Archive pour la catégorie 'BIBLIE – A.T. – N.T.'

LA GRÂCE DANS LE JUDAÏSME : APRÈS ‘HEN, ‘HESED, L’AMOUR GRACIEUX

8 juillet, 2013

http://coirault-neuburger.blog.lemonde.fr/2013/07/02/la-grace-dans-le-judaisme-apres-hen-hesed-lamour-gracieux/

LA GRÂCE DANS LE JUDAÏSME : APRÈS ‘HEN, ‘HESED, L’AMOUR GRACIEUX

02 JUILLET 2013

‘hesed : un mot d’amour qui, comme ‘hen, peut parfois être traduit par « grâce ». C’est l’un des treize attributs dits de « miséricorde », et dans la Cabale c’est l’une des Séphirot, la première à ne plus être associée directement à la connaissance pour être associée à l’action. D’ailleurs très souvent dans la Bible on dit : « Fais-nous la grâce » : « asinou ‘hesed » (Samuel et  Juges). C’est cet amour qui préside dit-on au premier jour de la Création, à l’impulsion initiale. C’est aussi l’amour de la paix comme plénitude, dans les Psaumes (62,13) où il eset associé à « techalem ». Rabbi Simlai dans le Talmud dit que la Torah commence et finit par le ‘hesed, et effectivement, dans le dernier des Proverbes dit de la « femme vaillante », que nous récitons chaque Chabbat, il est question d’une « torat ‘hesed », un enseignement d’amour gracieux.
Très souvent dans la Bible ‘hesed est associé à ce que Dieu est en tant que vérité, « émet » : l’expression est « ‘hesed véémet » (surtout dans les Psaumes, mais aussi en Josué 2, 14). Cela va avec l’idée que la vérité est favorable à l’homme. La vérité n’est pas dure à entendre, dans sa perfection divine : elle fait du bien à l’âme car elle ne ressemble pas à la médisance, au souci de se faire valoir aux dépens des autres. Elle a un côté imprévisible, comme la grâce, en ce que, comme elle, elle est inconditionnelle, même si, comme on le voit parfois dans la Bible, et dans l’enseignement des sages, faire preuve de ‘hesed avec autrui peut entraîner le ‘hesed divin à notre égard (Chroniques 1, 19,2).
Une autre interprétation de l’association ‘hesed véémet se dégage du commentaire de Rachi sur Genèse 47,29 : Jacob implore Joseph de ne pas l’enterrer en Egypte : il lui demande de « faire » « ‘hesed véémet » : il y a là un modèle d’amour gracieux : celui envers les morts, qui n’attend évidemment rien en retour puisqu’ils sont morts. Il y a donc un véritable amour gracieux, un amour désintéressé « béémet », « en vérité », voilà ce qu’est ce ‘hesed qui préside à la création, ce qui n’empêche pas la volonté divine de faire une création sage (‘hokhma) et savante (bina). Cet amour n’est pas inconciliable avec la justice : le Psaume 101,1 dit par exemple : « ‘hesed oumichpat », « amour gracieux et justice du juge ». Jonas, lui, croit que Dieu a trop voulu faire passer le ‘hesed avant l’exécution du jugement prophétique. En réalité, les deux vont ensemble, la prophétie est aussi un acte de ‘hesed.
On connaît la phrase centrale de Michée 6,8 : « On t’a raconté, Adam, ce qui est bien et ce que l’Eternel recherche de ta part : que tu fasses la justice (michpat), et l’amour de la grâce(ahavat ‘hesed), et que tu marches humblement avec ton Dieu. » ‘hesed est au centre, et l’homme doit « faire » l’amour de cette attitude gracieuse en même temps qu’il « fait » la justice.
‘hesed est une vertu associée à Abraham, le premier des patriarches, qui se mit en route le premier par amour pour Dieu.

DE L’AVANTAGE DE LAISSER VIEILLIR LE VIN

15 janvier, 2013

http://www.lechampdumidrash.net/articles.php?lng=fr&pg=266

DE L’AVANTAGE DE LAISSER VIEILLIR LE VIN

cesse de ne boire que de l’eau.
prends un peu de vin à cause de ton estomac
et de tes fréquents malaises (1tm, 5, 23) »

• LES NOCES DE CANA

Jn 2.1 – Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. 2.2 – Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples. 2.3 – Or il n’y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. La mère de Jésus lui dit:  » Ils n’ont pas de vin.  » 2.4 – Jésus lui dit:  » Que me veux-tu, femme? Mon heure n’est pas encore arrivée. 2.5 – Sa mère dit aux servants: Tout ce qu’il vous dira, faites-le. 2.6 – Or il y avait six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux ou trois mesures. 2.7 – Jésus leur dit:  » Remplissez d’eau ces jarres.  » Ils les remplirent jusqu’au bord. 2.8 – Il leur dit:  » Puisez maintenant et portez-en au maître du repas.  » Ils lui en portèrent. 2.9 – Lorsque le maître du repas eut goûté l’eau changée en vin – et il ne savait pas d’où il venait, tandis que les servants le savaient, eux qui avaient puisé l’eau – le maître du repas appelle le marié 2.10 – et lui dit:  » Tout homme sert d’abord le bon vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent!  » 2.11 – Tel fut le premier des signes de Jésus, il l’accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.

Les Noces de Cana sont une péricope difficile qui résiste semble-t-il à l’interprétation. Les sources patristiques ne nous sont pas ici d’un grand secours. Par exemple Augustin compare le miracle de l’eau changé en vin à celui que Dieu fait tous les jours. Dieu en effet donne la pluie et celle-ci fait pousser la vigne. On n’y avait pas pensé. Puisque personne ne nous aidera, il faut donc s’attendre à ce que cette péricope reste encore longtemps une énigme, ce qui n’empêche pas d’essayer l’hypothèse midrashique. Que signifie par exemple le fait que Jésus refasse à Cana les gestes d’Elie à Sarepta ?
Les Noces de Cana se déroulent un troisième jour. Nous savons maintenant que Jean est un prolongement du midrash juif sur la Genèse, sur l’œuvre du commencement. Or dans ce maassé bereshit, le troisième jour est celui du travail sur l’eau, melakhat ha-mayim (GnR 4,6). Le Midrash Rabba se demande par exemple pourquoi après le second jour il n’est pas dit « ki tov » comme c’est le cas pour les  autres jours (Dieu vit que c’était bon). Réponse : car ce second jour fut créé la Géhenne. Comment le sait-on, demande le midrash ? A cause du verset Is 30, 33. En revanche, le troisième jour, il est dit deux fois « ki tov ». Une fois pour la fin du travail de l’eau (la séparation des deux types d’eaux: il y a donc l’eau/loi d’en bas et l’eau/loi d’en haut) et l’autre pour la création des fruits et donc aussi d’un fruit un peu particulier : la vigne. En ce troisième jour le miqvé hamayim est appelé mer. D’où l’eau des purifications des Noces. Le miqvé est en effet le bain rituel. Le terme miqvé ressemble au mot tiqva qui est l’espérance spécifiquement messianique puisque tiqva possède la valence messianique. Le messie commencera donc sa mission par un bain. (noter que l’expression מבדיל בין מים למים vaut 358 valeur messianique).
Nous avons vu dans l’article relatif à Nathanaël que certaines choses existaient avant même la création du monde, les unes « effectivement » (la Tora, le Trône divin,…) alors que d’autres existaient de toute éternité mais en « pensée » seulement (en « projet »: les Patriarches, le Nom du messie). Le messie avait de toute éternité été caché. Dieu lui-même ne peut donc plus revenir sur l’existence du messie. Comme le messie a été engendré (puisque non créé) il est donc, par midrash, le « fils de Dieu ». Dieu ne peut donc manquer un jour de l’envoyer.
Le traité talmudique Sanhédrin 99a fait une distinction entre les jours du messie et le monde à venir.  Rabbi Hiya fils de Abba a dit, au nom de Rabbi YoHanan: Tous les prophètes n’ont prophétisé que pour les jours du Messie, mais pour ce qui est du monde à venir, aucun œil, ô Dieu, n’a vu, excepté toi, ce qu’il accomplira pour celui qui l’attend. Rabbi Yehoshu’a ben Lévi dit: (ce qui n’est pas donné à voir) c’est le vin préservé dans les grappes des six jours de la création.
(Notons en passant les noms des personnages qui interviennent ici: Hiyya « fils du père », un R. YoHanan suivi d’un R. Yéhoshu’a…A rapprocher de l’hypothèse suivante: le midrash chrétien élabore jusqu’au nom des rabbins qui transmettent  les dits midrashiques. Par exemple, dans Ruth Rabba c’est un R. Shim’on qui transmet le dit sur Rahab, la pécheresse pardonnée se trouvera donc dans la maison d’un dénommé Simon)
Il existe dans le champ du midrash un festin très particulier: le festin eschatologique. Cette festivité aura lieu à la fin des temps. À cette époque, Dieu fêtera son union avec l’humanité par un immense banquet (hébreu: simHa, joie ou mishté) auquel toutes les nations afflueront. Le Midrash Rabba est plein de ces paraboles dans lesquelles un roi organise un banquet. Par exemple en Esther 1, 5
Ce temps écoulé (bimleot yamim= à la fin des temps) ce fut alors toute la population de la citadelle de Suse, du plus grand au plus petit, qui se vit offrir par le roi un banquet de sept jours, sur l’esplanade du jardin du palais royal.
Nous retrouvons donc ce type de banquet (mishté) dans le Nouveau Testament. Dans les midrashim, la question est de savoir qui est invité à ces banquets, qui y est « appelé », comment s’y comporter et qui possède les moyens d’y faire bonne figure. Le vin offert au banquet figure la Tora, la Loi. Le Banquet est le moment de la donation de la Loi.  Nous rapprochons ici la péricope de Nathanaël de celle des Noces de Cana et de celle des Outres. En effet les deux dernières péricopes traitent de la conservation du vin, de plus Nathanaël est de Cana. Les Noces de Cana traitent d’un événement important: le vin en vient à être affecté du signe moins. Il faut écouter les assonances du syriaque de la peshitta: Hasra ha Hamra wa Amra ima l-yeshua Hamra leit lehon…La difficulté provient d’une distinction qui est faite ici, entre le bon vin et le moins bon vin. L’araméen de la peshitta nous fournit une piste: le maître du repas est  rosh ha-mesekh. Cette racine mesekh se retrouve en Pr 9, 5
Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai tempéré!
verset souvent cité par le Midrash Rabba. On a ici l’idée de tempérance, de vin adouci, préparé, cuisiné. Le bon vin est un vin doux, léger, facile à boire. La bonne Loi est donc comme le bon vin: légère, douce, facile à accomplir. Le “signe” accompli par Jésus consiste en ce que, grâce à la venue du messie, qui est le miracle ici midrashiquement accompli, on glorifie le Hatan, (l’époux, Dieu) d’avoir gardé (prévu) une Loi légère pour la fin des Temps. Nous sommes en effet à la fin des temps. A Cana Jésus refait et parfait midrashiquement la création. Il change l’eau en vin. Il n’y a donc plus de distinction entre l’eau-loi d’en haut (le vin, la loi bonne et légère gardée pour la fin des temps) et l’eau lourde d’en bas. Séparation qui avait été faite le second jour dans la Genèse. Dieu est loué par le rav hamekhes: tu as gardé le bon vin jusqu’à ce jour. A Cana, il n’est pas question de Vin Nouveau. Au contraire, c’est d’un vin vieux comme le monde dont il est question. Ce vin nouveau apparaît dans la péricope des vieilles outres. Que signifie ce vin nouveau? Les commentaires sur ce passage comprennent, en général, que le vin nouveau est la parole de Jésus. “Le vin nouveau qu’offre Jésus… ” lit-on un peu partout. Jésus représente forcément quelque chose de neuf. Il faut ensuite quelques contorsions pour expliquer Lc 5, 39.
Personne, après avoir bu du vin vieux, n’en veut du nouveau.
Il est pourtant possible de soutenir la position inverse: Jésus propose de revenir au vieux vin et condamne le vin nouveau. Le vin vieux, le bon vin, agréable au goût, est, on le sait, la loi facile à appliquer. Et pourtant, ce bon vin serait l’ancienne loi. Ancienne, car c’est, soit la loi noachide, soit même la loi biblique, mais en tout cas pas la loi rabbinique. Le vin nouveau, serait la loi difficile, rabbinique. Elle ne convient pas aux outres vieilles, qu’elle fait « enfler » et risque de faire “périr” (abad). Après avoir connu la vieille loi biblique et légère, personne ne veut de la loi nouvelle, lourde, complexe, en un mot: rabbinique. Du coup, notre question initiale trouve une réponse. Le jeûne fréquent est un exemple de loi lourde et de l’enflure (inutile donc de jeûner pour espérer dégonfler). Le messie vient alléger la loi. Ses disciples sont donc dispensés de jeûner. S’il devait s’en aller, la loi lourde s’imposerait de nouveau.

• VOCABULAIRE DES OUTRES.
Mt 9,14 – Alors les disciples de Jean s’approchent de lui en disant: » Pourquoi nous et les Pharisiens jeûnons-nous, et tes disciples ne jeûnent-ils pas?  » 9,15 – Et Jésus leur dit:  » Les compagnons de l’époux peuvent-ils mener le deuil tant que l’époux est avec eux? Mais viendront des jours où l’époux leur sera enlevé; et alors ils jeûneront. 9,16 – Personne ne rajoute une pièce de drap non foulé à un vieux vêtement; car le morceau rapporté tire sur le vêtement et la déchirure s’aggrave. 9, 17 – On ne met pas non plus du vin nouveau dans des outres vieilles; autrement, les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. Mais on met du vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre se conservent.
Quel rapport, dans ce texte de Matthieu, entre les premiers versets, qui parlent de jeûne, et les derniers versets, qui parlent de vieilles outres, de conservation du vin et de vieux vêtements?  La co-présence des thèmes de l’époux et du vin incite à penser que notre péricope est proche de celle des Noces de Cana.
Le vocabulaire de la péricope des outres, tourne autour d’une opposition entre le lourd et le léger, le grave et la pécadille, le majeur et le mineur. Ce jeu d’oppositions n’apparaît ni en grec, ni même en hébreu biblique, mais dans le registre d’hébreu propre au midrash que nous appelons, pour faire court, hébreu tardif, qui passe  souvent à l’Araméen sans prévenir et dont la peshitta nous a gardé la trace. Hamra c’est le vin; qal signifie léger. Dans le syriaque de la peshitta Cana s’écrit qaTna. C’est nous dit le CAL la racine de la petitesse et aussi de la légèreté et de la subtilité. On est dans une discussion sur le léger et le grave, ce qui se dit en hébreu qal va-Homer. C’est le nom d’un raisonnement bien connu dans le midrash, le raisonnement a fortiori  ou, pour les nostalgiques du latin a minore ad majus. Homer est à la fois la sévérité rituelle, et une allégorie, un symbole. Homarta en hébreu tardif est une pierre, tout comme qela. Ce jeu d’oppositions entre léger et lourd, parcourt l’ensemble des Evangiles. Il produit du texte, des épisodes comme la marche sur les eaux. Jésus montre une halakha (marche/loi) devenue si légère qu’elle flotte. Ce qui est lourd deviendra léger. Le mot qal, signifie aussi  simple. Les éloges à propos des simples, seraient-ils, eux aussi, à double entente? Hamira est en hébreu tardif à la fois le levain (Dictionnaire Jastrow p. 477) et ce qui est chargé, grave, lourd, strict. Ce qui expliquerait l’appel à se méfier du “levain des Pharisiens”, c’est-à-dire leur tendance à alourdir et compliquer la Loi. (Hamar: empiler, entasser). Corollaire: le pain azyme serait un symbole de la loi légère.

Hamra : vin
Hamira: rigorisme
Hamar: âne
Himer: obliger une bête à marcher, aiguilloner

Dimanche 6 janvier 2013 : commentaires de Marie Noëlle Thabut – PREMIERE LECTURE – Isaïe 60, 1 – 6

4 janvier, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 6 janvier 2013 : commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – Isaïe 60, 1 – 6

1 Debout, Jérusalem !
 Resplendis :
 elle est venue ta lumière,
 et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi.
2 Regarde : l’obscurité recouvre la terre,
 les ténèbres couvrent les peuples ;
 mais sur toi se lève le SEIGNEUR,
 et sa gloire brille sur toi.
3 Les nations marcheront vers ta lumière,
 et les rois, vers la clarté de ton aurore.
4 Lève les yeux, regarde autour de toi :
 tous, ils se rassemblent, ils arrivent ;
 tes fils reviennent de loin,
 et tes filles sont portées sur les bras.
5 Alors tu verras, tu seras radieuse,
 ton coeur frémira et se dilatera.
 Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi
 avec les richesses des nations.
6 Des foules de chameaux t’envahiront,
 des dromadaires de Madiane et d’Epha.
 Tous les gens de Saba viendront,
 apportant l’or et l’encens
 et proclamant les louanges du SEIGNEUR.

Vous avez remarqué toutes les expressions de lumière, tout au long de ce passage : « Resplendis, elle est venue ta lumière… la gloire (le rayonnement) du SEIGNEUR s’est levée sur toi (comme le soleil se lève)… sur toi se lève le SEIGNEUR, sa gloire brille sur toi…ta lumière, la clarté de ton aurore…tu seras radieuse ». On peut en déduire tout de suite que l’humeur générale était plutôt sombre ! Je ne dis pas que les prophètes cultivent le paradoxe ! Non ! Ils cultivent l’espérance.
 Alors, pourquoi l’humeur générale était-elle sombre, pour commencer. Ensuite, quel argument le prophète avance-t-il pour inviter son peuple à l’espérance ?
 Pour ce qui est de l’humeur, je vous rappelle le contexte : ce texte fait partie des derniers chapitres du livre d’Isaïe ; nous sommes dans les années 525-520 av.J.C., c’est-à-dire une quinzaine ou une vingtaine d’années après le retour de l’exil à Babylone. Les déportés sont rentrés au pays, et on a cru que le bonheur allait s’installer. En réalité, ce fameux retour tant espéré n’a pas répondu à toutes les attentes.
 D’abord, il y avait ceux qui étaient restés au pays et qui avaient vécu la période de guerre et d’occupation. Ensuite, il y avait ceux qui revenaient d’Exil et qui comptaient retrouver leur place et leurs biens. Or si l’Exil a duré cinquante ans, cela veut dire que ceux qui sont partis sont morts là-bas… et ceux qui revenaient étaient leurs enfants ou leurs petits-enfants … Cela ne devait pas simplifier les retrouvailles. D’autant plus que ceux qui rentraient ne pouvaient certainement pas prétendre récupérer l’héritage de leurs parents : les biens des absents, des exilés ont été occupés, c’est inévitable, puisque, encore une fois, l’Exil a duré cinquante ans ! 
 Enfin, il y avait tous les étrangers qui s’étaient installés dans la ville de Jérusalem et dans tout le pays à la faveur de ce bouleversement et qui y avaient introduit d’autres coutumes, d’autres religions…
 Tout ce monde n’était pas fait pour vivre ensemble…
 La pomme de discorde, ce fut la reconstruction du Temple : car, dès le retour de l’exil, autorisé en 538 par le roi Cyrus, les premiers rentrés au pays (nous les appellerons la communauté du retour) avaient rétabli l’ancien autel du Temple de Jérusalem, et avaient recommencé à célébrer le culte comme par le passé ; et en même temps, ils entreprirent la reconstruction du Temple lui-même.
 Mais voilà que des gens qu’ils considéraient comme hérétiques ont voulu s’en mêler ; c’étaient ceux qui avaient habité Jérusalem pendant l’Exil : mélange de juifs restés au pays et de populations étrangères, donc païennes, installées là par l’occupant ; il y avait eu inévitablement des mélanges entre ces deux types de population, et même des mariages, et tout ce monde avait pris des habitudes jugées hérétiques par les Juifs qui rentraient de l’Exil ; alors la communauté du retour s’est resserrée et a refusé cette aide dangereuse pour la foi : le Temple du Dieu unique ne peut pas être construit par des gens qui, ensuite, voudront y célébrer d’autres cultes ! Comme on peut s’en douter, ce refus a été très mal pris et désormais ceux qui avaient été éconduits firent obstruction par tous les moyens. Finis les travaux, finis aussi les rêves de rebâtir le Temple !
 Les années ont passé et on s’est installés dans le découragement. Mais la morosité, l’abattement ne sont pas dignes du peuple porteur des promesses de Dieu. Alors, Isaïe et un autre prophète, Aggée, décident de réveiller leurs compatriotes : sur le thème : fini de se lamenter, mettons-nous au travail pour reconstruire le Temple de Jérusalem. Et cela nous vaut le texte d’aujourd’hui :                                             
Connaissant le contexte difficile, ce langage presque triomphant nous surprend peut-être ; mais c’est un langage assez habituel chez les prophètes ; et nous savons bien que s’ils promettent tant la lumière, c’est parce qu’elle est encore loin d’être aveuglante… et que, moralement, on est dans la nuit. C’est pendant la nuit qu’on guette les signes du lever du jour ; et justement le rôle du prophète est de redonner courage, de rappeler la venue du jour. Un tel langage ne traduit donc pas l’euphorie du peuple, mais au contraire une grande morosité : c’est pour cela qu’il parle tant de lumière !                 
 Pour relever le moral des troupes, nos deux prophètes n’ont qu’un argument, mais il est de taille : Jérusalem est la Ville Sainte, la ville choisie par Dieu, pour y faire demeurer le signe de sa Présence ; c’est parce que Dieu lui-même s’est engagé envers le roi Salomon en décidant « Ici sera Mon Nom », que le prophète Isaïe, des siècles plus tard, peut oser dire à ses compatriotes « Debout, Jérusalem ! Resplendis… »
 Le message d’Isaïe aujourd’hui, c’est donc : « vous avez l’impression d’être dans le tunnel, mais au bout, il y a la lumière. Rappelez-vous la Promesse : le JOUR vient où tout le monde reconnaîtra en Jérusalem la Ville Sainte. » Conclusion : ne vous laissez pas abattre, mettez-vous au travail, consacrez toutes vos forces à reconstruire le Temple comme vous l’avez promis.
 J’ajouterai trois remarques pour terminer : premièrement, une fois de plus, le prophète nous donne l’exemple : quand on est croyants, la lucidité ne parvient jamais à étouffer l’espérance. 
 Deuxièmement, la promesse ne vise pas un triomphe politique… Le triomphe qui est entrevu ici est celui de Dieu et de l’humanité qui sera un jour enfin réunie dans une harmonie parfaite dans la Cité Sainte ; reprenons les premiers versets : si Jérusalem resplendit, c’est de la lumière et de la gloire du SEIGNEUR : « Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue ta lumière, et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi… sur toi se lève le SEIGNEUR, et sa gloire brille sur toi… »

 Troisièmement, quand Isaïe parlait de Jérusalem, déjà à son époque, ce nom désignait plus le peuple que la ville elle-même ; et l’on savait déjà que le projet de Dieu déborde toute ville, si grande ou belle soit-elle, et tout peuple, il concerne toute l’humanité.
 *****

 Complément
 Certains d’entre nous reconnaissent au passage un chant que les assemblées chrétiennes aiment bien chanter : « Jérusalem, Jérusalem, quitte ta robe de tristesse… Debout, resplendis car voici ta lumière… »

Jean Paul II: Hymne au Dieu créateur Ps 18, 2-7

9 mai, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2002/documents/hf_jp-ii_aud_20020130_fr.html

JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE 

Mercredi 30 janvier 2002

Hymne au Dieu créateur 

Lecture:  Ps 18, 2-7

1. Le soleil, qui brille progressivement dans le ciel, la splendeur de sa lumière,  la chaleur bénéfique de ses rayons, ont conquis l’humanité dès ses origines. Les êtres humains ont manifesté de nombreuses façons leur gratitude pour cette source de vie et de bien-être, avec un enthousiasme qui s’élève souvent jusqu’aux sommets de la véritable poésie. Le splendide Psaume 18, dont la première partie a été proclamée, n’est pas seulement une prière sous forme d’hymne d’une extraordinaire intensité; mais il est également un chant poétique élevé au soleil et à son rayonnement sur la face de la terre. En cela, le Psalmiste rejoint la longue série de poètes de l’antique Proche Orient, qui exaltent l’astre du jour qui brille dans les cieux et qui, dans leurs régions, fait longuement sentir sa chaleur ardente. Il suffit de penser au célèbre hymne d’Aton, composé par le pharaon Akhénaton au XIVème siècle av. J.-C. et consacré au disque solaire considéré comme une divinité.
Mais pour l’homme de la Bible, il y a une différence radicale par rapport à ces hymnes solaires:  le soleil n’est pas un dieu, mais une créature au service de l’unique Dieu et créateur. Il suffit de repenser aux paroles de la Genèse:  « Dieu dit:  « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit; qu’ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années… Dieu fit les deux luminaires majeurs:  le grand luminaire comme puissance du jour et le petit luminaire comme puissance de la nuit… et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1, 14.16.18).
2. Avant de parcourir les versets du Psaume choisis par la Liturgie, regardons-le dans son ensemble. Le Psaume 18 est semblable à un dyptique. Dans la première partie (vv. 2-7) – celle qui est à présent devenue notre prière – nous trouvons une hymne au Créateur, dont la grandeur mystérieuse se manifeste dans le soleil et dans la lune. Dans la deuxième partie du Psaume (vv. 8-15), nous rencontrons en revanche une hymne sapientielle à la Torah, c’est-à-dire à la Loi de Dieu.
Les deux parties sont traversées par un fil conducteur commun:  Dieu éclaire l’univers par la luminosité du soleil et il illumine l’humanité par la splendeur de sa Parole contenue dans la Révélation biblique. Il s’agit presque d’un double soleil:  le premier est une épiphanie cosmique du Créateur, le deuxième est une manifestation historique et gratuite de Dieu Sauveur. Ce n’est pas pour rien que la Torah, la Parole divine, est décrite avec des caractéristiques « solaires »:  « Le commandement de Yahvé est limpide, lumière des yeux » (v. 9).
3. Mais tournons-nous à présent vers  la  première  partie du Psaume. Celle-ci s’ouvre par une admirable personnification des cieux, qui apparaissent à l’Auteur saint comme des témoins éloquents de l’oeuvre créatrice de Dieu (vv. 2-5). En effet, ils « racontent », « annoncent », les merveilles de l’oeuvre divine (cf. v. 2). Le jour et la nuit sont eux aussi représentés comme des messagers qui transmettent la grande nouvelle de la création. Il s’agit d’un témoignage silencieux, qui se fait toutefois entendre avec force, comme une voix qui parcourt tout le cosmos.
En utilisant le regard intérieur de l’âme, lorsque l’intuition religieuse n’est pas distraite par la superficialité, l’homme et la femme peuvent découvrir que le monde n’est pas muet, mais parle du Créateur. Comme le dit l’ancien sage, « la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur » (Sg 13, 5). Saint Paul rappelle lui aussi aux Romains que « ce qu’il [Dieu] a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses oeuvres » (Rm 1, 20).
4. L’hymne laisse ensuite la place au soleil. Le globe lumineux est dépeint par le poète inspiré comme un héros guerrier qui sort de la chambre nuptiale où il a passé la nuit, c’est-à-dire qu’il sort du sein des ténèbres et qu’il commence sa course inlassable dans le ciel (vv. 6-7). Il est semblable à un athlète qui ne s’arrête pas et qui ne connaît pas la fatigue, alors que toute notre planète est enveloppée par sa chaleur irrésistible.
Le soleil est donc comparé à un époux, à un héros, à un champion qui, par ordre divin, doit accomplir chaque jour un travail, une conquête et une course dans les espaces intersidéraux. Le Psalmiste indique à présent le soleil flamboyant en plein ciel, alors que toute la terre est enveloppée de sa chaleur, l’air est immobile, aucun lieu de l’horizon ne peut échapper à sa lumière.
5. L’image solaire du Psaume est reprise par la liturgie pascale chrétienne pour décrire l’exode triomphant du Christ des ténèbres du sépulcre et son entrée dans la plénitude de la vie nouvelle de la résurrection. La liturgie byzantine chante dans les Matines du Samedi saint:  « Comme le soleil se lève après la nuit tout radieux dans sa luminosité retrouvée, Toi aussi, ô Verbe, tu resplendiras d’une nouvelle clarté quand, après la mort, tu quitteras ton lit nuptial ». Une Ode (la première) des Matines de Pâques relie la révélation cosmique avec l’événement pascal du Christ:  « Que le Ciel se réjouisse et que la terre exulte aussi avec lui, car l’univers tout entier, visible et invisible, prend part à cette fête:  le Christ notre joie éternelle est ressuscité ». Une autre Ode (la troisième) ajoute:  « Aujourd’hui l’univers tout entier, ciel, terre et abîme, est comblé de lumière et toute la création chante désormais la résurrection du Christ notre force et notre allégresse ». Une autre (la quatrième), conclut enfin:  « Le Christ notre Pâques s’est levé de la tombe comme un soleil de justice en faisant rayonner sur nous tous la splendeur de sa charité ».
La liturgie romaine n’est pas explicite comme la liturgie orientale en comparant le Christ au soleil. Toutefois, elle décrit les répercussions cosmiques de sa résurrection, lorqu’elle ouvre son chant de Laudes au matin de Pâques avec son hymne célèbre:  « Aurora lucis rutilat, caelum resultat laudibus, mundus exultans iubilat, gemens infernus ululat » – « L’aurore éblouit de lumière, le ciel exulte de chants, le monde se réjouit en dansant, l’enfer gémit dans les hurlements ».
6. L’interprétation chrétienne du Psaume n’efface cependant pas son message de base, qui est une invitation à découvrir la parole divine présente dans la création. Certes, comme on le dira dans la deuxième partie du Psaume, il existe une autre Parole plus élevée, plus précieuse que la lumière elle-même, celle de la Révélation biblique.
Toutefois, pour ceux qui ont des oreilles attentives et dont les yeux ne sont pas voilés, la création constitue comme une première révélation, qui possède un langage éloquent:  elle est comme un autre livre sacré dont les lettres sont constituées par la multitude de créatures présentes dans l’univers. Saint Jean Chrysostome affirme:  « Le silence des cieux est une voix plus retentissante que celle d’une trompette:  cette voix crie à nos yeux et non à nos oreilles la grandeur de celui qui les a faits » (PG 49, 105). Et saint Athanase affirme:  « Le firmament, à travers sa magnificence, sa beauté, son ordre, est un prédicateur prestigieux de Celui qui l’a fait, et dont l’éloquence remplit l’univers » (PG 27, 124).

Exode 3. Moïse (4) L’être de Dieu est un être-avec : « Je serai avec toi. »

26 avril, 2012

http://clamans.hautetfort.com/archive/2009/11/02/moise-4-l-etre-de-dieu-est-un-etre-avec-je-serai-avec-toi.html

Exode 3. Moïse (4) L’être de Dieu est un être-avec : « Je serai avec toi. »

(Prédications prononcées dans une paroisse de l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud)

11.10.2009

Moïse (4) L’être de Dieu est un être-avec : « Je serai avec toi. »
Ex 3 : 9-15
Deuxième lecture biblique, dans l’Evangile de Jean, Jésus révèle son identité de diverses manières :

Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour toujours. (Jn 6:51)
Je suis la lumière du monde. Celui qui me suis aura la lumière de la vie. (Jn 8:12)
Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. (Jn 10:11)
Je suis la résurrection et la vie.  Celui qui croit en moi vivra même s’il meurt. (Jn 11:25)
Je suis la vigne, mon Père est le vigneron, vous êtes les sarments. Celui qui demeure uni à moi porte beaucoup de fruit. (Jn 15:1+5)
Je suis la porte. Celui qui entre par moi sera sauvé. (Jn 10:9)
Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous reconnaîtrez que « je suis celui que je suis ». (Jn 8:28)

Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Moïse est devant le buisson ardent, ce buisson du désert du Sinaï, qui brûle, mais ne se consumme pas. Dieu a interpellé Moïse, lui a dit qu’il avait vu la situation d’esclavage des fils d’Israël en Egypte et qu’il veut les délivrer. Et Dieu mobilise maintenant Moïse : « Je t’envoie maintenant vers le Pharaon ! Va, et fais sortir d’Egypte, Israël, mon peuple ! » (Ex 3:10) Mais Moïse a peur, il se sent incapable, la tâche est trop grande, il ne sent pas à la hauteur.
L’appel de Dieu nous prend toujours au dépourvu, par surprise, et combien d’excuses ne trouvons-nous pas pour y échapper. La réponse de Dieu est intéressante. Il ne dit pas : « Tu … Tu es capable; tu n’as rien à craindre; tu peux le faire… Non ! Dieu répond à Moïse en disant « Je… Je serai avec toi » (Ex 3:12).
Et à la question de Moïse : « C’est de la part de qui ? » Quand les Israélites me demanderont qui m’envoie, quel nom devrais-je dire ? » (Ex 3:13). Dieu répond aussi en « Je » Dis-leur « JE SUIS » m’a envoyé. Mon nom est « JE SUIS. » Je suis celui que je suis, ou Je suis celui qui suis. Là se trouve la révélation du nom de Dieu, celui que les juifs s’interdisent de prononcer, le tétragramme, c’est-à-dire les quatre lettre YHWH qui forment le nom sacré de Dieu.
zzzzz
« Je suis », « je serai », ce qui a conduit à le traduire aussi par « l’Eternel » comme dans le Ps 23 : « L’Eternel est mon berger. » L’Eternel, l’Existant, l’Etant, l’Etre. On peut donc voir Dieu comme le fondement, la fondation de tout ce qui existe, de notre être à nous aussi. C’est lui qui nous fait exister, être, qui nous fait vivre.
Cette révélation à Moïse se passe dans un contexte historique et géographique précis. Moïse est en exil, les fils d’Israël souffrent en Egypte où ils sont maltraités. Et là, Dieu se révèle à Moïse dans un but précis : aller au secours de son peuple, intervenir en leur faveur.
L’être de Dieu n’est pas hors du temps, hors de l’espace, dans une éternité immuable et inaccessible. L’être de Dieu est un être-avec : « Je serai avec toi. » Comme Esaïe le dira plus tard : « Emmanuel », Dieu avec nous (Es 7:14).
Si Dieu est le fondement de l’être, il est aussi dans l’action. C’est un Dieu qui entend nos plaintes, qui voit nos situations, qui comprend ce que nous vivons et qui envoie un intervenant pour délivrer son peuple. Dieu mandate Moïse pour intervenir auprès de Pharaon pour qu’il laisse sortir d’Egypte son peuple bien-aimé. Nous connaissons la suite de l’histoire, la délivrance et l’installation en terre promise.
Sautons encore quelques siècles, jusqu’au temps de Jésus. L’évangéliste Jean nous rapport des paroles de Jésus disant :
Je suis le pain de vie
Je suis la lumière du monde
Je suis le bon berger
Je suis la résurrection et la vie
Je suis la vigne
Je suis la porte de l’enclos
et encore :
Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous reconnaîtrez que « je suis celui que je suis. »
Très clairement, l’évangéliste Jean fait référence à ce récit du Sinaï pour nous dire que ce Jésus est bien Dieu lui-même. L’apôtre Paul — avant Jean — ne faisait rien d’autre lorsqu’il disait que le Christ est « l’image même de Dieu » (1 Co 4:4) et que ce qu’il prêche c’est « Jésus-Christ comme Seigneur » (1 Co 4:5).
Dire « Jésus-Christ est le Seigneur » c’est affirmer que Jésus-Christ est Dieu, qu’il est le Dieu qui s’est révélé à Moïse dans le désert. Dans le Dieu qui se révèle à Moïse dans le tétragramme, Jésus-Christ est déjà présent (c’est le sens de la Trinité).
Le Nouveau Testament est la continuation de la révélation à Moïse dans le désert. Jésus est le vrai visage de Dieu. Lorsque nous découvrons la personne de Jésus dans les évangiles, dans les lettres du Nouveau Testament, nous approchons de Dieu, nous découvrons Dieu lui-même.
L’évangéliste Jean ne peut être plus explicite lorsqu’il rapporte les paroles de Jésus : « Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14:9). Nous n’avons pas besoin d’aller dans le désert, de monter sur le Sinaï, Dieu s’offre à nous en Jésus-Christ, dans sa Parole. Il est là — tout proche — à notre portée. Et nous pouvons le mettre à la portée de tous, de nos enfants, de notre famille.
Dieu a appelé Moïse pour une tâche de délivrance. Dieu a assuré Moïse de sa présence auprès de lui pour réaliser cette tâche. Dieu nous appelle aussi pour communiquer autour de nous, à nos enfants, la bonne nouvelle de Jésus. Jésus est Dieu avec nous, dans nos vies comme nourriture (le pain descendu du ciel), comme lumière, comme guide, comme vie, comme joie, comme accueil. Laissons-nous imprégner de cette révélation de Dieu et marchons confiants dans la vie.
Amen

Jean-Marie Thévoz, 2009

SAINT JOSEPH DANS L’ANCIEN TESTAMENT

13 mars, 2012

 http://voiemystique.free.fr/saint_joseph_01_1.htm

SAINT JOSEPH DANS L’ANCIEN TESTAMENT

1  Les figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament

 Grâce à sa mission auprès de Jésus, Enfant puis Adolescent, Saint Joseph nous fait découvrir le Père, que Jésus nous révélera pleinement plus tard. La Bible nous dévoile parfois l’amour infini de Dieu pour son peuple, même pécheur, mais, si elle laisse entendre qu’Il l’aime encore plus qu’une mère n’aime son enfant, elle reste très discrète sur la paternité de Dieu.
Certains auteurs ont vu, dans le patriarche Noé accueillant, à la fin du déluge, la colombe et son rameau d’olivier, l’image de Joseph, gardien de Marie, la colombe mystique qui nous donne le salut en enfantant Jésus. D’autres ont cité Éliézer, [1] le serviteur de la famille d’Isaac, chargé de veiller sur la fiancée de son maître ; ou encore Moïse, confident des desseins secrets de Dieu. Pour rester avec Moïse, on peut ajouter ici que les chérubins qui protégeaient l’Arche d’Alliance ont parfois été considérés comme le symbole de Marie et de Joseph dans l’attitude d’adoration où ils se tenaient à Bethléem autour du berceau de Jésus, la véritable hostie de propitiation. Quant à Saint Bernard, il considère Joseph, fils de David, comme un autre David.
Les personnages évoqués ci-dessus n’ont cependant donné lieu qu’à peu de commentaires dans le cadre du sujet qui nous intéresse. Par contre, nous nous attarderons davantage sur les quatre personnages bibliques qui nous apparaissent vraiment comme des figures anticipées de Saint Joseph.
Dès la Genèse, l’histoire de Joseph ben Jacob, qui sauvera l’Égypte puis les peuples voisins, donc sa famille, d’une terrible famine, nous montre comment Dieu “sauve” ceux qui seront les aïeux de Jésus. Plus tard, deux livres, — le premier historique : le Livre de Samuel, puis une histoire édifiante : le Livre de Tobie —, nous feront pressentir la sollicitude de Dieu vis-à-vis de ceux qu’Il s’est choisis dès leur plus tendre enfance. Enfin, nous mentionnerons, dans une autre histoire édifiante, dont l’historicité totale n’est pas prouvée, l’action de Mardochée, le protecteur de celle qui devint la Reine Esther, et dont les conseils judicieux conduisirent cette dernière à entreprendre l’action qui sauva son peuple. Nous examinerons successivement la mission de Joseph ben Jacob, puis celle d’Héli auprès de Samuel et celle de l’ange Raphaël auprès du jeune Tobie, et enfin celle de Mardochée auprès de la Reine Esther.

Avertissement
On trouve dans de nombreux documents d’Église, des textes qui cherchent à établir des parallèles entre la vie et la mission de Saint Joseph et celle du patriarche Joseph, fils de Jacob.  Mais on ne trouve que très rarement  l’esquisse d’un rapprochement possible entre Saint Joseph et le prêtre Héli, gardien, protecteur et éducateur du jeune Samuel, rapprochement qui paraît cependant assez logique. De même on ne suggère pas le  rapprochement entre Saint Joseph et l’Ange Raphaël, gardien du jeune Tobie.
Par ailleurs c’est seulement dans les écrits de Marie d’Agreda, la grande mystique du XVIIe siècle qu’il est fait mention du parallélisme entre Mardochée et Saint Joseph.
Dans ce chapitre, seront mis en valeur les éléments de la vie de Joseph fils de Jacob, ainsi que de celle du prêtre Héli, éléments qui sont comme des préfigurations de la mission de Saint Joseph. Puis nous contemplerons longuement la protection qui entoura le jeune Tobie jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge adulte et ait trouvé la femme que Dieu lui avait réservée. Enfin nous méditerons le comportement exemplaire de Mardochée, tuteur de la jeune Esther destinée à devenir la Reine Esther.

Comment le patriarche Joseph préfigure Saint Joseph
L’encyclique “Quamquam pluries” de Léon XIII, indique que “le Joseph des temps anciens, fils du patriarche Jacob, fut la figure du nôtre, et, par son éclat, témoigna de la grandeur du futur gardien de la divine famille.” Outre la similitude de nom : Joseph, qui signifie ” progressant, ou avançant”, il existe entre les deux Joseph des similitudes évidentes.
Le premier Joseph obtint d’abord la faveur de son maître dont il fit croître les biens ; puis grâce à sa situation dans le Royaume d’Égypte, il sut, par sa sagesse, en un temps de disette, pourvoir aux besoins des égyptiens et des pays voisins, de telle sorte que le roi d’Égypte décréta qu’on l’appellerait “sauveur du monde… C’est ainsi que dans cet ancien patriarche il est permis de reconnaître la figure du nouveau. De même que le premier fit réussir et prospérer les intérêts domestiques de son maître, de même le second, destiné à être le gardien de la religion chrétienne, doit être regardé comme le protecteur et le défenseur de l’Église, qui est vraiment la maison du Seigneur et le royaume de Dieu sur la terre.” [2]
De son côté Saint Bernardin de Sienne, dans un de ses sermons sur Saint Joseph, ne craint pas de dire: “Saint Joseph a l’avantage sur le patriarche qu’il ne fournit pas seulement le pain de la vie corporelle aux Égyptiens, mais à tous les élus il a assuré le pain du Ciel qui donne la vie céleste, nourrissant avec le plus grand soin Jésus-Christ, le pain de nos âmes.” [3] Le patriarche Joseph a sauvé son peuple en lui donnant du pain matériel. Saint Joseph a participé au salut du peuple de Dieu en nourrissant Celui qui nous donnera le Pain du Ciel.
On pourrait aller encore plus loin dans la similitude entre Joseph, le Patriarche, et Joseph, le père légal de Jésus. La genèse (Gn. 37, 9 11) raconte comment, dans un songe, le jeune Joseph avait vu le soleil et la lune se prosterner devant lui. Ce songe ne serait-il pas comme un symbole de l’autorité de Joseph envers Jésus et Marie? Saint Grégoire, en effet, ne craint pas d’affirmer : “Pourquoi, je vous prie, Joseph n’aurait-il pas eu une intelligence très éclairée, lui qui vivait entre le Soleil et la Lune?”

Comment le prêtre Héli préfigure Saint Joseph
La Bible nous raconte comment Anne, la femme stérile d’Elqana, de la tribu d’Éphraïm, conçut son fils Samuel, son fils premier-né, celui que le Seigneur lui donna, en réponse à sa prière confiante, et qui, bientôt, lui ôtera la honte de sa stérilité. Dans sa peine, Anne avait longuement prié Yahvé et fait ce vœu : “Yahvé des armées, regarde avec bonté la peine de ta servante, souviens-toi de moi, n’oublie pas ta servante. Si tu donnes à ta servante un petit garçon, je le consacrerai à Yahvé pour le restant  de ses  jours  et le rasoir ne passera pas sur sa tête.”    (1 Samuel 1- 11)
Anne enfanta un fils et, fidèle à son vœu, dès que l’enfant fut sevré, elle monta avec lui à la maison de Yahvé, à Silo, et le confia au prêtre Héli en disant : “… c’est moi la femme qui se tenait ici près de toi pour prier Yahvé. C’est pour cet enfant que j’ai prié et Yahvé m’a donné ce que je demandais. A mon tour je le cède à Yahvé pour le restant de ses jours : il sera donné à Yahvé.” C’est ainsi que Samuel fut confié au prêtre Héli, et qu’il resta au service de Yahvé. “Chaque année Anne montait avec son mari pour le sacrifice annuel. Héli bénit Elqana et sa femme… Et Yahvé se souvint d’elle: elle conçut et enfanta trois autres fils et deux filles.”
Le jeune Samuel grandissait sous le regard de Yahvé, mais sous la garde d’Héli. Les fils d’Héli, “des moins que rien” se conduisirent mal aux yeux de Yahvé qui les rejeta et choisit Samuel pour être son prêtre.”Le jeune Samuel servait Yahvé sous le regard d’Héli. En ce temps-là la parole de Yahvé était chose rare et les visions peu fréquentes.”
Samuel ne connaissait donc pas encore Yahvé. Héli était alors presque aveugle et Samuel couchait dans le sanctuaire de Yahvé, là où se trouvait l’Arche de Dieu. Ce jour-là, la lampe de Dieu n’était pas encore éteinte quand Yahvé appela : “Samuel ! Samuel ! Samuel répondit : “Me voici “ et courut vers Héli et lui dit : “me voici puisque tu m’as appelé.” Mais Héli, qui n’avait pas appelé renvoya Samuel se coucher. Yahvé appela de nouveau, et la même scène se renouvela. Au troisième appel Héli comprit que c’était Yahvé qui appelait Samuel et il dit à l’enfant : “Va te coucher; si on t’appelle, tu répondras: parle, Yahvé, car ton serviteur écoute.” (1Samuel, 3- 9) Yahvé entra et se tint là. Il appela de nouveau Samuel qui répondit : “Parle, Seigneur car ton serviteur écoute.”
Samuel grandit. Yahvé était avec lui et ses paroles ne manquaient jamais de se réaliser. Tout Israël sut que Samuel était le prophète de Yahvé.
La similitude entre Héli et Saint Joseph, au moins pour une certaine période de leur  vie, est évidente : à chacun d’eux furent confiées la garde et l’éducation d’un enfant qui devait juger et sauver le Peuple de Dieu. C’est Samuel qui oindra Saül, le premier roi d’Israël. C’est encore lui qui, après que Yahvé eût rejeté Saül lequel s’était mal conduit, oindra David, roi et messie, David de qui descendra Jésus, le Messie tant attendu. Ben Sirac le sage confirmera la mission de Samuel : “Samuel fut aimé de son Seigneur ; comme prophète du Seigneur il établit la royauté et donna l’onction sainte aux chefs de son peuple.” [4]
On pourrait encore poursuivre la similitude: à la descendance d’Héli fut retirée la garde de l’Arche, ses fils s’étaient mal conduits. Et ce sera Samuel qui après la mort d’Héli assurera cette fonction et conduira le peuple. De même, plus tard, le Temple sera détruit, et c’est Jésus, Temple de Dieu, qui sera le chef de l’Église. Ainsi, comme Héli prépara Samuel à sa mission, une mission qui cependant dépassait de beaucoup tout ce qu’Héli avait pu imaginer, de même, ce fut Saint Joseph qui eut la grande mission de préparer Jésus à son oeuvre immense: la Rédemption du monde, œuvre dont Saint Joseph ne pouvait imaginer ni la grandeur, ni la sublimité.

La mission de l’Ange Raphaël préfiguration de la mission de Saint Joseph
Le Livre de Tobie fait partie des livres deutérocanoniques. C’est une histoire édifiante, un roman à but pédagogique destiné à l’éducation morale et religieuse du Peuple juif. Comme le Livre de Job, le Livre de Tobie pose le problème de la souffrance du juste. Mais il révèle aussi la sollicitude de Dieu, soit envers ceux à qui Il confiera une mission particulière, soit envers des jeunes ayant besoin d’être particulièrement guidés. Nous découvrirons dans le livre de Tobie, deux préfigurations de Saint Joseph à qui sera confiée l’exceptionnelle mission d’être le gardien et l’éducateur du Fils de Dieu, Jésus Enfant et Adolescent.
Le vieux Tobit [5] est le type même du juif fidèle qui, malgré sa fidélité subira de nombreuses tribulations et sera emmené à Ninive, en déportation. L’histoire de sa cécité qui dura quatre ans est bien connue. Découragé par toutes ses épreuves dont il ne comprend pas la raison et les récriminations de sa femme, il adresse une longue et douloureuse prière au Seigneur et demande la mort…
En même temps, loin de là, la jeune Sara, fille de Ragouel, le frère de Tobit, était dans la plus extrême des peines: les sept maris qui lui avaient été donnés étaient tous morts avant de l’avoir connue. Elle aussi priait instamment le Seigneur de faire cesser cette malédiction.
“Leurs prières, à l’un et à l’autre parvinrent en même temps au Dieu de gloire et Raphaël fut envoyé pour les guérir tous les deux.” (Tobie 3, 16-17)
Le vieux Tobit avait un fils, Tobie qui ne devait épouser qu’une femme de sa parenté… et Tobit décida d’envoyer Tobie, dans sa parenté lointaine pour y trouver sa femme.
Ici apparaît, dans ce texte, la première figure de notre Saint Joseph: le vieux Tobit qui avait constamment donné à son fils l’exemple de l’homme fidèle à la Loi de Yahvé, même au péril de sa vie, et qui, au moment de se séparer, même momentanément de son fils, multiplie les conseils de fidélité, enseigne et transmet sa sagesse. Le vieux Tobit fut pour Tobie, un pédagogue modèle et avisé. Il avait compris qu’obéir à Dieu vaut mieux que toutes les richesses : “Ne t’inquiète pas mon fils, de nous voir devenus pauvres: tu possèdes une grande richesse si tu crains Dieu, si tu évites tout péché, et si tu fais ce qui est agréable à Dieu.” (Tobie 4, 21)
En homme avisé, le vieux Tobit veut un compagnon sûr pour son fils désemparé à l’idée d’aller seul dans un pays inconnu et peut-être hostile. L’Ange Raphaël se présente sous la forme d’un serviteur. Accepté comme guide pour Tobie, l’Ange sera pour nous une  autre figure de Saint Joseph. Auprès de ce guide judicieux, le jeune Tobie complètera sa formation. Il saura, en jeune obéissant, recueillir de sages compétences de médecine, (Tobie 6, 3-7) il priera pour que le démon qui tenait Sara liée soit chassé, (Tobie 8,1-3) mais surtout il comprendra que Sara est la femme que Dieu lui a réservée, et que pour construire leur famille, solide et bâtie sur la confiance mutuelle, la maîtrise de soi et un temps de prière préalable est indispensable. “Ainsi se marient les enfants de Dieu.” (Tobie 8, 1-8) De retour auprès de son père, Tobie fit ce que l’ange lui dit de faire, et le vieux Tobit recouvra la vue. L’Ange put alors révéler qui il était et toute la maisonnée rendit gloire à Dieu.
En résumé, le Livre de Tobie a bien mis en évidence deux facettes de ce que sera Saint Joseph pour Jésus :
– Tobie est enseigné par son père Tobit, (ce qui est normal) comme plus tard l’Enfant Jésus sera enseigné par son père légal: Joseph le Charpentier.
– L’Archange Raphaël, l’envoyé de Dieu, enseigne le jeune Tobie, mais il est aussi son serviteur. Jésus est soumis à Joseph qu’il assiste et sert dans son travail. Dans les deux cas c’est le supérieur : l’Ange ou Jésus, qui sert et assiste son inférieur, Tobie ou Joseph, en lui étant soumis.

La similitude entre la mission de Mardochée, protecteur d’Esther et celle de Saint Joseph, protecteur de Marie
Nous nous référons d’abord au tome 2 de la “Cité Mystique de Dieu”, oeuvre de Marie d’Agreda, écrite au XVIIe siècle, traduite de l’Espagnol par Thomas CROSET, religieux Récolet, éditée en 1857, et reproduite intégralement en offset par les Éditions Téqui en 1970.
Au numéro 66 du tome 2 de l’édition de 1857, Marie d’Agreda écrit des paroles révélées par Marie elle-même, à propos des combats victorieux qu’elle (Marie) eut à mener contre le Dragon : “Le combat dura jusqu’à ce qu’elle, (Marie) l’eût privé de son pouvoir tyrannique: et comme le très fidèle Mardochée fut honoré en la place de l’orgueilleux Aman, (Esth VI, 10) ainsi le très chaste et très fidèle Joseph, qui prenait soin de ce qui regardait notre divine Esther (Marie) et qui lui inspirait continuellement de prier pour la liberté de son peuple (car c’était l’occupation ordinaire de cet incomparable Saint (Joseph) et de sa très pure épouse (Marie) fut élevé par son moyen à une si grande sainteté et à une si dignité si excellente, que le suprême Roi lui donna l’anneau de son sceau (Esth VIII, 2) afin qu’il commandât par cette marque d’honneur le même Dieu humanisé, qui lui était soumis, comme l’Évangile le dit.” (Luc II, 51)
Ce texte, qui paraît d’abord assez ambigu, tant il mêle les deux figures: celle de Mardochée et celle de Joseph, nous conduit tout naturellement à nous pencher plus longuement sur le Livre d’Esther, tel qu’il est raconté dans la Bible. [6]
L’histoire se passe durant la captivité du peuple hébreu en Chaldée, au temps du roi Assuérus. La reine Vasthi, disgraciée dut être remplacée par une autre femme d’une grande beauté. “Or, il y avait à Suse, la capitale, un juif nommé Mardochée, de la tribu de Benjamin. Il était le tuteur d’Esther, fille de son oncle, orpheline, et Mardochée l’avait adoptée pour fille.”
Sur les conseils de Mardochée, Esther, qui n’avait dévoilé ni sa race, ni sa famille, fut choisie pour devenir reine à la place de Vasthi. Par ailleurs, Mardochée ayant rendu un insigne service au roi Assuérus, ce dernier demanda à Aman, le deuxième personnage du royaume, d’honorer publiquement et superbement celui qui lui avait sauvé la vie. Aman, qui connaissait la race de Madochée conçut contre lui une haine inexpiable et jura d’exterminer la totalité de la nation juive.
On connaît la suite de l’histoire. Ayant appris la menace qui pesait sur les Hébreux, Mardochée insista auprès d’Esther pour qu’elle intervienne auprès du roi, en faveur de son peuple, disant : “Qui sait si ce n’est point pour une circonstance comme celle-ci que tu es  parvenue à la royauté ?” Esther sauva son peuple, et Mardochée prit la place d’Aman auprès du roi Assuérus. “Il était en grande considération parmi les juifs et il était aimé de la multitude de ses frères. Il recherchait le bien de son peuple et parlait pour le bonheur de toute sa race.”
On voit bien, à travers ce récit, comment Mardochée, d’abord protecteur de la vierge Esther, devint, grâce à elle, le sauveur de son peuple. La similitude entre Mardochée, figure de Saint Joseph, et Joseph peut aller encore plus loin, quand on relit les chapitres 10 et 11 du Livre d’Esther, chapitres moins connus, manquant dans le texte hébreu, et rapportés par Saint Jérôme. Ces chapitres racontent un songe étonnant advenu à Mardochée, grand personnage attaché à la cour du roi, la seconde année du règne d’Assuérus.
Voici la vision de Mardochée, qui faisait partie du nombre des captifs déportés par le roi de Babylone : “Des clameurs soudaines, du fracas, des tonnerres, un tremblement du sol, l’effroi par toute la terre. Puis soudain s’avancèrent deux grands dragons prêts à foncer l’un contre l’autre. Au cri qu’ils jetèrent, les nations s’émurent pour combattre contre la nation des justes. Ce fut un jour d’obscurité et de ténèbres: tribulation, angoisse, détresse et épouvante sur toute la terre. Le peuple entier des justes plein de terreur, craignant tous les malheurs, se crut sur le point de périr, et cria vers Dieu. Pendant qu’ils poussaient des clameurs, voici qu’une petite source prit les proportions d’un grand fleuve, une masse d’eau. La lumière parut, avec le soleil; ceux qui étaient dans  l’humiliation furent exaltés et dévorèrent les nobles.” [7]
Mardochée conserva ce songe dans son esprit, cherchant à en connaître la signification. Saint Jérôme indique qu’il a trouvé ce qui suit dans la Vulgate, écrit en caractères grecs.
Mardochée dit : ”C’est de Dieu qu’est venu tout cela. Je me souviens d’un songe que j’ai eu à ce sujet . Rien n’en a été omis: la petite source devenue fleuve, la lumière, le soleil, la masse d’eau. Le fleuve, c’est Esther que le roi a prise pour femme et qu’il a créée reine. Aman et moi, voilà les deux serpents. Les peuples, ce sont ceux qui se sont assemblés pour détruire le nom des juifs. Ma nation, c’est Israël qui a invoqué le Seigneur et qui a été sauvé; car le Seigneur a sauvé son peuple et nous a délivré de tous les maux. Dieu a fait des prodiges et des merveilles comme il n’en a pas été opéré parmi les nations. Alors le Seigneur a eu souvenance des siens et a fait justice à son héritage.” [8]

Autres figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament
D’une manière plus succincte, on peut citer d’autres personnages, déjà mentionnés plus haut, qui, par certains aspects de leur vie, peuvent être regardés comme présentant certaines facettes préfigurant Saint Joseph.
Ainsi d’Abraham dont il est dit : “Abraham est le père illustre d’une multitude de nations ; (comme Joseph, père légal de Jésus, peut être considéré comme le Père de la multitude des chrétiens) personne n’a jamais égalé sa gloire. Il a observé la Loi du Très-Haut qui l’a fait entrer dans son Alliance. (l’Ancienne Alliance)
Cette Alliance fut inscrite dans sa chair; il resta fidèle au jour de l’épreuve.” [9] D’Abraham toujours, “dont la parfaite obéissance et la foi ne connurent jamais de défaillance, et qui engendra une nombreuse postérité en vertu de la promesse, postérité n’égalant pas pourtant celle de Saint Joseph, père adoptif du Christ, et par lui de tous les chrétiens.” [10]

Ou encore d’Éliezer chargé de protéger la fiancée de son maître Isaac.
Ou bien de Moïse, à cause de sa douceur, de sa fidélité, de son commerce intime avec Dieu, de Moïse “que Dieu fit entrer dans son mystère. Moïse, cet homme fidèle et doux, qu’il avait choisi entre tous. Il lui fit entendre sa voix et l’introduisit dans la nuée obscure. Il lui parla face à face et lui donna les commandements, cette Loi révélée, loi de vie, pour qu’il enseigne à Jacob, l’alliance, à Israël, ses décrets.” [11]
On pourrait aussi citer David, en raison de son humilité et de sa justice, mais surtout par le fait qu’il fut le père de Salomon, nom qui signifie “Pacifique” et lui-même image du Christ, Prince de la Paix.
Enfin, si l’on considère que tout l’Ancien Testament est annonciateur du Christ, on peut mentionner Noé accueillant la colombe qui annonce la fin du déluge, en rapportant dans son bec un rameau d’olivier. “Noé fut trouvé juste, parfait: il fut l’instrument de la réconciliation au temps de la colère ; grâce à lui un reste fut épargné sur la terre lorsque vint le déluge. “ [12]
Certains auteurs ont aussi voulu voir Marie et Joseph figurés par les deux chérubins qui couvraient de leurs ailes le propitiatoire d’or où reposait la majesté de Dieu, ou reconnaître une figure de Joseph dans le voile qui fermait le Saint des Saints où l’on conservait l’Arche d’Alliance, figure de Marie.

[1] Exode (24, 1-66).
[2] Lettre encyclique “Quamquam pluries “ 
[3] Cité par Daniel FOUCHER, dans son livre “Notre père, Joseph le charpentier “ – Éditions de MONTLIGEON.
[4] Le Siriacide (46, 13).
[5] Afin de différencier le père et le fils, certaines éditions de la Bible orthographient différemment les noms de Tobit (le père) et celui de Tobie (le fils). C’est ce qui a été fait ici.
[6] Le Livre d’Esther.
[7] Esther (11, 2-12).
[8] Esther (10, 4-12).
[9] Le Siracide (44, 19-20).
[10]  “Les saints, Saint Joseph”  du Cardinal Dubois -Édité chez Lecoffre, 1927.
[11] Le Siracide (45, 4-5).
[12] Le Siracide (44, 17-18).

Les dix commandements – par le Rav Yehoshua Ra’hamim Dufour

9 mars, 2012

http://www.modia.org/infos/etudes/dixcommandements.html

Les dix commandements

On ne peut les comprendre que dans le cadre du don de la Torah pendant la Fête de Chavouôte
Voyez leur commentaire dans de nombreuses pages de Modia, ici: Les 10 commandements

par le Rav Yehoshua Ra’hamim Dufour

Présentation des dix commandements

Où se trouvent-ils dans la Torah? Dans le Livre de Dévarim (le Deutéronome) 5,6-18.

Voici le texte:
Côté gauche des tables, il concerne les devoirs dans la relation de l’homme à D.ieu. Dans cette partie, il est fait mention de punition en cas de manquement:
1er commandement: « Je suis Hachém, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, d’une maison d’esclavage ».
2e commandement: « Tu n’auras point d’autre Dieu que Moi. Tu ne te feras pas d’idole, l’image de quoi que ce soit dans le ciel en haut, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles, tu ne les adoreras pas car Moi seul, Hachém, Je suis ton Dieu, Dieu jaloux, qui poursuis le crime des pères jusqu’à la troisième et la quatrième génération, pour ceux qui m’offensent, et qui étends mes faveurs à la millième génération, pour ceux qui M’aiment et gardent Mes commandements ».
3e commandement: « Tu n’invoqueras point le nom de Hachém, ton Dieu, à l’appui du mensonge; car Hachém ne laisse pas impuni celui qui invoque Son nom pour le mensonge ».
4e commandement: « Observe le jour du Chabbate pour le sanctifier, comme te l’a prescrit Hachém, ton Dieu. Pendant six jours tu travailleras et t’occuperas de toutes tes affaires; mais le septième jour est la trêve de Hachém, ton Dieu: tu n’y feras aucun travail, toi, ton fils ni ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bœuf, ton âne, ni tes autres bêtes, non plus que l’étranger qui est dans tes murs; car ton serviteur et ta servante doivent se reposer comme toi. Et tu te souviendras que tu fus esclave au pays d’Egypte, et que Hachém, ton Dieu, t’en a fait sortir d’une main puissante et d’un bras étendu; c’est pourquoi Hachém, ton Dieu, t’a prescrit d’observer te jour du Chabbate ».
5e commandement: « Honore ton père et ta mère, comme te l’a prescrit Hachém, ton Dieu, afin de prolonger tes jours et de vivre heureux sur la terre que Hachém, ton Dieu, te destine ».
Et voici le côté droit des tables, en parallèle de disposition et de sens. Il concerne les devoirs dans la relation des humains aux humains et tous nos Sages disent que cela nous démontre qu’en respectant l’homme, est la voie par laquelle on respecte D.ieu. Dans cette partie, il n’est pas mentionné de punition pour la faute:

6e commandement: « Ne commets pas d’homicide ».
7e commandement: « Ne commets pas d’adultère ».
8e commandement: « Ne commets pas de larcin ».
9e commandement: « Ne porte pas, contre ton prochain un faux témoignage ».
10e commandement: « Ne convoite pas la femme de ton prochain, et ne désire pas la maison de ton prochain ni son champ, son esclave ni sa servante, son bœuf ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain ».
« Ces paroles, Hachém les adressa à toute votre assemblée sur la montagne, du milieu des feux, des nuées et de la brume, d’une voix puissante, sans y rien ajouter; puis Il les écrivit sur deux tables de pierre, qu’Il me remit. » (Fin du texte).
Essayez de trouver la relation de sens entre chaque parallèle (1 et 6. Puis 2 et 7, idoles et adultère. Puis 3 et 8, faux serment et vol. Puis 4 et 9, faux témoignage et sanctification du Chabbate. Puis 5 et 10, respect des parents lié à D.ieu, et respect des proprétés d’autrui. etc.
Il y a un premier texte dans le Livre de Chémote, L’Exode, 20, 2-15 qui est souvent nommé comme la première version des 10 commandements dans la Torah. Voici ce texte:
« Alors Dieu prononça toutes ces paroles:
1e commandement: « Je suis Hachém, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage ».

2e commandement: « Tu n’auras pas d’autre dieu que Moi. Tu ne te feras pas d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles, tu ne les adoreras pas; car Moi, Hachém, ton Dieu, Je suis un Dieu jaloux, qui poursuis le crime des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième générations, pour ceux qui m’offensent; et qui étends Ma bienveillance à la millième génération pour ceux qui M’aiment et gardent Mes commandements ».
3e commandement: « Tu n’invoqueras pas le nom de Hachém ton Dieu à l’appui du mensonge; car Hachém ne laisse pas impuni celui qui invoque Son nom pour le mensonge ».
4e commandement: « Pense au jour du Chabbate pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et t’occuperas de toutes tes affaires, mais le septième jour est la trêve de Hachém ton Dieu: tu n’y feras aucun travail, toi, ton fils ni ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes murs. Car en six jours Hachém a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment et il s’est reposé le septième jour; c’est pourquoi Hachém a béni le jour du Chabbate et l’a sanctifié ».
5e commandement: « Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que Hachém ton Dieu t’accordera ».
6e commandement: « Ne commets pas d’homicide ».
7e commandement: « Ne commets pas d’adultère ».
8e commandement: « Ne commets pas de larcin ».
9e commandement: « Ne rends pas contre ton prochain un faux témoignage ».
10e commandement: « Ne convoite pas la maison de ton prochain; ne convoite pas la femme de ton prochain, ni son esclave ni sa servante, ni son bœuf ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. »
« Et tout le peuple fut témoin de ces tonnerres, de ces feux, de ce bruit de cor, de cette montagne fumante et le peuple à cette vue, trembla et se tint à distance. » (Fin du texte).

Comment cela s’est-il passé?
Moché rabbénou est monté sur le Mont Sinaï, y a jeûné 40 jours et a reçu les deux tables de l’alliance (chéné lou’hote habbérite). Lisez Chémote chapitres 23, 24 et 32 et 34 et Dévarim chapitre 9.
Ensuite, il est descendu du Sinaï et a découvert la faute du Veau d’or et il a cassé ces deux tables sous la colère. Il est remonté au Sinaï et D.ieu lui remet une deuxième version identique qu’Il écrit et Moché y participe aussi. (Lire aussi le chapitre 10 de Dévarim). Et D.ieu lui demande de mettre ces tables dans l’arche d’alliance qui est dans la tente du Sanctuaire d’abord, puis à Chilo ( lire le chapitre 8 du 1er Livre des Rois) et finalement dans le Temple de Jérusalem.
Les deux cantillations.
Ce texte, contrairement aux autres de la Torah, a deux emplacements différents des téamin, ces signes qui indiquent comment le chanter. La notation supérieure est utilisée à la Fête de Chavouote quand comme au Sinaï tout le peuple écoute et entend; la notation inférieure pour toutes les autres occasions.
Qui a entendu?
Nos Sages disent que la néchama (âme) de tous les Juifs de toutes les époques, y compris les Juifs qui se convertirent, furent également présente et ensemble au Sinaï lors de cet événement. Le sens de cela est clair et important. Tous ont entendu également et ont eu cette égale dignité.

Pourquoi les 10 commandements ont-ils un rôle si particulier?
- parce que dans d’innombrables textes nos Sages démontrent qu’ils contiennent les 613 mitsvotes et donc toute la Torah.
- cependant, dans l’histoire, les ignorants et déviants de la Torah qui ont bâti le christianisme ont gardé les 10 commandements mais ignoraient ce lien entre le tout et son résumé et ils ont aboli de très nombreuses mitsvotes, à commencer par la circoncision, la mila. Puis, après cette falsification involontaire de la Parole de D.ieu, ils en sont arrivés à imaginer que les Juifs n’avaient qu’une relation de crainte et, d’ignorance en perte de sens, ils sont arrivés à d’autres erreurs tragiques jusqu’aux persécutions et génocides envers le peuple de D.ieu Lui-même.
Ils ignoraient que la Torah elle-même avait donné cet enseignement du lien réciproque dans Chémote 24, 12: « Hachém dit à Moïse: « Monte vers moi, sur la montagne et restes-y: Vééténa lkha (Je te donnerai), éte lou’hote ha évén (les tables de pierre), vé ha Torah (la Torah), vé ha mistva (et les commandements) achér katavti (que J’ai écrits) léhorotam (pour les enseigner). » Très important.
Et ceux qui étudient la tradition (le Talmud) trouveront cet enseignement repris dans le Traité Chabbate, page 87a.
Le Talmud de Jérusalem (Traité Taânite 4,5 et Traité Chékalim 6,1) développe ce point que Rachi y met en valeur. Plus encore, le Middrache Bémidbar Rabbah 13, 15-16 le prouve avec les verset du Cantique des Cantiques puis déclare qu’il y a 613 lettres entre le premier mot Anokhi (Moi) des 10 commandements et le dernier (achér lé réékha, qui apparatient à ton prochain), etc. et il conclut: cela nous enseigne que les 613 mitsvotes sont contenues dans les 10 commandements.
C’est pour se distinguer de l’erreur des chrétiens que des communautés ont décidé dans l’Histoire de ne pas se lever lors de la lecture de ce passage pour ne pas le séparer, ni l’isoler de toute la Torah et pour les entendre dans la même position.
Il y a donc un équilibre du deux, aussi bien dans les deux tables, que dans ce qui est face à D.ieu et face aux hommes, que ce qui est dans le texte des 10 commandements et dans toute la Torah. La Torah maintient cet équilibre qui assure la vie du monde; le lacher, c’est courir à la catastrophe. Voilà pourquoi on par de Séder (ordre) de Pessa’h ou du siddour (ordre dans la prière). Il y a beaucoup à méditer en cela.    

Un prophète qui console (Isaïe 40 – 55)

8 mars, 2012

http://www.taize.fr/fr_article8149.html

Un prophète qui console (Isaïe 40 – 55)

Comment décrire un homme qui est resté complètement anonyme ? Les chapitres 40 à 55 du livre d’Isaïe constituent un petit recueil de textes prophétiques qui forment une nette unité littéraire, mais dont l’auteur s’est effacé derrière son message. On ne sait ni son nom ni l’endroit d’où il parle. On sait seulement que son message se situe autour de 538 avant Jésus-Christ, l’année où Cyrus, roi des Perses, a permis aux Juifs exilés à Babylone de retourner dans leur pays. Le nom de « Second Isaïe » lui a été donné parce que sa pensée s’inspire d’une tradition qui remonte au grand prophète Isaïe (VIIIe siècle).
Ce Second Isaïe devait annoncer un événement absolument inconcevable : un tout petit peuple, un « reste » qui ne comptait peut-être pas plus de 15.000 personnes, allait traverser le désert, vivre un nouvel Exode (43, 16-21) et arriver à Jérusalem. Ce n’est guère étonnant que les auditeurs soient restés incrédules. Un peuple déporté était souvent condamné à disparaître, et les 70 ans d’exil ont dû créer un profond découragement : on supposait que l’alliance que Dieu avait voulue avec les siens était annulée et que Dieu en avait assez d’eux.
Avec quels arguments vaincre ce découragement ? Si Dieu est éternel, sa sagesse doit, elle aussi, avoir des ressources dont nous n’avons aucune idée, et sa force doit être proprement inépuisable (40, 27-31). Et le prophète a recours à des images plus fortes encore : une mère peut-elle oublier l’enfant qui est né d’elle (49, 14-15), un homme peut-il rejeter la femme qui a été le grand amour de sa jeunesse (54, 6-7) ?
Les premiers mots de ce petit recueil sont répétés avec insistance : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (40, 1). Après le temps d’une extrême désolation, le peuple doit être « consolé », ce qui veut dire qu’il sera mis en état de cesser ses lamentations, de se remettre debout et de reprendre courage. Ce peuple a beau être à bout, la consolation doit montrer que du cœur de Dieu découle un avenir.
L’image que les croyants s’étaient faite de Dieu s’est purifiée à travers l’extrême épreuve de l’exil, comme on peut s’en rendre compte aussi en lisant le livre de Job. Quand le Second Isaïe parle de Dieu, on n’y trouve plus les accents de colère, ni de menaces, ni d’affirmations autoritaires. Dieu aime, et il aime sans autre raison que son amour (43, 4 ; 43, 25). On dirait qu’il ne peut qu’aimer désormais (54, 7-10). S’il rétablit son peuple sur sa terre et dans sa ville, ce rétablissement aura un écho dans toutes les nations (45, 22 ; 52, 10), car il est le Dieu universel (51, 4). Dans le choix tout à fait gratuit d’un peuple unique, dans le pardon presque encore plus gratuit du retour de l’exil, sa propre alliance avec ce peuple a été comme transcendée. Le roi des Perses peut dès lors recevoir le titre d’« Oint », messie (45, 1), et le véritable ministère de médiation entre Dieu et les humains sera confié à un humble Serviteur.
Ce Serviteur reflètera les traits de son Dieu. Non seulement il ne s’imposera pas (42, 1-5), mais il sera lui-même vulnérable au découragement des siens (49, 4-6). À ceux qui se moquent de lui il ne rétorquera par aucune parole dure (50, 5-6). Lui-même, se tenant à l’écoute de Dieu comme le plus humble des croyants (50, 4), ira jusqu’à prendre sur lui toute l’incrédulité qui l’entoure (53, 12), à l’exemple de ce Dieu qui a « porté » le peuple à travers toute l’histoire (46, 3-4).

Premier Dimanche de Carême: L’Alliance de Dieu avec tous les êtres vivants

25 février, 2012

http://www.scourmont.be/Armand/chapters/2009/090301-alliance-ts-vivants.htm

Chapitre du 1 mars 2009

Premier Dimanche de Carême

L’Alliance de Dieu avec tous les êtres vivants

            Le 9ème chapitre du livre de la Genèse – dans son récit mythologique du déluge — propose une nouvelle voie de communion.  La logique destructrice des empires mésopotamiens, faite d’agressions, d’oppressions, d’exploitation de l’homme par l’homme avait conduit à la punition du déluge. Après quoi Dieu établit une alliance avec ce qui reste de l’humanité et cette alliance s’exprime dans la promesse : « Il n’y aura plus de déluge » — promesse scellée par l’arc-en-ciel. C’était la fin – ou en tout cas c’aurait dû être la fin – de la religion de la peur, remplacée par la certitude de l’amour de Dieu pour l’humanité. Cette alliance primordiale de Dieu, toujours valide, a été faite en effet avec l’humanité dans son entièreté et non avec un peuple « choisi ». Elle est antérieure au choix d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et à l’apparition du peuple d’Israël.
            Noé est le représentant de l’humanité entière dans cette Alliance.  Il apparaît comme le juste par excellence, dont la justice lui vaut d’échapper à la ruine d’un monde condamné et de réconcilier avec Dieu la terre et ses habitants.  Son histoire sera réinterprétée par la tradition sapientielle (le Siracide et le Livre de la Sagesse en particulier), qui élaboreront sur sa base le thème du « Reste ».  Noé est le type de ce « reste », qui constitue à lui seul le peuple juste et qui préfigure le Juste par excellence, le Messie, qui sauvera le Monde du désastre comme Noé l’avait fait. Le Livre de la Sagesse parle, dans un langage très poétique (14,6), de « l’espoir de l’univers [qui] se réfugia sur un frêle esquif… et laissa au monde le germe d’une génération nouvelle ». Noé est mentionné plus d’une fois dans le Nouveau Testament, en particulier dans la Lettre aux Hébreux (11,7) qui le présente comme le juste qui crut sur la seule garantie de la Parole de Dieu
            Cette Alliance de Dieu est présentée, dans le récit de la Genèse, comme une alliance non seulement avec Noé et ses fils, mais aussi avec tous les êtres vivants — oiseaux, animaux domestiques, bêtes sauvages.  Cela montre bien à quel point la vie est importante pour Dieu.  De même, dans la seconde lecture, Pierre nous dit que le Christ, après avoir été mis à mort a été rendu à la vie et est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort depuis le temps du déluge. 
            De nos jours, face au danger de plus en plus grand et quasi irréversible que les hommes font courir à la planète, se développe au sein de l’humanité une certaine conscience écologique.  Cette conscience écologique est généralement fondée presque uniquement sur la crainte d’une catastrophe planétaire.  Or, on pourrait trouver un fondement biblique et théologique de cette préoccupation écologique dans l’ Alliance faite entre Dieu et tous les vivants après le déluge.  Les hommes ont constamment rompu cette alliance, à laquelle Dieu a été fidèle.  D’où le besoin d’une conversion.  Le souci de sauver la planète de notre gaspillage est un appel à une conversion à la fois personnelle et collective dans l’usage que nous faisons des ressources naturelles.
            Dans l’Évangile d’aujourd’hui, avec la manifestation de Jésus lors de son baptême, une page importante est tournée dans la vie de Jean-Baptiste.  Il peut désormais disparaître et il est effectivement enlevé et mis en prison. Il sera bientôt tué. Une page importante est aussi tournée dans la vie de Jésus et un nouveau chapitre commence dans la vie de l’humanité.  Il y a là pour nous une leçon.  Nous devons savoir reconnaître les tournants importants dans notre vie, aussi bien individuelle que collective.  Souvent la fidélité à notre vocation ou à notre mission nous appelle à mettre le point final à un chapitre, à tourner la page et à commencer décidément le chapitre suivant, comme l’a fait Jésus.  Or, comme il arrive souvent dans les livres imprimés, il peut y avoir une page blanche entre deux chapitres.  C’est le moment du désert, de la tentation, de la lutte contre les bêtes sauvages à l’intérieur comme à l’extérieur de nous-mêmes, mais aussi un moment où il faut savoir reconnaître les anges ou les messagers que Dieu nous envoie pour nous assister, nous conseiller, nous guider.
            Toute la prédication de Jésus et le message qu’il répétera tout au long de sa vie publique, Marc les résume dans l’Évangile d’aujourd’hui en quelques phrases lapidaires : « Les temps sont accomplis — le règne de Dieu est tout proche — convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle ».  La Bonne Nouvelle (Marc 1,1) est celle de la possibilité d’une humanité nouvelle, pratiquant la justice et l’amour et vivant dans la paix.  Cette société nouvelle n’est possible que si les hommes renoncent à l’injustice et à la guerre, ainsi qu’à l’exploitation irrationnelle de la planète; que s’ils se convertissent, c’est-à-dire laissent Dieu transformer leur coeur.
            C’est alors que se réalisera pleinement l’alliance signifiée par l’arc-en-ciel après le déluge lorsque Dieu dit : « J’établis mon alliance avec vous, avec tous vos descendants, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous.   
            C’est toute l’histoire de cette Alliance de Dieu avec l’humanité que l’Évangéliste Marc fait revivre à Jésus au début de son Évangile, en quelques lignes dont le fil conducteur est le Jourdain, le désert et la Galilée.  Jésus commence la libération de l’humanité par quarante jours au désert rappelant les quarante années de l’Exode.  Il y rencontre la tentation du pouvoir dominateur personnifié sous le nom de Satan.  Il y vit, comme il le fera durant toute sa vie publique, entre les bêtes sauvages, c’est-à-dire les forces qui s’opposeront à sa mission – essentiellement les Scribes, les Pharisiens et les Chefs religieux du Peuple – et les anges, c’est-à-dire les hommes et les femmes qui se feront ses disciples.  On peut également penser que cette présence –alors paisible – des bêtes et des anges près de Jésus au désert est aussi l’anticipation du retour à l’harmonie originelle du paradis terrestre.
            L’arrestation – et bientôt la décapitation – de Jean-Baptiste démontrent que ce n’est là que l’annonce d’une victoire qui est encore loin.  Aussi, les premiers mots de la prédication de Jésus en Galilée seront : « convertissez-vous » – c’est-à-dire renoncez à la tentation du pouvoir – et « croyez à la bonne nouvelle » de la libération.
             Les nombreux foyers de conflits dans notre monde contemporain, engendrés par la soif du pouvoir et le déferlement d’une violence meurtrière en de si nombreux points de la planète montrent bien que les forces du mal et la tentation du pouvoir, personnifiés dans l’Évangile de Marc par « Satan », sont toujours bien vivantes.  Si nous y regardons de près nous verrons sans doute que cette tentation du pouvoir est présente non seulement dans les relations entre les peuples et les nations, mais aussi en chacun de nos cœurs, tout au long de notre vie de tous les jours. 
            En ce début de Carême, demandons à Dieu la lucidité qui nous permettra de reconnaître dans le désert de nos vies toutes les tentations de pouvoir.  Écoutons le message de Jésus nous appelant à nous convertir et à croire à la Bonne Nouvelle utopique d’une harmonie entre les personnes et entre les peuples.  L’instauration définitive de cette harmonie globale, qui nous semble encore si loin, dépendra de la petite contribution que chacun de nous y aura apportée.

Armand VEILLEUX

commentaires sur la première lecture (Isaïe)

18 février, 2012

http://www.bible-service.net/site/432.html

commentaires sur la première lecture (Isaïe)

Isaïe 43,18-19.21-22.24-25

Dans la première lecture, le prophète Isaïe met dans la bouche de Dieu des paroles de fidélité à l’égard de l’engagement qu’il a pris envers son Peuple.  Dieu a aimé son peuple, il l’a éduqué patiemment ; et il n’y a pas d’amour authentique qui ne soit pas cohérent et donc fidèle à lui-même, quels que soient les péchés ou le manque de réciprocité de la personne aimée. Bien souvent le peuple a été infidèle, s’est tourné vers des idoles. Pire, le peuple est en exil, loin de sa terre, accablé. Mais le Seigneur ne l’abandonne pas. Il le fera revenir, le retour sera comme un nouvel exode. Dieu n’est pas rancunier : “ Je te pardonne tes révoltes – dit Dieu – à cause de moi-même, et je ne veux plus me souvenir de tes péchés. ”  “ À cause de moi-même ” : c’est là la cohérence absolue, qui fait que Dieu oublie même les offenses faites à son amour bafoué. Dieu ne libère pas son peuple pour le récompenser (de quoi ?). Il lui pardonne, il lui est fidèle “ à cause de lui ”. Voilà le socle de notre espérance !

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