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DIMANCHE 20 JANVIER: COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE ET DEUXIEME LECTURE

18 janvier, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 20 JANVIER: COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – Isaïe 62, 1-5

1 Pour la cause de Jérusalem je ne me tairai pas,
 pour Sion je ne prendrai pas de repos, 
 avant que sa justice ne se lève comme l’aurore 
 et que son salut ne flamboie comme une torche.
 2 Les nations verront ta justice, 
 tous les rois verront ta gloire. 
 On t’appellera d’un nom nouveau, 
 donné par le SEIGNEUR lui-même.
3 Tu seras une couronne resplendissante entre les doigts du SEIGNEUR, 
 un diadème royal dans la main de ton Dieu.
4 On ne t’appellera plus « la délaissée », 
 on n’appellera plus ta contrée « terre déserte », 
 mais on te nommera « ma préférée », 
 on nommera ta contrée « mon épouse », 
 car le SEIGNEUR met en toi sa préférence 
 et ta contrée aura un époux.
5 Comme un jeune homme épouse une jeune fille, 
 celui qui t’a construite t’épousera. 
 Comme la jeune mariée est la joie de son mari, 
 ainsi tu seras la joie de ton Dieu.

Le prophète Isaïe ne manquait pas d’audace ! A deux reprises, dans ces quelques versets, il a employé le mot « désir » (au sens de désir amoureux) pour traduire les sentiments de Dieu à l’égard de son peuple. Les mots « ma préférée » et « préférence » sont trop faibles ; il faudrait traduire : On ne t’appellera plus « la délaissée », on n’appellera plus ta contrée « terre déserte », mais on te nommera « ma désirée » (littéralement mon désir est en toi), on nommera ta contrée « mon épouse », car le SEIGNEUR met en toi son désir et ta contrée aura un époux.
 Car ce que nous avons entendu ici est une véritable déclaration d’amour ! Un fiancé n’en dirait pas plus à sa bien-aimée. Tu seras ma préférée, mon épouse… Tu seras belle comme une couronne, comme un diadème d’or entre mes mains… tu seras ma joie… Et pour cette déclaration, vous avez remarqué la beauté du vocabulaire, la poésie qui émane de ce texte. On y retrouve le parallélisme des phrases, si caractéristique des psaumes. « Pour la cause de Jérusalem je ne me tairai pas / pour Sion je ne prendrai pas de repos… Tu seras une couronne resplendissante entre les doigts du SEIGNEUR / (tu seras) un diadème royal dans la main de ton Dieu… on te nommera « ma préférée » / on nommera ta contrée « mon épouse ».
 Cinq siècles avant Jésus-Christ, déjà, le prophète Isaïe allait donc jusque-là ! Car on pourrait vraiment appeler ce texte le « poème d’amour de Dieu ». Et Isaïe n’est pas le premier à avoir cette audace.
 Il est vrai qu’au tout début de la Révélation biblique, les premiers textes de l’Ancien Testament n’emploient pas du tout ce langage. Pourtant, si Dieu aime l’humanité d’un tel amour, c’était déjà vrai dès l’origine. Mais c’était l’humanité qui n’était pas prête à entendre. La Révélation de Dieu comme Epoux, tout comme celle de Dieu-Père n’a pu se faire qu’après des siècles d’histoire biblique ; au début de l’Alliance entre Dieu et son peuple, cette notion aurait été trop ambiguë. Les autres peuples ne concevaient que trop facilement leurs dieux à l’image des hommes et de leurs histoires de famille ; dans une première étape de la Révélation, il fallait donc déjà découvrir le Dieu tout-Autre que l’homme et entrer dans son Alliance.
 C’est le prophète Osée, au huitième siècle av.J.C., qui, le premier, a comparé le peuple d’Israël à une épouse ; et il traitait d’adultères les infidélités du peuple, c’est-à-dire ses retombées dans l’idolâtrie. A sa suite Jérémie, Ezéchiel, le deuxième Isaïe et le troisième Isaïe (celui que nous lisons aujourd’hui) ont développé ce thème des noces entre Dieu et son peuple ; et on retrouve chez eux tout le vocabulaire des fiançailles et des noces : les noms tendres, la robe nuptiale, la couronne de mariée, la fidélité, mais aussi la jalousie, l’adultère, les retrouvailles. En voici quelques extraits, par exemple chez Osée : « tu m’appelleras mon mari… je te fiancerai à moi pour toujours… dans l’amour, la tendresse, la fidélité. » (Os 2,18.21). Et chez le deuxième Isaïe « Ton époux sera ton Créateur… Répudie-t-on la femme de sa jeunesse ?… dans mon amour éternel, j’ai pitié de toi . » (Is 54, 5…8). Le texte le plus impressionnant sur ce sujet, c’est évidemment le Cantique des Cantiques : il se présente comme un long dialogue amoureux, composé de sept poèmes ; pour être franc, nulle part les deux amoureux ne sont identifiés ; mais les Juifs le comprennent comme une parabole de l’amour de Dieu pour l’humanité ; la preuve, c’est qu’ils le lisent tout spécialement pendant la célébration de la Pâque, qui est pour eux la grande fête de l’Alliance de Dieu avec son peuple.
 Pour revenir au texte d’aujourd’hui, l’un des passe-temps préférés, apparemment, du bien-aimé est de donner des noms nouveaux à sa bien-aimée. Vous savez l’importance du Nom dans les relations humaines : quelqu’un ou quelque chose que je ne sais pas nommer n’existe pas pour moi… Savoir nommer quelqu’un, c’est déjà le connaître ; et quand notre relation avec une personne s’approfondit, il n’est pas rare que nous éprouvions le besoin de lui donner un surnom, parfois connu de nous seuls. Dans la vie des couples, ou des familles, les diminutifs et les surnoms tiennent une grande place. Quand nous choisissons le prénom d’un enfant, par exemple, c’est très révélateur : nous faisons porter sur lui beaucoup d’espoirs ; souvent même, si on y regarde bien, c’est tout un programme.
 La Bible traduit cette expérience fondamentale de la vie humaine ; et le nom y a une très grande importance ; il dit le mystère de la personne, son être profond, sa vocation, sa mission : très souvent, on nous indique le sens du nom des personnages principaux. Par exemple, l’ange annonçant la naissance de Jésus précise aussitôt que ce nom veut dire : « Dieu sauve » ; c’est-à-dire que cet enfant qui porte ce nom-là sauvera l’humanité au nom de Dieu. Et parfois Dieu donne un nom nouveau à quelqu’un en même temps qu’il lui confie une mission nouvelle : Abram devient Abraham, Saraï devient Sara, Jacob devient Israël et Simon devient Pierre.
 Ici donc, c’est Dieu qui donne des noms nouveaux à Jérusalem : la « délaissée » devient la « Préférée », la « terre déserte » devient « mon épouse » ; effectivement, le peuple juif pouvait avoir l’impression d’être délaissé par Dieu. Ce chapitre 62 d’Isaïe a été écrit dans le contexte du retour d’Exil. On est rentré de l’Exil (à Babylone) en 538 et le Temple n’a commencé à être reconstruit qu’en 521 : c’est dans ce délai que la morosité s’installe et l’impression de délaissement. Si Dieu s’occupait de nous, pense-t-on, les choses iraient mieux et plus vite (il nous arrive bien de dire exactement la même chose : « s’il y avait un Bon Dieu, ces choses-là n’arriveraient pas » …). C’est pour combattre cette désespérance qu’Isaïe, inspiré par Dieu, ose ce texte magnifique : non, Dieu n’a pas oublié son peuple et sa ville de prédilection ; et dans peu de temps cela se saura ! « Comme un jeune homme épouse une jeune fille, celui qui t’a construite t’épousera. Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu. »

 DEUXIEME LECTURE – 1 Corinthiens 12, 4 – 11

Frères,
4 les dons de la grâce sont variés,
 mais c’est toujours le même Esprit.
5 Les fonctions dans l’Eglise sont variées,
 mais c’est toujours le même Seigneur.
 6 Les activités sont variées,
 mais c’est partout le même Dieu
 qui agit en tous.
7 Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit
 en vue du bien de tous :
8 à celui-ci est donné, grâce à l’Esprit,
 le langage de la sagesse de Dieu ;
 à un autre, toujours par l’Esprit,
 le langage de la connaissance de Dieu ;
9 un autre reçoit, dans l’Esprit,
 le don de la foi ;
 un autre encore, des pouvoirs de guérison
 dans l’unique Esprit ;
10 un autre peut faire des miracles,
 un autre est un prophète,
 un autre sait reconnaître ce qui vient vraiment de l’Esprit ;
 l’un reçoit le don de dire toutes sortes de paroles mystérieuses,
 l’autre le don de les interpréter.
11 Mais celui qui agit en tout cela, c’est le même et unique Esprit :
 il distribue ses dons à chacun,
 selon sa volonté.

La lettre aux Corinthiens date de vingt siècles et elle n’a pas pris une ride ! Au contraire, elle est complètement d’actualité : comment faire pour rester Chrétiens dans un monde qui a des valeurs tout autres ? Comment trier, dans les idées qui circulent, celles qui sont compatibles avec la foi chrétienne ? Comment cohabiter avec des non-Chrétiens sans manquer à la charité ? Mais aussi sans y perdre notre âme, comme on dit ? Le monde tout autour parle de sexe et d’argent… Comment l’évangéliser ? C’étaient les questions des Chrétiens de Corinthe convertis de fraîche date dans un monde majoritairement païen ; ce sont les nôtres, aujourd’hui, Chrétiens de souche ou non, mais dans une société qui ne privilégie plus les valeurs chrétiennes.
 Les réponses de Paul nous concernent donc presque toutes. Il parle des divisions dans la communauté, des problèmes de la vie conjugale, notamment quand les deux époux ne partagent pas la même foi, du cap à tenir au milieu de tous les marchands d’idées nouvelles : sur tous ces points, il remet les choses à leur place. Mais comme toujours, quand il parle de choses très concrètes, il rappelle d’abord le fondement des choses, qui est notre Baptême : comme disait Jean-Baptiste, par le Baptême, nous avons été plongés dans le feu de l’Esprit (Mt 3, 11), et désormais c’est l’Esprit qui se réfracte à travers nous selon nos propres diversités. Paul ne dit pas autre chose : « Celui qui agit en tout cela, c’est le même et unique Esprit : il distribue ses dons à chacun, selon sa volonté. »
 A Corinthe, comme dans tout le monde hellénistique, on adorait l’intelligence, on rêvait de découvrir la sagesse, on parlait partout de philosophie. A ces gens qui rêvaient de découvrir la sagesse par eux-mêmes et par la rigueur de leurs raisonnements, Paul répond : la vraie sagesse, la seule connaissance qui compte, n’est pas au bout de nos discours : elle est un don de Dieu. « A celui-ci est donné, grâce à l’Esprit, le langage de la sagesse de Dieu ; à un autre, toujours par l’Esprit, le langage de la connaissance de Dieu. » Il n’y a pas de quoi s’enorgueillir, tout est cadeau. Le mot « don » revient sept fois ! Dans la Bible, ce n’est pas nouveau ! Ici, Paul ne fait que reprendre en termes chrétiens ce que son peuple avait découvert depuis longtemps, à savoir que seul Dieu connaît et peut faire découvrir la vraie sagesse. La nouveauté du discours de Paul est ailleurs : elle consiste à parler de l’Esprit comme d’une Personne.
 Plus profondément, Paul se démarque totalement par rapport aux recherches philosophiques des uns et des autres : il ne propose pas une nouvelle école de philosophie, une de plus… Il annonce Quelqu’un. Car les dons qui sont ainsi distribués aux membres de la communauté chrétienne ne sont pas de l’ordre du pouvoir ni du savoir, ils sont une présence intérieure : le nom de l’Esprit est cité huit fois dans ce passage. Finalement, ce texte est adressé aux Corinthiens, mais il ne parle pas d’eux, il parle exclusivement de l’Esprit à l’oeuvre dans la communauté chrétienne ; et qui, patiemment, inlassablement, nous tourne vers notre Père (il nous souffle de dire « Abba » – Père) et il nous tourne vers nos frères.
 Pour que les choses soient bien claires, Paul précise : « Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous ». On sait que les Corinthiens étaient avides de phénomènes spirituels extraordinaires, mais Saint Paul leur rappelle l’unique objectif : c’est le bien de tous. Car l’objectif de l’Esprit, ce n’est rien d’autre puisqu’il est l’Amour personnifié. Et alors, dans ses mains, si j’ose dire, nous devenons des instruments d’une infinie variété par la grâce de celui qui est le Dieu Un : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est partout le même Dieu qui agit en tous. »
 Telle est la merveille de nos diversités : elles nous rendent capables, chacun à sa façon, de manifester l’Amour de Dieu. Une des leçons de ce texte de Saint Paul est certainement d’apprendre à nous réjouir de nos différences. Elles sont les multiples facettes de ce que l’Amour nous rend capables de faire selon l’originalité de chacun. Réjouissons-nous donc de la variété des races, des couleurs, des langues, des dons, des arts, des inventions… C’est ce qui fait la richesse de l’Eglise et du monde à condition de les vivre dans l’amour.
 C’est comme un orchestre : une même inspiration… des expressions différentes et complémentaires, des instruments différents et voilà une symphonie… une symphonie à condition de jouer tous dans la même tonalité… c’est quand nous ne jouons pas tous dans le même ton qu’il y a une cacophonie ! La symphonie dont il est question ici c’est le chant d’amour que l’Eglise est chargée de chanter au monde : disons « l’hymne à l’Amour » comme on dit « l’hymne à la joie » de Beethoven. Notre complémentarité dans l’Eglise n’est pas une affaire de rôles, de fonctions, pour que l’Eglise vive avec un organigramme bien en place… C’est beaucoup plus grave et plus beau que cela : il s’agit de la mission confiée à l’Eglise de révéler l’Amour de Dieu : c’est notre seule raison d’être.

LA MISÉRICORDE DANS LA BIBLE: L’ANCIEN TESTAMENT – par S. MARIA FAUSTYNA CIBOROWSKA ZMBM

16 janvier, 2013

http://www.wacom2011.pl/misericorde_dans_la_bible.htm

LA MISÉRICORDE DANS LA BIBLE: L’ANCIEN TESTAMENT

 S. MARIA FAUSTYNA CIBOROWSKA ZMBM

traduction: beata hrehorowicz

Nous ne pouvons découvrir le mystère de la miséricorde divine que grâce au fait que Dieu Lui-même l’a révélé, et qu’il a été noté par les auteurs inspirés dans les saints livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Dans l’histoire du monde et dans la vie des différents personnages bibliques ainsi que dans l’histoire du peuple élu, Dieu a révélé son amour miséricordieux qui non seulement fait sortir l’homme du péché, mais qui pallie également toutes faiblesses et défaillances humaines et gratifie l’homme du bienfait de l’existence. Ainsi la miséricorde se révèle-t-elle dans chaque œuvre de Dieu orientée vers l’extérieur : aussi bien créatrice que salvatrice. Tout ce que Dieu fait pour l’homme est une expression de Son amour miséricordieux.
Afin de décrire la réalité richissime de la miséricorde de Dieu Un et Trine, l’Ancien Testament recourt à un grand nombre de termes dont chacun souligne un aspect de ce grand mystère de notre foi. C’est le mot hébreu hesed qui est employé le plus souvent pour designer la miséricorde (plus de deux cents fois). Il est présent dans le Pentateuque, dans les livres historiques, sapientiaux et particulièrement dans les Psaumes et chez les prophètes, notamment dans le contexte de l’Alliance que Dieu a conclue avec le peuple élu. Ce terme désigne un cœur fidèle qui fait toujours preuve de bonté et de grâce. Hesed souligne les suivantes caractéristiques de la miséricorde de Dieu : la fidélité à Lui-même et la responsabilité en l’amour. Nous rencontrons plus de 30 fois l’expression hesed weemet, soit la grâce et la fidélité, dans les pages de la Bible hébraïque.
Les auteurs inspirés employèrent aussi très souvent le mot rahamim (dérivé de rehem – le sein maternel) qui accentue certains traits propres de l’amour de femme et mère. Il est porteur d’émotions intenses des plus tendres. Il désigne l’engagement total de l’homme dans l’aide témoignée aux autres, allant jusqu’aux larmes de compassion. Il signifie un amour gratuit, non mérité, qui découle en quelque sorte de la « contrainte » du cœur et qui se caractérise par : la bonté, la tendresse, la patience, la compréhension et la disposition à pardonner. Cette idée est exprimée le plus profondément par les paroles du livre d’Osée 11, 8 qui sont un aveu d’amour de Dieu à l’égard de l’infidèle Éphraïm.
Le mystère de la miséricorde divine est aussi exprimé par d’autres mots : hanan qui définit la constance, la bienveillance, la clémence et la générosité. Le mot hamal (littéralement : faire grâce à l’ennemi vaincu) exprime ce trait de la miséricorde qui correspond à la pitié, la compassion, le pardon et la rémission des fautes. Le mot hus qui exprime la pitié et la compassion comme sentiments, a donc une acception ressemblante. Nous rencontrons parfois le mot hen qui veut dire la bonté et une attitude bienveillante à l’égard des autres, en particulier envers ceux de nos frères dont la situation est devenue difficile.

Qui pourra mesurer la puissance de sa majesté et qui pourra détailler ses miséricordes ? (Si 18, 5). Grand jusqu’aux cieux ton amour, jusqu’aux nues, ta vérité (Ps 57, 11). Ces mots, puisés dans les pages de la Saint Écriture témoignent que le peuple élu fit l’expérience de Dieu essentiellement de par Sa miséricorde. Mais la bonté de Dieu qu’est-elle? De quelle manière Dieu révèle-t-Il Son amour miséricordieux?
La miséricorde signifie dans le langage biblique tout geste d’amour de Dieu à l’égard de la créature. La bonté de Dieu ne se limite pas seulement aux actes de pardonner à l’homme, bien que ces derniers en révèlent la profondeur le plus nettement. Mais l’œuvre de création est déjà un acte de miséricorde en elle-même. Le Psalmiste en parle clairement lorsqu’il loue Dieu pour Son hesed, soit la bonté, le désir de communiquer Son amour, Sa grâce (cf. Ps 136). Comme le dit l’Auteur de ce psaume : car éternel est son hesed – c’est la miséricorde de Dieu qui est la cause notamment de l’existence du soleil, de la lune, des étoiles (cf. Ps 136, 5-9). Le psaume 145, 9 signale qu’il est bon, Yahvé, envers tous, et ses tendresses pour toutes ses œuvres. Dieu aime les êtres qu’Il a créés et Il prend pitié de tous (gr. eleeo), ce dont parle le Livre de la Sagesse (cf. Sg 11, 23-24). C’est à la faveur de cet amour gracieux que le monde est né et continue d’exister. La Bible Hébraïque montre que la miséricorde de Dieu est toujours actuelle. L’on peut dire que l’amour miséricordieux de Dieu est l’oxygène qui maintient la vie du monde et de l’homme.
La miséricorde Yahvé s’avère être un attribut qui distingue le Dieu des Israélites des dieux des peuples païens (cf. Mi 7, 18). Le livre de Michée enseigne que Dieu prend plaisir à la miséricorde (Mi 7, 18). Elle est de toujours, comme le dit le Psalmiste (25, 6). Son immensité est telle que voulant en exprimer la grandeur, l’homme rencontre des difficultés de langage. C’est pourquoi c’est à maintes reprises que les Auteurs des livres de l’Ancien Testament emploient – pour définir la bonté de Dieu – des mots qui expriment la grandeur de cet attribut (p. ex. Ne 13, 22 ; Tb 8, 16 ; Ps 69, 17 ; Is 63, 7). Ils apposent souvent des termes qui désignent la miséricorde, par exemple dans l’Exode 34, 6-7, nous trouvons cette formule de la miséricorde : Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et fidélité ; qui garde sa grâce à des milliers… Six autres textes emploient aussi des constructions similaires : Ne 9, 17 ; Ps 86, 15 ; 103, 8 ; 145, 8 ; Jl 2, 13 ; Jon 4, 2. L’Auteur du livre de la Sagesse appellera Dieu directement Seigneur de miséricorde (9, 1).
Mais d’où vient, chez le peuple élu, cette contemplation et cet enchantement de la miséricorde divine ? D’où vient cette multitude de termes pour définir la bonté de Dieu ? Or, déjà le fait que Dieu ait été motivé pour choisir un peuple et en faire Sa propriété exclusive est imprégné de Son amour. Nous lisons dans le Deutéronome 7,7 et suiv. qu’en choisissant son peuple, le Seigneur n’était mu par aucun autre motif, mais Il l’a fait par amour (cf. Dt 7, 8) et pour garder le serment juré à Abraham (cf. Dt 7, 8). Il est révélateur que c’est dans un contexte motivant le choix des descendants d’Abraham pour en faire le peuple élu que nous sommes instruits que Dieu est fidèle, qu’Il garde Son alliance et Son amour pour mille générations. Par conséquent, la fidélité de Dieu à la parole donnée constituait pour le peuple élu le sens fondamental de la miséricorde. C’est donc du hesed – amour fidèle – que le peuple élu tire ses racines. Ainsi la miséricorde a-t-elle été révélée avant tout dans le dialogue de Dieu avec l’homme et dans l’alliance conclue avec Lui. Le peuple élu se rendait compte que la bonté de Dieu était la condition de son existence et que c’est d’abord l’amour miséricordieux de Dieu (hébr. rahamim), soit le désir que Dieu a de l’homme, qui est la source de toute vie conçue, l’avenir du peuple (cf. 13, 18).
L’œuvre de la libération du peuple de la captivité d’Égypte découle aussi du hesed. Même si le terme miséricorde n’apparaît pas directement dans la description de cet événement, l’exode est néanmoins présenté comme un acte de miséricorde divine. Dieu qui voit, en effet, la misère du peuple, ses larmes et ses souffrances, est descendu pour le délivrer (cf. Ex 3, 7 et suiv.). L’Auteur du Psaume 136 loue Dieu en poésie pour Sa miséricorde (hesed) révélée par le miracle de la délivrance du peuple élu du joug de Pharaon (versets 10-24). La miséricorde divine s’avère être une force libératrice, une puissance prenant la défense des opprimés injustement. Toutes les œuvres accomplies par Dieu avant et pendant le voyage vers la Terre Promise ont leur source en la bonté fidèle de Dieu. D’ailleurs le Psaume 136 est un immense Te Deum à l’éloge à la miséricorde divine que le peuple a pu connaître grâce à l’œuvre de la libération de la captivité égyptienne. L’Auteur du livre de Néhémie 9, 19 souligne à son tour la tendre présence de Dieu qui n’abandonne pas le peuple pendant son cheminement à travers le désert de jour et de nuit. Le don de la nourriture, de l’eau, enfin la promesse accomplie du don de la terre sont issus de la grâce divine. La gratitude pour cet événement, abondant en bonté divine, résonne notamment dans les paroles suivantes de la Haggadah (récit de la sortie des Juifs de la captivité égyptienne, lu durant le Seder pendant la fête de Pessah) : Aussi, combien plus devons-nous être reconnaissants envers l’Omniprésent pour la bonté doublée et redoublée qu’Il a placée sur nous.
Mais la miséricorde divine a révélé sa beauté la plus éblouissante en confrontation avec la réalité de l’infidélité humaine. Le peuple élu a commis maintes infidélités envers Dieu dès la traversée du désert, par exemple en fabriquant un dieu : le veau d’or (Ex 32, 4) ou en manquant de foi en la providence divine. Le péché équivalait à la rupture des conditions de l’Alliance. Partant, Dieu n’était plus obligé de témoigner la miséricorde ni de bénir son peuple. Le voyant transgresser Ses commandements, Dieu avait le droit d’anéantir le peuple qu’Il avait choisi. Cependant, Il se montre surtout fidèle à Lui-même, à Son amour de l’homme, dans le bien et dans le mal, plus fort que la trahison. Le livre de Néhémie 9, 17-19 résume cette réalité quand il constate que le peuple refusait d’obéir, commettait des blasphèmes, oubliait les interventions miraculeuses de Dieu. Malgré tout cela, Il leur a pardonné en Son immense miséricorde.
À la lumière de ces considérations, la question se pose de savoir quel est le sens du châtiment. D’une façon générale, y a-t-il de la place pour la punition au sein de la miséricorde divine ? Il s’avère que la sollicitude de Dieu à l’égard de l’homme se manifeste notamment par le châtiment. Nous lisons dans le livre du Siracide 16, 11 que pitié et colère appartiennent au Seigneur puissant dans le pardon, répandant la colère. Le passage de l’Exode 34, 7 fait une comparaison entre l’importance de la punition et celle de la miséricorde. Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites (« à des milliers »), le châtiment ne dure pas longtemps. Yahvé est lent à la colère et peu empressé à châtier l’homme. Le livre d’Osée 11, 8 et suiv. montre d’une façon imagée que l’idée de punir l’homme Lui fait frémir les entrailles, son cœur est bouleversé. Il le fait pourtant par miséricorde, afin d’amener l’homme à la conversion, car Il désire son bonheur. Ainsi Dieu vient-Il au secours de l’homme dès qu’Il a vu chez lui l’amélioration et la contrition. Il est donc significatif que les termes de miséricorde et de salut apparaissent à maintes reprises l’un à côté de l’autre dans les pages de l’Ancien Testament (p. ex. Ps 6, 5 ; 17, 7 ; Si 2, 11 ; Ba 4, 22).
La miséricorde ne s’étend pourtant pas qu’au peuple élu. L’Auteur du livre du Siracide 18, 13 dira : La pitié du Seigneur est pour toute chair. L’universalisme de la miséricorde est notamment dépeint le mieux dans le livre de Jonas. À voir l’immensité du péché des habitants de Ninive, Dieu leur envoie le prophète dont la mission vise à leur conversion. Jonas souhaite pourtant une punition sévère pour les ennemis cruels d’Israël. Il décide de se soustraire à l’ordre de Yahvé parce qu’il sait qu’Il est un Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère, riche en grâce et te repentant du mal (Jon 4, 2), ainsi peut-Il accorder le pardon à Ninive. C’est ce qui advient. Dans le contexte de ce récit, nous découvrons la condition du pardon de Dieu. C’est le regret pour les péchés. Mais le regret n’est pas seulement un sentiment, il s’agit de se détourner catégoriquement du mal et de se repentir, comme les habitants de Ninive l’ont fait. Les livres de l’Ancien Testament présentent fréquemment la nécessité de se corriger et d’avouer sa faiblesse comme conditions de rémission des péchés par Dieu (cf. 2 Ch 30, 9 ; Ps 79, 8). Le Psaume 51 est peut-être le plus beau texte biblique qui dépeigne la relation : le regret du pécheur – le pardon de Dieu. Déjà les premières paroles de la prière implorent par trois fois la miséricorde divine : Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté, en ta grande tendresse efface mon péché (vers 3), car mon péché, moi, je le connais… (vers 5a). L’auteur du livre du Siracide exprimera cette vérité par l’étonnement : Qu’elle est grande la miséricorde du Seigneur, son indulgence pour ceux qui se tournent vers lui ! (17, 29).
Ce sont les livres prophétiques qui chantent particulièrement le don de l’amour, plus fort que le péché humain, de Dieu capable de pardonner à maintes reprises. Parmi ces textes, il faut évoquer cette citation majeure du livre d’Isaïe 54, 10 : Car les montagnes peuvent s’écarter et les collines chanceler, mon amour Ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas, dit Yahvé qui te console. Ces mots du livre de Jérémie 31, 3 : D’un amour éternel je t’ai aimée, aussi t’ai-je maintenu ma faveur sont un aveu spécifique d’amour divin abondant en pardon. Dieu ne se contente pourtant pas de produire les preuves de sa bonté, Il désire la miséricorde de l’homme ! Il lui demande d’être fidèle, ce que nous pouvons lire dans le livre d’Osée : C’est l’amour (hesed) qui me plaît et non les sacrifices (6, 6).
Les prophètes dévoilent en quelque sorte le cœur de Dieu et montrent nettement Son amour ardent qui fait tout pour que Son Élue soit heureuse. L’Ancien Testament présente souvent l’expérience de la miséricorde divine comme une source de joie (Ps 13, 6; Ba 4, 22) et de gratitude. Le Psaume 107, qui chante la bonté de Dieu pour avoir délivré le peuple de la captivité et des malheurs, en est un exemple éloquent. Ce psaume répète jusqu’à quatre fois un refrain qui appelle à la gratitude pour la miséricorde de Yahvé (vers 8. 15. 21. 31), puisque à chaque cri de détresse adressé à Dieu, les Israélites ont été écoutés (vers 6. 13. 19. 28).
Ainsi les livres de l’Ancien Testament montrent-ils la miséricorde divine dans l’œuvre de la création, mais tout particulièrement dans le contexte des péchés et des infidélités qui ont été pardonnés à l’homme. L’expérience du pardon devient une source de joie et confère un sens à la vie. Il existe une seule condition de l’obtenir : la volonté authentique de revenir à Dieu. Toute créature est maintenue en son existence par l’amour de Dieu qui se penche sur ce qui est petit, faible et ce qui a besoin d’être soutenu. Le fait même que les textes vétérotestamentaires relatifs à la bonté divine soient innombrables, prouve qu’elle accompagne l’homme constamment et témoigne de la nature illimitée et de la puissance infinie de cet attribut [...] le plus grand en Dieu, comme l’a dit sainte Sœur Faustine.

Dimanche 6 janvier 2013 : commentaires de Marie Noëlle Thabut – PREMIERE LECTURE – Isaïe 60, 1 – 6

4 janvier, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 6 janvier 2013 : commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – Isaïe 60, 1 – 6

1 Debout, Jérusalem !
 Resplendis :
 elle est venue ta lumière,
 et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi.
2 Regarde : l’obscurité recouvre la terre,
 les ténèbres couvrent les peuples ;
 mais sur toi se lève le SEIGNEUR,
 et sa gloire brille sur toi.
3 Les nations marcheront vers ta lumière,
 et les rois, vers la clarté de ton aurore.
4 Lève les yeux, regarde autour de toi :
 tous, ils se rassemblent, ils arrivent ;
 tes fils reviennent de loin,
 et tes filles sont portées sur les bras.
5 Alors tu verras, tu seras radieuse,
 ton coeur frémira et se dilatera.
 Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi
 avec les richesses des nations.
6 Des foules de chameaux t’envahiront,
 des dromadaires de Madiane et d’Epha.
 Tous les gens de Saba viendront,
 apportant l’or et l’encens
 et proclamant les louanges du SEIGNEUR.

Vous avez remarqué toutes les expressions de lumière, tout au long de ce passage : « Resplendis, elle est venue ta lumière… la gloire (le rayonnement) du SEIGNEUR s’est levée sur toi (comme le soleil se lève)… sur toi se lève le SEIGNEUR, sa gloire brille sur toi…ta lumière, la clarté de ton aurore…tu seras radieuse ». On peut en déduire tout de suite que l’humeur générale était plutôt sombre ! Je ne dis pas que les prophètes cultivent le paradoxe ! Non ! Ils cultivent l’espérance.
 Alors, pourquoi l’humeur générale était-elle sombre, pour commencer. Ensuite, quel argument le prophète avance-t-il pour inviter son peuple à l’espérance ?
 Pour ce qui est de l’humeur, je vous rappelle le contexte : ce texte fait partie des derniers chapitres du livre d’Isaïe ; nous sommes dans les années 525-520 av.J.C., c’est-à-dire une quinzaine ou une vingtaine d’années après le retour de l’exil à Babylone. Les déportés sont rentrés au pays, et on a cru que le bonheur allait s’installer. En réalité, ce fameux retour tant espéré n’a pas répondu à toutes les attentes.
 D’abord, il y avait ceux qui étaient restés au pays et qui avaient vécu la période de guerre et d’occupation. Ensuite, il y avait ceux qui revenaient d’Exil et qui comptaient retrouver leur place et leurs biens. Or si l’Exil a duré cinquante ans, cela veut dire que ceux qui sont partis sont morts là-bas… et ceux qui revenaient étaient leurs enfants ou leurs petits-enfants … Cela ne devait pas simplifier les retrouvailles. D’autant plus que ceux qui rentraient ne pouvaient certainement pas prétendre récupérer l’héritage de leurs parents : les biens des absents, des exilés ont été occupés, c’est inévitable, puisque, encore une fois, l’Exil a duré cinquante ans ! 
 Enfin, il y avait tous les étrangers qui s’étaient installés dans la ville de Jérusalem et dans tout le pays à la faveur de ce bouleversement et qui y avaient introduit d’autres coutumes, d’autres religions…
 Tout ce monde n’était pas fait pour vivre ensemble…
 La pomme de discorde, ce fut la reconstruction du Temple : car, dès le retour de l’exil, autorisé en 538 par le roi Cyrus, les premiers rentrés au pays (nous les appellerons la communauté du retour) avaient rétabli l’ancien autel du Temple de Jérusalem, et avaient recommencé à célébrer le culte comme par le passé ; et en même temps, ils entreprirent la reconstruction du Temple lui-même.
 Mais voilà que des gens qu’ils considéraient comme hérétiques ont voulu s’en mêler ; c’étaient ceux qui avaient habité Jérusalem pendant l’Exil : mélange de juifs restés au pays et de populations étrangères, donc païennes, installées là par l’occupant ; il y avait eu inévitablement des mélanges entre ces deux types de population, et même des mariages, et tout ce monde avait pris des habitudes jugées hérétiques par les Juifs qui rentraient de l’Exil ; alors la communauté du retour s’est resserrée et a refusé cette aide dangereuse pour la foi : le Temple du Dieu unique ne peut pas être construit par des gens qui, ensuite, voudront y célébrer d’autres cultes ! Comme on peut s’en douter, ce refus a été très mal pris et désormais ceux qui avaient été éconduits firent obstruction par tous les moyens. Finis les travaux, finis aussi les rêves de rebâtir le Temple !
 Les années ont passé et on s’est installés dans le découragement. Mais la morosité, l’abattement ne sont pas dignes du peuple porteur des promesses de Dieu. Alors, Isaïe et un autre prophète, Aggée, décident de réveiller leurs compatriotes : sur le thème : fini de se lamenter, mettons-nous au travail pour reconstruire le Temple de Jérusalem. Et cela nous vaut le texte d’aujourd’hui :                                             
Connaissant le contexte difficile, ce langage presque triomphant nous surprend peut-être ; mais c’est un langage assez habituel chez les prophètes ; et nous savons bien que s’ils promettent tant la lumière, c’est parce qu’elle est encore loin d’être aveuglante… et que, moralement, on est dans la nuit. C’est pendant la nuit qu’on guette les signes du lever du jour ; et justement le rôle du prophète est de redonner courage, de rappeler la venue du jour. Un tel langage ne traduit donc pas l’euphorie du peuple, mais au contraire une grande morosité : c’est pour cela qu’il parle tant de lumière !                 
 Pour relever le moral des troupes, nos deux prophètes n’ont qu’un argument, mais il est de taille : Jérusalem est la Ville Sainte, la ville choisie par Dieu, pour y faire demeurer le signe de sa Présence ; c’est parce que Dieu lui-même s’est engagé envers le roi Salomon en décidant « Ici sera Mon Nom », que le prophète Isaïe, des siècles plus tard, peut oser dire à ses compatriotes « Debout, Jérusalem ! Resplendis… »
 Le message d’Isaïe aujourd’hui, c’est donc : « vous avez l’impression d’être dans le tunnel, mais au bout, il y a la lumière. Rappelez-vous la Promesse : le JOUR vient où tout le monde reconnaîtra en Jérusalem la Ville Sainte. » Conclusion : ne vous laissez pas abattre, mettez-vous au travail, consacrez toutes vos forces à reconstruire le Temple comme vous l’avez promis.
 J’ajouterai trois remarques pour terminer : premièrement, une fois de plus, le prophète nous donne l’exemple : quand on est croyants, la lucidité ne parvient jamais à étouffer l’espérance. 
 Deuxièmement, la promesse ne vise pas un triomphe politique… Le triomphe qui est entrevu ici est celui de Dieu et de l’humanité qui sera un jour enfin réunie dans une harmonie parfaite dans la Cité Sainte ; reprenons les premiers versets : si Jérusalem resplendit, c’est de la lumière et de la gloire du SEIGNEUR : « Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue ta lumière, et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi… sur toi se lève le SEIGNEUR, et sa gloire brille sur toi… »

 Troisièmement, quand Isaïe parlait de Jérusalem, déjà à son époque, ce nom désignait plus le peuple que la ville elle-même ; et l’on savait déjà que le projet de Dieu déborde toute ville, si grande ou belle soit-elle, et tout peuple, il concerne toute l’humanité.
 *****

 Complément
 Certains d’entre nous reconnaissent au passage un chant que les assemblées chrétiennes aiment bien chanter : « Jérusalem, Jérusalem, quitte ta robe de tristesse… Debout, resplendis car voici ta lumière… »

Livre du Prophète Ésaïe – Chapitres 7 à 9 (v.7)

18 décembre, 2012

http://www.bibleenligne.com/Commentaire_biblique/Commentaire_intermediaire/AT/Esaie/Es7.htm

Livre du Prophète Ésaïe

Troisième série — Chapitres 7 à 9 (v.7)

Le chapitre 6 venait à point pour compléter le chapitre 5, mais il appartient tout autant à une Troisième partie qu’il introduit, et dont la date n’est plus la mort d’Ozias, mais saute par-dessus le règne de Jotham pour arriver aux jours du méchant Achaz.

Chapitre 7
Le ch. 7 donne, en Achaz, un exemple de l’endurcissement qui doit atteindre le peuple comme jugement de Dieu (6:9, 10).
v. 1-9. La prophétie précédente se terminait sur la promesse d’une semence sainte, le vrai Résidu (basé sur le tronc d’Isaï), qui sera «le tronc» du peuple du Messie; un événement prêt à se produire devient le motif d’une nouvelle prophétie. «Un résidu reviendra» (Shear Jashub), ce grand fait est comme enfanté par le prophète et l’accompagne partout. Il est à la base de tout ce qui va arriver. La Syrie et Israël veulent détruire la semence de David. Achaz ne mérite que cela, mais Dieu a en vue le Messie, Emmanuel, et annonce la destruction de ces deux ennemis de Juda au bout de 65 ans (v. 8).
v. 10-17. Dieu veut en donner confirmation à Achaz par le signe que celui-ci demandera. Mais Achaz a mis sa confiance en l’Assyrie, et il refuse sous prétexte de ne pas tenter l’Éternel, comme si l’Éternel, quand il fait une promesse, pouvait en revenir ou la voir annuler. Cette incrédulité lasse enfin la patience de Dieu, mais ne l’empêche nullement, Lui, de donner un signe dans la personne d’Emmanuel, le fils de la Vierge, donné comme un petit enfant dont Lui suit la croissance parmi les autres, nourri comme eux, jusqu’à l’âge de «savoir rejeter le mal et choisir le bien». À lui se rattache le retour du Résidu (Shear Jashub) dans un temps futur 1. Mais Ésaïe va avoir un nouveau fils dont le nom signifie hâte du butin, promptitude du pillage. Avant que celui-là sache rejeter le mal et choisir le bien, Israël et la Syrie, Samarie et Damas, seront détruits. Mais celui auquel Achaz s’est confié pour amener ce résultat, et qui l’amènera en effet, selon les voies de Dieu, l’Assyrien, sera contre Juda la verge de la colère de Dieu.
1 Il sera alors délivré non plus de Damas et Samarie, mais de l’Assyrien des derniers jours. Emmanuel est de tout temps l’espérance de ce Résidu, la base de l’accomplissement des promesses en sa faveur. C’est en vue de cet accomplissement que se déroulent tous les événements prophétiques, à commencer, peu après cette prophétie d’Ésaïe, par la défaite de Syrie et d’Israël, avant qu’un enfant en bas âge fût élevé. Cf. Lettre de JND, Messager Évangélique, 1891, p 69, 70, qui rapporte le v. 16 à Shear Jashub lui-même, le premier fils prophétique, alors que l’auteur y voit le second, celui de 8:1-4. Il est clair que le sens général reste le même (Éditeur).
Ainsi, nous avons jusqu’ici: l’assurance prophétique du retour d’un Résidu, la promesse de la venue du Messie, Dieu avec nous, mais une tribulation sans précédent tombant sur Juda. Cette tribulation trouve son expression dans l’Assyrien de la fin.
v. 18-25. Ici nous est dépeint ce temps de désolation amené par le conflit entre l’Égypte et l’Assyrie, le roi du Midi et le roi du Nord. Ce conflit ne laissera rien subsister de Juda, tout le pays ne sera que ronces et épines. Par l’Assyrien Juda sera réduit à l’état du petit enfant qui vient de naître (22), mais c’est dans cette condition qu’il pourra rencontrer Emmanuel.

dimanche 16 décembre, commentaires de Marie Noëlle Thabut : Sophonie 3, 14 – 18

14 décembre, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

dimanche 16 décembre : commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – Sophonie 3, 14 – 18

14 Pousse des cris de joie, fille de Sion !
 Eclate en ovations, Israël !
 Réjouis-toi, tressaille d’allégresse,
 fille de Jérusalem !
15 Le SEIGNEUR a écarté tes accusateurs,
 il a fait rebrousser chemin à ton ennemi.
 Le roi d’Israël, le SEIGNEUR, est en toi. 
Tu n’as plus à craindre le malheur.
16 Ce jour-là, on dira à Jérusalem :
 « Ne crains pas, Sion !
 Ne laisse pas tes mains défaillir !
17 Le SEIGNEUR ton Dieu est en toi,
 c’est lui, le héros qui apporte le salut.
 Il aura en toi sa joie et son allégresse,
 il te renouvellera par son amour ;
 il dansera pour toi avec des cris de joie,
18 comme aux jours de fête. »

« Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête » (v. 17-18). Cette phrase-là, à elle toute seule, nous prouve que, dès l’Ancien Testament, les prophètes ont bien annoncé que Dieu est amour. Ce qui veut dire, au passage, que nous commettons un contresens quand nous disons que seul le Nouveau Testament parle d’un Dieu d’amour ! Le Dieu qui nous est présenté dans ce texte de Sophonie est tellement proche de son peuple qu’il danse avec lui !
 La « danse » de Dieu…! Il faut quand même l’audace d’un prophète pour écrire noir sur blanc « Dieu dansera pour toi (entendez son peuple) avec des cris de joie » ! Nous ne sommes pas tellement habitués à de telles expressions ; mais puisque par les prophètes, c’est Dieu qui parle, il faut prendre cette phrase très au sérieux ! Or avec qui préfère-t-on danser ? Avec celle qu’on aime évidemment ! Voilà l’extraordinaire Bonne Nouvelle de ce dimanche : Jérusalem et avec elle toute l’humanité est la bien-aimée de Dieu !
 Ces propos de Sophonie sont bien audacieux et il a fallu des siècles de Révélation biblique (c’est-à-dire de pédagogie de Dieu) pour en arriver là. La Révélation de Dieu comme Epoux, n’a pu se faire qu’après des siècles d’histoire biblique ; au début de l’Alliance entre Dieu et son peuple, cette notion aurait été trop ambiguë. Les autres peuples ne concevaient que trop facilement leurs dieux à l’image des hommes et de leurs histoires de famille ; dans une première étape de la Révélation, il fallait donc déjà découvrir le Dieu tout-Autre que l’homme et entrer dans son Alliance.
 C’est le prophète Osée (au huitième siècle) qui, le premier, a parlé de l’Alliance entre Dieu et son peuple, non plus seulement comme d’un contrat, fait d’engagement et de fidélité mutuelle, comme tout contrat, mais comme d’un véritable lien d’amour, celui des fiançailles. Tous les prophètes ultérieurs, le premier Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, le deuxième et le troisième Isaïe ont développé ce thème des noces entre Dieu et son peuple ; et on retrouve chez eux tout le vocabulaire des fiançailles et des noces : les noms tendres, la robe nuptiale, la couronne de mariée, la fidélité… Le troisième Isaïe (au sixième siècle) poussera l’audace jusqu’à employer le mot « désir » (au sens de désir amoureux) pour traduire les sentiments de Dieu à l’égard de son peuple.
 Quant au Cantique des Cantiques, long dialogue amoureux, composé de sept poèmes, nulle part il n’identifie les deux amoureux qui s’y expriment ; mais les Juifs le considèrent comme le dialogue entre Dieu et son peuple ; la preuve, c’est qu’ils le lisent tout spécialement au cours de la semaine de la célébration de la Pâque, la grande fête de l’Alliance de Dieu avec son peuple.
 Mais, si elles nous remplissent d’émerveillement, ces audaces des prophètes sont empreintes également de gravité et d’exigence. Car, si le peuple d’Israël peut être comparé à une épouse, toute infidélité à l’Alliance n’est plus seulement un manquement à un contrat, cela devient un véritable adultère ! On lit donc chez eux également tout le vocabulaire de la jalousie, l’ingratitude, la tromperie, les retrouvailles. Ce qu’ils appellent les infidélités du peuple, ce sont ses retombées dans l’idolâtrie.
 Revenons à Sophonie : c’est un prophète du septième siècle av.JC., à Jérusalem, sous le règne du roi Josias (monté sur le trône en 640). Son livre est très court, il ne couvre que cinq pages dans la Bible, notes comprises…! Mais il est très dense et certaines de ses pages sont devenues célèbres ; Sophonie appelle le roi et le peuple à la conversion : « Recherchez le SEIGNEUR, vous tous, les humbles de la terre, qui mettez en pratique le droit qu’il a établi ; recherchez la justice, recherchez l’humilité, peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère du SEIGNEUR. » (So 2, 3). De conversion, il y en a grand besoin : sous les règnes précédents (des deux rois Manassé, 687-642, et Amon, 642-640), tous les commandements de Dieu ont été bafoués comme à plaisir ! (idolâtries, violences, fraudes, mensonges, injustices sociales, orgueil des puissants, écrasement des pauvres)… On pourrait résumer en disant : « tout ce qui déplaît à Dieu, on le fait ».
 Et Sophonie ne se prive pas de dénoncer : par exemple : « ceux qui se prosternent devant le SEIGNEUR tout en jurant par leur dieu Mélek » (1, 5) ; (ce qui revient à les accuser d’idolâtrie doublée d’hypocrisie!). Ou encore « ceux qui remplissent la maison de leur Seigneur du produit de la violence et de la fourberie. » (1, 9). Et au début du chapitre 3 : « Au milieu de Jérusalem, ses ministres sont des lions rugissants ; ses juges, des loups au crépuscule, qui n’ont plus rien à ronger au matin (parce que leur voracité est telle qu’ils engloutissent rapidement leurs proies !). Ses prophètes sont des vantards, des tricheurs ; ses prêtres ont profané ce qui est sacré, ils ont violé la loi. » (3, 3 – 4).
 Sophonie va donc user des deux langages habituels des prophètes : la menace contre ceux qui font du mal ; les encouragements pour ceux qui essaient de rester fidèles. Et autant il sera violent dans ses menaces, autant il sera encourageant et optimiste pour les fidèles, ceux qu’il appelle les humbles.
 Premier langage : la violence dans les menaces, vous la connaissez, et malheureusement, on n’a souvent retenu que cela : c’est d’un texte de Sophonie qu’est tiré le fameux chant « Dies Irae, dies Illa… » (Jour de colère que celui-là), un chant que tous les auteurs de Requiem ont mis en musique ! Jour de colère… le risque, en chantant ce texte, c’est de croire qu’il faut avoir peur de la fin du monde …! Ce qui serait encore un contresens : car la colère de Dieu est toujours seulement contre le mal, contre ce qui fait le malheur de l’homme… puisque le seul but de Dieu, c’est le bonheur de l’humanité.
 Deuxième langage, les encouragements : le texte d’aujourd’hui est de ceux-là. Et à qui s’adresse-t-il ? Au peuple d’Israël, et particulièrement à Jérusalem (Sion est le nom de la colline de Jérusalem sur laquelle Salomon a bâti le Temple qui devait être le symbole de la Présence de Dieu) : « Pousse des cris de joie, fille de Sion » : « Fille de Sion » veut dire Sion tout simplement c’est-à-dire Jérusalem et à travers elle le peuple élu. (C’est l’une des particularités de l’hébreu : nous avons rencontré récemment ce genre d’expression en hébreu avec le texte de Daniel qui parlait d’un fils d’homme, ce qui voulait dire « homme »).
 « Fille de Sion, réjouis-toi, car le Seigneur est en toi, en vaillant Sauveur » ; ce chant habite nombre de nos fêtes, mais savons-nous qu’il est inspiré du prophète Sophonie ? Plus étonnant, cette annonce apparemment triomphante est prononcée à une époque où ni la ville sainte, ni le peuple ne se montrent dignes de telles déclarations. Mais notre indignité ne saurait éteindre l’amour de Dieu !
 Le discours de Sophonie à l’adresse de Jérusalem est donc un encouragement à la conversion. Il faut se remettre en mémoire les versets qui précèdent juste la lecture d’aujourd’hui : « En ce jour-là, tu n’auras plus à rougir de toutes tes mauvaises actions, de ta révolte contre moi ; car à ce moment, j’aurai enlevé du milieu de toi tes vantards orgueilleux, et tu cesseras de faire l’arrogante sur ma montagne sainte. Je maintiendrai au milieu de toi un reste de gens humbles et pauvres ; ils chercheront refuge dans le Nom du SEIGNEUR. Le reste d’Israël ne commettra plus d’iniquité ; ils ne diront plus de mensonges, on ne surprendra plus dans leur bouche de langage trompeur : mais ils paîtront et se reposeront sans personne pour les faire trembler. » (So 3, 11-13). Alors de ce reste d’Israël converti naîtra la nouvelle Jérusalem : elle accomplira enfin sa vocation d’être la ville de la Présence de Dieu, et n’aura plus rien à craindre de personne. Ce que Sophonie traduit par l’expression : « Le SEIGNEUR ton Dieu est en toi ! » Ce qui, si l’on y réfléchit bien, est une reprise pure et simple des promesses de Dieu au Sinaï. C’est le sens même du Nom de Dieu (YHVH que nous traduisons par SEIGNEUR) révélé à Moïse.
 On retrouve là une grande parenté avec d’autres prophètes de la même époque ; Joël par exemple : « Mon peuple ne connaîtra plus la honte, jamais. Vous saurez que je suis au milieu d’Israël, moi, et que je suis le SEIGNEUR, votre Dieu, et qu’il n’y en a point d’autre. » (Jl 2, 26 – 27). Des siècles plus tard, dans une autre période de morosité, le livre de Zacharie reprendra textuellement la phrase de Sophonie : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem !… » (Za 9, 9). Parce que Dieu n’a éternellement qu’une seule chose à dire à son peuple : « Ne crains pas, le Seigneur ton Dieu est en toi. »
 Encore quelques siècles, et le messager de Dieu viendra dire à une fille d’Israël : « Réjouis-toi, Marie… Le Seigneur est avec toi ». Et grâce à elle nous verrons Dieu parmi les hommes. Saint Jean pourra dire : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » (Jn 1, 14).

Dimanche 9 décembre: commentaires de Marie Noëlle Thabut sur Baruc 5, 1 – 9

8 décembre, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 9 décembre: commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – Baruc 5, 1 – 9

1 Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère,
 et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours,
2 enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu,
 mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Eternel.
3 Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel,
4 car Dieu pour toujours te donnera ces noms :
 « Paix-de-la-justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu ».
5  Debout, Jérusalem ! Tiens-toi sur la hauteur,
 et regarde vers l’Orient :
 vois tes enfants rassemblés du Levant au Couchant
 par la parole du Dieu Saint ;
 ils se réjouissent parce que Dieu se souvient.
6 Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis,
 et Dieu te les ramène, portés en triomphe,
 comme sur un trône royal.
7 Car Dieu a décidé
 que les hautes montagnes
 et les collines éternelles seraient abaissées,
 et que les vallées seraient comblées :
 ainsi la terre sera aplanie,
 afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu.
8 Sur l’ordre de Dieu,
 les forêts et leurs arbres odoriférants
 donneront à Israël leur ombrage ;
9 car Dieu conduira Israël dans la joie,
 à la lumière de sa gloire,
 lui donnant comme escorte
 sa miséricorde et sa justice.

Il est magnifique, ce texte ! En même temps, nous avons une impression de déjà vu ! Pas étonnant, puisque, par endroits, il recopie des phrases entières du prophète Isaïe ; on ne sait pas qui était l’auteur du livre de Baruch : c’est certainement un prophète, vers le deuxième siècle av.J.C. ; on ne connaît pas son nom, mais il avait une admiration sans borne pour Jérémie et il a repris comme nom d’auteur celui du secrétaire de Jérémie, Baruch. Cela se faisait couramment à l’époque. Et prendre le nom de Baruch, c’était surtout une manière de s’inscrire dans la filiation spirituelle de Jérémie, le grand prophète de l’espérance.
 Car, à l’époque où notre prophète écrit, la tentation est grande de désespérer : toutes les belles promesses de Dieu, inlassablement répercutées par ses prophètes, s’accompliront-elles un jour ? Au contraire, le fameux « Jour de Dieu » dont parlait Jérémie, le temps de la Nouvelle Alliance, celui du règne de Dieu, c’est-à-dire de la justice et de la paix pour tous et pour toujours semble s’éloigner un peu plus chaque matin.
 Alors, pour regonfler les énergies de ses contemporains, l’auteur reprend à son tour les grands oracles d’espérance du livre d’Isaïe. Ce n’est pas du plagiat, c’est une profession de foi dans la validité des promesses. Nous avons rencontré exactement ce phénomène la semaine dernière avec un texte inséré dans le livre de Jérémie, des siècles après sa mort.
 Les textes que l’auteur du livre de Baruc a copiés du livre d’Isaïe datent tous de l’Exil à Babylone, et sont empruntés soit au deuxième, soit au troisième Isaïe. Certains concernent la gloire future de Jérusalem, d’autres annoncent le retour des exilés. Commençons par les promesses de retour au pays : pour annoncer que les juifs déportés à Babylone par Nabuchodonosor allaient être bientôt libérés, et prendre le chemin du retour, Isaïe avait raconté que le désert qui sépare Jérusalem de Babylone allait devenir une véritable autoroute : voici les mots d’Isaïe : « Une voix proclame : dans le désert dégagez un chemin pour le SEIGNEUR, nivelez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu. Que tout vallon soit relevé, que toute montagne et toute colline soient abaissées, que l’éperon devienne une plaine et les mamelons, une trouée ! Alors la gloire du SEIGNEUR sera dévoilée et tous les êtres de chair ensemble verront que la bouche du SEIGNEUR a parlé. » (Is 40, 3-4). « De toutes les montagnes je me ferai un chemin, et les chaussées seront pour moi surélevées » (Is 49, 11). Et Baruc reprend en écho : « Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu. »
 Autre image : dans le désert, par hypothèse, il n’y a pas de végétation ; pour annoncer le retour, comme un miracle de Dieu, Isaïe disait : « Je mettrai dans le désert le cèdre, l’acacia, le myrte et l’olivier (dit Dieu) ; j’introduirai le cyprès et le buis ensemble, afin que les gens voient et sachent, (afin) qu’ils s’appliquent et saisissent ensemble que la main du SEIGNEUR a fait cela, que le Saint d’Israël l’a créé. » (Is 41, 19). Baruc dit à son tour : « Sur l’ordre de Dieu, les forêts et leurs arbres odoriférants donneront à Israël leur ombrage ; car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice. » (Cette fois ce sont les talus de l’autoroute qui sont boisés d’arbres odoriférants !)
 Quant à la gloire future de Jérusalem, le deuxième Isaïe disait : « Surgis, surgis, revêts-toi de puissance, ô Sion, revêts tes habits de splendeur, Jérusalem, ville de la sainteté. » (Is 52, 1). Et nous entendons chaque année pour la fête de l’Epiphanie le fameux « Debout, Jérusalem, resplendis, elle est venue ta lumière et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi » (traduction liturgique) (du troisième Isaïe 60, 1). Ce que Baruc reprend pour ses contemporains : « Debout, Jérusalem ! … Quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours… Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel… »
 Il faut prendre le temps de s’arrêter sur ces phrases inouïes si on veut bien y réfléchir « Revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours » : il s’agit ni plus ni moins de devenir porteurs du rayonnement même de Dieu !
 Isaïe écrit encore : « Porte tes regards sur les alentours et vois : tous ils se rassemblent, ils viennent vers toi. Par ma vie, oracle du SEIGNEUR, oui, tu les revêtiras tous comme une parure, telle une promise, tu te feras d’eux une ceinture. » (Is 49, 18). Cela, c’est le deuxième livre d’Isaïe et le troisième : « Porte tes regards sur les alentours et vois : tous ils se rassemblent, ils viennent vers toi, tes fils vont arriver du lointain et tes filles sont tenues solidement sur la hanche. » (Is 60, 4). Et là encore, on peut en lire l’écho chez Baruc : « Tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l’Orient : vois tes enfants rassemblés du Levant au Couchant par la parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient. Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe comme sur un trône royal. »
 Evidemment, on peut se poser la question : si le livre de Baruc est beaucoup plus tardif que celui d’Isaïe, pourquoi la reprise de toutes ces promesses ? L’Exil à Babylone est fini depuis bien longtemps ! Ce n’est donc plus aux déportés du sixième siècle qu’il promet le retour. Pour qui donc alors reprend-il les thèmes et même les mots des prophètes du passé ? En fait, les « exilés » auxquels il s’adresse sont les Juifs de la Dispersion (ce qu’on appelle la « Diaspora »), toutes ces communautés juives répandues dans le monde gréco-romain, et qui se sentent comme exilées de Jérusalem. Le prophète sait bien que, malgré les vicissitudes de l’histoire, le projet de Dieu sur Jérusalem et sur l’humanité tout entière se réalisera.
 Baruc prêchait donc, tout comme Isaïe dans une période de découragement et de morosité : voilà une belle leçon de foi et d’espérance pour nous : tous les drames de notre temps, quels qu’ils soient, ne doivent pas entamer nos énergies… Au contraire, ils doivent les décupler.
 ————————–
 Compléments
 - Racine racontait qu’il avait emmené La Fontaine à un office des Ténèbres où on avait lu un passage du livre de Baruc ; cela lui valut la réaction de La Fontaine : « Avez-vous lu Baruc ? C’était un beau génie ! » Il est vrai que pour quiconque est sensible à la poésie, Baruc est un livre superbe ; mais quant à savoir qui était Baruc, c’est une autre histoire ; il existe bien un certain Baruc, secrétaire de Jérémie, avant la prise de Jérusalem par les troupes de Nabuchodonosor, donc au début du sixième siècle av.J.C. ; et les premières lignes du livre prétendent être signées de lui. En réalité, l’auteur est un pseudonyme, plus jeune de plusieurs siècles ! (Il date du milieu du deuxième siècle, probablement). Aujourd’hui, les habitudes littéraires sont très différentes, mais à l’époque, cela se faisait couramment. On rendait hommage à un auteur célèbre du passé en empruntant sa signature.

 - Le chant « Jérusalem, Jérusalem, quitte ta robe de tristesse » est tout entier inspiré du livre de Baruc.

Le tombeau inconnu: Commentaire de Dt 34

4 décembre, 2012

http://www.bible-service.net/site/567.html

Commentaire de Dt 34

Le tombeau inconnu

Le livre du Deutéronome s’achève. Avec lui, s’achève aussi la Torah d’Israël. Alors s’éteint Moïse, lui qui, selon le livre même en a été rédacteur (voir par exemple Ex 24, 4 où il écrit tout ce que le Seigneur lui a dit). Son tombeau restera inconnu : le corps disparu du plus grand des prophètes a moins d’importance que les mots de la Loi, de l’Alliance et de la bénédiction qu’il laisse derrière lui.
On ne peut isoler le récit de la mort de Moïse (Dt 34) de la bénédiction des douze tribus d’Israël (Dt 33). Cela rapproche Moïse du patriarche Jacob (Gn 49). Le prophète et l’ancêtre meurent en laissant comme testament des vœux de bonheur. Au moment où ils disparaissent de la scène de l’histoire humaine, l’horizon, loin de se rétrécir, s’ouvre sur ceux qui ont été engendrés (bénédictions de Jacob) ou qui sont nés de nouveau dans l’eau de l’exode (bénédictions de Moïse). En relisant ces bénédictions, les tribus – ou ce qu’elles deviendront – plongent dans la mémoire de leurs origines : avant d’habiter « le pays de blé et de vin nouveau » (Dt 33, 28), le peuple de Dieu fut esclave en Égypte. Le prophète Osée, avec astuce, a vu ce lien entre le patriarche qui descendit en Égypte et Moïse qui en remonta (voir 0s 12, 13-14).

Moïse et la Terre promise.

La mort de Moïse s’est insinuée dans le récit dès les premières pages du livre du Deutéronome. Dans la plaine de Moab, à la frontière, le législateur relit la libération, le séjour au désert, le rapport à la Loi. Lui-même n’entrera pas dans le « bon pays » dit-il au détour d’un développement consacré à l’idolâtrie (Dt 4, 21-22). Pourquoi ? L’explication avancée (il aurait commis une faute, un manque de confiance) compte moins que le réseau des significations qui s’imprime en nos consciences : Moïse, né en Égypte, réfugié en Madian, guide dans le désert, est l’homme de l’errance sous la parole divine, pas celui de la conquête et des récoltes. Il appartient aux temps fondateurs, non au rythme habituel des mois et des saisons. L’installation dans la terre où coulent le lait, l’huile d’olive et le miel sera occasion de dangers, d’oubli et de reniement du Dieu vivant. Moïse en est exclu. Et c’est tant mieux.
Vers la fin du récit, ayant rappelé une dernière fois la Loi et l’Alliance, ce qu’elles engagent, ce qu’elles exigent, Moïse conclut sur son incapacité à « tenir sa place » à la tête du peuple (Dt 31, 2). Josué lui succède. Bientôt, il fera traverser le Jourdain, reprise modeste et enthousiaste du passage de la mer des Roseaux (Jos 3). Il emmène avec lui l’arche et le livre de la Loi qui y est déposé en témoignage.
L’espace géographique où le peuple va désormais s’ébrouer, Moïse le voit du haut d’une montagne – ou, plus exactement, le Seigneur lui fait voir (Dt 34, 1) après lui avoir raconté ce qui va se passer sur cette fameuse terre vers laquelle tous ont marché péniblement pendant quarante ans. Amer récit d’avenir : le paysage, qui devrait être lumineux, comprend infidélité et idolâtrie. Le peuple d’Israël, relisant plus tard ces paroles divines sur cette même terre (ou hors d’elle, peut-être, si ce passage fut composé en exil), y entend par avance le diagnostic de son échec : « après ma mort, vous allez vous corrompre totalement et vous écarter du chemin prescrit » (Dt 31, 29). Si l’en est bien ainsi, comment ne pas désespérer ?

D’un chant à l’autre.

Comment ? Par le chant ! De la part du Seigneur, Moïse compose un premier chant, cantique au «Rocher» d’Israël (Dt 32). Qu’elles qu’en soient les sources, ce chant où Dieu est magnifié comme jamais et où Israël se voit attribuer ce qu’on pense être un surnom de tendresse («Yeshouroun»), porte en son milieu le catalogue des fautes à venir mais aussi l’annonce inouïe que, malgré tout, le Seigneur fera grâce. Espoir.
Alors, sur ce fond de lucidité et de miséricorde, Moïse entonne un deuxième chant et déploie la bénédiction, le «dire» du bien. Jacob l’avait fait au moment de mourir en Égypte. Moïse le fait au moment de mourir loin de l’Égypte et tout près du pays du bonheur et du malheur. Le Seigneur y est exalté comme un soleil, un guerrier sur les nuées du ciel ; Israël/Yeshouroun y reçoit une béatitude (v. 29), invitation lancée à vivre le temps historique sur la terre donnée dans la confiance en ce Dieu unique, étrange, mystérieux, qui n’a pas d’égal. Moïse est désormais prêt. Il meurt, avec, sous les yeux, le pays et son histoire. Il meurt en pleine possession de ses moyens : pour l’éternité, il demeurera un vieillard sublime, aimé des peintres et des sculpteurs. On le pleure. Puis le deuil cesse. Josué prend la relève, direction le Jourdain prochain épisode, prochain livre.

Gérard BILLON. Article paru dans Le Monde la Bible n° 156  »Moïse, l’histoire et la légende » (Bayard-Presse, janv.-fév. 2004), p. 71

Le prophète du temps des Gentils, Daniel : Chapitre 12 — Un temps de détresse

16 novembre, 2012

http://www.bibliquest.org/Auteurs_divers/BurtonAH-at27-Daniel_ME1904_1905.htm

NOTES SUR LE LIVRE DE DANIEL

Le prophète du temps des Gentils

Chapitre 12 — Un temps de détresse

Trois rois sont en présence dans ces derniers jours que nous venons de considérer : « le roi » régnant à Jérusalem, l’Antichrist (chap. 11:36-39), dont la terrible fin se trouve ailleurs. Il sera détruit par l’apparition de la venue de Christ (2 Thessaloniciens 2 ; Apocalypse 19:20-21). Puis les rois du Nord et du Midi, dont les versets 40-45, donnent l’histoire. Celui qui vient à sa fin sans personne pour le secourir est le dernier roi du Nord, renversé par le Seigneur lui-même sur les montagnes de Judée (Ésaïe 14:25 ; 30:31 ; 31:8-9 ; Michée 5:5-6).
Nous arrivons ici au temps de la fin, « la consommation du siècle » (Matthieu 24:3), qui n’a aucun rapport avec la période chrétienne, parenthèse elle-même dans les conseils de Dieu quant à la terre. Pour Israël, le peuple terrestre, deux siècles ou dispensations sont indiqués : « ce siècle » et « celui qui est à venir » (Matthieu 12:32).
« La fin », ou « la consommation du siècle » (Matthieu 13 ; 24), ne se rapporte en aucune façon à la fin du monde comme système matériel, mais à celle de ce « siècle » de la loi sous lequel se trouvaient les Juifs, en contraste avec « le siècle à venir », où le Messie lui-même se trouvera au milieu d’eux. « Le siècle de la loi » poursuivra son cours après l’enlèvement de l’Église jusqu’à l’apparition de Christ en gloire.
L’Esprit de Dieu révèle quelle sera la condition du peuple de Daniel et quelles circonstances il traversera à la fin : « En ce temps-là », le temps que nous venons d’étudier, « se lèvera Micaël, le grand chef, qui tient pour les fils de ton peuple » (chap. 12:1). Ce sera un ministère angélique en faveur des Juifs, et point encore la présentation personnelle du Messie sur la montagne de Sion, mais Micaël, un des chefs qui tient pour le peuple, sera spécialement envoyé pour veiller à leurs intérêts, bien qu’invisible à leurs yeux comme à ceux de leurs ennemis (comp. Daniel 10:13-21 ; Apocalypse 12:7, etc). Car il y a des principautés et des autorités aussi bien invisibles que visibles (Colossiens 1:16).
Ce temps sera « un temps de détresse tel qu’il n’y en a jamais eu depuis qu’il existe une nation ». La grande tribulation dont il est parlé ailleurs, « le temps de la détresse pour Jacob » (Jérémie 30:7). Mais ce serait une grande erreur de supposer qu’elle concerne les chrétiens, ou que l’Église la traversera, l’Église qui a reçu cette promesse : « Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée tout entière pour éprouver ceux qui habitent sur la terre » (Apocalypse 3:10). En d’autres termes, l’Église ne sera plus sur la terre à ce moment. La terre tout entière en sentira les effets, mais l’épée du jugement atteindra particulièrement les Juifs, comme châtiment du rejet et de la crucifixion de leur Messie.
Le Seigneur y fait allusion en Matthieu 24 : « Il y aura une grande tribulation, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais », la mettant lui-même en rapport avec le chapitre de Daniel que nous avons sous nos yeux : « Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par Daniel le prophète, établie dans le lieu saint », etc.
Telle est la perspective de détresse sans précédent qui attend les Juifs à leur retour en Palestine, perspective telle que « si ces jours n’eussent été abrégés, nulle chair n’eût été sauvée ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés ». Dieu a toujours les yeux sur son peuple, et au milieu du jugement se souvient de la miséricorde.
Suivant immédiatement cette période de tribulation, des signes et des miracles se verront dans les cieux (Ésaïe 13:10 ; Amos 5:20 ; Actes 2:20), « et alors paraîtra le signe du Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire ». « Le jour du Seigneur », si fréquemment mentionné par les prophètes, est aussi le jour de la délivrance pour le résidu fidèle à Jérusalem, en même temps que de la destruction de leurs ennemis rangés en bataille pour faire la guerre à l’Agneau.
Une question se pose ici. Qu’est-il advenu des dix tribus perdues ? Sont-elles entièrement tombées dans l’oubli ? La réponse nous vient au verset 2 : « Et plusieurs qui dorment dans la poussière, de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle ». La résurrection du corps n’est point en vue ici, seulement celle d’Israël comme nation, selon l’expression des prophètes (Ésaïe 26:12-24 ; Ézéchiel 37:1-14). L’épreuve des dix tribus les atteindra avant leur retour au pays des pères : « Je suis vivant, dit le Seigneur,… si je ne vous introduis dans le désert des peuples et là n’entre en jugement avec vous face à face !… Et je séparerai d’entre vous les rebelles et ceux qui se sont révoltés contre moi ; je les ferai sortir du pays dans lequel ils séjournent, mais ils n’entreront point dans la terre d’Israël » (Ézéchiel 20:33-44).
Nous apprenons ensuite qu’une récompense spéciale sera décernée, non seulement à ceux qui resteront fidèles au milieu de ce temps d’épreuve, mais encore à ceux qui auront usé de leur influence pour instruire leurs compagnons dans une ligne de conduite agréable à Dieu : « Les sages brilleront comme la splendeur de l’étendue, et ceux qui ont enseigné la justice à la multitude, comme les étoiles à toujours et à perpétuité » (v. 3).
Mais le temps de la fin n’est point encore, et Daniel reçoit cet ordre : « Cache les paroles et scelle le livre, jusqu’au temps de la fin. Plusieurs courront çà et là ; et la connaissance sera augmentée ». Contraste frappant entre cette injonction et ce qui est dit à Jean, dans l’Apocalypse, de ne point sceller les paroles de la prophétie de ce livre, parce que le temps est proche (Apocalypse 22:10).
Pour l’Église, la venue du Seigneur est une espérance journalière, tandis que pour les Juifs, certaines prophéties doivent s’accomplir avant l’arrivée de leur Messie en puissance pour régner sur eux.
Daniel voit maintenant deux autres personnages se tenant sur le bord du fleuve, outre l’homme vêtu de lin (chap. 10:4-6). « Jusques à quand la fin de ces merveilles ? » demande l’un d’eux, en d’autres termes, combien longtemps durera cette grande tribulation ? « Un temps… des temps… et une moitié de temps »… lui est-il répondu, c’est-à-dire trois ans et demi, ou la dernière moitié de la dernière des soixante-dix semaines.
Aucun doute ne nous est donc laissé quant au moment où elle se place, ni à sa signification relative aux Juifs (et point aux chrétiens), tombés si bas qu’ils accepteront le culte idolâtre de l’Antichrist, dans leur temple.
« Mon seigneur, quelle sera l’issue de ces choses ? » demande encore Daniel, mais le moment n’était pas venu pour de plus amples révélations. Nouveau contraste entre les saints de cette dispensation, quelque pieux qu’ils soient, comme un Daniel, et l’Église. Nous avons « l’onction de la part du Saint, et nous connaissons toutes choses » (1 Jean 2:20), dit l’apôtre même aux petits enfants en Christ. Les hommes pieux de l’Ancien Testament ne possédaient pas ce qui distingue les saints de notre dispensation, le Saint-Esprit habitant en eux.
Mais dans le temps à venir, « les sages comprendront ». Ces sages occupent donc une place importante. « Aucun des méchants ne comprendra », quel qu’ait été le degré d’intelligence naturelle, celle dont il est ici question étant morale et non pas simplement intellectuelle.
L’homme vêtu de lin avait annoncé que la tribulation durerait trois ans et demi, soit 1260 jours. Mais plus loin, nous trouvons la mention de deux autres nombres, 1290 et 1335 jours. À quoi ces nombres se rapportent-ils ? Avant tout, il s’agit de comprendre que ces calculs se rapportent au temps qui suivra l’enlèvement de l’Église, autrement la porte est ouverte à toutes les spéculations mensongères ayant pour but de fixer une date au retour du Seigneur pour ses saints.
Le verset 11 indique clairement quel est le point de départ de ce calcul : « Depuis le temps où le sacrifice continuel sera ôté et où l’abomination qui désole sera placée ». Quand sera-ce ? Cela n’a aucun rapport avec les Turcs, ou avec le fléau de l’Islamisme ; il s’agit du sujet traité au chapitre 9:27, la rupture de l’alliance future entre le chef de l’empire Romain et les Juifs, et l’idolâtrie de l’Antichrist établie dans le temple de Jérusalem. La tribulation, châtiment terrible de cette idolâtrie, envoyée de Dieu sur les Juifs, doit durer trois ans et demi ou mille deux cent soixante jours, mais la bénédiction finale d’Israël ne suit pas immédiatement. L’Antichrist sans doute sera détruit, mais il laissera sur la scène d’autres puissances impies, le roi du Nord, Gog et Magog, (Ézéchiel 38 ; 39) et d’autres encore de moindre importance, dont le jugement doit encore s’accomplir. Cela exigera un certain temps, sans doute de peu de durée, car l’Écriture nous indique clairement la fin du roi du Nord comme suivant la destruction de l’Antichrist, qui se produit à l’apparition du Seigneur, tandis que l’Assyrien revient d’Égypte après l’apparition de Christ en Sion. Le châtiment de Gog et Magog est même postérieur à cet événement. Nous ne voulons pas dire que les 1290 et les 1335 jours se rapportent en particulier à ces deux puissances, mais nous en avons dit assez pour suggérer la raison de cette prolongation de jours. La bénédiction complète vient après les 1335 jours.
On a souvent observé que Daniel ne s’étend pas sur la période millénaire, sa prophétie se bornant « au temps des nations ». Il reçoit néanmoins l’assurance qu’il se tiendra dans son lot à la fin des jours. Il ne sera pas absent du déploiement de cette scène glorieuse.
De meilleures choses sont en réserve pour nous, mais ne doivent point diminuer notre appréciation des promesses faites aux pères qui, les ayant vues de loin seulement, se sont néanmoins mis en route avec joie pour atteindre une meilleure patrie et cette cité qui a des fondements dont Dieu est l’architecte et le fondateur.
Avec de plus grands privilèges et des bénédictions d’un ordre plus élevé, ne témoignons-nous pas souvent d’un cœur plus froid et d’un esprit moins zélé que le leur ?
Seigneur, remplis-nous du saint désir dont fut animé jadis ton peuple, qui goûtait ton amour et dont le cœur brûlait pour toi, en attendant patiemment de voir ta face !

La Genèse, Chapitre 18 : 1 L’Eternel lui apparut dans la chênaie de Mamré…

6 novembre, 2012

http://www.levangile.com/Bible-Annotee-Genese-18.htm

La Bible annotée

La Genèse

Chapitre 18

1 L’Eternel lui apparut dans la chênaie de Mamré. Comme il était assis à l’entrée de la tente pendant la chaleur du jour,
2 il leva les yeux et aperçut trois hommes se tenant devant lui ; et dès qu’il les vit, il courut à eux de l’entrée de la tente, et il se prosterna en terre
3 et dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe pas devant ton serviteur.
4 Permets qu’on aille chercher un peu d’eau, et vous laverez vos pieds. Asseyez-vous sous l’arbre ;
5 j’apporterai un morceau de pain, vous prendrez des forces, puis vous continuerez votre chemin ; car c’est pour cela que vous avez passé devant votre serviteur. Ils répondirent : Fais comme tu l’as dit.
6 Et Abraham s’empressa d’entrer dans la tente vers Sara, et il lui dit : Prends vite trois mesures de fleur de farine, pétris et fais des gâteaux.
7 Puis Abraham courut au bétail et prit une bête tendre et bonne et la donna au valet, qui se hâta de l’apprêter.
8 Et il prit du beurre et du lait et la bête qu’il avait apprêtée, et il les mit devant eux ; et lui se tenait debout auprès d’eux sous l’arbre, et ils mangèrent.
9 Puis ils lui dirent : Où est Sara, ta femme ? Il répondit : Elle est là dans la tente.
10 Et il dit : Certainement je reviendrai chez toi l’an prochain, et voici Sara ta femme aura un fils. Et Sara entendait cela à l’entrée de la tente, derrière lui.
11 Or Abraham et Sara étaient des vieillards, fort avancés dans la vie ; Sara était hors d’âge.
12 Et Sara rit en elle-même en se disant : Vieille comme je suis, aurais-je encore du plaisir ? Et mon seigneur est vieux.
13 Et l’Éternel dit à Abraham : Pourquoi donc Sara a-t-elle ri en se disant : Est-ce que vraiment j’enfanterai, vieille comme je suis ?
14 Y a-t-il rien qui soit trop merveilleux pour l’Éternel ? A cette saison je reviendrai vers toi l’an prochain, et Sara aura un fils.
15 Et Sara nia disant : Je n’ai pas ri ; car elle eut peur. Mais il lui dit : Non, car tu as ri.
16 Et ces hommes se levèrent de là et se tournèrent du côté de Sodome. Abraham allait avec eux pour les accompagner.
17 Or l’Éternel dit : Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire ?
18 Abraham doit devenir une nation grande et forte, et toutes les nations de la terre seront bénies en lui.
19 Car je l’ai choisi afin qu’il ordonne à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de l’Éternel, en faisant ce qui est juste et droit, pour que l’Éternel fasse venir sur Abraham ce qu’il lui a promis.
20 Et l’Éternel dit : Le cri qui s’élève de Sodome et Gomorrhe est bien fort et leur iniquité bien énorme.
21 Je veux descendre et voir si, comme le bruit en est venu jusqu’à moi, leur crime est arrivé au comble ; ou si cela n’est pas, je veux le savoir.
22 Et ces hommes partirent et s’en allèrent à Sodome ; et Abraham se tenait encore devant l’Éternel.
23 Et Abraham s’approcha et dit : Est-ce que vraiment tu ferais périr le juste avec le coupable ?
24 Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville ; les ferais-tu donc périr et ne pardonnerais-tu pas à ce lieu à cause de ces cinquante justes qui s’y trouveraient ?
25 Loin de toi d’agir de la sorte, de faire mourir le juste avec le coupable ! Ainsi il en serait du juste comme du coupable ! Loin de toi ! Celui qui juge toute la terre ne rendrait-il pas justice ?
26 Et l’Éternel dit : Si je trouve à Sodome cinquante justes, au milieu de la ville, je pardonnerai à tout le lieu pour l’amour d’eux.
27 Et Abraham reprit : Voilà que j’en suis venu à parler au Seigneur, moi qui suis poudre et cendre.
28 Peut-être que des cinquante justes il en manquera cinq. Détruiras-tu pour cinq hommes toute la ville ? Et il dit : Je ne la détruirai pas si j’en trouve quarante-cinq.
29 Et Abraham continua encore à lui parler ; il lui dit : Peut-être s’en trouvera-t-il là quarante. Et il dit : Je ne le ferai pas pour l’amour des quarante.
30 Et Abraham dit : Que le Seigneur veuille ne pas s’irriter si je parle ! Peut-être s’en trouvera-t-il trente. Et il dit : Je ne le ferai pas si j’y en trouve trente.
31 Et Abraham dit : Voilà que j’en suis venu à parler au Seigneur. Peut-être s’en trouvera-t-il vingt. Et il dit : Je ne la détruirai pas pour l’amour des vingt.
32 Et Abraham dit : Que le Seigneur veuille ne pas s’irriter, et je parlerai encore cette seule fois : Peut-être s’en trouvera-t-il dix. Et il dit : Je ne la détruirai pas pour l’amour des dix.
33 Et l’Éternel s’en alla quand il eut achevé de parler à Abraham, et Abraham retourna chez lui.

Notes
18 et 19
Les anges chez Abraham et à Sodome.
Destruction des villes de la Plaine
Ce récit d’une fraîcheur et d’une beauté littéraire remarquables appartient au document jéhoviste. Nous y admirons l’intimité dans laquelle Abraham vit avec l’Éternel. Il intercède hardiment auprès de lui en faveur des villes du pays menacées de ruine ; et l’Éternel le renseigne sur le jugement qu’il va accomplir. Ce sont ces rapports familiers avec l’Éternel qui ont valu à Abraham le titre d’ami de Dieu (Esaïe 46.8 ; Jacques 2.23).

Verset 1,1-8
Trois êtres célestes acceptent l’hospitalité d’Abraham. Cette visite de l’Éternel a eu lieu dans le même temps que la révélation du chapitre 17, c’est-à-dire un an avant la naissance d’Isaac. Comparez 17.21 et 17.10. Après treize ans de silence (entre les chapitres 16 et 17), les communications divines se multiplient, car l’accomplissement est proche.
La première partie du verset 1 est le sommaire de tout le récit. De là vient que l’auteur nomme déjà l’Éternel, tandis que dans le récit même il ne le désigne comme tel que dès le moment où Abraham le reconnaît.
Dans la chênaie de Mamré : près d’Hébron ; c’était son domicile habituel depuis son retour d’Egypte (13.18 ; 14.13).

Verset 2
Se tenant devant lui. S’arrêter à quelque distance de l’entrée de la tente est encore aujourd’hui chez les Arabes une manière de demander l’hospitalité.
Se prosterna en terre. Forme ordinaire de la salutation orientale.

Verset 3
Abraham reconnaît immédiatement la prééminence de l’un des trois hommes sur ses deux compagnons, et c’est à lui qu’il s’adresse.
Seigneur. Les copistes du texte hébreu, estimant qu’Abraham a dès l’abord reconnu l’Éternel, ont écrit ce mot avec l’orthographe spéciale qui convient au nom d’Adonaï, le Seigneur. Mais Abraham n’a point encore reconnu son hôte ; car il continue à le traiter comme un simple homme.

Verset 4
Ici Abraham s’adresse à tous les trois : ils ont tous besoin de repos et de nourriture.
Vous laverez vos pieds. Comme on ne, portait que des sandales, laver les pieds des voyageurs était le premier devoir de l’hospitalité.

Verset 5
Un morceau de pain. Manière délicate d’offrir un repas complet.
C’est pour cela… : C’est Dieu qui a dirigé ainsi votre marche, afin que j’eusse le privilège de vous héberger.

Verset 6
L’offre acceptée, Abraham se hâte. Le pain, la viande, le beurre et le lait sont encore aujourd’hui les aliments habituels des bédouins du désert. Abraham veille à l’excellence et à l’abondance des mets.
Trois mesures : en hébreu, séim. Le séa valait un tiers d’épha. C’est à dessein qu’Araham ne dit pas un épha, mais trois séas : un pour chaque voyageur. D’après les indications des rabbins, l’épha était à peu près l’équivalent de vingt de nos litres.
Des gâteaux : de petits gâteaux ronds, cuits sur des pierres plates chauffées, comme on les fabrique encore aujourd’hui chez les Arabes.

Verset 7
Au bétail. Le terme employé désigne le gros bétail.

Verset 8
Lui se tenait debout. Encore à cette heure, quand le scheik arabe reçoit un hôte de distinction, il se tient debout près de lui pour le servir.

Verset 9
9-15
Renouvellement de la promesse relative à la naissance d’un fils de Sara.

Verset 10
Il dit. L’Eternel seul parle ; il s’agit d’une promesse que lui seul peut faire. Il réitère, mais cette fois en présence de Sara, la promesse faite précédemment à Abraham seul (chapitre 17).                                                                                                            

Verset 11
Notice introduite pour expliquer le rire de Sara.

Verset 13
L’Eternel. Dès le verset 10, Abraham devait avoir pressenti la nature supérieure de son hôte. Mais maintenant la toute science dont il fait preuve ne peut plus lui laisser aucun doute. Sara en effet se tenait derrière l’Éternel (verset 10), et c’était en elle-même seulement qu’elle avait ri (verset 12). L’Eternel sait cependant qu’elle a ri.                          
L’Eternel dit à Abraham : non à Sara, car, selon la coutume de l’Orient, Sara était restée dans la tente. Le rire de Sara est blâmé parce que c’est un symptôme d’incrédulité.

Verset 14
Le commencement de ce verset est comme la paraphrase du nom de El-Schaddaï. Dieu répète la promesse avec une précision qui exclut toute objection.

Verset 15
Sara n’avait ri qu’intérieurement ; de là sa dénégation. L’Eternel coupe court à toute discussion par une parole brève et énergique, propre à la faire rentrer en elle-même.

Verset 16
16-21
L’Eternel instruit Abraham de son intention à l’égard des villes de la Plaine.
Pour les accompagner. Le scheik arabe accompagne encore aujourd’hui les hôtes auxquels il vient de donner l’hospitalité. Tous quatre partent d’Hébron, se dirigeant à l’Est vers les plateaux du haut desquels on contemple toute la plaine où se trouvaient Sodome et Gomorrhe.

Verset 17
17-19
Ces trois versets interrompent le fil du récit ; ils expriment la réflexion qui a déterminé l’Éternel à faire à Abraham la communication contenue dans les versets qui suivront (20 et 21).

Cacherai-je à Abraham… ? Amos dit (Amos 3.7) : Le Seigneur ne fait rien qu’il n’ait révélé son conseil à ses serviteurs les prophètes. Abraham est traité ici en prophète ; et dans les versets suivants nous le voyons agir comme tel.

Verset 18
Comparez 12.2-3. L’idée principale est renfermée dans le verset suivant : Si je m’ouvre ainsi à lui sur l’œuvre que je vais faire, c’est qu’il aura la mission d’instruire la postérité promise dont il doit être le père.

Verset 19
Je l’ai choisi, littéralement connu : Je suis entré dans une relation intime avec lui, afin que ses descendants, instruits par lui à marcher dans la bonne voie, puissent me servir d’instruments pour accomplir mon plan de reconquérir le monde rebelle.
Pour réaliser ce plan, il faut que le peuple élu soit fidèle, et pour qu’il le soit, il lui faut l’intelligence des jugements divins qu’Abraham ne manquera pas de lui transmettre. Voilà pourquoi Dieu trouve bon de lui faire connaître la sentence de condamnation qu’il vient de prononcer, afin qu’il discerne, dans le bouleversement des éléments qui va se produire, autre chose qu’un simple phénomène naturel, qu’il y reconnaisse la main du juge de toute la terre.
La destruction de Sodome et de Gomorrhe est restée pour Israël le type des jugements de Dieu. Comparez Deutéronome 29.23 ; Esaïe 1.9 ; Osée 11.8 ; Amos 4.11, etc.

Verset 20
Le cri. Tout crime commis sur la terre crie vers le ciel jusqu’à ce qu’il soit vengé. Comparez 4.10.

Verset 21
Je veux descendre. Ce mot ne doit pas se prendre ici dans le même sens que 11.5, 7 (descendre du ciel). Il s’agit de descendre de la montagne dans la plaine où sont les villes criminelles.
Arrivé au comble. L’Eternel punit quand la mesure déborde, c’est-à-dire quand il n’y a plus d’espoir d’amélioration. Comparez 15.46.
Ou si cela n’est pas… Dieu veut éviter toute apparence de partialité ou de précipitation ; se soumettant aux règles de la procédure humaine, il consent à faire une enquête pour constater le crime. Cette enquête aura lieu par le fait même de l’entrée de ses deux envoyés dans Sodome et de la conduite des habitants de la ville à leur égard.

Verset 22
22-33
L’intercession d’Abraham.
L’Eternel descend à Sodome, mais seulement en la personne de ses envoyés. Lui-même reste avec Abraham, qui profite de ce moment pour lui adresser sa requête.

Verset 23
Abraham, sachant que les villes de la Plaine vont être détruites, pense à Lot, déjà délivré une fois (chapitre 14), et aux justes qui pourraient se trouver avec lui dans ces villes.
Il existe entre les membres d’un même peuple une solidarité en vertu de laquelle ou bien les justes doivent périr à cause des méchants, ou bien les méchants être préservés à cause des justes.

Verset 25
Celui qui juge toute la terre… Le juge suprême et sans appel doit être aussi le juge le plus équitable.

Verset 26
Tant qu’il y a encore un certain nombre de justes dans une ville, fussent-ils une infime minorité, ils détournent les jugements de Dieu, car l’Éternel, pour l’amour d’eux, épargne les pécheurs au milieu desquels ils vivent.

Verset 27
27-32
,. Chaque exaucement enhardit Abraham à présenter une nouvelle requête. On se demande pourquoi il s’arrête à dix. Peut-être parce que moins de dix personnes ne peuvent plus être envisagés comme une fraction de la nation ; elles ne forment plus qu’une famille qui, si elle existe, pourra être sauvée seule, sans que la nation en bénéficie. Il faut remarquer dans cette intercession, à côté d’une sainte hardiesse, un sentiment d’humilité qui devient de plus en plus profond à chaque acte nouveau de la condescendance divine.
Ce récit présente un intérêt tout particulier en ce qu’il nous montre Abraham agissant comme protecteur de ce pays qui lui avait été promis. Ce qu’il avait fait en remportant la victoire sur les rois ennemis lors de l’invasion de Kédorlaomer, il essaie de le faire de nouveau en intercédant auprès de Dieu.

Dimanche 4 novembre – commentaires de Marie Noëlle Thabut – premiere lecture: Deutéronome 6, 2 – 6

2 novembre, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 4 novembre : commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE : Deutéronome 6, 2 – 6

Moïse disait au peuple d’Israël :
2 « Tu craindras le SEIGNEUR ton Dieu.
 Tous les jours de ta vie,
 toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils,
 tu observeras tous ces commandements et ces ordres,
 que je te prescris aujourd’hui,
 et tu auras longue vie.
3 Israël, tu écouteras,
 tu veilleras à mettre en pratique
 ce qui t’apportera bonheur et fécondité,
 dans un pays où ruissellent le lait et le miel,
 comme te l’a promis le SEIGNEUR, le Dieu de tes pères.
4 Ecoute, Israël :
 le SEIGNEUR notre Dieu est l’Unique.
5 Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton coeur,
 de toute ton âme et de toute ta force.
6 Ces commandements que je te donne aujourd’hui
 resteront dans ton coeur. »

Voici l’un des grands textes de l’Ancien Testament ! Il joue un rôle très important actuellement dans la religion et la prière d’Israël. Le livre du Deutéronome lui-même figure parmi les premiers livres de nos Bibles actuelles, mais en réalité, c’est un livre tardif ; il est le résultat de toute la réflexion de plusieurs siècles après la sortie d’Egypte. Pour entrer vraiment dans ce texte, il faut connaître, (autant que faire se peut) l’histoire du livre du Deutéronome : avec Moïse et la sortie d’Egypte, nous sommes vers 1250 av.J.C. L’installation sur la terre Promise se situe vers 1200 ; les douze tribus se répartissent les lieux et vont conquérir leur territoire, chacune pour soi ; mais elles gardent le lien de leur foi commune dans le Dieu qui les a libérées d’Egypte. Moïse n’a rien mis par écrit de son vivant : on possède seulement les deux tables de la Loi en pierre ; mais on se répète ses enseignements, on se les transmet de père en fils, pendant des générations.
 Les siècles passant, on éprouvera le besoin de mettre les éléments les plus importants par écrit. Selon les lieux, ces documents qui prennent peu à peu naissance ont chacun leurs caractéristiques propres. Ce qui est écrit à la cour du roi Salomon au dixième siècle a d’autres accents que ce qui prend naissance, deux cents ans plus tard, au huitième siècle dans le royaume du Nord, là où retentissent des voix aussi exigeantes que celles des prophètes Amos ou Osée. C’est dans leur entourage qu’est né très probablement le noyau de ce qui est aujourd’hui le livre du Deutéronome. Au moment de la dévastation du royaume du Nord par les Assyriens, des lévites du Nord se réfugient à Jérusalem, emportant avec eux ce qu’ils ont de plus précieux, les rouleaux qui contiennent les enseignements de Moïse tels que les prophètes les leur ont transmis. Ils y ajouteront bientôt les leçons qu’ils ont tirées de la tragédie qui s’est abattue sur le Nord : si seulement leurs frères du Sud pouvaient écouter, eux, les enseignements de Moïse et des prophètes, ils ne feraient pas leur propre malheur, comme les autres.
 Plus tard, ces documents connaîtront encore bien des aventures : cachés dans le Temple de Jérusalem, sous le règne d’un roi sacrilège, ils seront retrouvés presque par hasard, en 622, sous le règne de Josias, le pieux. Lequel s’appuiera sur les enseignements de ce document pour lancer une grande réforme religieuse. Et puis, quand la catastrophe se sera abattue sur le royaume du Sud (Jérusalem est prise par Nabuchodonosor en 587), il sera temps d’en tirer aussi des leçons pour le retour de l’Exil : la Terre promise par Dieu se mérite. D’où l’insistance sur le mot « écouter » dans ce livre, dont les accents sont ceux d’une prédication, voire d’une sonnette d’alarme. Ainsi est né, probablement, au fil des siècles et de l’histoire mouvementée du peuple élu, ce livre du Deutéronome que nous avons sous les yeux ; (dont le nom, en grec, veut dire « Deuxième loi », puisque c’est, en quelque sorte une deuxième expression des enseignements de Moïse).
 Mais nous en savons assez maintenant pour comprendre le texte d’aujourd’hui. Il s’agit donc d’une relecture de l’Exode et des enseignements de Moïse, bien après la mort de celui-ci, au moment où il faut rappeler de toute urgence au royaume du Sud les exigences de l’Alliance et la conversion en profondeur qui s’impose : « lsraël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité… comme te l’a promis le SEIGNEUR, le Dieu de tes pères. Ecoute lsraël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique. »
 Tout le destin d’Israël est là, peut-être, dans la juxtaposition de ces deux mots (« Ecoute » et « Israël ») : Israël, le peuple élu, mais qui tient son nom d’un combat mémorable, si vous vous souvenez ! Car c’est après la nuit de son combat avec l’ange (au gué du Yabbok, un affluent du Jourdain en Jordanie actuelle) que Jacob a reçu de son adversaire ce nouveau nom « Israël », qui signifie précisément « celui qui a bagarré contre Dieu » ! « On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu l’as emporté ». (Gn 32, 29). C’est à ce peuple, toujours tenté de se dresser contre Dieu, de bagarrer avec Dieu (« peuple à la nuque raide », disait Moïse) que l’auteur du livre du Deutéronome rappelle qu’il faut au contraire « écouter » Dieu… C’est lui, justement, qui est sans cesse remis devant cette nécessité de se soumettre et d’écouter, s’il veut conquérir son bonheur et sa liberté.
 Cette phrase « Ecoute Israël, le SEIGNEUR notre Dieu est l’Unique » est devenue la prière quotidienne des Juifs. C’est le fameux « SHEMA ISRAEL » [1] qu’on récite matin et soir, dès l’âge de trois ou quatre ans. La suite du texte insiste pour qu’on n’oublie jamais cette profession de foi : voici les quelques versets qui suivent, et qui sont tellement beaux : « Les paroles que je te donne aujourd’hui seront présentes à ton coeur : tu les répéteras à tes fils ; tu les leur diras quand tu resteras chez toi et quand tu marcheras sur la route… Quand tu seras couché et quand tu seras debout… Tu en feras un signe attaché à ta main, tu en feras une marque placée entre tes yeux… Tu les inscriras sur les montants de porte de ta maison, tu les inscriras à l’entrée de ta ville. » Belle manière de dire que c’est à tout instant, au coeur de chacune de ses occupations que le croyant doit resté attaché de tout son être à ces commandements qui lui ont été donnés pour son bonheur.
 Ce signe à la main et sur le front et sur les portes des maisons et des villes, vous savez qu’il est respecté à la lettre ; vous connaissez ce qu’on appelle les « phylactères » (en hébreu, tefilines) : ces petits cubes de cuir noir, que le fidèle attache avec des lanières, sur le front et sur le bras (à la hauteur du cœur), pour la prière quotidienne ; dans ces petits cubes, justement, sont renfermés des rouleaux de papier où est inscrit, entre autres, le texte du « Shema Israël »[2]. (« Tu en feras un signe attaché à ta main, tu en feras une marque placée entre tes yeux »). De la même façon, le Deutéronome dit : « Tu les inscriras sur les montants de porte de ta maison, tu les inscriras à l’entrée de ta ville. » Alors on accroche au chambranle de la porte d’entrée de la maison un petit étui (mezouza) qui contient justement le Shema Israël ; même chose, il y a une mezouza accrochée à la porte de la ville (sur le mur d’enceinte de la vieille ville de Jérusalem par exemple). Ainsi, aujourd’hui encore, la fidélité du peuple élu s’inscrit dans sa pratique quotidienne. Israël n’a jamais oublié l’appel du Deutéronome.
 Au passage, on aura repéré l’importance de la transmission familiale de la foi : « Tu craindras le SEIGNEUR ton Dieu, tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils… » L’expression « le Dieu de tes pères » que l’on rencontre ici, comme dans de nombreux textes de l’Ancien Testament, évoque aussi cette transmission depuis des siècles. Il y a là certainement l’un des secrets de la survie de la foi juive à travers l’histoire.

 ***
Note

 [1] – Cette prière est devenue aussi importante pour les Juifs que le Notre Père l’est pour les Chrétiens. Si importante que le premier mot « Ecoute » et le dernier « Unique » sont en majuscules dans nos Bibles.

 [2] – Voici les références des textes reproduits dans les phylactères : Ex 13, 1-10 ; Ex 13, 11-16 ; Dt 6, 4-9 ; Dt 11, 13-21.

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