• Le choix de Dieu La mise à part s’inscrit dans le mouvement de l’appel de Dieu. Pour Jérémie, Paul, Samson ou Jean-Baptiste, choisis dès le sein de leur mère, l’initiative du choix revient à Dieu de manière absolue. La perception d’un Dieu qui façonne sa créature dans le sein maternel, qui en connaît d’emblée toute l’existence (Cf. Ps 139), est placée ici au cœur de la vocation. Cette tradition est complétée dans le Psaume 51 (50) où l’élu de Dieu se reconnaît pécheur dès le sein de sa mère, et donc déjà placé sous le regard de Dieu. On peut parler d’une « prédestination » de la part de Dieu qui raisonne comme un appel à orienter engager toute sa vie sur la voie qu’il nous ouvre. La mise à part est liée aussitôt à une mission. C’est là son fondement et son but. Jérémie est mis à part dès le sein maternel car Dieu « fait (de lui) un prophète pour les nations « . De même, Paul est mis à part pour voir se révéler le Fils et l’annoncer aux païens. Jean-Baptiste, lui, reçoit la mission d’être prophète du Très-Haut, de marcher devant, sous le regard du Seigneur, et de préparer ses chemins (Lc 1,16.76).

• La réponse de l’élu Pour accomplir sa mission, l’élu est supposé avoir une vie intime avec le Seigneur, une connaissance particulière. L’assurance de la présence du Seigneur avec lui ou de l’Esprit en lui, le rendra fidèle à sa mission. Sa fidélité ne lui vient pas d’une qualité personnelle qu’il détiendrait mais de sa capacité à accueillir la grâce de Dieu. Ainsi Jérémie se considère trop jeune ou incapable d’assumer sa mission au point de maudire le jour de sa naissance. Mais le Seigneur lui confirme son choix à plusieurs reprises pour lui ôter ses doutes. L’élu devient comme l’instrument du Seigneur. La consécration réduirait-elle la liberté de l’élu, puisque sa mise à part a lieu dès le sein de sa mère ? Le Seigneur appelle et suscite une réponse de l’élu. Celui-ci accepte d’accueillir sa grâce, son Esprit, devenir son mandataire et rester fidèle en dépit de l’adversité rencontrée. Les réticences de Jérémie à l’encontre de l’appel divin montrent qu’entre Dieu et son envoyé, s’instaure un dialogue. La liberté de l’élu se situe non pas du côté de l’appel, mais du côté de sa réponse et de son consentement à faire la volonté de Dieu. L’appelé ne connaît pas d’emblée la mission qui lui est confiée. Il la découvrira progressivement, se laissera modeler par elle, et aura à l’accepter librement (ou y renoncer) à chaque instant. Elle s’inscrit dans le dessein de Dieu, lequel échappe à l’élu. C’est dans ce oui à la volonté de Dieu que se dit la liberté de l’appelé. Jésus accomplit pleinement cette adhésion libre à la volonté du Père. Sa mise à part et sa mission sont exprimées dès l’Annonciation : le fruit du sein de Marie est saint et béni, recevra le nom de Jésus, sera grand et appelé fils du Très-Haut, recevra le trône de David son père et régnera pour toujours (Lc 1,31-32). Sa conception mystérieuse par l’action de l’Esprit Saint manifeste la volonté de Dieu. Sa mission accueillie et assumée, Jésus la vivra dans la connaissance intime du Père. Il priera pour la partager avec ceux que le Père lui a donnés et qu’il lui demande de consacrer alors (Jn 17). Mis à part et consacré pour la mission, Jésus vient accomplir et donner sens à toute vocation.

Christophe RAIMBAULT.

CHEMINS DU DÉSIR DANS L’ANCIEN TESTAMENT

15 janvier, 2014

http://www.finesettimana.org/pmwiki/?n=Db.Sintesi?num=138

(cette étude est très intéressante , à mon avis , je m’allonge avec Google , des erreurs et il ya bizarreries , mais je pense que vous pouvez lire aussi)

CHEMINS DU DÉSIR DANS L’ANCIEN TESTAMENT

résumé du rapport de Rinaldo Fabris

Verbania Pallanza 13 Novembre 1999

Contrairement à ce qui a été dit aussi par une relecture de Paul en termes dualistes, alors aggravée par le conflit entre catholiques et luthériens sur la « convoitise », le monde des passions n’est pas caractérisé dans la Bible en termes négatifs, comme si la rencontre avec Dieu peut se produire seulement libéré du corps, les émotions, les passions, les désirs. La Bible hébraïque est pleine d’hommes, et même certaines femmes, les désirs croisés. Ezéchiel a été appelé par Dieu « homme de désirs ». Nombreux sont les protagonistes d’histoires d’amour, la jalousie, les querelles, et pas seulement entre les hommes et les femmes (voir Jonathan et David.) Mais en plus de deux désirs exposés par l’intervenant précédent (Vigna), que de manger et de boire et que de faire l’amour, il est peut-être un désir plus puissant, celui de la puissance, le succès, défendre et promouvoir leur identité? Et «C’est le premier désir que vous rencontrez dans la Bible.

Une. le drame du désir dans le jardin d’Eden Dieu crée un jardin idéal, un monde idéal, plein d’eau et des arbres « , agréables à voir et bons à manger », centrée sur l’arbre de vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Pour l’homme, présenté comme étant responsable pour le jardin qui est à sa disposition, est payé comme non-accès à l’arbre de la connaissance du bien et du mal comme une condition pour vivre. désir, déclenchée par le dialogue avec le serpent («Vous serez comme des enfants de Dieu sont capables de connaissant le bien et le mal »), est le désir de l’infini, comme une condition de la réussite, de la puissance. Et depuis que l’homme a pu prendre possession de la connaissance et de la puissance, pourraient accéder à la vie non comme un don mais comme une propriété et le vol qualifié, est chassé du jardin. Les rapports sont brisés. Eva abordera leur désir d’Adam qui va dominer.

2. le conflit du désir dans Caïn Dans le couple des frères est représentée la diversité (autre que l’acceptation du sacrifice de la part de Dieu), d’où vient le désir menaçant, les conflits, la violence. Dieu invite Cain à dominer l’instinct, le désir du péché, présenté comme bête menaçante.

3. la cupidité des gens dans le désert (Nombres 11,4 à 35) Le temps du désert est le temps de l’épreuve. où les voeux occasion et la raison de la rébellion et de la mort. (Paul fera référence à cet épisode dans 1 Cor 10). d ‘gens, libérés de l’esclavage de l’Égypte et voyage au pays de la liberté, fatigué de la manne et la saveur des pâtes cuites avec de l’huile, prises par la cupidité, il se plaint avec Moïse, regrettant les goûts épicés de l’époque de l’esclavage. Dieu promet de donner la viande avec une telle abondance que susciter la nausée et affecte les gens pour leur cupidité. émerge ici le problème de l’ambivalence du désir: vous pouvez vivre des relations justes dans la famille, entre frères et sœurs ou entre contrôle différent désirer? La nécessité pour la vie, manger, la sécurité est ambigu et peut conduire à l’enfouissement plutôt que de la terre de la liberté.

4. « Non desiderare» (Es 20.17; 5,21 DT) Le Décalogue, ou dix mots, avant d’être une liste d’interdictions ou de commandes est une indication de la façon d’obtenir le droit vie et heureux. « Tu ne convoiteras pas » est la seule indication répétée deux fois. Le libellé différent du dernier commandement de l’Exode et du Deutéronome se traduira par la tradition des Eglises d’Occident (contrairement judaïsme et les Églises orientales) en deux commandements distincts. désir en question n’est pas d’abord un simple état ??de l’esprit ou un sentiment, mais un comportement qui découle de la volonté, de sorte que « ne convoiteras pas la maison de ton prochain » devraient être traduits comme suit: « . ne font rien pour mettre la main sur la maison de votre voisin » Selon les dix mots de la condition de vivre dans la liberté est que personne ne prend la place de Dieu et du prochain, un membre de l’alliance, pour être sûr. Alors n’essayez pas de tout ce qui est essentiel pour la vie, la propriété, et entre eux, dans le centre, sa femme (vue patriarcal.) Le « Tu ne convoiteras pas la femme» comme «Tu ne commettras pas d’adultère» (sixième commandement) n’est pas un problème de désirs impurs, désirs de contrôle sexuel, mais ne pas tenter la dignité des autres (Paul dans Romains 13 dit que le « ne veulent pas » se résume dans l’amour des autres.) Dans cette perspective, le désir n’est pas l’internalisation interdictions précédentes. Le fait que les dix mots sont presque tous mis en place par ne signifie pas que le Décalogue présenter une morale négative et que seul le christianisme est passé de négatif à une morale positive, et une extérieure à une morale intérieure. Le «non» exprime la forme apodictique des lois absolues, plus vaste et plus exigeant que positif. Ce sont des principes de vie. L’internalisation est déjà dans l’Ancien Testament. La fidélité à Dieu que celui que vous vivez en bonne relation avec les autres, intériorisée avec l’indication de « ne pas vouloir. »

5. le désir dans la tradition de la sagesse. Le thème de « ne pas convoiter » est incorporé dans le Décalogue emploi (31,1-2.7-9). En décrivant le portrait dell’osservante emploi souligne l’importance de ne pas porter atteinte à ce qui appartient à ton prochain. Dans les Proverbes (6,24 à 29) soutient la nécessité de contrôler nos désirs, de ne pas être séduit par l’étranger prostituée … l’issue est fatale Jésus Ben Sirach enseigne aux jeunes comment se comporter avec les femmes (Sir 9,1 à 9) parce que la passion ne glisse en ruine, échoué dans la vie … L’accomplissement du désir est la source de la vie (Proverbes 13:19) En face de la conscience de la limite radical, que tout est sans texture, l’Ecclésiaste vous invite à profiter du calme de l’esprit avec tout ce que vous avez. Dieu a destiné des êtres humains à jouir des bonnes choses de la vie et de positif, de ne pas piller comme propriétaires fonciers, mais pour être accepté comme un cadeau.

6. Le désir de Dieu Dans le Psaume 63 parle de la volonté de Dieu avec le langage métaphorique de manger, de boire, réunion de l’amour. Ces images sont transfigurées par l’expérience du désir de l’infini. ‘s l’expérience de guides de prière et donne vie à ses désirs.

conclusions Le désir de l’infini et du désir interdit ne sont pas deux pôles alternatifs. Le désir de l’infini est une vocation, pas une malédiction. Il nous permet de voir un plus grand horizon dans les petites collectivités dans lesquelles nous vivons, ceux de manger, de boire, réunion … Le désir de l’infini n’est pas réalisé avec le vol de l’arbre de la connaissance, le pouvoir, la liberté (à réclamer que la propriété), mais aussi en cadeau de bienvenue. Le « ne pas convoiter » n’est pas une invitation à diaboliser ou supprimer désirs, mais de les éduquer et de les guider. La réalisation du désir se produit pas prendre la place de Dieu, mais en acceptant les cadeaux. Le désir qui naît de la nécessité de vivre peut se terminer par la mort si vous cédez à la tentation de prendre la place de Dieu, et si vous ne parvenez pas en bonne relation avec l’autre, tendre l’autre dans l’objet plutôt que le sujet de la réunion.

RÉFÉRENCES BIBLIQUES À MARIE, MÈRE DE JÉSUS CHRISTL’ANCIEN TESTAMENT – PREMIÈRE PARTIE

9 décembre, 2013

http://campus.udayton.edu/mary/resources/french/figuresmarial.html

(J’ai trouvé cette étude , qui je pense est très agréable et intéressant, cependant , est longue et le divise en deux parties)

RÉFÉRENCES BIBLIQUES À MARIE, MÈRE DE JÉSUS CHRISTL’ANCIEN TESTAMENT – PREMIÈRE PARTIE

ÉLÉMENTS POUR UNE RÉFLEXION SUR LA RELATION DE L’ANCIEN TESTAMENT À MARIE

FIGURES MARIALES DE L’ANCIEN TESTAMENT   Ce qui suit est un essai pour voir comment Ancien et Nouveau Testaments se reflètent en relation à Marie. Pour les chrétiens, il y a continuité entre les deux Testaments. L’Ancien Testament anticipe, annonce le Nouveau Testament et tend vers lui. Les deux s’articulent selon le binôme promesse et accomplissement. Lorsque les chrétiens lisent l’Ancien Testament à partir du Nouveau, ils y reconnaissent un nombre de femmes d’importance qui préfigurent Marie par certains aspects de leurs destinées, personnalités ou vocations. Elles sont appelées « figures » ou « types » parce que, d’une manière ou d’une autre, elles anticipent la mère de Jésus Christ à venir. Marie est leur « anti-figure » ou « anti-type », non par opposition, mais par contraste. Un contraste qui prend en compte le caractère unique de la mission de Marie. Elle est la mère du Messie alors que ses préfigurations de l’Ancien Testament préparent, perçoivent ou suggèrent sa venue. Voici l’esquisse de 14 figure féminines de l’Ancien Testament, de Ève à Bethsabée. Leur portrait est suivi d’une comparaison entre chacune d’elles et Marie. Ève : première mère de tous les vivants Elle est appelée Hawah – en hébreu, le nom « Ève » signifie « vie » – (dans la Septante, Eva ; dans la Vulgate, Heva) parce qu’elle est la mère de tous les vivants (Gn 3,20). Au commencement, elle apparaît, dans l’Ancien Testament, marquée par la beauté, la bonté, la sagesse et la vie. Les écrits rabbiniques louent la beauté et les ornements d’Ève dans leurs commentaires de Genèse 2,20 : « Puis de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l’amena à l’homme. » Par exemple, Rabbi Chama ben Chanina (260 ap. J.C.), écrivait que Dieu avait certainement d’abord vêtu Ève de vingt-quatre ornements précieux (ceux qui décrivent les filles de Sion en Isaïe 3,18-24) avant de l’amener à l’homme. C’est pourquoi, le Seigneur, à travers la bouche d’Ézéchiel, applique à elle ce qui suit (et qui était originellement adressé au roi de Tyr) :             Tu étais en Éden, au jardin de Dieu. Toutes sortes de pierres précieuses             formaient ton manteau : sardoine, topaze, diamant, chrysolithe, onyx,             jaspe, saphir, escarboucle, émeraude, d’or étaient travaillés tes disques             et tes pendeloques ; tout cela était préparé au jour de ta création (Ez 28,13). Et :

            Tu étais un modèle de perfection, plein(e) de sagesse, merveilleux(se) de             beauté (Ez 28,12 ; cf. Genesis Rabbah 18,1 et 2,22 et le Talmud babylonien,             Baba Bathra 75a).

Des écrits juifs plus tardifs opposent la désobéissance d’Ève à la fidélité et obéissance des Israélites envers Dieu au Mont Sinaï. Dans le Nouveau Testament, Ève n’est jamais mentionnée dans les Évangiles. Adam est seulement mentionné dans la généalogie de Luc (Lc 3,38). Ève est mentionnée dans deux écrits pauliniens :

            J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés             à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ. Mais j’ai             bien peur qu’à l’exemple d’Ève, que le serpent a dupée par son astuce, vos             pensées ne se corrompent en s’écartant de la simplicité envers le Christ                        (2 Co 11,2-3).

            C’est Adam en effet qui fut formé le premier, Ève ensuite. Et ce n’est pas             Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui, séduite, se rendit coupable             de transgression. Néanmoins elle sera sauvée en devenant mère, à condition             de persévérer avec modestie dans la foi, la charité et la sainteté (1 Tm 2,13-15).

Les deux passages soulignent les aspects négatifs du rôle d’Ève dans l’histoire du salut. Les premiers auteurs chrétiens opposeront la désobéissance d’Ève à l’obéissance de Marie. Ce n’est toutefois qu’à la lecture globale de tous les textes de l’Ancien Testament que l’on appréciera pleinement la grandeur de la première mère pour Israël, Ève, la mère des vivants.

ÈVE ET MARIE Des parallèles ont été établis entre le dialogue de Marie avec l’ange Gabriel et le dialogue d’Ève avec le serpent (Lc 1,28-35 et Gn 3,17). De même pour le texte de Genèse 3,15 et celui de Jean 19,25-28a (la scène de Marie au pied de la croix). On pourrait envisager le processus de l’histoire du salut d’Ève à Marie comme suivant un double mouvement : d’abord la dispersion de la race humaine en une multitude d’individus, puis la concentration progressive de toutes les attentes de salut dans le Messie né de Marie, la Mère de Dieu. Toutes les femmes éminentes de l’Ancien Testament sont des réalisations partielles et concrètes de la mère primordiale des temps anciens (Ève) qui perdure et se prolonge en elles. De même que le Nouvel Adam se prolonge dans le « Corps Mystique » du Christ (la communauté ecclésiale du nouveau peuple de Dieu), de même Marie représente-t-elle aussi tous ces « enfants de Dieu, autrefois dispersés, mais désormais réunis » par son Fils. Les paroles de Jésus sur la croix, « Voici ta mère » (Jn 19,27), peuvent faire référence à l’étymologie populaire du nom d’Ève en Genèse 3,20 : « L’homme appela sa femme “Ève” parce qu’elle fut la mère de tous les vivants. » Comme l’Église est « la Jérusalem d’en haut… notre mère » (Ga 4,26), ainsi Marie est-elle la mère des croyants, qui, au pied de la croix, étaient présents concrètement dans la personne du « disciple que Jésus aimait ».

SARA La bienveillance de Dieu envers l’humanité se poursuit avec l’appel d’Abram et s’étend sur les deux Testaments à travers les récits de vocation des descendants d’Abraham et de Sara. Abraham est l’archétype de qui répond à Dieu dans la foi. Avec Sara, ce patriarche fait écho à l’initiative divine. À travers lui, Dieu promet un avenir à son Peuple. La mise à l’épreuve de la foi d’Abraham propose un modèle pédagogique et spirituel à tous ceux qui cheminent et grandissent dans la foi. Il a été choisi et a répondu librement à la divine Providence, au salut et à l’avenir d’un Peuple. Abraham est appelé à juste titre « notre Père dans la foi ». C’est Sara, la femme d’Abraham, qui permet à la promesse de se réaliser et aide Abraham à vivre sa foi en Dieu. Saraï, l’épouse belle et forte d’Abraham, voit son nom changé par Dieu en Sara, ce qui signale son élection et sa vocation d’être la mère d’Isaac et la mère de croyants. Son histoire commence en Genèse 12 et se termine en Genèse 23, avec son enterrement dans la grotte de Makpéla (cf. Gn 23,19 ; 25,10 et 49,31). Dans la Bible, elle est décrite comme étant belle, hospitalière, remplie de foi et douée d’humour. Les épîtres du Nouveau Testament la nomment quatre foi (Rm 4,19 ; 9,9 ; He 11,11 et 1 P 3,6). Ces passages montrent comment Dieu lui a permis de concevoir et mettre au monde un fils en dépit de sa stérilité. Elle est l’épouse croyante et la mère de la promesse. En Galates 4,21-30, où elle est mentionnée sans être nommée, elle annonce la Jérusalem d’en haut. Sa foi et son obéissance sont mises en évidence en Hébreux 11,11 et 1 Pierre 3,6. Sara est la première des matriarches de l’Ancien Testament. Viendront ensuite Rébecca et Rachel.

SARA ET MARIE Dans les lectures pour les Messes en l’honneur de la Vierge Marie, Sara n’apparaît que dans la messe intitulée « La Bienheureuse Vierge Marie, Fille élue d’Israël ». La mention de Sara situe Marie dans la continuité des grandes matriarches qui, par la foi, ont surmonté leur stérilité. Marie conçoit Jésus en vertu de sa foi. La stérilité de Sara prend fin lorsque le Seigneur dit à Abraham : « Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ? À la même saison l’an prochain, je reviendrai chez toi et Sara aura un fils » (Gn 18,14). L’ange Gabriel, le messager de Dieu, dit à Marie quelque chose de semblable : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu… car rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,35.37).  Marie partage le sens généreux de l’hospitalité et de la disponibilité de Sara. Elle démontre cela dans sa visite à Élisabeth (Lc 1,39-45). Marie est aussi bénie de Dieu du fait qu’elle aura un fils malgré sa virginité. Elle est également un modèle de foi toute sa vie durant, selon les événements qui sont rapportés à son sujet dans le Nouveau Testament.

Rébecca Rébecca est la deuxième matriarche d’Israël. Elle est décrite en Genèse 24,16 : « La jeune fille était très belle, elle était vierge, aucun homme ne l’avait approchée. » Son histoire conclut la saga d’Abraham.

            Elle est la plus intelligente et la plus autoritaire des matriarches, et pourtant             elle incarne la beauté et la vertu féminine tant dans sa conduite (sa virginité            et ses actions), ses paroles énergiques, sa politesse prévenante que dans son assurance             (voir David Noel Freedman ed., The Anchor Bible Dictionary, vol. 5, New York, Doubleday, 1992, 629).

Rébecca en tant que femme d’Israël – en fait elle est la mère de Jacob qui sera appelé Israël – est présentée comme vierge la première fois qu’elle est mentionnée dans la Genèse. Une fois donnée en mariage à Isaac, nous apprenons qu’elle est stérile jusqu’au jour où elle prie Dieu de la délivrer de cette condition. Elle donne alors naissance à Ésaü et Jacob, mais éprouve de la préférence pour Jacob. C’est grâce à son intervention et à son astuce qu’elle obtient pour Jacob la bénédiction paternelle d’un Isaac âgé et aveugle. Jacob doit fuir devant Ésaü, séparant ainsi la mère de son enfant préféré. Dans sa lettre aux Romains, Paul offre l’éclairage théologique suivant sur le rôle de Rébecca dans l’histoire d’Israël, le peuple de Dieu :             «…Rébecca avait conçu d’un seul homme, Isaac notre père : or avant la naissance                des enfants, quand ils n’avaient fait ni bien ni mal, pour que s’affirmât la liberté                de l’élection divine, qui dépend de celui qui appelle et non des œuvres, il lui fut                dit : L’aîné servira le cadet, selon qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob et j’ai haï                Ésaü. » (Rm 9,10-12).

Le merveilleux commentaire de Paul sur la promesse messianique, manifestée de façon dramatique dans l’histoire du salut chez Jacob, souligne le choix libre de Dieu au moyen de personnes de foi, les grands patriarches et matriarches du récit de la Genèse. Teresa Okure, théologienne nigériane, perçoit un lien entre le rôle de Rébecca et celui de Marie en relevant que l’aide apportée par Rébecca à Jacob n’était pas seulement motivée par l’intérêt personnel, mais exprimait à sa manière sa coopération à l’accomplissement du plan de Dieu vu que ce dernier lui avait révélé le sort de ses deux enfants avant qu’ils ne soient nés. La mère de Jésus a coopéré avec Dieu dans la dernière et plus importante étape de l’histoire du salut. [Voir : Teresa Okure, « Women in the Bible », In : With Passion and Compassion: Third World Women Doing Theology. New York, Maryknoll, 1988, 47-59.]

RÉBECCA ET MARIE L’appel advient à Marie par Gabriel et elle est appelée la Vierge Marie. Elle aussi est finalement séparée de son fils, tant durant les trois jours passés à sa recherche que pendant les années de sa vie publique. Son rôle dans l’accomplissement de la promesse messianique continue ce qui avait débuté avec ses ancêtres Sara, Rébecca et Rachel. Des théologiennes ont affirmé l’importance des femmes de la Bible telles Rébecca en déclarant que les femmes qui apparaissent occasionnellement dans des rôles de leaders dans les récits bibliques ne devraient pas être considérées comme des exceptions, mais comme représentatives d’un possible groupe plus étendu de femmes actives dans la vie publique dont l’identité a été perdue dans un processus de canonisation contrôlé par les hommes. Elles ajoutent que les figures prophétiques et sapientiales féminines pourraient ne pas avoir trouvé de place dans le canon à cause de l’absence d’une reconnaissance de la valeur et de l’autorité des femmes. Rébecca est une vierge au moment de son mariage avec Isaac. Le récit biblique met en évidence la constance de ses qualités : sa ténacité, sa fidélité et son amour préférentiel pour Jacob. Elle fait preuve de créativité dans sa façon d’aider Jacob à dérober à Isaac la bénédiction destinée au fils aîné (Gn 22,23 ; 24 ; 26,6-11 ; 27). Marie est une vierge dans les récits de Matthieu (1,16.18-25) et de Luc (1,26-38). Elle est proclamée bienheureuse par Élisabeth (Lc 1,45). Sa ténacité apparaît dans les événements qui l’unissent à son fils Jésus presque à chaque fois qu’elle est mentionnée dans le Nouveau Testament.

RACHEL Rachel fut l’épouse préférée et chérie de Jacob ou Israël, l’ancêtre qui a donné son nom au peuple de Dieu. Elle est ainsi la femme d’Israël par excellence. « L’histoire de Rachel est une histoire d’amour et de dévouement sans équivalent dans les récits bibliques. » (Voir Anchor Bible, vol. 5, 605.) Matthieu 2,17-18 décrit l’accomplissement de la prophétie de Jérémie qui parle du grand chagrin de Rachel : « Une voix dans Rama s’est fait entendre, pleur et longue plainte : c’est Rachel pleurant ses enfants ; et ne veut pas qu’on la console, car ils ne sont plus. » Cette citation de Jérémie 31,15 rapporte la mort de Rachel à la naissance de son second fils (Gn 35,16-19) à la conquête d’Israël par les Assyriens en 722-21 av. J.C.. Matthieu, qui parle de la naissance du Messie Jésus, utilise le texte de Jérémie afin de raconter comment la Sainte Famille a échappé au massacre des enfants de Bethléem.   Rachel a l’oreille de son Dieu car elle parle d’amour et de relations familiales. Elle a œuvré à une guérison de ces relations parce qu’elle ne s’est pas contentée de parler d’amour, mais a vécu cet amour tout au long de sa vie. « Le message de Rachel à Dieu est de se situer par rapport à Israël dans l’amour qui vient de la famille, de la sainte famille. » (Citation de Jacob Neussner.)

RACHEL ET MARIE Rachel surmonte sa stérilité avec l’aide Dieu. Elle fait preuve d’astuce en dérobant les teraphim, les idoles domestiques, de Laban, son père. Vu leur valeur marchande, elle assure ainsi son indépendance et sécurise l’héritage d’Israël. Son chagrin est patent à l’occasion de la perte de Joseph, son fils. Cela est rappelé par le prophète Jérémie (Jr 31,15). Elle est l’épouse bien-aimée de Jacob qui a énormément travaillé pour obtenir sa main. Marie voit sa virginité bénie quand l’Esprit Saint la couvre de son ombre, à la suite de quoi elle donnera naissance à Jésus. Matthieu rappelle les pleurs de Rachel lorsqu’il rapporte le massacre des Innocents. Marie, comme Rachel, est une mère en chagrin qui endure la mort de son fils, Jésus, au Calvaire.

LÉA Léa est, à côté de Rachel, l’autre épouse de Jacob, l’autre mère des enfants d’Israël. Elle est issue de Térah le Mésopotamien, à travers Nahor et Bétuel. Son père est Laban, fils de Bétuel et frère de Rébecca. Léa est la mère de Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon et Dina. Les fils de sa servante Zilpa sont Gad et Asher qui sont reconnus comme les siens propres. Léa, selon le dessein de la Providence divine, est l’ancêtre de deux figures majeures d’Israël, en l’occurrence Moïse et David. Ce don lui vient de Dieu en dépit de la préférence de Jacob pour Rachel. La dernière mention de Léa se trouve en Genèse 49,31 : « Là furent ensevelis Abraham et sa femme Sara, là furent ensevelis Isaac et sa femme Rébecca, là j’ai enseveli Léa ». Au temps des patriarches, les lois concernant le mariage n’étaient pas aussi strictes que celles prescrites en Lévitique 18,6-8. Comment Léa s’insère-t-elle dans la tradition mariale ? Grâce au fait que Juda, un de ses fils, est à l’origine de la lignée davidique. Bien que Léa ne soit pas mentionnée dans la généalogie de Matthieu 1,1-17, il y a un lien à travers son mariage inhabituel avec Jacob et à travers Juda. Elle est la mère prolifique de huit des douze tribus, qui tiennent leurs noms de ses fils.

LÉA ET MARIE La fidélité de Léa à Jacob est une de ses forces. Elle est la mère de huit fils, les « tribus de Léa ». Son dévouement envers sa famille et ses parents est une de ses qualités. Elle sait ce que signifie le don de soi. Marie donne naissance à Jésus qui est un descendant de Juda, un des fils de Léa. Marie est elle aussi fidèle à sa famille durant la vie cachée et la vie publique de Jésus. Sa présence au pied de la Croix, dans l’évangile de Jean, atteste de sa compassion, sa souffrance et son amour.

DÉBORAH

Deux Déborah sont mentionnées dans l’Ancien Testament : la nourrice de Rébecca qui est enterrée près de Béthel (Gn 35,8) et – bien mieux connue – la prophétesse, épouse de Lappidot (Jg 4,4-5,31). Sa mémoire est célébrée en Juges 5 notamment. Pour sa part, le Pseudo-Philon nous livre de fascinantes informations sur la place qu’elle occupe dans la tradition d’Israël. Déborah la prophétesse, à cause de ses qualités de meneuse d’hommes, de son courage et de sa vocation prophétique, est honorée dans le chant commémorant la victoire sur les chefs militaires cananéens Yabîn et Sisera. Ce chant est sans doute un des plus anciens textes de l’Ancien Testament, datant peut-être de l’époque des Juges (1200 av. J.C.). Le cantique de Déborah tient en 106 lignes. Ce n’est pas un chant de Déborah, mais sur Déborah Il traite d’eau et de gloire : l’intervention divine. Yahvé, au moyen d’un torrent, manifeste la gloire divine dans une victoire. Yaël, une autre femme, parachève la victoire en tuant Sisera, le général des Cananéens. La dernière partie du poème est constituée de bénédictions et malédictions. Yaël est dite « bénie entre les femmes » (Jg 5,24).

DÉBORAH ET MARIE Dans une relecture de l’Ancien Testament et du Psaudo-Philon, on observe comment, par analogie, l’Église catholique a noté des similitudes entre Marie et, tout à la fois, Déborah et Yaël. Le Pseudo-Philon nous présente Déborah comme Mère d’Israël appelant ses enfant à suivre la Torah. Marie, de même, exhorte les serviteurs de Cana à faire tout ce que Jésus leur dira (Jn 2,1-5). Déborah exhorte Israël à glorifier le Seigneur. L’eau est symbole ou moyen de la victoire. Cela se retrouve en Jésus qui change l’eau en vin et qui, de la sorte, manifeste sa gloire à ses disciples qui croient en lui (Jn 2,11). Dans le chant de victoire, Yaël, la femme de Héber, est louée : « Bénie entre les femmes soit Yaël, entre les femmes qui habitent tentes, bénie soit-elle ! » (Jg 5,24). Nous trouvons en Luc des béatitudes adressées à Marie par l’ange Gabriel (1,28), par Élisabeth (1,45) et aussi par une femme anonyme dans la foule (11,27). Déborah est vue comme Mère d’Israël en esprit alors que Marie est la Mère de tous les croyants représentés par le disciple bien-aimé au pied de la Croix (Jn 19,25-27). Il y a aussi un parallèle entre l’Esprit Saint reposant à la fois sur Déborah et sur Marie. Déborah est un leader remarquable qui a le don de prophétie et de sagesse. Ses décisions débouchent sur la victoire d’Israël par l’entremise d’une autre femme courageuse, Yaël. Déborah, dans son cantique (Jg 5), démontre une confiance totale en Dieu et attribue la victoire au pouvoir de Dieu sur les rois étrangers. Marie n’exerce pas la fonction de juge ou celle de leader en temps de guerre. Elle fait cependant preuve de sagesse (puisque, soumis à ses parents, Jésus grandit en sagesse ; cf. Lc 1,51-52) et son Magnificat a des accents prophétiques quand il chante la puissance de Dieu sur les ennemis d’Israël. Marie partage avec Yaël une même béatitude : « Bénie es-tu entre les femmes ».

YOKÉBED Yokébed, la mère de Moïse, Aaron et Miryam, est considérée comme une « Mère d’Israël » par la tradition juive. Elle est une lévite et figure dans les généalogies d’Exode 6,20 comme épouse d’Amram et mère de Moïse et Aaron. Dans Nombres 26,59, elle est présentée comme étant « fille de Lévi, qui lui était née en Égypte ». A. Serra rapporte le renvoi de Yokébed par son mari Amram, raconté par la haggadah Sotah 12a (200-300 ap. J.C.). Ce récit narre la décision d’Amram et de tous les Israélites de cesser d’avoir des enfants à cause de la persécution de Pharaon. Miryam, sa fille, le convainc de reprendre Yokébed secrètement. Le Psaume 113,9 est chanté à l’occasion du renouvellement du mariage. Miryam, fidèle à sa vocation prophétique entrevoit la naissance et destinée de Moïse, son frère. Elle déclare : « Ma mère donnera le jour à un fils qui sera le sauveur d’Israël » (Sotah 12b-13a). Après la naissance de l’enfant, c’est Miryam qui sauve Moïse des eaux du Nil et qui permet à sa mère de devenir sa nourrice auprès de la fille de Pharaon. Il y a dans la haggadah maintes similitudes avec l’annonciation à Joseph en Matthieu (Mt 1,18-25). On le voit dans le parallèle avec les hésitations de Joseph à prendre Marie comme épouse, l’annonce prophétique de la naissance par un messager divin et les circonstances miraculeuses dans lesquelles Marie conçoit. Dans la haggadah, Yokébed redevient jeune et met Moïse au monde à l’âge de 130 ans ! Elle accouche de Moïse presque sans douleurs, puis ne paraît pas avoir été enceinte. Cette naissance paisible de Moïse le soustrait aux yeux des espions égyptiens. Le récit de la conception virginale chez Matthieu se situe dans le même cadre théologique et précède d’au moins deux cents ans la haggadah juive. À cette tradition se rattache l’Apocalypse de Baruch (100-150 ap. J.C.) : « Les femmes ne souffriront plus pendant leur grossesse et l’angoisse ne la naissance sera épargnée au fruit de leurs entrailles. » (Apoc. Baruch 73,1-7 ; 74,1).

YOKÉBED ET MARIE Yokébed est la mère de Moïse, le sauveur et libérateur d’Israël. La tradition juive la fait accoucher miraculeusement sans douleur. Elle protège aussi son enfant de Pharaon. Elle est considérée comme la Mère d’Israël. Marie est la mère de Jésus qui est le Messie et le Sauveur selon les chrétiens. Elle donne naissance à Jésus de façon miraculeuse et, avec Joseph son époux, elle le protège des mains meurtrières d’Hérode.

MIRYAM Le nom de la Vierge Marie lui fut donné par ses parents sans doute en l’honneur de Miryam, la sœur de Moïse et d’Aaron (dans l’Ancien Testament). Sous la conduite de Moïse, elle fut une prophétesse et un leader du peuple dans sa traversée de la mer Rouge et du désert. Anne et Joachim ont peut-être été motivés par le désir d’une renaissance du peuple d’Israël, de même que les parents de Marie Madeleine, Marie de Béthanie, Marie mère de Jacques ou encore Marie mère de Marc. Son nom signifierait « dame princesse » ou, s’il y a un lien avec le lieu appelé Méribah, « eaux amères ». Miryam, la sœur de Moïse, est seule dans l’Ancien Testament à porter ce nom si on excepte la Miryam inconnue de 1 Chroniques 4,17. O. Bardenhewer a recensé pas moins de 67 étymologies différentes pour le nom « Miryam » ! Plus probablement, ce nom aurait désigné une dame de haut rang, une princesse donc, et ainsi plutôt belle. Si le nom a une origine égyptienne, le sens de « chère » ou « chérie » en serait la meilleure traduction. Selon de la Potterie, le kécharitôménê de Luc 1,28 serait utilisé comme un équivalent de « Marie » et indiquerait que ce nom s’appliquerait à une femme comblée de grâce par Dieu, donc gracieuse et belle. Le judaïsme considère Myriam comme une prophétesse. Elle reprend le chant de victoire célébrant Dieu qui a libéré son peuple pendant l’Exode :

            « Miryam, la prophétesse, sœur d’Aaron, prit en main un tambourin et toutes les            femmes la suivirent avec des tambourins, formant des chœurs de danse. Et    Miryam leur entonna : “Chantez pour Yahvé, car il s’est couvert de gloire, il a jeté    à la mer cheval et cavalier” » (Exode 15,20-21).

Dans l’évangile de l’enfance selon Luc, le Magnificat est attribué à Marie (certains manuscrits mineurs l’attribuent à Élisabeth). Les deux hymnes partagent plusieurs thèmes. Marie glorifie Dieu comme son Seigneur et Sauveur alors que Moïse ou Miryam chante la gloire, kabôd, de Dieu. Dans les deux cas, Dieu est identifié comme Seigneur et Sauveur. Abraham est le père dans la foi des deux femmes. Les deux exaltent Dieu dans son triomphe sur les puissants. Pharaon est mis à bas comme les orgueilleux du Magnificat. Dieu déploie la force de sa droite, de son bras dans les deux chants. Les œuvres puissantes de Dieu sont exaltées. L’amour constant de Dieu a sauvé et libéré Israël, son peuple. Ces parallèles apparaissent plus clairement dans la comparaison de la version grecque de la Septante du « chant de victoire » avec le texte, grec, de Luc. Ce dernier a imité le style, les expressions et le vocabulaire de cette traduction grecque du « chant de victoire ». La fuite en Égypte de Marie et Joseph, pour échapper à la tyrannie et violence d’Hérode, suit le parcours inverse de Moïse qui, avec Miryam et Aaron, fuyait Pharaon. Marie de Nazareth aura néanmoins touché le même sol égyptien que sa matronyme Miryam (Mt 2,13-15)on Le fait que la Bible contient sept passages différents parlant de Miryam atteste de son rôle de leader en Israël. Le prophète Michée l’exalte : « Car je t’ai fait monter du pays d’Égypte, je t’ai racheté de la maison de servitude ; j’ai envoyé devant toi Moïse, Aaron et Miryam (Mi 6,4).

MIRYAM ET MARIE En repérant les qualités de Miryam, la sœur de Moïse, on observe ce qui suit : elle est un leader, une prophétesse, une médiatrice, une initiatrice, une servante, un modèle de discrétion et de pertinence, une négociatrice et une femme qui prend soin des autres et qui collabore dans les coulisses, mais efficacement, à l’histoire salvifique du peuple élu. Dans les hymnes et litanies de l’Église, la tradition catholique attribue de telles qualités à Marie. Les fondements bibliques de l’emploi de ces expressions sont tirés des récits de l’Annonciation, de la Visitation (Lc 1,28-45) et des noces de Cana (Jn 2,1-11).

JUDITH Judith est l’héroïne du livre deutéro-canonique du même nom. Elle incarne la femme idéale de la piété juive tardive (150-100 av. J.C.). Bien des aspects de sa vie laissent voir en elle une pharisienne. Dans sa victoire sur Holopherne, elle ressemble à Déborah et Yaël dans leur victoire sur Sisera. Elle se décrit en Judith 11,17 : « Car ta servante est une femme pieuse : Nuit et jour elle honore le Dieu du ciel. » De par son observance religieuse, Judith est une personne juste. Elle observe les prescriptions de la Torah, est une chaste veuve, observe les fêtes et même les veilles de fêtes (8,6). Elle observe les lois et rituels de purification (12,2.9.19 ; 16,18). « …elle est un modèle de religion pharisienne. Il n’est pas étonnant que sa dévotion soit bénie ; elle est riche, elle est belle, tous l’estiment (8,7-8) même s’il est à noter que le texte ne parle pas d’enfants. L’histoire se concentre sur son courage, son initiative, son don de soi (13,20)… » [Voir : Reginald C. Fuller, éd., A New Catholic Commentary on Holy Scripture. (Nashville : Thomas Nelson, 1969) 404.] Judith représente l’ensemble du peuple d’Israël fidèle. Cela apparaît notamment dans son hymne final (16,1-17). Judith appartient aux pauvres de Yahvé (tapeinoi : 6,19 ; 13,20 ; 16,11). Les biblistes reconnaissent que la physionomie spirituelle de Judith est sans aucun doute celle des pauvres en esprit. Dans ses actes, Judith devient un paradigme de la libération humaine. Elle témoigne de la vérité fondamentale selon laquelle la foi ne dépend pas de résultats visibles (8,17-27) et que la puissance de Dieu ne réside pas dans le nombre (9,11).

JUDITH ET MARIE On trouve en Marie de Nazareth un écho à la confiance absolue placée en Dieu par Judith en tant que « pauvre de Yahvé ». On trouve chez l’une comme chez l’autre l’observance des rituels des lois de purification et des fêtes, en particulier la Pâque. Toutes deux sont exemplaires dans leur vie de prière et leur participation aux pratiques religieuses. Dans les lectures liturgiques des messes en l’honneur de Marie, la bénédiction de Judith annonce celle de Marie par Élisabeth : « Sois bénie, ma fille, par le Dieu Très-Haut, plus que toutes les femmes de la terre » (Jdt 13,18). Les louanges adressées à Judith – « Tu es la gloire de Jérusalem ! Tu es le suprême orgueil d’Israël ! Tu es le grand honneur de notre race ! » (Jdt 15,9) – ainsi que des paroles provenant de son propre hymne sont aussi fréquemment employées en lien avec Marie :

            « Je veux chanter à mon Dieu un cantique nouveau. Seigneur tu es grand, tu es   glorieux, admirable dans ta force, invincible. Que toute ta création te serve ! Car   tu as dit et les êtres furent, tu envoyas ton souffle et ils furent créés, et personne          ne peut résister à ta voix » (Jdt 16,13-14).

ESTHER Esther est une héroïne et le paradigme de la femme totalement libérée qui place toute sa confiance en Dieu. Par la prière et le jeûne, elle est en mesure de contrer le mal projeté par les Perses et d’intercéder en faveur de son peuple Israël auprès du roi Assuérus. Reine, Esther est concernée par le destin des juifs, même si son statut pourrait la mettre à l’abri du décret d’extermination lancé contre son peuple. Elle demande aux juifs un jeûne de trois jours pour préparer avec elle son apparition devant le roi à qui elle compte demander le salut de son peuple, au risque d’être punie de mort pour son audace. Au moins, elle aura essayé ! Il y a en elle à la fois de la résignation et une courageuse liberté ainsi que l’espoir que sa démarche aboutira. [Voir : John F. Craghan, « Esther: A Fully Liberated Woman », The Bible Today 24 (1986), pp. 6-11.] Aujourd’hui encore, les Juifs commémorent Esther lors de la fête de Purim où les enfants rejouent les scènes du livre avec toutes sortes de déguisements. L’ennemi juré du peuple d’Israël, Haman, est habituellement représenté en costume noir. Dans la célébration de Purim, les valeurs mises en évidence sont le sacrifice de soi et la providence divine. Ce sont aussi les deux thèmes majeurs du livre d’Esther. [Voir : C. G. Montefiore and H. Loewe, A Rabbinic Anthology. (New York : Schocken, 1974), pp. 99-101.] Dans la tradition juive, le livre d’Esther fait partie des cinq megillot ou rouleaux. Esther en constitue le rouleau, megillah, par excellence. « À moins qu’un autre des cinq ne soit spécifié, le terme megillah en est venu à désigner le seul livre d’Esther. » . » [Voir : Rufus Learsi, Israel: A History of the Jewish People. (New York : Meridian, 1966), 120.]

ESTHER ET MARIE Marie, la mère de Jésus, ressemble à Esther dans sa prière et son pouvoir d’intercession auprès de Dieu. Elle promeut aussi le bien et du peuple et du peuple chrétien dans son rôle de Reine. Trois passages du livre d’Esther sont utilisés dans la mariologie des premiers auteurs chrétiens et dans la liturgie catholique : 2,16-18 ; C,12.14-15.25.30 et 8,3-8.16-17.

TAMAR Tamar, « le palmier », est la première femme mentionnée dans la généalogie de Matthieu : « Juda engendra Pharès et Zérah, de Tamar » (Mt 1,3). La raison de la mention de Thamar se trouve en Genèse 38. Juda, dont les deux aînés ont été successivement mariés à Thamar et son mort, craint pour son troisième fils, Shéla. Au lieu de le donner en mariage à Thamar, comme il devrait le faire, il renvoie Thamar veuve et sans enfants. Par un stratagème ingénieux, Tamar se déguise en prostituée et Juda couche avec elle. Elle prend cependant soin de subtiliser quelques objets appartenant à Juda. Elle conçoit et est accusée d’adultère. Quand elle montre les objets appartenant à l’homme duquel elle a conçu, Juda reconnaît que c’est lui qui a enfreint la loi divine : « Elle est plus juste que moi. C’est qu’en effet je ne lui avait pas donné mon fils Shéla » (Gn 38,26). Elle donne naissance à des jumeaux, Pharès et Zérah. Pharès sera l’ancêtre de David (Rt 4,18ss.) et donc, finalement, du Messie.

L’HISTOIRE DE TAMAR EST UNE ILLUSTRATION DE LA LOI DU LÉVIRAT :             « Si des frères demeurent ensemble et que l’un d’eux vienne à mourir sans enfant,          la femme du défunt ne se mariera pas au-dehors avec un homme d’une famille      étrangère. Son « lévir » (beau-frère) viendra à elle, il exercera son lévirat en la       prenant pour épouse et le premier-né qu’elle enfantera prendra le nom du frère défunt, afin que ce nom ne soit pas effacé d’Israël » (Dt 25,5-6).

TAMAR ET MARIE Pourquoi Matthieu relève-t-il le nom de Tamar dans sa généalogie ? Parce que c’est de la lignée messianique de Juda que surgira David. Tamar atteste aussi le côté anormal de sa situation de veuve ayant besoin de l’intervention divine pour rétablir la justice en sa faveur. De même, Marie, la mère de Jésus, se retrouve dans une situation anormale à cause de sa grossesse à laquelle Joseph, son fiancé, n’est pour rien. Comme Tamar est reconnue juste devant Dieu, Marie est reconnue innocente. Joseph découvre cela dans un rêve. 

RAHAB De même que Tamar n’est pas condamnée comme prostituée quand elle cherche à obtenir justice de la famille de Juda qui lui était redevable, de même Rahab (Jos 2) ne l’est pas non plus, elle qui est au contraire louée pour sa foi, son ingéniosité et son hospitalité, vertus qui comptent parmi les plus exaltées par les Écritures. Elle est aussi vénérée dans le Nouveau Testament (He 11,31 ; Jc 2,25) ainsi que dans les anciennes traditions chrétiennes (1 Clément 12,1) et juives (Mek Ex 18,1 ; Midr. Ruth 2,1). Son statut sexuel inhabituel est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Matthieu l’a incluse dans sa généalogie de Jésus. Elle n’est pas une fille vierge ou une épouse non vierge. Pour cela, elle représente une menace pour la structure sociale patriarcale. Toutefois, en tant que prostituée professionnelle, elle est aussi victime de ce système. Cette femme qui se situait en dehors de la culture patriarcale en général et celle, ethnique, d’Israël en particulier, se retrouve intégrée aux deux (Jos 6,5). La « profession de foi » de Rahab (Jos 2,9-11) explique pourquoi elle protège les espions de Josué (vv. 12-13). On peut y voir déjà dans ce texte ancien comment le pouvoir de Dieu se mêle à l’initiative extraordinaire prise par Rahab en face des puissances du monde patriarcal. Sa foi et le soutien qu’elle apporte au peuple élu de Dieu, Israël, peuvent aussi rendre compte de sa mention dans la généalogie de laquelle le Messie est issu. Le fait qu’elle gagne, pour elle-même et sa famille, une place dans l’histoire d’Israël peut aussi expliquer son inclusion dans la généalogie de Matthieu. C’est une femme sensible, réceptive à la présence de Dieu et sachant user de ses ressources. En tant que telle, elle est digne de figurer parmi les mères d’Israël. Quoique enfermée dans les structures patriarcales de son époque, elle les dépasse par sa foi, son instinct créatif et sa faculté à discerner l’action de Dieu derrière les guerriers d’Israël. La littérature rabbinique l’exalte comme Mère d’Israël dont descendront huit prêtres et huit prophètes.

RAHAB ET MARIE Il existe plusieurs points de convergence entre les histoires de Rahab et de Marie, qui nous aident à mieux comprendre les deux femmes et la foi qui les a inscrites dans la tradition biblique : la sexualité est concernée par les deux histoires ; les deux femmes encourent une punition (mort) ; toutes deux furent instruments par lesquels Dieu a pris possession du pays et des cœurs ; toutes deux furent signes et exemples de foi (He 11) ; toutes deux furent mères de la foi.

RUTH Ruth figure aussi parmi les « Mères d’Israël ». Le Targum de Ruth 2,12 traduit : « …tu es celle qui est arrivée… protégée par l’ombre de la majesté de Dieu et la gloire de Dieu et, grâce à cette récompense, tu seras libérée du jugement de la Géhenne car tu as ta place parmi Sara, Rébecca, Rachel et Léa ; c’est-à-dire parmi les mères d’Israël. » (Rabbah Ruth 5,5 à 2,13 ; Pesikta de Rob. Kohaha 26,1.) Ruth personnifie Israël alors que Booz, son mari, symbolise Dieu. La littérature rabbinique compare sa relation à Booz avec celle d’Israël à Dieu qu’Israël doit glorifier (Ex 15,2) et en dehors duquel il n’aura pas d’autre dieu (cf. Ex 20,3). Ceci est étroitement lié à l’Alliance entre Dieu et Israël qui est semblable à l’alliance conjugale entre Ruth et Booz. D’une telle alliance naîtra l’Oint, le Messie.

RUTH ET MARIE L’Église aussi, dans sa tradition primitive, reprend la typologie en faisant de Booz une figure du Christ et Ruth une image de l’Église. Aux 12ème et 13ème siècles, Marie à son tour est vue comme ayant été préfigurée par Ruth. Pierre de Celle (1115-1182) voit un parallèle entre les mots de Ruth « Je suis Ruth, ta servante » (Rt 3,9) et ceux de Marie « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1,38). Aussi bien Ruth que Marie répondent activement à Dieu dans leurs vies. En tant que telles, elles représentent leur peuple Israël dans sa réponse primordiale à l’alliance au Sinaï. Ruth anticipe la réponse « Tout ce que Yahvé a dit, nous le ferons et nous y obéirons » (Ex 24,7). Ruth dit à Booz : « Comment ai-je trouvé grâce à tes yeux pour que tu t’intéresses à moi qui ne suis qu’une étrangère ? » (Rt 2,10), et à Noémi : « Tout ce que tu me dis, je le ferai » (Rt 2,10). Marie aussi a été objet de faveur ou de grâce : « Réjouis- toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1,28). Marie reconnaît cela dans son propre cantique : « …parce qu’il a jeté les yeux sur l’abaissement de sa servante, oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse » (Lc 1,48). Marie aussi, comme Israël au Sinaï, répond à l’appel de Dieu en disant : « qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1,38). Les deux femmes sont objets de faveur et y répondent positivement. Ruth est mentionnée dans la généalogie de David dans les derniers versets du livre ! Une dernière remarque à propos du paradoxe d’un Dieu qui agit au travers de l’histoire humaine. La situation de Ruth, étrangère sans enfants, est transformée par son affection (hesed) envers Noémi. Ruth devient l’épouse de Booz, mais c’est Dieu qui lui donne de concevoir (Rt 4,13). C’est aussi ce que Matthieu suggère dans le paradoxe de Marie qui est la dernière femme mentionnée dans sa généalogie : « de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ » (Mt 1,16). Au coeur du cantique de Marie, il y a l’amour tendresse de Dieu. Le mot hébreu hesed rend compte de cette disposition de Dieu. Selon Elaine Wainwright, la hesed donne aussi la clef de l’histoire de Ruth : « Le livre de Ruth célèbre également la hesed de la femme (Rt 1,8 ; 2,20 ; 3,10) et, même si les allusions au dévoilement des pieds de Booz soulève des questions quant au côté anormal créé par cette situation, aucun vocabulaire de péché n’est associé à Ruth dans tout le livre ». . » [Voir : Wainwright, Feminist Critical 64 (cf. 166-168). David Daube, The New Testatment and Rabbinic Judaism (London : Athlone, 1956) 27-36. J. Massingberd Ford, « Mary's Virginitas Post-Partum and Jewish Law », Biblica 54 (1973) 269-272.] Cela s’applique aussi aux textes qui, en Luc, traitent de la Vierge Mère de Jésus. Les traditions et de la Synagogue et de l’Église ont, respectivement, maintenu l’absence de péché chez ces deux mères d’Israël.   BETHSABÉE Dans la généalogie de Matthieu, Bethsabée est appelée « la femme d’Urie » (Mt 1,6). Son nom n’est pas mentionné. Son rôle est pourtant essentiel dans la généalogie. L’absence du nom souligne ce que son union maritale avec David avait d’irrégulier. Après la mort d’Urie, elle devient l’épouse de David, puis « Reine Mère » ou Gebîrah dans la mesure où son fils Salomon montera sur le trône de David à l’instigation du prophète Nathan aidé en cela par Bethsabée elle-même (1 R 1,11-37). La reine mère (gebîrah) a joué un rôle clairement défini dans nombre de sociétés anciennes et modernes. Le mythe omphalos, qui présentait la terre comme centre vital symbolisé par la déesse mère (mère divine), a été supprimé par les prophètes et historiographes de l’Ancien Testament. Certains voient dans la figure de Dame Sagesse (Pr 1-9) une sorte de subsistance, sous une forme modifiée, de cette ancienne déesse mère. La fonction de reine mère en Judée pourrait aussi être une conséquence de ce mythe. Cette fonction correspondrait à une position d’aînée à la cour et répondrait à la description de Dame Sagesse dans le livre des Proverbes. Mais elle pourrait aussi résulter du fait que les rois disposaient d’un harem : beaucoup d’épouses, mais une seule mère. Quoiqu’il en soit, la reine mère était la « First Lady » du royaume. La Bible n’utilise pas le mot gebîrah à propos de Bethsabée, mais elle est la deuxième personne du royaume (1 R 2,19) : le roi se prosterne devant elle. Bethsabée a l’oreille du roi son fils ; on lui demande de présenter des requêtes au roi. Elle joue un rôle d’intercesseur. Sa position fait d’elle une personne de conseil et une source de sagesse. À la mort de David, elle s’est préoccupée de sa succession et de la stabilité du royaume. Dans son effort pour assurer le trône à son fils, elle en a appelé directement à David mourant. Devenue reine mère, elle joue un rôle de conseiller politique et judiciaire à la cour, et de médiateur entre les factions politiques du pays. Son fils Salomon l’écoute, ce qui démontre le prestige dont la reine mère jouit à Jérusalem. « La reine mère était une dame conseillère dont le rôle se reflète dans le motif de Dame Sagesse du livre des Proverbes » [Anchor Bible, vol 5, p. 585.] Dans la tradition juive contemporaine de la formation du Nouveau Testament, Bethsabée est vue comme une noble dame d’Israël. Après avoir exercé son influence sur David, elle a eu, en tant que Reine Mère, Gebîrah, une grande influence sur son successeur Salomon. De même que les autres femmes de la généalogie, Bethsabée est située à l’intérieur de l’histoire du salut d’Israël et du plan de Dieu. Cette femme est donc une figure-clef qui aide à mieux comprendre la dernière femme mentionnée, Marie, mère de Jésus. Bethsabée aussi est engagée dans l’action de l’Esprit et dans l’histoire du salut.

BETHSABÉE ET MARIE Dans toute comparaison entre Bethsabée et Marie, mère de Jésus, la notion de « Reine Mère » permet peut-être de saisir que ce thème est né de l’Ancien Testament pour ensuite déboucher sur le thème de la royauté de Marie dans la liturgie et la dévotion. Comment comprendre alors la royauté de Marie à la lumière du concept de la Reine Mère ? On a dit que certaines « femmes puissantes » de l’Ancien Testament préfigurent Marie. Des versets concernant Esther et Judith ont été utilisés en référence à Marie dans la liturgie de l’Église : «  Tu es la gloire de Jérusalem ! Tu es le suprême orgueil d’Israël ! Tu es le grand honneur de notre race ! » (Jdt 15,9). Ces versets expriment les sentiments de la communauté chrétienne. La Reine Mère joue un rôle actif et assuré par rapport à son fils. Elle a le souci du royaume. On peut dire que Marie est responsable de la royauté de son fils en raison de sa maternité et son réel souci du royaume de Dieu (Lumen Gentium 56). Il est en revanche difficile de prouver que Marie ait été conscience de quelque dimension royale de son assentiment au moment de l’Annonciation. Marie n’a pas recherché le trône pour son fils comme l’ont fait d’autres « reines mères ». Au contraire, elle s’est mise au service du mystère de la rédemption « dans la dépendance au Christ » (Lumen Gentium 56). C’est un service d’effacement de soi, à l’image de son fils. La reine mère disposait d’une puissante influence dans le royaume. Ce pouvoir dérivait de son statut de mère du roi. Si nous comparons cela à la médiation de Marie, on peut y voir un lien avec sa médiation maternelle. Le rôle de Marie est subordonné à l’action du Christ. Elle n’a jamais « régné » à sa place comme l’ont fait certaines reines mères. Le rôle de Marie, à l’image de celui du Christ, ne doit pas être compris en termes de domination, sauf sur le mal. Son règne, comme celui du Christ, est fondé sur l’humilité et l’obéissance, et est caractérisé par la foi, l’espérance et la charité. C’est de cette façon qu’elle et son fils se situent par rapport aux fidèles. [Voir : George Francis Kirwin, The Nature of the Queenship of Mary. Thèse, Catholic University of America, 1973, p. 320.] L’activité de Marie en tant que reine mère se manifeste dans sa fidélité à Dieu et son identification à la communauté de ceux qui suivent le Christ. Son influence se laisse saisir dans les paroles « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). L’influence de Marie s’exerce à l’intérieur de la communion des saints. Son pouvoir d’intercession auprès de Dieu est partagé par tous les fidèles. Son intercession maternelle, son « intercession répétée » (Lumen Gentium 62) constitue ce qui la relie au motif de la gebîrah. Une ancienne hymne qui loue Marie en tant que reine, mère et médiatrice est le « Salve Regina » :

Salut, ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre consolation, notre espoir, salut ! Enfants d’Ève, de cette terre d’exil nous crions vers vous ; vers vous nous soupirons, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes. O vous, notre Avocate, tournez vers nous vos yeux compatissants. Et, après cet exil, obtenez nous de contempler Jésus, le fruit béni de vos entrailles, Ô clémente, ô miséricordieuse, ô douce Vierge Marie !

 Finalement, en ce qui concerne les femmes de l’Ancien Testament mentionnées dans la généalogie de Matthieu, R. Brown conclut que c’est sans doute en raison du caractère non ordinaire de leur statut marital qu’elles ont été incluses dans cette généalogie et qu’elles préfigurent Marie, plutôt que parce qu’elles seraient pécheresses ou étrangères.

FILLE DE SION

Pendant l’Avent, la liturgie catholique romaine célèbre le plan du salut au cours duquel le Dieu de miséricorde a appelé les patriarches, les a unis à lui dans une alliance d’amour, a établi la loi par Moïse, a fait surgir les prophètes et a choisi David et Bethsabée dont la lignée donnera naissance au Sauveur du monde. Les livres de l’Ancien Testament, en annonçant la venue du Christ, « font apparaître progressivement dans une plus parfaite clarté la figure de la femme, Mère du Rédempteur » (Lumen Gentium 55) : c’est la Vierge Marie, que l’Église proclame joie d’Israël et noble fille de Sion. Notre Dame est « fille d’Adam par nature » ; en croyant au message de l’ange, elle a conçu le Fils de Dieu dans son sein virginal et est « de la descendance d’Abraham par sa foi ». En outre, « de l’arbre de Jessé par sa naissance, elle a produit sa fleur et son fruit, Jésus, le Christ, notre Seigneur ». [Extraits de la préface de la messe « la Vierge Marie, fille de Sion ».] Dans son obéissance sincère à la Loi et sa pleine acceptation de la volonté de Dieu, elle occupe, selon les mots du Concile Vatican II, « la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance. Enfin, avec elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente de la promesse, s’accomplissent les temps et s’instaure l’économie nouvelle, lorsque le Fils de Dieu prit d’elle la nature humaine pour libérer l’homme du péché par les mystères de sa chair » (Lumen Gentium 55). Nous vous invitons à prier avec l’Église l’oraison suivante de la messe « la Vierge Marie, fille de Sion », la première des Messes en l’honneur de la Vierge Marie :

Seigneur Dieu, pour accomplir la promesse faite à nos pères, tu as choisi la Vierge Marie, fille de Sion, pour qu’elle soit la mère du Sauveur ; aide-nous à suivre son exemple, dans son humilité qui te fut agréable et dans son obéissance dont nous ressentons le bienfait. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,

qui vit avec Toi dans l’unité du Saint Esprit,

pour les siècles des siècles.

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