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Lectio Divina – Année C: Epiphanie du Seigneur (Mt 2,1-12)

3 janvier, 2013

http://say.sdb.org/blogs/JJB/2013/01/01/lectio-divina-annee-c-epiphanie-du-seign-12

Lectio Divina – Année C: Epiphanie du Seigneur (Mt 2,1-12)

par Juan José Bartolomé 

[P. Txema Martínez, traducteur]

Mathieu ne nous offre pas la chronique d’un épisode de l’enfance de Jésus, comme il peut le sembler à simple vue ; il réfléchit, plutôt, sur l’identité réelle du nouveau-né et il nous avance de forme voilée une explication du refus qu’il souffrira après. Jésus est l’attendu descendant de David, dont la souveraineté fut reconnue en Israël depuis le principe avec l’aide de l’Écriture. Mais l’Écriture qui l’annonçait avec détaille, ne fut pas suffisante pour obtenir son acceptation : ceux qui ne savaient pas où le trouver se mirent en route ; les proches, désintéressés, laissèrent l’initiative aux païens. La docilité du gentil, qui se sert de n’importe quel indice dans le ciel pour se mettre en chemin vers le Dieu-avec-nous, contraste avec l’entêtement du Juif, qui sait lui où doit apparaître Dieu, mais qu’il ne se daigne pas d’apparaître par là. Dans l’intention de Mathieu, et plus au-delà de tout sentimentalisme, le récit est un sérieux avertissement : savoir bien qui est Jésus et où on peut le rencontrer, ne conduit pas nécessairement ni à la foi et ni à l’offrande qu’il mérite. Et cela peut conduire, cependant, à le perdre. Ce n’est pas vrai qu’encore aujourd’hui continuent à le chercher, et pleins de dons, ceux qui moins le connaissent ou ceux qui sont les plus éloignés de lui ? Que s’intéressent à lui ceux qui en étaient plus éloignés et plus ignorants, n’est pas une simple anecdote : perd Dieu celui qui, comptant déjà sur sa présence donnée, ne le cherche plus ; cette recherche, pour être authentique, doit nous retrouver pleins de dons, et non de désirs insatisfaits, pendant que nous marchons vers lui : nous pouvons aller le cherche un peu désorientés, mais non sans présents à lui offrir.
Suite:

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des Mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent :  » Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui « . En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent :  » A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : ‘Et toi, Bethléem en Judée, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d’Israël mon peuple’. Alors Hérode convoqua les Mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile leur était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant :  » Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui « . Sur ces paroles du roi, ils partirent.
Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
I. LIRE : Comprendre ce que le texte dit en considérant comme le dit
Après avoir raconté la naissance du Messie à Bethléem, avec l’épisode des sages d’Orient, Mathieu fait publique la nouvelle : ici ne sont plus des anges qui annoncent et des bergers qui veillent la nuit, comme nous le racontait Luc (Lc 2, 8-20), sinon des étrangers venus de très loin guidés par une étoile qui se chargent de faire connaître la bonne nouvelle : « le roi des juifs vient de naître ». Quoique les faits se présentent comme vraisemblables (naissance de Jésus à Bethléem, pendant les derniers années du roi Hérode ; croyance populaire de que l’apparition de nouvelles étoiles signalait un changement important dans la histoire et la naissance d’un personnage…), sa chronique sert au programme du rédacteur : seulement les païens de loin savent qu’Israël a déjà le Messie et le cherchent sans repos pour l’adorer, bien qu’ils méconnaissent qui est lui et où le trouver. La destinée tragique de Jésus, être ignoré par ses compatriotes et cherché par les étrangers, commence à se réaliser depuis le commencement même de son apparition sur la terre. Manifestation publique et public rejet sont liés depuis le principe.
Les Mages et Hérode sont les authentiques protagonistes de l’épisode. Les Mages, dont la recherche, guidés par une étoile, mais sans trop de lumières, fait connaître la naissance du « roi juif » à Hérode, roi des juifs. Hérode, dont les scribes connaissent les Écritures et savent où doit naître le Messie, n’a aucune intention d’aller le trouver. Le contraste ne peut pas être plus évident : alertés et conduits par la nature, les Mages se sont mis en route ; guidés par une étoile, mais beaucoup plus par son désir de adorer le Messie juif, ils questionnent à celui qui puisse les aider. En possédant l’Écriture et connaissant le lieu, près d’où il habite, Hérode et ses savants ne bougent pas, mais ils y restent sursautés. Savoir que le Messie est né les remplit, non de joie, mais d’une peur formidable. Le salut peut être redoutable pour celui qui ne le désire pas.
Pendant qu’Hérode a la Parole et celui qui le lui interprète à sa disposition, les Mages n’ont qu’une étoile comme guide et qui, des fois, se cache. Obligés à enquêter, ne s’arrêtent pas de chercher. Et l’étoile revient à leur montrer le chemin et le but. À celui qui cherche le Dieu adorable, ne lui manqueront pas d’étoiles qui le conduiront jusqu’à Lui et, même, lui serviront de guide ceux qui ni croient, ni leur intéresse que le Messie soit né.
Ce n’est pas indifférent qu’« une immense allégresse » précédât la rencontre avec le petit enfant et avec Marie, sa mère : la joie dans la recherche précède la rencontre, celle-ci l’annonce immédiate. Ce n’est pas indifférent, non plus, que les dont vinssent après l’adoration : plus on donne, moins coûte offrir, quand plus adorable ressentons le Seigneur. Ce n’est pas indifférent, loin de là, qu’on trouvât Jésus près de sa mère. Pourquoi manque-t-il ici Joseph, s’il a été le protagoniste du récit antérieur ? : Jésus, que nous cherchons, n’est pas loin de Marie.
II. MÉDITER : Appliquer ce que le texte dit à la vie
Le récit de l’adoration des Mages complète la chronique de l’incarnation de Dieu, le mystère que nous sommes en train de célébrer durant ces jours-ci. La fête d’aujourd’hui n’est pas seulement, comme on pense fréquemment, une fête tendrement familiale où, selon la tradition, nous avons l’habitude de couronner les enfants comme les rois du foyer pour un jour. C’est vrai, il y aura quelques raisons par lesquelles le peuple chrétien a osé rappeler les dons que le petit Jésus reçut de mains des inconnus et faire des cadeaux aux petits enfants de la maison et aux personnes le plus familières. Mais ce que, en réalité, nous les chrétiens nous célébrons c’est la toute première manifestation de Jésus au monde païen. Ce ne sont pas les rois Mages la raison de notre fête sinon Dieu qui se révèle à celui qui le cherche. Ce ne sont pas non plus les dons qu’il mérita recevoir mais son épiphanie aux plus éloignés ce que nous célébrons : en vain se serait Dieu incarné s’il n’eut été reconnu que par ses parents ! De bien peu aurait servi que Marie et Joseph accueillissent le fils que Dieu leur avait donné, si le monde, bergers proches et éloignés Mages, n’eussent pas connu son existence ! La venue des étrangers à Bethléem, chargés de dons et de désirs de l’adorer, marque le commencement de l’accomplissement du salut : Jésus cesse d’être seulement le fils de Joseph et Marie pour devenir le Messie d’Israël et Sauveur du monde.
Malgré tout, c’est beaucoup ce que peuvent nous enseigner ces hommes qui, venus d’orient, cherchaient Jésus en suivant la route de son étoile et en demandant à tous ceux qu’ils retrouvaient en route. Leur désir de l’adorer les avait éloignés de leur patrie. Ils ne se sont contentés de savoir de son existence : découverte l’étoile, ils n’allaient pas s’arrêter jusqu’à ce qu’ils l’eussent connu. Et ils ont demandé de l’aide à celui qui savait plus qu’eux, bien qu’il n’ait pas leurs bonnes intentions. Et ils ont continué à chercher dans le ciel la lumière qui les guidât jusqu’au nouveau-né. Ils avaient trop de désir de l’adorer et les dons, qu’ils chargeaient pour l’honorer, n’étaient pas lourds à porter. Tout leur valait la peine pour arriver à contempler Dieu. Et ce qui est le plus curieux c’est que furent eux, des étrangers en Israël, les seuls intéressés à savoir où pouvait naître le roi des juifs.
Le récit évangélique n’est pas un conte enfantin, c’est la narration d’une tragédie. Il ne raconte pas ce qui s’est passé un jour, sinon qu’il décrit ce qui arrive aujourd’hui : les proches continuent engagés dans des discussions sans terme, pendant que les éloignés se pressent pour arriver jusqu’à Dieu. Les puissants conspirent pour faire disparaître celui dont on vient d’apprendre l’existence ; l’Hérode de service simule un intérêt au nouveau-né, pour mieux cacher ses projets homicides. Et aucun croyant d’Israël ne se mobilise pour aller à sa rencontre ; seulement des païens continuent leur chemin jusqu’à le trouver. Si réussir à l’adorer était la bonne aventure des Mages, se refuser à le faire fut le péché des connaisseurs, et continue à l’être. Ceux qui ne savaient rien sur Dieu ce sont eux qui se mettent en marche pour le chercher. Ceux qui connaissaient même le lieu où il devait naître, ne firent même pas un pas pour le connaître. Furent les plus éloignés les plus généreux ; et de bons païens, les meilleurs croyants : ils ne pensaient même pas à rien lui demander quand ils l’eussent rencontré, ils ne souhaitaient qu’adorer le Messie de Dieu.
Pour notre malheur, ça continue aujourd’hui à venir de loin à adorer notre Dieu, pendant que nous, qui pensons l’avoir tout près, nous nous absorbons dans des discussions sur où peut-il être, sans avoir le courage de nous lancer à sa recherche. Pour notre honte, ce sont les païens qui continuent à se charger des dons à lui offrir quand il se mettent en route pour le trouver, pendant que les croyants doivent passer un grand besoin et avoir quelque chose à lui demander pour nous mettre en chemin vers Dieu. Pour savoir où il est, nous pensons qu’il est facile tomber sur lui et ne le cherchons pas ; pour ne pas avoir le désir de l’adorer, nous perdons, comme cela arriva à Bethléem, un Dieu enfant adorable.
Nous ne pouvons pas nous excuser parce que, à différence des Mages, nous n’avons vu aucune étoile ; et ce n’est pas un bon prétexte, non plus, ne rien avoir de valeur à lui offrir ; pour se mettre à le chercher, il suffit de vouloir le connaître, avoir un désir ardant de l’honorer. Le fait c’est que Dieu put se manifester au monde, parce qu’il y eut des hommes que le cherchaient ; et ce qui est tragique c’est que Dieu fût adoré par des païens et non par des croyants, pour des étrangers venus de loin et non par des compatriotes qui n’avaient presque rien à risquer pour le trouver.
À Bethléem Dieu se montra petit enfant adorable, mais ne l’ont adoré que ceux qui s’étaient fatigués à le chercher. À quoi peut nous servir aujourd’hui nous rappeler ce jour-là, si nous ne remarquons pas le risque que nous sommes en train de courir tous les jours pour ne pas nous mettre en route, d’une fois pour toutes, vers lui. N’importe pas trop que nous ne sachions pas bien où est-ce qu’il nous attend, comme ne lui importe pas la richesse des dons que nous puissions lui présenter. Le Dieu de Bethléem, qui veut être pour nous un Dieu adorable, a laissé suffisantes étoiles dans nos vies qui nous guideront jusqu’où il nous attend et il y a toujours sur notre route trop de monde à qui en demander : ce qui est réellement important c’est si nous avons encore un désir d’adorer un Dieu que nous avons identifié à un petit enfant inoffensif.
Car, et celui-ci est un Dieu à la portée des étrangers, ce Dieu que, tombant à genoux, ont adoré les Mages, ce Dieu auquel les guida une étoile, ce Dieu qu’ils trouvèrent à Bethléem, avec Marie sa mère, n’était qu’un petit enfant. Là où se fixa l’étoile, là les attendait Dieu. Et parce qu’ils ne se sont pas scandalisés et ils ont accepté que le Messie qu’ils cherchaient était le nouveau-né qu’ils voyaient, ces païens devinrent les premiers croyants au Dieu de l’Encarnación. Car un petit enfant, le fils de Marie, fut la première manifestation de Dieu, seulement par cela, le peuple chrétien voit chez les petits enfants une image première de leur Dieu. Et à cause de cela nous célébrons l’épiphanie du Seigneur par la générosité de dons pour nos enfants ; nous ne pouvons pas oublier que Dieu voulut se cacher dans un petit enfant et qu’Il s’est révélé par la première fois comme Dieu dans le fils de Marie : la face du petit enfant, le visage de nos enfants, continue à être le plus divin, le plus proche de Dieu, que nous les croyants nous avons.
Aujourd’hui que nous célébrons que Dieu a voulu être adoré à Bethléem comme un petit enfant, nous devrions nous demander comment est-il possible que les chrétiens convertissons nos familles, nos villes, nos sociétés en des lieux inhospitalier pour les petits enfants. Un monde où les enfants gênent, sont encombrants, c’est un monde en manque de Dieu. Notre société, et nos familles, sont païennes, quand elles ne savent pas adorer Dieu dans leurs enfants. Et elles ne les adorent pas, non seulement quand elles ne leur permettent pas naître, sinon quand, nés, les abandonnent, méprisent ou malmènent. Nous nous condamnons à ne jamais nous rencontrer avec le Dieu de Jésus, si nous continuons impassibles devant le manque de défense du plus petit, si nous ne savons pas découvrir chez eux le visage adorable de notre Dieu. Nous sommes en train de devenir des païens, peut-être sans nous en rendre compte, mais non moins efficacement, parce que pour nous le petit enfant n’est plus l’être adorable, désiré. Notre monde met son avenir en danger et nous, les croyants, notre foi.

La lectio divina à la lumière des Pères de l’Eglise

17 août, 2012

http://ursule-tours.cef.fr/spip.php?article246

La lectio divina à la lumière des Pères de l’Eglise

Pour la première fois, Jean Paul II parle de la « lectio divina »comme d’une pratique féconde pour la vie spirituelle de tous les chrétiens.
Pour la première fois, Jean Paul II parle de la « lectio divina » comme d’une pratique féconde pour la vie spirituelle de tous les chrétiens. Voici ses paroles :
« Il n’y a pas de doute que le primat de la sainteté et de la prière n’est concevable qu’à partir d’une écoute renouvelée de la Parole de Dieu… Il est nécessaire, en particulier, que l’écoute de la Parole devienne une rencontre vitale, selon l’antique et toujours actuelle tradition de la « lectio divina » permettant de puiser dans le texte biblique la parole vivante qui interpelle, qui oriente, qui façonne l’existence »
Qu’est-ce donc que la lectio divina ?
Elle est une approche priante de la Bible, considérée comme un tabernacle, un lieu provilégié de la rencontre avec Dieu le Bien Aimé. Elle provient d’une longue tradition, pratiquée par les pères du désert, elle a été mise en forme, pourrait -on dire, par un moine cistercien du 12è siècle, Guigues le Chartreux, qui décrit les étapes importantes de la « lectio divina » telle qu’elle est pratiquée, individuellement, encore aujourd’hui chez les moines.
« Rencontre vitale » nous dit Jean Paul II. Il en va de notre vie spirituelle, de notre relation à Dieu. « Ignorer les Ecritures , c’est ignorer le Christ » disait Saint Jérôme au 4è siècle. Et nous n’ignorons pas les Ecritures, nous n’ignorons pas le Christ, dans la tradition ignatienne, mais la « lectio divina » insiste spécialement sur la lecture de toute l’Ecriture, il s’agit d’une prise de connaissance un peu systématique, qui permet que les textes s’enrichissent les uns les autres, se comprennent et s’éclairent les uns par les autres.
Donc il est indispensable de fréquenter les Ecritures, mais il faut encore « être disponible pour Dieu » dit Origène et il explique qu’il faut se convertir. Le mouvement de la conversion qui nous fait nous détourner du péché, du mensonge, des futilités, nous retourne nécessairement vers le Dieu Saint et Vrai et c’est dans sa Parole en particulier que nous le rencontrons. Se convertir, se tourner vers le Seigneur, c’est donc finalement « se fiancer à sa Parole » selon une formule belle d’Origène.
« Etre disponible pour Dieu », Saint Jérôme nous dit que la règle de Saint Pacôme prescrivait aux moines, « chaque dimanche, de ne s’adonner qu’à la prière et aux lectures. » Cette règle monastique devrait être l’idéal de tout chrétien. C’était ce qui était pratiqué autrefois, dans certaines familles de croyants : on lisait la Bible en famille, dans la soirée du dimanche… Ecoutons sur ce sujet Saint Jean Chrisostome : « Quelques uns parmi vous disent : je ne suis pas moine, j’ai une femme, des enfants, et les affaires de mon foyer dont j’ai la charge. Mais c’est là ce qui détruit tout : tu estimes la lecture des divines Ecritures réservée aux moines, alors qu’elle te serait plus nécessaire qu’à eux. Toi qui vis au milieu du monde et y reçois chaque jour des blessures, as plus grand besoin de remède. »
Les moines ne supportent pas de ne pas se nourrir de la Parole de Dieu : Ils ont à essayer de vivre, à la lettre, ce que signifie la conversion : oubli des choses du monde pour ne plus fréquenter que la Parole de Dieu. On comprend ainsi que la « lectio divina » devienne dès l’origine, la pièce majeure de l’organisation monastique.
Mais le pape Jean Paul II souhaite que tous les chrétiens pratiquent la « lectio divina ».
Alors j’aimerais vous dire un peu ce que j’ai découvert chez les Pères de l’Eglise, en ce qui concerne cette pratique monastique. Les Pères de l’Eglise au sens strict, sont les pasteurs, écrivains de l’antiquité chrétienne, qui se sont signalés par leur doctrine, par leur explication de la Sainte Ecriture. Ce sont les plus proches, dans le temps, de l’époque apostolique. Et on sent chez eux une fraîcheur, une vigueur, un attachement à Jésus que je trouve très touchants. Ils ont beaucoup lu et relu les deux Testaments pour s’en nourrir et nourrir leurs ouailles et ce n’était pas facile d’avoir des livres à cette époque, pas facile de les déchiffrer. Ils parlent à longueur de pages de cette fréquentation de l’Ecriture Sainte. C’est que cela leur semble important pour les chrétiens.
J’ai suivi le plan indiqué par Guigues le Chartreux et l’exposé comportera donc 4 étapes dont la première est la lecture.
Dès que le croyant a connu Dieu et entendu sa Parole, il doit, comme le dit Origène, (du 2è siècle ) : « oubliant tout le reste, être disponible pour Dieu ».
Ne peut-on pas y sentir comme cette nostalgie d’Israël exprimée par le prophète Osée au chapitre 2 : « je vais la séduire, la conduire au désert et parler à son coeur. » ? Il semble que la foi tende secrètement, d’elle-même, vers cette écoute éternelle du Verbe, Parole substantielle et béatifiante du Dieu vivant. « Tu nous as fait pour Toi » murmurait Saint Augustin. Cela exige que l’on essaie de trouver les conditions optimales pour se mettre à cette écoute du Seigneur. Mais tout cela nous le savons bien !
Alors on lit, on écoute non pour savoir, mais pour éprouver.. Ce n’est pas une recherche intellectuelle, mais la recherche d’une personne, le Dieu vivant. La « lectio divina » éveille cette mystérieuse mémoire de Dieu qui réside au fond de notre être. Lire la Parole de Dieu c’est se souvenir de Dieu plutôt que d’apprendre du nouveau.
Origène, lui, dit qu’il faut pour accueillir la parole, « désensabler » nos coeurs, pour atteindre la source d’eau vive que Dieu a mise en nous.
Ecoutons encore St Ambroise (339-397), « Lorsque je lis les Saintes Ecritures, c’est Dieu qui se promène avec moi dans le paradis ! »
Comment ne pas désirer cette promenade pendant laquelle Dieu nous prend par la main ? « La lectio est une promenade, commentent deux moines, c’est à dire une marche libre et détendue, sans hâte, gratuite et joyeuse, ce qui implique cette liberté particulière de nous arrêter plus longuement par exemple à un mot, un peu comme une mélodie grégorienne s’arrête à certains mots en les ornant de vocalises, cette liberté qui nous fera peut être aussi reprendre et rapprocher certains membres de phrases, à la manière de Bach dans les airs des cantates. » [1]
Et c’est au cours de cette promenade, que le Seigneur se manifeste à chacun de nous comme le dit Origène : « Ce n’est pas une fois seulement que mon Seigneur Jésus est venu sur terre : il est venu également à Isaïe, il est venu à Moïse, au peuple aussi et à chacun des prophètes, il est venu ; toi non plus ne crains point : même si tu l’as déjà reçu, il reviendra à toi. »Car la parole nous met en contact direct avec la personne de Jésus.
C’est ainsi qu’ Origène, lorsqu’il commente le Cantique des Cantiques, s’écrie : « la forme divine de Jésus n’est perceptible qu’à ceux à qui il veut la révéler et qui sont prêts à accueillir cette révélation. Lorsque l’épouse, c’est à dire l’Eglise, se convertissant à Dieu, fut dépouillée du voile qui l’enveloppait (2 Co 3,16), elle aperçut son Bien Aimé sautant sur les montagnes – les livres de la loi- bondissant sur les collines – les écrits des prophètes- et cette manifestation est si évidente, si dépourvue de toute illusion qu’il n’est pas dit de l’Epoux qu’il apparaît, mais qu’il bondit, comme si, feuilletant les écrits des prophètes, elle avait vu le Christ s’en échapper et courir au devant d’elle, comme si, pour avoir quitté le voile qui la couvrait, elle voyait le Christ jaillir de chaque endroit du texte, s’élancer vers elle et lui manifester tout à coup une présence qu’elle ne peut plus mettre en doute. » Quelle image magnifique pour exprimer cette rencontre tant désirée d’un Dieu qui bondit vers nous, ses pauvres créatures, qui bondit pour nous rejoindre quand nous lisons sa Parole ! Comment ne pas désirer cette rencontre, cette présence !
Il est clair que pour en arriver là, il faut une longue fréquentation de la Parole de Dieu, Personne ne peut comprendre le sens de l’Ecriture Sainte sans en avoir acquis la familiarité par une lecture fréquente, selon ce qui est écrit : Aime la sagesse et elles t’élèvera ; elle te glorifieras si tu l’embrasses. Plus on fréquente assidûment la Parole divine, plus on en comprend les richesses, de même que la terre, plus on la cultive, plus elle porte de riches récoltes. C’est dire qu’il faudrait aller bien au delà des lectures proposées par la liturgie. Nous sommes invités à un vrai travail d’approfondissement de la Parole, pour mieux la comprendre et pour en vivre. Car la « lectio » est une lecture de sagesse : il s’agit de faire descendre la Parole de la tête au coeur, puis du coeur, « la Parole de Dieu s’installe dans les entrailles de l’homme » selon Origène. La « lectio » est écoute de la Parole de Dieu, mais surtout ouverture à une présence.
Deuxième temps, la méditation priante
Là encore les Pères sont très riches dans leurs expressions quand il s’agit de la méditation. C’est une réflexion éclairée par l’Esprit. Au lieu de s’attacher aux faits et aux images matérielles, nous sommes invités à tendre, à partir d’eux, aux idées et aux réalités qu’ils évoquent. L’Ecriture ne suffit pas à faire connaître son sens, c’est l’Esprit qui nous le communique et Saint Grégoire affirme :« Les Paroles de Dieu ne peuvent absolument pas être pénétrées sans sa Sagesse : car si quelqu’un n’a pas reçu l’Esprit de Dieu, il ne peut d’aucune manière comprendre les paroles de Dieu . » D’où l’importance de l’invocation à l’Esprit Saint quand on débute cette forme de prière, comme toute prière d’ailleurs !
La « lectio divina » est une attitude d’ouverture de notre coeur à plus Grand que nous. L’Eglise nous invite à une intelligence spirituelle des Ecritures, par un rapprochement des textes qui permettent de les éclairer les uns par les autres et de dévoiler le sens profond qu’ils reçoivent du Christ, comme nous l’avons vu précédemment. Il est bon d’être attentif, dans notre Bible, à tous les rapprochements indiqués en marge. Cela nous permet d’enrichir notre lecture, de comparer les textes et de trouver les harmoniques entre eux…
La Parole vit en nous et s’enrichit de ces résonances, de ces harmoniques ainsi que des autres passages déjà mémorisés. Et l’on s’aperçoit peu à peu que l’intention l’intention des Ecrits inspirés est de nous offrir la révélation de la volonté de Dieu à notre égard.
C’est que la « rumination » de la Parole a comme effet de nous faire découvrir ce que le texte divin a à nous dire et Cassien (350-432 env ) dit : « Le sens des mots ne nous est pas découvert par une explication, mais par l’expérience que nous en avons faite. Instruits par ce que nous sentons nous-mêmes, ce ne sont pas des choses que nous avons apprises par ouï-dire, mais nous en palpons pour ainsi dire la réalité pour les avoir perçues à fond. »
Pour parvenir à cette expérience, il nous faut mastiquer la Parole, la « ruminer »,car elle est vraiment une nourriture. Ces termes disent bien que nous devenons ce que nous mangeons. Il faut manger spirituellement l’Ecriture, alors elle devient ainsi nourriture et breuvage dans cette réflexion priante. « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Par respect pour cette Parole de Dieu, « Il nous faut revenir au texte, en répéter les paroles et les graver profondément dans notre coeur ». Alors la mémoire peut intervenir. Cette mémoire, c’est celle du coeur, celle qui est emplie d’action de grâces pour l’ensemble du mystère du Christ, découvert et approfondi dans la Parole de Dieu. « Le souvenir des merveilles de Dieu » dont parle St Basile ( 329-379 ) entraîne la vraie méditation et nous offre la révélation objective du vouloir divin à notre égard.

Selon Cassien , comme pour Saint Thomas, l’Ecriture a 4 sens différents :
le sens historique ou littéral,
le sens allégorique ou christologique,
le sens moral ou anthropologique,
le sens eschatologique.
Par exemple, la ville de Jérusalem, représente une réalité historique , c’est la ville des juifs . Cette ville sur laquelle Jésus pleure et qui persécute les prophètes. (sens littéral) Elle devient figure de l’Eglise, la cité du Christ, Prince de la paix, dans laquelle nous entrons par le baptême (sens allégorique). Puis elle peut être encore la figure de l’âme chrétienne, cette Jérusalem que nous voulons être pour accueillir Jésus ou pour être lieu de paix pour les autres (sens moral) et enfin elle peut être la Jérusalem céleste à laquelle nous sommes destinés, à la fin des temps (sens eschatologique). Il est bien évident, qu’il n’est pas nécessaire de réfléchir sur les quatre sens que peut prendre l’Ecriture, mais ces différentes acceptions s’enrichissent les unes les autres. En cela, il faut être attentif à ce que nous suggère l’Esprit.
Alors que la « lectio » nous fait envisager le sens littéral, la « meditatio » ouvre sur les autres sens plus spirituels. Et peut se développer ainsi devant nos yeux, toute la richesse de la Parole de Dieu. Nous sommes invités à saisir par l’intelligence un peu de « la largeur, la longueur et la profondeur, en un mot l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. » Car le Christ est à découvrir dans tous les livres de la Parole de Dieu et c’est une partie de notre recherche amoureuse, lors de la meditatio. Nous savons bien que toute l’ Ecriture est un seul livre et ce livre c’est le Christ, parce que toute l’Ecriture parle du Christ et s’accomplit dans le Christ.
Saint Augustin( 354-430 ) résume ainsi l’unité des Ecritures : « Dieu, qui est l’inspirateur et l’auteur des livres de l’un et l’autre Testaments, a fait, avec sagesse, en sorte que le Nouveau Testament fût caché dans l’Ancien et que l’Ancien Testament fût dévoilé dans le Nouveau. »
Ainsi la Parole de Dieu nous parle, plutôt Dieu lui même nous parle. Il nous dit le Christ, et Il nous dit et nous demande ce qu’hier Il ne nous disait pas, ne nous demandait pas encore.. Alors de celui qui écoute, qui cherche, qui médite en son coeur, nous devenons celui qui répond au Créateur.
Et c’est la 3è phase selon Guigues l’oratio .
La prière jaillit alors comme un élan du coeur vers le Seigneur, dont la beauté, la bonté, la générosité a été pressentie dans la méditation : c’est le désir ardent de la visite de l’Epoux.
Tout ce qui a été vécu jusqu’à cette étape est déjà prière, approche de Dieu, bien sûr, mais c’est à ce stade que le priant doit en prendre conscience et se tenir plus que jamais disponible. L’oraison est la réponse d’amour que le Fils lui-même adresse au Père, au fond de notre coeur dans l’Esprit Saint. « Cherche à ne rien dire sans lui, dit Saint Augustin, et lui ne dira rien sans toi ». Nous vivons, à ce moment, l’expression la plus pure de la vie de l’Esprit en nous. Elle nous conduit à la paix, parce qu’elle nous introduit dans la plénitude trinitaire.
Il nous faut être conscients que la Parole de Dieu nous donne les mots mêmes que nous devons adresser à Dieu. Et il est bon, lorsqu’on prie, de reprendre ces mots de Dieu. Pouvons-nous en trouver de meilleurs ?
C’est bien ce qu’ont fait Marie, Zacharie, Siméon avec leurs cantiques tout émaillés de formules de prière de L’Ancien Testament….
A propos du Notre Père, Cyprien au 3è siècle, nous exhorte : « Implorer Dieu par ses propres paroles, c’est lui adresser une prière qu’il trouve aimable et filiale…que le Père reconnaisse les paroles de son Fils lorsque nous prions… » Les Pères de l’Eglise conseillent aussi fortement de prier avec les psaumes et Saint Augustin dit « Si le texte est prière, priez, s’il est gémissement, gémissez, s’il est reconnaissance,soyez dans la joie, s’il est un texte d’espérance, espérez… Toutes ces choses en effet qui sont écrites ici, sont le miroir de nous-mêmes. » On entre ainsi en conversation avec Dieu, dans l’esprit et l’attitude du texte. La Parole est venue à nous et maintenant elle retourne à Dieu sous forme de prière. Ecoutons encore Augustin : « Ton oraison est conversation avec Dieu. Quand tu lis, Dieu te parle, quand tu pries, tu parles à Dieu. »
Point n’est besoin d’en dire plus sur cette étape qui varie d’une personne à l’autre. Mais il est sûr que la « lectio divina »est un moyen pour arriver à ce moment de la prière, qui en est l’aboutissement.
Pourtant il faut encore dire un mot de l’étape qui est la Contemplation.
Il est un moment où dans l’oraison, nous sommes invités à faire silence, et, dans n’importe quelle attitude, et par un simple élan de l’âme, nous prosterner pour adorer. La prière devient alors simple regard.
C’est l’accomplissement de la prière, la plénitude vers laquelle tend « l’oratio », mais il est impossible d’y accéder par nos propres forces, car c’est un don gratuit. C’est un amoureux attachement de l’homme à Dieu ; une sorte de conversation familière et affectueuse, l’âme illuminée se tient tranquille, pour jouir de Dieu aussi longtemps que cela est possible. « C’est un regard sur Dieu seul, écrit Cassien, un grand feu d’amour. L’âme s’y fond et s’abîme en la sainte dilection et s’entretient avec Dieu, comme avec son propre père, très familièrement, dans une tendresse de piété toute particulière… ». Il est clair qu’il n’est plus possible de réfléchir, de méditer, quand on est en présence de Dieu seul.
Mais ce n’est pas toujours que l’on peut percevoir sensiblement en nous ce « coeur brûlant » et Saint Augustin nous rassure : « C’est d’une manière cachée que Dieu parle, c’est dans le coeur qu’il dit beaucoup de choses ; une grande sonorité se produit là, dans le grand silence du coeur, quand il dit d’une grande voix : c’est moi ton salut. » et pour nous aider encore quand Dieu se tait, il dit : « Veux-tu être exaucé ? Sois pauvre. Que ce soit la détresse et non le ressentiment qui crie en toi. »
Car la contemplation comme la consolation est une grâce que nous accueillons avec reconnaissance, mais nous savons bien que ce ne peut pas être la mesure de notre prière. Même la contemplation peut se vivre dans l’aridité… et c’est fréquent d’après les Pères, alors il est bon qu’elle se transforme en simple offrande à Dieu en abandon de l’amour.
Mais nous sommes faits pour Dieu pour partager sa vie et c’est ce que nous rappelle Saint Irénée ( mort vers 200 ) :« Il est impossible de vivre sans la vie, et il n’y a de vie que par participation à Dieu et cette participation consiste à voir Dieu et à jouir de sa plénitude… la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu Si déjà la révélation de Dieu par la création donne la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation de Dieu par le Verbe, donne-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu ».
Les mots « déification » , « divinisation » sont souvent employés par les Pères de l’Eglise d’Orient. Ce n’est jamais une identification à Dieu, mais plutôt la participation à la vie divine à laquelle nous sommes conviés. Dans l’Eglise d’Occident on dit plutôt « sanctification ».

Pour terminer je voudrais laisser encore la parole à Origène qui exprime bien l’enjeu de cette fréquentation de l’Ecriture, telle qu’elle peut se faire dans la « lectio divina » : « Tout est mystère de ce qui est dans l’Ecriture. Le Christ veut te fiancer à lui, toi aussi. Voulant donc te fiancer à lui, il t’envoie ce serviteur : la parole prophétique ; sans l’avoir d’abord accueillie, tu ne pourras pas épouser le Christ. Sache cependant que sans exercice et sans connaissance, personne n’accueille la parole prophétique ; en revanche, l’accueille celui qui sait tirer l’eau du puits… » Il fait allusion ensuite aux mariages des patriarches, Jacob et Isaac, contractés auprès du puits. Ce n’est pas par hasard, dit-il et il ajoute : « Cette union de l’âme avec le Verbe, il est certain qu’elle ne peut se réaliser que si on se laisse instruire par les livres divins, auxquels figurativement, l’Ecriture donne le nom de puits. Quiconque vient à ce puits et en tire de l’eau, c’est à dire méditant l’Ecriture, perçoit un sens et une signification plus profonde, celui-là trouvera des noces dignes de Dieu, car son âme sera unie à Dieu. »

J’ai tenté maladroitement de vous faire pressentir ce que j’ai déjà éprouvé en pratiquant la « lectio divina ». J’espère que je vous en ai donné l’envie, si vous n’avez pas encore essayé. Mais je peux dire que, même si il y a encore beaucoup de chemin à faire, c’est déjà un grand bonheur. Laissons nous convaincre par l’enthousiasme des Pères. Ils sont des guides sûrs.

Sr Magdeleine

[1] (Frères François et Pierre Yves, Méditation de l’Ecriture Bellefontaine p 53-54.)

La croix du Christ, mon seul titre de gloire – Lectio sur Gal 2, 19-21 et 6, 14-18

6 août, 2010

du site:

http://www.sdssm.org/avecpaul6.html

Avec Paul, apôtre du Christ

Lectio divina…
vendredi 13 mars 2009

La croix du Christ, mon seul titre de gloire
 
Lectio sur
Gal 2, 19-21 et 6, 14-18

avec frère Giacomo

Nous vous conseillons de prier l’ensemble
des versets dans votre Bible

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« Pour moi,
que la croix de notre Seigneur Jésus Christ
 reste mon seul orgueil! »
 
Galates 6, 14

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Lire, si possible, l’épître aux Galates, pour bien situer les deux textes qui formeront l’objet de notre lectio divina commune : Galates 2, 19 21  et  6, 14-18.

* * *

Voici des textes qui peuvent nous aider :

« Hébreux, fils d’Hébreux; pour ce qui est de la Loi, Pharisien…; j’ai été empoigné par Christ Jésus… Je suis fixé à la croix de Christ, et pourtant je vis – non plus moi, c’est Christ qui vit en moi » Ainsi parle Paul. Quelle revanche fut jamais plus complète? Imaginez cet homme (nous pouvons bien l’imaginer; n’était-il pas là, au moins en esprit), imaginez cet homme parmi ces juifs fanatiques qui ne voulaient pas entrer dans le prétoire de Pilate « afin de ne pas se souiller », mais qui restaient là dehors à hurler à mort contre le Charpentier-Prophète qui avait osé défier la majesté de leur Loi vénérable. Puis voyez-le céder totalement au charme de cette Croix à laquelle lui ou les siens avaient attaché le Rejeté. Voilà une vraie victoire!

(tiré de Saint Paul Aujourd’hui, de Charles-Harold Dodd)

* * *

Lorsque nous célébrons notre commun Maître pour toutes sortes d’autres raisons, ne le célébrons-nous pas surtout en lui rendant gloire parce que nous sommes frappés de stupeur devant la croix, devant cette mort couverte de malédictions? Paul à tout propos ne donne-t-il pas, comme signe de son amour pour nous, sa mort? Sa mort pour les hommes tels qu’ils sont? (…) « Voici (dit-il aux Romains) comment Dieu a prouvé son amour à notre égard : alors que nous étions pécheurs, le Christ est mort pour nous. »

Celui-là même qui a supporté ces souffrances appelle le supplice sa « gloire »!  « Père, dit-il, l’heure est venue, glorifie ton Fils! » (Jn 17, 1). Et le même disciple qui a écrit ces paroles disait : « L’Esprit Saint n’était pas encore venu en eux, parce que Jésus n’était pas encore glorifié » (Jn 7, 39). C’est la croix qu’il appelait gloire. D’ailleurs, lorsqu’il voulut montrer l’amour du Christ, de quoi parla-t-il? de ses miracles? de ses merveilles? de certains prodiges? Pas du tout. Jean cite la croix, et dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne soit pas perdu, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). Paul dit encore : « Celui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a donné pour nous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute choses? » (Rm 8, 32). Et lorsqu’il nous invite à l’humilité, c’est de là qu’il tire son exhortation, en disant : « Ayez entre vous les mêmes pensées que le Christ Jésus (…) : il s’est abaissé en se faisant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la croix. » Et que conseille Paul, pour réaliser la bonne entente entre les femmes et leurs maris? « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église, et s’est livré pour elle » (Ep 5, 25).
(de saint Jean Chrysostome)

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Action de grâce dans la persécution

« Vous serez haïs de tous à cause de mon Nom, mais celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé » (Mt 10, 22)

Je te rends grâce, Seigneur, je te rends grâce. (…) Toi l’impassible, tu as voulu souffrir injustement de la part des injustes, pour me donner, à moi le condamné, l’impassibilité dans l’imitation de tes souffrances, ô mon Christ. Oui, juste est ton jugement ainsi que le commandement que tu nous as demandé d’observer, dans ta miséricorde. Ce commandement, c’est d’imiter ton humilité. (…)
Tu as été traité de possédé, tu as passé pour fou aux yeux des impies, pour ennemi de Dieu et transgresseur de la Loi. Tu as été arrêté comme un brigand et, enchaîné, tu as été entraîné tout seul, abandonné par tous tes disciples et tes amis. Tu as comparu devant ton juge comme un condamné, toi, ô Verbe, et tu as accueilli la condamnation portée contre toi. Tu as aussi pour tes paroles reçu un soufflet d’un valet, et pour ton silence tu as été aussitôt condamné à mort. Car tes paroles étaient des glaives pour les criminels et ton silence, ô Roi, la cause de ta condamnation. (…)
Quelle importance pour moi, si à mon tour je subis ce que toi en personne, toi qui est sans péché, tu as souffert pour le monde, ô Maître, oui, pour sauver le monde. (…) Ce qui est important pour moi, ou plutôt ce qui dépasse toute gloire, c’est de participer à ta gloire indicible par la communauté des souffrances, l’imitation de tes œuvres. L’humilité, en effet, procure la divinité à ceux qui la recherchent en pleine connaissance.

(de Syméon le Nouveau Théologien)