Archive pour la catégorie 'BÉNÉDICTION (la)'

BÉNIR ET BÉNÉDICTION

10 août, 2013

http://cellules-evangelisation.org/spip.php?article118

BÉNIR ET BÉNÉDICTION

PÈRE JEAN PHILIBERT, PRÊTRE DU DIOCÈSE D’AVIGNON

Comment définir la bénédiction ? Comment nous est-elle communiquée et révélée ? Comment se présente-t-elle ?
La bénédiction, c’est la lecture du « miracle » (de l’extraordinaire) dans les choses ordinaires, considérant par là que tout nous vient de Dieu, par Lui, grâce à Lui, et que son seul désir est notre bonheur. Dieu est la source de tout don, de toute vie, de toute création. C’est en cela que Dieu nous bénit. Bénir = Dire du bien (bene-dicere) Quand Dieu bénit, c’est qu’il dit du « bien ». Et Dieu ne peut dire que du bien car il n’est que bénédiction. Réalisons cela car c’est essentiel pour nous tous : Dieu ne dira jamais de mal sur nous, mais toujours du bien car il a une vision très particulière de chacun de nous. En effet, Dieu ne nous voit que comme des hommes déjà sauvés en son Fils ressuscité. Quand je me décourage de moi-même, quand j’en viens à me mépriser, je dois me souvenir que Dieu me « bénit », il me veut toujours du bien, il dit toujours du bien de moi… Dans la Bible, la 1ère bénédiction de Dieu est dite sur l’homme et la femme, sur le couple (Génèse 1, 28) Tout le récit de la Création est « bénédiction » : « Dieu vit que cela était bon »
N’hésitez pas à relire Ephésiens 1, 3-14, l’hymne de Paul aux 7 bénédictions…

La bénédiction dans le judaïsme
En hébreu, le mot « bénédiction » a pour racine ces trois simples lettres : brk, Le substantif Beraka (Berakoth, au pluriel) ; le verbe Barék ; l’adjectif barûk = bénédiction
Dans le judaïsme, la Beraka, est très fréquente dans la vie quotidienne et liturgique et il y a 3 occasions pour bénir Dieu :
Les bénédictions faites avant de faire usage d’un bien (un aliment, par exemple). La tradition affirme qu’user de quoi que ce soit en ce monde sans prononcer une bénédiction, c’est agir en voleur et en profanateur : l’homme en effet s’attribue alors quelque chose comme si elle lui appartenait de droit, et il la profane en n’en reconnaissant pas l’Auteur qui la rend sainte. (Berakhot 35 a et b. TB)
Les bénédictions des Mitswot¸ que l’on prononce avant d’accomplir une Mitswah, un précepte, un commandement
Les bénédictions liturgiques de la prière quotidienne qui rythme la journée.
La berakah place l’homme dans un triple rapport : à Dieu, au monde, aux hommes. Par la bénédiction, le juif reconnaît :
- Dieu comme origine de toutes choses
- Le monde comme un don à accueillir et à humaniser
- Les hommes comme des frères avec qui on ne peut que partager le don de la terre.
Un juif bénit Dieu en toutes choses. Tout bon juif bénit au moins 100 fois par jour. Rien n’existe qui ne soit occasion de Berakoth, même des réalités négatives (injustice, maladie…) car il garde l’espérance inébranlable de l’espérance messianique. La beraka est le reflet de la lumière qui, pour le moment est cachée, mais que dans la foi on sait voir.
Bénir, c’est dire — et redire à Dieu — l’ultime identité des choses et des hommes, l’ultime destinée de toutes choses liées à Dieu créateur. La beraka transforme le profane en sacré, les objets en dons, les hommes en créatures divines, l’univers en sanctuaire.
La beraka interdit l’appropriation des choses car tout vient de Dieu. La bénédiction enlève à l’homme le pouvoir sur les choses et elle rend toute chose à Dieu, Créateur de tout bien. L’homme ne peut que recevoir sans posséder.
La beraka engage au plan éthique : elle défend à l’homme de recueillir plus que n’exige ses besoins personnels, en étant confiant pour le lendemain qui est entre les mains de Dieu et qui pourvoira par de nouveaux dons.
La beraka est une joie : la joie du don reçu et la joie de rendre à Dieu le don qu’il nous fait.

Les deux mouvements de la bénédiction
Allez relire le Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 1077-1083, qui définit les 2 mouvements de la Bénédiction : Bénir est une action divine qui donne la vie et dont le Père est la source. Sa bénédiction est à la fois parole et don (bene-dictio, eu-logia). Appliqué à l’homme, ce terme signifie l’adoration et la remise à son Créateur dans l’action de grâce (n° 1078).
La bénédiction qui nous vient de Dieu, et plus exactement de Dieu-Père, est à la fois parole et don, don inclus dans une parole (Parole et don = Esprit) On comprend que le Livre des Bénédictions déconseille vivement de « bénir des objets ou des lieux par un simple signe de croix sans l’accompagnement d’aucune Parole de Dieu ou de quelque prière » (Préliminaires, n° 27).
Quant à la bénédiction qui monte de l’homme vers Dieu, elle est adoration [ad - orare = prier vers, en direction de, à] et eucharistie (eu – charis = bonne grâce, rendre grâce).
Le Catéchisme va plus loin, en expliquant comment « fonctionne » la bénédiction divine dans la liturgie chrétienne et dans l’économie sacramentelle : « Dans la liturgie de l’Eglise, la bénédiction divine est pleinement révélée et communiquée : le Père est reconnu et adoré comme la Source et la Fin de toutes les bénédictions de la création et du salut ; dans son Verbe incarné, mort et ressuscité pour nous, Il nous comble de ses bénédictions, et par Lui, Il répand en nos cœurs le don qui contient tous les dons l’Esprit-Saint (n° 1082).
Il y a là un double enseignement :
La célébration chrétienne de la liturgie et des sacrements est le lieu où la bénédiction divine est pleinement révélée et communiquée : nous retrouvons ici l’idée du sacrement comme moyen de la manifestation et de la communication de la vie divine.
D’autre part, la bénédiction est présentée dans sa structure trinitaire : le Père en est la source et le terme, le Verbe dans les mystères de son incarnation et de sa Pâque en est le médiateur nécessaire, et l’Esprit-Saint en est le fruit qui remplit nos cœurs. En régime chrétien, en régime de liturgie chrétienne, la parole et le don mentionnés au n° 1078 deviennent la Parole ou le Verbe de Dieu (le logos), et le Don de Dieu par excellence qu’est son Esprit-Saint.

UNE BÉNÉDICTION POUR CHAQUE CHOSE

10 août, 2013

http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=1168

UNE BÉNÉDICTION POUR CHAQUE CHOSE

Quand j’étais élève à l’école juive, mes camarades et moi trouvions risible l’affiche accrochée au mur à la sortie des toilettes. Il s’agissait d’une ancienne bénédiction juive, connue sous le nom de acher yatsar, que l’on récite après s’être soulagé…

Pour de simples collégiens, rien ne paraissait plus étrange, ni plus ridicule que d’associer à des actes de miction et de défécation des paroles saintes mentionnant le Nom de D.ieu. A nos yeux, les bénédictions devaient être réservées aux prières, aux jours de fêtes, ou afin de remercier D.ieu pour la nourriture ou un acte de délivrance, mais certainement pas pour une fonction corporelle plutôt embarrassante.
Il me fallut plusieurs décennies avant de comprendre toute la sagesse que contenait cette bénédiction, composée par Abayé, rabbin babylonien du 4ème siècle.
La bénédiction de Abayé est citée dans le Talmud, l’ouvrage encyclopédique de la Loi et du Savoir juif rédigé au cours des cinq premiers siècles de l’ère commune. La religion juive est replète de ces bénédictions ou berakhot, comme elles sont appelées en hébreu. En fait, un traité entier du Talmud, de 128 pages, leur est consacré.
A la page 120 (Berakhot 60b) du texte ancien, il est écrit :
« Abayé dit, quand on sort des cabinets, on doit dire : Béni soit-Il Celui qui a formé l’homme avec sagesse et Qui a créé en lui de nombreux orifices et cavités. Il est évident et connu devant le trône de Ta gloire que si l’un d’eux se rompait ou s’obstruait, il serait impossible de survivre et de se tenir devant Toi. Béni sois-Tu, Toi qui guérit toute chaire et accomplit des prodiges. »
Un juif pratiquant récite cette bénédiction en hébreu après chaque visite aux toilettes. En tant qu’élèves, cette obligation nous était rappelée par l’affiche apposée sur le mur à la sortie des toilettes.
C’est une chose d’accrocher une affiche, c’en est une autre d’attendre de préadolescents d’avoir la maturité nécessaire pour comprendre la sagesse et la nécessité d’une bénédiction, vieille de 1600 ans, sur nos besoins naturels.
Ce n’est qu’au cours de ma seconde année d’études en médecine que j’ai fini par comprendre le bien-fondé de cette prière. La pathophysiologie m’a permis de réaliser les terribles conséquences d’aberrations même mineures dans la structure et le fonctionnement du corps humain. J’ai finalement cessé de considérer mes visites aux toilettes comme une chose évidente. J’ai réalisé au contraire que de nombreux procédés doivent s’opérer correctement afin que ces brèves interruptions de ma vie quotidienne se déroulent normalement.
Après avoir rencontré des patients dont la vie est dépendante d’appareils de dialyse, et d’autres avec des colostomies et des cathéters urinaires, j’ai compris combien ce rabbin était sage.
J’ai pensé à Abayé et à sa bénédiction. Je me suis souvenu de mes années à l’école juive et des plaisanteries qu’avait suscitées cette affiche à la sortie des toilettes. Mais après avoir rencontré des patients dont la vie est dépendante d’appareils de dialyse, et d’autres avec des colostomies et des cathéters urinaires, j’ai compris combien ce rabbin était sage.
Et puis, c’est arrivé : j’ai commencé à réciter la berakha de Abayé. Au début, j’ai dû avoir recours à mon sidour, livre de prière, pour ne pas me tromper. A force – et les opportunités de pratiquer cette bénédiction ne manquent pas – je suis parvenu à réciter le texte couramment, avec sincérité et compréhension.
Au fur et à mesure des années, réciter acher yatsar est devenu pour moi un moyen d’exprimer ma gratitude, non seulement pour le bon fonctionnement de mes organes excrétoires, mais également pour la bonne santé de mon organisme en général. Le texte se réfère après tout aux conséquences catastrophiques de la rupture ou de l’obstruction de n’importe quelle structure de l’organisme, pas seulement celle de l’appareil urinaire ou gastro-intestinal. Abayé était-il en mesure de prévoir que le « blocage de la cavité » ou lumen, d’une artère coronaire constituerait la cause la plus fréquente de mort dans les pays industrialisés quelque 16 siècles plus tard ?
Je me suis souvent demandé si d’autres personnes ressentaient ce même besoin d’exprimer leur gratitude. Les médecins en particulier, qui sont exposés quotidiennement aux ravages provoqués par la maladie, doivent parfois avoir envie d’exprimer leurs remerciements pour leur bonne santé et leur bien-être. Peut-être qu’un acher yatsar générique et non-dénominateur pourrait être composé pour ceux qui veulent verbaliser leur gratitude à ce sujet.
Un patient est resté gravé tout particulièrement dans ma mémoire, car son histoire renforce à mes yeux la véracité et la beauté du acher yatsar à jamais.
Josh était un étudiant de 20 ans, ayant subi une fracture instable de la troisième et de la quatrième vertèbre cervicale dans un accident de moto. Il était presque mort de sa blessure et avait dû être placé d’urgence sous respiration artificielle avec intubation. Au départ, il était totalement paralysé et pouvait seulement fléchir très légèrement son biceps droit.
Une longue période de rééducation et de revalidation s’en suivit. Au cours des premiers mois, des signes prometteurs de guérison neurologique apparurent soudainement et de manière inattendue : le mouvement d’un doigt ici, le fléchissement d’un orteil là ; le retour d’une sensation ici, l’adduction d’un groupe de muscles là. Avec un courage phénoménal, beaucoup de travail et un excellent physiothérapeute, Josh fit des progrès quotidiens. Finalement, après ce qui sembla être un miracle, il put à nouveau marcher à l’aide d’une attelle et d’une canne.
Mais Josh avait toujours besoin d’un cathéter. Je ne connaissais que trop bien les problèmes et les périls que ce jeune homme devrait rencontrer pour le restant de ses jours du fait de sa vessie neurogénique. Les urologues étaient très pessimistes sur ses chances de pouvoir se passer un jour d’un cathéter ; cela n’était jamais arrivé pour une blessure du cordon médullaire de cette gravité.
Mais l’impossible se produisit. J’étais là, le jour où Josh put retirer son cathéter urinaire. J’ai pensé à la prière de acher yatsar de Abayé. Comme je ne pouvais imaginer de circonstances plus appropriées pour sa récitation, j’ai suggéré à Josh, lui aussi ancien élève d’une école juive, de lire cette prière. Il accepta. Alors qu’il récitait cette ancienne berakha, des larmes me vinrent aux yeux.
Josh est mon fils.