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Conférences bibliques 2003-2004
J’AI PÉCHÉ CONTRE LE SEIGNEUR – L’HISTOIRE DE DAVID «
La parabole de Natan et la réaction de David (12, 1 – 6).
Le roi David avait demandé au messager qui était venu lui rapporter l’engagement au cours duquel Urie avait trouvé la mort, de transmettre en retour à Joab des paroles rassurantes qui minimisaient son crime (v. 11,25 c) : »Que cette chose (dabar) ne paraisse pas mal à tes yeux. » Un peu plus loin (11,27 ), après la mention de la naissance du fils de Bethsabée, l’auteur emploie les mêmes mots pour dire que la chose que David avait faite parut mal aux yeux du Seigneur . Ces mots sont les derniers du chapitre 11 dans la ponctuation traditionnelle (massorétique) du texte mais ils auraient pu, mieux encore, figurer en tête du chapitre 12 car ils annoncent ce qui suit : Dieu va intervenir et punir la conduite inadmissible de David. Le Seigneur envoya Natan à David et le prophète lui raconte ce qu’on appelle la parabole de Natan mais il faut avoir conscience que l’histoire que raconte Natan n’est pas présentée par celui-ci comme une parabole mais comme une histoire vraie, un acte odieux qui mérite une intervention de la justice royale. Nous devons d’abord l’écouter ainsi, comme David l’a fait. L’histoire de Natan est un petit poème très bien construit en 4 versets.
1c Il y avait deux hommes dans une ville, 1d un riche et un pauvre. 2 Le riche avait du petit et du gros bétail, en très grand nombre. 3a Le pauvre n’avait rien si ce n’est une agnelle, une seule, petite, qu’il avait achetée. 3b Il la nourrissait et elle grandissait chez lui en même temps que ses enfants. 3c Elle mangeait de son pain, elle buvait de sa coupe, elle couchait sur son sein : 3d Elle était pour lui comme une fille. 4a Un hôte arriva chez l’homme riche, 4b et il n’eut pas le cœur de prendre sur son petit ou gros bétail pour préparer le repas du voyageur arrivé chez lui. 4c Il prit l’agnelle de l’homme pauvre et la prépara pour l’homme arrivé chez lui.
L’introduction présente les deux personnages, des voisins de la même ville : l’un est riche, l’autre pauvre. L’un a en grande quantité des brebis et des bovins, qui se reproduisent et s’accroissent, l’autre n’a qu’une petite brebis qu’il a pu se procurer après l’avoir choisie avec soin. La strophe du milieu décrit l’intimité qui règne au foyer du pauvre, nous passons de l’avoir à l’être (et le pauvre est alors le plus comblé). L’agnelle grandit en même temps que ses enfants, elle partage son pain et sa boisson, elle est comme sa fille. La brebis reçoit et le pauvre est donc celui qui donne. La scène répand une douce lumière d’amour. Nous repartons du côté du riche. Il reçoit une visite : un voyageur vient chez lui et cette arrivée de l’autre, possibilité de contact, d’intimité, de don, est répétée à trois reprises. Mais le riche se refuse à prendre sur ses biens pour partager avec son hôte. Le verbe hébreu traduit ci-dessus par »il n’eut pas le cœur » signifie exactement épargner, avoir de la pitié : le riche s’épargna de prendre sur ses biens, il eut, si l’on peut dire, pitié de ses biens et de lui-même. Il prend l’agnelle du pauvre et la prépare pour le repas de son hôte ! La pitié pour son bien est cruauté pour le voisin. (v.5) La colère de David s’enflamma contre cet homme, fortement, et il dit à Natan : « Par la vie du Seigneur, il mérite la mort l’homme qui a fait cela. (v.6) Et de l’agnelle, il donnera compensation au quadruple, en conséquence d’avoir fait cela et pour avoir manqué de cœur. » David réagit à ce récit, une histoire réelle et vraie à ses yeux, avec violence, comme si le remords de sa propre faute le poussait à une justice intransigeante. Il prononce une condamnation à mort et une peine de réparation au quadruple parce que, dit-il en reprenant les mots de Natan, l’homme riche a manqué de cœur ou littéralement »n’a pas épargné » le pauvre. Alors le prophète révèle à David que son récit était une parabole : « Cet homme c’est toi ! » Le riche comblé avec tout son harem de femmes, c’est lui David, lui qui pourtant enlève sans pitié au pauvre Urie son unique bien, sa petite brebis.
Le prophète prononce deux oracles de condamnation ( 12, 7 – 15) Après avoir dévoilé à David qu’il était le riche sans cœur de la parabole, le prophète Natan prononce contre lui deux oracles de condamnation correspondants à ses deux fautes : le premier concerne la mort d’Urie et va de 7b à 10a, le second vise son adultère avec Bethsabée et va de 10b à 12. Voici le premier oracle : (v.7b) Ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël : C’est moi qui t’ai oint comme roi d’Israël et c’est moi qui t’ai délivré de la main de Saül. (v.8) Je t’ai donné à toi la maison de ton seigneur et les femmes de ton seigneur sur ton sein, je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda et, si c’était trop peu, j’ajouterais pour toi ceci et cela. (v.9) Pourquoi donc as-tu méprisé la parole du Seigneur, en faisant ce qui est mal à ses yeux ? Urie le Hittite tu l’as frappé de l’épée, tu as pris sa femme pour toi comme femme, et lui tu l’as tué par l’épée des fils d’Ammon. (v.10a) Et maintenant l’épée ne se détournera plus jamais de ta maison. L’oracle commence (7b) par la proclamation qui authentifie la parole du prophète : il parle au nom du Seigneur qui est aussi Dieu d’Israël, la précision est importante car l’oracle concerne David en tant que roi d’Israël. L’oracle commence par un rappel des dons du Seigneur en faveur de David. »C’est moi » précise deux fois le Seigneur, moi qui t’ai donné l’onction puis moi qui t’ai fait échapper au pouvoir de Saül, tu es roi par mon choix et ma force. Je t’ai comblé de dons (8) : je t’ai donné les biens de ton maître Saül et j’ai mis ses femmes sur ton sein (le mot est le même que dans la parabole -elle couchait sur son sein- et rappelle l’agnelle du pauvre) et je t’ai donné les deux royaumes de Juda et d’Israël. Et j’aurais fait encore plus si tu l’avais demandé. Ce rappel des dons du Seigneur s’oppose à David qui a pris, le prédateur contre le donateur. Le verset 9 énonce l’accusation : Tu as méprisé la parole du Seigneur, tu as méprisé mon enseignement interdisant de tuer , de recourir à la violence. En agissant ainsi tu as montré ton mépris pour moi! Tu as tué Urie par l’épée, et par l’épée des Ammonites, pour cacher ta faute avec sa femme. La fin en 10a prononce le verdict : le crime commis par l’épée sera puni par l’épée. Ainsi sont annoncés les drames qui vont ensanglanter la maison de David , les morts brutales de trois de ses fils, Amnon, Absalom et Adoniah.
Le second oracle suit : (10b) En conséquence du fait que tu m’as méprisé et que tu as pris la femme d’Urie le Hittite pour qu’elle devienne ta femme, (11) Ainsi parle le Seigneur : Voici que moi je vais susciter dans ta maison le malheur : Je prendrai tes femmes sous tes yeux et je les donnerai à ton prochain qui couchera avec tes femmes sous les yeux de ce soleil. (12) Car toi tu as agi en secret , mais moi, je ferai cette chose face à tout Israël et face au soleil ! Cet oracle commence par l’accusation qui est brève (10b) : tu as montré du mépris pour moi car tu as enfreint ma parole qui interdit de prendre la femme de ton prochain et, plus généralement, tu as méprisé mes dons en voulant prendre toujours davantage, tu as commis l’adultère puis tu as fait de la femme du Hittite ta propre femme. Le premier mot de l’accusation, traduit ici par »en conséquence », est en hébreu un mot peu fréquent (`éqèb) que David lui-même avait employé en 6b pour condamner le riche à verser une compensation pour le vol de l’agnelle. La reprise du même mot n’est pas fortuite mais relie la condamnation prononcée par David contre le riche à sa propre condamnation par le Seigneur. L’attestation que l’oracle est parole du Seigneur figure non pas en tête de l’oracle mais entre l’accusation et le verdict de condamnation (11a). Puis vient le verdict (11b-12) : tu as pris la femme d’un autre dans la nuit, je prendrai toutes tes femmes et je les donnerai à ton prochain en plein jour et tout Israël sera témoin de ton humiliation. Le découpage des versets dans la Bible hébraïque ne correspond pas à la distinction entre les deux oracles. En effet le découpage massorétique rattache à tort 10a à ce qui suit alors qu’il s’agit de la peine correspondant à la mort d’Urie rappelée précédemment. Un premier oracle concerne la faute la plus grave, l’assassinat d’Urie et la condamnation pour cette faute est prononcée en 10a : l’épée ne s’écartera plus jamais de ta maison. Le deuxième oracle commence en 10b avec le rappel de l’adultère puis il est suivi par l’énoncé de la condamnation qui est le don du harem de David à un autre. Celui qui a volé la femme de son prochain sera à son tour volé, son crime a été commis de nuit, son châtiment aura lieu à la face du soleil. Nous avons ainsi une distinction entre les deux crimes et chacun est puni d’une peine en relation avec la faute commise. Le jugement que David avait dans sa colère porté contre l’homme riche du récit de Natan comportait aussi deux peines pour les deux crimes, dans le même ordre, le crime le plus grave étant rappelé d’abord. (v.13) Alors David dit à Natan : » J’ai péché contre le Seigneur. » Pour comprendre ce retournement de David, Il faut revenir un peu en arrière. La parabole de Natan dénonçant clairement la conduite odieuse de l’homme riche avait vivement ému David et sa réaction indignée montrait bien que, dans le fond de sa conscience, il restait attaché au bien, à la justice. La révélation du prophète » Cet homme, c’est toi ! » a du le frapper au cœur et, pendant que Natan prononçait les deux oracles de condamnation, il gardait à l’esprit ces mots terribles. L’aveu a été préparé par sa réaction à l’histoire de la faute du riche et on comprend mieux alors qu’il ait eu le courage de reconnaître sans détours son péché. Natan répond à l’aveu de David en annonçant deux décisions du Seigneur (on remarque que tout ce passage est sous le signe binaire : deux fautes de David, deux hommes dans la parabole, deux condamnations prononcées par David, deux oracles de condamnation contre David…). La première : (v.14) « Le Seigneur de son côté fait passer ton péché, tu ne mourras pas. » Le Seigneur pardonne ton péché. Et la condamnation que David avait lui-même porté contre l’homme riche, c’est à dire contre lui-même, est annulée, il ne mourra pas. Et Natan poursuit : « Cependant parce que tu as gravement offensé le Seigneur par cette chose, le fils qui t’es né, lui, de mort mourra. » (v.15) Et Natan s’en alla chez lui. Le Seigneur frappa l’enfant que la femme d’Urie avait enfanté à David et il tomba malade. David est épargné mais il faut qu’il éprouve lui-même la perte d’un être cher. Et j’emprunte à Philippe Gruson ce commentaire (n1) : « Un innocent meurt à la place du coupable ! Le récit est écrit du point de vue de David : le bébé et sa mère ne sont pas ici des personnes mais seulement ce à quoi David tient le plus. L’auteur voit ainsi la justice de Dieu qui « venge » la victime : David avait pris à Urie sa femme et sa propre vie; Dieu lui prend ce qu’il a de plus cher, ce bébé »
Mort d’un enfant, naissance d’un enfant (12, 16 – 25) (v.16a) Et David recherche Dieu en faveur de l’enfant. David vient de confesser son péché, le Seigneur a effacé sa faute mais l’enfant né de son adultère avec Bethsabée est frappé d’une grave maladie. Plusieurs versets vont nous décrire la conduite de David qui ne se comporte pas selon l’usage mais, au préalable, l’auteur nous fournit une clé (qu’il complètera à la fin du passage en v.22) pour nous expliquer ce que fait David : il recherche Dieu. Dieu lui a pardonné et il ose donc s’adresser à lui dans sa détresse, il prie Dieu avec les mots des psaumes, peut-être devant l’Arche d’Alliance, il demande à Dieu, à Dieu qu’il nomme de son nom de Juge : Elohim, d’annuler la sentence de mort prononcée contre son enfant. < David jeûnait strictement, et quand il rentrait chez lui pour passer la nuit, il dormait sur le sol. (v.17) Les anciens de sa maison se tenaient debout autour de lui pour le relever de terre mais il refusait et ne prenait aucune nourriture avec eux. (v.18) Il advint que l’enfant mourut au septième jour. Les serviteurs de David eurent peur de lui annoncer que l’enfant était mort , car ils se disaient: « Voici que, lorsque l’enfant était vivant, nous lui avons parlé et il n’a pas écouté notre voix, et comment lui dirions-nous que l’enfant est mort ? Il ferait un malheur ! » (v.19) Mais David vit que ses serviteurs chuchotaient entre eux et David comprit que l’enfant était mort. David dit à ses serviteurs : » Est-ce que l’enfant est mort ? » Ils dirent : » Il est mort ! » (v.20) Alors David se leva de terre, se leva, se parfuma et changea ses vêtements; il entra dans la Maison du Seigneur et se prosterna, il rentra chez lui, demanda qu’on lui servit de la nourriture qu’il mangea. (v.21) Ses serviteurs lui dirent : » Qu’est-ce que tu fais là ? Quand l’enfant était vivant tu as jeûné et pleuré et maintenant que l’enfant est mort tu te lèves et tu prends de la nourriture ! » (v.22) Il dit : » Quand l’enfant était encore vivant , je jeûnais et pleurais, car je me disais : Qui sait ? Peut-être que le Seigneur fera grâce et l’enfant vivra ! (v.28) Mais maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je ? Pourrais-je le faire revenir ? C’est moi qui vais aller vers lui mais lui ne reviendra pas vers moi. » La conduite de David n’est pas conforme aux usages. Il jeûne et dort sur le sol, se conduit donc comme un père en deuil alors que son enfant est encore vivant . Ce deuil anticipé inquiète son entourage qui se demande à quelle extrémité il se livrera quand il apprendra que son fils est mort. Mais à leur grande surprise, il abandonne alors le jeûne et l’austérité. Et il explique à ses serviteurs le sens de son attitude. Il ne pratiquait pas les rites traditionnels du deuil mais il essayait de fléchir le Seigneur en le recherchant, comme nous l’a dit le verset 16a, en adoptant une conduite de conversion, comme les gens de Ninive tentant d’écarter le châtiment annoncé par Jonas au nom du Seigneur. Puis quand l’enfant est mort, la demande qu’il adressait au Seigneur devient sans objet, il va dans la Maison du Seigneur (non pas le Temple qui n’est pas encore construit mais la tente où est déposée l’Arche) et se prosterne devant le Seigneur en signe d’acceptation. La mort est passée, l’enfant ne peut retourner vers la vie. Les morts vont au shéol d’où rien ne les fera revenir, pense-t-on, et lui-même ira un jour le rejoindre. Pourquoi le récit souligne-t-il aussi fortement que la conduite de David est en dehors des normes et paraît incompréhensible, proche de la démence, à ses proches ? Notons d’abord que David ne se détourne pas de Dieu; au contraire, confiant dans la miséricorde divine, il tente d’apaiser la face de son Seigneur en modifiant son mode de vie, en se retournant vers Dieu. Puis quand, malgré ses prières, son fils meurt, il pense que rien ne le fera revenir et il accepte la décision du Seigneur en se prosternant devant lui. Son fils est allé au séjour du silence où lui, David, le rejoindra un jour. Il semble que ce récit veut nous montrer que David a changé depuis la dénonciation de Natan et l’aveu de ses fautes; il a non seulement retrouvé le chemin de la justice mais il essaie d’agir selon son moi profond, authentiquement, et non plus en conformité avec les rites sociaux et les pratiques mondaines; il cherche à vivre devant la face du Seigneur, il accepte la mort de son enfant et, tout roi qu’il est, il accepte sa condition mortelle. Nous retrouvons ici le caractère »spontané et non conformiste » (note BJ sur 12,21) de la religion du roi David que nous avions déjà relevé quand il dansait à perdre haleine au moment de l’entrée de l’Arche à Jérusalem. (v.24) Puis David consola Bethsabée, sa femme, et il vint vers elle , il coucha avec elle et elle enfanta un fils auquel elle donna le nom de Salomon. Le Seigneur l’aima (v.25) et le fit savoir par le prophète Natan. Celui-ci le nomma Yedidya à cause du Seigneur. David avait d’abord traité Bethsabée comme une proie à prendre, il se préoccupe maintenant de ses sentiments et la console pour la mort de son enfant. Elle n’est plus appelée »la femme d’Urie » mais a droit à son nom de Bethsabée. David n’envoie plus ses émissaires la prendre mais va lui-même vers elle. David et Bethsabée ont de nouveau un fils et sa mère lui donne le nom de Salomon : en hébreu Chelomo, un nom formé sur Chalom , la paix. Ce nom a évidemment un sens symbolique et exprime la venue de la paix et du bonheur dans le couple et dans les relations entre le couple et le Seigneur qui accepte leur union et la bénit par la naissance d’un fils. Et comme si ce n’était pas assez, Natan le prophète est envoyé au couple pour dire que leur enfant est aimé du Seigneur ce qu’il exprime en lui donnant le nom de Yedidya c’est à dire »L’aimé du Seigneur » , nom formé de Yadid, l’aimé en hébreu, et de Yah, la forme brève de YHVH.
Prise de Rabba, capitale des Ammonites (12, 26 – 31). Ainsi que le racontait le début du chapitre 11, au printemps David avait envoyé Joab reprendre le combat contre