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LA TENTE SYMBOLES BIBLIQUES PUBLIÉ DANS: CONNAÎTRE LA BIBLE

27 mai, 2019

https://www.paoline.it/blog/bibbia/2564-la-tenda.html

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Maquette du tabernacle transportable, reconstruit dans le parc israélien de Timna

(traduction google de l’italien)

LA TENTE SYMBOLES BIBLIQUES PUBLIÉ DANS: CONNAÎTRE LA BIBLE

écrit par Filippa Castronovo le 28 décembre 2018

Il y a plus de trois cents références à la tente dans la Bible. La tente représente symboliquement: la maison, la richesse, la sécurité, la confiance, la joie d’être avec le Seigneur. Pour l’évangéliste Jean, la tente symbolise la venue de Jésus au milieu de nous (Jn 1,14). Il y a plus de trois cents références à la tente dans la Bible. La tente, dans la « maison de la steppe » akkadienne, est la « richesse en logement » du berger qui, contraint de déménager pour faire paître son troupeau, a pris la tente avec lui, en tant que maison mobile. Le premier berger est Jabal « le père de ceux qui vivent dans des tentes près du bétail » (Gn 4,20). Les patriarches, Abraham, Isaac et Jacob sont des bergers qui marchent avec leur troupeau, creusent des puits et s’abritent du froid et du froid sous les tentes (voir Gen 12: 8; 13, 3 à 18; 25, 27, 26, 26). 17). La Lettre aux Hébreux leur rappelle ceux qui vivaient « dans une région étrangère, habitant sous des tentes » (voir He 11, 8-10). La tente pour les nomades était un lieu de rencontre et d’accueil pour les voyageurs. L’image d’Abraham, image de paix et d’hospitalité, est significative (Gen 18,1-2). La tente du refuge des bergers nomades devient un « lieu symbolique » de la présence de Dieu qui marche avec son peuple: « Le Seigneur dit à Moïse: » Les Israélites me consacreront un lieu spécial, ainsi je demeurerai au milieu d’eux. tente et objets de culte identiques au modèle que je vais vous montrer «  » (Ex 25: 1,8-9). Cette tente, également connue sous le nom de « Tabernacle », contenait l’arche de l’alliance et était le lieu où le Seigneur avait consulté (Ex 33.7-11). Et il s’est déplacé avec les gens, marquant les étapes de son voyage (Ex 40.37-38). Le prophète Nathan au roi David, qui veut construire une « maison » pour Dieu, c’est-à-dire un temple de briques, se souvient que son Dieu, ayant fait sortir le peuple d’Égypte, marchait avec lui, errant sous une tente (voir 2 Sam 7, 4-7). Le Seigneur n’aime pas être limité dans un espace sacré mais veut être présent dans l’histoire. L’image de la tente décrit la joie du croyant d’être avec le Seigneur: « J’aimerais vivre dans votre tente pour toujours, me réfugier à l’ombre de vos ailes » (Psaume 61.5). La tente est un symbole du peuple d’Israël que Dieu fera grand (Is 54: 2), ainsi que de la fragilité humaine: « Ma tente est sur le point d’être déracinée, jetée comme une tente de berger » (voir Is 38, 12). ). Le prologue de l’évangile de Jean interprète la venue de Jésus parmi nous avec le symbolisme de la tente: « Le Verbe s’est fait chair et il a dressé sa tente parmi nous » (Jn 1, 14). C’est-à-dire que Jésus, l’Emmanuel, Dieu avec nous, en tant que Dieu dans l’AT, parcourt notre histoire pour la remplir de vie. Jésus au milieu de nous est la vraie Sagesse dont il est dit: « Fixez la tente à Jacob et prenez l’héritage en Israël » (Sir 24,8). Savoir Saint Paul, dans le symbole de la tente, lit la vie humaine comme un chemin menant au définitif, mais passant par la mort: « Lorsque notre demeure terrestre, qui est comme une tente, sera détruite, nous recevrons de Dieu une demeure, une demeure non bâtie. des mains de l’homme, éternel dans les cieux « (2 Cor 5: 1). Lors de la fête juive de Souccot, ou fête des Tabernacles, le symbole par excellence est la hutte, construite pour commémorer les 40 années passées dans le désert sous les tentes par le peuple israélien sorti d’Egypte.

MON BIEN-AIMÉ EST À MOI ET JE SUIS À LUI – GIANFRANCO RAVASI

6 septembre, 2018

http://www.osservatoreromano.va/fr/news/mon-bien-aime-est-moi-et-je-suis-lui

imm fr le cantique de cantiques

Cantique de Cantiques, Chagall

MON BIEN-AIMÉ EST À MOI ET JE SUIS À LUI – GIANFRANCO RAVASI

· Le livre où Dieu parle la langue des amoureux ·

2 juin 2014

« Il n’y a rien de plus beau que le Cantique des cantiques » : ces mots sont ceux d’un des personnages de L’Homme sans qualité, la chef-d’œuvre de Robert Musil, l’écrivain autrichien mort en 1942, grand témoin de la crise européenne du XXe siècle. Ils expriment l’admiration sans condition dont a joui ce court livre biblique de seulement 1250 mots en hébreu. Un petit poème qui a légitimement mérité le titre de Shir hasshirim, Cantique des cantiques, une manière sémitique pour exprimer le superlatif : le « cantique » par excellence, le « chant sublime » de l’amour et de la vie.
Le plus grand théologien protestant du XXe siècle, Karl Barth, n’avait pas hésité à définir ce texte « la magna charta de l’humanité». Pourtant cette « charta » de notre essence d’hommes capables d’aimer, de jouir mais aussi de souffrir, n’a pas toujours été lue de façon uniforme parce que ses nuances sont aussi multiples et variées que celles d’une pierre précieuse. Il semble bien qu’ait raison ici un ancien rabbin, Saadia ben Joseph (882-942), qui comparaît le Cantique à une serrure dont la clé a été perdue : pour l’ouvrir il faut multiplier les tentatives.
La clé indispensable pour entrouvrir cet écrin est toutefois, comme c’est souvent le cas, la plus immédiate. Pour comprendre le sens fondamental de ce livre où Dieu parle le langage des amoureux, il est nécessaire d’utiliser la clé de ses paroles poétiques, c’est-à-dire de ce que jadis l’on appelait le sens littéral. En effet, l’œuvre réunit le dialogue joyeux de deux personnes qui s’aiment qui s’appellent à 31 reprises dodî, « mon aimé », un surnom très semblable à ces petits-noms que se forgent secrètement les amoureux pour s’interpeler.
Dans le Cantique la femme et l’homme trouvent toute la fraîcheur et l’intensité d’une relation qu’eux-mêmes vivent et expérimentent à travers le miracle éternel de l’amour. C’est une relation intime et personnelle, construite sur les pronoms personnels et sur les possessifs de première et deuxième personnes : « mon/ton », « je /tu ». La formule spirituelle et « musicale » du Cantique est dans cette fulgurante exclamation de la femme :dodî lî wa’anî lô, «mon aimé est à moi et je suis à lui» (2, 16). une exclamation réitérée et variée en 6, 3: ’anî ledodîwedodî lî, «je suis à mon aimé et mon aimé est à moi». C’est la formule de pure réciprocité, de la mutuelle appartenance, du don réciproque et sans réserve.
Cette parfaite intimité passe par trois degrés. Elle connaît la bipolarité sexuelle qui est vue comme « image » de Dieu et réalité « très bonne/belle », selon la Genèse (1, 27 et 31), c’est-à-dire représentation vivante du Créateur à travers la capacité générative et d’amour du couple. Mais la sexualité toute seule est purement physique. L’homme peut monter à un degré supérieur en percevant dans le sexe l’eros, c’est-à-dire la fascination pour la beauté, l’esthétique du corps, l’harmonie de la créature, la tendresse des sentiments. Mais avec l’eros, les deux êtres restent encore un peu « objet », extérieurs l’un à l’autre
Ce n’est qu’avec la troisième étape, celle de l’amour, que naît la communion humaine pleine qui éclaire et transfigure sexualité et eros. Et seuls la femme et l’homme parmi tous les êtres vivants peuvent parcourir toutes ces étapes en parvenant à la perfection de l’intimité, du dialogue, de la donation d’amour total.
Le premier plan de lecture que nous devons adopter pour parcourir cette partition poétique enchanteresse est donc nuptiale, naturellement avec toutes les couleurs et tous les symboles de l’orient. En 1873 le consul de Prusse à Damas, Johann Gottfried Wetzstein, avait tenté de confronter les cérémonies nuptiales des bédouins et des paysans syriens avec celles qui sont citées dans le Cantique : fêtes de sept jours, couronnement de l’époux et de l’épouse avec le titre de roi et reine (dans le Cantique l’aimé est parfois identifié avec le roi Salomon) ; la table nuptiale dit le « trône », la danse des « deux chœurs» (cf. 7, 1), les hymnes décrivant la beauté physique de l’épouse et la puissance de l’époux.
Dans le Cantique est donc en scène l’amour tendre, « printanier », présent non seulement dans le beau couple de deux jeunes amoureux mais, pourrions-nous dire, également de la tendresse inchangée d’un couple ancien encore amoureux. Un primat va toutefois à la féminité parce que dans le Cantique, la femme a davantage un rôle de premier plan que l’homme, malgré le machisme très profond de l’orient dont l’œuvre provient.
Pour notre thème, l’attention réservée au visage des deux amoureux est significative. Certes, tout le corps – entendu comme signe de communication – est impliqué dans le poème : il y a les bras, la main et les doigts, le cœur, les seins, le ventre, les flancs, le nombril, les jambes, les pieds, les caresses, la peau sombre. Mais le visage est central, décrit sous tous ses traits : du sommet du crâne au cou, des joues aux yeux, de la bouche aux lèvres, du palais aux dents, des fins cheveux aux boucles. Le visage est le signe le plus vivant et authentique du dialogue, de la rencontre, de la communion de vie, de pensée et de sentiment.
Le Cantique est ensuite un hymne continu à la joie de vivre : quand le ciel est bouché par les nuages – écrivait Paul Claudel – la surface d’un lac est plate et métallique ; quand brille le soleil elle se transforme en un miroir admirable des couleurs du ciel et de la terre. En effet, il en est ainsi de la vie de l’homme lorsque vient l’amour : le panorama est toujours le même, le travail est toujours monotone et aliénant, les villes anonymes et froides, les jours identiques l’un à l’autre ; pourtant l’amour transfigure tout et alors on aime et on voit tout avec des yeux différents parce que l’homme sait que le soir il retrouvera sa femme.
L’amour humain, toutefois, connaît aussi la crise, l’absence, la peur, le silence, la solitude. Il y a dans le Cantique deux scènes nocturnes (3, 1-5 et 5, 2 – 6, 3) pleines de tension où l’homme et sa femme sont éloignés et se cherchent désespérément sans se trouver. Le sommet du poème biblique est en 8, 6 où sont mis en tension dialectique l’amour et la mort : « Car l’amour est fort comme la Mort, / la passion inflexible comme le Shéol. / Ses traits sont des traits de feu, / une flamme du Seigneur » (curieusement c’est le seul vers du Cantique où résonne le nom divin de Jah/Jhwh). Dans ce duel extrême le poète sacré est certain que l’amour doive prévaloir, comme Dieu est le vainqueur de la mort et du mal.
Le Cantique est donc avant tout la célébration de l’amour humain et du mariage. Toutefois, dans cet amour le poète biblique entrevoit presque la semence de l’amour éternel et parfait que Dieu voue à sa créature. N’oublions pas en effet que déjà le prophète Osée au VIIIe siècle avant l’ère chrétienne, avait utilisé sa dramatique expérience matrimoniale et familiale en la transformant en une parabole de l’amour de Dieu pour son peuple Israël (Osée, 1-3). Cette transmutation thématico-symbolique apparaît implicitement aussi dans le Cantique.
De l’intérieur de l’amour humain – et sans l’ignorer, comme cela a été fait en revanche dans la soi-disant lecture « allégorique » qui a réduit le Cantique à une larve spiritualisante – il faut saisir un signe supplémentaire, celui de l’amour transcendant de Dieu pour sa créature. C’est le second niveau interprétatif à travers lequel le cantique est devenu également le texte de la mystique chrétienne : il suffit de citer les Pensées sur l’amour de Dieu de sainte Thérèse d’Avila et ce chef-d’œuvre littéraire et mystique qu’est le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix, qui sont nourris du Cantique des cantiques.
La représentation plastique la plus célèbre de cet entrelacs spirituel est peut-être l’Extase de sainte Thérèse du Bernin dans l’église romaine Santa Maria della Vittoria: un ange lance la flèche de l’amour divin vers la sainte qui est plongée dans une extase physique et intérieure d’une très grande intensité, spirituelle et sensuelle. La vierge aimante s’abandonne à Dieu à travers un amour incandescent qui pénètre tout l’être, même physique.
C’est d’ailleurs un fil thématique qui parcourt toute la Bible : outre les chapitres 1-3 du prophète Osée déjà cités, il faut lire le chapitre 16 du prophète Ezéchiel, certaines pages d’une grande tendresse chez Isaïe (54, 1-8 et 61, 10-62, 5), tout comme l’appel de Paul aux Ephésiens : « De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme c’est s’aimer soi-même. Car nul n’a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C’est justement ce que le Christ fait pour l’Eglise : ne sommes-nous pas les membres de son Corps ? Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise!» (5, 28-32).
Mais dans la Bible, le texte qui fait le plus resplendir la merveille de l’amour humain et sa valeur de signe théologique est justement le Cantique. Dieu, en effet, comme l’enseigne la première lettre de saint Jean, « est amour ». Un ancien texte judaïque commentait ainsi le voyage d’Israël dans le désert du Sinaï : « Le Seigneur vint du Sinaï pour accueillir Israël comme un fiancé va au-devant de sa fiancée, comme un époux embrasse son épouse ».
Le Cantique doit donc accompagner les amoureux dans les étapes obscures et sereines, dans le rire et dans les larmes de cette étonnante aventure qu’est leur amour. Mais le Cantique estdans sa destination finale la figure suprême de l’amour entre Dieu et sa créature, si bien qu’il devient un texte capital surtout pour tous les croyants. Ainsi avait raison le grand écrivain chrétien du IIIe siècle Origène d’Alexandrie quand il écrivait : « Bienheureux qui comprend et chante les cantiques des Saintes Ecritures ! Mais plus bienheureux encore qui chante et comprend le Cantique des cantiques !». 

 

ESAÏE 55:10-11: DIEU SE RÉVÈLE PAR SA PAROLE -

26 février, 2018

http://jbesset.blogspot.it/2011/06/esaie-5510-11-dieu-se-revele-par-sa.html

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citations bibliques

ESAÏE 55:10-11: DIEU SE RÉVÈLE PAR SA PAROLE -

dimanche 10 juillet 2011

10 Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y reviennent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et fait germer, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui a faim,
11 ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche : elle ne revient pas à moi sans effet, sans avoir fait ce que je désire, sans avoir réalisé ce pour quoi je l’ai envoyée.

Combien sont-ils, ceux qui cherchent Dieu ? Et quand ils croient l’avoir trouvé, sont-ils sûrs que c’est celui que Jésus appelé son Père qu’ils ont trouvé ? Nous nous interrogeons ainsi, bien que nous sachions que si c’est nous qui cherchons Dieu, c’est quand même lui qui vient vers nous et qui nous trouve. Pourtant nous ne pouvons pas nous empêcher de le chercher dans toutes les directions où portent nos regards.
N’est-il pas possible d’avoir l’intuition de Dieu en contemplant la création avec tout ce qu’il y a de beau et d’infini en elle ? Avec les poètes, comment ne pas s’émerveiller de tant d’harmonie et comment ne pas imaginer que derrière tout cela il y a un architecte de génie qui serait Dieu ? Même si on cherche à s’absorber en Dieu par la contemplation de son œuvre de créateur, même si on laisse les émotions gouverner nos sens, même si on arrive à communier à ce mouvement général des choses qui élèvent l’âme, trouve-t-on dans cette quête de merveilleux et d’absolu la réponse à toutes ces questions qui concernent la destiné de l’homme et qui nous hantent ?. C’est là en effet le seul intérêt que nous avons à chercher Dieu, si ce n’est d’en savoir plus sur la destiné de l’homme.
Notre question lancinante et impérieuse est de savoir s’il peut jouer un rôle dans la manière dont nous orientons notre existence. Pour répondre à cette interrogation la Bible nous suggère une autre piste de recherche. Selon elle, c’est par sa Parole que Dieu se manifeste aux hommes et se révèle à eux comme le Dieu en qui Jésus reconnaissait son Père. Pour connaître Dieu, il nous faut donc apprendre à l’écouter.
C’est sans doute en constatant que Dieu leur parle que les hommes réalisent la présence de Dieu à côté d’eux. Il est suffisamment proche pour se tenir à portée de voix.. Il s’exprime avec leurs mots, il vient habiter leurs pensées, il leur suggère des chemins à suivre. C’est ainsi qu’il se rend présent dans leur vie. Il entre ainsi en relation avec les hommes qui peuvent reconnaître sa voix quand il vient les visiter.
Mais la voix de Dieu n’est pas audible comme le serait une voix humaine. Elle est perceptible par les hommes quand ceux-ci découvrent au fond d’eux-mêmes des idées qui leur sont étrangères tant par leur audace que par leur contenu. Elles les poussent vers les autres et les détournent d’eux-mêmes, elles accréditent en eux des idées généreuses qui a priori leur paraissent sans fondement.
« Va libérer mon peuple » entend ce rescapé des eaux devenu prince d’Egypte. Après avoir échappé aux crocodiles et alors qu’il coule désormais une vie douce et paisible à la cour, il sent vibrer en lui comme une intuition qui le pousse à s’intéresser aux esclaves dont il est peut être le frère et dont il est devenu en quelque sorte le maître. Comment une telle idée a-t-elle pu lui traverser l’esprit ?
Telle est l’intuition de base à partir de laquelle les prophètes d’Israël se sont attachés à rendre compte de la réalité de Dieu. Il se révèle aux hommes non pas comme le Dieu Tout Puissant, Créateur de l’univers et de tout ce qu’il contient mais comme un visiteur qui vient stimuler ce qu’il y a de meilleur en eux. Il se propose de créer en eux un dynamisme suffisant pour qu’ils mettent en œuvre des projets de vie capables d’améliorer l’existence des autres. Cette expérience qui fut celle de Moïse sera aussi l’expérience de tous les inspirés qui prétendent avoir perçu une révélation de Dieu. Elle sera aussi la nôtre.
Quand Dieu parle, les idées qu’il suggère jaillissent au cœur de l’inconscient de ceux auxquels il s’adresse. Ils ne se reconnaissent pas forcément dans ces idées et les récusent avant même qu’elles aient été clairement formulées. N’est-ce pas là la preuve que ces idées ne viennent pas d’eux ? Mais, ces idées les hantent au point qu’ils doivent chercher à les satisfaire pour mieux les faire taire.
Certainement on va me rétorquer que je m’aventure un peu à la légère dans les mystères de l’inconscient et que bien d’autres mobiles que la voix de Dieu peuvent intervenir pour provoquer en nous des idées dont nous avons du mal à reconnaître la paternité. C’est vrai, mais il n’empêche que c’est apparemment comme cela que les choses fonctionnent. Dieu se sert de tous les canaux possibles pour venir jusqu’à nous et faire entendre en nous le son de sa voix qui suggère des projets qui nous seraient a priori étrangers.
L’exemple le plus caractéristique de cette manière de se révéler de la part de Dieu est bien évidemment l’aventure de Moïse que nous avons évoquée. Cette idée lui prendra toute sa vie pour se réaliser, elle nécessitera plusieurs échecs avant de s’accomplir – meurtre d’un garde égyptien, fuite à travers le désert , rencontre de la belle Séphora et installation de Moïse dans la vie d’un paisible nomade, rappel de Dieu au buisson ardent, retour en Egypte et affrontement avec le pharaon… c’est enfin au désert, à la veille d’entrer dans la terre promise où il n’entrera pas, que Moïse comprit que Dieu lui avait vraiment parlé, c’est d’alors dans un face à face bouleversant qu’il rendit à Dieu son esprit.
Le lecteur attentif de la Bible va bien vite rappeler à l’ordre le prédicateur que je suis. Il va lui rappeler que la Bible commence par le Livre de la Genèse et non celui de l’Exode et que dans ces récits du commencement, sont évoqués les merveilles de la création à partir desquels le texte nous invite à admirer Dieu comme le Créateur de talent qu’il est. Il nous y est raconté que Dieu créa avec passion le ciel et la terre, les étoiles, les astres et le firmament, les ondes mugissantes et l’immensité des plaines et des vallons ou gambadent et paissent paisiblement toutes sortes d’animaux.
Il aura bien raison de le faire. Cependant deux remarques s’imposent. La première c’est que malgré leur position au début de la Bible ces textes ont été écrits très tardivement. La deuxième, c’est que malgré leur intention de magnifier la toute puissance créatrice de Dieu, l’agent créateur reste quand même sa Parole.
Les textes sur Moïse ne font pas partie non plus des textes les plus anciens de la Bible, mais eux aussi insistent, nous l’avons vu, sur le rôle de la parole de Dieu. Même dans les textes qui insistent sur la magnificence de Dieu face à la grandeur de la nature, c’est quand même la parole de Dieu qui prend la priorité.
Le texte d’Esaïe qu’il nous est donné de méditer aujourd’hui, est un texte très ancien ( 7 eme siècle av JC ?) mais déjà la Parole de Dieu y est mise en évidence comme révélatrice de Dieu. La parole de Dieu, quand elle s’exprime ne transforme pas celui qui la reçoit en un privilégié. Elle en fait un acteur ou un vulgarisateur. Elle s’adresse à lui pour qu’il agisse. Il découvre bien vite que Dieu veut être connu comme celui qui libère. Revenons à l’histoire de Moïse que nous avons déjà évoquée.
Après avoir raconté comment Moïse a finalement réussi dans son entreprise de libération, la Bible nous donne les Dix Commandements. Ils sont présentés comme la conclusion de cette aventure et semblent avoir pour but d’établir les critères qui permettront d’identifier les exigences de la parole de Dieu. Nous y découvrons que Dieu veut faire de nous, par sa parole des agents de libération. Dans la première table nous trouvons ce qui concerne Dieu et le rôle qu’il attend de nous à son égard. Dans la deuxième table nous y découvrons quels sont les égards que chacun doit avoir pour son prochain. Nous sommes invités à le respecter en le libérant de tout ce qui l’opprime, en particulier des méfaits que nous pouvons lui faire subir.
En conclusion, et à la suite des paroles du prophète Esaïe, nous découvrons que la Parole de Dieu se reconnaît non pas quand elle a été proférée et identifiée comme telle, mais quand elle a été mise en œuvre par celui à qui elle a été adressée et qu’elle a porté ses fruits. Ainsi la voix de Dieu qui a invité Moïse à libérer son peuple ne sera réellement identifiée comme telle, seulement quand le peuple aura été effectivement libéré. C’est ce que nous avons déjà souligné à propos de sa mort.
Jésus n’a pas cherché à nous dire autre chose sur Dieu. Il a présenté son Evangile comme un long dialogue ente lui et Dieu son Père. Lui-même ne se désigne comme Fils de Dieu que parce qu’il a mis en œuvre cette action libératrice de la parole qui révèle la réalité de Dieu. Elle devient réellement effective quand elle s’accomplit. La libération ultime apportée par Jésus est celle de notre mort. Elle ne prend vraiment son effet qu’au matin de Pâques lors de la résurrection par laquelle tout est accompli.

Publié par Jean à 06:27
Libellés : sermon

JEAN-PAUL II – LA «PATERNITÉ» DE DIEU DANS L’ANCIEN TESTAMENT

20 février, 2018

https://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/1999/documents/hf_jp-ii_aud_20011999.html

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La tendresse de Dieu le Père

JEAN-PAUL II – LA «PATERNITÉ» DE DIEU DANS L’ANCIEN TESTAMENT

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 20 janvier 1999

Lecture: Ps 139 [138], 1-2;13-16

Chers Frères et Sœurs,

1. Le peuple d’Israël – comme nous l’avons déjà mentionné dans la dernière catéchèse – a fait l’expérience de Dieu comme père. Comme tous les autres peuples, il a reconnu en lui les sentiments paternels tirés de l’expérience traditionnelle d’un père terrestre. Il a surtout saisi en Dieu une attitude particulièrement paternelle, en partant de la connaissance directe de son action salvifique particulière (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 238).
Du premier point de vue, celui de l’expérience humaine universelle, Israël a reconnu la paternité divine à partir de l’émerveillement devant la création et le renouvellement de la vie. Le miracle d’un enfant qui se forme dans le sein maternel n’est pas explicable sans l’intervention de Dieu, comme le rap- pelle le Psalmiste: «C’est toi qui m’as formé les reins, qui m’as tissé au ventre de ma mère…» (Ps 139 [138], 13). Israël a également pu voir un père en Dieu par analogie avec certains personnages qui remplissaient une charge publique, en particulier religieuse, et qui étaient considérés comme des pères: c’est le cas des prêtres (cf. Jg 17, 10; 18- 19; Gn 48, 8) ou des prophètes (cf. 2 R 2, 12). En outre, on comprend bien comment le respect que la société israélite demandait à l’égard du père et des parents poussait à voir en Dieu un père exigeant. En effet, la législation mosaïque est très sévère à l’égard des fils qui ne respectent pas leurs parents, jusqu’à prévoir la peine de mort pour celui qui frappe ou ne serait-ce que maudit son père ou sa mère (Ex 21, 15.17).
2. Mais au delà de cette représentation suggérée par l’expérience humaine, mûrit en Israël une image plus spécifique de la paternité divine à partir des interventions salivifiques de Dieu. En le sauvant de l’esclavage d’Egypte, Dieu appelle Israël à entrer dans une relation d’alliance avec lui et même à se considérer comme son premier-né. Dieu démontre ainsi qu’il est père d’une manière singulière, comme il ressort des paroles qu’il adresse à Moïse: «Alors tu diras à Pharaon: Ainsi parle Yahvé: mon fils premier-né, c’est Israël» (Ex 4, 22). A l’heure du désespoir, ce peuple- fils pourra se permettre d’invoquer le Père céleste avec le même titre privilégié, afin qu’il renouvelle encore le pro- dige de l’exode: «Aie pitié, Seigneur, du peuple appelé de ton nom, d’Israël dont tu as fait un premier-né» (Si 36, 11). En vertu de cette situation, Israël est tenu d’observer une loi qui le distingue des autres peuples, auxquels il doit témoigner la paternité divine dont il jouit d’une manière particulière. Le Deutéronome le souligne dans le contexte des engagements dérivant de l’alliance: «Vous êtes des fils pour Yahvé votre Dieu [...] Car tu es un peuple consacré à Yahvé ton Dieu et Yahvé t’a choisi pour être son peuple à lui parmi tous les peuples qui sont sur la terre» (Dt 14, 1sq.)
En n’observant pas la loi de Dieu, Israël agit en opposition avec sa condition filiale, ce qui lui vaut les reproches du Père céleste: «Tu oublies le rocher qui t’a mis au monde, tu ne te souviens plus du Dieu qui t’a engendré» (Dt 32, 18). Cette condition filiale concerne tous les membres du peuple d’Israël, mais elle est appliquée de façon particulière au descendant et successeur de David selon le célèbre oracle de Nathan, dans lequel Dieu dit: «Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils» (2 S 7, 14; 1 Ch 17, 13). Fondée sur cet oracle, la tradition messianique affirme une filiation divine du Messie. Dieu déclare au roi messia- nique: «Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré» (Ps 2, 7; cf. 110 [109], 3).
3. La paternité divine à l’égard d’Israël est caractérisée par un amour intense, constant et plein de compassion. Malgré les infidélités du peuple, et les menaces de châtiment qui s’ensuivent, Dieu se révèle incapable de renoncer à son amour. Et il l’exprime en ter- mes de profonde tendresse, même lorsqu’il est obligé de se plaindre du manque de correspondance de ses fils: «Et moi j’avais appris à marcher à Ephraïm, je le prenais par les bras, et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux! Je les menais avec des atta- ches humaines, j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m’inclinais vers lui et le faisais manger [...] Comment t’abandonnerais-je, Ephraïm, te livre- rais-je, Israël? [...] Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent» (Os 11, 3sq. 8; cf. Jr 31, 20). Le reproche lui-même devient l’ex- pression d’un amour de prédilection, comme l’explique le Livre des Proverbes: «Ne méprise pas, mon fils, la correction de Yahvé, et ne prend pas mal sa réprimande, car Yahvé reprend celui qu’il aime, comme un père le fils qu’il chérit» (Pr 3, 11-12).
4. Une paternité aussi divine et dans le même temps aussi «humaine» dans les manières dont elle s’exprime, revêt également les caractéristiques que l’on attribue d’habitude à l’amour maternel. Même si elles sont rares, les images de l’Ancien Testament dans lesquelles Dieu est comparé à une mère sont extrêmement significatives. On peut lire par exemple dans le livre d’Isaïe: «Sion avait dit: « Yahvé m’a abandonnée; le Seigneur m’a oubliée ». Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas» (Is 49, 14-15). Et aussi: «Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai» (Is 66, 13).
L’attitude divine envers Israël se manifeste ainsi également sous des traits maternels, qui en expriment la tendresse et la bienveillance (cf. CEC, n. 239). Cet amour, que Dieu répand avec tant d’abondance sur son peuple, fait exulter le vieux Tobie et lui fait proclamer: «Célébrez-le en face des nations, vous, enfants d’Israël! Car il vous a dispersés parmi elles, c’est là qu’il vous a montré sa grandeur. Exaltez-le en face de tous les vivants, c’est lui notre Seigneur, c’est lui notre Dieu, c’est lui notre Père et il est Dieu dans tous les siècles! (Tb 13, 3-4). Salut en langue française Chers frères et sœurs, Le peuple d’Israël a reconnu la paternité de Dieu à partir de l’émerveillement devant la création, du renouvellement de la vie et spécialement du miracle de la naissance d’un enfant. Il a aussi l’expérience de cette paternité à travers les interventions salvifiques de Dieu. Au moment de la libération d’Egypte, Dieu va même jusqu’à considérer Israël comme son premier-né. Une telle paternité, qui s’exerce en faveur d’Israël, est caractérisée par un amour intense, constant et rempli de compassion. Malgré les infidélités du peuple et les menaces de châtiment, Dieu se révèle incapable de renoncer à son amour. A la fois divine et «humaine» dans ses manières de s’exprimer, cette paternité revêt les caractéristiques habituellement attribuées à l’amour d’une mère qui n’oublie jamais son enfant (cf. Is 66, 13). L’amour que Dieu répand avec abondance sur son peuple fait exulter le vieux Tobie: «Exaltez-le en face de tous les vivants; c’est lui notre Seigneur, c’est lui notre Dieu, c’est lui notre Père, et il est Dieu dans tous les siècles! (Tb 13, 3-4).

BENOÎT XVI – « JE CROIS EN DIEU » (Abraham – le chapitre 11 de la Lettre aux Hébreux)

26 juin, 2017

https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2013/documents/hf_ben-xvi_aud_20130123.html

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BENOÎT XVI – « JE CROIS EN DIEU » (Abraham – le chapitre 11 de la Lettre aux Hébreux)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 23 janvier 2013

Chers frères et sœurs,

En cette Année de la foi, je voudrais aujourd’hui commencer à réfléchir avec vous sur le Credo, c’est-à-dire sur la profession de foi solennelle qui accompagne notre vie de croyants. Le Credo commence ainsi : « Je crois en Dieu ». C’est une affirmation fondamentale, apparemment simple dans son caractère essentiel, mais qui ouvre au monde infini de la relation avec le Seigneur et avec son mystère. Croire en Dieu implique l’adhésion à Lui, l’accueil de sa Parole et l’obéissance joyeuse à sa révélation. Comme l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique, « la foi est un acte personnel : la réponse libre de l’homme à l’initiative de Dieu qui se révèle » (n. 166). Pouvoir dire que l’on croit en Dieu est donc à la fois un don — Dieu se révèle, va à notre rencontre — et un engagement, c’est une grâce divine et une responsabilité humaine, dans une expérience de dialogue avec Dieu qui, par amour, « parle aux hommes comme à des amis » (Dei verbum, n. 2), nous parle afin que, dans la foi et avec la foi, nous puissions entrer en communion avec Lui.
Où pouvons-nous écouter Dieu et sa parole ? C’est fondamentalement dans l’Écriture Sainte, où la Parole de Dieu devient audible pour nous et alimente notre vie d’« amis » de Dieu. Toute la Bible raconte la révélation de Dieu à l’humanité ; toute la Bible parle de foi et nous enseigne la foi en racontant une histoire dans laquelle Dieu conduit son projet de rédemption et se fait proche de nous les hommes, à travers de nombreuses figures lumineuses de personnes qui croient en Lui et qui se confient à Lui, jusqu’à la plénitude de la révélation dans le Seigneur Jésus.
À cet égard, le chapitre 11 de la Lettre aux Hébreux, que nous venons d’écouter, est très beau. On y parle de la foi et les grandes figures bibliques qui l’ont vécue sont mises en lumière, devenant un modèle pour tous les croyants. Dans le premier verset, le texte dit : « La foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (11, 1). Les yeux de la foi sont donc capables de voir l’invisible et le cœur du croyant peut espérer au-delà de toute espérance, précisément comme Abraham, dont Paul dit dans la Lettre aux Romains qu’« espérant contre toute espérance, il a cru » (4, 18).
Et c’est précisément sur Abraham que je voudrais m’arrêter et arrêter notre attention, car c’est lui qui est la première grande figure de référence pour parler de foi en Dieu : Abraham le grand patriarche, modèle exemplaire, père de tous les croyants (cf. Rm 4, 11-12). La Lettre aux Hébreux le présente ainsi : « Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu: il partit vers un pays qui devait lui être donné comme héritage. Et il partit sans savoir où il allait. Grâce à la foi, il vint séjourner comme étranger dans la Terre promise ; c’est dans un campement qu’il vivait, ainsi qu’Isaac et Jacob, héritiers de la même promesse que lui, car il attendait la cité qui aurait de vraies fondations, celle dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte » (11, 8-10).
L’auteur de la Lettre aux Hébreux fait ici référence à l’appel d’Abraham, raconté dans le Livre de la Genèse, le premier livre de la Bible. Que demande Dieu à ce patriarche ? Il lui demande de partir en abandonnant sa terre pour aller vers le pays qu’il lui indiquera. « Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai » (Gn 12, 1). Comment aurions-nous répondu, nous, à une semblable invitation ? Il s’agit en effet d’un départ à l’aveugle, sans savoir où Dieu le conduira ; c’est un chemin qui demande une obéissance et une confiance radicales, auxquelles seule la foi permet d’accéder. Mais l’obscurité de l’inconnu — où Abraham doit aller — est éclairé par la lumière d’une promesse ; Dieu ajoute à son ordre une parole rassurante qui ouvre devant Abraham un avenir de vie en plénitude : « Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom… En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12, 2.3).
La bénédiction, dans la Sainte Écriture, est liée avant tout au don de la vie qui vient de Dieu et se manifeste tout d’abord dans la fécondité, dans une vie qui se multiplie, passant de génération en génération. Et à la bénédiction est liée aussi l’expérience de la possession d’une terre, d’un lieu stable où vivre et grandir en liberté et en sécurité, en craignant Dieu et en construisant une société d’hommes fidèles à l’Alliance, « un royaume de prêtres, une nation sainte » (cf. Ex 19, 6).
C’est pourquoi Abraham, dans le projet divin est destiné à devenir « le père d’un grand nombre de peuples » (Gn 17, 5 ; cf. Rm 4, 17-18) et à entrer dans une nouvelle terre où habiter. Pourtant Sara, sa femme, est stérile, elle ne peut avoir d’enfants ; et le pays vers lequel Dieu le conduit est loin de sa terre d’origine, il est déjà habité par d’autres populations, et il ne lui appartiendra jamais vraiment. Le narrateur biblique le souligne, bien qu’avec une grande discrétion : lorsque Abraham arrive sur le lieu de la promesse de Dieu : « Les Cananéens étaient alors dans le pays » (Gn 12, 6). La terre que Dieu donne à Abraham ne lui appartient pas, il est un étranger et il le restera toujours, avec tout ce que cela comporte : ne pas avoir de visées de possession, sentir toujours sa propre pauvreté, tout voir comme un don. Cela est aussi la condition spirituelle de qui accepte de suivre le Seigneur, de qui décide de partir en accueillant son appel, sous le signe de sa bénédiction invisible mais puissante. Et Abraham, « père des croyants », accepte cet appel, dans la foi. Saint Paul écrit dans la Lettre aux Romains : « Espérant contre toute espérance, il a cru, et ainsi il est devenu le père d’un grand nombre de peuples, selon la parole du Seigneur: Vois quelle descendance tu auras ! Il n’a pas faibli dans la foi : cet homme presque centenaire savait bien que Sara et lui étaient trop vieux pour avoir des enfants ; mais, devant la promesse de Dieu, il ne tomba pas dans le doute et l’incrédulité : il trouva sa force dans la foi et rendit gloire à Dieu, car il était pleinement convaincu que Dieu a la puissance d’accomplir ce qu’il a promis » (Rm 4, 18-21).
La foi conduit Abraham à parcourir un chemin paradoxal. Il sera béni mais sans les signes visibles de la bénédiction : il reçoit la promesse de devenir un grand peuple, mais avec une vie marquée par la stérilité de sa femme Sara; il est conduit dans une nouvelle patrie mais il devra y vivre comme un étranger ; et l’unique possession de la terre qu’il lui sera consentie sera celle d’un lopin de terre pour y enterrer Sara (cf. Gn 23, 1-20). Abraham est béni parce que dans la foi, il sait discerner la bénédiction divine en allant au-delà des apparences, en ayant confiance dans la présence de Dieu même lorsque ses voies lui paraissent mystérieuses.
Que signifie cela pour nous ? Lorsque nous affirmons : « Je crois en Dieu », nous disons comme Abraham: « J’ai confiance en toi ; je m’abandonne à toi, Seigneur », mais pas comme à Quelqu’un à qui avoir recours uniquement dans les moments de difficulté ou à qui consacrer certains moments de la journée ou de la semaine. Dire « Je crois en Dieu » signifie fonder sur Lui ma vie, faire en sorte que sa Parole l’oriente chaque jour, dans les choix concrets, sans peur de perdre quelque chose de moi. Lorsque, dans le rite du baptême, on demande par trois fois : « Croyez-vous » en Dieu, en Jésus Christ, dans l’Esprit Saint, la Sainte Église catholique et les autres vérités de foi, la triple réponse est au singulier : « Je crois », parce que c’est mon existence personnelle qui doit être transformée avec le don de la foi, c’est mon existence qui doit changer, se convertir. Chaque fois que nous participons à un baptême, nous devrions nous demander comment nous vivons quotidiennement le grand don de la foi.
Abraham, le croyant, nous enseigne la foi ; et, en étranger sur terre, il nous indique la véritable patrie. La foi fait de nous des pèlerins sur terre, insérés dans le monde et dans l’histoire, mais en chemin vers la patrie céleste. Croire en Dieu nous rend donc porteurs de valeurs qui souvent, ne coïncident pas avec la mode et l’opinion du moment, cela exige de nous d’adopter des critères et d’assumer des comportements qui n’appartiennent pas au mode commun de penser. Le chrétien ne doit pas avoir peur d’aller à « contre-courant » pour vivre sa foi, en résistant à la tentation de s’« uniformiser ». Dans un grand nombre de nos sociétés, Dieu est devenu le « grand absent » et à sa place, il y a de nombreuses idoles, des idoles très diverses et surtout la possession et le « moi » autonome. Et les progrès importants et positifs de la science et de la technique également ont introduit chez l’homme une illusion de toute puissance et d’auto-suffisance, et un égocentrisme croissant a créé de nombreux déséquilibres au sein des rapports interpersonnels et des comportements sociaux.
Pourtant, la soif de Dieu (cf. Ps 63, 2) ne s’est pas éteinte et le message évangélique continue de retentir à travers les paroles et les œuvres de tant d’hommes et de femmes de foi. Abraham, le père des croyants, continue d’être le père de nombreux enfants qui acceptent de marcher sur ses traces et qui se mettent en chemin, en obéissance à la vocation divine, en ayant confiance dans la présence bienveillante du Seigneur et en accueillant sa bénédiction pour se faire bénédiction pour tous. C’est le monde béni de la foi auquel nous sommes tous appelés, pour marcher sans peur en suivant le Seigneur Jésus Christ. Et il s’agit d’un chemin parfois difficile, qui connaît également les épreuves et la mort, mais qui ouvre à la vie, dans une transformation radicale de la réalité que seuls les yeux de la foi sont en mesure de voir et d’apprécier pleinement.
Affirmer « Je crois en Dieu » nous pousse alors à partir, à sortir continuellement de nous-mêmes, précisément comme Abraham, pour apporter dans la réalité quotidienne dans laquelle nous vivons la certitude qui nous vient de la foi: c’est-à-dire la certitude de la présence de Dieu dans l’histoire, aujourd’hui aussi : une présence qui apporte vie et salut, et nous ouvre à un avenir avec Lui pour une plénitude de vie qui ne connaîtra jamais de fin.

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, LIVRE DU LIVRE DE L’EXODE 17, 8-13

15 octobre, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, LIVRE DU LIVRE DE L’EXODE 17, 8-13

dimanche 16 octobre 2016

PREMIERE LECTURE – Livre du livre de l’Exode 17, 8-13

En ces jours-là,
le peuple d’Israël marchait à travers le désert.
8 Les Amalécites survinrent et attaquèrent Israël à Rephidim.
9 Moïse dit alors à Josué :
« Choisis des hommes, et va combattre les Amalécites.
Moi, demain, je me tiendrai sur le sommet de la colline,
le bâton de Dieu à la main. »
10 Josué fit ce que Moïse avait dit :
il mena le combat contre les Amalécites.
Moïse, Aaron et Hour étaient montés au sommet de la colline.
11 Quand Moïse tenait la main levée,
Israël était le plus fort.
Quand il la laissait retomber,
Amalec était le plus fort.
12 Mais les mains de Moïse s’alourdissaient ;
on prit une pierre, on la plaça derrière lui,
et il s’assit dessus.
Aaron et Hour lui soutenaient les mains,
l’un d’un côté, l’autre de l’autre.
Ainsi les mains de Moïse restèrent fermes
jusqu’au coucher du soleil.
13 Et Josué triompha des Amalécites au fil de l’épée.

Les Amalécites étaient des tribus qui vivaient dans le désert du Négev : la Bible les cite de nombreuses fois, tout au long de l’histoire de l’installation du peuple élu en Palestine, et toujours comme des opposants à la pénétration des tribus israélites ; et leurs descendants seront encore de farouches ennemis au temps des rois Saül et David. Si bien que le nom même d’Amaleq est devenu le type de l’ennemi héréditaire.
Rien d’étonnant quand on sait que Amaleq lui-même, le père de la tribu, serait le petit-fils d’Esaü, le frère jumeau et rival de Jacob. La rivalité entre Jacob et Esaü1 (qu’on appelle aussi Edom) s’est reportée sur leurs descendants et, de génération en génération, en Israël, on se transmet la haine des Edomites, et surtout de ceux qui sont considérés comme les pires de tous, les Amalécites.
Voici donc, dès le livre de l’Exode, les Amalécites qui se présentent comme les premiers adversaires du peuple élu dans le désert. L’auteur ne donne pas beaucoup de détails sur cette première bataille : il dit simplement « Le peuple d’Israël marchait à travers le désert. Les Amalécites survinrent et l’attaquèrent à Rephidim. » Mais le livre du Deutéronome apporte quelques indications complémentaires : « Souviens-toi de ce qu’Amaleq t’a fait sur votre route, à la sortie d’Egypte, lui qui est venu à ta rencontre sur la route et a détruit à l’arrière de ta colonne, tous ceux qui traînaient, alors que tu étais épuisé et fourbu. » (Dt 25, 17-19) traduisez : les Amalécites sont arrivés par surprise et se sont attaqués à ceux qui avaient le plus de mal à suivre. Alors Moïse dit à Josué : « Choisis des hommes et va combattre les Amalécites ». C’est donc une histoire de légitime défense. Nous n’aurons pas d’autres détails sur le déroulement du combat ou les mouvements de troupes ; en revanche, le récit se concentre sur la relation entre le peuple et son Dieu à l’occasion de cette première bataille : c’est l’épreuve du feu, mais c’est surtout l’épreuve de la foi d’Israël. Il va combattre pour survivre, mais son Dieu sera avec lui.
Nous sommes à Rephidim : au fait, ce nom, nous le connaissons déjà, car dans les versets qui précèdent ce passage, c’est le fameux épisode de Massa et Meriba ; nous en avons reparlé tout récemment à l’occasion du psaume 94/95. Massa et Meriba, cela se passait justement à Rephidim et le surnom Massa et Meriba (qui veut dire contestation et querelle) signifie que, là, le peuple a gravement douté de Dieu. Et, désormais, quand on sera tenté de douter de la protection de Dieu, on se souviendra de Massa et Meriba : « Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre coeur comme à Meriba, comme au jour de Massa, dans le désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit ». (Ps 94/95, 7-8).
Massa et Meriba, c’était l’épreuve de la soif, une épreuve si dure que le peuple a été jusqu’à penser que Dieu l’avait abandonné… mais non, et l’eau a coulé du rocher, et le peuple a retrouvé confiance en son Dieu. Cette fois, et toujours à Rephidim, le voici affronté à l’attaque des Amalécites. Il va falloir lutter pour sa survie. Et aussitôt Moïse ne doute pas que Dieu viendra à son secours pour le délivrer.
Il dit à Josué : « Moi, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main ». Et c’est ce bâton, en quelque sorte, qui tient le premier rôle dans ce récit. Ce bâton n’est pas magique par lui-même, mais il rend visible l’oeuvre de Dieu. C’est par lui que Moïse a accompli des quantités de prodiges aux yeux du Pharaon et de la cour d’Egypte, qu’il a écarté les eaux de la Mer des Joncs, qu’il a fait couler l’eau du rocher, à Massa et Meriba, justement. Encore une fois, ce bâton n’est pas magique par lui-même, la preuve, c’est que Moïse se met en prière, mais ce bâton levé est devenu un symbole : il rappelle à tous que c’est Dieu qui agit. Si la bataille est à peine décrite, si le bâton est au centre du récit, c’est précisément pour bien montrer où est l’essentiel.
L’essentiel, c’est la présence de Dieu qui accompagne son peuple, comme il l’avait promis dès le début en révélant son nom à Moïse, ce fameux nom qui dit la présence de Dieu. Le texte est très sobre et en même temps très suggestif. Moïse, Aaron et Hour sont au sommet de la colline, pendant que le peuple se bat sous la direction de Josué dans la plaine. Josué se bat de toute son âme, et Moïse prie de toute son âme. Le combattant et le priant se complètent. Si Moïse abandonne son poste de prière, Josué perd ses moyens. On ne peut pas dire plus clairement que c’est Dieu qui agit, mais qu’il y faut notre participation. Les mains levées de Moïse sont le symbole de toute la prière humaine. Elles disent la confiance, la certitude du croyant que son Dieu ne l’abandonne jamais. Récemment, nous l’avons lu dans la lettre à Timothée, Paul disait : « Je recommande que partout les hommes prient les mains levées vers le ciel… » C’est Dieu qui agit : ces mains levées le disent bien puisqu’elles restent immobiles et qu’elles semblent renvoyer la responsabilité vers le ciel ; mais en même temps, elles sont levées : le croyant ne baisse pas les bras ; les mains du combattant, les mains levées du priant sont notre petite participation à l’oeuvre de Dieu.
Mais il arrive que le priant, exténué, physiquement ou moralement, n’ait plus la force de « lever les mains » vers le ciel : alors il est bon de trouver des frères pour soutenir nos mains défaillantes ; normalement, c’est le rôle de nos communautés.
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Note
1 – On se souvient des deux fils d’Isaac, les frères jumeaux et en même temps rivaux Esaü et Jacob ; Esaü aurait dû être l’héritier des promesses divines, mais Jacob avait réussi à tromper son père aveugle en se faisant passer pour son frère et avait usurpé la place.
Complément
– De tout temps, de hommes et des femmes ont consacré leur vie à la prière ; ce texte vient nous révéler que la prière n’est pas passivité ou inaction ; bien au contraire, mystérieusement, la prière de quelques-uns est source de force pour tous. Elle est un rappel vivant de la Présence de Dieu sans cesse agissant au milieu de nous.

MARIE-NOËLLE THABUT – LIVRE DE LA SAGESSE 18, 6-9

7 août, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 7 AOÛT 2016

PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA SAGESSE 18, 6-9

6 La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie. 7 Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis. 8 En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais à la gloire. 9 Dans le secret de leurs maisons, les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice, et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ; et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.

Le premier verset nous met tout de suite dans l’ambiance : l’auteur du Livre de la Sagesse se livre à une méditation sur « La nuit de la délivrance pascale », c’est-à-dire la nuit de la sortie du peuple d’Israël, fuyant l’Egypte, sous la conduite de Moïse. De siècle en siècle, et d’année en année, depuis cette fameuse nuit, le peuple d’Israël célèbre le repas pascal pour revivre ce mystère de la libération opérée par Dieu : « Ce fut là une nuit de veille pour le Seigneur quand il les fit sortir du pays d’Egypte. Cette nuit-là appartient au Seigneur, c’est une veille pour tous les fils d’Israël, d’âge en âge. » (Ex 12, 42). Célébrer pour revivre, le mot n’est pas trop fort ; car, en Israël, le mot « célébrer » ne signifie pas seulement commémorer ; il s’agit de laisser Dieu agir à nouveau, de s’engager soi-même dans la grande aventure de la libération, dans la dynamique de Dieu, si l’on peut dire ; c’est ce que l’on appelle « faire mémoire » ; cela implique donc de se laisser transformer en profondeur. Nous sommes loin d’un simple rappel historique. Cela est tellement vrai que, depuis des siècles, et encore aujourd’hui, lorsque le père de famille, au cours du repas pascal, initie son fils au sens de la fête, il ne lui dit pas : « Le SEIGNEUR a agi en faveur de nos pères », il lui dit : « Le SEIGNEUR a agi en ma faveur à ma sortie d’Egypte » (Ex 13, 8). Et les commentaires des rabbins confirment : « En chaque génération, on doit se regarder soi-même comme sorti d’Egypte. » Cette célébration de la nuit pascale comporte donc toutes les dimensions de l’Alliance vécue par le peuple d’Israël depuis Moïse : l’action de grâce pour l’oeuvre de libération accomplie par Dieu et, réciproquement, l’engagement de fidélité aux commandements ; car on sait que libération, don de la Loi, et alliance, ne font qu’un seul et même événement. C’est le message même de Dieu à Moïse et, à travers lui, au peuple, au pied du Sinaï : « Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait à l’Egypte, comment je vous ai portés comme sur des ailes d’aigle et vous ai fait arriver jusqu’à moi. Et maintenant, si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples – puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre – et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. » (Ex 19, 4-6). Ces deux dimensions de la célébration pascale, action de grâce pour l’oeuvre de libération accomplie par Dieu et engagement de fidélité aux commandements se lisent à travers les quelques lignes du livre de la Sagesse qui nous sont proposées ici. Commençons par l’action de grâce : « La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie… et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères. » De quelles promesses parle-t-on ici ? Le mot « promesses », à lui seul, est intéressant : qui l’eût cru, qu’un dieu s’engagerait par serment envers un homme ou un peuple ? Là encore, pour que l’homme ose y croire, il a fallu une Révélation ! Et pourtant, le récit de la grande aventure des patriarches n’est qu’une succession de promesses : d’une descendance, d’un pays, enfin d’une vie heureuse dans ce pays. Ici, arrêtons-nous aux seules promesses de la sortie d’Egypte ; par exemple, « Dieu dit à Abram : Sache bien que ta descendance résidera dans un pays qu’elle ne possédera pas. On en fera des esclaves, qu’on opprimera pendant quatre cents ans. Je serai juge aussi de la nation qu’ils serviront, ils sortiront alors avec de grands biens. » (Gn 15, 13-14). La même promesse a été répétée à tous les patriarches, Abraham, Isaac, Jacob ; voici ce que Dieu dit à Jacob pour l’encourager à descendre en Egypte, au moment d’aller retrouver Joseph : « Je suis le Dieu de ton père. Ne crains pas de descendre en Egypte, car je ferai là-bas de toi une grande nation. Moi, je descendrai avec toi en Egypte et c’est moi aussi qui t’en ferai remonter. » (Gn 46, 3-4). Bien sûr, évoquer la fuite d’Egypte et la protection de Dieu en faveur de son peuple, c’est aussi, inévitablement évoquer la déconfiture de leurs ennemis du moment, les Egyptiens : « Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis. En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais à la gloire. » Plus que du triomphalisme, c’est une leçon à méditer, que l’auteur de notre texte propose à ses contemporains, à savoir : en faisant le choix de l’oppression et de la violence, les Egyptiens ont provoqué eux-mêmes leur perte. Le peuple opprimé, lui, a bénéficié de la protection du Dieu qui vient au secours de toute faiblesse. Sous-entendu, à bon entendeur, salut ! La lumière que Dieu a fait briller sur nous au temps de notre oppression, il la fera tout aussi bien briller sur d’autres opprimés… C’est ainsi qu’on interprète la présence de la colonne de feu qui protégeait le peuple et le mettait à l’abri de ses poursuivants : « Tu a donné aux tiens une colonne flamboyante, guide pour un itinéraire inconnu et soleil inoffensif pour une glorieuse migration. Quant à ceux-là, ils méritaient d’être privés de lumière et emprisonnés par les ténèbres, pour avoir retenu captifs tes fils, par qui devait être donnée au monde la lumière incorruptible de la Loi. » (Sg 18, 3-4). Deuxième dimension de la célébration de la nuit pascale, l’engagement personnel et communautaire : « Dans le secret de leurs maisons, les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice, et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ; et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères. » En quelques lignes, notre auteur n’a pas pu tout dire ; mais il est très remarquable justement qu’il ait mis en parallèle la pratique du culte (« ils offraient un sacrifice ») et l’engagement de solidarité fraternelle (« les saints, entendez les fidèles, partageraient aussi bien le meilleur que le pire »). La Loi d’Israël, on le sait bien, a toujours lié la célébration des dons de Dieu et la solidarité du peuple de l’Alliance. Rien d’étonnant donc ; Jésus-Christ fera le même rapprochement : on sait bien que « faire mémoire de lui » c’est du même mouvement pratiquer l’Eucharistie et se mettre au service de nos frères, comme il l’a fait lui-même, la nuit de la délivrance pascale (c’est-à-dire le Jeudi Saint), en lavant les pieds de ses disciples.

 

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT – LIVRE DE LA GENÈSE 18, 20-32

23 juillet, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 24 JUILLET 2016

PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA GENÈSE 18, 20-32

En ces jours-là, les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome. 20 Alors le SEIGNEUR dit : « Comme elle est grande, la clameur au sujet de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! 21 Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Si c’est faux, je le reconnaîtrai. » 22 Les hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu’Abraham demeurait devant le SEIGNEUR. 23 Abraham s’approcha et dit : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le coupable ? 24 Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Ne pardonneras-tu pas à toute la ville à cause des cinquante justes qui s’y trouvent ? 25 Loin de toi de faire une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le coupable, traiter le juste de la même manière que le coupable, loin de toi d’agir ainsi ! Celui qui juge toute la terre n’agirait-il pas selon le droit ? » 26 Le SEIGNEUR déclara : « Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. » 27 Abraham répondit : « J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre. 28 Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq : pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? » Il déclara : « Non, je ne la détruirai pas, si j’en trouve quarante-cinq. » 29 Abraham insista : « Peut-être s’en trouvera-t-il seulement quarante ? » Le SEIGNEUR déclara : « Pour quarante, je ne le ferai pas. » 30 Abraham dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j’ose parler encore. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement trente ? » Il déclara : « Si j’en trouve trente, je ne le ferai pas. » 31 Abraham dit alors : « J’ose encore parler à mon Seigneur. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement vingt ? » Il déclara : « Pour vingt, je ne détruirai pas. » 32 Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère : je ne parlerai plus qu’une fois. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement dix ? » Et le SEIGNEUR déclara : « Pour dix, je ne détruirai pas. »

Ce texte marque un grand pas en avant dans l’idée que les hommes se font de leur relation à Dieu : c’est la première fois que l’on ose imaginer qu’un homme puisse intervenir dans les projets de Dieu. Malheureusement, la lecture liturgique ne nous fait pas entendre les versets précédents, là où l’on voit Dieu, parlant tout seul, se dire à lui-même : « Maintenant que j’ai fait alliance avec Abraham, il est mon ami, je ne vais pas lui cacher mes projets. » Manière de nous dire que Dieu prend très au sérieux cette alliance ! Voici ce passage : « Les hommes se levèrent de là et portèrent leur regard sur Sodome ; Abraham marchait avec eux pour prendre congé. Le SEIGNEUR dit : Vais-je cacher à Abraham ce que je fais ? Abraham doit devenir une nation grande et puissante en qui seront bénies toutes les nations de la terre, car j’ai voulu le connaître… » Et c’est là que commence ce que l’on pourrait appeler « le plus beau marchandage de l’histoire ». Abraham armé de tout son courage intercédant auprès de ses visiteurs pour tenter de sauver Sodome et Gomorrhe d’un châtiment pourtant bien mérité : « SEIGNEUR, si tu trouvais seulement cinquante justes dans cette ville, tu ne la détruirais pas quand même ? Sinon, que dirait-on de toi ? Ce n’est pas moi qui vais t’apprendre la justice ! Et si tu n’en trouvais que quarante-cinq, que quarante, que trente, que vingt, que dix ?… » Quelle audace ! Et pourtant, apparemment, Dieu accepte que l’homme se pose en interlocuteur : pas un instant, le Seigneur ne semble s’impatienter ; au contraire, il répond à chaque fois ce qu’Abraham attendait de lui. Peut-être même apprécie-t-il qu’Abraham ait une si haute idée de sa justice ; au passage, d’ailleurs, on peut noter que ce texte a été rédigé à une époque où l’on a le sens de la responsabilité individuelle : puisque Abraham serait scandalisé que des justes soient punis en même temps que les pécheurs et à cause d’eux ; nous sommes loin de l’époque où une famille entière était supprimée à cause de la faute d’un seul. Or, la grande découverte de la responsabilité individuelle date du prophète Ezéchiel et de l’Exil à Babylone, donc au sixième siècle. On peut en déduire une hypothèse concernant la composition du chapitre que nous lisons ici : comme pour la lecture de dimanche dernier, nous sommes certainement en présence d’un texte rédigé assez tardivement, à partir de récits beaucoup plus anciens peut-être, mais dont la mise en forme orale ou écrite n’était pas définitive. Dieu aime plus encore probablement que l’homme se pose en intercesseur pour ses frères ; nous l’avons déjà vu un autre dimanche à propos de Moïse (Ex 32) : après l’infidélité du peuple au pied du Sinaï, se fabriquant un « veau d’or » pour l’adorer, aussitôt après avoir juré de ne plus jamais suivre des idoles, Moïse était intervenu pour supplier Dieu de pardonner ; et, bien sûr, Dieu qui n’attendait que cela, si l’on ose dire, s’était empressé de pardonner. Moïse intervenait pour le peuple dont il était responsable ; Abraham, lui, intercède pour des païens, ce qui est logique, après tout, puisqu’il est porteur d’une bénédiction au profit de « toutes les familles de la terre ». Belle leçon sur la prière, là encore ; et il est intéressant qu’elle nous soit proposée le jour où l’évangile de Luc nous rapporte l’enseignement de Jésus sur la prière, à commencer par le Notre Père, la prière « plurielle » par excellence : puisque nous ne disons pas « Mon Père », mais « Notre Père ».. Nous sommes invités, visiblement, à élargir notre prière à la dimension de l’humanité tout entière. « Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? » (Ce fut la dernière tentative d’Abraham.) « Et le SEIGNEUR répondit : Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome. » Ce texte est un grand pas en avant, disais-je, une étape importante dans la découverte de Dieu, mais ce n’est qu’une étape, car il se situe encore dans une logique de comptabilité : sur le thème combien faudra-t-il de justes pour gagner le pardon des pécheurs ? Il restera à franchir le dernier pas théologique : découvrir qu’avec Dieu, il n’est jamais question d’un quelconque paiement ! Sa justice n’a rien à voir avec une balance dont les deux plateaux doivent être rigoureusement équilibrés ! C’est très exactement ce que Saint Paul essaiera de nous faire comprendre dans le passage de la lettre aux Colossiens que nous lisons ce dimanche. —————————– Compléments – « Quelle horreur, si tu faisais une chose pareille ! » (verset 25). La traduction ne nous livre pas la richesse du terme hébreu. Le mot véritable est « profanation » : imaginer une seule seconde Dieu injuste est une profanation du nom de Dieu, un blasphème pur et simple aux yeux d’Abraham. – Petit rappel sur l’évolution de la notion de justice de Dieu : au début de l’histoire biblique on trouvait normal et juste que le groupe entier paie pour la faute d’un seul : c’est l’histoire d’Akân au temps de Josué (Jos 7, 16-25) ; dans une deuxième étape, on imagine que chacun paie pour soi ; ici, nouvelle étape de la pensée, il est toujours question de paiement d’une certaine manière, dix justes obtiendront le pardon d’une ville entière ; et Jérémie osera imaginer qu’un seul homme paiera pour tout le peuple : « Parcourez les rues de Jérusalem, regardez donc et enquêtez, cherchez sur ses places : Y trouvez-vous un homme? Y en a-t-il un seul qui défende le droit, qui cherche à être vrai? Alors je pardonnerai à la ville. » (Jr 5, 1) ; Ezéchiel tient le même genre de raisonnement : « J’ai cherché parmi eux un homme qui relève la muraille, qui se tienne devant moi, sur la brèche, pour le bien du pays, afin que je ne le détruise pas : je ne l’ai pas trouvé. » (Ez 22, 30). C’est avec le livre de Job, entre autres, que le dernier pas sera franchi, lorsque l’on comprendra enfin que la justice de Dieu est synonyme de salut. – Cependant, Jérémie lui-même avait envisagé un pardon sans condition aucune au nom même de la grandeur de Dieu. A ce sujet il faut relire ce plaidoyer admirable : « Si nos péchés témoignent contre nous, agis, SEIGNEUR, pour l’honneur de ton nom ! » (Jr 14, 7-9). Face à Dieu, tout comme Jérémie, Abraham l’a compris, les pécheurs n’ont pas d’autre argument que Dieu lui-même ! – On notera au passage l’optimisme d’Abraham : et pour cela il mérite bien d’être appelé « père » ! Il persiste à croire que tout n’est pas perdu, que tous ne sont pas perdus. Dans cette affreuse ville de Sodome, il y a certainement au moins dix hommes bons !

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT – Premier Livre des Rois 17, 17-24

3 juin, 2016

http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 5 JUIN 2016

PREMIERE LECTURE – Livre du Premier Livre des Rois 17, 17-24

En ces jours-là, 17 le fils de la femme chez qui habitait le prophète Élie tomba malade ; le mal fut si violent que l’enfant expira. 18 Alors la femme dit à Élie : « Que me veux-tu, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! » 19 Élie répondit : « Donne-moi ton fils ! » Il le prit des bras de sa mère, le porta dans sa chambre en haut de la maison et l’étendit sur son lit. 20 Puis il invoqua le SEIGNEUR : « SEIGNEUR, mon Dieu, cette veuve chez qui je loge, lui veux-tu du mal jusqu’à faire mourir son fils ? » 21 Par trois fois, il s’étendit sur l’enfant en invoquant le SEIGNEUR : « SEIGNEUR, mon Dieu, je t’en supplie, rends la vie à cet enfant ! » 22 Le SEIGNEUR entendit la prière d’Élie ; le souffle de l’enfant revint en lui : il était vivant ! 23 Élie prit alors l’enfant, de sa chambre il le descendit dans la maison, le remit à sa mère et dit : « Regarde, ton fils est vivant ! » 24 La femme lui répondit : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole du SEIGNEUR est véridique. »

Ceci se passe à Sarepta, sur la côte méditerranéenne, là où à l’occasion d’une grande sécheresse qui sévissait en Israël, Elie a trouvé refuge auprès d’une veuve pauvre ; il avait déjà, rappelez-vous, accompli pour elle et son fils un premier miracle : tout au long de la période de famine, les maigres réserves de farine et d’huile de la famille n’avaient pas baissé et la femme avait pu se nourrir ainsi que son fils et le prophète étranger qu’elle avait accepté d’accueillir sous son toit. Mais à quoi bon multiplier la nourriture si c’est pour mourir tout de même ? Pendant que le prophète habitait chez la veuve de Sarepta, voici que son fils tombe malade et meurt. Or, dans la mentalité de l’époque, une mort prématurée était forcément considérée comme un châtiment. Si la veuve avait perdu son mari, déjà, sans nul doute, elle était coupable, même sans le savoir ; la mort de son fils venait confirmer le verdict. C’est donc tout naturellement qu’elle dit à Elie : « Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! » Dans sa douleur, elle emploie même une formule particulièrement dure : littéralement « Qu’y a-t-il entre toi et moi ? » Petite phrase que nous connaissons bien, puisque Jésus lui-même l’a adressée à sa mère lors des noces de Cana. La traduction donnée dans notre lecture « Que me veux-tu, homme de Dieu ? » rend assez bien la révolte de la femme qui attribue à la présence d’Elie la mort de l’enfant. Cette idée que Dieu pourrait en vouloir à notre vie nous effleure parfois, peut-être ; la suite du texte prouve au contraire, que l’oeuvre de Dieu est une oeuvre de vie et de guérison. Aussi, en rendant la vie au fils de la veuve, Elie accomplit-il beaucoup plus qu’une guérison physique : il ouvre la femme à la vérité. Désormais elle saura que la mort n’est pas un châtiment ; elle saura aussi que Dieu est le Dieu de la vie. Cette païenne vient d’être libérée de ses fausses idées sur Dieu ! L’auteur du livre des Rois, quant à lui, poursuit un projet bien précis quand, des siècles après les événements, il donne cette histoire à méditer à ses contemporains : car la veuve de Sarepta est une païenne, par hypothèse ; or elle sait reconnaître l’envoyé de Dieu et elle sait reconnaître Dieu à l’oeuvre à travers lui. Pendant ce temps, le peuple élu, bénéficiaire de tant de prédication prophétique depuis si longtemps, oublie son Dieu et méconnaît Elie, son prophète. Car ceci se passe, rappelez-vous, sur fond d’idolâtrie : la reine Jézabel a entraîné le peuple dans le culte des Baals ; c’est bien le monde à l’envers : le peuple élu abandonnant l’Alliance et des païens devenus capables de reconnaître le vrai Dieu. A bon entendeur salut, semble nous dire l’auteur. Il en profite pour délivrer également un autre message qui devient de plus en plus insistant au fur et à mesure que progresse la découverte des hommes de la Bible : Dieu ne réserve pas ses bienfaits au seul peuple d’Israël, toute l’humanité est appelée à en bénéficier. « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » avait dit Dieu à Abraham (Gn 12, 3). Et depuis la révélation du buisson ardent, on sait que, partout sur toute la terre, Dieu entend les cris, Dieu voit les larmes des veuves et des orphelins ; et il envoie ses prophètes pour les soulager. Quelques siècles plus tard, Jésus aura encore besoin de rappeler cette leçon à ses contemporains : un matin de shabbat à la synagogue de Nazareth, ils l’ont entendu affirmer : « Oui, je vous le déclare, aucun prophète ne trouve accueil dans sa patrie. En toute vérité, je vous le déclare, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d’Elie, quand le ciel fut fermé (il ne plut pas) trois ans et six mois et que survint une grande famine sur tout le pays ; pourtant ce ne fut à aucune d’entre elles qu’Elie fut envoyé, mais bien dans le pays de Sidon, à une veuve de Sarepta. » Les lecteurs du livre des Rois, les auditeurs de Jésus avaient, il faut le croire, du mal à l’admettre ! Ils ont peut-être d’autant plus de mal que cette pauvre veuve, bien humble, qui n’a bénéficié d’aucun catéchisme, se permet de leur donner la véritable définition du prophète : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique. » A un moment, précisément, où les prophètes n’avaient guère d’audience, le livre du Deutéronome avait justement insisté sur la gravité de ce refus d’écouter : « C’est un prophète comme toi (Moïse) que je leur susciterai du milieu de leurs frères ; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Et si quelqu’un n’écoute pas mes paroles, celles que le prophète aura dites en mon nom, alors moi-même je lui en demanderai compte. » (Dt 18, 18-19). La méconnaissance des contemporains d’Elie, celle des contemporains de Jésus n’en apparaissent que plus clairement : Dieu parle par ses prophètes et personne ne les écoute. Refrain connu : Elie lui-même, dans un de ses moments de découragement, s’en plaignait à Dieu : « Je suis passionné pour le Seigneur, le Dieu des puissances : les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul et l’on cherche à m’enlever la vie. » (1 R 19, 10). Mais n’oublions pas qu’à cette plainte d’Elie, Dieu a répondu en lui faisant remarquer une présence qu’il avait peut-être tendance à sous-estimer : celle d’une multitude de croyants anonymes dont la foi n’avait pas chancelé. Réponse valable en tous temps : à plusieurs reprises, Jésus s’est émerveillé de la foi de ses interlocuteurs : à notre tour, il nous suffit peut-être d’ouvrir les yeux, nous ne sommes pas seuls, des croyants nous entourent.

DEUX MONTAGNES DANS LA BIBLE: MORIJA, SION

18 février, 2016

http://www.bible-notes.org/article-45-deux-montagnes-dans-la-bible.html

DEUX MONTAGNES DANS LA BIBLE

1- LA MONTAGNE DE MORIJA :
1.1- Lire Genèse 22.
1.2- Lire 2 Chroniques 3

2- LA MONTAGNE DE SION :

1- LA MONTAGNE DE MORIJA :
1.1- Lire Genèse 22
Lorsque Dieu voulut éprouver Abraham, Il lui dit : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, et va-t’en va au pays de Morija, et là offre-le en holocauste, sur une des montagnes que je te dirai ». Nous pensons que le pays de Morija était ainsi appelé à cause du nom de la montagne : c’est probablement sur cette colline que le père des croyants leva le couteau sur son fils et donna ainsi un admirable témoignage de sa foi en Dieu qui ressuscite les morts.
Arrivés au pied du mont Morija, Abraham prit le bois de l’holocauste, et le mit sur Isaac, son fils… « Et ils allaient les deux ensemble. » (Gen. 22 : 6, 8). Quelle pénible ascension, surtout pour le coeur du père ! Isaac ne savait pas encore que le bois dont il était chargé devait servir à l’autel sur lequel il devait être égorgé. Dix-neuf siècles plus tard, le Saint et le Juste, après avoir été jugé et condamné par un tribunal de méchants, ayant subi les moqueries, les injures, les coups, les crachats, gravissait aussi péniblement une colline voisine de Morija, chargé du bois sur lequel Il devait mourir. « Jésus sortit, portant sa croix, et s’en alla au lieu appelé lieu du crâne, qui est appelé en hébreu Golgotha, où ils le crucifièrent » (Jean 19 : 17-18). Il y a pourtant une différence importante entre les deux cas : Jésus, qui portait nos péchés en son corps sur le bois, mourut réellement pour les expier, tandis qu’Isaac, au dernier moment, fut épargné. En gravissant les pentes de la montagne, Isaac avait adressé à son père cette question bien naturelle : « Mon père !…. Voici le feu et le bois ; mais où est l’agneau pour l’holocauste ? ». A quoi le patriarche avait répondu : « Mon fils, Dieu se pourvoira de l’agneau pour l’holocauste ». Cette parole, inspirée par l’Esprit de Dieu, s’accomplit littéralement. Abraham lève le couteau pour égorger son fils : le sacrifice est consenti dans son coeur, l’obéissance a été parfaite. Alors l’Eternel l’arrête. Isaac est épargné. « Et Abraham leva ses yeux, et vit, et voici, il y avait derrière lui un bélier retenu à un buisson par les cornes ; et Abraham alla et prit le bélier, et l’offrit en holocauste à la place de son fils. Et Abraham appela le nom de ce lieu-là : Jéhovah-Jiré ».
Après ces paroles du patriarche, l’écrivain sacré ajoute : « comme on dit aujourd’hui : En la montagne de l’Eternel il y sera pourvu ». Ici, dans le sens le plus littéral, c’est à Morija qu’il faut appliquer cette expression. Le proverbe avait encore cours en Israël, alors que, quatre siècles après le sacrifice d’Abraham, Moïse écrivait le livre de la Genèse. Comment donc et à quoi a-t-il été pourvu en cette montagne de l’Eternel ? Nous allons voir que la réponse à cette question se trouve dans le second passage où se rencontre le nom de Morija ?

1.2- Lire 2 Chroniques 3
« Et Salomon commença de bâtir la maison de l’Eternel à Jérusalem, sur la montagne de Morija, où l’Eternel était apparu à David, son père, sur l’emplacement que David avait préparé dans l’aire d’Ornan, le Jébusien » (2 Chr. 3 : 1).
Morija, c’était donc précisément le lieu choisi par David pour en faire le site du temple. Ce roi d’Israël, vainqueur de tous ses ennemis, ayant du repos tout à l’entour, jouissant d’un règne prospère, s’éleva, hélas, par orgueil. Satan en profita pour l’inciter à faire le dénombrement du peuple d’Israël (voir 1 Chr. 21 et 2 Sam. 24). Et cela déplut à l’Eternel ; c’est pourquoi il frappa Israël. Alors David dit à Dieu : « J’ai grandement péché en ce que j’ai fait cette chose ; et maintenant fait passer l’iniquité de ton serviteur, car j’ai agi très-follement » (2 Chr. 21 : 8). Dieu est toujours disposé à pardonner à son enfant qui confesse ses fautes ; cependant il faut que le mal soit jugé et puni. David devra choisir entre les trois propositions faites par Dieu : la famine durant trois ans, ou bien une guerre désastreuse pour lui durant trois mois, ou enfin l’épée de l’Eternel, c’est-à-dire la mort sur le pays durant trois jours (2 Chr. 21 : 10-12). David répond à Gad, le messager du Seigneur : « Que je tombe, je te prie, dans les mains de l’Eternel, car ses compassions sont très-grandes ; et que je ne tombe point dans la main des hommes » (1 Chr. 21 : 13). L’Eternel envoya donc la peste sur Israël ; et il tomba 70 000 hommes d’Israël. C’était un ange de l’Eternel qui exerçait ainsi le jugement, et Dieu l’envoya aussi à Jérusalem. Comme il exécutait ce châtiment, l’Eternel regarda et se repentit de cette plaie dont il frappait son peuple. Il dit à l’ange : « Assez ! Retire maintenant ta main ». Or l’ange de l’Eternel se tenait près de l’aire d’Ornan, le Jébusien, placée sur la montagne de Morija. Et David, élevant ses yeux, vit l’ange de l’Eternel qui était entre la terre et le ciel, ayant dans sa main son épée nue, tournée contre Jérusalem.
« Et David dit à Dieu : N’est-ce pas moi qui ai commandé de dénombrer le peuple ? C’est moi qui ai péché et qui ai mal agi ; mais ces brebis, qu’ont-elles fait ? Eternel, mon Dieu, je te prie, que ta main soit sur moi et sur la maison de mon père, mais qu’elle ne soit pas sur ton peuple, pour le frapper » (1 Chr. 21 : 17).
Alors David reçut de l’ange l’ordre de monter sur le mont Morija, pour ériger un autel à l’Eternel dans l’aire d’Ornan, le Jébusien. Ornan, appelé aussi Arauna, occupé à battre du blé, s’était caché avec ses quatre fils, parce qu’il avait vu l’ange. Le roi d’Israël lui acheta son aire, ses boeufs… Puis David bâtit un autel à l’Eternel, et il offrit des holocaustes et des sacrifices de prospérité, et il invoqua l’Eternel qui lui montra qu’Il l’exauçait en envoyant des cieux le feu qui alluma le bois sur l’autel pour consumer l’holocauste ! Alors, au commandement de l’Eternel, l’ange remit son épée dans son fourreau. La plaie fut arrêtée : ainsi la miséricorde se glorifia vis-à-vis du jugement (Jac. 2 : 13). « Et David dit : c’est ici la maison de l’Eternel Dieu, et c’est ici l’autel pour l’holocauste d’Israël » (1 Chr. 22 : 1). Dès ce moment, il fit préparer les matériaux pour la construction du temple, réservée à Salomon, son fils. Ce temple était réellement la maison de Dieu. Durant le voyage des Israélites à travers le désert, Dieu voulait habiter au milieu de son peuple, dans le tabernacle, qui n’était qu’une tente portative. Maintenant que le peuple était bien établi dans les villes et les villages de Canaan, l’Eternel voulait aussi avoir, au milieu d’eux, sa maison de pierre et de bois, afin d’y fixer sa demeure, d’une manière spéciale et bénie, entre les chérubins qui étaient sur l’arche.
C’est dans ce temple qu’il était pourvu, selon la loi, à tous les besoins spirituels et moraux des enfants d’Israël ; c’est là, et là seulement, qu’ils pouvaient rendre leur culte à Jéhovah, par l’intermédiaire des sacrificateurs ; c’est là que les sacrifices étaient offerts et que les fêtes solennelles se célébraient. Là, les fils d’Aaron, au nom du peuple, s’approchaient de l’Eternel.
Ainsi s’est accompli le proverbe que nous avons rappelé : « En la montagne de l’Eternel il y sera pourvu ».
Rappelons encore que c’est sur une colline voisine, au lieu appelé Crâne (Luc 23 : 33), qu’il a été pourvu pleinement, parfaitement, par le seul sacrifice du Fils de Dieu, à tous les besoins de pardon, de paix, de bonheur et de vie, de pauvres pécheurs. Par la foi au Sauveur, ils sont mis en possession de tous ces privilèges, ils participent dès à présent à la grâce et auront bientôt part à la gloire de Dieu, avec Jésus !

2- LA MONTAGNE DE SION :
Dans l’Ecriture, le nom de Sion est mentionné pour la première fois dans le deuxième livre de Samuel: « David prit la forteresse de Sion : c’est la ville de David » (5 : 7). C’est dans ce chapitre que nous voyons toutes les tribus d’Israël se soumettre à David et le reconnaître roi, choisi et donné par l’Eternel. David était alors fixé à Hébron ; il alla avec ses gens faire le siège de Jérusalem, qui est Jébus où se trouvaient encore les Jébusiens, une peuplade cananéenne que les Israélites auraient dû détruire en prenant possession du pays de promesse. Et David prit la forteresse de Sion, et il y habita ; c’est pourquoi on l’appela la cité de David (1 Chr. 11 : 4-7). Jérusalem, située au Nord-Est et au-dessous de cette colline, est souvent appelée « la fille de Sion ». Ce nom, dans le langage des prophètes, désigne fréquemment la ville sainte tout entière. L’Ecriture dit aussi : « la montagne de Sion » (2 Rois 19 : 31 ; Ps. 133 : 3 ; Es. 10 : 12, 32 ; Abdias 17, 21). Dieu l’appelle « la montagne de ma sainteté » (Ps. 2 : 6). Le Dieu d’Israël y habite, elle est sa demeure (Ps. 9 : 11 ; 74 : 2 ; 76 : 2 ; Es. 8 : 18).
Le nom du mont Morija, sur lequel le temple était construit, disparaît ainsi devant le nom plus solennel de la Sion sainte. C’est là, dans la cité de David, qui est Sion, que l’arche de l’alliance de l’Eternel avait été provisoirement déposée dans un tabernacle, une tente que David avait tendue pour elle (2 Sam. 6 : 17) ; c’est là que, sur l’ordre de Salomon, les sacrificateurs la prirent pour la transporter « en son lieu » dans l’oracle de la maison, dans le lieu très saint, sous les ailes des chérubins. Aux yeux de Dieu, la montagne de Sion s’élève avec beauté, « elle est la joie du toute la terre, aux côtés du nord, la ville du grand Roi » (Ps. 48 : 2). « De Sion, perfection de la beauté, Dieu a fait luire sa splendeur » (Ps. 50 : 2). « L’Eternel aime les portes de Sion plus que toutes les demeures de Jacob » (Ps. 87 : 2). « L’Eternel a choisi Sion ; il l’a désirée pour être son habitation ; c’est ici mon repos à perpétuité ; ici j’habiterai, car je l’ai désirée » (Ps. 132 : 13-14 ; 78 : 68).
Aussi, les « fils de Sion » (Lam. 4 : 2) ont leurs coeurs attachés à cette sainte montagne. Ecoutons-les : « Auprès des fleuves de Babylone, là nous nous sommes assis, et nous avons pleuré quand nous nous sommes souvenus de Sion. Aux saules qui étaient au milieu d’elle nous avons suspendu nos harpes. Car là, ceux qui nous avaient emmenés captifs nous demandaient des cantiques, et ceux qui nous faisaient gémir, de la joie : Chantez-nous un des cantiques de Sion. Comment chanterions-nous un cantique de l’Eternel sur un sol étranger ? Si je t’oublie, ô Jérusalem, que ma droite s’oublie ! Que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens de toi, si je n’élève Jérusalem au-dessus de la première de mes joies ! » (Ps. 137 : 1-6).
Voici, depuis de longs siècles, la condition présente des fils de la sainte Sion. Plus que jadis, « les chemins de Sion mènent deuil de ce qu’il n’y a personne qui vienne aux fêtes (Lam. 1 : 4). «Et toute la magnificence de la fille de Sion s’est retirée d’elle… Sion étend ses mains, il n’y a personne qui console… Comment, dans sa colère, le Seigneur a-t-il couvert d’un nuage la fille de Sion !… Il a tué tout ce qui était agréable à l’oeil dans la tente de la fille de Sion ; il a versé, comme un feu, sa fureur… L’Eternel a fait oublier dans Sion jour solennel et sabbat ; et, dans l’indignation de sa colère, il a méprisé roi et sacrificateur… Il s’est proposé de détruire la muraille de la fille de Sion ; et il n’a pas retiré sa main pour cesser de détruire ; et il a fait mener deuil au rempart et à la muraille… Les anciens de la fille de Sion sont assis par terre, ils gardent le silence ; ils ont mis de la poussière sur leurs têtes, ils se sont ceints de sacs…Quel témoignage t’apporterai-je ?… Qui est-ce que j’égalerai à toi, afin que je te console, vierge, fille de Sion ? Car ta ruine est grande comme la mer : qui te guérira ?… Muraille de la fille de Sion, laisse couler des larmes jour et nuit, comme un torrent… L’Eternel a accompli sa fureur, il a versé l’ardeur de sa colère et a allumé dans Sion un feu qui en a dévoré les fondements. Notre coeur est abattu… nos yeux sont obscurcis, à cause de la montagne de Sion qui est désolée (Lam. 1 : 6, 17 ; 2 : 1, 4, 6, 8, 10, 13, 18 ; 4 : 11 ; 5 : 17, 18).
Oui, hélas, comme les prophètes l’avaient annoncé, « Sion est un désert, Jérusalem, une désolation ». Les enfants d’Israël ont dit en gémissant : « Notre maison sainte et magnifique, où nos pères te louaient, est brûlée par le feu » (Es. 64 : 10,11). Le Seigneur Jésus leur déclare plus tard les mêmes calamités (voir Luc 13 : 34-35). Michée 3 : 12 avait prédit, comme le rappelle Jérémie 26 : 18, que Sion serait « labourée comme un champ », et Jérusalem réduite en « monceaux de pierres » : c’est ce qui est arrivé. Aussi maintenant la louange est-elle « dans le silence en Sion » (Ps. 65 : 1). Depuis longtemps, Sion répète, en se trompant toutefois : « l’Eternel m’a abandonnée, et le Seigneur m’a oubliée » (Es. 49 : 14). « Une voix de lamentation se fait entendre de Sion : … nous sommes détruits et devenus fort honteux ! Aurais-tu entièrement rejeté Juda ? Ton âme serait-elle dégoûtée de Sion ? » (Jér. 9 : 19 ; 14 : 19). Depuis longtemps, ses ennemis disent : « c’est Sion, que personne ne recherche !» (Jér. 30 : 17). Et d’où viennent ces terribles jugements sur la montagne de l’Eternel, que la colère de l’Eternel a livrée entre les mains des nations ? Du péché de ses habitants, de leurs constantes rébellions contre leur Dieu. « Les filles de Sion sont hautaines » (Es. 3 : 16).
Le malheureux peuple juif en était venu à ce point de perversité, que Dieu envoyait dire aux princes de la maison d’Israël par un prophète : « Vous…. qui abhorrez le jugement et pervertissez toute droiture, bâtissant Sion avec du sang, et Jérusalem avec l’iniquité » (Mich. 3 : 9). Enfin, après avoir épuisé tous les autres moyens de ramener son peuple, Dieu dit : « J’enverrai mon fils le bien-aimé ; peut-être que, quand ils verront celui-ci, ils le respecteront ». Il leur envoya en effet son saint Fils Jésus, leur Messie, leur Rédempteur, leur Roi. Mais, au lieu de l’accueillir avec reconnaissance, ils raisonnèrent entre eux, en disant : « Celui-ci est l’héritier, tuons-le, afin que l’héritage soit à nous » (Luc 20 : 13-14). Et c’est ce qu’ils firent. Cependant, peu auparavant, une foule de Juifs était allée au-devant du Seigneur Jésus, entrant à Jérusalem monté sur un âne, en criant : « Hosanna ! Béni soit le Roi d’Israël, qui vient au nom du Seigneur ». Ceux qui faisaient entendre ces acclamations accomplissaient ainsi, sans s’en douter, une remarquable prophétie de Zacharie 9 : 9 : « Réjouis-toi avec transports, fille de Sion ; pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton Roi vient à toi… humble et monté sur un âne… » (voir Matt. 21 : 5 ; Jean 12 : 12-16). Dans cette foule, il y avait plusieurs enfants, (voir Matt. 21 : 15) : sans doute, ceux-ci étaient-ils sincères. Mais, quant aux multitudes, peu de jours après, autour de Pilate qui leur demandait : « Que ferai-je donc de Jésus qui est appelé le Christ », elles criaient plus fort encore : « Qu’il soit crucifié … Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » (Matt. 27 : 22-23, 25). Ainsi, les malheureux Juifs mirent le comble à leurs péchés ; de là vient qu’ils sont maintenant rejetés de Dieu ; de là vient que Sion est désolée et Jérusalem foulée aux pieds par les nations.
Mais ce rejet n’est que temporaire, ces désolations prendront fin : il y a encore des trésors de grâce et de miséricorde dans le coeur du Seigneur pour son peuple et pour la montagne de sa sainteté. Il y a une quantité de promesses de délivrance et de bénédiction qui doivent s’accomplir en faveur de Sion. « Tu te lèveras, tu auras compassion de Sion ; car c’est le temps d’user de grâce envers elle, car le temps assigné est venu. Car tes serviteurs prennent plaisir à ses pierres… Quand l’Eternel bâtira Sion, il paraîtra dans sa gloire,… afin qu’on annonce dans Sion le nom de l’Eternel, et sa louange dans Jérusalem, quand les peuples seront rassemblés, et les royaumes, pour servir l’Eternel » (Ps. 102 : 13-14, 16, 21, 22). Alors « tous ceux qui haïssent Sion » seront « couverts de honte et se retireront en arrière » ; mais « la montagne de Sion se réjouira », parce que « l’Eternel ramènera les captifs de Sion » ; « car Dieu délivrera Sion, et bâtira les villes de Juda ; on y habitera, et on la possédera » (Ps. 129 : 5 ; 48 : 11 ; 126 : 1; 69 : 35).
Oui, bientôt peut-être, « l’Eternel consolera encore Sion, et choisira encore Jérusalem » (Zach. 1 : 17) ; « l’Eternel consolera Sion, il consolera tous ses lieux arides, et fera de son désert un Eden, et de son lieu stérile, comme le jardin de l’Eternel. L’allégresse et la joie y seront trouvées, des actions de grâce et une voix de cantiques» (Es. 51 : 3). « L’Eternel des armées descendra pour combattre sur la montagne de Sion et sur sa colline » (Es. 31 : 4). « Il y a un jour auquel les gardes crieront sur la montagne d’Ephraïm : Levez-vous, et nous monterons à Sion, vers l’Eternel, notre Dieu » (Jér. 31 : 6). Et Dieu dira : « Réveille-toi, réveille-toi, revêts-toi de ta force, Sion ! Revêts-toi de tes vêtements de parure, Jérusalem, ville sainte…Secoue de toi la poussière… ; délivre-toi des chaînes de ton cou, captive, fille de Sion» (Es. 52 : 1,2). « Ceux que l’Eternel a délivrés retourneront et viendront à Sion avec des chants de triomphe ; et une joie éternelle sera sur leur tête » (Es. 35 : 10). Alors, il sera dit à Sion : « Ton Dieu règne ! La voix de tes sentinelles ! – elles élèvent la voix, elles exultent ensemble avec chant de triomphe ; car elles verront face à face, quand l’Eternel restaurera Sion » (Es. 52 : 8). «Le Rédempteur viendra à Sion et vers ceux qui, en Jacob, reviennent de leur rébellion, dit l’Eternel » (Es. 59 : 20 ; Rom. 11 : 26). « Voici, l’Eternel a fait entendre jusqu’au bout de la terre : Dites à la fille de Sion : Voici, ton salut vient ; voici, son salaire est avec lui, et sa récompense devant lui » (Es. 62 : 11).
Nous voyons que de grandes choses sont dites de Sion dans les Ecritures et ces grandes choses, c’est le millénium qui en verra l’accomplissement. Lisons, par exemple, le Psaume 87 : « La fondation qu’il a posée est dans les montagnes de sainteté. L’Eternel aime les portes de Sion plus que toutes les demeures de Jacob. Des choses glorieuses sont dites de toi, cité de Dieu…. Et de Sion il sera dit : Celui-ci et celui-là sont nés en elle ; et le Très-Haut, lui, l’établira. Quand l’Eternel enregistrera les peuples, il comptera : Celui-ci est né là ». Sion est représentée comme fondée par Dieu lui-même, comme une cité qui a des fondements inébranlables. Les hommes possèdent des villes dont ils sont fiers, mais Dieu a une cité qu’Il a fondée sur les saintes montagnes. Ici, il ne s’agit que des beautés et des richesses de la nature : le plus beau lieu de toute la terre, aux yeux du Seigneur, c’est Sion. La richesse de Sion, c’est Dieu ; son site, les saintes montagnes, c’est ce qui est consacré à Dieu lui-même. Les fidèles n’ont pas à rougir de Sion, en présence de tous les lieux vantés de la terre : ce qui se dit d’elle, ce sont des choses glorieuses… On tient Sion pour le lieu de naissance de l’homme de Dieu, le lieu de naissance des bien-aimés de Jéhovah. Le Souverain avait établi ce lieu et c’est Lui qui l’affermira. Lorsqu’Il enregistrera les peuples soumis à sa domination, sous le sceptre de son règne de justice et de grâce, Il distinguera glorieusement les enfants de Sion, en disant de chacun d’eux : « Celui-ci est né là ! ».
Le temps vient où l’Eternel dira, en jugeant les princes et les rois de la terre soulevés contre Lui et contre son Christ : « Et moi, j’ai oint mon Roi sur Sion, la montagne de ma sainteté » (Ps. 2 : 6). C’est là, en effet, que le Seigneur Jésus règnera sur la maison de Jacob éternellement, car le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père (Luc 1 : 32-33). C’est de là qu’il donnera la délivrance à Israël (Ps. 14 : 7 ; 53 : 6) ; c’est de là qu’il soutiendra les fidèles (22 : 2) ; c’est de là qu’il fera luire sa splendeur (Ps. 50 : 2), lorsqu’il aura exaucé cette prière de ses bien-aimés : « Fais du bien, dans ta faveur, à Sion » (Ps. 51 : 18). « Dieu sauvera Sion, et bâtira les villes de Juda ; et on y habitera, et on la possédera ; (Ps. 69 : 35). Alors il sera dit : « l’Eternel est grand en Sion, et il est haut élevé par-dessus tous les peuples » (99 : 2). C’est de là qu’il bénira son peuple ; c’est de là que son peuple bénira Jéhovah, son Dieu, qui habitera dans Jérusalem (Ps. 128 : 5 ; 134 : 3 ; 135 : 21). Alors ces exhortations et ces promesses auront un accomplissement réel : « Jérusalem, célèbre l’Eternel ! Sion, loue ton Dieu…. Qu’Israël se réjouisse en celui qui l’a fait ; que les fils de Sion s’égayent en leur Roi ! » (147 : 12 ; 149 : 2). « Ils marchent de force en force, ils paraissent devant Dieu en Sion » (Ps. 84 : 7). « Ceux qui se confient en l’Eternel sont comme la montagne de Sion, qui ne chancelle pas, qui demeure à toujours » (Ps.125 : 1). L’Eternel a dit au Seigneur et au Fils de David, à notre Seigneur et Sauveur : « Assieds-toi à ma droite » ; c’est là que, par la foi, nous voyons Jésus couronné de gloire et d’honneur, lequel, après avoir fait par lui-même la purification de nos péchés, s’est assis à la droite de la Majesté dans les lieux très hauts (Héb. 1 : 3 ; 2 : 9). Mais le jour viendra, où le Seigneur se lèvera, où l’Eternel transmettra de Sion le sceptre de sa force, en disant : « Domine au milieu de tes ennemis » (Ps. 110 : 1-2). Alors, « quand le Seigneur aura nettoyé la saleté des filles de Sion…. l’Eternel créera sur chaque demeure de la montagne de Sion, et sur ses assemblées, une nuée et une fumée de jour, et la splendeur d’une flamme de feu, la nuit ; car sur toute la gloire il y aura une couverture » (Es. 4 : 4-5). Alors tout sera beau, glorieux et digne de Dieu, car « l’Eternel des armées règnera en la montagne de Sion et à Jérusalem, et devant ses anciens en gloire » (Es. 24 : 23). « Il a rempli Sion de droiture et de justice » (Es. 33 : 5)… Comme il sera beau pour Israël de pouvoir dire alors : « Regarde Sion, la cité de nos assemblées solennelles ! Tes yeux verront Jérusalem, une demeure tranquille, une tente qui ne sera pas transportée… Mais là l’Eternel est pour nous magnifique… car l’Eternel est notre Juge, l’Eternel est notre Législateur, l’Eternel est notre Roi ; lui nous sauvera » (Es. 33 : 20-22).
Ces réjouissants accents ne sortiront pas seulement des lèvres d’Israël. « Et les fils de tes oppresseurs viendront se courber devant toi, et tous ceux qui t’ont méprisée se prosterneront à la plante de tes pieds et t’appelleront la ville de l’Eternel, la Sion du Saint d’Israël » (Es. 60 : 14). Quels beaux jours pour le peuple terrestre de Dieu, quand ces paroles deviendront une réalité : « Voici, l’Eternel a fait entendre jusqu’au bout de la terre : Dites à la fille de Sion : Voici ton Salut vient ; voici, ton salaire est avec lui, et sa récompense devant lui. Et on les appellera le peuple saint, les rachetés de l’Eternel ; et toi, tu seras appelée la recherchée, la ville non abandonnée » (Es. 62 : 11-12). « Et vous, fils de Sion, égayez-vous, et réjouissez-vous en l’Eternel, votre Dieu… Et il arrivera que, quiconque invoquera le nom de l’Eternel sera sauvé. Car sur la montagne de Sion il y aura délivrance, et à Jérusalem, comme l’Eternel l’a dit, et pour les réchappés que l’Eternel appellera » (Joël 2 : 23, 32).
Voici, d’après les Saintes Ecritures, l’histoire passée, présente et future de la montagne de Sion. Quant au Nouveau Testament, le nom de Sion ne s’y trouve que dans sept passages, dont cinq sont des citations de certains de ceux que nous venons de rappeler. Dans Apocalypse 14 : 1, l’apôtre Jean voit l’Agneau qui se tient sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante- quatre milliers avec son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts. Enfin, dans Hébreux 12 : 22, s’adressant à des Juifs devenus chrétiens, l’auteur de l’épître leur rappelle que ce n’est plus à la montagne de la loi, à Sinaï où tout était terrible, qu’ils sont venus et qu’ils ont affaire maintenant. Il leur dit : « Vous êtes venus à la montagne de Sion ; et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste ». Comme la Jérusalem céleste est ici mise en contraste avec la Jérusalem de la terre, de même Sion ou la montagne de la grâce royale, est en contraste avec Sinaï, la redoutable et effrayante montagne de la loi.
Nous qui croyons de coeur au Seigneur Jésus, nous sommes venus à cette montagne de Sion, étant devenus les objets de la grâce de Dieu. Il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ ! Veuille le Seigneur faire connaître de cette manière à tous nos lecteurs la céleste Sion. Que chacun puisse dire avec l’apôtre : « la Jérusalem d’en haut est la femme libre qui est notre mère» (Gal. 4 : 26).

D’après plusieurs articles parus dans la « Bonne Nouvelle » (1862 et 1872).

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