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Le Dieu-Nature de Spinoza et d’Einstein – Einstein, athée ou croyant ?

29 avril, 2014

http://hubertelie.com/old-version/Francais/Science-Nouvelle/Einstein-et-Dieu.htm

(Cet article semble intéressant, n’est pas que je peux dire que je suis d’accord avec les théories, entre autres choses je ne serais pas capable de le faire)

Le Dieu-Nature de Spinoza et d’Einstein

Einstein, athée ou croyant ?

Dans une émission télévisée de débat, un des invités a dit une chose sur Einstein que je ne savais pas. D’après ses propos, quand on demandait à Einstein s’il croit en Dieu, il répondait : « Dites-moi ce que vous entendez par Dieu, et je vous dirai si j’y crois ». Très sage attitude en effet, si ces propos qu’on lui prête sont exacts.
C’est le problème avec Albert Einstein (w) et d’autres. On dit tellement de choses sur lui, qu’on ne sait pas quels sont les propos réellement tenus et quels sont les extrapolations. Chacun tire la couverture de son côté, quand il s’agit d’un grand génie comme Einstein. Chacun veut avoir cette référence dans son camp. Les athées voient en lui un athée, et beaucoup de croyants voient en lui un exemple même du scientifique croyant, tout simplement parce qu’il parle de Dieu, ou en tout cas qui ne pense pas que Dieu et science soient incompatibles. Et d’autres encore décrivent Einstein comme un agnostique, c’est-à-dire quelqu’un pensant que le fond des choses est inconnaissable ou qu’on ne peut avoir connaissance certaine sur Dieu.
Le fait est que personne ne conteste qu’Einstein parlait souvent de Dieu, comme par exemple dans cette phrase qu’il prononça un jour : « Dieu ne joue pas aux dés (w) » qui est même le titre d’un article dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia. La simple vérité au sujet d’Einstein et de sa position par rapport à Dieu est celle-ci : s’il est athée, ce n’est ABSOLUMENT PAS un athée de l’espèce de Uno, d’Okomarac, ou encore de l’astrophysicien André Brahic (w). Et s’il est agnostique, cet agnosticisme est plus positif que celui de l’astrophysicien Hubert Reeves (w), qui pourtant est assez modéré, car il n’exclut pas la possibilité de l’existence de Dieu, mais ne parle de Dieu comme en parle Einstein. Et enfin si Einstein est un croyant, il n’est ABSOLUMENT PAS un croyant comme un rabbin ou comme le pape ! Et il est loin d’être un croyant comme le Fils de l’homme… Et c’est justement cette faille dans sa croyance qui a fait qu’il jamais pu faire une théorie comme la Théorie de l’Universalité, la Physique de l’Univers TOTAL, celle qui fait enfin découvrir l’Univers Fractal, l’Univers-Dieu.
Il faut croire en Dieu pour être capable de faire une Théorie de la Relativité (restreinte et générale) comme Einstein, il faut être animé d’une très forte intuition divine pour faire une théorie qui fait autant avancer la science dans la connaissance des profonds secrets de l’Univers. Ce genre de découverte peut très difficilement être apportée dans le monde par un scientifique à l’intuition divine plus faible comme Hubert Reeves, et c’est carrément IMPOSSIBLE pour un athée du genre d’André Brahic. Ou alors par le pur des hasards, et vraiment malgré lui !
En effet, on ne découvre que ce que l’on cherche, et il est beaucoup plus facile de trouvrer une chose si on la cherche. Mais si on ne la cherche pas, alors si on trouve cette chose, c’est donc par hasard et contre son gré ! Et même dans ce cas, on trouvera toujours le moyen d’interpréter la découverte autrement, de lui donner une signification contraire à ce qu’elle dit vraiment (voir pour cela Exemple de pratique de la Logique Négative et de la Science Négationniste).
Ainsi donc, la Théorie de la Relativité d’Einstein est à la mesure de sa croyance en Dieu, c’est-à-dire une croyance en l’idée qu’il se faisait de Dieu. C’est déjà pas mal d’avoir une certaine idée de Dieu, d’avoir une forme de vénération pour un Etre suprême ou pour une Réalité supérieure, même si cela ne se traduit pas forcément par le fait d’aller prier à la synagogue, d’aller à l’église, dans un temple ou dans une mosquée. DIEU est une chose, et la religion en est une autre ! Et même, pour aller plus loin : la Bible est une chose, et le judaïsme (la religion du peuple juif, celui d’Einstein) en est une autre ! Plus encore : Jésus Christ est une chose, et le christianisme (c’est-à-dire le catholicisme, le protestantisme, l’évangélisme, les Témoins de Jéhovah, etc.) en est une autre ! Dieu n’est pas le monopole des religieux ou des croyants, et de même la science n’est pas non plus le monopole des athées et des agnostiques !

Religiosité cosmique d’Einstein et Religion de l’Univers-Dieu
Selon Wikipedia à l’entrée « Einstein (w) », « lorsqu’en 1929, le Rabbin Herbert S. Goldstein demande à Einstein : « Croyez-vous en Dieu ? », il répond « Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l’ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un Dieu qui se soucie du destin et des actions des êtres humains. »

Baruch Spinoza (w) (1632-1677)
Ce qui est certain donc, c’est qu’Einstein partage dans une certaine mesure la vision panthéiste du philosophe Baruch Spinoza, lui aussi d’origine juive, et lui aussi considéré en son temps comme « hérétique », ainsi que les Témoins de Jéhovah (une religion de très forte inspiration Juive) qualifient d’ »apostat » le Fils de l’homme et sa Science de Dieu), comme un agnostique ou un athée.
Le panthéisme est le fait de dire que Dieu et la Nature (ou l’Univers) sont la même chose. C’est philosophiquement (Spinoza était philosophe) et scientifiquement (Einstein était scientifique) de loin la meilleure conception de Dieu, une conception très moderne, très en avance sur son temps. Et tous ceux qui sont ainsi en avance sur leur époque sont très mal compris. Et dans ce cas précis, l’incompréhension est la plus grande dans le milieu religieux. L’enseignement religieux en règle très générale conçoit Dieu comme étant le Créateur de toutes choses, et en particulier de l’Univers. Le religion perçoit donc comme un blasphème d’assimiler le Créateur à la Création. C’est rabaisser ainsi selon elle le Créateur.
Mais ce faisant, elle commet un erreur fondamentale, qui est aussi celle que Spinoza et Einstein (bien que très en avance dans ce domaine) commettent dans leur panthéisme. Spinoza en effet refusait toute vision anthropomorphique de Dieu, c’est-à-dire le fait de prêter à Dieu des traits humains. Dieu n’est pas une personne selon lui, dont on peut dire par exemple qu’il « voit », « entend », « aime » ou « hait ». Dieu s’identifie à la Nature selon lui, ce qui suppose implicitement que la Nature ne peut « voir », « entendre », « aimer », « haïr », etc., ce qui est une erreur !
C’est aussi à peu près la conception du Dieu-Nature d’Einstein. Il parle quant à lui de « religiosité cosmique », qui est « une contemplation de la structure de l’univers. Elle est compatible avec la science et n’est associée à aucun dogme, ni croyance ». Einstein déclare être religieux, mais seulement dans ce sens-là. Et pour lui, Dieu n’est pas une Personne, et (comme vu plus haut), il ne croit pas en un Dieu « qui se soucie du destin et des actions des êtres humains ».
Beaucoup voient un athéisme ou une position agnostique dans cette vision des choses. Mais Spinoza et Einstein ne sont pas agnostiques et encore moins athées, au sens où l’on entend habituellement ces termes. Leur vision des choses n’a absolument rien à voir avec celle d’un Uno ou d’un Okomarac !
En effet, contrairement à ces spécimens, la position de Spinoza et d’Einstein n’est pas du tout une position de NEGATION de l’existence de Dieu, ni même vraiment de NEGATION du fait que l’on puisse connaître quelque chose sur Dieu et sur sa nature (ce qu’est une position agnostique). Mais Spinoza et Einstein expriment simplement leur conception de Dieu, ce que Dieu est selon eux ou n’est pas. Et par conséquent, la situation est simplement comme les différences entre la théologie chrétienne et la théologie musulmane. Pour nombre de chrétiens par exemple, Dieu est le Fils (à savoir Jésus) et le Fils est Dieu. Mais pour les musulmans (comme d’ailleurs aussi pour les Témoins de Jéhovah, d’autres chrétiens), Dieu ne peut pas être le Fils, il ne peut pas être un humain comme Jésus, et Jésus ne peut pas être Dieu.
C’est ce genre de choses que disent Spinoza et Einstein, ils expriment tout simplement leurs conceptions à eux du Dieu auxquel ils croient. Eux aussi disent que Dieu est ceci ou cela, et n’est pas ceci ou cela. C’est donc sur le plan théologique qu’il faut placer le problème dans leur cas. Ce sont ses différences théologiques qui ont valu à Spinoza d’être exclu de la communauté juive, et même d’être persécuté. Dans ces cas-là, juste parce que l’on dit quelque chose de très différent de leurs doctrines sur Dieu, considèrent qu’on NIE Dieu, qu’on est devenu athée ou impie, car Dieu doit obligatoirement être comme ils le pensent. Et de leur côté, les athées ou les agnostiques (surtout si on est devenu célébre comme Spinoza ou Einstein) vont considérer qu’on est dans leur camp, parce que l’on remet en question des doctrines religieuses.
Les visions de Spinoza et d’Einstein sur Dieu étaient novatrices, très modernes (au sens de la Science Nouvelle), car la prochaine grande révélation sur Dieu était que Dieu et Univers sont bel et bien la seule et même chose ! L’un (Dieu) est l’Etre Suprême, et l’autre (l’Univers) est la Chose Suprême. Les deux Suprêmes devaient tout simplement s’unir pour ne faire qu’un. Et alors cela ouvre une nouvelle ère où la Religion et la Science s’unifient enfin. Cette religion-là n’est pas le Judaïsme, le Catholicisme, le Christianisme, l’Islam, le Bouddhisme, etc. Fini le temps des clivages ! Cette religion, Einstein l’a nommée « Religion cosmique ». Mais le l’appelle la Religion universelle, c’est-à-dire la Religion de l’Univers, la religion de tout le monde, car l’Univers est une affaire de tout le monde !
L’erreur commune à tous est qu’ils fonctionnaient et raisonnaient avec la Logique Négative, avec le paradigme de la Négation, au lieu de raisonner avec la Logique Alternative. C’est pourquoi la religion pensait à tort que c’est rabaisser Dieu au rang de création ou de créature que de dire Dieu et Univers sont la même chose ! Or, bien au contraire c’est redonner au mot Dieu toute sa grandeur que de dire que Dieu est l’Univers. En effet, si on dit par exemple qu’une certaine chose a le pouvoir de se créer elle-même, alors forcément cette chose est Dieu lui-même, sinon cette chose n’aurait pas besoin du Dieu Créateur de toutes choses pour exister, puisqu’elle se crée elle-même ! Seul Dieu est capable de se créer elle-même, sans donc avoir besoin de personne d’autre que lui-même pour exister ! Et c’est justement à cette capacité que l’on reconnaît qu’il est Dieu ! Mais dire qu’il se crée lui-même, c’est dire qu’il est à la fois le Créateur et la Créature (ou la Création).
C’est cette auto-création que l’on exprime en disant que Dieu est aussi l’Univers. Mais alors l’Univers dont on parle a quelque chose de particulier qui le différencie de l’Univers dont Spinoza, Einstein et les scientifiques actuelles parlent. Eux ne parlent en fait que de NOTRE Univers et pas de l’Univers TOTAL, l’Ensemble de toutes les choses ! Celui-ci possède d’extraordinaires propriétés divines, comme l’auto-appartenance, la structure fractale, le Cycle, etc., qui sont autant d’autres manières de parler de son auto-création.
Le Dieu qui ne serait qu’un simple Univers comme le nôtre, ne serait donc qu’une simple créature, et cela donnerait raison à Spinoza et Einstein de dire qu’il ne peut pas être une Personne, et à la religion de s’offusquer de voir rabaisser Dieu ainsi. Mais toute une autre histoire avec l’Univers TOTAL, l’Univers Fractal, l’Univers-Dieu !

FRANCE : UN RÉVEIL DES CONSCIENCES SIGNIFICATIF, PAR LE CARD. RYLKO

4 décembre, 2013

http://www.zenit.org/fr/articles/france-un-reveil-des-consciences-significatif-par-le-card-rylko

FRANCE : UN RÉVEIL DES CONSCIENCES SIGNIFICATIF, PAR LE CARD. RYLKO

COLLOQUE NATIONAL DES JURISTES CATHOLIQUES (TEXTE INTÉGRAL)

ROME, 19 NOVEMBRE 2013 (ZENIT.ORG) CARD. STANISLAS RYLKO

Le « cri » des chrétiens « même s’il est peu écouté et souvent contrarié par les médias, est d’une importance vitale pour l’avenir de l’humanité », estime le cardinal Rylko, qui constate en France « un réveil significatif des consciences de nombreuses personnes d’extractions religieuses et culturelles diverses, comme l’ont démontré les grandes manifestations pour défendre le mariage ». Le cardinal Stanislas Rylko, président du Conseil pontifical pour les laïcs, est intervenu lors du XXVIème Colloque national des juristes catholiques, sur le thème « Le Mariage en questions », à Paris, le 16 novembre 2013.

NOUS PUBLIONS CI-DESSOUS IN EXTENSO LE TEXTE QU’IL A PRONONCÉ EN FRANÇAIS À CETTE OCCASION. INTERVENTION DU CARD. RYLKO INTRODUCTION

« L’engagement des laïcs dans la vie publique et l’avenir de la cité » Mesdames et Messieurs, Au nom du Conseil Pontifical pour les Laïcs, je vous adresse mes salutations cordiales, à vous qui participez au XXVIèmeColloque National des Juristes Catholiques. Une pensée particulière va à votre Président, le professeur Joël-Benoît d’Onorio, que je remercie de m’avoir invité à intervenir devant cette illustre assemblée. Je vous félicite avant tout pour le thème choisi pour ce Colloque : “ Le Mariage en questions ”, un thème d’une actualité brûlante. « Nous vivons dans un temps où les critères de l’être homme sont devenus questionnables /…/ – disait le Pape Benoît XVI – Face à cela, comme chrétiens, nous devons défendre la dignité inviolable de l’homme /…/ La foi en Dieu doit se concrétiser dans notre engagement commun pour l’homme… ».[1] Mais l’engagement pour l’homme veut dire, en particulier, engagement en faveur des institutions fondamentales pour son existence, comme le sont le mariage et la famille, institutions durement remises en question aujourd’hui… Face aux graves défis de la postmodernité, nous, chrétiens, nous ne pouvons pas rester indifférents, ni nous taire ! A notre époque, le message de l’Exhortation apostolique Christifideles laici a acquis un caractère d’une urgence particulière : « Des situations nouvelles, dans l’Eglise comme dans le monde, dans les réalités sociales, économiques, politiques et culturelles, exigent aujourd’hui, de façon toute particulière, l’action des fidèles laïcs. S’il a toujours été inadmissible de s’en désintéresser, présentement c’est plus répréhensible que jamais. Il n’est permis à personne de rester à ne rien faire ».[2] Aujourd’hui, tout spécialement, une présence visible et incisive des chrétiens est nécessaire dans la vie publique, avec l’audace d’être vraiment un “ levain évangélique ”, le “ sel ” et la “ lumière ” du monde, en étant guidés par l’Evangile et par la Doctrine sociale de l’Eglise. Nous touchons ici le point névralgique de la vocation et de la mission des laïcs dans le monde, qui concerne leur “ caractère séculier ”, facteur fondamental de leur identité en tant que laïcs. Le Concile Vatican II nous dit : « La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée. A cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d’espérance et de charité ».[3] A notre époque, la culture dominante enferme la foi dans le domaine strictement privé, éliminant Dieu de la sphère publique. Nous assistons à une véritable “ christianophobie ” et à un dangereux fondamentalisme laïciste. Dans les démocraties occidentales, là où l’on parle de tant de tolérance, la liberté religieuse est même sérieusement menacée. Le pape Benoît XVI a parlé d’une périlleuse expansion de ce qu’on appelle la “ tolérance négative ” qui, pour ne pas importuner les non-croyants ou les autres croyants, élimine tous les symboles religieux de la vie publique. Ainsi – paradoxalement – au nom de la tolérance, on abolit la tolérance elle-même.[4] Une telle situation requiert indéniablement des fidèles laïcs le courage d’aller à contre-courant et d’être dans le monde un “signe de contradiction”. En outre, elle les sollicite à sortir des sacristies et du cadre des discours internes à l’Eglise, en devenant des témoins persuasifs de l’Evangile au cœur du monde. Il est vrai que, dans la société occidentale, nous, les chrétiens, nous sommes une minorité. Toutefois, le vrai problème n’est pas là. Le sel est “minoritaire” dans la nourriture, mais il lui donne son goût ; le levain est “minoritaire” dans la pâte, mais il la fait fermenter. Notre vrai problème consiste à ne pas devenir insignifiants, “insipides”, à ne pas perdre la “saveur évangélique”… L’antique auteur de la Lettre à Diognète disait : « /Les chrétiens / sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel /…/ En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde… ». Rencontrant des membres du Sénat et de l’Assemblée nationale de la République française, le pape François a tenu à réaffirmer que « le principe de laïcité qui gouverne les relations entre l’Etat français et les différentes confessions religieuses ne doit pas signifier en soi une hostilité à la réalité religieuse, ou une exclusion des religions du champ social et des débats qui l’animent. On peut se féliciter que la société française redécouvre des propositions faites par l’Eglise, entre autres, qui offrent une certaine vision de la personne et de sa dignité en vue du bien commun. L’Eglise désire ainsi apporter sa contribution spécifique sur des questions profondes qui engagent une vision plus complète de la personne et de son destin, de la société et de son destin ».[5] Le pape s’est ensuite attardé sur l’exercice du pouvoir législatif des parlementaires : « Votre tâche est certes technique et juridique, consistant à proposer des lois, à les amender ou même à les abroger. Il vous est aussi nécessaire de leur insuffler un supplément, un esprit, une âme dirais-je, qui ne reflète pas uniquement les modes et les idées du moment, mais qui leur apporte l’indispensable qualité qui élève et anoblit la personne humaine ».[6] Les paroles du Saint-Père revêtent une importance toute particulière dans le contexte de la culture postmoderne, une culture qui met en question la nature même de l’homme ainsi que des institutions fondamentales pour son existence, comme le mariage et la famille. Aujourd’hui la “liberté du faire” – disait le pape Benoît XVI, commentant l’intéressante étude du Grand rabbin de France, Gilles Bernheim – est en train de se commuer en une “liberté de se faire soi-même”, d’une manière complètement arbitraire, sans tenir compte de la loi que le Dieu Créateur a inscrit dans la nature de l’être humain (la loi naturelle!).[7] Les nouvelles lois sur le mariage et la famille, promulguées par de nombreux Parlements, en sont une preuve éclatante. Comme chrétiens, en cette époque, nous sommes donc appelés tout particulièrement à être les gardiens de l’être humain, de sa dignité et de ses droits inaliénables. Mais pour accomplir une mission si haute et si importante, nous devons avoir un concept très clair de notre identité de disciples du Christ. Cette conscience est aujourd’hui loin d’être acquise, car elle est souvent chargée de problèmes. Le relativisme et la “pensée faible” engendrent des personnalités fragiles, fragmentées et incohérentes. Les modèles de vie imposés par la culture dominante sèment partout l’égarement et la confusion, même parmi les baptisés. Le cadre “identitaire” du chrétien moyen devient toujours davantage le résultat d’un ensemble de choix arbitraires et commodes. Le pape François dénonce souvent ce danger et parle fréquemment de chrétiens “endormis”, de chrétiens “à temps partiel”, de chrétiens “que de nom”… alors que le monde d’aujourd’hui a besoin de vrais chrétiens mûrs, qui soient d’authentiques témoins du Christ et de son Evangile. En d’autres termes, il a besoin de chrétiens qui vivent à fond la réalité du Baptême reçu. La question de l’identité des baptisés tenait particulièrement à cœur aux Pères de l’Eglise. Saint Léon le Grand exhortait ainsi ses fidèles : « Chrétien, reconnais ta dignité » ; à son tour saint Ignace d’Antioche réaffirmait : « Il ne suffit pas d’être appelés chrétiens, il faut l’être vraiment… ». Vivre à fond l’identité chrétienne signifie surtout décider de mettre Dieu au centre de sa vie. Il ne s’agit pas d’un Dieu quelconque, mais de ce Dieu qui s’est révélé dans le visage de Jésus-Christ. Cela peut sembler quelque chose d’escompté, mais aujourd’hui ça ne l’est pas du tout ! Dans sa Lettre apostolique Porta fidei, le pape Benoît XVI écrivait : « Il arrive désormais fréquemment que les chrétiens s’intéressent surtout aux conséquences sociales, culturelles et politiques de leur engagement, continuant à penser la foi comme un présupposé évident du vivre en commun. En effet, ce présupposé non seulement n’est plus tel mais souvent il est même nié ».[8] En réalité, le vrai problème de l’homme d’aujourd’hui est la question de Dieu, car sans Créateur – comme nous l’enseigne le Concile Vatican II – la créature s’évanouit.[9] Tout change si Dieu existe ou n’existe pas ! Et le Pape Benoît XVI a été très explicite à cet égard, quand il a affirmé : « Celui qui ne donne pas Dieu donne trop peu ».[10] En ce temps de grave crise qui bouleverse le monde et qui n’est pas seulement une crise économique et financière, mais surtout une crise anthropologique, un chrétien court facilement le risque de sombrer dans l’amertume de la déception, de se laisser aller au découragement ou encore de développer une vision apocalyptique et catastrophique de l’histoire. Les changements profonds que connaît notre monde mettent à dure épreuve nos  certitudes de toujours et même notre foi. De fait, l’espérance de beaucoup de nos contemporains commence à vaciller ! Face à une telle situation, les chrétiens se voient confier une tâche extrêmement urgente : être des témoins crédibles de l’espérance. Le pape François nous a encouragés à maintes reprises à ce sujet : « Ne vous laissez pas voler l’espérance ! ». En outre, il nous a demandé de « lire la réalité, mais aussi (de) vivre cette réalité, sans peurs, sans fuites, et sans catastrophismes. Toute crise – a expliqué le Saint-Père – même la crise actuelle, est un passage, le travail d’un accouchement qui comporte peine, difficulté, souffrance, mais qui porte en lui l’horizon de la vie, d’un renouvellement, qui porte la force de l’espérance /…/ La crise peut devenir un moment de purification, pour revoir nos modèles économiques et sociaux et une certaine conception du progrès qui a nourri nos illusions, pour récupérer l’humain dans toutes ses dimensions ».[11] Comme nous pouvons le voir, le domaine d’engagement est extrêmement vaste et rempli de défis pour les laïcs catholiques. Il est vrai qu’aujourd’hui, bien souvent, la voix des chrétiens ressemble à celle de ceux qui crient dans le désert. Mais notre cri – même s’il est peu écouté et souvent contrarié par les médias – ne peut pas ne pas se faire entendre et il est d’une importance vitale pour l’avenir de l’humanité. D’ailleurs, dans la société française, il semble déjà porter quelques fruits tangibles. Il s’agit d’un réveil significatif des consciences de nombreuses personnes d’extractions religieuses et culturelles diverses, comme l’ont démontré les grandes manifestations pour défendre le mariage, qui ont vu une forte participation des catholiques. Voilà donc quelle est la vocation et la mission des laïcs catholiques dans la vie publique : être le sel de la terre et la lumière du monde ! Je termine sur ces mots et je vous remercie de votre attention, en vous souhaitant de tout cœur un fructueux travail.

[1] Benoît XVI, Discours durant la célébration œcuménique dans l’église de l’ex-couvent augustinien d’Erfurt, 23 septembre 2011. [2] Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici, n° 3. [3] Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen gentium, n° 31. [4] Cf. Benoît XVI, Luce del mondo. Il Papa, la Chiesa e i segni dei tempi. Una conversazione con Peter Seewald, Libreria Editrice Vaticana 2010, p. 82. [5] François, Discours à la Délégation de parlementaires français du groupe d’amitié France-Saint-Siège, 15 juin 2013. [6] Ibidem. [7] Cf. Benoît XVI, Discours pour la présentation des vœux de Noël à la Curie romaine, 21 décembre 2012. [8] Benoît XVI, Lettre apostolique Porta fidei, n° 2. [9] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde contemporain Gaudium et spes, n° 36. [10] Benoît XVI, Message pour le Carême 2006, in “ Insegnamenti ” I, (2005), p. 608 (notre traduction). [11] François, Discours durant la rencontre avec le monde de la culture dans l’Aula Magna de la Faculté Pontificale Théologique de la Sardaigne à Cagliari, 22 septembre 2013.

TRIBUNE DE BENOÎT XVI DANS LE « FINANCIAL TIMES »

20 décembre, 2012

http://www.zenit.org/article-32908?l=french

TRIBUNE DE BENOÎT XVI DANS LE « FINANCIAL TIMES »

Les chrétiens invités à ne pas fuir le monde mais s’y engager

ROME, jeudi 20 décembre 2012 (Zenit.org) – A la demande du « Financial Times », Benoît XVI a accepté de rédiger une tribune, publiée ce 20 décembre 2012, à l’approche de la fête de Noël.
Une démarche qui s’inscrit dans la volonté de Benoît XVI de communiquer la Bonne nouvelle auprès du plus grand nombre de personnes possibles, comme il l’a montré dernièrement en ouvrant un compte sur le réseau social « twitter ».
Malgré le « caractère inhabituel » de la demande du « Financial Times », le pape a « accepté volontiers », précise un communiqué du Saint-Siège, rappelant « la disponibilité du pape » pour ce type de demandes, comme l’entretien accordé à la BBC, à Noël 2010, ou l’entretien télévisé pour l’émission « A sua imagine « , produite par la chaine nationale italienne RAI, à l’occasion du Vendredi saint 2011.
Ces interventions sont donc « l’occasion de parler de Jésus-Christ » et de « porter son message à un large public » lors des « moments marquants de l’année liturgique chrétienne », peut-on lire dans la note.
Dans cette tribune du « Financial Times », Benoît XVI appelle les chrétiens à « ne pas fuir le monde » mais à « s’y engager », notamment dans la « politique et l’économie ». Leur engagement se distingue cependant, souligne-t-il, car il est « libre des contraintes de l’idéologie » et inspiré par « une vision si noble de la destinée humaine qu’ils ne peuvent pas accepter de se compromettre avec tout ce qui la menace ».
Tribune de Benoît XVI dans le « Financial Times »
Un temps pour que les chrétiens s’engagent dans le monde
 « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », fut la réponse de Jésus quand on le questionna sur les impôts. Ses interlocuteurs, bien sûr, lui tendaient un piège. Ils voulaient le forcer à prendre parti dans le débat politique très tendu sur la domination romaine en terre d’Israël. Mais l’enjeu allait encore au-delà : si Jésus était vraiment le Messie attendu depuis longtemps, alors il s’opposerait certainement à la suprématie romaine. Ainsi, la question était calculée pour l’exposer soit comme une menace pour le régime, soit comme un imposteur.
La réponse de Jésus déplace habilement la discussion sur ??un plan supérieur, mettant en garde avec douceur à la fois contre la politisation de la religion et la déification du pouvoir temporel, mais aussi contre la poursuite incessante de la richesse. Son auditoire avait besoin de se faire rappeler que le Messie n’était pas César, et que César n’était pas Dieu. Le royaume que Jésus était venu établir était d’un ordre tout à fait supérieur. Comme il le dit à Ponce Pilate: « Mon royaume n’est pas de ce monde ».
Les récits de Noël dans le Nouveau Testament sont destinés à transmettre un message similaire. Jésus est né au cours d’un « recensement de toute la terre » ordonné par César Auguste, l’empereur connu pour avoir établi la Pax Romana sur toutes les terres sous la domination romaine. Pourtant, cet enfant, né dans un coin obscur et lointain de l’Empire, allait offrir au monde une paix beaucoup plus grande, d’une portée vraiment universelle et transcendant toutes les limites de l’espace et du temps.
Jésus nous est présenté comme l’héritier du roi David, mais la libération qu’il a apportée à son peuple ne concernait pas la façon de tenir des armées hostiles à distance ; il s’agissait de vaincre le péché et la mort pour toujours.
La naissance du Christ nous pousse à revoir nos priorités, nos valeurs, notre mode de vie. Alors que Noël est sans aucun doute un moment de grande joie, c’est aussi une occasion de réflexion profonde, et même d’examen de conscience. A la fin d’une année qui s’est traduite par des difficultés économiques pour beaucoup, que pouvons-nous apprendre de l’humilité, de la pauvreté, de la simplicité de la crèche ?
Noël peut être le moment où l’on apprend à lire l’Evangile, pour parvenir à connaître Jésus non seulement comme l’enfant dans la crèche, mais comme celui en qui nous reconnaissons Dieu fait Homme.
C’est dans l’Evangile que les chrétiens trouvent l’inspiration pour leur vie quotidienne et pour leur implication dans les affaires du monde – que ce soit dans les Chambres du Parlement ou en Bourse. Les chrétiens ne devraient pas fuir le monde, ils devraient s’y engager. Mais leur implication dans la politique et l’économie devrait transcender toute forme d’idéologie.
Les chrétiens luttent contre la pauvreté parce qu’ils reconnaissent la dignité suprême de tout être humain, créé à l’image de Dieu et destiné à la vie éternelle. Les chrétiens travaillent pour un partage plus équitable des ressources de la terre parce qu’ils croient que, en tant qu’intendants de la création de Dieu, nous avons le devoir de prendre soin des plus faibles et des plus vulnérables. Les chrétiens s’opposent à la cupidité et à l’exploitation parce qu’ils sont convaincus que la générosité et l’amour désintéressé, enseignés et vécus par Jésus de Nazareth, sont le chemin qui mène à la plénitude de la vie. La foi chrétienne en la destinée transcendante de chaque être humain implique l’urgence du devoir de promouvoir la paix et la justice pour tous.
Puisque ces objectifs sont partagés par beaucoup, une coopération beaucoup plus fructueuse est possible entre les chrétiens et les autres. Cependant, les chrétiens rendent à César seulement ce qui appartient à César, non pas ce qui appartient à Dieu. Les chrétiens, à travers l’histoire, n’ont parfois pas pu consentir aux exigences formulées par César. Du culte à l’empereur de la Rome antique aux régimes totalitaires du siècle dernier, César a essayé de prendre la place de Dieu. Quand les chrétiens refusent de se prosterner devant les idoles proposées aujourd’hui, ce n’est pas à cause d’une vision du monde archaïque. Au contraire, c’est parce qu’ils sont libres des contraintes de l’idéologie et inspirés par une vision si noble de la destinée humaine qu’ils ne peuvent pas accepter de se compromettre avec tout ce qui la menace.
En Italie, de nombreuses crèches sont construites sur un arrière-plan de ruines d’édifices romains antiques. Cela montre que la naissance de l’enfant Jésus marque la fin de l’ordre ancien, le monde païen, dans lequel les demandes de César étaient pratiquement incontestables. Il y a maintenant un nouveau roi, qui ne compte pas sur la force des armes, mais sur la puissance de l’amour. Il apporte l’espérance à tous ceux qui, comme lui, vivent en marge de la société. Il apporte l’espérance à tous ceux qui sont vulnérables face aux aléas d’un monde précaire. De la crèche, le Christ nous appelle à vivre en citoyens de son royaume céleste, un royaume que toutes les personnes de bonne volonté peuvent aider à construire ici, sur la terre.
Traduction de Zenit, Anne Kurian

ILS SE SONT INDIGNÉS ! UN SERMON PROPHÉTIQUE DE L’AVENT 1511

13 décembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-29710?l=french

ILS SE SONT INDIGNÉS ! UN SERMON PROPHÉTIQUE DE L’AVENT 1511

Par le prof. Mariano Delgado

ROME, mardi 13 décembre 2011 (ZENIT.org) – Le mouvement des « Indignés », pourrait se nourrir de cette réflexion du Prof. Mariano Delgado, doyen de la Faculté de théologie de Fribourg et professeur d’histoire de l’Eglise. Une réflexion sur l’indignation inspirée par l’Evangile, à partir d’un « sermon prophétique de l’Avent 1511 » sur les Indiens d’Amérique.
Nous la publions au lendemain de la fête de la Vierge de Guadalupe, alors que le bicentenaire l’indépendance des peuples d’Amérique latine a été célébrée par Benoît XVI qui a présidé une messe solennelle, hier soir, 12 décembre, en la basilique Saint-Pierre.

Un sermon prophétique de l’Avent 1511
L’essai passionné de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ! » fait partie des best-sellers de l’année. Le spectre de l’indignation de beaucoup de gens, surtout de jeunes, contre un ordre mondial et économique injuste se profile à l’horizon, et il s’exprime parfois par la colère et la violence. Ces lignes traitent d’une autre indignation, celle de l’Avent 1511. Elle fait partie de ces événements de l’histoire du monde que nous devrions toujours garder vivants dans notre mémoire collective. Elle nous montre qu’un christianisme « prophétique » est l’une des racines spirituelles irrécusables de notre civilisation.
Après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492 et le partage des territoires et des personnes entre les couronnes de l’Espagne et du Portugal par le pape Borgia Alexandre VI en 1493, on se contenta en Europe de l’argument aristotélicien du théologien écossais John Major, professeur à Paris (+1550). En 1509 il nota que les Espagnols avaient le droit de régner sur les Indiens comme « les Grecs sur les barbares ». Puisque les Indiens sont des « esclaves par nature », « la première personne qui les conquiert » est en droit de  les gouverner. Les Indiens étaient donc considérés comme appartenant à une humanité moindre et née pour servir.

Ces gens ne sont-ils pas des hommes ?
Ce n’est qu’après l’arrivée des Frères Prêcheurs à Saint-Domingue fin 1510 qu’on commença à réfléchir. Ceux-ci avaient été formés dans une théologie réaliste (thomiste) qui prenait au sérieux les questions de justice et de droit et qui gardait ainsi vivantes les traditions prophétiques d’Israël. En outre, dans l’imitation de Jésus, le feu de l’amour brûlait dans leurs cœurs, c’est-à-dire la recherche de son visage « dans les pauvres et les souffrants » (Mt 25,31-46), selon la « compassion » active recommandée par les constitutions de l’Ordre. L’oppression des Indiens par des « chrétiens » était pour eux « encore pire que celle des enfants d’Israël sous Pharaon ». Le quatrième dimanche de l’Avent 1511, le frère Antón Montesino posa donc en chaire les questions cruciales : « Dites, de quel droit, et au nom de quelle justice tenez-vous ces Indiens dans une si cruelle et si horrible servitude ? … Ces gens ne sont-ils pas des hommes ? [...] N’êtes-vous pas obligés à les aimer comme vous-mêmes ? » Comme c’est souvent le cas, l’Évangile a dû être prêché d’abord et avant tout « dans l’Eglise ».
Ce sermon prophétique déclencha un débat sur la question des raisons légitimant la conquête espagnole du Nouveau Monde, mais aussi sur la nature de ses habitants et leur dignité. Même les gens d’Eglise, à cette époque surtout des missionnaires relevant d’ordres mendiants, franciscains, dominicains et augustins, étaient partagés sur cette question, de sorte que naquirent un parti indiophile et un parti indiophobe. A la tête du premier il y avait Bartolomé de Las Casas, dominicain et évêque de Chiapa (Mexique). Le franciscain Jerónimo de Mendieta écrivit à son propos à la fin du XVIe siècle que « parmi tous les religieux », c’est lui qui « a travaillé le plus et a obtenu le plus de choses » pour les Indiens. Son grand héritage consiste en ce qu’il a défendu, en faveur des peuples récemment découverts, l’unité du genre humain à une époque où cela n’était pas si évident. Gabriela Mistral, prix Nobel de littérature, l’a par conséquent appelé « un honneur pour la race humaine ».

Une parole du Pape
Même après le sermon de Montesino, des missionnaires indiophobes prirent la parole avec véhémence, sans parler des conquistadores. Un autre Dominicain, Tomas de Ortiz, qui connut apparemment chez les Indiens de la Côte de Nacre (Venezuela) un choc culturel profond, lut par exemple en 1524 devant l’administration de la Couronne d’Espagne un acte d’accusation qui fit sensation. Il y est dit entre autres : « Les hommes de la Terre Ferme des Indes mangent la chair humaine et sont sodomites plus que tout autre race. Il n’y a entre eux aucune justice. … Ils sont ennemis de la religion, paresseux, voleurs, menteurs et de faible jugement. Ils ne gardent pas la fidélité. … Ils mangent des poux, des araignées, des vers tout crus, là où ils en trouvent. Ils n’ont ni art ni habilité humaine. … Je dis que jamais Dieu a créé des gens aussi évidemment vicieux et bestiaux, sans mélange de bonté et d’éducation. … Les Indiens sont plus bêtes que les ânes et ils ne veulent s’améliorer en aucune façon. »

Cet acte d’accusation n’était pas un cas isolé. Le 2 juin 1537, le parti indiophile arrive à obtenir du pape Paul III, avec la bulle Sublimis Deus, une magna charta de la dignité humaine, de la capacité de civilisation et de foi des Indiens. Il y est dit « que les Indiens sont véritablement des hommes et qu’ils sont non seulement capables de comprendre la Foi Catholique, mais que, selon nos informations, ils sont très désireux de la recevoir. » En vertu de son autorité apostolique le pape définit et déclare « que quoi qu’il puisse avoir été dit ou être dit de contraire, les dits Indiens et tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts par les Chrétiens, ne peuvent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils demeurent en dehors de la foi de Jésus-Christ; et qu’ils peuvent et devraient, librement et légitimement, jouir de la liberté et de la possession de leurs biens, et qu’ils ne devraient en aucun cas être réduits en esclavage. »

Une controverse importante
Mais une parole du pape n’avait alors pas beaucoup de valeur, surtout depuis que Charles Quint y vit une ingérence illégitime du pape dans son empire (conflit de patronage) et interdit la proclamation de la Bulle sur ses territoires. Ainsi les débats continuèrent, oui, atteignirent même un nouveau sommet, quand le célèbre humaniste Juan Ginés de Sepúlveda, grand connaisseur d’Aristote, réaffirma en 1544 la thèse selon laquelle les Indiens sont des « esclaves par nature ». Pour lui, tous les Indiens sont des « créatures faibles et pauvres », des cannibales barbares comme les Scythes de l’Antiquité et qu’on doit donc chasser comme des animaux s’ils ne se soumettent pas volontairement aux Espagnols civilisés. En outre, ils n’ont guère réalisé de performances culturelles notables. Que les Indiens disposent de maisons et d’un gouvernement assez bien ordonné dans leurs royaumes montre seulement en fin de compte qu’ils ne sont pas de simples ours ou singes dépourvus de raison.
L’affaire a pris donc à nouveau un mauvais tour, car Sepúlveda jouit d’une grande renommée dans la République internationale des Lettres de l’Europe humaniste. Las Casas considéra désormais comme son devoir sacré de s’opposer à ce détracteur et à tous les autres détracteurs des Indiens. Il le fit avec une plume qui avait « la netteté d’une épée ». Il exhorta les gens à parler de telle sorte que « si nous étions des Indiens ». Il était indigné de l’injustice subie par les Indiens. Alors que depuis Socrate on entend par apologie la défense de sa propre position, Las Casas écrit en 1551 son Apologie pour la défense des autres. Le fait qu’elle porte parfois des traits idéalisés – ainsi par exemple quand il dit des Indiens des Bahamas qu’ils sont si simples, sereins et paisibles qu’on a l’impression que « Adam n’a pas péché, en eux » – ne doit pas être dissimulé.
Pour lui, les Indiens ne sont pas des esclaves par nature, mais capables de civilisation et de foi comme nous, oui, « nos frères pour lesquels le Christ a donné sa vie ». Leurs civilisations ne sont pas barbares mais, d’un point de vue éthique, meilleures que la plupart des civilisations du monde antique. Leurs religions sont à comprendre comme un désir sincère du vrai Dieu … L’apologie de Las Casas culmine dans un manifeste pour l’unité du genre humain : « Tous les hommes sont, en ce qui concerne leur création et les conditions naturelles, semblables les uns aux autres », c’est-à-dire doués par le Créateur de raison et de libre-arbitre. Une telle image de l’homme est la condition qui rend possible un ordre mondial coopératif, tel qu’il est souhaité actuellement.

Indignation chrétienne
Dans l’encyclique Dives in Misericordia 11, le Pape Jean Paul II dit : « Il ne manque pas d’enfants mourant de faim sous les yeux de leurs mères. Il ne manque pas non plus, dans les diverses parties du monde et les divers systèmes socio-économiques, de zones entières de misère, de disette et de sous-développement. Ce fait est universellement connu. L’état d’inégalité entre les hommes et les peuples non seulement dure, mais il augmente. Aujourd’hui encore, à côté de ceux qui sont aisés et vivent dans l’abondance, il y en a d’autres qui vivent dans l’indigence, souffrent de la misère, et souvent même meurent de faim ; leur nombre atteint des dizaines et des centaines de millions. C’est pour cela que l’inquiétude morale est destinée à devenir encore plus profonde. De toute évidence, il y a un défaut capital, ou plutôt un ensemble de défauts et même un mécanisme défectueux à la base de l’économie contemporaine et de la civilisation matérialiste, qui ne permettent pas à la famille humaine de se sortir de situations aussi radicalement injustes. » Cette inquiétude morale doit augmenter aujourd’hui justement parmi les chrétiens, parce que nous avons à témoigner du « programme messianique » du Christ dans la synagogue de Nazareth (cf. Lc 4,18 s) : « Conformément aux paroles de l’ancienne prophétie d’Isaïe, ce programme consistait dans la révélation de l’amour miséricordieux envers les pauvres, ceux qui souffrent, les prisonniers, envers les aveugles, les opprimés et les pécheurs », selon l’encyclique (Dives in Misericordia 8).
Le sermon de l’avent de Montesino et l’œuvre de Las Casas nous montrent comment l’indignation surgit chez des chrétiens : elle commence par l’ouverture du cœur pour la compassion à la souffrance d’autrui, une compassion à la souffrance des victimes qui conduit à une « inquiétude morale ». Le cœur inquiet éclaire la réalité à la lumière de l’Evangile et de la conscience juridique existant, et pousse ensuite à une action miséricordieuse en parole et en acte.

Prof. Mariano Delgado

LES PAYS ARABES ONT BESOIN D’UNE RÉVOLUTION DE L’AMOUR, PAR S.B. NAGUIB

14 septembre, 2011

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LES PAYS ARABES ONT BESOIN D’UNE RÉVOLUTION DE L’AMOUR, PAR S.B. NAGUIB

Intervention à la Rencontre interreligieuse de Munich

Mardi 13 septembre 2011 (ZENIT.org) – Nous reprenons ci-dessous le texte de l’intervention du patriarche d’Alexandrie des Coptes catholiques, S. B. Antonios Naguib, intervenu le 12 septembre à la rencontre interreligieuse de Munich organisée par la Communauté de Sant’Egidio (cf. www.santegidio.org)
Sept mois et demi sont passés depuis l’explosion de la Révolution égyptienne des jeunes du 25 Janvier 2011. C’est peu dans l’histoire d’une nation. Mais le peuple a hâte de voir des résultats spectaculaires, et des changements radicaux, et il a l’impression que tout traîne et va très lentement.
Que c’est-il passé ?
Des jeunes connectés par les moyens de la technologie de communications modernes, se créent un monde virtuel, où ils se rencontrent, échangent sur leurs malaises en face du système étouffant, se disent leurs espoirs, et se donnent rendez-vous au jour du 25 janvier 2011, fête de la Police. Pour la 1ème fois ils se trouvent face à face, et sont eux-mêmes émerveillés d’être si nombreux, pleins de jeunesse, enthousiasme et détermination. La révolution égyptienne nous a pris tous par surprise. Les manifestations deviennent une révolution. Et vous connaissez le déroulement des événements qui ont mené à l’éviction de l’ex-président Hosni Moubarak, après seulement 18 jours, mettant fin à 30 années d’un régime d’apparence démocratique, et de fait dictatorial.
Qu’avons-nous gagné avec l’avènement de la révolution ?
- L’éviction d’un chef et d’une bande imposant et protégeant un régime autoritaire, policier, répressif et corrompu, détenant un pouvoir absolu, et prévenant ainsi un système de ‘Droit’.    
- L’apparition d’une jeune génération, qui était laissée pour compte, familiarisée avec les moyens de communications modernes, par conséquent plus informée, se connectant en réseau d’individu à individu, sans passer par la médiation de partis politiques ou religieux. Ce sont des croyants, mais ils séparent religion et politique. Ce sont eux qui ont déclenché la révolution, et restent encore la garantie de la poursuite de ses buts initiaux : justice, liberté, dignité et travail.
- La chute du mur de la peur qui retenait la libre expression d’opinion et de critique. Il est vrai que pendant les 10 dernières années de Moubarak, l’Egypte a connu une grande liberté d’expression, visible dans les media. Mais il y avait toujours des lignes rouges et il ne fallait pas s’y approcher, sous peine de graves conséquences, tel que le président, sa famille et son entourage,
- Au plan religieux, la disparition des barrières confessionnelles, psychologiques et sociales qui séparaient musulmans et chrétiens, et qui causaient des conflits fréquents, quelques fois dramatiques. Ceci a été vécu clairement au début de la révolution.
- L’éveil de beaux rêves et idéaux, qui semblaient ne plus avoir place dans l’imagination et le cœur des égyptiens, surtout des jeunes, pour un présent et un avenir meilleurs, basés sur les principes d’une société civile et démocratique.
- Le choix décisif de l’armée de prendre le parti de la révolution. Ce qui a épargné à l’Égypte le dramatique scénario de la Libye, du Yemen et de la Syrie. La population aussi s’est jointe avec joie à la révolution.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
- Nous constatons clairement que la réalisation des objectifs et des espoirs initiaux sont loin d’être réalisés à brève échéance. Les jeunes et ceux qui se sont ralliés à eux sont encore dans la phase d’élaboration et de la formulation d’une vision, d’un programme et d’une stratégie d’action. L’inexpérience politique et organisationnelle, ainsi que le manque de leaders, affectent sérieusement cette phase.
- L’apparition et le renforcement des islamistes, Frères Musulmans, Salafites et d’autres groupes, ont totalement changé la scène politique et le scénario de son évolution. Beaucoup disent que la révolution a été kidnappée.
- La multiplication incessante des manifestations, des sit-in, et des réclamations d’augmentation de salaires, d’emploi et d’habitat, bloque la reprise de l’industrie et de l’administration.
- Le manque de sécurité inquiète tous les citoyens pour leur vie, leurs enfants, et leurs biens. La police et l’armée font beaucoup pour faire face aux brigands, mais ne réussit pas encore à les maîtriser.
- La cherté de la vie, aliments, habits et autres, aggrave la condition de pauvreté de la plupart des gens.
- Au plan religieux, les conflits entre musulmans et chrétiens sont réapparus. Les discours religieux et les déclarations des Salafites et d’autres islamistes inquiètent vivement les chrétiens. Des responsables civiles et religieux donnent des déclarations rassurantes, mais sont loin de tranquilliser les chrétiens.
- L’absence de chrétiens dans le gouvernement, et parmi les gouverneurs des régions, viennent renforcer l’anxiété des chrétiens.
Points lumineux et perspectives d’avenir.
- Les jeunes de la révolution et leurs nombreux alliés restent décidés à continuer leur action pour un état civil et démocratique.  
- Les déclarations du ‘Conseil Supérieur des Forces Armées’ de vouloir un état civil.
- La « Déclaration de Al-Azhar et d’une Élite d’Intellectuelle sur l’Avenir de l’Égypte » – tel est son titre- du 19 Juillet 2011, marque une prise de position claire et décidée de l’autorité religieuse sunnite suprême. Elle est constituée d’une introduction, et de dix points définissant les bases du futur état en Egypte. Elle rejette l’état théocratique, et soutient l’établissement d’un ‘état national, constitutionnel, démocratique, moderne’. Pour ce qui est de la religion, elle affirme : ‘pourvu que les principes globaux de la loi islamique soient la source et la base de la législation, tout en garantissant aux adeptes des autres religions divines le recours à leurs lois religieuses en ce qui regarde le statut personnel’. Cette déclaration contient une vision très positive, qui pourrait mener à une évolution ultérieure vers l’état moderne.
- L’engagement des chrétiens à joindre et soutenir les partis qui agissent pour l’établissement d’un état civil et démocratique. Nous n’avons pas et ne voulons pas de parti chrétien.
- Pour l’avenir, nous espérons l’installation de l’ordre et de la sécurité, la reprise des travaux et de l’industrie, la stabilité, de bonnes relations entre musulmans et chrétiens, l’application des beaux principes déclarés, une vie pacifique dans un état basé sur la citoyenneté, la liberté, l’égalité et la justice, et l’amélioration des conditions de vie. 
Pour terminer je voudrais rapporter le jugement d’un analyste politique. Il dit : « Les symboles du régime ont été écartés, mais le régime est persistant ». Et je conclus : pour le changer, nous avons besoin d’une autre révolution : la révolution de l’amour. MERCI.

« JE VEUX MOURIR VIVANT », PAR L’ABBÉ LELIÈVRE : VISAGES DE MALADES DU SIDA

29 mars, 2011

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« JE VEUX MOURIR VIVANT », PAR L’ABBÉ LELIÈVRE : VISAGES DE MALADES DU SIDA

Un livre présenté aujourd’hui à Paris

ROME, Lundi 28 mars 2011 (ZENIT.org) – L’abbé Hubert Lelièvre publie « Je veux mourir vivant », aux éditions de l’Emmanuel. Le livre a été présenté à la presse à Paris ce lundi. Nous avons rencontré l’auteur dont l’expérience pastorale, comme prêtre dans la guerre de Bosnie, ou auprès des malades du SIDA à Rome fait avancer « en eau profonde ».
Zenit – Monsieur l’abbé Lelièvre, vous avez rencontré à Rome ces malades du SIDA dont vous faites découvrir les visages. Pourquoi ce titre ?
Abbé Lelièvre – Ce titre ne vient pas de moi. Il vient des nombreuses personnes malades du SIDA qui à un moment de leur cheminement au cours de la maladie se sont retrouvées petit à petit devant la vérité de ce qu’elles vivaient. De ce qu’elles étaient. De ce qu’elles avaient vécu. Et puis, lorsque la mort est inéluctable, les masques tombent. On ne peut plus jouer à cache cache. Le malade en fin de vie est particulièrement confronté à un choix de vie. Beaucoup m’ont dit : « Je veux mourir vivant ». On comprend bien ce que cela veut dire. Tant ont vécu dans la culture de mort, dans le mensonge. Maintenant, sachant qu’ils allaient partir au Ciel, ils ont appris et choisi de vivre. Avec Dieu. En Lui. Le creuset de la souffrance ouvre à un choix de Vie.
Zenit – Vous définissez vous-même votre livre comme « le témoignage d’un prêtre qui a vécu, près de personnes atteintes du SIDA, les plus belles et plus riches heures de sa vie de prêtre jusqu’à ce jour », on peut s’étonner, parce que c’est une confrontation douloureuse avec la souffrance, psychique et physique, avec l’angoisse, avec qui veut mourir et qui ne veut pas mourir, ou face à mes « murs »…
Abbé Lelièvre – Vous savez, le Seigneur a donné à mon cœur de prêtre d’abord de vivre un chemin intérieur. On ne s’approche pas de personnes malades, dont souvent il ne reste que quelques jours, semaines ou mois à vivre, sans en être profondément bouleversé. J’ai vécu ces années d’abord comme un cadeau particulier de Dieu pour moi. J’étais conscient qu’il transformait mon âme. Du dedans. Un peu comme quand le Seigneur appelle à vivre un temps de désert pour parler au plus intime de l’âme. J’ai vécu ce temps comme un « noviciat d’amour ». En même temps, j’étais confronté à la mort d’enfants, de jeunes, de jeunes adultes. Avec toutes les questions que cela pose dans le cadre du rétrovirus du SIDA. Pourquoi humainement tant de vies gâchées, fauchées dans leur printemps ? Dans ce désert de l’amour de notre société, où l’amour est blessé, meurtri, détruit, tant de familles divisées, comment faire fleurir l’Amour ?
Lorsque tous les masques tombent, nous nous trouvons en face de ce qu’est en toute vérité la personne humaine. Le visage de la personne malade devient alors une icône de la Présence de Jésus en elle. Jésus qui souffre et espère. Jésus qui guérit l’âme. Jésus qui sauve l’âme. Jésus qui apaise. Jésus présent dans ce temps de souffrances, indicibles bien souvent.
La souffrance d’une personne malade nous renvoie à nos propres blessures, souffrances intérieures. A nos propres lâchetés face à l’Amour, à la vie de la Grâce en nous. Cela nous apprend à devenir pauvres, à aimer. Alors, approcher une personne malade, c’est d’abord accepter que Jésus me rejoigne et vienne me guérir. Vienne mettre l’Huile de sa Miséricorde sur mes blessures.
Oui, dans ce désert de l’amour blessé, j’ai vu fleurir le Printemps ! J’ai vu rayonner la Gloire du Matin de Pâques sur tant de visages ! Quel bonheur d’être prêtre !
Zenit – Plusieurs fois des malades vous renvoie dans vos buts – d’ailleurs vous posez vous-même la question – : Qu’est-ce qu’un malade attend du prêtre ? De Dieu ?
Abbé Lelièvre – Je me suis retrouvé plusieurs fois dans des situations où je me trouvais « mal à l’aise » parce que je ne contrôlais pas la situation, à cause de mon manque d’amour, d’écoute, de mon égoïsme. Et plusieurs fois le Seigneur m’a remis en place. Il m’en souvient de cette enfant, Marzia, âgée de 9 ans. J’allais la voir chaque jour. Et puis une fois, je ne suis pas venu la visiter. Le lendemain, en entrant dans la chambre, comme si tout était normal, après avoir frappé à la porte, elle me dit, sans me laisser le temps de respirer : « Jésus n’est pas content de toi ! ». Alors, à ce moment là, il ne vous reste qu’à demander pardon. Un sourire sur son visage a été sa réponse ; Marzia est entrée dans la Vie un mois plus tard, dans la nuit de la Saint Joseph. Nous étions tous autour d’elle. Au moment même de sa mort, une Lumière brillait sur son visage. En pleine nuit. La Lumière du Ciel !
Le malade attend que le prêtre soit prêtre. Tout prêtre. Seulement prêtre. C’est-à-dire, serviteur et témoin de sa Présence. Comme Jésus le vit dans l’Evangile.
Zenit – Comment ouvre-t-on une porte ?
Abbé Lelièvre – Je n’ai pas encore lu de « traité » sur l’ouverture d’une porte ! Au contact de personnes malades, surtout lorsque celles-ci sont les plus dépendantes, les plus vulnérables, j’ai observé que la manière avec laquelle on ouvrait la porte de sa chambre, comptait beaucoup. Influait beaucoup pour son apaisement ou au contraire, la personne malade se tendait, se crispait. Même dans le cas de personnes dans le coma. C’est vrai pour le personnel médical, comme pour les membres de la familles du malade, ou les amis. La poignée de porte est une école d’humilité !
Zenit – Vous rapportez votre conversation avec un jeune dont la « descente » a commencé par le cannabis. Il existe des « drogues douces » ?
Abbé Lelièvre – La drogue n’est jamais douce. La drogue détruit la personne dans son âme, son corps, son esprit. Dans sa sensibilité, son psychisme, sa volonté, son intelligence. Ceci plus ou moins vite en fonction de la drogue prise, de sa quantité et de la durée. Mais dire qu’il existe des « drogues douces », c’est tout simplement un mensonge. C’est criminel. La drogue tue, plus ou moins vite. Mais elle tue. Les vendeurs de drogue devront un jour répondre devant Dieu de ce marché de la mort. Je trouve qu’il est particulièrement lâche de se faire de l’argent facile auprès d’adolescents, de jeunes qui se posent des questions sur le sens de leur vie, qui construisent leur vie et qui n’ont souvent comme réponse que cette fuite, qui conduit vers la mort. Quand on sait que le marché mondial de la drogue est supérieur au marché mondial du pétrole ! Endormir, anesthésier ainsi un adolescent, un jeune au lieu de le rejoindre et de lui donner ce dont il a besoin pour devenir lui-même, elle-même, cela m’est insupportable. Ne pas vouloir voir, ou faire semblant de ne pas voir qu’un enfant prend de la drogue, cela s’appelle « le clan des aveugles volontaires ». Mais un jour, des pleurs viendront ! Je me permets de vous renvoyer à cet ouvrage : « Le cannabis démasqué », du Père Ambroise Pic, aux Editions du Jubilé.
Certains diront que j’exagère. Alors, allez écouter le témoignage de jeunes qui suivent un chemin de guérison, dans la Comunità del Cenacolo ou dans la Maison des Frères de Saint-Jean à Pellevoisin, tout contre le sanctuaire marial de Marie, Mère de toute Miséricorde.
Zenit – Et ce jeune qui pense qu’il est condamné parce que « Dieu condamne les homosexuels » : ce sont des paroles qui, dit-il l’ont « enfoncé » davantage… Vous répondez « tu es une personne » : cela change tout ?
Abbé Lelièvre – Avant d’être aumônier d’hôpital, j’utilisais moi-même le terme « d’homosexuel ». Puis, très vite, grâce à leur contact, en les écoutant, j’ai purifié mon langage, qui en fait, était blessant. Nous devrions être particulièrement attentif à notre langage qui peut enfoncer ou permettre à une personne d’y voir plus clair, de prendre une route différente de celle sur laquelle elle se trouve aujourd’hui.
Chacun de nous est une personne créée à l’image et ressemblance de Dieu. J’existe pour être aimé et pour aimer. J’existe pour un jour, entrer dans la Gloire même de Dieu. Chacun de nous est profondément aimé par Dieu. De manière unique. Homme et femme il les créa. Je n’ai jamais lu dans la Bible « homosexuel il les créa ».
Dieu ne condamne pas les personnes. Quoiqu’ils fassent ou vivent. Il porte un regard de jugement sur nos actes. Dieu ne pourra jamais dire que l’homosexualité est un bien. Tout simplement parce que ce serait contraire et opposé à son regard d’amour, son dessein d’amour sur la création de l’homme et de la femme. A son regard sur la vocation personnelle de chaque homme, de chaque femme, dans toute sa personne. Par des actes, aller contre le code génétique de la Création, aller contre la grammaire commune de la Création, de ce qui est inscrit dans la nature, ne peut conduire l’humanité qu’à des impasses. L’Histoire des hommes nous enseigne que des civilisations entières se sont détruites par elles-mêmes.
Zenit – Avant l’hôpital Pallanzani, il y a eu la Bosnie… Quelle a été votre expérience de prêtre dans la guerre ?
Abbé Lelièvre – J’étais tout jeune prêtre, vicaire d’une paroisse dans la banlieue de Rome, paroisse très touchée par la drogue. Et puis, un jour, avec mon frère aîné qui était mon curé, nous regardions le journal télévisé. C’était au début de la guerre en Bosnie. Les images nous étaient insupportables et ont été en fait comme un appel à être présents auprès de ceux qui étaient dans l’épreuve. Alors, très vite, nous avons mobilisé la paroisse et bien au-delà puisque la télévision italienne, la RAI, nous demandait de témoigner. Nous sommes ainsi allés cinq fois pendant la guerre, sur le front, dans les hôpitaux, dans les camps, dans les villages. Au contact des évêques, des prêtres, de leurs paroissiens. Au contact de personnes dans les hôpitaux, perforées par les balles. Tout simplement pour dire : « Vous n’êtes pas abandonnés ». J’y ai vécu les plus beaux Noël de ma vie.
Zenit – Vous parlez d’une société qui « cache la mort ». Souvent, face à l’agonie ou à la mort, on ne « sait pas comment faire » : que proposer aux familles ?
Abbé Lelièvre – On cache la mort parce qu’on l’écarte de la vie. On cache la mort parce qu’on ne donne plus de sens à la vie et à cet instant si précieux et décisif qu’est la mort : la rencontre personnelle avec Dieu dans un face à Face.
C’est aussi une victoire du démon. Nous avons tellement besoin de la présence du prêtre auprès de nous lorsque le moment viendra. Pour obtenir le passeport pour l’Éternité. Le démon se réjouit de voir une âme quitter ce monde pas prête pour Dieu. Au moment de la mort, il y a un ultime combat. Il est inutile de se le cacher. La présence du prêtre, en plus de membres de la famille, est la Présence même de Jésus dans ce combat pour la Vie.
La mort est une réalité, non voulue par Dieu. Elle est ultime conséquence du péché originel. Accepter ce moment, sans le fuir, aide celui/celle qui quitte cette terre à vivre cet instant précieux, plus apaisé/e pour ce choix de vie à faire.
Dans le je vous salue Marie, nous demandons à la Vierge Marie de prier pour nous « maintenant et à l’heure de notre mort ». Si nous la prions chaque jour à travers le chapelet, nul doute que Marie notre Mère sera présente à l’heure de notre mort. Trouvons, retrouvons la prière du chapelet. Elle nous inspirera des paroles, des gestes d’affection, d’amitié autour d’une personne qui s’en va au Ciel.
Zenit – La béatification de Jean-Paul II approche : on a dit que le secret de le fécondité de son ministère à Cracovie puis à Rome, c’est la façon dont il s’est tout de suite appuyé sur la prière des malades et sur sa propre participation à la souffrance du monde. Diriez-vous cela ?
Abbé Lelièvre – Le secret de la sainteté de Jean Paul II est sa vie de prière. Il priait sept heures par jour. Il s’abîmait littéralement dans la prière. Là est le secret de sa fécondité. Ceux qui ont pu approcher Jean-Paul II, spécialement lorsqu’il célébrait sa Messe, ont été saisis par la souffrance du monde qu’il portait et qui allait jusqu’à changer les traits physiques de son visage. Sa propre expérience de la souffrance, son chemin de croix commencé avec l’attentat, il y aura trente ans le 13 mai prochain, cela l’a rapproché des personnes malades sur lesquelles il s’est toujours appuyé dans son ministère de prêtre, d’évêque, puis de pape. Il y avait comme une particulière intimité, une communion profonde avec chacun d’eux, à l’image de Jésus dans l’Évangile qui aime, s’approche de chaque malade, un à un. Nous nous souvenons tous de ses regards bouleversants de compassion, posés sur les personnes malades, lors de sa dernière venue à Lourdes en 2004, quelques mois avant de quitter cette terre. Comme un testament.
La méditation de Jean-Paul II sur le sens chrétien de la souffrance, « Salvici Doloris », du 11 février 1984, est un cœur à cœur avec son cœur de prêtre et le cœur de chaque personne malade, de chaque personne qui souffre dans son cœur et dans son corps. Pour lui dire combien Jésus ne l’abandonne pas, combien Jésus est proche de sa souffrance.
Les heures si précieuses de l’agonie de Jean-Paul II, sont un enseignement pour chacun. Les derniers jours de sa vie terrestre nous laissent de belles et fortes pages, d’émouvantes pages de « l’Évangile de la souffrance ». Une réponse concrète face à notre société qui, en face de la personne qui souffre, supprime la personne elle-même.
Zenit – Vous offrez la « Médaille miraculeuse » aux malades. La Vierge Marie leur manifeste sa présence ?
Abbé Lelièvre – Je ne fais que vivre ce que la Sainte Vierge a demandé lors de sa venue sur la terre parisienne, dans la chapelle de la Médaille miraculeuse, rue du Bac, en 1830. La Sainte Vierge a demandé de porter cette médaille, la plus répandue dans le monde. Qu’elle protégerait ceux qui la porteraient. Que ces personnes obtiendraient des grâces.
Oui, Marie est présente au pied de la Croix le Vendredi Saint. Elle est présente auprès de chaque personne qui souffre dans son corps, dans son âme. Elle rend même visite à de nombreuses personnes malades dans nos hôpitaux, nos maisons, nos maisons de retraite. Il m’est arrivé de sentir souvent sa Présence. Ce qui n’est pas surprenant. Elle est notre Mère. Elle nous a été donnée au pied de la Croix. Elle exerce sa Maternité.
Elle est présente, pour faire sortir notre monde d’aujourd’hui, qui semble se trouver dans un interminable « samedi saint » de ces innombrables impasses dans lesquelles nous nous trouvons. Pour nous ouvrir à la Lumière et à la Joie de la Résurrection.
Propos recueillis par Anita S. Bourdin

Un Français prêchera les Exercices spirituels de Carême

5 février, 2011

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http://www.zenit.org/article-26867?l=french

Un Français prêchera les Exercices spirituels de Carême

Il s’agit du Carme François-Marie Léthel                                                                          

ROME, Vendredi 4 février 2011 (ZENIT.org) – Le Carme déchaux François-Marie Léthel a été choisi pour prêcher les exercices spirituels de Carême qui se dérouleront cette année, en présence de Benoît XVI, du 13 au 19 mars au Vatican, a annoncé ce vendredi la Préfecture de la Maison pontificale.                       
Le père Léthel, professeur de théologie au Teresianum à Rome et membre de l’Académie pontificale de théologie, interviendra sur le thème « La lumière du Christ dans le cœur de l’Eglise – Jean-Paul II et la théologie des saints ».
Le père Léthel est l’auteur de nombreuses publications, dont un ouvrage sur la théologie des saints : Connaître l’Amour du Christ qui surpasse toute connaissance. La théologie des saints (Venasque, 1989, Ed. du Carmel).
Chaque année, pendant la première semaine de Carême, le pape participe aux Exercices spirituels dans la chapelle Redemptoris Mater au Vatican. Durant cette semaine, toutes les audiences pontificales, y compris l’audience générale, sont suspendues.
Chaque journée est rythmée par les laudes, la tierce et les vêpres, suivies de trois méditations du prédicateur, et se conclut par l’adoration et la bénédiction eucharistique.
L’an dernier, c’est un prêtre salésien, don Enrico dal Covolo, qui avait proposé des méditations sur le thème « ‘Leçons’ de Dieu et de l’Eglise sur la vocation sacerdotale ».

Marine Soreau

Echos de l’Irak crucifié

15 novembre, 2010

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http://www.zenit.org/article-26077?l=french

Echos de l’Irak crucifié

ROME, Lundi 15 novembre 2010 (ZENIT.org) – Quand il s’agit d’enfants que l’on tue au nom d’une idéologie qui croie faire la volonté de Dieu en tuant des nouveaux-nés, des femmes enceintes, des prêtres et des personnes âgées, un bon journaliste chrétien à le devoir de clamer son indignation, de ne pas chercher seulement à rapporter les faits de manière indifférente, mais d’être une voix qui fait la différence ; d’être la voix de celui qui ne l’a plus car son cri a été étouffé par la violence et noyé par les larmes.
Tant de personnes voudraient aider les chrétiens persécutés en Irak, mais elles manquent souvent d’idées ou de moyens. La prière est sans aucun doute fondamentale, mais la vraie prière doit s’accompagner de gestes concrets. C’est pourquoi l’édition en langue arabe de ZENIT a décidé de donner la parole à des personnes impliquées de près dans le drame irakien, pour qu’elles nous fassent entendre, plus que les cris de désespoir des chrétiens crucifiés d’Irak, leurs raisons d’espérer, les échos d’une résurrection possible pour eux.
Dans le souci de préserver la vie privée et la sécurité des personnes que nous avons interpellées et celles de leurs proches en Irak, nous avons choisi de ne reporter que les initiales de leurs noms.

Le rôle des médias

Le prêtre irakien A. N., ami et collègue des pères martyrs Thaer et Wassim, nous écrit : « En tant que chrétien et irakien je demande à tous de s’engager à faire résonner dans le monde la voix des chrétiens irakiens en utilisant l’autorité des moyens de communication, car nos moyens à nous sont limités et pauvres, et nous avons vraiment besoin de moyens médiatiques puissants et multilingues qui fasse arriver notre cri aux autorités gouvernementales du monde ».
Il explique par ailleurs que ce que l’on sait des souffrances des chrétiens en Irak n’est qu’une goutte dans un océan. Leurs drames ne se limitant certainement pas au massacre de l’église de Saydet Al-Najat, il invite les médias à faire étalage de « tous les meurtres violents, les massacres, les persécutions et les enlèvements » auxquels les chrétiens, à l’ombre des projecteurs médiatiques, sont « exposés quotidiennement ». Cette action, insiste-t-il, est « un témoignage nécessaire à la vérité, seule capable de sauver le monde ».

Les irakiens en diaspora

Une autre lettre nous est arrivée d’un prêtre libanais, le père A. F. engagé depuis plusieurs années dans les secours aux réfugiés irakiens, musulmans et chrétiens, au Mont Liban. Le prêtre nous demande d’attirer l’attention non seulement sur les chrétiens présents en Irak, mais également sur le grand nombre d’Irakiens, chrétiens et musulmans, oubliés depuis des années dans de petites nations comme le Liban.
Ils sont oubliés parce qu’ils ne font pas la Une ou ne sont pas l’objet de scoop, or ces derniers « se comptent par milliers et ils réclament un réel soutien matériel et moral ». Des milliers d’irakiens ont été accueillis dans les pays limitrophes, et dans le cas du Liban, comme nous l’a expliqué le père A. F., il y a de sérieuses difficultés à poursuivre économiquement cet engagement entrepris avec gratuité et générosité.
Le père libanais appelle donc les grandes organisations humanitaires à venir en aide aux églises, aux couvents et aux petites communautés libanaises qui, depuis des années, apportent leur aide aux réfugiés irakiens.

Créer un avenir

Le docteur W. W., activiste humanitaire irakienne qui a perdu sept de ses amis dans le dernier attentat, décrit la situation de la façon suivante : « Les chrétiens en Irak se divisent entre ceux qui veulent résister et rester et ceux qui ont peur et veulent s’en aller car la situation s’est subitement aggravée ».
Elle ajoute : « Je sais que l’Église souhaite que les gens n’émigrent pas, mais la situation est maintenant beaucoup plus grave que le souci de préserver la tradition et la civilisation chrétienne si ancrée dans cette terre… ce sont les vies de personnes qui sont en jeu et je ne peux imaginer que l’Église, qui est mère et maître, préfère les pierres aux personnes ».
Elle invite tous les chrétiens du monde, et surtout en Occident, à faire des gestes concrets pour donner un avenir aux chrétiens d’Irak, en les aidant à aller s’installer dans d’autres nations : «Sachant que demander à chaque famille d’Europe d’adopter une famille irakienne est utopique, je suggère une chose pratique : que chaque paroisse adopte une famille chrétienne d’Irak, pour lui permettre de recommencer une vie digne ».

Une nouvelle diffusion de la foi

Enfin, le religieux P. M., demande aux autorités internationales et aux grandes communautés chrétiennes d’exiger des nations islamiques et des musulmans qu’ils dénoncent ouvertement et clairement ces actes barbares, et à ne pas rester des spectateurs passifs devant ce massacre « car s’ils le refusent vraiment ils doivent dénoncer ouvertement ».
En même temps que des gestes concrets, le religieux invite à lever les yeux vers notre espérance chrétienne, rappelant que « l’Eglise a commencé comme cela : après la Pentecôte est venue la persécution, et c’est avec la persécution que l’Eglise s’est diffusée ».
Il évoque dans ce contexte le récent synode des évêques pour le Moyen-Orient, organisé au Vatican du 10 au 24 octobre, et qui a été comparé à « une nouvelle Pentecôte », ajoutant : « Voilà, après cette nouvelle Pentecôte, le même vieux scénario se répète avec la persécution qui arrive. Réjouissez-vous chers martyrs car le Seigneur a entendu le cri de votre sang sur lequel s’élèveront les fondations de nouvelles églises et jaillira la semence de nouveaux chrétiens ».
Le religieux cite un passage très actuel des écrits de saint Ignace d’Antioche qui dit : « Pour les autres hommes ‘prier sans interruption’. En eux se trouve l’espérance d’une conversion qui leur fera trouver Dieu. Faites qu’ils apprennent de vos œuvres. Devant leur colère soyez doux ; devant leur mégalomanie soyez humbles ; répondez à leurs injures par vos prières ; devant leur erreur « ayez la foi solide » ; devant leur férocité soyez des hommes de paix, n’essayant pas de les imiter. Dans la bonté soyons leurs frères, en essayant d’être des imitateurs du Seigneur. Qui, plus que lui, a souffert d’injustice ? Qui comme lui a connu plus de privations ? ».
Il conclut en disant : «  Tout ce que nous pouvons faire est de montrer au monde que l’amour est plus fort que l’épée ».

Robert Cheaib

Haïti : Le Secours catholique se mobilise et lance un appel aux dons

16 janvier, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-23207?l=french

Haïti : Le Secours catholique se mobilise et lance un appel aux dons

La catastrophe nécessite une réponse rapide !

ROME, Jeudi 14 janvier 2010 (ZENIT.org) – Suite au séisme qui vient de frapper Haïti,  le Secours catholique mobilise depuis mercredi ses délégations en métropole et aux Antilles, tentant également de faire une première évaluation avec son partenaire local, Caritas Haïti.

Le Secours catholique – Caritas France, qui soutient des programmes d’urgence et appuie les initiatives de développement de ses partenaires locaux en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique latine, a d’ores et déjà lancé un appel aux dons afin de « pouvoir rapidement financer les premières aides d’urgence en faveur des milliers de sinistrés haïtiens », souligne l’association dans un communiqué diffusé en première page sur son site. 
 
« La catastrophe majeure qui a touché Haïti nécessite une réponse rapide et à la hauteur des dégâts particulièrement importants », insiste-t-elle

Pour le moment, l’organisme, qui assure chaque année près de 600 opérations internationales, tente de recueillir le plus d’informations possibles sur la situation des sinistrés et d’évaluer les premiers besoins essentiels et adéquats. 
 
Dans le même temps, des informations devraient rapidement être échangées avec Caritas Internationalis et les différentes organisations de Caritas qui ont déjà des équipes sur place.

En France, le Secours catholique précise qu’il va mobiliser son réseau de délégations afin de sensibiliser l’opinion publique à cette catastrophe et aux besoins d’aide d’urgence. 

Il s’agit également de soutenir l’appel aux dons lancé dès mercredi et qui permettra de financer les premières aides aux sinistrés, puis dans un second temps la nécessaire reconstruction.

 Le Secours catholique fait savoir qu’il  travaillera plus spécifiquement avec ses délégations de la Guyane, Martinique et Guadeloupe, dont les équipes ont une expérience qui a fait ses preuves dans les domaines d’intervention et de mobilisation face à ce type de catastrophe.

Depuis les derniers cyclones de 2008, le Secours catholique appuie la Caritas Haïti dans des projets de construction et de réhabilitation des systèmes d’adduction d’eau. 

Haïti fait partie des pays éminemment prioritaires dans l’action internationale du Secours catholique. 60% des Haïtiens et 80% de la population rurale vivent sous le seuil de pauvreté.

Un appel aux dons financiers est lancé : Secours catholique, BP 455, 75007 Paris (Mention : « Séisme Haïti »).

Pour plus de renseignements cliquer sur :

 http://www.secours-catholique.org/dossier_55_2005.htm

Isabelle Cousturié

Les catholiques en régions arabes et en Israël : rencontre avec le P. Neuhaus, sj

2 décembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22834?l=french

Les catholiques en régions arabes et en Israël  : rencontre avec le P. Neuhaus, sj

Une petite communauté hébréophone représentée au synode d’octobre 2010

ROME, Mardi 1er décembre 2009 (ZENIT.org) – La communauté des catholiques d’expression hébraïque qui vivent en Israël est confiée aux soins pastoraux d’un vicaire patriarcal, le Rév. P. David Neuhaus, sj, qui vient de participer, à Rome, à la réunion annuelle de la Conférence des évêques latins des régions arabes (CELRA). Une partie de la communauté appartient au peuple juif et une autre partie vient des « nations » : elle forme « une seule communauté en Jésus Christ », dans l’Eglise catholique.

Le père David Neuhaus s.j. a bien voulu expliquer à Zenit la mission de la CELRA et la vie de la communauté dont il est spécialement responsable. Un synode rassemblera à Rome les Eglises du Moyen Orient en octobre 2010.

Zenit – La rencontre annuelle de la CELRA s’est tenue au Vatican du 16 au 19 novembre 2009 : qu’est-ce que la CELRA ?

P. David Neuhaus – La CELRA a été formée en 1963, un fruit du Concile et elle regroupe les évêques latins des régions arabes, c’est-à-dire (et cela n’est pas tout à fait évident à cause de la complexité de notre petit monde catholique du Proche Orient) : le Liban, la Syrie, l’Iraq, le Golfe arabe (qui inclut les principautés arabes, Arabie Saoudite, Yémen), Kuweit, Somalie et Djibouti, de l’Egypte et les quatre pays du Patriarcat latin de Jérusalem (la Jordanie, le Palestine, Israël et Chypre). La CELRA représente une réalité très diversifiée malgré un contexte majoritairement islamique et arabophone. Elle représente des catholiques qui sont arabes ou arabophones mais il y a également à la fois les chrétiens arabes et non-arabes qui vivent en milieu majoritairement juif dans l’Etat d’Israël, les catholiques qui vivent en milieu majoritairement grec-orthodoxe en Chypre et surtout les centaines de milliers d’ouvriers étrangers dans tous les pays de ces régions – des catholiques philippins, indiens, sri-lankais, soudanais, etc. Par exemple : dans les pays du Golfe et au Kuweit, la grande majorité des catholiques sont des ouvriers étrangers.
Le Patriarche de Jérusalem est le Président de la CELRA et les évêques de la CELRA se rencontrent une fois par an. Tous les deux ans, cette réunion se tient à Rome, comme cela a été le cas cette année. Il faut peut-être souligner que ce n’est pas évident d’être « latin », c’est-à-dire catholique romain, dans des régions qui font partie du monde chrétien d’orient  : dans certains de ces pays les catholiques latins sont une petite minorité parmi les catholiques qui sont pour la plupart des rites orientaux. Le dialogue avec les autres Eglises catholiques est essentiel.

Zenit – Sur quoi ont porté les travaux de Rome ?

P. David Neuhaus – Une partie essentielle de ces réunions est l’échange entre évêques sur la vie dans chacun de ces diocèses. La vie n’est simple nulle part. Partout il y a des grands défis touchant la survie de ces Eglises en milieu où les chrétiens sont très minoritaires et doivent parfois faire face aux problèmes multiples : la violence, les guerres, l’instabilité politique, sociale et économique, la discrimination, etc. Mais bien sûr il y a également de bonnes nouvelles parce nous sommes appelés à être le peuple de la Bonne Nouvelle. Malgré ces problèmes énormes, il y a partout des communautés pleines de vitalité et de joie. Il y a beaucoup d’initiatives pour renforcer la foi des fidèles, les former, renouveler leur sens de leur identité chrétienne et aider les pauvres et ceux qui souffrent. Une des bonnes nouvelles, qui a été une source de joie pour tous les participants, a été la béatification – à Nazareth quelques jours après notre réunion – de la fondatrice des Sœurs du Rosaire (très actives dans beaucoup de ces pays), la Bienheureuse Marie-Alphonsine Ghattas, une palestinienne de Jérusalem.

Une autre partie importante de ces réunions et spécialement quand elles se tiennent à Rome, sont les occasions de rencontrer les autorités ecclésiales et de s’informer sur les initiatives et les activités. Nous avons eu une rencontre avec le nouveau secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales (dont notre conférence épiscopale fait partie), Mgr Cyril Vasil  ; nous avons eu l’occasion d’entendre le cardinal Jean-Louis Tauran sur les rapports avec le monde musulman  ; nous avons pris un temps plus long avec Mgr Vittorio Nozza de Caritas Italie pour nous informer du travail caritatif en Italie et pour approfondir notre compréhension de ce travail essentiel de l’Eglise. Chaque évêque a pu partager son expérience d’assistance caritative dans son diocèse et nous avons rendu compte du travail gigantesque que fait l’Eglise malgré notre très petit nombre.

On était aussi guidés par l’espérance de commencer déjà le travail de préparation pour le Synode pour l’Eglise au Proche-Orient (du 10 au 24 octobre 2010). De fait, nous avons rencontré le secrétaire du Synode, Mgr Nikola Eterovic, et avec lui nous avons pu discuter de certains aspects mais les détails resteront à voir après la publication des « lineamenta », dont nous attendons la parution.

Zenit – Vous avez rencontré Benoît XVI à cette occasion : que vous a-t-il dit ?

P. David Neuhaus – Le mercredi 18 novembre, nous avons été présents pour l’audience générale du Saint-Père. Au terme de l’audience, le Saint-Père a salué chacun des membres de la CELRA en assurant chacun de ses prières pour nos communautés. La cordialité chaleureuse du Saint-Père est toujours une grande consolation et il se souvenait de sa visite en Terre Sainte au mois de mai dernier, mais il se prépare également à une visite à Chypre en juin 2010  : une occasion pour remettre aux évêques catholiques de tout le Proche Orient l’« Instrumentum laboris » pour le Synode en octobre 2010.

Zenit – Vous êtes vicaire patriarcal pour la communauté catholique hébréophone : comment ce vicariat a-t-il été créé ?

P. David Neuhaus – En fait, notre petit Vicariat est inséré dans la CELRA parce que nous faisons partie du Patriarcat latin de Jérusalem mais nous ne vivons pas dans le monde islamique-arabophone mais plutôt dans le monde juif-hébréophone. Peut-être est-ce un signe eschatologique, une promesse de paix et de réconciliation que nous soyons présents dans cette conférence épiscopale parce que nous le croyons de tout notre cœur : « De ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation : la haine » (Ephésiens 2,14). Pour nous, le défi c’est de vivre profondément la communion avec nos frères et sœurs de foi, les Arabes chrétiens, dans un contexte de conflit national et notre réussite peut être un signe d’espoir pour notre pays.

Notre début date de 1955, quand les premiers pionniers, religieux, religieuses, prêtres et laïcs, ont fondé l’œuvre de Saint Jacques pour répondre à la nouvelle réalité de l’établissement de l’Etat d’Israël et l’immigration massive des juifs qui incluait ces juifs convertis, des conjoints catholiques des juifs et des catholiques qui venaient pour travailler en Israël. Pendant les premières années des communautés paroissiales en langue hébraïque ont été établies dans toutes les grandes villes pour des milliers de catholiques qui n’ont été pas arabes mais sont devenus des citoyens d’Israël ou des résidents à long terme. Les statuts fondateurs de l’œuvre soulignaient le travail pastoral mais également la consécration au dialogue avec le peuple juif et le travail pour la réconciliation. Ces communautés sont devenues également un lieu de prière pour la paix et un pont entre l’Eglise majoritairement arabe palestinienne et la population juive israélienne.

Prier en hébreu, vivre catholique en hébreu, vivre comme une minorité catholique dans une société juive, tout cela est une réalité très nouvelle pour l’Eglise. Les pionniers qui nous ont précédés ont fait un travail énorme pour traduire la liturgie, développer une musique sacrée en hébreu, créer un vocabulaire théologique chrétien en hébreu, commencer une présence chrétienne de réconciliation et de connaissance mutuelle au sein de la société juive.

Depuis ces premières années, le nombre de nos fidèles a diminué, pas uniquement à cause de l’émigration, mais plutôt à cause de l’assimilation. La nouvelle génération des catholiques israélienne hébréophone a tendance à trouver sa place dans la société juive laïque. Nous n’avons pas d’institutions éducatives ni d’autre type. Nos communautés très petites ne créent pas un milieu social pour nos jeunes qui tendent à se marier avec des juifs et très souvent nos jeunes se convertissent au judaïsme pour se marier. Notre plus grand défi aujourd’hui est d’essayer de tenter de transmettre la foi à la nouvelle génération pour qu’ils y trouvent non seulement intérêt mais également un soutien pour vivre leur quotidien.

Depuis une vingtaine d’années, ces communautés ont été enrichies par l’arrivée des vagues d’émigrés de l’ex-USSR. Ces centaines de milliers de russophones incluaient des dizaines de milliers de chrétiens et parmi eux un certain nombre de catholiques. Aujourd’hui nous avons aussi un apostolat en langue russe, mais leurs enfant sont devenus très vite hébréophones et maintenant le grand défi est de préserver la foi chrétienne de ces enfants et de les préparer pour une vie au sein d’une société juive, hébréophone en Israël.

En 1990, le Patriarche latin, Michel Sabbah, a nommé un Vicaire patriarcal pour ces communautés pour la première fois, le Père Abbé bénédictin Jean-Baptiste Gourion. En 2003, le Pape Jean-Paul II l’a élevé à l’épiscopat. Tout cela a aidé à donner une certaine visibilité à cette présence de l’Eglise en Israël.

Un nouveau défi important aujourd’hui est de s’ouvrir au monde des ouvriers étrangers qui viennent pour de longues périodes et qui apprennent l’hébreu pour leur travail. Parfois leurs enfants sont nés ici et vont à l’école en hébreu… ces enfants, par définition, deviennent eux aussi catholiques hébréophones.

Zenit – Combien de communautés sont ainsi sous votre responsabilité pastorale ?

P. David Neuhaus – Aujourd’hui nous avons six centres dans le pays et neuf prêtres qui nous servent. Le travail est véritablement de chercher les brebis perdues, ceux qui ne savent pas que cette Eglise hébréophone existe et qu’il est possible de vivre une vie catholique en hébreu au milieu de la société israélienne juive.

Zenit – Qu’attendez-vous du synode pour l’Eglise au Proche-Orient qui aura lieu à Rome du 10 au 24 octobre 2010 ?

P. David Neuhaus – Bien sûr ce Synode est prévu pour l’Eglise qui vit aujourd’hui dans un contexte majoritairement islamique et arabophone. Pourtant, avec toute la complexité que cela évoque, l’Etat d’Israël et la société juive font partie aujourd’hui de cette réalité du Proche Orient. La présence de notre Vicariat, même si cela sera une présence modeste et presque silencieuse, peut porter un témoignage chrétien important  : la coexistence, la réconciliation, le dialogue, l’enrichissement mutuel sont possibles !

Zenit – Ce petit troupeau a certainement besoin de soutien : comment manifester notre solidarité ?

P. David Neuhaus – En fait, nous sommes une Eglise presque invisible. Les églises, les institutions catholiques (écoles, hôpitaux, centres sociaux) sont ou arabophones ou étrangères. Nous nous réjouissons aujourd’hui que beaucoup de pèlerins viennent en Terre Sainte non pas uniquement pour retrouver les pierres des sanctuaires et des Lieux saints mais également pour retrouver les pierres vivantes – les communautés des chrétiens. Nous en faisons partie également. Nos frères et sœurs palestiniens arabes vivent dans une situation très difficile et nous nous réjouissons que le monde chrétien se montre très généreux à leur égard. Mais bien sûr nous avons nos besoins également et parfois c’est très difficile de trouver les moyens de faire le travail qu’il faut faire pour préserver cette expression essentielle de l’Eglise en Terre Sainte. Actuellement, nous avons plusieurs projets importants : publier une série de livres de catéchèse pour nos enfants (le premier « Connaître le Messie », vient de paraître avec une aide généreuse de l’organisation allemande, l’Aide à l’Eglise en détresse – Kirche in Not), organiser des activités de formation et de camps d’été pour les enfants, organiser des sessions pour les jeunes couples, former nos prêtres et nos catéchistes etc.

Nous avons lancé, il y a deux ans, un site Internet très actif en hébreu, russe, anglais et un peu en français et tous ceux qui veulent en savoir davantage peuvent s’y rendre et entrer en contact avec nous : www.catholic.co.il.

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

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