Archive pour la catégorie 'BIBLIQUE – ACTES DES APÔTRES'

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE – Actes des apôtres 7, 55 – 60

6 mai, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 8 MAI 2016

PREMIERE LECTURE – Actes des apôtres 7, 55 – 60

En ces jours-là, Étienne était en face de ses accusateurs. 55 Rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. 56 Il déclara : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » 57 Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles. Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, 58 l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. 59 Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » 60 Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort.

Etienne a été dénoncé exactement comme Jésus et pour les mêmes raisons ; rien d’étonnant ! Ce qui avait été scandaleux pour les ennemis de Jésus l’est tout autant pour ceux d’Etienne. Il sera donc condamné lui aussi. En attendant, il est traîné devant le Sanhédrin où le grand-prêtre l’interroge ; et Etienne répond par tout un discours sur le thème : vous croyez au projet de Dieu qui a choisi notre peuple pour préparer la venue du Messie dans le monde. Vous croyez à Abraham, vous croyez à Moïse… Pourquoi vous dérobez-vous au moment où nous entrons avec Jésus dans la dernière étape ? Il faut imaginer l’énormité de ces déclarations d’Etienne : il prétend voir le Fils de l’homme (et pour lui, il ne fait pas de doute que c’est Jésus) debout à la droite de Dieu. Or, pour des Juifs, les mots « Fils de l’homme », « debout », « à la droite de Dieu » sont des mots très forts : la preuve, d’ailleurs, c’est qu’ils signent l’arrêt de mort de celui qui ose dire des choses pareilles. Comme, quelque temps plus tôt, des affirmations du même genre ont provoqué la condamnation de Jésus. Dans l’évangile de Luc, il avait dit à ses juges : « Désormais le Fils de l’homme siégera à la droite du Dieu puissant » ; et il avait provoqué la fureur du tribunal. Et, pour tout arranger, Etienne accuse ses juges de « résister à l’Esprit Saint ». Ce qui évidemment n’est pas pour leur faire plaisir ! Nous avons eu déjà de nombreuses occasions de voir que les autorités juives de Palestine au temps de Jésus (et tout aussi bien au temps d’Etienne, ce sont les mêmes) étaient des gens très bien, soucieux de bien faire. Ils ne sont en aucun cas, conscients de « résister à l’Esprit Saint », comme dit Etienne ! Depuis des siècles, on savait que le projet de Dieu était de répandre son Esprit sur toute l’humanité. Moïse, déjà, en rêvait : non seulement il ne voulait pas garder le monopole de l’intimité avec Dieu, mais au contraire, il avait eu cette phrase qui était restée célèbre : « Si seulement tout le peuple du Seigneur devenait un peuple de prophètes sur qui le Seigneur aurait mis son esprit » (Nb 11, 26). Et les prophètes avaient confirmé que c’était bien le projet de Dieu : tous les Juifs avaient en tête la prophétie de Joël par exemple : « je répandrai mon esprit sur toute chair », ou encore celle d’Ezéchiel : « je mettrai en vous mon propre esprit ». Au chapitre précédent du livre des Actes des Apôtres, au moment du choix des diacres, dont Etienne fait partie, Luc nous a dit qu’Etienne, justement, était « un homme plein de foi et d’Esprit Saint ». Ici, Luc le répète : il dit : « Rempli d’Esprit Saint, Etienne fixa ses regards vers le ciel ; il vit la gloire de Dieu , et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : Voici que je contemple les cieux ouverts »… fixer ses regards, voir, contempler, ce sont trois mots du vocabulaire du regard. Luc nous dit indirectement que c’est la présence de l’Esprit en lui qui ouvre les yeux d’Etienne ; et alors il peut voir ce que les autres ne voient pas. Et que voit-il que les autres, ses accusateurs, ne voient pas ? Il voit « les cieux ouverts » : cela revient à dire que le salut est arrivé ; il n’y a plus de frontière, de séparation entre le ciel et la terre : l’Alliance entre Dieu et l’humanité est rétablie, le fossé entre Dieu et l’humanité est comblé. On se souvient de la phrase d’Isaïe : « Ah, si tu déchirais les cieux ! » (Is 63, 19). Jésus est debout : le Ressuscité n’est plus couché dans la mort. Le mot « debout » était très symbolique dans les premiers temps de l’Eglise : à tel point que la position « debout » est devenue la position privilégiée de la liturgie ; celui qui prie, « l’orant » est toujours représenté debout. Pour la même raison, certains évêques des premiers siècles invitaient les fidèles à rester debout pendant toute la durée de la messe du dimanche : parce que c’est le jour où nous faisons mémoire de la résurrection de Jésus.1 Jésus est « à la droite de Dieu » : on disait des rois qu’ils siégeaient à la droite de Dieu ; appliquer cette expression à Jésus, c’est donc une manière de dire qu’il est le Messie. Les juges qui entendent cette phrase dans la bouche d’Etienne ne s’y trompent pas. Dire qu’il est le « Fils de l’homme » est tout aussi grave. L’expression « Fils de l’homme » était l’un des titres du Messie. En quelques mots, Etienne vient donc de dire que Jésus, cet homme méprisé, éliminé, rejeté par les autorités religieuses est dans la gloire de Dieu. Ce qui revient à les accuser d’avoir commis non seulement une erreur judiciaire, mais pire encore, un sacrilège ! Cette vision qu’a eue Etienne de la gloire du Christ va lui donner la force d’affronter le même destin que son maître : Luc accumule les détails de ressemblance entre les derniers moments d’Etienne et ceux de Jésus. Etienne est traîné hors de la ville tout comme le Calvaire était en dehors de Jérusalem ; pendant qu’on le lapide, il prie : et spontanément il redit le même psaume que Jésus : « En tes mains, Seigneur, je remets mon esprit » (Ps 30/31) ; et enfin, il meurt en pardonnant à ses bourreaux. Jésus avait dit « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », Etienne, au moment de mourir, dit à son tour « Seigneur, ne leur compte pas ce péché » (et c’est bien le même auteur, Luc, qui le note). Et Luc, dont on dit souvent qu’il est l’évangéliste de la miséricorde, nous montre la fécondité de ce pardon : l’un des bénéficiaires du pardon d’Etienne est Saül de Tarse, l’un des pires opposants au Christianisme naissant. Il se convertira bientôt pour devenir témoin et martyr à son tour.

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Note 1 – « L’usage de ne pas plier les genoux pendant le jour du Seigneur est un symbole de la résurrection par laquelle nous avons été libérés, grâce au Christ, des péchés et de la mort qui a été mise à mort par lui. » (Saint Irénée, Traité sur la Pâque, deuxième siècle). « C’est debout que nous faisons la prière le premier jour de la semaine, mais nous n’en savons pas tous la raison. Ce n’est pas seulement parce que, ressuscités avec le Christ et devant « chercher les choses d’en haut » (Col 3, 1), nous rappelons à notre souvenir, en nous tenant debout quand nous prions en ce jour consacré à la Résurrection, la grâce qui nous a été donnée, mais parce que ce jour-là paraît être en quelque sorte l’image du siècle à venir… » (Saint Basile, Traité du saint Esprit, quatrième siècle).

 

ACTES DES APÔTRES 5, 27B-32. 40B-41 – COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT

8 avril, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 10 AVRIL 2016

PREMIERE LECTURE – ACTES DES APÔTRES 5, 27B-32. 40B-41

En ces jours-là, les Apôtres comparaissaient devant le Conseil suprême ; 27 le grand prêtre les interrogea : 28 « Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de celui-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ! » 29 En réponse, Pierre et les Apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. 30 Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. 31 C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. 32 Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »

40 Après avoir fait fouetter les Apôtres, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. 41 Quant à eux, quittant le Conseil Suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.

Les Apôtres viennent d’être flagellés à cause de leur prise de parole sur Jésus. On les relâche et, voilà qu’en sortant du tribunal, Saint Luc nous dit : « Ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus ». Comme s’ils avaient été décorés… décorés du titre de « prophètes ». Peut-être ont-ils alors repensé à la parole de Jésus : « Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent, et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme. Réjouissez-vous ce jour-là et bondissez de joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel ; c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes. » (Lc 6, 22-23). Ils se rappellent aussi cette phrase que Jésus leur avait dite : « Ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront, vous aussi. » (Jn 15, 20). Ici, que s’est-il passé ? Ce n’est pas la première fois que les Apôtres Pierre et Jean comparaissent devant le Sanhédrin, c’est-à-dire le tribunal de Jérusalem, le même qui a condamné Jésus quelques semaines plus tôt ; déjà, une fois, après la guérison du boiteux de la Belle Porte, un miracle qui avait fait beaucoup de bruit dans la ville, ils avaient été arrêtés, emprisonnés une nuit, puis interrogés et interdits de parole ; mais on les avait finalement relâchés. Dès leur remise en liberté, ils avaient recommencé à prêcher et à faire des miracles. Ils ont donc été arrêtés une deuxième fois, mis en prison… mais ils ont été délivrés miraculeusement pendant la nuit par un Ange du Seigneur. Evidemment, cette délivrance miraculeuse n’a fait que galvaniser leurs énergies ! Et ils ont recommencé à prêcher de plus belle. Et c’est là que nous en sommes avec la lecture de ce dimanche. Ils sont donc de nouveau arrêtés et traduits devant le tribunal. Le grand prêtre les interroge, ce qui nous vaut la très belle réponse de Pierre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » Et Pierre adresse au tribunal un petit résumé de ses discours précédents ; il leur dit à peu près ceci : il y a deux logiques, la logique de Dieu et celle des hommes ; la logique des hommes (sous-entendu la vôtre, vous tribunal juif), consiste à dire : un malfaiteur, on le supprime, et après sa mort, on ne va quand même pas lui faire de la publicité ! Jésus, aux yeux des autorités religieuses, était un imposteur, on l’a supprimé, c’est logique ! C’est même un devoir de l’empêcher d’endoctriner un peuple trop enclin à se fier à n’importe quel prétendu Messie. Condamné, exécuté, suspendu à la Croix, c’est un maudit : même de Dieu il est maudit. C’était écrit dans la Loi. Seulement voilà, la logique de Dieu, c’est autre chose : oui, vous l’avez exécuté, pendu au gibet de la croix… Mais, contre toute attente, non seulement il n’est pas maudit par Dieu, mais au contraire, il est élevé par Dieu, il devient le Chef, le Sauveur : « C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. » Cette dernière phrase est une énormité pour des oreilles juives : si la conversion et le pardon des péchés sont apportés à Israël, cela signifie que les promesses sont accomplies. Cette assurance des Apôtres, que rien ne semble faire taire, ne peut qu’exaspérer les juges ; et plusieurs d’entre eux ne voient plus qu’une solution : les supprimer comme on a supprimé Jésus ; c’est là qu’intervient un homme extraordinaire, Gamaliel, dont le raisonnement devrait être un modèle pour nous, quand nous nous trouvons face à des initiatives qui ne nous plaisent pas. Malheureusement, la lecture liturgique de ce dimanche ne retient pas l’épisode de Gamaliel : on passe directement des paroles de Pierre à la décision du tribunal ; les apôtres ne sont pas condamnés à mort comme certains le voudraient, on se contente de les fouetter et on les relâche. Mais prenons le temps de lire les versets qui manquent ; Pierre vient donc de dire : « Nous sommes témoins de tout cela avec l’Esprit Saint que Dieu donne à ceux qui lui obéissent » (sous-entendu, vous, en ce moment, vous n’obéissez pas à Dieu). Luc raconte : « Exaspérés par ces paroles, ils projetaient de les faire mourir. Mais un homme se leva dans le Sanhédrin ; c’était un Pharisien du nom de Gamaliel, un docteur de la Loi estimé de tout le peuple » ; (entre parenthèses, c’est lui qui fut le professeur de Saül de Tarse, le futur Saint Paul ; cf Ac 22, 3) ; il ordonne de faire sortir un moment Pierre et Jean, et il s’adresse aux autres juges ; en substance, son raisonnement est le suivant : de deux choses l’une, ou bien leur entreprise vient de Dieu… ou bien non, ce sont des imposteurs ; et voici la fin de son discours : « Si c’est des hommes que vient leur entreprise, elle disparaîtra d’elle-même… si c’est de Dieu, vous ne pourrez pas les faire disparaître. N’allez pas risquer de vous trouver en guerre avec Dieu ! » (Ac 5, 38-39). Si Gamaliel prenait la parole aujourd’hui, sans doute reconnaîtrait-il que l’Eglise est bien une entreprise de Dieu : depuis deux mille ans, elle a résisté à tout, même à nos faiblesses et à nos insuffisances ! ———————— Complément Gamaliel est un bel exemple de Pharisien et nous donne l’occasion de rendre justice à la majorité d’entre eux qui étaient des hommes de foi et de bonne volonté. A travers cet épisode, nous approchons la réalité historique des débats au sein du Judaïsme à propos de la jeune communauté chrétienne.

 

ANNÉE PAULIENNE : HOMÉLIE SUR LE DISCOURS DE SAINT PAUL À ATHÈNES EN ACTES 17, 16-34 – MERCREDI DE LA 6E SEMAINE DE PÂQUES.

4 février, 2016

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ANNÉE PAULIENNE : HOMÉLIE SUR LE DISCOURS DE SAINT PAUL À ATHÈNES EN ACTES 17, 16-34 – MERCREDI DE LA 6E SEMAINE DE PÂQUES.

« Ce que vous vénérez, sans le connaître, voilà ce que, moi, je viens vous annoncer. » Homélie prononcée lors de la fête du Supérieur général par Mgr Hermann Giguère P.H. à la chapelle du Pavillon Jean-Olivier-Briand, Séminaire de Québec, le 20 mai 2009. Textes de l’Écriture: Actes17, 15.22-18,1(discours de saint Paul à Athènes au complet : Actes 17, 16-34) et Jn 16, 12-15. Mercredi de la 6e semaine de Pâques. 

Les lectures d’aujourd’hui demanderaient des commentaires assez développés, mais n’ayez crainte, je ne serai pas très long. Il reste qu’en cette année paulienne, le discours de saint Paul devant les Athéniens résonne à nos oreilles de façon interpellante. Le contenu de cette annonce de l’Évangile tranche avec celle de Pierre après la Pentecôte ou encore avec le discours de Paul à Antioche (Actes 13, 16-43) que nous avons lu au cours des dernières semaines. Il s’agit toujours du même Évangile bien sûr que Paul annonce, mais nous pouvons constater ici que Paul se préoccupe non seulement du contenu, mais aussi de la façon de transmettre ce contenu. Voilà pourquoi, ce discours de Paul aux Athéniens est des plus actuels pour nous. 

I- Contexte : le deuxième voyage missionnaire  De l’an 49 à l’an 52, selon les spécialistes de saint Paul, celui-ci est engagé dans son deuxième voyage missionnaire qu’il commence à Antioche dans les difficultés avec Barnabé qu’il laisse pour traverser la Turquie actuelle avec Silas (Actes 15, 36-40). Plus de mille kilomètres. Il retrouve les communautés déjà fondées notamment celle des Galates et rencontre Timothée qui l’accompagnera pour le reste du voyage. Le groupe s’embarque pour la Macédoine, poursuit sa route, évangélisant Thessalonique et Bérée et Paul se retrouve à Athènes, la capitale culturelle de la Grèce. Il y est seul attendant que Timothée et Silas viennent le rejoindre.  Transportons-nous dans cette capitale il y a presque 2000 ans en même temps que Paul. La ville est une des plus belles villes de l’époque, pleine d’animation, de culture comme le sont aujourd’hui Paris ou New-York. Parcourons la ville avec Paul. Admirons-y les magnifiques bâtiments, les riches maisons sculptées en pierre blanche, les théâtres et les fontaines. Avec Paul, au fil de notre promenade, nous découvrons aussi les nombreux temples où l’on adorait une multitude de divinités. Petits temples bien souvent avec colonnades et frontons sculptés et décorés. Chaque temple a son dieu ou sa déesse. 

II- Un discours exemplaire  Lorsqu’il commence à s’adresser aux gens réunis autour de lui à l’Aréopage, Paul se sert de cette visite pour en faire un point d’accrochage : « En effet, en parcourant la ville, et en observant vos monuments sacrés, j’y ai trouvé, en particulier, un autel portant cette inscription : ‘ Au dieu inconnu’ ».  Voilà le départ. Et le discours continue avec un souci remarquable de rejoindre les auditeurs. Cependant, remarquez-le, il y a plus qu’une technique de communication ici.  Autant, jusqu’ici on voyait Paul se faisant « juif avec les juifs », autant on le voit maintenant se faire « grec avec les grecs », autant on l’entendait citer plein de passages de l’Ancien Testament et se référer à l’histoire d’Israël, autant maintenant à Athènes on sent l’adaptation au milieu païen, mais le discours s’achève avec la proclamation de la résurrection de façon non équivoque. « [Dieu] a fixé le jour où il va juger l’univers avec justice, par un homme qu’il a désigné; il en a donné la garantie à tous en ressuscitant cet homme d’entre les morts. »  L’ensemble de l’argumentation va dans le sens d’un effort pour rejoindre ceux à qui Paul s’adresse pour la proclamation de l’Évangile. Ce discours est vraiment remarquable du point de vue de la communication, mais il n’est pas seulement un effort de communicateur, il est aussi la parole d’un évangélisateur. 

III- Application  On parle volontiers dans le Québec d’aujourd’hui de « nouvelle évangélisation ». La Montée des Jeunes qui a eu lieu en fin de semaine dernière avait comme thème : « Missionnaire, ose le style saint Paul. » On trouve dans le discours à Athènes, un bel exemple du « style saint Paul», d’une véritable méthode d’évangélisation.  Paul se trouve à Athènes dans une situation inédite : – il est seul, sans aide ni équipe. Qu’est-ce que Paul fait dans un tel contexte? Premièrement, Paul commence par faire le tour de la ville pour prendre connaissance du milieu dans lequel il se trouve. Deuxièmement, il cherche des ponts par lesquels il peut, avec l’Évangile, rejoindre les Athéniens dans ce qu’ils croient. C’est pourquoi, Paul ne part pas, contrairement à l’accoutumée, des affirmations bibliques pour s’adresser aux Grecs. Il part des éléments connus de leur culture par lesquels il y a une porte d’entrée pour l’Évangile. Et, troisièmement, Paul proclame le kérigme : « Il est ressuscité, oui, cet homme est vraiment ressuscité » comme le chante notre liturgie pascale. L’approche est différente de celle qu’il avait avec les juifs, mais son message ne change pas. Il demeure le même qu’à Antioche : Dieu a ressuscité Jésus pour en faire le Premier-Né d’une multitude de frères et sœurs, même si Paul sent que celui-ci est difficile à entendre pour les Grecs. En effet, on se moque de lui, mais ce n’est pas l’échec total, étant donné que naît à Athènes une petite communauté chrétienne : Denys, Damaris et quelques autres (Actes 17, 32- 34).  Le pape Paul VI écrivait dans l’ Exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi » : « Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés.» Et Jean-Paul II, faisant écho à ces paroles, écrit dans Novo millennio ineunte : « Nous ne sommes certes pas séduits par la perspective naïve qu’il pourrait exister pour nous, face aux grands défis de notre temps, une formule magique. Non, ce n’est pas une formule qui nous sauvera, mais une Personne, et la certitude qu’elle nous inspire : Je suis avec vous ! » Conclusion  Cette méditation, plus longue que ce que je m’imaginais, nous garde, avec saint Paul, dans le sillage du texte de l’évangile de Jean qui nous invite à rester toujours attentifs à l’Esprit si nous voulons connaître et suivre Jésus. « Il reprend ce qui vient de moi, dit Jésus, pour vous le faire connaître. » (Jn 16,15) Prions, chers amis, pour que nous sachions bien discerner les voies de l’Esprit pour notre Église d’aujourd’hui, pour notre communauté et pour notre cheminement de vie personnel,  Que cette Eucharistie nous donne d’être, de plus en plus, unis au Seigneur ressuscité comme des membres vivants et rayonnants de la beauté, de la bonté et de l’amour de Celui en qui « il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d’exister » (Actes 17, 28).  Amen! 

Mgr Hermann Giguère, P.H.  Supérieur général du Séminaire de Québec  20 mai 2009 

LA CONVERSION DE PAUL RACONTÉE PAR L’AUTEUR DES ACTES DES APÔTRES

25 janvier, 2016

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1516.html  

LA CONVERSION DE PAUL RACONTÉE PAR L’AUTEUR DES ACTES DES APÔTRES

Dans le livre des Actes des Apôtres il y a trois récits de la conversion de Paul. Le premier (Ac 9) est fait par le narrateur, les deux autres (Ac 22 et 26) par Paul lui-même. Ces trois récits relatent la même intervention de Dieu sur le chemin de Damas, mais comportent un certain nombre de divergences. Que disent ces trois récits ? Leur répétition montre tout d’abord l’importance que l’auteur accorde à la conversion de Paul. Leurs divergences sont autant de clins d’oeils adressés au lecteur et d’invitations à en chercher le sens. Avec son génie de conteur, Luc nous invite à entrer progressivement dans le mystère de la conversion de Paul.

À l’approche de Damas Le premier récit de conversion (Ac 9) relate l’aller-retour de Saul (le nom de Paul au début du récit) de Jérusalem à Damas. Mandaté par le grand prêtre, Saul arrive devant Damas en persécuteur sanguinaire. Mais, aux portes de la ville le Seigneur l’attend. Le lieu a une certaine importance. Il est en effet un endroit symbolique, un lieu de passage mais aussi de jugement. Les rois grecs, quand ils visitaient leur royaume, s’arrêtaient aux portes des villes pour écouter les doléances de leurs sujets et leur rendre justice. Ce n’est pas pour rien que, dans l’œuvre de Luc, beaucoup de choses se passent aux portes des villes. Jésus ressuscite un jeune homme aux portes de Naïn, il guérit un aveugle aux portes de Jéricho, il pleure sur Jérusalem à l’approche de la ville… L’épisode de la porte de Damas est bien une scène de jugement. Saul en effet rencontre le Seigneur, qui est à la fois le juge et la victime et qui lui demande des comptes. L’interrogatoire est bref et la sentence immédiate. Elle révèle la vraie nature du persécuteur : il est aveugle. Cependant elle n’écrase pas le condamné. Elle le relève au contraire et lui indique le chemin de la conversion. Saul doit faire confiance à une communauté : « On te dira ce que tu dois faire ». Les témoins de la scène ne voient personne mais entendent la voix. Saul, lui, a-t-il vu le ressuscité ? Pour le moment nous ne le savons pas. Terrassé par le Seigneur et aveuglé par sa lumière, Saul entre maintenant dans la ville, conduit par la main de ses compagnons. Il en sortira ballotté dans un panier le long des remparts de la ville.

Il est l’instrument choisi La deuxième intervention divine se passe chez un disciple de Jésus, Ananie, à qui le Seigneur communique son projet sur Saul : « Cet homme est l’instrument que je me suis choisi pour répondre de mon Nom devant les nations païennes, les rois et les Israélites. » Nous lecteurs, nous assistons à cette scène et nous savons maintenant à quoi Saul est destiné. Mais comment Saul va-t-il le savoir ? Par Ananie, en principe, qui devrait logiquement lui communiquer le message divin. Mais Ananie ne le fait pas. Observons bien ce qui se passe. Ananie va trouver Saul dans la maison de Judas. Il lui impose les mains et le guérit, mais il ne transmet pas le message reçu. Nous sommes donc dans une situation étrange : les lecteurs savent quelque chose que le héros principal de cette histoire ignore. Cet effet littéraire n’est pas gratuit. Il montre que Saul n’est pas une simple marionnette entre les mains de Dieu. Ce dernier a un projet sur Saul, mais il ne lui impose pas. Il lui laisse du temps pour qu’il le découvre par lui-même

Il a vu le Seigneur Saul se rend maintenant à Jérusalem. Il quitte le groupe de disciples qui l’ont accueilli pour la première fois pour rencontrer le groupe des apôtres. Une boucle est bouclée. Paul est revenu à son point de départ, mais il ne fréquente plus les mêmes personnes. De l’entourage du grand prêtre, il est passé dans le cercle des chrétiens. Quand il se présente à Jérusalem Barnabas dit aux apôtres que Saul « a vu le Seigneur qui lui a parlé ». Le narrateur de cette histoire s’efface donc devant un membre de la communauté chrétienne et lui laisse le soin d’interpréter l’événement du chemin de Damas et de révéler aux apôtres, et aussi à nous les lecteurs, que Saul a bien vu le Seigneur ressuscité. Les apparitions du Seigneur ne sont pas d’abord un fait observable par un historien. Ils sont d’abord l’objet d’un témoignage de croyant.

Mettez-moi Saul à part pour une œuvre Au chapitre 13 des Actes, Saul est à Antioche. L’Esprit Saint demande à la communauté de le mettre à part, avec Barnabé, pour « une œuvre » qu’il ne définit pas. Nous avons le même phénomène littéraire que plus haut. Nous, lecteurs, savons à quoi Saul est destiné, mais Saul ne le sait toujours pas. Il va donc de synagogue en synagogue annoncer Jésus ressuscité. Devant l’opposition des Juifs, il décide de se tourner vers les païens. Apparemment il a décidé cela par lui-même, en accord avec Barnabas. Il a enfin découvert ce à quoi il était destiné. L’Esprit Saint lui a laissé le temps. Au retour de mission il rend compte à la communauté de « l’œuvre » qu’il vient d’accomplir : « Ouvrir aux païens les portes de la foi » (Ac 14,27). Sous la forme du récit Luc vient de nous montrer comment Dieu avait un projet sur Paul mais n’a pas tiré les ficelles. Il l’a laissé trouver par lui-même son chemin. Initiative humaine et plan de Dieu peuvent faire bon ménage.

Deuxième récit de conversion Le deuxième récit de conversion (Ac 22) est fait par Paul lui-même dans le Temple de Jérusalem. Devant la foule juive, il raconte les événements du chemin de Damas. À part quelques variantes secondaires, Paul reprend les mêmes éléments que nous avons déjà entendus. Mais il apporte deux précisions. Ananie d’abord transmet le message à Paul qui doit être témoin du Christ « devant tous les hommes », donc également devant les païens. Et Paul raconte ensuite qu’il a eu une vision dans le Temple de Jérusalem au cours de laquelle le Seigneur lui a dit : « Va, c’est au loin, vers les nations païennes, que je vais, moi, t’envoyer . » Le lecteur apprend donc par la bouche de Paul des choses qu’il ne savait pas. Ainsi Paul n’a pas décidé par lui-même de passer aux païens. Il a été encouragé par le Seigneur en personne. Et cette vision s’est déroulée au Temple. On remarque la portée symbolique de ce lieu.

Troisième récit de conversion Alors qu’il est en captivité à Césarée, la ville païenne, Paul raconte une troisième fois sa conversion. Ses interlocuteurs sont des descendants d’Hérode le Grand ainsi que le gouverneur romain Festus. Il y a de nouvelles variantes. Cette fois-ci il n’est plus question de la cécité temporaire de Paul ni du rôle d’Ananie. Plus question non plus de l’extase du Temple. Mais Paul parle de la rencontre avec le Nom de Jésus. Paul qui combattait ce Nom par tous les moyens l’a rencontré sur sa route, en travers de son chemin. Le Seigneur a parlé à Paul et lui dit : « Je t’ai destiné à être serviteur et témoin de la vision où tu viens de me voir ….Je t’envoie vers le peuple et les nations païennes pour leur ouvrir les yeux, les détourner des ténèbres vers la lumière… afin qu’ils reçoivent le pardon des péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés, par la foi en moi » (Ac 26,14-18). Maintenant tout est dit. Le narrateur du livre des Actes des Apôtres a laissé Paul faire lui-même le bilan de sa vie. La conversion et la vocation de l’ancien persécuteur forment un tout. Appartenant tout entier au Christ, il témoigne devant les Juifs et les païens. Ce que le Seigneur a annoncé à Ananie s’est accompli : « Cet homme est un instrument que je me suis choisi pour répondre de mon nom devant les nations païennes, les rois et les Israélites » (Ac 9,15).

 

LA PRIÈRE DE LA PREMIÈRE COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE – Actes 4, 23-31

4 novembre, 2015

http://www.moinesdiocesains-aix.cef.fr/homelies/lectio-divina/nouveau-testament/actes-des-apotres/1798-la-priere-de-la-premiere-communaute-chretienne.html

LA PRIÈRE DE LA PREMIÈRE COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE – Actes 4, 23-31

Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS

Olivier du Jardin des Oliviers

A travers l’épisode des Actes des apôtres que nous avons entendu tout à l’heure, nous sommes en face d’un témoignage extrêmement intéressant à plus d’un titre, de la vie des premières communautés chrétiennes. La première chose qui retient notre attention, c’est que nous avons là une prière de la toute première communauté chrétienne. La prière chrétienne ne s’est pas faite toute seule, elle a pris une physionomie propre, et dans ce petit texte des Actes, nous avons très exactement une première très grande prière d’action de grâces chrétienne. Le contexte est tout simple, Pierre et Jean avaient prêché, avaient guéri un impotent, ils se sont fait arrêter par le Sanhédrin, la police du Temple, ils ont été libérés miraculeusement et ils sont rentrés à la maison. Là, c’est normal, c’est une sorte de prière d’action de grâces. Ce n’est peut-être pas formellement une eucharistie, mais en tout cas, cela en a tous les traits. C’est-à-dire qu’il s’agit quand même une prière eucharistique au grand sens du terme, qui est de rendre grâces, de dire merci à Dieu pour ce qui est arrivé aux disciples. Vous l’aurez remarqué, cette prière est construite de façon très rigoureuse. La première chose, c’est « qu’ils sont d’un seul élan », c’est-à-dire que c’est l’unanimité de la prière, ce n’est pas une prière individuelle, puis, « ils élèvent la voix vers Dieu », et voilà ce qu’ils disent, la première chose, c’est la louange du Créateur : « Maître, c’est toi qui as fait le ciel, la mer et tout ce qui s’y trouve ». C’est le premier élément, on s’adresse toujours au Dieu créateur, comme on le dit dans le Credo : « Je crois en Dieu le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre », c’est le mystère même de l’initiative, de la générosité, de la fécondité paternelle de Dieu qui est ultimement invoqué. Ensuite, on passe à l’économie des Écritures : « C’est toi qui as dit par l’Esprit Saint dans la bouche de notre père David ». Dans la prière chrétienne, on prie le Père par la prière des Écritures. L’Écriture est le lieu même, le creuset des mots qui servent à prier Dieu. Ici, on prend un texte qui nous paraît un peu bizarre, mais qui cependant est assez important, c’est le texte du paume deuxième, dans lequel on cite la révolte des peuples et des magistrats. Les chrétiens ont alors une idée très précise, mais cette prière est voulue ici parce que le psaume deuxième raconte comment le monde est toujours en révolte latente contre la puissance de Dieu, et l’histoire humaine n’est pas un long fleuve tranquille, mais que c’est au contraire une sorte de torrent dans lequel cela remue de tous côtés, il y a bien quelque chose d’anarchique dans l’histoire du monde, et les peuples, ce sont les tribus d’Israël, et les magistrats, c’est Ponce-Pilate, c’est l’ordre apparent des romains. Ces deux ordres, et c’est l’aboutissement de la prière : « Comme tu l’as prophétisé et que tu l’as dit par les Écritures, cela vient de se passer », c’est-à-dire qu’au moment de la Passion, les peuples, les tribus d’Israël et les nations, les magistrats, c’est-à-dire Ponce-Pilate et les romains se sont « ligués contre ton Christ, contre ton oint, et l’ont mis à mort ». Vous remarquerez en passant, cela dit pour ceux qui ont vu le film de Mel Gibson, qu’ici, la prière de la première communauté explique très bien que ce ne sont pas les juifs seuls qui ont la responsabilité de la mort de Jésus, puisque ce sont précisément les peuples, c’est-à-dire les tribus d’Israël et les magistrats, les païens. Ce sont les païens et les juifs qui portent ensemble la responsabilité de la mort de Jésus, c’est l’humanité tout entière, c’est cela le sens de cette parole. C’est intéressant à noter, parce que la plupart du temps, on dit que le Nouveau Testament est antisémite, c’est ce que Mordillat et Prieur ont essayé de raviver avec leurs émissions de télévision (Corpus Christi), mais en vérité, il n’en est rien, ce n’est pas la vérité. Là, on a un cas tout à fait typique, où précisément on montre que dans la prière de la première communauté chrétienne on sait que la mort de Jésus n’est pas uniquement le fait de juifs, mais bien le fait des juifs et des païens. A ce moment-là, c’est donc la manière même dont est proclamé ici le mystère pascal : « Puisque tu l’as prophétisé avec le brouhaha, la révolte et le grondement des magistrats et des peuples, maintenant, c’est ce qui vient de s’accomplir dans la mort de Jésus, et effectivement, l’histoire, le mal, et toutes les avanies de l’humanité sont déchaînées contre le Seigneur et contre son Christ ». La communauté elle-même s’assimile au Seigneur qui a été mis à mort. « Maintenant Seigneur, considère leurs menaces, ce qui permettra à tes serviteurs d’annoncer ta Parole en toute assurance ». Cela veut dire que la première communauté chrétienne est consciente qu’au moment même où elle entreprend la tâche délicate et difficile d’annoncer le salut, elle est exactement dans les mêmes conditions que son Seigneur. Donc, on n’échappe pas, dès qu’on continue à être les prolongateurs du mystère de la Pâque de Jésus et du salut par la prédication, ce n’est donc pas étonnant que Pierre et Jean aient été persécutés par la police du Sanhédrin. Il faut alors que Dieu continue à agir comme Il a agi pour le Christ, qu’Il continue à agir au sein de l’Église et au sein de l’action missionnaire des apôtres. C’est assez intéressant parce qu’on retrouverait presque les catégories de la Prière eucharistique. On s’adresse à Dieu : « Il est juste et bon de te rendre grâces à toi, Père créateur » puis, « par Jésus-Christ, celui qu’ont annoncé les prophètes », et ensuite le plan du salut par exemple comme il est évoqué dans la Prière eucharistique quatrième, et au lieu de bifurquer sur le problème de la violence et du drame de l’histoire humaine, on bifurque sur l’eucharistie, et l’on demande que « maintenant l’eucharistie continue à travers le don du corps et du sang du Christ ressuscité dans l’Église ». A la fin, il y a un événement qui est tout à fait étonnant, cela se termine par ce qu’un certain nombre d’exégètes ont appelé « la petite Pentecôte ». Vous avez remarqué, c’est le signe que Dieu exauce : « Tandis qu’ils priaient, l’endroit où ils se trouvaient réunis, trembla et tous furent alors remplis du Saint Esprit ». C’est exactement la même formulation, mais ici, au lieu que la Pentecôte soit pour ainsi dire gérée symboliquement par le feu du ciel, c’est une Pentecôte sismique et tellurique. C’est une Pentecôte tremblement de terre, c’est la puissance de l’Esprit, qui, à cause du grondement des nations et des magistrats, lui aussi gronde, Il entre aussi dans le champ de bataille. L’Esprit résiste et se mobilise avec ceux dont Il a fait ses témoins et hérauts de la Résurrection du Christ, Il combat et reprend cette sorte de dimension chaotique de la fragilité du monde et de la terre, pour commencer à manifester sa puissance qu’Il a inaugurée dans la Résurrection du Christ. Vous remarquerez d’ailleurs que cette allusion sismique et tellurique de la petite Pentecôte dans ce passage-là, fait évidemment référence aux mentions des tremblements de terre au moment, soit de la mort du Christ, soit dans le récit de Matthieu au moment de la Résurrection du Christ. C’est toujours la même chose, le tremblement de terre n’est pas compris chez les juifs et dans la mentalité courante de l’époque comme un phénomène ordinaire, simplement le mouvement des plaques tectoniques, on n’en a même pas idée, mais c’est véritablement compris comme le signe même d’une sorte de grondement de la colère de Dieu qui veut absolument combattre aux côtés de ceux qu’Il a envoyé pour annoncer le salut. Que cette méditation sur la prière des premières communautés chrétiennes nous invite nous-mêmes à raviver notre propre prière, et surtout à la nourrir de l’Écriture, parce qu’au fond, c’est cela qui s’est passé, toute la prière du Nouveau Testament, toute la prière de la communauté chrétienne, c’est simplement une sorte de reviviscence et de relecture dans la prière du mystère du Christ, à la lumière des Écritures de l’Ancien Testament.   AMEN

« LA MULTITUDE DES CROYANTS N’AVAIT QU’UN CŒUR ET QU’UNE ÂME »

4 novembre, 2015

http://steinbach68.org/comchret.htm

« LA MULTITUDE DES CROYANTS N’AVAIT QU’UN CŒUR ET QU’UNE ÂME »

Les Actes des Apôtres décrivent la vie de la première communauté chrétienne. Ce passage est devenu l’idéal à réaliser par toutes les générations.

Qui est l’auteur des Actes des Apôtres ? Le livre des Actes des Apôtres prend place, dans le Nouveau Testament, après les quatre Evangiles. Même s’il n’est pas signé, les spécialistes s’accordent pour dire que l’auteur du troisième Evangile, Luc, est également celui des Actes : même manière d’écrire, mêmes convictions de foi. En outre, l’introduction des Actes mentionne un ouvrage précédent du même auteur consacré à Jésus (Actes 1, 1-3). Les deux types de livres se complètent, tout en étant très différents dans le sujet et la méthode. Les Évangiles – et nettement celui de Luc – visent à décrire le temps de Jésus, son parcours de sa naissance à son « enlèvement » dans la gloire de Dieu. En contraste, les Actes des Apôtres ont pour sujet le temps de l’Église. En faisant des Actes la suite de son Évangile, Luc suggère, de manière audacieuse, que le ministère des Apôtres prolonge celui de Jésus et présente avec lui des similitudes. Ou, plus exactement, que Jésus poursuit son œuvre par celle de ses envoyés, animés comme lui par l’Esprit Saint. Le parallélisme structurel qui existe entre les deux livres montre bien qu’ils ont pour objet la même histoire, la même réalité. Jésus a changé aux yeux des hommes, mais il poursuit la même action, assuré de la même victoire. « Le livre des Actes, centré sur l’expansion de la Parole à partir de Jérusalem où est mort Jésus jusqu’à Rome, la capitale du monde au premier siècle, est une manière pour Luc de rappeler que l’Évangile de Jésus ne doit pas rester à Jérusalem mais atteindre le monde », observe l’exégète Marc Sevin

Pourquoi Luc a-t-il écrit les Actes ? Après Pâques, des communautés de disciples de Jésus se sont peu à peu constituées et organisées. Les Évangiles sont nés de leurs besoins: faire connaître Jésus aux chrétiens de la nouvelle génération, enseigner les Écritures, exprimer la foi chrétienne en la Résurrection de Jésus, former des responsables, mettre en place la liturgie chrétienne, établir la solidarité entre les communautés, organiser la mission. Si Luc écrit le livre des Actes, c’est selon Marc Sevin, avec deux objectifs essentiels : transmettre aux générations futures l’expérience de l’Église primitive (en en donnant sa propre interprétation), et proposer un modèle de communauté à la troisième génération de chrétiens, qui donne des signes de lassitude et connaît des tensions internes, notamment entre riches et pauvres.

Quelle est, dans ce contexte, la portée de ce passage ? Dans de courts passages, appelés « sommaires » parce qu’ils donnent en quelques mots une vision d’ensemble, Luc décrit ce que devrait être la communauté modèle des chrétiens. « Ces sommaires, explique Marc Sevin, sont vraisemblablement l’écho de la vitalité des toutes premières communautés, dynamisées par l’expérience de Pâques et qui espéraient la venue de Jésus en gloire pour bientôt. Cette venue se faisant attendre, l’exaltation du départ s’est émoussée. Il fallait redonner courage à la communauté et lui fournir des repères pour s’organiser dans la durée. » La description de la première communauté de Jérusalem par Luc (Ac 2, 42-47) n’est pas totalement étrangère à la culture de son temps. Le thème de l’âge d’or est connu des Grecs : à l’origine, les hommes auraient ignoré la propriété privée ; le philosophe Pythagore, avec ses disciples, a tenté de vivre de cette façon ; dans la littérature grecque, des expressions comme « Entre amis, tout est commun » et « L’amitié, c’est l’égalité » ne sont pas rares. Du côté juif, les esséniens vivant en communauté pratiquaient la mise en commun des biens : « C’est une loi que ceux qui entrent dans la secte fassent abandon de leurs biens à l’ordre », écrit l’historien juif Flavius Josèphe ( Guerre des Juifs, livre II, 122). C’était le cas à Qumrân : selon la règle de la communauté (VI, 13-23), si le candidat réussit l’examen au terme de la deuxième année, il était inscrit « régulièrement à son rang, parmi ses frères, pour ce qui a trait à la Loi, au droit, à la Purification et au mélange des biens ». C’est aussi le cas des « thérapeutes » dont parle le philosophe juif Philon d’Alexandrie, contemporain de Jésus. Malgré ces résonances avec la culture de son époque, Luc présente quelque chose de nouveau. La première description qu’il donne du petit groupe rassemblé à la suite du discours de Pierre le jour de la Pentecôte tient en une phrase (Ac 2, 42). Luc invite à persévérer dans l’approfondissement de la foi, la communion fraternelle concrète et la liturgie, en particulier l’eucharistie. Un peu plus loin (Ac 4, 32-35), il précise à nouveau comment se faisait le partage des ressources, de façon à ne laisser personne dans le besoin, et insiste sur le fondement de cette pratique : la foi commune en une vie nouvelle dans le Ressuscité, et la fraternité qui en découle. Comment les chrétiens se sont-ils efforcés de mettre en œuvre cet idéal ? La communauté primitive mise en scène par Luc dans les Actes des Apôtres est devenue la mesure et le critère de toute communauté chrétienne. Quand saint Augustin, par exemple, justifie la vie commune, c’est à cette communauté primitive qu’il se réfère. Mais cet idéal évangélique a bien d’autres lieux de réalisation que les monastères. Chaque génération chrétienne a cherché à vivre la communion comme manière d’exister ensemble dans le monde, et à réinventer les formes économiques concrètes de la fraternité.                    La Croix du 15 décembre 2007                                                                                             

MARTINE DE SAUTO