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Le vicaire du Christ expliqué par son vicaire

2 février, 2007

du site « La Chiesa » du Sandro Magister:  

R&R, Inc. Le vicaire du Christ expliqué par son vicaire
Un enthousiaste cardinal Ruini donne à ses prêtres une leçon sur le “coeur” de l’enseignement de Ratzinger. Et il leur dit pourquoi le pape a voulu écrire un livre sur Jésuspar Sandro Magister

ROMA, le 20 décembre 2006 – Le cardinal Camillo Ruini, vicaire du pape pour le diocèse de Rome, rencontre périodiquement ses prêtres pour présenter et discuter de projets pastoraux, de questions liturgiques, de la catéchèse, etc. Mais le jeudi 14 décembre, il a donné une grandiose leçon hors programme.

Il les a convoqués dans l’amphithéâtre de l’Université pontificale du Latran, à huit clos, pour donner une leçon sur rien de moins que le ”cœur” de l’enseignement de Benoît XVI.

Joseph Ratzinger expliqué par Ruini: une annonce qui a rempli l’amphithéâtre à craquer. Beaucoup de prêtres sont restés debout; d’autres ont dû s’asseoir sur les marches. Tous, une copie du texte à la main, ont pu suivre plus attentivement la leçon, dans un silence impressionnant.

À la fin, le cardinal a ouvert la discussion à l’auditoire et a répondu à une douzaine de questions.

Selon Ruini, le cœur de l’enseignement de Benoît XVI est “la question de la vérité de la foi chrétienne”.

Ou, en d’autres mots, “comment proposer la vérité salvifique de Jésus Christ à la raison dans notre temps”?

Le point de départ est la crise radicale qui traverse le christianisme d’aujourd’hui, surtout en Europe: un christianisme qui a perdu la certitude d’être la “vraie religion”.

Les changements qui ont touché la raison et la science ainsi que ceux qui ont rongé le christianisme lui-même ont fini par séparer la foi de la vérité.

Benoît XVI veut, par contre, rapprocher la raison et la liberté au christianisme et éclairer l’“étrange pénombre” dans laquelle vit l’homme moderne qui, en plus de Dieu, ne connaît plus le bien et le mal.

Ruini souligne cependant que le pape fait cela “d’une façon qui n’est pas tout à fait rationaliste”.

Le cœur de la prédication de Benoît XVI est, en effet, Jésus.

Cela explique pourquoi il s’est mis, justement, à écrire un livre sur Lui, sur le Jésus “de l’histoire” qui fait un tout avec le Jésus de la foi.

En retrouvant Jésus comme vrai Dieu et vrai homme, l’Occident chrétien pourrait se rapprocher des autres cultures et religions du monde et leur offrir sa sincère proposition.

Ratzinger et Ruini disent non à l’inculturation et non à la multiculturalité.

L’approche que selon eux “appartient à la forme originelle du christianisme” est celle de l’interculturalité.

L’interculturalité “sous-entend à la fois une attitude positive envers les autres cultures et les autres religions et une œuvre de purification et de ‘coupe courageuse’ qui sont indispensables pour n’importe quelle culture qui veut véritablement rencontrer le Christ”.

En terminant sa leçon, Ruini a reconnu que Ratzinger “ne se fait pas d’illusions sur l’état de santé actuel de l’Église catholique en particulier et du christianisme en général”.

Mais il fait face à la grandeur, même “excessive”, de sa tâche avec la certitude que “celui qui croit n’est jamais seul”.

Le cardinal Ruini a lu sa leçon et a répondu aux questions avec élan et plein d’optimisme, surprenant l’assistance.

En février prochain, il fêtera ses 76 ans, âge canonique de retraite.

Mais en quittant la salle un de ses prêtres commenta: “Une leçon comme celle-ci n’est pas un adieu, mais un nouveau point de départ”.

Voici donc la formidable leçon, de la première à la dernière ligne:

Au cœur de l’enseignement de Benoît XVI: Proposer la vérité salvifique de Jésus Christ à la raison de notre temps

par Camillo Ruini

1. Quelques préliminaires

Une caractéristique du magistère de Benoît XVI est son grand engagement à l’égard de la question de la vérité de la foi chrétienne dans le contexte historique actuel et par rapport aux formes de rationalité qui prévalent aujourd’hui.

En termes théologiques, on peut dire que le pape fait face, dans son style et de façon innovatrice, à la question centrale de l’apologétique, ou comme on dit de préférence aujourd’hui, de la théologie fondamentale.

Le but de ce rapport n’est pas, évidemment, d’approfondir ces problématiques, encore moins d’en faire une présentation complète. Il s’agit seulement de les introduire, en présentant quelques-unes de principales lignes d’orientation et clés d’interprétation, à la lumière du magistère de Benoît XVI – en particulier du discours du 12 septembre 2006 à l’Université de Regensburg et de celui du 19 octobre au congrès de Vérone, en plus de l’encyclique “Deus caritas est” – ainsi que de son précédent travail de théologien.

Parmi les plus importants de ses livres, je parle essentiellement de “Introduzione al Cristianesimo” [Introduction au christianisme], édité en Italie par la ‘Queriniana’ (‘Introduzione’ ci-après), et de deux recueils d’essais – “Fede Verità Tolleranza. Il cristianesimo e le religioni del mondo” [Foi Vérité Tolérance. Le christianisme et les religions du monde], publiée par Cantagalli en 2003 (“Fede” ci-après), et “L’Europa di Benedetto nella crisi delle culture” [L’Europe de Benoît dans la crise des cultures], publié en 2005 aussi par Cantagalli (“L’Europa” ci-après) –, parce que ces trois livres sont plus directement liés à notre sujet. Bien que Benoît XVI ait pris soin de séparer son magistère de pontife de son travail de théologien – comme il a lui-même affirmé dans la préface de son libre “Gesù di Nazareth” [Jésus de Nazareth], préface qui a déjà été publiée par la presse et dont la publication est prévue pour le printemps prochain –, une profonde correspondance et une unité substantielle existent entre son magistère et sa théologie. Un examen attentif permettrait donc de repérer justement, à travers l’un et l’autre, les lignes fondamentales. Voilà ce je chercherais de faire aujourd’hui.

Avant d’adresser la question, il serait utile de faire quelques remarques sur l’approche théologique de Joseph Ratzinger – Benoît XVI et sur sa façon de procéder.

Le pape, qui a enseigné la théologie fondamentale et puis la théologie dogmatique, aborde les problèmes par une pénétration théorique et philosophique qui se place dans une perspective avant tout d’ordre historique et concrète.

En plus, sa formation étant essentiellement biblique, patristique et liturgique, il adresse les problématiques d’aujourd’hui à la lumière de celle-ci. Sa position vis-à-vis ces questions dénote certainement des capacités critiques aiguës, mais elle est avant tout empreinte de volonté constructive, d’ouverture et même de sympathie. Si on veut se faire une idée de comment il voit lui-même sa formation et son travail de théologien, on peut lire son livre autobiographique “Ma vie, souvenirs” qui est particulièrement intéressant.

Parlons maintenant de notre sujet. Je pense que notre point de départ doit être la conviction, exprimée par le cardinal Ratzinger, qu’“à la fin du deuxième millénaire, le christianisme traverse, dans le lieu de sa diffusion originelle, en Europe justement, dans une crise profonde, basée sur la crise de sa revendication de vérité” (“Fede”, p. 170).

Cette crise a deux dimensions: la méfiance envers la possibilité, pour l’homme, de connaître la vérité sur Dieu et sur les affaires divines, et les doutes que la science moderne, les sciences naturelles et les sciences historiques, a créés par rapport aux contenus et aux origines du christianisme.

2. La nature originelle du christianisme: l’Être, le Logos et l’Agape

On comprend la gravité et le caractère radical d’une telle crise à la lumière de ce qu’est la nature même du christianisme.

Il est certainement vrai que ce n’est pas avant tout “une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive” (“Deus caritas est”, nº 1), mais c’est aussi vrai que l’option pour le logos, et non pour le mythe, a caractérisé le christianisme depuis ses débuts.

J. Ratzinger soutient avec force cette affirmation, avant tout sur le plan historique, depuis sa première prolusion universitaire en 1959, à l’Université de Bonn, intitulée “Le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes”, jusqu’au très récent discours à l’Université de Regensburg.

Sur ces bases, déjà bien avant la naissance du Christ, la critique des mythes religieux faite par la philosophie grecque – critique qui peut se définir comme l’illuminisme philosophique de l’Antiquité – a trouvé son équivalent dans la critique des faux dieux faite par les prophètes d’Israël (en particulier, le deutéro-Isaïe) au nom du monothéisme yahwistique. Par la suite, la rencontre entre foi judaïque et philosophie grecque a évolué progressivement s’exprimant aussi dans la traduction grecque de l’Ancien Testament, la “Septante”, qui “est plus qu’une simple traduction” et représente “une avancée importante de l’histoire de
la Révélation” (discours de Regensburg).

Par conséquent, l’affirmation “Au commencement était le Logos”, avec laquelle s’amorce le prologue de l’Évangile de Jean, constitue “la parole ultime de la notion biblique de Dieu, la parole par laquelle tous les chemins souvent difficiles et tortueux de la foi biblique parviennent à leur but et trouvent leur synthèse” (ibid.).

La patristique s’est orientée dans la même direction comme on voit dans l’audacieuse et incisive phrase de Tertullien – “Christ a affirmé être la vérité, pas la coutume” (“Introduzione”, p. 102) – et dans le choix net de saint Augustin qui, se référant aux trois formes de religion identifiées par l’auteur païen Varron (Marcus Terentius Varro), place le christianisme résolument dans le cadre de la “théologie physique”, c’est-à-dire de la rationalité philosophique, et pas dans celui de la “théologie mythique” des poètes, ou de la “théologie civile” des États et des politiques.

À différence des religions païennes désormais privées de vérité aux yeux de la rationalité préchrétienne même, le christianisme se présente donc comme “vraie religion” et réalise par rapport à elles une grande œuvre de “démythisation”.

Un chemin de ce genre avait déjà commencé au sein du judaïsme, mais il avait encore la difficulté du lien spécial entre l’unique Dieu créateur universel et le seul peuple juif, lien dépassé par le christianisme, dans lequel l’unique Dieu s’offre comme sauveur, sans discrimination, de tous les peuples.

Dans ce sens, la rencontre entre le message biblique et la pensée philosophique grecque n’a pas été un simple accident, mais est la réalisation historique du rapport intrinsèque entre la révélation et la rationalité. Et cela est exactement une des raisons fondamentales de la force de pénétration du christianisme dans le monde gréco-romain (cf. “Fede”, p.173-180).

Cependant, nous n’avons ainsi qu’une moitié du discours: l’autre moitié est constituée par la nouveauté radicale et par la diversité profonde de la révélation biblique par rapport à la rationalité grecque, et cela avant tout par rapport à l’élément central de la religion, c’est-à-dire Dieu.

J. Ratzinger s’applique vigoureusement à le montrer en examinant les textes bibliques, du récit du buisson ardent en Exode 3 jusqu’à la formule “Je suis” que Jésus applique à soi-même dans l’Évangile de Jean, en démontrant que l’unique Dieu de l’Ancien et du Nouveau Testament est l’Être qui existe de soi-même et pour l’éternité, celui que les philosophes recherchaient (cf. “Introduzione”, p. 79-97).

Mais il souligne également que ce Dieu dépasse radicalement ce dont les philosophes avaient pensé de Lui.

Premièrement, en effet, Dieu est nettement différent de la nature, du monde qu’Il a créé: seulement ainsi la “physique” et la “métaphysique” parviennent à une claire différenciation entre elles.

Et surtout ce Dieu n’est pas une réalité qui nous est inaccessible, que nous ne pouvons pas rencontrer, et vers lequel il est inutile de se tourner en prière comme pensaient les philosophes.

Au contraire, le Dieu biblique aime l’homme et pour cela entre dans notre histoire, donne vie à une authentique histoire d’amour avec Israël, son peuple, et puis, en Jésus Christ, non seulement élargit-il cette histoire d’amour et de salut à toute l’humanité mais l’amène à l’extrême, au point c’est-à-dire où il “se retourne contre soi-même”, dans la croix de son propre Fils, dans le but de relever l’homme, de le sauver et de l’appeler à cette union d’amour avec Lui qui aboutit dans l’Eucharistie (cf. “Deus caritas est”, nos 9-15, où Benoît XVI résume avec grande force ce qu’il avait approfondi dès le début de son travail de théologien).

De cette façon, le Dieu qui est l’Être et le Verbe est aussi et également l’Agape, l’Amour originel et la mesure de l’amour authentique, qui a justement, par amour, créé l’univers et l’homme.

Plus précisément, cet amour est complètement désintéressé, libre et gratuit. Dieu en réalité crée librement l’univers à partir de rien (la distinction entre Dieu et le monde devient pleine et définitive seulement avec la liberté de la création) et, librement, par sa miséricorde sans limites, sauve l’humanité pécheresse.

Ainsi, la foi biblique réconcilie les deux dimensions de la religion qui auparavant étaient séparées, c’est-à-dire le Dieu éternel, dont parlaient les philosophes, et le besoin de salut que l’homme porte en soi et que les religions païennes tentaient de quelque façon de satisfaire.

Le Dieu de la foi chrétienne est donc, oui, l’Être absolu, le Dieu de la métaphysique, mais est aussi et également le Dieu de l’histoire, le Dieu, c’est-à-dire, qui entre dans l’histoire et dans le plus intime rapport avec nous. Selon J. Ratzinger, celle-ci est la seule réponse adéquate à la question du Dieu de la foi et du Dieu des philosophes (cf. “Fede”, p. 180-182).

Tout cela a des conséquences inévitables et décisives par rapport à l’homme et à la façon de comprendre la vie, c’est-à-dire à l’éthique. Comme saint Paul avait explicitement dit: “Quand les païens, qui n’ont point la loi, font naturellement ce que prescrit la loi, […]; ils montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leurs cœurs” (Romains 2, 14-15). Dans le même esprit, Paul demande aux croyants en Christ “que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées.” (Philippiens, 4,8).

Il y a aussi une claire référence à l’interprétation éthique de la nature que la morale stoïcienne avait cultivée. Cette interprétation est donc assumée par le christianisme, mais en même temps elle est dépassée. Quand, à un Dieu seulement pensé, se substitue la rencontre avec le Dieu vivant, on passe d’une théorie éthique à une pratique morale communautairement vécue et mise en œuvre dans la communauté croyante, concrètement à travers la concentration de toute la morale dans le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain.

Et comme ce Dieu crée et se donne en toute liberté, ainsi la foi en Lui ne peut qu’être un acte libre, que aucune autorité étatique ne peut prohiber ou imposer; par conséquent, la “distinction entre ce qui est à César et ce qui est à Dieu [. . .] appartient à la structure fondamentale du christianisme (cf. Mt 22, 2)” (“Deus caritas est”, 28).

Voici, dans sa plénitude, la raison du dynamisme missionnaire que le christianisme a développé dans le monde gréco-romain. Il convainquait parce qu’il réunissait en soi le lien entre foi et raison et l’orientation de l’action vers la “caritas”, le tendre soin pour ceux qui souffrent, pour les pauvres et les faibles, au-delà de toute différence de condition sociale.

Nous pouvons donc conclure que la force qui a fait du christianisme une religion mondiale et a rendu convaincante sa revendication d’être la “vraie religion” est dans la synthèse qu’il a su réaliser entre raison, foi et vie (cf. “Fede”, p.182-184 ; voir aussi le discours à
la Curie romaine du 22 décembre 2005).

3. L’éloignement de la raison et de la liberté du christianisme

Cette synthèse et cette revendication ont tenu pendant de nombreux siècles et de nombreuses vicissitudes historiques. Elles ont été à la base de successives phases d’expansion missionnaire du christianisme (cf. discours de Vérone).

À ce point, J. Ratzinger se demande résolument: “Pourquoi cette synthèse n’est-elle plus convaincante aujourd’hui? Pourquoi la raison et le christianisme sont-ils, au contraire, considérés aujourd’hui comme en contradiction, voire même contraires l’un à l’autre? Qu’est-ce qui a changé dans la raison ? Qu’est-ce qui a changé dans le christianisme?” (“Fede”, p. 184).

Examinons donc, premièrement, les changements qui ont touché la “raison”.

Sommairement, on peut dire que l’unité relationnelle entre rationalité et foi, à laquelle saint Thomas d’Aquin avait donné une forme systématique, s’est progressivement déchirée au cours de l’évolution de la pensée moderne, de Descartes à Vico et Kant, alors que la nouvelle synthèse entre raison et foi tentée par Hegel n’a pas réellement rendu à la foi sa dignité rationnelle mais a eu comme effet plutôt de la transformer complètement en raison, l’éliminant comme foi.

Le pas successif, dont les figures emblématiques sont Marx et Comte, a renversé la position de Hegel, qui réduisait la matière à l’esprit, en réduisant a contrario l’esprit à la matière – avec l’exclusion de la possibilité même d’un Dieu transcendant – et en faisant manquer de nouveau, en principe, une “métaphysique” différnte de la “physique”.

Dans ce contexte, une transformation du concept de vérité s’est produite. Elle a cessé d’être connaissance de la réalité existante indépendamment de nous et est devenue connaissance de ce que nous nous-mêmes avons accompli dans l’histoire, et puis connaissance de ce que nous pouvons réaliser par l’entremise des sciences empiriques et des technologies (concept “fonctionnel” de la raison et de la vérité).

Ainsi, la primauté de l’histoire a pris la place de la primauté de la philosophie (métaphysique) et, à son tour, a été remplacée par celle de la science et de la technique. On voit assez clairement cette primauté dans la culture occidentale et, dans la mesure qu’elle croit que la connaissance scientifique est la seule à être proprement vraie et rationnelle, on doit la qualifier de “scientisme” (cf. “Introduzione”, p. 27-37; “Fede”, p. 186-187).

Dans ce contexte, la théorie de l’évolution des espèces vivantes proposée par Darwin a fini par assumer chez beaucoup de scientifiques et de philosophes, et en grande partie dans la culture d’aujourd’hui, le rôle de vision du monde ou de “philosophie première”, qui, d’une part, se veut rigoureusement “scientifique” et, d’autre part, se considère, au moins potentiellement, une explication ou théorie universelle de toute la réalité, basée sur la sélection naturelle et sur les mutations dues au hasard, au delà de laquelle les questionnements ultérieurs sur l’origine et sur la nature des choses ne seraient plus nécessaires, voire permis.

L’affirmation qu’“aux débuts il y avait le Logos” est ainsi renversée – de façon qu’à l’origine de tout il y aurait la matière-énergie, le hasard et la nécessité – quelque chose donc qui en soi ne serait pas rationnelle (cf. “Fede”, p. 187-190).

Certes, tout le monde parmi les non-croyants en Christ ne partage pas ces positions, car elles sont souvent perçues comme un insupportable dogmatisme, qui se veut ”scientifique” mais qui néglige les limites intrinsèques de la connaissance scientifique.

J. Ratzinger observe cependant que, à cause de ce grand changement par lequel, depuis Kant, la raison humaine n’est plus tenue capable de connaître la réalité en soi-même, et surtout la réalité transcendantale, l’alternative culturellement plus accréditée au scientisme semble être aujourd’hui non l’affirmation du Dieu Verbe, mais plutôt l’idée que “latet omne verum”, chaque vérité est cachée, à savoir que la vraie réalité de Dieu nous reste complètement inaccessible et ne peut pas être connue, tandis que les différentes religions ne font que nous présenter des images de Dieu qui reflètent différents contextes culturels et qui seraient également “vraies” et “non vraies”.

Ainsi, l’approche au divin propre aux grandes religions ou visions orientales comme l’hindouisme et le bouddhisme trouve droit de cité dans le monde occidental (en dépit de toutes les grandes différences entre elles), approche que, dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, le néoplatonisme avait, à sa façon, cherché de proposer comme alternative au christianisme (cf. “Fede”, p. 184-186).

Il n’est pas difficile de constater comment des idées pareilles se sont diffusé parmi nos gens. Un Dieu, ou mieux un ”divin”, entendu ainsi tend à s’identifier avec la dimension la plus profonde et mystérieuse de l’univers, présente au fond de toute réalité. Il est donc difficile lui reconnaître un caractère personnel. La prière même, au lieu d’être un dialogue entre Dieu et l’homme, prend la forme d’itinéraires spirituels d’autopurification, que aboutissent dans la résorption et fusion de notre moi dans l’infini originel.

À la fin, la différence entre ces formes de religiosité et l’agnosticisme, voire même l’athéisme, ces derniers liés à l’approche scientiste, ne semble pas si radicale (cf. “Fede”, p. 184-186, p. 23-43, 125-134). Puisque la foi chrétienne dans un Dieu qui est Être, Verbe et Agape s’est concrétisée dans une précise forme de vie et d’éthique, quelque chose de similaire est arrivé et est en train d’arriver pour les formes de rationalité que tendent à se substituer au christianisme et qui, à leur tour, s’expriment dans des orientations éthiques concrètes.

Si “chaque vérité est cachée” ou si seulement ce qui peut être expérimenté ou calculé est rationnellement valide, parallèlement, sur le plan pratique, de la vie et des comportements, la valeur fondamentale devient celle de la “tolérance”, dans le sens que nul ne doit ou peut considérer ses convictions et ses choix meilleurs et préférables à celles d’autrui. Voilà l’image apparemment accomplie de l’illuminisme qui prévaut aujourd’hui et qui se définit concrètement dans les droits de la liberté, et qui a fait des libertés individuelles le critère suprême et décisif grâce auquel on peut définir toutes les autres droits avec comme résultat qu’une discrimination quelconque envers autrui se voit exclue.

Par conséquent, la conscience morale comme quelque chose qui est objectivement valide s’affaiblit, surtout sur le plan social et public, parce qu’elle renvoie à ce qui est bien ou mal en soi-même. Étant donné qu’une morale est en tout cas nécessaire pour vivre, elle est récupérée de quelque façon en faisant référence au calcul des conséquences, utiles ou nuisibles, de ses comportements et ayant toujours comme critère régulateur celui de ne par limiter la liberté d’autrui (cf. “L’Europa”, p. 35-37).

En terme de contenus, à la conception du monde que rend absolu le modèle évolutionnaire correspond une éthique qui met au centre la sélection naturelle, et donc la lutte pour la survie et la victoire du plus fort, tandis que dans la prospective de ces formes de religiosité qui font référence à un divin que l’on ne peut pas connaître et qui est tendanciellement impersonnel, la personne humaine même, avec ses droits inaliénables, sa liberté et responsabilité, perd sa propre consistance et devient quelque chose de relatif et transitoire, qui tend à se dissoudre dans un tout sans distinction.

Ainsi, la différence irréductible entre le bien et le mal finit par être relativisée et devient seulement l’opposition de deux aspects, tous les deux nécessaires et complémentaires, de l’unique ensemble originel.

* * * 
Voyons maintenant, plus rapidement, quels sont les changements au sein du christianisme lui-même qui ont contribué, à notre époque, au divorce qui s’est produit entre lui et la raison. Dans le discours de Regensburg, Benoît XVI a mis l’accent sur le sujet de la “déshellénisation” du christianisme, qui apparaît déjà une première fois au 16e siècle avec
la Réforme protestante, dont le but était de retourner à la pure foi biblique, la libérant du conditionnement de la philosophie grecque, c’est-à-dire de la métaphysique. On retrouve la même intention aussi chez Kant, quoiqu’en forme assez différente.

La deuxième vague du programme de déshellénisation naît de la théologie protestante libérale pendant les 19e et 20e siècles mais qui a fortement touché aussi la théologie catholique. Dans la pensée de ses représentants les plus radicaux comme Harnack, il s’agit de revenir à un Jésus qui n’est rien d’autre qu’un ’homme, le Jésus de l’histoire, et à son simple message moral, qui constituerait le summum du développement religieux de l’humanité, le libérant des développements philosophiques et théologiques successifs, en commençant par la divinité même du Christ. À la base, il y a la notion moderne que la raison doit se limiter à ce qui est vérifiable.

La troisième vague de déshellénisation se répand aujourd’hui au regard du problème de la rencontre entre christianisme et les différentes cultures du monde. Dans ce sens, la synthèse entre christianisme et hellénisme au sein de l’Église ancienne serait une première inculturation, de laquelle il faudrait se libérer, en revenant au simple message du Nouveau Testament dans le but de l’inculturer à nouveau dans les divers contextes socioculturels. Le résultat serait inévitablement celui de relativiser le lien entre foi et raison qui s’était établi aux débuts du christianisme, le tenant comme seulement contingent et donc surmontable.

Au fil des siècles, un autre changement encore plus important a malheureusement eu lieu; le christianisme est devenu en grande partie une tradition humaine et une religion d’État, contrairement à sa propre nature (cf. Tertullien: “Christ a affirmé d’être la vérité, pas la coutume”). Bien que la recherche de la rationalité et de la liberté ait toujours été présente dans le christianisme, la voix de la raison a été trop apprivoisée.

L’illuminisme a eu le mérite de représenter, souvent en polémique avec l’Église, les valeurs originelles du christianisme et de redonner à la raison et à la liberté leur voix. Le sens historique du Concile Vatican II est dans le fait qu’il a nouvellement mis en évidence, en particulier dans la constitution de l’Église dans le monde contemporain et dans la déclaration sur la liberté religieuse, cette profonde correspondance entre christianisme et illuminisme, cherchant une vraie conciliation entre Église et modernité, qui est le grand patrimoine que les deux parties doivent protéger (“L’Europa”, p. 57-59; cf. aussi le discours à
la Curie romaine du 22 décembre 2005).

4. Pour un nouvel accord entre raison, liberté et christianisme

Nous arrivons ainsi au vrai objectif de toutes les précédentes réflexions, c’est-à-dire comment chercher les voies d’un nouvel accord entre raison, liberté et christianisme, c’est-à-dire, comme le dit le titre de ce rapport, comment “Proposer la vérité salvifique de Jésus Christ à la raison de notre temps”.

La réponse que J. Ratzinger – Benoît XVI donne à cette question est avant tout celle d’“élargir les espaces de la rationalité”.

Limiter la raison à ce que l’on peut expérimenter et contrôler est en effet utile, exact et nécessaire dans le contexte précis des sciences naturelles et constitue la clé de leur essor incessant. Cependant, si cette limitation est universalisée et tenue comme absolue et autosuffisante, elle devient insoutenable, inhumaine et, finalement, contradictoire.

À cause d’elle, l’homme ne pourrait plus s’interroger rationnellement sur les réalités essentielles de sa vie, sur son origine et sa finalité, sur ses obligations morales, sur la vie et sur la mort mais devrait laisser ces problèmes décisifs à un sentiment détaché de la raison.

Dans ce cas, la raison en sort mutilée et l’homme, divisé en soi-même et presque désintégré, provocant une pathologie autant dans la religion – laquelle, détachée de la rationalité, dégénère facilement dans la superstition, le fanatisme et le fondamentalisme – que dans la science, vouait à se retourner facilement contre l’homme en se détachant de l’éthique et, en pratique, de la reconnaissance du sujet humain comme celui qui ne peut jamais être réduit à instrument (cf. “Fede”, p. 99 et 164-166).

Justement, dire que la seule réalité est celle de l’expérimentation et du calcul signifie réduire fatalement le sujet humain à être le produit de la nature. En tant que tel, il n’est pas libre et risque d’être traité comme tout autre animal. On a ainsi un retournement total du point de départ de la culture moderne basée sur la liberté de l’homme et sur ses revendications.

Pareillement, sur le plan pratique, quand la liberté individuelle, qui ne discrimine pas et pour laquelle tout est finalement relatif, devient le critère éthique suprême, elle finit par devenir un nouveau dogmatisme, car elle exclut toute autre position, permise seulement à condition d’être subordonnée à ce critère relativiste et pas en contradiction lui.

De telle façon, on censure systématiquement toutes les normes morales du christianisme et on refuse dès le départ toute tentative de montrer que celles-ci, ou toute autre norme, ont une validité objective, puisqu’elles sont fondées sur la réalité même de l’homme. Ainsi, l’expression publique d’un authentique jugement moral devient inadmissible.

En Occident, une forme de culture qui a délibérément coupé ses racines historiques s’est développée et constitue la contradiction la plus radicale du christianisme mais aussi des traditions religieuses et morales de l’humanité (cf. “L’Europa”, p. 34-55, et le discours de Regensburg).

Afin de montrer comment la limitation de la raison à ce qui peut être expérimenté et calculé n’a pas seulement des conséquences négatives mais est intrinsèquement contradictoire, J. Ratzinger met l’accent sur la structure même de la connaissance scientifique et sur ses prémisses, en particulier sur la position qui fait de la théorie de l’évolution, du moins potentiellement, l’explication universelle de toute la réalité.

Une caractéristique fondamentale de la connaissance scientifique est la synergie entre mathématiques et expérience, c’est-à-dire entre les hypothèses formulées mathématiquement et leur vérification expérimentale. Cette synergie explique les résultats formidables et sans cesse croissants que l’on obtient grâce aux technologies, en action avec la nature et mettant à notre service ses immenses énergies.

Cela dit, la mathématique est en soi est une création de notre intelligence, le fruit pur et “abstrait” de notre rationalité. La correspondance – qui ne peut pas ne pas exister entre mathématiques et structures réelles de l’univers, parce qu’en cas contraire, les prévisions scientifiques et les technologies ne fonctionneraient pas – soulève donc une importante question, car l’univers lui-même est structuré de façon rationnelle et une correspondance profonde existe entre notre raison subjective et la raison objectivée dans la nature.

On se demande inévitablement dans quelle condition une telle correspondance est-elle possible et si, sur ces bases, n’y a-t-il pas une intelligence originelle qui est la source commune de la nature et de notre rationalité.

Ainsi, la réflexion sur le développement des sciences nous ramène au Logos créateur. La tendance à donner la primauté à l’irrationnel, au hasard et à la nécessité est renversée, renvoyant notre intelligence et notre liberté à Lui (cf. les discours de Vérone et de Regensburg, ainsi que “Fede”, p. 188-192).

Bien sûr, une telle question et une telle réflexion, même si elles partent de l’étude de la structure et des prémisses de la connaissance scientifique, dépassent cette forme de connaissance et se placent sur le plan de la recherche philosophique. Elle ne s’oppose pas donc à la théorie de l’évolution à condition que celle-ci reste dans un contexte scientifique. D’ailleurs, sur le plan philosophique, le Logos créateur n’est pas l’objet d’une démonstration apodictique mais reste la “meilleure hypothèse”, une hypothèse qui exige que l’homme et sa raison renoncent à une position de domination et humblement prêtent attention ”.

Sur ces bases et en particulier dans l’atmosphère culturelle d’aujourd’hui, l’homme avec ses seules forces ne peut pas faire complètement sienne cette “meilleure hypothèse”. Il reste prisonnier d’une “étrange pénombre” et d’impulsions à vivre en fonction de ses propres intérêts, faisant abstraction de Dieu et de l’éthique. Seulement la révélation, l’initiative de Dieu qui, dans le Christ, se manifeste à l’homme et l’appelle à se rapprocher à Lui, nous rend pleinement capables de dépasser cette pénombre (cf. “L’Europa, p. 115-124 et 59-6 ; le discours de Regensburg).

Justement, la perception d’une telle “étrange pénombre” signifie qu’aujourd’hui l’attitude la plus répandue chez les non-croyants n’est pas l’athéisme – perçu autant que la foi en Dieu comme quelque chose qui dépasse les limites de notre raison – mais l’agnosticisme, qui suspend le jugement par rapport à Dieu car rationnellement impossible à connaître.

La réponse de J. Ratzinger à ce problème nous amène encore vers la réalité de la vie. Selon lui, l’agnosticisme ne peut pas être vécu concrètement; c’est un programme irréalisable pour la vie humaine.

Pour lui, la raison revient au fait que la question de Dieu n’est pas seulement théorique, mais elle est éminemment pratique et a des conséquences dans tous les contextes de la vie.

En pratique, je suis obligé à choisir entre deux possibilités, déjà identifiées par Pascal, c’est-à-dire vivre comme si Dieu n’existait pas ou vivre comme s’il existait et était la réalité décisive de mon existence. Or, si Dieu existe, il ne peut pas être une annexe que l’on enlève ou ajoute sans que rien ne change. Il est, au contraire, l’origine, le sens et la finalité de l’univers et de l’homme dans ce dernier.

Si j’agis selon la première possibilité, j’adopte de ce fait une position athée et pas seulement agnostique. Si je suis la deuxième, j’adopte une position croyante. Quoi qu’il soit, on ne peut pas éluder la question de Dieu (cf. “L’Europa”, p. 103-114).

C’est intéressant de noter que la grande similarité qui existe, sous ce profil, entre la question de l’homme et la question de Dieu. À cause de leur importance, il faut confronter les deux questions avec toute la rigueur et tout la force de notre intelligence, mais elles restent toujours des questions éminemment pratiques, inévitablement liées à nos choix concrets de vie. 

* * * 
À ce point, nous sommes en position de mieux comprendre le type d’approche théologique, mais aussi pastorale, de Benoît XVI. Le pape prête beaucoup d’attention au rapport entre foi et raison et à la revendication de vérité du christianisme.

Il le fait toutefois d’une façon qui n’est guère rationaliste. Au contraire, il croit que les tentatives de la néoscolastique et de toute autre approche voulant prouver la vérité des prémisses de la foi (les “praeambula fidei”) par une raison rigoureusement indépendante sont condamnées à l’échec comme a également échoué la tentative contraire de K. Barth de présenter la foi comme un paradoxe pur qui peut exister seulement en totale indépendance de la raison (cf. “Fede”, p. 141-142).

Sur ces bases donc, la voie qui porte à Dieu est Jésus Christ, non seulement parce que c’est seulement en Lui que nous pouvons connaître le visage de Dieu, son attitude envers nous et le mystère même de sa vie intime, c’est-à-dire du Dieu unique et absolu qui existe en trois Personnes totalement “relatives” l’une à l’autre – toutes les implications de ce mystère pour notre vie et pour la connaissance même de Dieu, de l’homme et du monde n’ont pas encore été identifiées –, mais aussi parce que seulement dans la croix du Fils, dans laquelle se montre dans sa forme la plus radicale l’amour miséricordieux et solidaire de Dieu pour nous, peut-on trouver une réponse, mystérieuse mais convaincante, au problème du mal et de la souffrance, qui depuis toujours – mais avec une force nouvelle à notre époque “humaniste” – est la source du doute le plus grave contre l’existence de Dieu. C’est pourquoi la prière, l’adoration qui ouvre au don de l’Esprit et rend libres notre cœur et notre intelligence, est une dimension essentielle non seulement de la vie chrétienne mais aussi de la connaissance croyante et du travail du théologien (cf. discours de Vérone; “Introduzione”, p. 135-146; prolusion de 1959 à l’Université de Bonn).

Ce n’est pas par pur goût personnel, donc, que Benoît XVI consacre “tous ses moments libres” pour faire avancer son livre “Gesù di Nazareth”, dont on publiera bientôt la première partie et dont on a déjà rendu public des extraits tirés de la préface et de l’introduction.

La séparation entre le “Christ de la foi” et le “Jésus de l’histoire”, que l’exégèse basée sur la méthode historique-critique semble avoir accentuée, constitue pour la foi une situation “dramatique”, parce qu’elle “rend incertain son authentique point de référence”.

Par conséquent, J. Ratzinger – Benoît XVI a décidé de montrer que le Jésus des Évangiles et le Jésus de la foi de l’Église sont en réalité le vrai “Jésus historique”, et il le fait en employant la méthode historique-critique dont il reconnaît volontiers les nombreux résultats positifs, mais aussi en le dépassant afin de se placer dans une prospective plus vaste qui permet une interprétation proprement théologique de l’Écriture, et qui exige donc la foi sans renoncer pour cela à être solidement historique (voir les extraits de la préface déjà publiés).

En d’autres termes, il s’agit pour les sciences empiriques comme pour la critique historique, d’“élargir les espaces de la rationalité”, et d’empêcher qu’elles se referment sur elles-mêmes et se voient comme autosuffisantes (cf. “Fede”, p. 136-142 et 194-203; “Introduzione”, p. 149-180).

Ce type d’approche à Jésus Christ renvoie clairement au rôle de l’Église et de la tradition apostolique dans la transmission de la révélation.

À cet égard, J. Ratzinger non seulement affirme que l’origine de l’Église remonte à Jésus lui-même et à son intime union avec Lui, fondée dans
la Cène et l’Eucharistie (cf. “Il nuovo popolo di Dio” [Le nouveau peuple de Dieu], publiée en Italie par ‘Queriniana’, p. 83-97), mais il lie intrinsèquement
la Révélation à l’Église et la tradition.

En effet, la révélation est avant tout l’acte par lequel Dieu se manifeste, pas un résultat objectivé (écrit) de cet acte.

Par conséquent, l’entité qui reçoit la révélation et la comprend fait partie du concept même de Révélation – c’est l’Église –, étant donné que si personne ne percevait
la Révélation, rien n’aurait été révélé et donc aucune Révélation n’aurait eu lieu.

C’est pourquoi la révélation précède l’Écriture et se reflète en elle. Elle n’est pas simplement identique à elle mais est toujours plus grande qu’elle. Une pure “sola Scriptura” ne peut donc pas exister. L’Écriture elle- l’Église. Avec cela, le sens essentiel de la tradition est aussi donné (cf. “La mia vita”, p. 72; 88-93).

C’est aussi la raison profonde du caractère ecclésial de la foi, ou mieux encore le nœud indissoluble du “moi” et du “nous”, de la dimension personnelle et ecclésiale, dans l’acte de croire qui se rapporte au “Tu” de Dieu qui se révèle à nous en Jésus Christ (cf. “Introduzione”, p. 53-64), sans oublier l’insuffisance d’une exégèse historique-critique.

La voie proposée pour que le christianisme se rende de nouveau convaincant reste toutefois, aujourd’hui comme au début et tout au long de son histoire, celle “de vivre cette unité entre vérité et amour dans les conditions propres à notre époque”. C’est le sens du “grand ‘oui’ que Dieu, en Jésus Christ, a dit à l’homme et à sa vie, à l’amour humain, à notre liberté et à notre intelligence” et qui, à travers le témoignage des chrétiens, doit être rendu visible au monde (discours de Vérone).

Sur ces bases, il devient également possible d’élargir les horizons de notre rationalité, de l’ouvrir aux grands enjeux du vrai et du bien, de “conjuguer entre elles la théologie, la philosophie et les sciences, dans le plein respect de leurs propres méthodes et de leur autonomie réciproque” (ibid.). Ainsi, sur le plan du vécu et de la pratique, dans le contexte d’aujourd’hui, il est particulièrement nécessaire de souligner la force libératrice du christianisme, le lien qui unit foi chrétienne et liberté et, en même temps, faire comprendre comment la liberté est intrinsèquement liée à l’amour et à la vérité.

L’homme comme tel, en effet, possède certainement une façon d’être “soi-même”, conscient et libre, mais il est également et essentiellement un être “par”, “avec” et “pour”, nécessairement ouvert et référé aux autres. Sa liberté est donc intrinsèquement liée au critère de la réalité – c’est-à-dire la vérité – une liberté partagée, qui se réalise dans un ensemble de plusieurs libertés, lesquelles se limitent mais s’appuient réciproquement, libertés que néanmoins l’on bâtit dans la charité (cf. “Fede”, p. 260-264 et plus en général 245-275).

De ce point de vue, la déclaration sur la liberté religieuse faite par le Concile Vatican II a représenté un pas en avant décisif, parce qu’elle a reconnu et accepté un principe essentiel de l’État moderne sans pour autant céder au relativisme, mais, au contraire, en redécouvrant et en actualisant le patrimoine le plus profond du christianisme (cf. discours à
la Curie Romaine du 22 décembre 2005). 

* * * 
Dans la situation actuelle de l’Occident, la morale chrétienne semble, en tout cas, divisée en deux parties. L’une touche aux grands enjeux comme la paix, la non-violence, la justice pour tous, la sollicitude pour les pauvres du monde et le respect de la création. Elle est bien acceptée par le public bien qu’elle risque d’être contaminée par un moralisme de type politique.

L’autre est celle qui fait référence à la vie humaine, à la famille et au mariage. Elle n’est pas aussi bien acceptée par le public; au contraire, elle constitue une entrave très grande dans le rapport entre l’Église et les gens.

Il nous revient donc, avant tout, de présenter le christianisme pas comme un simple moralisme, mais comme amour qui nous est donné par Dieu et qui nous donne la force pour “perdre sa propre vie”, et aussi pour accueillir et vivre cette loi de vie qu’est le Décalogue.

Ainsi, les deux parties de la morale chrétienne pourront se rejoindre et se renforcer réciproquement. Ainsi, on comprendra que les “non” de l’Église à certaines formes faibles et déviées de l’amour sont des “oui” à l’amour authentique, à la réalité de l’homme telle que Dieu l’a créée (cf. discours aux évêques suisses du 9 novembre 2006; discours de Vérone; “L’Europa”, p. 32-34). Le message à l’occasion de
la Journée mondiale pour la paix (2007) va dans ce sens.

Toute l’approche anthropologique et éthique du christianisme, sa façon de comprendre la vie, la joie, la douleur et la mort, trouve toutefois sa légitimité et sa consistance seulement dans cette prospective de salut historique mais surtout eschatologique qui s’est ouvert avec la résurrection du Christ (cf. discours de Vérone). Sur les thèmes de la morte, de la résurrection et de l’immortalité, que nous ne pouvons pas aborder ici, J. Ratzinger a consacré un livre “Escatologia morte et vie eterna” [Titre français: ‘La mort et l'au-delà’], édité en Italie par ‘Cittadella’ en 1979.

Jusqu’ici, nous nous sommes concentrés sur le rapport entre la foi chrétienne et la culture sécularisée de l’Occident moderne et “post-moderne”, victime d’une étrange “haine de soi”, qui va de pair avec son éloignement du christianisme.

J. Ratzinger – Benoît XVI toutefois n’a pas absolument perdu de vue un horizon plus vaste, celui des rapports avec les autres cultures et les autres religions du monde, auxquelles il a consacré plutôt une bonne partie de sa réflexion, surtout dans les dernières années.

Le concept clé auquel il fait recours est celui de rencontre entre cultures ou d’“interculturalità”, chose qui est différente de l’inculturation, qui semble supposer une foi culturellement dépouillée et transposée dans d’autres cultures religieusement indifférentes, et de la multiculturalité, définie comme simple coexistence – pacifique, espérons-le – entre cultures différentes.

L’interculturalité “appartient à la forme originelle du christianisme” et comporte à la fois, une attitude positive envers les autres cultures et envers les religions qui en constituent l’âme et un travail de purification et de “coupe courageuse” qui sont indispensables à chaque culture, si l’on veut vraiment rencontrer le Christ et qui deviennent pour elle “maturation et redressement” (cf. “Fede”, p. 66 et 89; le discours de Vérone et, en particulier, le dialogue du 19 janvier 2004 entre J. Ratzinger et J. Habermas, publié dans “Etica, religione e stato liberale” [Éthique, religion et État libéral], édité en Italie par ‘Morcelliana’, 2005).

Ainsi, le christianisme peut justement aider l’Occident à tisser de nouveaux et positifs liens avec les autres cultures et religions, liens dont le monde a extrêmement besoin aujourd’hui mais qui ne peuvent pas se constituer sur la base d’un sécularisme radical.

Face à la grandeur quelque peu “excessive” de ces tâches, J. Ratzinger – Benoît XVI n’est certes pas quelqu’un à se faire des illusions sur l’état de la santé actuel de l’Église catholique et plus en général du christianisme.

Il est cependant sûr, comme il a dit plusieurs fois lors de son voyage en Bavière, que “qui croit n’est jamais seul”, et aussi que notre foi a toujours “une possibilité de succès”, parce qu’elle “trouve correspondance dans la nature de l’homme”, qui a été créé pour rencontrer Dieu (“Fede”, p. 142-143).

Que cette certitude soutienne aussi notre vie et nos efforts de tous les jours. 

Benoît XVI présente saint Thomas d’Aquin comme le maître du dialogue entre les religions

29 janvier, 2007

je me suis fait inspirer du Saint Père ai cherché quelque chose de San Tommaso d’Aquino, l’ai étudié mais une révision ne me fait pas certain mal, du site Zenith.org. : 

Benoît XVI présente saint Thomas d’Aquin comme le maître du dialogue entre les religions 

ROME, Dimanche 28 janvier 2007 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI a présenté ce dimanche saint Thomas d’Aquin, l’un des plus grands philosophes et théologiens de tous les temps, comme le « maître » du dialogue entre les cultures et les religions. 

Saint Thomas d’Aquin est mort en 1274. Il est l’auteur de
la Somme théologique. 

« Avec une sagesse clairvoyante, saint Thomas d’Aquin réussit à instaurer une confrontation fructueuse avec la pensée arabe et juive de son temps, au point d’être considéré un maître toujours actuel de dialogue avec d’autres cultures et religions », a affirmé Benoît XVI avant la prière de l’Angélus. 

« Il sut présenter cette admirable synthèse chrétienne entre raison et foi qui pour la civilisation occidentale représente un patrimoine précieux où l’on peut puiser aujourd’hui également pour dialoguer de manière efficace avec les grandes traditions culturelles et religieuses de l’est et du sud du monde », a-t-il poursuivi. 

« Le rapport entre foi et raison constitue un sérieux défi pour la culture actuellement dominante dans le monde occidental », a affirmé le pape. 

« Pourquoi la foi et la raison doivent-elles avoir peur l’une de l’autre si le fait de se rencontrer et de dialoguer leur permet de mieux s’exprimer ? » s’est-il interrogé. 

La raison et la foi sont en effet des « dimensions de l’esprit humain, qui se réalisent pleinement dans la rencontre et le dialogue entre elles », a expliqué Benoît XVI. 

Le pape a rappelé que Jean-Paul II avait consacré une encyclique à ce thème et qu’il a lui-même repris cet argument lors du discours qu’il prononça à l’Université de Ratisbonne, lors de son voyage en Allemagne. 

« Selon la pensée de saint Thomas, la raison humaine ‘respire’, d’une certaine manière : c’est-à-dire qu’elle se meut dans un horizon ample, ouvert, où elle peut exprimer le meilleur d’elle-même. Lorsqu’en revanche l’homme se limite à penser uniquement à des objets matériels et ‘expérimentables’ et se ferme aux grandes interrogations sur la vie, sur lui-même et sur Dieu, il s’appauvrit », a expliqué le pape. 

Benoît XVI a conclu en invitant à prier pour que « les chrétiens, spécialement ceux qui oeuvrent dans le milieu universitaire et culturel, sachent exprimer le caractère raisonnable de leur foi et en témoigner dans un dialogue inspiré par l’amour ». 

 

En Chine, l’obéissance n’est plus une vertu – article du Sandro Magister

23 janvier, 2007
du site: La Chiesa.it, voir le lien; il y a, aujourd’hui, un autre article de Sandro Magister, le title est: « En exclusivité depuis la Pologne: qui espionnait Karol Wojtyla »,pour ne mettre pas deux choses  je vous donne le lien pour aller directement a la pages:http://www.chiesa.espressonline.it/dettaglio.jsp?id=113441&fr=y 

En Chine, l’obéissance n’est plus une vertu


Un nombre croissant d’évêques, de prêtres et de fidèles de l’Eglise officielle chinoise refusent de se soumettre aux autorités communistes. Le pape et le cardinal Zen les y encouragent: « Pas plus de compromis ». En outre, un livre met fin au silence concernant les martyrs catholiques des années Mao
par Sandro MagisterEn Chine, l’obéissance n’est plus une vertu - article du Sandro Magister  dans article

ROME, 19 janvier 2007 – Une rencontre « sub secreto » ayant pour objet l’Eglise en Chine se tient à partir d’aujourd’hui au Vatican. Y participent des dirigeants de la secrétairerie d’Etat et de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, mais aussi des personnalités extérieures à la Curie: le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque de Hong Kong, le cardinal Paul Shan Kuo-shi, de Taiwan, l’évêque de Macao, José Lai Hung-seng, le professeur Anthony Lam, du Holy Spirit Center de Hong Kong. Une question évoquée par Benoît XVI lors de l’angélus du 26 décembre 2006 est au cœur des discussions. Faisant référence à saint Etienne, premier martyr, et tous ceux qui, aujourd’hui, « sont persécutés et souffrent, de différentes manières, pour témoigner et servir l’Evangile », Benoît XVI avait poursuivi :« Je pense à ces catholiques qui restent fidèles au Siège de Pierre sans céder à des compromis, parfois même aux prix de graves souffrances. Toute l’Eglise en admire l’exemple et prie pour qu’ils aient la force de persévérer, en sachant que leurs épreuves sont source de victoire, même si sur le moment elles peuvent sembler un échec ».

Les informations concernant la Chine durant ces derniers mois confirment tout à fait ce clivage: entre les chrétiens qui se plient aux ordres des autorités communistes et ceux qui y résistent; entre l’Eglise officielle créée par le régime en opposition à Rome et celle unie au pape et que l’Etat ne reconnaît pas officiellement.

Mais ces mêmes informations montrent qu’il existe aussi des divisions et des évolutions au sein même de l’Eglise officielle. Huit des dix évêques officiels ont désormais demandé et obtenu l’approbation de Rome. Ils se trouvent maintenant dans une position inconfortable de double obéissance: à l’Eglise universelle et à la politique anti-romaine des autorités communistes.

Selon le cardinal Zen, homme fort de la nouvelle politique vaticane concernant la Chine:

« Ce compromis ne peut durer indéfiniment. Etre en communion avec le Saint-Père et rester en même temps dans une Eglise qui se définit comme indépendante, c’est une contradiction. De façon magnanime, le Saint-Siège le tolère. Mais le moment est venu de mettre fin à cette contradiction ».

Un choix déjà fait par certains évêques de l’Eglise officielle, qui cherchent de plus en plus à se soustraire à la soumission au régime.

* * *
L’ordination épiscopale illicite qui a eu lieu le 30 novembre dans la ville de Xuzhou, dans le Jiangsu (centre-est) est le dernier épisode révélateur de cette évolution.
Une ordination épiscopale est illicite quand elle n’est pas approuvée par le pape. Elle est sanctionnée par l’excommunication automatique de celui qui l’effectue de son propre gré, sans contrainte. Au cours des dernières décennies, le régime communiste chinois a fait ordonner plusieurs dizaines d’évêques illégitimes. Avant le 30 novembre dernier, les deux dernières ordinations de ce type ont eu lieu le 28 avril et le 3 mai 2006, et ont donné lieu à une très ferme protestation du Saint-Siège. Une délégation du Vatican s’est rendue par la suite à Pékin en juin pour demander l’arrêt de ces ordinations. Elle a reçu des assurances, démenties ensuite par les faits.Pourtant, les autorités communistes ont eu plus de mal que d’habitude à organiser la cérémonie du 30 novembre. Ces dernières voulaient adjoindre à l’évêque de Xuzhou, Qian Yurong, âgé de 94 ans et progouvernemental, d’autres évêques de l’Eglise officielle, mais réconciliés avec Rome, comme concélébrants de l’ordination. Elles ont dû cependant les forcer à être présents. Deux évêques les ont isolés et « traités » pendant plusieurs jours précédant la cérémonie. Deux autres ont été littéralement séquestrés, sans pouvoir rien en retirer comme ils le voulaient. L’un des deux, l’évêque de Hengshui, Peter Feng Xinmao, a assisté au rite sans y participer. Le second, Li Liangui, évêque de Cangzhou, a réussi à s’échapper sans se faire reprendre jusqu’à la fin de la cérémonie, désertée par une grande partie des fidèles.

Le 2 décembre, le Saint-Siège a émis une note de protestation au sujet de cette ordination illégale, soulignant que les évêques consacrants aussi bien que l’évêque ordonné, Mgr Wang Reniei, âgé de 34 ans, avaient dû agir sous la contrainte.

Un jour après Noël, Benoît XVI avait donné en exemple les chrétiens qui acceptent « les tourments » pourvu qu’ils ne « cèdent pas à des compromis ».

Mais, après quelques heures seulement, les autorités communistes récidivaient. Le 27 décembre, neuf prêtres de la province du Hebei, appartenant à l’Eglise non officielle, sont arrêtés. Le Hebei est la région de Chine comptant la plus forte population de catholiques, environ un million et demi. Elle est également la plus persécutée, en raison justement du refus de la plupart des évêques, des prêtres et des fidèles à s’inscrire auprès de l’Association patriotique des catholiques chinois, l’organisme par lequel le parti communiste exerce son contrôle sur l’Eglise officielle.

Le Hebei a vu disparaître six évêques au cours des dix dernières années. Parmi eux, l’évêque du diocèse de Baoding, Jacques Su Zhimin, arrêté en 1996.

Presque tous les évêques chinois ayant aujourd’hui plus de cinquante ans, et même ceux faisant partie de l’Eglise officielle, ont été en prison ou dans un camp pendant un certain temps. Le plus vieux d’entre eux, Joseph Meng Ziwen, évêque non officiel de Nanning (Guangxi), est mort le 7 janvier dernier. Il avait 103 ans et, il y a peu de temps encore, il célébrait la messe tous les dimanches dans trois paroisses différentes. Il fut condamné aux travaux forcés pendant plus de vingt ans. Le régime ne l’a jamais reconnu comme évêque.

Aujourd’hui, les persécutions contre les chrétiens se poursuivent en Chine, bien qu’elles ne soient pas comparables avec celles des années Mao et de la Révolution Culturelle. Peu à peu disparaissent cependant les témoins du grand martyre.

Restent leurs témoignages. Très peu de matière a été publiées, même en dehors de la Chine, dans les pays libres et même dans le reste de la Chine catholique, tout du moins jusqu’à il y a peu.

Ce silence était dû en grande partie à des raisons politiques et des choix ecclésiastiques. « Mais continuer sur la voie du silence serait aujourd’hui une erreur incompréhensible et impardonnable », écrit le cardinal Zen.

Il l’écrit dans la préface d’un livre sorti cet hiver en Italie – sous la direction de l’Institut pontifical pour les missions étrangères de Milan – qui, pour la première fois, recueille et propose au grand public les récits de catholiques chinois persécutés ou tués entre 1940 et 1983.

Les deux premiers textes qui composent ce volume sont les journaux intimes relatant l’emprisonnement et les travaux forcés, d’une durée respective de trente et vingt-cinq ans, de deux prêtres, François Tan Tiande, toujours vivant, et Jean Huang.

Le troisième document raconte la vie d’un autre prêtre, le père Li Chang, mort en 1981. Il est écrit par son cousin Li Daoming, prêtre lui aussi.

Puis vient l’autobiographie d’une jeune catholique, Gertrude Li, écrite à la main sur des petits papiers parvenus en Occident dissimulés dans les chaussures d’un missionnaire, le père Giovanni Carbone, de l’Institut pontifical pour les missions étrangères, expulsé de Chine en 1952.

Le livre s’achève par le témoignage du martyre de trente-trois moines cisterciens de la stricte observance du monastère de Yangjiaping, tués en 1947 au terme d’un « chemin de croix » de souffrances.

Voici la préface du livre, écrit par l’actuel évêque et cardinal de Hong Kong:

« Que d’innocents menés comme des brebis à l’abattoir… »

par Joseph Zen Ze-kiun

En février 2006, alors que j’étais à Rome pour être créé cardinal, j’ai célébré une messe pour les catholiques de ma nation, la Chine, pendant laquelle j’ai affirmé: « Le rouge que je porte exprime la disponibilité d’un cardinal à verser son propre sang. Mais ce n’est pas mon sang qui est versé: ce sont le sang et les larmes des nombreux héros anonymes des Eglises officielle et souterraine qui ont souffert pour être fidèles à l’Eglise ».

Parmi les nombreux catholiques qui ont été emprisonnés pendant trente ans et plus en Chine, nombreux sont ceux qui y ont rédigé leurs mémoires. Beaucoup d’entre elles ont été longtemps renfermées dans des boîtes. Et cela pour plusieurs raisons: les prisonniers ne voulaient pas heurter les autorités politiques et mettre encore plus en danger nos frères de foi. Mais il faut admettre qu’il y avait aussi une sorte de réticence, et même chez certains membres de l’Eglise, à dénoncer ouvertement les persécutions subies sous le régime de Mao. Pendant de nombreuses années, le maoïsme a été exalté au-delà du raisonnable. Même ceux qui n’étaient pas d’accord n’ont pas eu le courage, ou la liberté intérieure, de se détacher du chœur idéologique, probablement pour ne pas être comptés parmi les réactionnaires.

Mais continuer aujourd’hui sur la voie du silence serait une erreur incompréhensible et impardonnable. Comme l’a souvent rappelé Jean-Paul II, nous avons le devoir de mémoire, particulièrement celle des martyrs du XXe siècle, de tous les martyrs, de quelque régime que ce soit, sans plus aucune réticence.

Les confesseurs et les martyrs de l’Eglise de Chine appartiennent à la chrétienté tout entière et il est de notre devoir, en plus que de notre droit, de présenter leurs témoignages pour qu’ils alimentent la foi des chrétiens du monde entier.

De plus, les victimes – ou, mieux, les protagonistes – de cette période de persécutions sont désormais en train de disparaître. Il n’y a vraiment plus aucune raison de continuer à se taire. Au contraire, j’espère que les jeunes prêtres et les fidèles chinois recueillent de la bouche des anciens les récits des souffrances et du martyre qui n’ont pas encore été enregistrés et dont on risque de perdre le souvenir pour toujours. Je pense que ce « recueil de la mémoire » est un service que les jeunes catholiques chinois peuvent rendre à notre Eglise, à notre Nation et à l’Eglise universelle.

Je me rends compte que ce livre, parmi les premiers dans son genre, recueille seulement une fraction des témoignages disponibles. Quoi qu’il arrive, la matière ici recueillie est d’une grande valeur humaine et spirituelle.

En tant qu’évêque de Hong Kong, je me dois particulièrement de faire remarquer la relation entre certains protagonistes de ce livre et l’Eglise de Hong Kong.

Le père François Tan Tiande a connu trente années très dures de travaux forcés, marqués par le froid (jusqu’à – 40°), la faim et la dépression. Il est très connu et porté en estime par les catholiques de Hong Kong. Nombre d’entre eux vont le voir non loin de là, à Canton. Nos fidèles sont toujours édifiés par sa force et par la sérénité qui ressort de manière si claire dans son journal intime publié dans ce livre.

Le père Jean Huang a été prêtre dans le diocèse de Hong Kong. […] Il a vécu vingt-cinq terribles années dans un camp de travail au nord de la Chine, à des températures glaciales. Outre le fait d’être prêtre, son grand tort a été d’être le fils d’un petit propriétaire terrien. Pendant la Révolution Culturelle, l’usine où il fut envoyé pour des travaux forcés était devenu un enfer: désespérés, plus de mille détenus se sont suicidés […]

Les protagonistes de la « marche de la mort », un chemin de croix très douloureux, étaient des moines de la trappe de Notre-Dame de la Consolation, située à Yangjiaping, dans la province de Hebei, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Pékin. A Hong Kong, sur l’île de Lantau, nous recevons le don de la présence d’autres moines venant de la trappe de Notre-Dame de Liesse, toujours dans la province de Hebei, à son tour frappée par la folie de la persécution. Le témoignage des trappistes de Yangjiaping alimente le souvenir d’un des actes de cruautés les plus atroces accomplis par les communistes contre la communauté catholique.

Les autres témoignages de ce recueil sont tout aussi importants: celle du père Li Chang, qui a également étudié au séminaire de Hong Kong, originaire de la proche province de Guangdong, et de Gertrude Li, dont l’autobiographie nous est parvenue dissimulée dans les chaussures d’un missionnaire.

L’éditeur m’a également demandé d’ajouter à cette introduction un témoignage personnel, direct. Je suis né à Shanghai, mais j’ai quitté ma ville natale en 1948, avant la montée au pouvoir du parti communiste, dans la mesure où le noviciat des salésiens, auxquels j’appartiens, se trouvait à Hong Kong. Personnellement, grâce à Dieu, je n’ai donc pas été une victime directe du régime. Mais je connais bien les souffrances infligées à l’Eglise de ma ville natale.

L’épisode le plus révélateur a eu lieu en ce tragique 8 septembre 1955, quand, au cours d’une gigantesque rafle, la police arrêta des centaines de catholiques, des évêques aux prêtres, des catéchistes aux fidèles membres d’associations, en particulier la Légion de Marie. Ils furent conduits au stade des courses de chiens. Là, l’évêque, l’héroïque Ignace Gong Pinmei – créé cardinal in pectore en 1979 alors qu’il était encore en prison –, au lieu de renier la foi, cria, entouré par l’émotion des catholiques rassemblés et le dédain des geôliers : « Vive le Christ roi, vive le pape ».

L’Eglise de Shanghai compte des dizaines et des dizaines de confesseurs de la foi: prêtres, religieux et laïcs morts en prison suite à des mauvais traitements et à cause de la faim. Beaucoup de prêtres de Shanghai étaient des Jésuites, du fait de la présence très ancienne de la Compagnie de Jésus dans ma ville. Les deux évêques actuels du diocèse, Louis Jin et Joseph Fan, sont aussi des Jésuites.

Une famille, du nom de Zhu, était particulièrement connue des catholiques de Shangai. Son histoire a ému le monde entier. La mère, Martine, était veuve et avait huit enfants, dont quatre étaient devenus prêtres jésuites. A l’exception de Michel, qui se trouvait à Rome auprès de la curie générale, tous furent emprisonnés le 8 septembre: le plus âgé, François Xavier, était même déjà aux condamné travaux forcés depuis deux ans. Martine, appelée « la douloureuse » par les catholiques de Shanghai, se rendit pendant près de trois ans dans les prisons où étaient séquestrés ses enfants pour les voir. Elle parcourait des kilomètres à pied pour économiser les quelques centimes qui lui permettaient de leur apporter un petit quelque chose. Bien qu’insultée par les gardiens, elle encourageait chacun de ses fils à persévérer, à accepter volontiers les souffrances, à garder la foi en Dieu. Finalement, les fils furent transférés dans des camps de travail, dans des provinces lointaines. Pendant plus de vingt ans, Martine ne les revit plus. Ils ne furent seulement libérés qu’au début des années quatre-vingt. Sauf François-Xavier, mort en prison en 1983.

Une autre figure remarquable a été le père jésuite Beda Zhang, une personnalité très connue à Shanghai, un des premiers à avoir été arrêté. Le gouvernement espérait le convaincre à encourager les catholiques à se séparer de l’Eglise et du pape. Il a subi toutes sortes de pressions. Quand il était clair qu’il ne se serait jamais laissé convaincre, ils firent appel à la violence et à la torture. Les détenus situés à proximité de sa cellule l’entendaient souvent invoquer les noms de Jésus, Marie et Joseph, puis n’entendaient plus que des gémissements. Au terme de 94 jours de détention, le père Beda mourut: il fut le premier martyr de notre Eglise de Shanghai.

Que de souvenirs de mes frères salésiens! Ces étrangers ont été expulsés, même s’ils n’étaient en rien des « ennemis du peuple », au contraire, ils étaient humbles, dédiés généreusement à leur mission. Et combien de frères innocents ont été menés comme des brebis à l’abattoir, vers de longues et déchirantes détentions!

Parfois, on me demande si l’Eglise en Chine est encore persécutée de nos jours. Ce n’est pas facile de répondre à cette question par une courte phrase car, comme on sait, la situation est très complexe. Le régime communiste, responsable des souffrances décrites dans ce livre, est encore au pouvoir; bien qu’ayant rejeté la politique radicale du maoïsme, il n’a jamais demandé pardon pour les violences infligées aux croyants et aux très nombreux autres Chinois innocents. Du point de vue politique, la dernière cause de persécution des chrétiens est encore bien en place: le système du parti unique, qui gouverne le pays sans interruption depuis presque soixante ans, sans mandat et contrôle du peuple, sans démocratie.

Si les persécutions systématiques et à grande échelle de l’époque Mao n’existent certainement plus, la souffrance de l’Eglise est cependant loin de cesser. Les communautés et les évêques de l’Eglise officielle ou « ouverte », c’est-à-dire reconnue par le gouvernement, sont l’objet de contrôles, d’interférences, d’abus et de tourments permanents. Les communautés de l’Eglise officielle et ses leaders ne sont donc pas du tout libres, comme il semblerait à un observateur superficiel. Les communautés « clandestines » ou « souterraines », qui refusent de juste droit de se soumettre à la politique religieuse du gouvernement, font l’objet d’abus et de violences permanentes, si bien qu’il n’est alors pas exagéré de parler de persécution.

Je dois malheureusement encore dénoncer le fait que des dizaines d’évêques, prêtres et laïcs sont détenus à domicile ou confinés. On n’a même plus de nouvelles de six évêques depuis maintenant plusieurs années. Je voudrais mentionner en particulier l’évêque Jacques Su Zhimin, du diocèse de Baoding, dans le Hebei, disparu depuis environ dix ans, ainsi que de son auxiliaire, François An Shuxin, sans nouvelles depuis neuf ans. [...]

Moi aussi, comme les protagonistes de ce livre, je me suis interrogé plusieurs fois sur les raisons de toute cette souffrance et cette violence. Notre foi en Dieu, même si elle ne nous semble pas donner des réponses immédiates, reste l’unique moyen de garder l’espérance et la force. Au moment d’écrire ces pages, j’ai lu la très belle catéchèse que Benoît XVI a offerte aux fidèles le mercredi 23 août 2006.

Commentant l’Apocalypse, le Saint-Père affronte le drame de la persécution des disciples du Christ avec son incomparable profondeur. Je voudrais conclure ma présentation par les paroles mêmes du pape:

« L’histoire reste indéchiffrable, incompréhensible. Personne ne peut la lire. Ces pleurs de Jean devant le mystère de l’histoire si obscur expriment peut-être le sentiment des Eglises asiatiques déconcertées par le silence de Dieu face aux persécutions auxquelles elles étaient exposées à cette époque. C’est un trouble dans lequel peut bien se refléter notre effroi face aux graves difficultés, incompréhensions et hostilités dont souffre également l’Eglise aujourd’hui dans diverses parties du monde. Ce sont des souffrances que l’Eglise ne mérite certainement pas, de même que Jésus ne mérita pas son supplice. Celles-ci révèlent cependant la méchanceté de l’homme, lorsqu’il s’abandonne à l’influence du mal, ainsi que le gouvernement supérieur des événements de la part de Dieu. [...] L’Apocalypse de Jean, bien qu’imprégnée par des références continues aux souffrances, aux tribulations et aux pleurs – la face obscure de l’histoire –, est tout autant imprégnée par de fréquents chants de louange, qui représentent comme la face lumineuse de l’histoire. [...] Nous nous trouvons ici face au paradoxe chrétien typique, selon lequel la souffrance n’est jamais perçue comme le dernier mot, mais considérée comme un point de passage vers le bonheur ».

Oui, c’est vraiment ainsi: les pages que vous allez lire ne sont pas avant toute chose des pages de souffrance et de douleur; elles sont aussi, et surtout, des pages de joie. Avec tant d’autres, je peux confirmer moi aussi les mots du Saint-Père. De nombreux évêques, prêtres et fidèles que j’ai rencontrés lors de mes longs séjours en Chine, étaient des personnes heureuses et sereines, malgré les très longues périodes de détention. Personne ne pourra nous priver de la joie et de la beauté d’être des disciples de Jésus.

Hong Kong, le 27 août 2006

__________

Le livre:

« Il libro rosso dei martiri cinesi. Testimonianze e resoconti autobiografici [Le livre rouge des martyrs chinois. Témoignages et textes autobiographiques]« , sous la direction de Gerolamo Fazzini, préface du cardinal Joseph Zen, Editions San Paolo, Cinisello Balsamo, 2006, 274 pages, 16 euros.

__________

La note de protestation du Saint-Siège pour l’ordination illégitime d’un évêque en Chine, datée du 30 novembre 2006:

> « La Santa Sede si sente in dovere… » __________Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France

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19.1.2007 

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BENOIT XVI BETE DE SOMME

22 janvier, 2007

BENOIT XVI BETE DE SOMME

du site:

http://www.france-catholique.fr/archi/articles/article2005ben7.html

par le Père Jean-François THOMAS, s.j. Comme le cardinal Josef Ratzinger le raconte, en conclusion de son ouvrage “Ma Vie, Souvenirs ( 1927-1977) » (1), parmi les symboles de ses armoiries épiscopales, figure l’ours que l’évêque saint Corbinien força à porter la charge de son cheval, que la bête avait tué, jusqu’à Rome. Le cardinal théologien explique alors, dans son attachement à saint Augustin, comment ce dernier se considérait comme un « iumentum », une bête de somme, ployant sous la charge épiscopale. Comme le célèbre Père de l’Eglise, et comme l’ours de saint Corbinien, le cardinal allemand se considère comme le mulet chargé du joug de Dieu, près de son Maître, et ceci pour toujours. Il terminait en ignorant non seulement quand il obtiendrait son congé de
la Ville éternelle, mais que, jusqu’à la fin de sa mission, il resterait la bête de somme du Seigneur.
Le Saint-Esprit et le collège des cardinaux, en le conduisant sur la chaire de saint Pierre, le confirme dans cette tâche de portefaix. L’humble génie du cardinal Ratzinger, sa persévérance à porter des poids que ses plus acharnés critiques auraient bien du mal à soulever même à plusieurs, continueront à habiter le pape Benoît XVI. Les attaques mesquines et injurieuses dont il est sans cesse l’objet, au sein même d’une partie du clergé, des « intellectuels » et de la presse catholique, n’ébranleront point ce roc institué par le Christ. Comme cela fut aussi le cas durant le pontificat du pape Jean-Paul II, les essais, manipulateurs ou naïfs, de classer le Souverain Pontife, l’ancien et le nouveau, dans le parti des conservateurs rigides (l’adjectif suivant nécessairement le substantif), risquent bien d’être aussi vides que des bulles de savon éclatant au soleil de la vérité. Vouloir expliquer le parcours de la « Bête de somme », du progressisme de l’époque conciliaire à une attitude réactionnaire de plus en plus marquée à partir des années soixante-dix, serait vain. Le même reproche avait atteint d’autres théologiens éminents, comme les cardinaux Henri de Lubac et Hans Urs von Balthasar. Les revirements ne sont pas le pain quotidien d’esprits aussi éminents. Il serait plus fructueux de déceler en quoi la continuité, éclairée en permanence par de nouveaux acquis et par une connaissance de plus en plus approfondie de l’héritage du passé, est en fait la lame de fond.Ceci transparaît constamment dans les divers écrits du cardinal Ratzinger, d’abord comme théologien professeur, puis comme archevêque, et puis enfin comme préfet de
la Congrégation de
la Doctrine de
la Foi. Une preuve, parmi beaucoup d’autres, en est le chapitre sur le bilan de l’époque post Vatican II dans l’ouvrage « Les Principes de
la Théologie Catholique. Esquisses et Matériaux ». (2) Seule une vue macroscopique de l’Histoire peut conduire à une analyse objective des résultats d’un concile. En attendant, la vision microscopique, lorsque l’événement est encore trop proche de nous, est seule possible. Et le Cardinal de citer, par exemple, la réaction de saint Grégoire de Nazianze appelé par l’empereur à participer à une seconde session du Concile de Constantinople en 382 :  » Pour dire la vérité, je considère qu’on devrait fuir toute assemblée d’évêques, car je n’ai jamais vu aucun Concile avoir une issue heureuse ni mettre fin aux maux », ou encore saint Basile de Césarée, ami du précédent, parlant de façon encore plus sévère du  » vacarme indistinct et confus », et de la « clameur ininterrompue qui remplissait toute l’église » lors du même Concile. Et à y regarder de près, le constat est valable pour tous les conciles sans exception. Ce qui importe est le bilan dans une vision large et distante, bilan qui subsiste malgré les manifestations inévitables de crise, mais bilan qui n’est rendu possible que par l’analyse critique et sans complaisance des « facteurs négatifs incontestables très graves et dans une grande mesure inquiétants ». Celui qui essaie de mettre à plat de telles conclusions « est vite taxé de pessimisme et exclu par là du dialogue. Mais il s’agit ici tout simplement de faits empiriques, et se trouver dans la nécessité de le nier dénote déjà non plus un simple pessimisme mais un désepoir secret. »
A chaque fois qu’il aborde un problème théologique dans la crise contemporaine, le cardinal Ratzinger l’éclaire par l’histoire passée, analyse les causes de l’évolution et propose toujours une vraie réponse à apporter dans la lumière de
la Tradition. Lorsque par exemple il souligne que sur le Concile Vatican II « a soufflé quelque chose de l’ère-Kennedy, quelque chose de l’optimisme naïf du concept de la grande société », ce n’est point pour le rejeter mais pour en purifier l’application. Ce qui est lumière ne peut être approché et appréhendé que par la vision macroscopique : « Il est nécessaire, écrit-il, de redécouvrir la voie de lumière qu’est l’histoire des saints, l’histoire de cette réalité magnifique où s’est exprimée victorieusement au long des siècles la joie de l’Evangile ». Il n’est donc pas étonnant qu’il ait tellement souligné la présence des saints dans l’homélie de
la Messe de son intronisation, invitant ainsi à une foi non pas triomphaliste mais rayonnante et courageuse, bien loin des peureux et lâches repliements que certains attribuent à tort au Concile Vatican II. Aussi refuse-t-il les enthousiasmes simplificateurs qui trahissent la réalité en refusant de la regarder en face et qui font fi de l’histoire et de
la Tradition. Rien n’est donné a priori comme lumière sans effort de notre part. Tout dépend « des hommes qui transforment la parole en vie ». Nous ne sommes plus ici au sein d’une lutte de chapelles entre dits progressistes et conservateurs. Ce qui importe est qu’il y ait des bêtes de somme fidèles, non récalcitrantes, qui se donnent totalement dans l’humble tâche, sans peur des coups et des mauvais traitements.
Benoît XVI a crié, dés le début de son pontificat sur la place Saint Pierre, que « l’Eglise est vivante ». Il vaut la peine d’être à sa suite, un mulet, un ours, une bête de somme, pour maintenir cette vie, l’enrichir et la transmettre au monde en état de déréliction. 

Jean-François Thomas S.J, Manille 
(1) Fayard, 1998 p.142-144
(2) Téqui, 1982, p.410 et suivant 
www.monde-catholique.com/forum   www.tousenligne.com  http://leclerc.gerard.free.fr 

La mort de l’abbé Pierre, l’insurgé de Dieu

22 janvier, 2007

Il me semble juste et bon commémorer la personne de l’Abbé Pierre, je report l’article qui me plaît de plus et qu’il le reporte avec plus tendresse, sur le journal on line vous pouvez découvrir de autre, ancre se je pense que vous avez déjà écouté en télévision ou dans les journaux quotidiennes la notice et le commentaire (e la memoire), du site:    http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2292700&rubId=788 La mort de l’abbé Pierre, l’insurgé de Dieu

L’abbé Pierre est décédé, lundi 22 janvier, à l’âge de 94 ans, à l’hôpital parisien du Val-de-Grâce où il était hospitalisé depuis le 14 janvier. Fondateur de la première communauté Emmaüs, l’auteur de l’appel de l’hiver 1954 a consacré sa vie au combat contre les souffrances et les exclusions


 

L’abbé Pierre en août 2005, alors qu’il fêtait ses 93 ans (photo Laban-Mattei/AFP).

Pour entrer dans la minuscule cellule de l’abbé Pierre, mieux valait se faire mince. Depuis qu’il était venu se retirer à l’abbaye bénédictine de Saint-Wandrille le fondateur des chiffonniers d’Emmaüs avait tant entassé de livres, de dossiers et d’objets de récupération que sa porte ne pouvait plus que s’entrebâiller. «Je suis l’inventeur du style Louis-caisse !» avait-il coutume de lancer, malicieux, à ses visiteurs éberlués par ce capharnaüm. Puis il se recueillait quelques minutes avant de parler de sa voix sonore, celle-là même qui, au cours de l’hiver 1954, avait lancé «l’insurrection de la bonté» contre le scandale des sans-logis.À cette époque-là, celui qui de son vrai nom s’appelle Henri Grouès n’est déjà plus tout à fait un inconnu. La guerre, et surtout
la Résistance, lui ont forgé une renommée. Nous sommes dans l’Isère, en 1942. Les juifs sont pourchassés et l’abbé Grouès leur ouvre la porte de son presbytère.
Un jour, il rencontre le frère du général de Gaulle, paralysé, qu’il aide à gagner
la Suisse en le portant sur son dos.
La Gestapo le pourchasse. Il «monte» alors à Paris où il participe au Conseil national de
la Résistance. Début d’un destin exceptionnel que rien ne laissait présager.
 

Il entre chez les capucins  Qui aurait dit que cet enfant chétif, né en 1912 à Lyon, deviendrait ce batailleur têtu, toujours prêt à sonner aux portes des puissants pour faire reculer un peu plus la misère ? À 19 ans, il découvre saint François et prend une décision radicale : sa part du patrimoine familial offerte à diverses œuvres de charité, ce fils de bourgeois entre chez les capucins. « Aujourd’hui, Dieu doit rire dans sa barbe du tour qu’il m’a joué : je voulais la tranquillité et le silence des moines et il m’a propulsé dans le monde pour y vivre avec passion les choses les plus extravagantes. »L’abbé Pierre, en effet, aura été servi ! Des ors du Parlement où il sera, de 1945 à 1951, député MRP de Meurthe-et-Moselle, aux manifestations en tout genre où il usera ses brodequins, il mènera avec ferveur son combat, celui de la dignité de l’homme. En 1949, il fonde la première communauté Emmaüs. Deux ans plus tard, il construit des maisons d’urgence sur des terrains qu’il achète en Île-de-France. Sous sa pression, le gouvernement autorise les Caisses d’allocations familiales à consentir aux familles modestes des prêts pour financer leur logement.  

« Mes amis, au secours ! » Les compagnons, eux, fouillent les poubelles, ratissent les « décharges », à la recherche d’objets monnayables. L’abbé multiplie démarches et réunions pour alerter l’opinion publique. La lutte quotidienne pour le pain et le toit s’organise. Le déclic : ces funérailles de « honte nationale », en 1954, d’un enfant de 3 mois, mort de froid dans une carcasse de voiture, la nuit même où fut éludée la discussion au Sénat autour du projet présenté par l’abbé député. Un milliard, demandait-il, pour des logements d’urgence.L’hiver est rude : – 15°C à Paris. Le 1er février, une femme meurt boulevard de Sébastopol, au cœur de Paris. Dans sa main, elle tenait serrée une lettre d’expulsion de son logement. Alors, l’abbé Pierre lance sur les ondes de RTL son célèbre appel : «Mes amis, au secours ! Chaque nuit, ils sont plus de 200 recroquevillés sous le gel dans la rue, sans toit, sans pain ; beaucoup sont presque nus. Devant cette horreur, les « cités d’urgence », ce n’est plus assez urgent… »

L’Histoire retiendra cet appel du 1er février 1954 qui aussitôt déclenche une mobilisation générale, culminant en un gigantesque mouvement national de solidarité. Quelques jours plus tard, le Parlement vote pour le logement populaire des crédits dix fois supérieurs à ceux qu’il refusait un mois plus tôt. Avec ces 10 milliards, 12 000 logements seront bâtis dont la moitié existe toujours.  

Impossible de dresser la liste des luttes qu’il aura menées Le nom de l’abbé Pierre, jusque-là quasiment inconnu, franchit les frontières. Sollicité de partout, il s’épuise vite et doit être opéré à plusieurs reprises. Après un temps de convalescence, il entreprend une tournée de conférences au cours de laquelle il entre en contact avec les plus grands. Impossible de dresser la liste des luttes qu’il aura menées. Le petit homme à la cape et au béret ne doutait pas de son charisme. Et si les médias ne venaient à lui, c’est lui qui venait à eux…En 1984, il participe, au côté du Secours catholique et de l’Armée du salut, à la création de
la Banque alimentaire. «Nous réclamons plus que les surplus alimentaires, crie-t-il lors de la soirée de lancement, à Paris. Nous réclamons des paniers-repas de tous les restaurants de luxe qui sont pleins à craquer. Nous réclamons tous ces aliments qui doivent être légalement jetés aux ordures… »
Son combat pour la justice l’amène à défendre les immigrés sans papiers. Perclus de rhumatismes, il n’hésite pas à coucher sur l’esplanade du château de Vincennes, en 1993, au milieu de familles africaines réclamant d’être relogées dans Paris. En 1996, il est aux côtés des Africains grévistes de la faim dans les églises parisiennes de Saint-Ambroise et de Saint-Bernard.  

Il « incarnait le message et les valeurs de Jésus-Christ » Parce qu’un ami, Roger Garaudy, ancien député comme lui, est accusé d’antisémitisme et de révisionnisme à la suite de la publication, en 1995, de son ouvrage «Les Mythes fondateurs de la politique israélienne », l’abbé Pierre, sans avoir lu le livre incriminé, lui écrit son soutien. Les médias titrent aussitôt sur « la faute » de l’abbé Pierre. En juillet 1996, depuis l’abbaye bénédictine italienne où il se repose, l’abbé Pierre retire tout ce qu’il a dit et demande pardon à ceux qu’il a pu blesser. Dans une lettre «aux inconnus qui lui ont écrit pendant le cyclone», il évoque les haines qui se sont abattues sur lui : «Après avoir fait de moi presque une idole, soudain on me lynchait comme un suppôt de Satan.» Malgré cela, la majorité des Français lui maintenaient leur confiance : selon un sondage, en décembre 1996, pour 80 % des Français « l’abbé Pierre incarnait bien le message et les valeurs de Jésus-Christ ». Autre consécration à laquelle il avait longtemps résisté : le 19 avril 2001, il acceptait finalement les insignes de grand officier de
la Légion d’honneur, remis par le président Chirac à l’Élysée.
Mais s’il a reçu tous les honneurs, les vrais échanges, c’est avec ses compagnons d’Emmaüs qu’Henri Grouès les partage. « Si je deviens invalide, j’irai à la communauté qui se trouve à Esteville où vivent nos compagnons âgés ou infirmes. Et après ma mort, je rejoindrai Georges, le premier d’entre eux, et Mlle Coutaz, une sainte, qui a passé trente-neuf ans avec moi. Je serai enterré à leurs côtés, sous ce grand Christ, très beau, allongé sur les tombes, où l’on m’a gardé une place. »  Confidences inédites Ces dernières années, au fil de nombreux ouvrages, présentés à chaque fois comme « le » testament de l’Abbé , le vieil homme n’hésite pas à se livrer intimement, estimant sans doute qu’à 90 ans passés, il peut parler de tout. Ainsi en 2002, dans ‘‘Je voulais être marin, missionnaire ou brigand’’, il livre des confidences inédites, extraites de ses carnets d’adolescent et de novice. Notamment le tourment de son cœur, fasciné par un jeune garçon de son âge et qui « préfère souffrir consciemment d’un amour idéal qui lui est refusé », plutôt que « chercher une solution dans une amitié charnelle ». C’est surtout en 2005, dans ‘‘Mon Dieu… pourquoi ?’’ (Plon) que l’homme le plus aimé des Français provoque la surprise en confiant qu’il a « connu l’expérience du désir sexuel et de sa très rare satisfaction, mais cette satisfaction fut une vraie source d’insatisfaction car je sentais que je n’étais pas vrai ». Il aborde divers sujets polémiques, qu’il s’agisse de la sexualité des prêtres, de l’ordination des femmes, du mariage entre personnes du même sexe, de la papauté.Ces sujets croustillants volent alors la vedette à ce que l’abbé Pierre dit d’essentiel sur l’Eucharistie (« Je crois, sans chercher à me l’expliquer, que le Christ est mystérieusement présent dans l’hostie consacrée »), l’œcuménisme (« Que l’Église redevienne pleinement évangélique pour la réconciliation de tous les chrétiens dans l’unité ») ou sur Dieu : « Père, je vous aime plus que tout. Je ne supporte de vivre si longtemps que par cette certitude en moi : mourir est, qu’on le croit ou non, Rencontre. Trop de mes frères humains restent au bord de vous aimer. Pitié pour eux et pitié pour l’Univers. Père, j’attends depuis si longtemps de vivre dans votre totale présence qui est, malgré tout, Amour. » Claire LESEGRETAIN et Bertrand REVILLION

Retrouvez l’intégralité de l’article dans l’édition de
La Croix du mardi 23 janvier

A lire aussi sur la-croix.com : L’Abbé Pierre en dates (1912-2007) 

La mort de l'abbé Pierre, l'insurgé de Dieu dans Approfondissement abbepierre1

L’abbé Pierre en août 2005, alors qu’il fêtait ses 93 ans (photo Laban-Mattei/AFP). photo da le site

L’Osservatore Romano désormais distribué en France par « L’Homme Nouveau »

20 janvier, 2007

du Zenith: 

2007-01-19

L’Osservatore Romano désormais distribué en France par « L’Homme Nouveau »

ROME, Vendredi 19 janvier 2007 (ZENIT.org) – L’Osservatore Romano vient de confier la promotion en France de son édition hebdomadaire en langue française, aux Editions de L’Homme Nouveau.

L’Homme Nouveau est chargé de la recherche, de la promotion et de la gestion des abonnements de l’édition française du journal du Saint-Siège, en France.

« La mission qui nous est confiée honore L’Homme Nouveau. Fiers d’être catholiques romains, nous sommes heureux de nous mettre ainsi au service du porte-parole du Saint-Père », précisent les Editions de l’Homme Nouveau dans un communiqué.

L’Osservatore Romano a été créé par des laïcs en 1861 pour défendre Rome et le pape. A partir de 1885, le journal est devenu l’organe d’information du Saint-Siège. Créée en 1949, l’édition hebdomadaire en langue française assure la fonction de pont entre Rome et l’Eglise dans le monde francophone et francophile. Elle offre une mine de documents et d’informations sur le pape, les évêques et la vie de l’Eglise universelle. Son directeur est Jean-Michel Coulet.

Les Editions de L’Homme Nouveau, créées en 1946 sous forme de société coopérative indépendante (un millier d’associés) et dirigées par Denis Sureau depuis six ans, publient le journal bimensuel L’Homme Nouveau (12 000 abonnés), dont le rédacteur en chef est Philippe Maxence. Elles éditent également des livres, dont « L’Enquête sur l’Esprit de la liturgie », publié en 2002 à la demande expresse du cardinal Joseph Ratzinger, qui lui a donné une préface.

Contact presse : Denis Sureau 01 48 76 72 91,
osservatore-romano@hommenouveau.fr

Le Programme alimentaire mondial salue l’action du pape et de l’Eglise contre la faim

16 janvier, 2007

 du Zenith:

2007-01-15 

 Le Programme alimentaire mondial salue l’action du pape et de l’Eglise contre la faim 

Une audience privée au directeur du Pam, M. Morris ROME, Lundi 15 janvier 2007 (ZENIT.org) –

Le Programme alimentaire mondial (PAM) salue l’action du pape et de l’Eglise. Benoît XVI a reçu en audience privée M. James Morris, directeur du Programme alimentaire mondial, l’organisme chef de file des Nations Unies pour la lutte contre la faim dans le monde. On se souvient que Benoît XVI avait appelé à une mobilisation contre la faim dans le monde lors de l’audience accordée la semaine dernière aux ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège (Zenit du 8 janvier). On estime à 850 millions le nombre des personnes souffrant de la faim dans le monde. « Le scandale de la faim, qui tend à s’aggraver, est inacceptable », avait déclaré Benoît XVI qui place parmi les « questions essentielles » du monde d’aujourd’hui la situation des « millions de personnes », spécialement les « femmes et les enfants, qui manquent d’eau, de nourriture, de toit ».

« Je veux remercier Sa Sainteté pour son engagement personnel quotidien, ainsi que pour celui de l’Eglise catholique, pour les pauvres et les désespérés du monde », a déclaré à la presse M. Morris à l’issue de l’audience.

Il a rappelé « l’aide extraordinaire apportée au PAM par les organisations catholiques dans le monde ».

Parmi les partenaires catholiques du PAM, se trouvent
la Caritas, le « Catholic Relief Services », les Filles de
la Charité, le Service jésuite des Réfugiés,
la Commission internationale catholique des Migrations, et
la Communauté de Sant’Egidio.

« Le soutien spirituel, moral et matériel du pape Benoît XVI et de l’Eglise catholique représente, disait-il, une réelle espérance pour l’avenir de millions d’enfants. Je suis plein de gratitude pour leur bonne volonté, leur encouragement et spécialement pour le souci du Saint-Père pour les peuples vulnérables et en danger dans le monde. Son esprit nous motive tous ».

« Le monde développé, ajoutait-il, doit faire davantage pour plus de 850 millions de personnes qui n’ont pas assez pour se nourrir eux-mêmes ».

M. Morris a en particulier cité la situation terrible des enfants frappés par la faim et la malnutrition : 18.000 enfants meurent de faim chaque année, un chiffre multiplié par quatre en cas de catastrophe naturelle.

Benoît XVI avait notamment lancé un appel contre la faim dans le monde lors de l’angélus du dimanche 21 mai 2006, à l’occasion de l’initiative « le monde marche contre la faim » (« Walk the World »), lancée par le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, qui entend sensibiliser les gouvernements et l’opinion publique sur la nécessité d’une action concrète et rapide pour garantir à tous, en particulier aux enfants, la « liberté de la faim ».

« Je suis proche par la prière de cette manifestation qui se déroule à Rome et dans d’autres villes de quelque cent pays », affirmait le pape. 

encore un articule du journaliste Sandro Magister,

15 janvier, 2007

en particulier je voudrais remarquer – en connaissant les écrits de Pape Benoît - (surtout) ceux de lorsque il était Cardinal – sais qu’il écrit de la profondeur de la connaissance des témoins et, surtout, de l’intérieure fidélité à Dieu et à la grande humilité, à la sagesse et à la honnêteté même intellectuelle – qu’il écrira avec les menthes et avec l’esprit, il nous attend un livre précieux, quelque chose qui arrive de la profondeur d’un coeur fidèle à Dieu et de la « sagesse », où les deux choses se sont intimement liées dans une harmonie où il n’y elles ont pas des fausse note né des erreurs ; en somme s’il y a quelqu’un qui peut nous parler vraiment de Dieu est le Pape, et il le fait

°°°°°°°°°°°°

l’article:

La prochaine bataille pour et contre Jésus sera engagée à coup de livres
Et le nouveau livre annoncé et lancé par Joseph Ratzinger sera le succès de librairie de l’année. En voici la préface en cinq langues

par Sandro Magister
 

 encore un articule du journaliste Sandro Magister,  dans article

ROMA, le 15 janvier 2007 – Son livre sur Jésus a été annoncé fin novembre et sera en vente au printemps, mais Benoît XVI prêche presque toutes les semaines le protagoniste de son livre: Jésus “vrai Dieu et vrai homme”. Il semble que pape Joseph Ratzinger soit déjà engagé dans la campagne de lancement. L’année passée, il fit la même chose pour l’encyclique “Deus caritas est”. Avant la publication, il en parla à plusieurs reprises dans le but d’illustrer son contenu, augmentant chaque fois l’attente.La dernière fois que Benoît XVI parla de son futur livre sur Jésus fut à l’audience générale de mercredi 3 janvier.Parlant de Noël, le pape a attiré l’attention sur le “pouvoir des ténèbres qui tente d’obscurcir la splendeur de la lumière divine”. Et il dit: “C’est le drame du refus du Christ qui, comme par le passé, se manifeste et s’exprime, malheureusement, aujourd’hui aussi de plusieurs façons. Il se peut même que les formes de refus de Dieu de l’époque contemporaine soient plus sournoises et dangereuses: du rejet net à l’indifférence, de l’athéisme scientiste à la présentation d’un Jésus soi-disant modernisé ou postmodernisé. Un Jésus homme, réduit dans une façon différente à un simple homme de son temps, privé de sa divinité ou bien un Jésus tellement idéalisé qu’il semble parfois être un personnage d’un conte de fée”.À ce faux Jésus le pape oppose le “vrai Jésus de l’histoire”, le Jésus qui est “vrai Dieu et vrai homme, et qui ne se lasse pas de proposer son Évangile à tous” et devant lequel “on ne peut rester indifférent. Nous aussi, chers amis, devons prendre parti tout le temps”, ne pas le refuser mais l’accueillir, sachant qu’“ à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu” (Jean 1, 12).* * *
Le choix que Benoît XVI fait entre le faux et vrai Jésus est donc le même qui, selon lui, se profile entre les livres qui réduisent Jésus à un simple homme et ceux qui le racontent dans sa vérité humaine et divine.
Parmi les livres contemporains qui appartiennent au “pouvoir des ténèbres”, le pape pense surtout à un qui a vendu en quelques mois un demi-million d’exemplaires, intitulé “Inchiesta su Gesù. Chi era l’uomo che ha cambiato il mondo [Enquête sur Jésus. Qui était l’homme qui a changé le monde]”.Les auteurs du livre sont Corrado Augias, un agnostique qui est journaliste, écrivain et éditorialiste du grand quotidien “liberal” italien “la Repubblica”, et Mauro Pesce, un catholique qui est professeur de l’histoire de l’Église à l’université de Bologne, spécialiste des textes du christianisme primitif.Selon la thèse de ce libre, “tout ce que professe la foi chrétienne au sujet de Jésus est faux”. C’est du moins ce qu’a déclaré le père Giuseppe De Rosa dans sa recension de l’œuvre d’Augias et Pesce parue dans “La Civiltà Cattolica”, la revue des jésuites de Rome publiée sous la houlette et avec l’autorisation de la Secrétairerie d’État du Vatican.
Une autre recension sévère du livre a été publiée dans le quotidien des évêques italiens “Avvenire”, signée par le père Raniero Cantalamessa, 72 ans, spécialiste des origines chrétiennes et, depuis 1980, prédicateur de la Maison pontificale, c’est-à-dire celui qui donne une méditation, chaque semaine en Avent et en Carême, au pape et à la curie vaticane.Si Benoît XVI n’a pas encore explicitement cité le livre d’Augias et Pesce, ces deux importantes recensions à elles seules suffisent à faire comprendre qu’il est considéré au Vatican comme le texte ultime et plus représentatif de cette attaque contre la foi chrétienne qui depuis deux siècles a en Jésus sa cible.L’imminente publication du livre de Joseph Ratzinger / Benoît XVI – signé ainsi parce qu’il a été écrit avant et après son élection à la papauté – veut précisément opposer précisément le Jésus authentique au faux Jésus “modernisé ou postmodernisé ».

On peut facilement prévoir que le livre du pape sera un grand succès de librairie, en Italie et dans le reste du monde.

Mais plus qu’une guerre éditoriale, ce qui s’annonce, c’est une nouvelle phase dans l’éternel affrontement entre accueil et refus qui a toujours eu en Jésus son “signe qui provoquera la contradiction afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées” (Luc 2, 34-35, cité dans l’audience de mercredi 3 janvier).

Cela justement fait présager la préface que Benoît XVI écrira pour son libre dont le titre sera: “Jésus de Nazareth, Du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration”, le premier de deux tomes, dont le deuxième aboutira à la Résurrection.

En rendant publique en avance la préface, le pape a donné un autre coup à la campagne de lancement du livre et dans la bataille pour et contre Jésus.

Voici l’hyperlien à la préface originelle en allemand:

> “Meiner Auslegung der Gestalt Jesu im Neuen Testament…” Et notre traduction en français:”Mon interprétation de la figure de Jésus dans le Nouveau Testament…”par Joseph Ratzinger / Benoît XVI Je suis arrivé au livre sur Jésus, dont je présente maintenant la première partie au public, après un long cheminement intérieur.Au temps de ma jeunesse dans les années trente et quarante une série de livres enthousiasmants furent publiés sur Jésus. Je me rappelle le nom de quelques-uns de ces auteurs: Karl Adam, Romano Guardini, Franz Michel Willam, Giovanni Papini, Jean Daniel-Rops. Dans tous ces libres, on avait tracé l’image de Jésus Christ à partir des Évangiles: comment Il vécut sur terre et comment, tout en étant complètement homme, Il amena en même temps Dieu aux hommes, avec lequel, en tant que Fils, il n’est qu’une seule et même chose. Ainsi, à travers l’homme Jésus, Dieu devint visible et à partir de Dieu on a pu voir l’image de l’homme juste.La situation commença à changer dans les années cinquante. La rupture entre le “Jésus historique” et le “Christ de la foi” s’aggrava et l’un s’éloigna visiblement de l’autre. Mais que signification peut avoir la foi en Jésus Christ, en Jésus Fils du Dieu vivant, si en définitive l’homme Jésus était si différent de celui présenté par les évangélistes et de celui annoncé par l’Église à partir des Évangiles?

Le progrès dans la recherche historico-critique apporta des distinctions de plus en plus subtiles entre différentes couches de la tradition. En arrière-plan, la figure de Jésus, sur laquelle s’appuie la foi, devint de plus en plus incertaine et prit des contours de moins en moins définis.

En même temps, les reconstructions de ce Jésus, que l’on devait chercher derrière les traditions des évangélistes et leurs sources, devinrent de plus en plus contradictoires, en allant du révolutionnaire ennemi des Romains qui s’oppose au pouvoir en place et qui naturellement échoue au doux moraliste que tout permet et qui inexplicablement finit par causer sa propre perte.

Qui lit de certain nombre de ces reconstructions l’une après l’autre constate tout de suite qu’elles représentent davantage des projections des auteurs et de leurs idéaux que la mise à nu d’une icône qui est devenue confuse. Entre-temps, bien que la méfiance envers ces images de Jésus se soit accrue, la figure de Jésus s’est pourtant éloignée davantage de nous.

Toutes ces tentatives ont cependant laissé derrière comme dénominateur commun l’impression que nous connaissons très peu qui est certain de Jésus et que seulement plus tard la foi dans sa divinité a modelé son image. Entre-temps, cette impression est pénétrée profondément dans la conscience commune de la chrétienté.

Une telle situation est dramatique pour la foi parce qu’elle rend incertain son authentique point de repère; l’intime amitié de Jésus, d’où tout dépend, risque de se débattre dans le vide.

* * *
J’ai ressenti le besoin de donner aux lecteurs ces indications méthodologiques parce qu’elles déterminent le parcours de mon interprétation de la figure de Jésus dans le Nouveau Testament.
Pour ma présentation de Jésus, cela signifie avant tout que j’ai confiance dans les Évangiles. Naturellement, j’accepte comme vrai ce que le Concile et l’exégèse moderne disent au sujet des genres littéraires, sur l’intentionnalité des affirmations, sur le contexte communautaire des Évangiles, et sur le fait qu’ils parlent dans ce contexte vivant. En acceptant, dans la mesure que cela m’était possible, tout cela, j’ai voulu faire une tentative de présenter le Jésus des Évangiles comme le vrai Jésus, comme le “Jésus historique” dans le vrai sens de l’expression.Je suis convaincu et j’espère que le lecteur puisse s’en rendre compte, que cette figure est beaucoup plus logique et, du point de vue historique, aussi plus compréhensible que les reconstructions que nous avons dû affronter dans les dernières décennies.J’estime que ce Jésus

LES PAROLES DE LA DOCTRINE par l’Abbé Nicola Bux et l’abbé Salvatore Vitiello –

14 janvier, 2007

j’ai trouvé cette réflexion sur le sité que je cite, semble toujours de savoir ces choses, pourtant, il me semble qu’il est  que nous nous les devons souvent répéter, du site:

http://www.fides.org/aree/news/newsdet.php?idnews=8351&lan=fra

VATICAN – LES PAROLES DE LA DOCTRINE par l’Abbé Nicola Bux et l’abbé Salvatore Vitiello – Eléments fondamentaux de la liturgie romaine (I) : la participation

Rome (Agence Fides) – Chez les prêtres et les « laïcs engagés », s’est répandue l’idée que la participation active à la liturgie consistait à faire entrer dans l’action le plus grand nombre possible de personnes, le plus souvent possible, en les amenant à tout chanter et à répondre à tout à haute voix, à changer de position à des moments différents, à recevoir la Communion, autrement la Messe ne serait pas valable, et bien d’autres choses encore. Il y a l’idée que tous les assistants soient des « fidèles parfaits », alors que, au contraire, ils sont mélangés, catéchumènes, repentis, et tous ceux qui cherchent Dieu, comme cela a toujours existé dans l’histoire de l’Eglise et de ses rites.
Mais la parole « action », qui se retrouve dans « participation » (participer à l’action), se réfère selon les sources liturgiques à la grande prière, « l’oratio » ou canon eucharistique : en résumé, participer veut dire prier. Cela semble une chose évidente : si la liturgie n’était pas une prière, que serait-elle ? Une récitation, un spectacle d’acteurs et de spectateurs. Il arrive souvent de voir que le prêtre et les fidèles, quand ils prient, et quand ils « participent », ont, physiquement, leur regard qui fait le tour de l’assemblée, et donc distrait et non pas tourné vers le Seigneur.

Les paroles du prophète reviennent en mémoire : « ce peuple est près de moi en paroles et me glorifie de ses lèvres, mais son cœur est loin de moi » (Is 29, 13). Mais nous parlerons ensuite de l’orientation de la prière. Notons ceci : « La définition de l’Eucharistie comme ‘oratio’ fut ensuite une réponse fondamentale pour les païens et pour les intellectuels en recherche. Par cette expression, on disait en effet à ceux qui étaient en recherche : les sacrifices d’animaux, et tout ce qui existait et existe chez vous et qui ne peut satisfaire personne, ont été supprimés. A leur place, il y a maintenant le sacrifice-parole. Nous sommes la religion spirituelle, où se déroule le culte divin rendu par le moyen de la parole ; on ne sacrifie plus des boucs et des veaux ; mais la parole est adressée à Dieu en tant qu’Il est Celui qui soutient notre existence, et cette parole s’unit à la Parole par excellence, au Logos de Dieu qui nous élève à l’adoration authentique » (J. Ratzinger, Introduzione allo spirito della liturgie », San Paolo 2001, p. 168)
Et ainsi, la forme de la liturgie, c’est-à-dire la Messe et les sacrements, est la prière : elle doit être restaurée également par rapport au contexte actuel de contact avec les hommes non croyants ou attirés par d’autres religions. La liturgie est l’œuvre de la prière, l’opus Dei, en un mot : le culte d’adoration publique et intégrale, qui naît de la certitude de la présence de Dieu que nous voulons connaître, entendre et nous efforcer d’atteindre.
La liturgie est l’acte le plus manifeste du sens religieux : le culte est un acte qui « cultive » (de « colere ») ce qui est important, analogue à tout ce qui amène à faire de la culture, parole qui a la même racine. Nous voyons Dieu qui est invisible, dans les signes visibles qu’il opère ; Il parle, nous en faisons l’expérience. La liturgie est l’expérience de Dieu : nous Le découvrons, nous L’aimons sans le voir, nous nous considérons comme étant son oeuvre, « par Lui nous avons été créés » ; Il est en nous et nous sommes en Lui. Il est fort et nous sommes faibles. Il est puissant et nous sommes impuissants. Il est esprit, et nous sommes corps. La liturgie sert à pour ramener à Dieu après le péché à nous convertir à Lui, à tourner vers Lui notre cœur, en ressentant la nécessité de prier, d’entrer en contact avec sa sainteté, à Lui qui est Celui qui est trois fois Saint, et à qui nous parlons comme un enfant à son Père.
Tout cela c’est la prière sans laquelle la liturgie n’existe pas : au contraire, la liturgie conduit à cette prière. Au sacrifice qui Lui plaît, pour chercher en toute chose ce qui Lui plaît, et rien ne Lui plaît plus que l’écoute de Son Fils et que l’offrande de Son Fils. La prière est faite de paroles, mais les paroles ne font pas la prière. La prière fait la vraie religion, la dévotion, la piété qui ressent sa Présence. La prière devient ainsi relation d’amour avec Dieu du plus profond du cœur, de la conscience.
Il ne faut pas beaucoup de paroles entre ceux qui s’aiment, ni beaucoup de gestes. Le regard contemplatif suffit : savoir qu’Il est à la porte du cœur, qu’il frappe et attend que notre liberté ouvre, pour entrer et manger avec nous : Il s’est donné Lui-même, à chacun d’entre nous. Pour recueillir tout cela, la liturgie a besoin absolument de silence ; pour entendre Dieu qui frappe, le bruit des passions doit cesser le bruit des passions. De cette manière, la liturgie exprime la vraie religion parce qu’elle « lie » à Dieu, nous « relie » à Dieu totalement, cache, comme le dit Saint Paul, ma vie en Lui : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20). Et ainsi, la participation à la liturgie naît de la conscience que seule Sa grâce suffit (2 Cor 12, 9).
(Agence Fides, 11 janvier 2007) 

L’affaire Wielgus et les raisons de sa démission – par le journaliste Sandro Magister

11 janvier, 2007

 du site, à la fin de l’article « Texte utile »:

http://www.chiesa.espressonline.it/dettaglio.jsp?id=110361&fr=y

L’affaire Wielgus et les raisons de sa démission

Il était le nouvel archevêque de Varsovie et Benoît XVI l’avait appuyé presque jusqu’au dernier moment, mais il a fini par lui donner l’ordre de démissionner. Beaucoup sont ceux qui ont déçu le pape, y compris  Vatican

par Sandro Magister

 L’affaire Wielgus et les raisons de sa démission - par le journaliste Sandro Magister dans articleROME, le 11 janvier 2007 – La “rezygnacja”, la renonciation prononcée par un Stanisław Wielgus en larmes dans la cathédrale de Varsovie dont il devait devenir le nouvel archevêque, le dimanche 7 janvier, n’a pas mis fin à la tempête qui secoue l’Église catholique en Pologne et à Rome, jusqu’à son pasteur suprême.Le 25 mai dernier, le premier jour de son voyage en Pologne, Benoît XVI était entré dans cette même cathédrale. Il s’était agenouillé sur la tombe de l’héroïque cardinal Stefan Wyszyński, le désignant comme un modèle pour tout le monde. Et aux évêques, au clergé et aux fidèles de Pologne, il avait demandé entre autres trois choses :– “humble sincérité” dans l’admission des erreurs du passé;

– magnanimité dans le jugement sur les fautes commise “en d’autres temps et dans d’autres circonstances”;

– fierté pour tout le bien accompli ces années-là en résistant au totalitarisme qui “générait l’hypocrisie”.

Mais aucune de ces trois consignes n’a été respectée dans les semaines fébriles entre la nomination et la démission de Wielgus.

* * *
L’ennemi extérieur a joué sa part dans “cette campagne contre l’Église en Pologne” a dénoncé le 7 janvier le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, un ennemi qui agit comme une « bizarre alliance entre ses ennemis d’hier et d’autres adversaires”.Mais les inimitiés au sein de l’Église ont aussi tourné au jeu de massacre.
On retrouve les vives campagnes de la station polonaise Radio Maryja (rien à voir avec la radio italienne du même nom), qui a souillé et accusé de collusion avec le régime communiste même cette figure de son renversement pacifique, Lech Wałęsa, pour ensuite défendre jusqu’au dernier moment l’archevêque Wielgus, grand protecteur de la station, contre ces mêmes accusations.Il y a les guerres entre factions catholiques, entre les intransigeants et les libéraux, à coup de documents de la “Służba Bezpieczeństwa”, la police secrète de l’ancien régime. Des kilomètres de pages entreposés maintenant dans les archives non plus secrètes de l’Institut de la Mémoire nationale, peut-être des ”copies de pages photocopiées trois fois” que l’on peut facilement agiter contre n’importe quelle personne, même innocente, a tonné l’ancien archevêque de Varsovie, le cardinal Józef Glemp, dans l’homélie marquant son départ et celui de son successeur raté Wielgus, aussi le 7 janvier.Il y a les professionnels de l’accusation comme ce père Tadeusz Isakowicz-Zaleski, lui aussi suspecté de collaboration, qui s’est fait le chasseur infatigable des coupables, avec la permission, à ses dires, de l’archevêque de Cracovie et ancien secrétaire de Jean Paul II, le cardinal Stanisław Dziwisz.

Paradoxalement, c’est justement Dziwisz et son entourage qui sont aujourd’hui au centre de la dernière vague d’accusations. Un d’eux est déjà tombé, le curé de la cathédrale de Cracovie Janusz Bielański, qui a donné sa démission le soir du 8 janvier.

D’autres nuages planent sur les intellectuels de “Tygodnik Powszechny”, l’historique hebdomadaire de Cracovie pour lequel a écrit Karol Wojtyła. Le printemps dernier, une de ses plumes les plus illustres, le père Michał Czajkowski, responsable de la commission pour le dialogue entre chrétiens et juifs, a été accusé d’avoir espionné contre rien de moins que le père Jerzy Popiełuszko, le prêtre martyr, avant que la police secrète ne l’enlève et le tue en 1984.

* * *
Mais ce n’est pas tout. L’actuel directeur de “Tygodnik”, père Adam Boniecki, qui a été ami personnel de Wojtyła et responsable de l’édition polonaise de l’ ”Osservatore Romano”, a dit:“Je ne sais pas qui, mais quelqu’un a désinformé pape Joseph Ratzinger. C’est sérieux et quelqu’un devra payer, en Pologne ou au Vatican”.
Ces mots, prononcés dans une entrevue au quotidien italien “la Repubblica” le jour de la démission de Wielgus, ont été repris avec grande évidence par ”Avvenire”, le quotidien de la conférence épiscopale italienne qui a une ligne directe avec le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone. Cela montre qu’au sommet de l’Église, la déception et l’irritation sont fortes pour la façon dont l’affaire s’est conclue.En effet, le coup de théâtre final – la renonciation par Wielgus seulement 40 heures après avoir formellement assumé ses fonctions d’archevêque de Varsovie – s’explique par un acte d’autorité de Benoît XVI en personne.Si au dernier moment, le pape, en imposant la démission, s’est décidé de renverser la ligne de conduite qu’il avait maintenue jusqu’en ce moment d’appui constant à Wielgus même comme nouveau chef du plus important diocèse de Pologne, c’est parce que des faits très sérieux l’ont convaincu.

* * *
Wielgus n’a pas toujours été dans le groupe de candidats pressentis à remplacer Glemp.Les trois candidats, que la congrégation pour les évêques, avec préfet le cardinal Giovanni Battista Re, examina avant l’été, étaient l’archevêque de Lublin Józef Mirosław Życiński, tête d’affiche du courant “libéral”, l’archevêque de Przemyśl et président de la Conférence épiscopale Józef Michalik et l’évêque de Tarnów Wiktor Skworc.
Toutefois, il y avait d’autres prétendants avec leurs respectifs partis, parmi eux l’évêque de Gdańsk, Tadeusz Gocłowski, un autre “libéral”, le curial Stanisław Ryłko, président du conseil pontifical pour les laïcs, et même le nonce du Vatican à Varsovie, Józef Kowalczyc, qui est responsable, entre autres, d’instruire les dossiers des candidats à évêque et de les transmettre à Rome.Trop de prétendants, aucun gagnant. Après l’été, l’impasse favorisa l’émergence d’un candidat de rechange, Wielgus, professeur et recteur de l’université catholique de Lubin jusqu’en 1999 et puis évêque du petit diocèse de Płock, docte spécialiste de la philosophe médiévale et, en même temps, un habitué de la station radio populiste, Radio Maryja.* * *
En 1978, Wielgus passa plusieurs mois à l’université de Munich, la ville allemande dont Ratzinger était à l’époque l’archevêque. C’est là où les deux se sont connus.S’il avait obéi à la police secrète qui lui avait délivré le passeport pour aller en Allemagne, le jeune professeur aurait dû, à sa rentrée en Pologne, remettre à la police une fiche d’information sur le futur pape.
Il n’y avait rien dans le dossier de Wielgus que le nonce transmit à Rome de son passé de collaborateur de la “Służba Bezpieczeństwa”. Pourtant, en Pologne circulaient des rumeurs sur des documents qui auraient pu le clouer au pilori.Au Vatican, on prit du temps pendant quelques semaines, mais personne ne sollicita ou n’obtint un supplément d’enquête pour étoffer le dossier.Le 6 décembre arriva l’annonce officielle de la nomination. Un mois plus tard, le préfet de la congrégation pour les évêques, le cardinal Re, avouait : “Lorsque monseigneur Wielgus a été nommé, nous ne savions rien de sa collaboration avec les services secrets”.

Il aurait pu dire: “Nous ne voulions rien savoir”, car ce n’est que le 2 janvier que la nonciature vaticane demanda à l’Institut de la Mémoire Nationale les documents concernant Wielgus.

Entre-temps, le 21 décembre, le pape en personne avait pris la défense du nouvel archevêque de Varsovie, en renouvelant sa “pleine confiance” en lui après avoir examiné ”toutes les circonstances de sa vie” et aussi, on l’a su plus tard, après l’avoir écouté encore une fois.

En public, Wielgus continuait à nier, mais le 3 et il 4 janvier les copies de documents qu’il avait signés pour la police secrète parurent dans les journaux polonais.

Le 5 janvier, Wielgus assuma néanmoins les fonctions d’archevêque de Varsovie et dit d’avoir informé le pape de ses erreurs avant sa nomination.

Le 6, fête de l’Épiphanie, il fit lire dans toutes les églises de Pologne un message dans lequel il admit finalement “d’avoir nui à l’Église” en collaborant avec la police, puis en niant cette collaboration. Toutefois, il insista à dire qu’il avait précédemment tout avoué au pape.

Le message de l’Épiphanie ne laissait pas présager une démission. Wielgus demandait aux fidèles de Varsovie de l’“accueillir” comme nouvel archevêque. “Je serai parmi vous comme un frère qui souhaite unir et pas diviser”. Il ajoutait seulement qu’il “ respecterai[t] la décision du pape, quelle qu’elle soit”.

Ce jour-là, avant la tombée de la nuit, l’ordre arriva: démission.

Au Vatican, les documents des services secrets étaient finalement arrivés, traduits en allemand. Interpellés un à un, les évêques polonais se sont prononcés majoritairement contre le nouvel archevêque.

Mais le pape avait été surtout déçu par le message que Wielgus avait fait lire ce matin-là dans les églises.

Benoît XVI n’avait jamais entendu préalablement ce qu’il y avait dans le message de l’homme dans lequel il avait placé tant de confiance, pour la Pologne catholique des grands Wyszyński et Wojtyła.

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