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LES ANCÊTRES D’ABRAHAM

24 juin, 2015

http://bible.archeologie.free.fr/ancetresdabraham.html

LES ANCÊTRES D’ABRAHAM

Insérées entre les différents récits de la vie des patriarches, le livre de la Genèse contient plusieurs listes généalogiques de personnages qui constituent la descendance du premier homme et les ancêtres d’Abraham. Entre l’histoire de Caïn et d’Abel, celle du Déluge et celle d’Abraham, figurent ces longues énumérations de personnages avec leurs noms et les durées de leurs vies (Gn. 5, 3-32 ; Gn. 10, 1-31 ; Gn. 11, 10-26). On peut s’interroger sur la valeur historique des arbres généalogiques bibliques.

Une ancienne civilisation renaît
Les recherches archéologiques conduites au Proche-Orient ont fait revivre des civilisations antiques qui remontent à l’aube de l’Histoire. Parmi celles-ci, la Mésopotamie tient une place unique car c’est précisément dans la région de Sumer, autour de l’embouchure des deux fleuves, que l’écriture fut inventée (vers 3300 av. J.-C.), et que prit forme le modèle d’une société urbaine politiquement organisée.
Les fouilles effectuées en Mésopotamie ont livré un grand nombre de documents écrits de cette époque, qui ont permis de mettre en lumière toute l’histoire de cette civilisation disparue. Les écrits consistent en millions de tablettes en argile cuite gravées en écriture cunéiforme. L’abondance de cette documentation est telle que même aujourd’hui, le travail de leur traduction systématique est loin d’être terminé.

Parallèles généalogiques
L’histoire redécouverte de la Mésopotamie antique présente quelques particularités étonnantes dont on retrouve un certain écho dans la Bible. Par exemple, les plus anciens rois sumériens sont dotés de durées de vie incroyablement longues, puisqu’ils atteignent des âges de plusieurs milliers d’années ! D’autre part, les archives chaldéennes qui font état d’un Déluge, marquent un changement dans les durées de vie des monarques postérieurs au Déluge, qui deviennent équivalentes aux nôtres.
Très curieusement, on retrouve dans une moindre mesure à peu près le même schéma avec les listes généalogiques de la Bible. En effet les patriarches de la Genèse antérieurs au Déluge auraient vécu pendant des centaines d’années, le record de longévité étant tenu par le fameux Mathusalem, un patriarche qui mourut à neuf cent soixante-neuf ans (Gn. 5, 27). Juste avant le Déluge, Dieu déclara que les hommes ne vivraient plus désormais que durant cent vingt ans (Gn. 6, 3). Après la catastrophe, les générations suivantes ont pourtant des durées de vies encore très longues : Sem, fils de Noé, mourut à six cents ans. Mais l’âge des patriarches postdiluviens se réduisit nettement, et au temps d’Abraham l’espérance de vie tourne autour de deux cents ans. Abraham lui-même mourut à cent soixante-quinze ans (Gn. 25, 7).
Noé avait eu trois fils appelés Sem, Cham et Japhet, fondant ainsi une famille rescapée du Déluge qui serait à l’origine de toute l’Humanité. Leurs descendants se dispersèrent pour s’établir dans plusieurs régions, où ils bâtirent des villes auxquelles ils donnèrent leurs propres noms. Ainsi certains lieux géographiques que nous connaissons aujourd’hui semblent avoir un lien patronymique avec des personnages de l’Ancien Testament. C’est le cas par exemple de Canaan, de Saba, d’Assour, de Sidon et d’Elam, qui sont également des noms de personnes dans la généalogie biblique (Gn. 10).
L’un des descendants de Noé, Abraham, futur ancêtre de toute la lignée israélite, était originaire de Ur en Chaldée. Il suivit son père et sa famille qui partirent s’établir dans une ville nommée Harân. Abraham entendit à Harân un premier appel divin, qui l’invitait à quitter la maison paternelle pour se diriger vers une nouvelle terre. Il emmena sa femme Saraï ainsi que quelques personnes proches et se rendit en Canaan (Gn. 11, 31 – 12, 5).

Ur des Chaldéens
Jusqu’au XIXème siècle de notre ère, personne ne pouvait situer sur une carte les villes où Abraham et sa famille auraient séjourné. Depuis lors, de nombreuses missions archéologiques menées en Mésopotamie ont permis de les révéler. Parmi les sites fouillés, un lieu appelé Tell al-Muqaiyar, au sud de l’Euphrate terminal en Basse Mésopotamie, fut excavé en 1854 par le consul britannique John George Taylor. Il livra à côté des restes d’une massive ziggurat, plusieurs petits sceaux cylindriques inscrits en caractères cunéiformes. Ces inscriptions révélèrent le nom du roi sumérien qui avait fait ériger la tour : Ur-Nammu.
En 1923, l’archéologue Leonard Woolley revint sur le même chantier et dégagea au pied de la tour les vestiges d’une grande et riche ville de l’époque. Faisant alors le rapprochement entre le nom du roi Ur-Nammu et la ville biblique de « Ur en Chaldée », il identifia la ville de Ur au site de Tell al-Muqaiyar. Les ruines de l’antique cité de Ur constitueraient donc l’une des plus anciennes racines géographiques du peuple d’Israël.

Où se trouve la Harân biblique ?
Cette question trouva sa réponse lorsque les restes d’une riche cité antique furent dégagés à Abu-Kemal, en Syrie. Ce que les pioches du professeur André Parrot révélèrent à partir de 1933, c’était l’ancienne capitale du royaume de Mari. Parrot et son équipe mirent à jour un immense et magnifique palais, qu’ils datèrent d’entre 2000 et 1700 av. J.-C., et dans les salles duquel ils trouvèrent une bibliothèque contenant 23 000 tablettes d’argile gravées. Leur déchiffrement allait permettre de reconstituer l’histoire de ce royaume, mais aussi de dévoiler quelques indices bibliques.
Au cours du patient travail de traduction de ces documents, sont apparus là aussi quelques noms de personnes et de lieux également cités dans la Genèse en tant que noms de personnes : Pelage, Serug, Nahor, Tharé et Harân (Gn. 11, 20-26). Il ressortait de cette documentation que la ville de Harân se trouvait au centre de la plaine d’Aram. De la même manière, on put également situer Nahor, ville natale de Rébecca, la future épouse de son fils Isaac.
On peut donc suivre les étapes du périple qu’emprunta le patriarche vers la terre où Dieu l’invitait à s’établir. Parti de Ur, il remonta les deux fleuves jusqu’à Harân, puis se dirigea vers la Méditerranée et l’attrayante plaine de Canaan.

SUR LES TRACES DES MAGES D’ORIENT

5 janvier, 2015

http://bible.archeologie.free.fr/roismages.html

SUR LES TRACES DES MAGES D’ORIENT

(bib-arch.org)

« Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à son lever et nous sommes venus lui rendre hommage » (Mt. 2. 1-2).
Les mages qui avaient suivi l’étoile prophétique rendirent visite au roi de Judée Hérode le Grand. Ils le consultèrent au sujet du nouveau roi, et les prêtres leur indiquèrent la ville de Bethléem. Les mages se rendirent donc à Bethléem, où ils trouvèrent un enfant couché dans une crêche à qui ils offrirent des présents. A leur retour ils ne s’arrêtèrent pas chez Hérode, ce qui déplut fortement au roi. L’impitoyable monarque ordonna en représailles un infanticide général, destiné à éliminer le nouveau-né, mais celui-ci fut mis à l’abri en Egypte par ses parents et y demeura jusqu’à la mort d’Hérode (Mt. 2).
Le terrible forfait commis par le roi de Judée est conforme au caractère impitoyable du personnage tel qu’il apparaît dans l’Histoire. Quant aux mages, quelles motivations avaient poussé ces voyageurs de haut rang à se déplacer depuis un pays lointain pour s’incliner devant un enfant de Bethléem ? D’où venaient-ils ? Quel astre avaient-ils vu ? Aujourd’hui, leur identité et leur histoire se révèlent peu à peu.
L’évangile de Matthieu n’est pas le seul document d’époque à relater la visite de ces mages en Judée. Un témoignage moins connu nous vient de l’historien Flavius Josèphe (37-100), un prêtre juif qui tenta de promouvoir un rapprochement diplomatique entre les peuples juif et romain. Son oeuvre politique fut un échec, mais son travail d’historien constitue une source d’informations de première importance sur son époque. Elle est d’autant plus précieuse qu’il fait plusieurs fois référence au personnage de Jésus de Nazareth, et qu’il est le premier à le citer. Ainsi, dans son ouvrage « La guerre des Juifs », il parle des mages rendant visite à un enfant-roi dont la naissance est annoncé par une étoile, dans une version très proche de celle de Matthieu :
« Des sages venus de Perse visitent Hérode. « Nous venons de Perse, nos ancêtres ont recueilli des Chaldéens l’astronomie qui est notre science et notre art… » L’étoile leur est apparue et signifie la naissance d’un roi qui dominera sur l’Univers. L’étoile les conduit à Jérusalem mais disparaît. Hérode leur recommande de lui indiquer qui est la personne désignée par l’étoile, mais les Perses ne reviennent pas et Hérode fait massacrer 63 000 enfants de moins de trois ans. »
Si Josèphe semble confirmer la terrible réalité du massacre des enfants, avançant même un nombre possible de victimes, il précise également que le pays d’origine des mages était la Perse.
L’empire perse est le berceau d’une autre religion monothéiste, le zoroastrisme, qui avait été prêchée cinq cents ans plus tôt par son fondateur Zarathoustra. Cette croyance demeura la religion officielle de la Perse jusqu’à l’arrivée de l’islam au VIIème siècle. Elle partageait quelques points communs avec le christianisme. Son dieu appelé Ahura Mazda aurait créé l’Univers, et adopté le feu comme symbole. Le zoroastrisme était fondé sur un combat entre le bien et le mal, et annonçait la venue prochaine d’une sorte de messie, le « Saoshyant », qui devait naître d’une vierge et rétablir la justice en régénérant le monde. La démarche des mages de la crèche s’inscrit de manière cohérente dans la pensée zoroastrienne.
D’autres sources documentaires liées à l’Orient semblent se faire l’écho de la mémoire de ces personnages. Au Moyen-âge, le marchand vénitien Marco Polo (1254-1323) se rendit en Chine par la route de la soie. En chemin il dit s’être arrêté dans une ville de Perse appelée Saba (ou Saveh), où étaient vénérées les tombes traditionnelles des trois mages.
Le carnet de voyages de Marco Polo, connu sous le titre de « Livre des merveilles du monde », précise que l’un des trois mages aurait été roi de Saveh, le second de Diaveh et le troisième de Chiz. Saveh aurait été leur point de départ pour la Terre sainte, mais aussi leur lieu de leur sépulture. Marco Polo affirme y avoir visité leurs tombeaux en explorant le pays :
« En Perse est la ville de Saba (Saveh), de laquelle les trois rois mages sont partis [...] et dans cette ville ils sont enterrés, dans trois grands et beaux monuments. Et parmi ceux-là existe un bâtiment carré, magnifiquement conservé. Les corps sont toujours entiers, avec leurs cheveux et leurs barbes ».
Saveh est aujourd’hui une ville moderne, implantée à 130 km au sud-ouest de Téhéran. Ce fut dans l’Antiquité un centre urbain important à partir de l’empire mède (env. VIIIème siècle av. J.-C.). Les fouilles les plus récentes de ses ruines furent effectuées en 2009, à l’initiative d’une équipe du centre iranien de recherches archéologiques dirigée par Pouriya Khadish. Entre autres vestiges, on dégagea les ruines de longs aqueducs et de plusieurs forteresses et relais caravaniers datant des dynasties parthe et sassanide (IIIe siècle av. J.-C. – VIIIe s. ap. J.-C.). Saveh posséda en outre l’une des plus importantes bibliothèques de Perse, qui fut détruite par les Mongols au XIIIème siècle. A ce jour, personne n’a retrouvé la trace des sépultures décrites par Marco Polo. Mais nous savons par l’étude du terrain que la cité était prospère au tournant de l’ère chrétienne.
Le voyageur vénitien recueillit sur place une curieuse légende, qui circulait dans le pays et qui évoque inévitablement l’évangile de la Nativité. Trois rois partirent un jour de Saveh pour voir un prophète nouveau-né en Palestine, à qui ils offrirent des présents. Celui-ci leur donna en échange une boîte à ne pas ouvrir. Sur le chemin du retour cependant, les mages ouvrirent le coffre malgré l’interdiction, et trouvèrent à l’intérieur une simple pierre. Déçus, ils la jetèrent dans un puits, mais voilà qu’il en surgit miraculeusement une grande flamme. Ils en prélevèrent une partie qu’ils rapportèrent à Saveh pour la placer dans un sanctuaire appelé le « château des adorateurs du feu », et dès lors les habitants de Saba vénérèrent ce feu qui ne devait jamais s’éteindre.
Ce récit fabuleux qui existe en plusieurs variantes, semble étrangement illustrer certaines données de terrain. A 400 km au nord-ouest de Téhéran, un site étonnant pourrait correspondre à la forteresse que Marco Polo appelle le « château des adorateurs du feu » : le Takht e Suleiman. Au milieu d’une grande plaine fertile, une colline de faible hauteur est entourée par une enceinte fortifiée ayant un vaste lac en son centre. Ce lieu particulier et riche en vestiges fut fouillé dans les années 1970 par Rudolf Naumann et Dietrich Huff, de l’Institut allemand d’archéologie. Les chercheurs dégagèrent un vaste complexe architectural, comprenant plusieurs temples antiques, dont l’un était visiblement dédié à l’eau et l’autre au feu. Une « salle du feu » bâtie en forme de croix présente en son centre un foyer de forme carrée. Tout autour se trouvent d’autres constructions, dont une salle carrée avec un dôme et des salles à colonnes.
Le Takht e Suleiman fut l’un des lieux les plus sacrés de l’ancienne Perse, car il passe pour avoir été le lieu de naissance de Zarathoustra. Il fut occupé dès le Ier millénaire av. J.-C. et jusqu’à sa destruction en 624 par l’empereur byzantin Héraclius. De vieux documents arabes ont permis d’établir que ce site n’était autre que l’ancienne ville de Chiz à laquelle Marco Polo fait référence. Par la suite son histoire s’est enrichie de diverses légendes, mettant en scène des personnages fameux comme Crésus et Salomon, avec des histoires de monstres lacustres et de trésors engloutis.
Si l’on se dirige davantage vers le nord-ouest de l’Iran, on atteint le lac d’Urmia près duquel est implanté un autre lieu associé aux rois mages. Au sein de la ville d’Urmia, l’église byzantine Sainte Marie (Mart Maryam) passe pour être très ancienne, et bâtie sur la tombe de l’un d’eux. Elle date du IVème siècle et serait la seconde plus ancienne église du monde après celle de Bethléem. Certaines sources disent même qu’elle fut érigée « juste après l’Ascension du Christ ». Ce petit bâtiment carré fait de pierres et de briques, détruit et reconstruit plusieurs fois de suite, abrite plusieurs galeries et tombes souterraines. La possibilité qu’elle cache celle de l’un des mages de la crêche n’est pas inconcevable, à moins qu’elle ne commémore plus vraisemblablement qu’une simple étape de leur voyage.
En 1987, le jeune historien britannique William Dalrymple fit un voyage en Asie sur les traces de Marco Polo, excursion qu’il compléta à son retour par une recherche documentaire sur le pays des mages. Dans son livre intitulé « In Xanadu », il relève quelques traits caractéristiques de la Perse que l’on retrouve de manière frappante dans l’évangile de la Nativité. Ainsi, les mages constituaient une classe de prêtres zoroastriens pratiquant l’astronomie et l’interprétation des rêves. Le terme de mage (magos) est d’origine perse, et il apparaît non traduit dans l’évangile en grec de Matthieu. Les trois présents offerts à l’enfant Jésus (or, myrrhe, encens) étaient des matières fréquemment apportées en offrandes dans les rites perses. Quant au site de Saveh, il fut l’un des plus importants observatoires astronomiques de l’Asie.
Les éléments précédents nous éclairent de manière significative sur la civilisation persane d’où les rois mages seraient issus. Cependant, le mystère de leur sépulture dans leur pays d’origine demeure. Pourtant cette absence peut partiellement s’expliquer par l’existence d’une autre piste, digne du plus grand intérêt.
La filière en question nous ramène en Occident, au cœur de la vieille Europe et plus précisément dans la cathédrale de Cologne, où les reliques supposées des trois mages sont conservées. Trois squelettes quasiment complets reposent en effet dans la cathédrale allemande et sont considérés le plus sérieusement du monde comme étant ceux des visiteurs orientaux de la crêche de Bethléem.
Comment ces corps seraient-ils parvenus jusque-là ? Dans son « Histoire des rois mages », le religieux Jean de Hildesheim (env. 1315-1375) a écrit que les corps des trois mages avaient été exhumés en Orient vers l’an 330 par l’impératrice sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin.
« La reine Hélène (…) commença à penser aux corps de ces trois rois. Elle s’équipa elle-même et, accompagnée de quelques gardes, partit pour le pays d’Ind(…). Après avoir trouvé les corps de Melchior, Balthasar et Gaspar, la reine Hélène les plaça dans un coffre, qu’elle décora richement et qu’elle transporta à Constantinople (…), où elle le déposa dans une église appelée Sainte Sophie ».
Les archives historiques occidentales permettent de suivre à la trace le parcours de ces reliques depuis le IVème siècle. Au XIIème siècle, les précieux ossements furent déplacés de Constantinople à Milan, offerts à la ville par le souverain byzantin Manuel Ier Comnène. En 1162 l’empereur germanique Frédéric Barberousse assiégea et prit Milan, où il trouva les reliques des rois mages et les offrit à la ville de Cologne. Dans cette ville d’Allemagne fut alors construite pour les abriter une somptueuse cathédrale gothique, où elles se trouvent encore aujourd’hui.
Une châsse d’or exposée dans le choeur de la cathédrale contient les ossements de trois hommes, enveloppés dans une pièce de tissu. Le reliquaire fut ouvert une première fois en 1863 et révéla un ensemble d’ossements mélangés, qui permirent de reconstituer trois squelettes masculins. L’observation des sutures osseuses de leurs crânes conduisit à distinguer trois âges différents, conformément aux représentations traditionnelles des mages.
Des examens plus approfondis furent menés au siècle suivant, en 1981, lorsque l’évéché de Cologne s’adressa à un spécialiste des tissus antiques, le professeur Daniel de Jonghe, du musée royal d’art et d’histoire de Bruxelles, pour qu’il soit procédé à un examen détaillé de la toile entourant les reliques. Les conclusions des analyses qui furent effectuées s’avérèrent fort instructives.
L’étoffe est composée de fils de soie de Chine croisés avec des fils d’or. Elle est teinte avec de la pourpre, un colorant hautement précieux extrait de coquillages, et en l’occurence cette pourpre provient de la région de Tyr. Par analogie avec un autre tissu rigoureusement identique trouvé à Palmyre dans un édifice occupé entre 103 et 272, on a pu conclure qu’elle fut confectionnée entre le Ier et le IIIème siècles de notre ère.
Des lambeaux de vêtements trouvés sur les ossements furent également analysés. Ce sont des étoffes précieuses qui relèvent de trois fabrications différentes : deux sont en tissu damassé et un en taffetas. Toutes viennent du Proche-Orient et datent aussi de l’Antiquité tardive. Ces résultats sont cohérents avec ce que l’on sait de l’histoire de ces objets, s’il est exact qu’ils remontent à l’époque romaine.
L’histoire des rois mages occupe une grande place dans la tradition chrétienne occidentale. On peut retracer l’évolution des croyances qui leur sont attachées dès les premiers siècles de notre ère, à travers les écrits de plusieurs érudits. L’écrivain carthaginois Tertullien (160-225) leur a donné pour la première fois le titre de rois. Le théologien Origène d’Alexandrie (185-253) estima leur nombre à trois, pour qu’il corresponde aux trois présents offerts à l’Enfant Jésus (Mt. 2, 11). A partir du VIème siècle, apparaissent les noms propres qui leur furent attribués : Gaspar, Balthazar, Melchior.
La manière dont les premiers chrétiens se représentaient physiquement les rois mages se traduit également dans l’iconographie. L’une de leurs plus anciennes représentations se trouve sur la célèbre mosaïque de l’église Saint-Apollinaire de Ravenne (VIème siècle), où l’on peut voir trois hommes avançant à grands pas en apportant des plats à la Vierge et à l’Enfant. Détail révélateur, les vêtements qu’ils portent sont typiques des habits perses de l’époque antique : pantalon, tunique courte avec ceinture et bonnet phrygien caractéristique des prêtres du dieu Mithra.
D’autres images de ce type sont même antérieures à la mosaïque de Ravenne et lui ressemblent beaucoup. La plus ancienne, préservée depuis le IIIème siècle dans la catacombe Sainte Priscille de Rome, est une peinture murale ébauchée en hauteur sur l’arcade d’une voûte. Elle figure trois silhouettes humaines, toujours dans la même position et dans des tons différents. Ces images, sans doute des oeuvres clandestines réalisées au temps des persécutions contre les chrétiens, nous montrent comment la mémoire des rois mages se transmettait deux cents ans seulement après leur venue à Bethléem.

Références :
[1] – « Les rois mages ». (1000questions.net).
[2] – « L’histoire des rois mages ». Film documentaire, Atlantic Productions, 2002.
[3] – N. Mirshahi, S. Mirshahi : « Les rois mages et la galette des rois ». Association Farhang é Iran, 15 janv. 2006 (fravahr.org).
[4] – M.O. Mergnac : « Qui sont les rois mages ? ». (notrefamille.com).
[5] – M. Rose : « The Three Kings and the Star ». Archaeology, dec. 21, 2004 (archaeology.org).
[6] – G. Frangi : « The Rest of the Magi ». Traces, dec. 1999 (traces-cl.com).
[7] – N. Mirshahi, S. Mirshahi : « Les rois mages et la galette des rois ». Association Farhang é Iran, 15 janv. 2006 (fravahr.org).
[8] – D. Scherm : « Die Reliquen der drei Heiligen könige im Kölner Dom ». Web.archive, 2000 (wen.archive.org).
[9] – « Saveh » (fr.wikipedia.org).
[10] – « Takht-e Sulaiman ». Unesco, convention du patrimoine mondial (whc.unesco.org).
[11] – A.V. Williams Jackson : « Persia past and present : a book of travel and research, with more than two hundred illustrations and a map ». The Macmillan Company, New York 1906, pp. 102-103 (archive.org).

 

ÉPHÈSE AU TEMPS DE SAINT PAUL. TEXTES ET ARCHÉOLOGIE.

27 juin, 2013

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1676.html

ÉPHÈSE AU TEMPS DE SAINT PAUL. TEXTES ET ARCHÉOLOGIE.

Par Jerome Murphy-O’Connor
Jerome Murphy-O’Connor
Éphèse au temps de saint Paul. Textes et archéologie.
« Initiations Bibliques », Éd. du Cerf, Paris, 352 p., 44 €.

Voilà un livre d’une grande richesse : pour une part, un gros dossier, une sorte de compilation de tout ce qui a été écrit dans l’antiquité sur Éphèse ; pour le reste, un récit du ministère de Paul dans cette ville, récit exégétiquement fondé et un tantinet romancé.

Le dossier d’abord : Depuis Hérodote d’Halicarnasse (Ve siècle av. J.-C.) jusqu’à Callimaque de Cyrène (III e siècle apr. J.-C.), vingt six écrivains sont longuement cités – dans certains cas traduits en français pour la première fois – et commentés. Ainsi apparaissent aux yeux du lecteur, le corps et l’âme, si l’on peut dire, de la ville d’Éphèse, et cela de manière étonnamment concrète. Tout d’abord on réalise le rôle économique et stratégique majeur du port qui fut pour Rome la « porte de l’Asie ». Ensuite et surtout, chaque fois qu’il est question d’Éphèse, on constate l’omniprésence du fameux Artemision, le temple d’Artémis, une des sept merveilles du monde (avec, soit dit en passant, une intéressante réflexion sur les intentions sous-jacentes à cette appellation, qui, parait-il, avait le don de « taper sur les nerfs » des romains). Autre exemple significatif, ce qui est dit de la fiscalité romaine sur les provinces : lors de leur passage à Éphèse et sur ordre du sénat, Brutus et Cassius, les assassins de César, prélevèrent l’équivalent d’au moins 2.600 $ par habitant, femmes et enfants compris, et cela par le truchement des publicains bien connus des Évangiles ! Même si ceux de la Judée étaient moins voraces que leurs collègues d’Éphèse, on comprend le peu de sympathie que leur action suscitait.
Quant à la reconstitution du ministère de Paul, elle étonne d’abord le lecteur non prévenu, qui se retrouve tout soudain visitant Jérusalem aux côtés d’un Paul de vingt ans lors de sa première venue dans cette ville… Pour comprendre, il faut se référer aux précédents ouvrages de J. Murphy-O’Connor (J.M-C.). P. Debergé, dans sa recension de l’Histoire de Paul de Tarse et de Corinthe au temps de saint Paul (Cahier Évangile n°128), notait déjà que le lecteur avait intérêt à consulter le livre de J.M.-C. : Paul, a critical life, où il justifiait des prises de position considérées par la suite comme acquises. Il faut savoir aussi qu’il mêle délibérément une certaine part de fiction à ses hypothèses, de manière à donner de Paul et de ce qu’il a vécu une image vivante, incarnée. Le résultat est frappant de réalisme. Le regard porté sur Paul est lucide, un peu sévère sans doute. On a un peu l’impression qu’en réaction contre une vision idéalisée de l’Apôtre, l’auteur décide de le regarder par le petit bout de la lorgnette. Certes, Paul était bourré de défauts… mais on a envie de rappeler – ce que J.M.-C. sait bien, évidemment – que les lettres écrites à Éphèse sont des monuments littéraires et théologiques auprès desquelles le défunt Artemision fait pâle figure ! Signalons enfin que la liste des références des textes de l’antiquité et le tableau résumant l’activité de Paul à Éphèse sont bien utiles au lecteur. (Paul Agneray)
Niveau de difficulté : moyen

A LA RECHERCHE DU JARDIN PERDU

20 juin, 2013

http://bible.archeologie.free.fr/jardinperdu.html

A LA RECHERCHE DU JARDIN PERDU

(Sur le site il ya beaucoup des belles photos)

Le jardin d’Eden, ou Paradis terrestre : si l’on en croit le début de la Genèse, premier des livres qui constituent la Bible, c’est le lieu mythique où Dieu plaça le premier couple d’êtres humains à l’issue d’une création du Monde opérée en six jours. C’est dans ce jardin qu’Adam et Eve auraient vécu jusqu’à ce qu’ils commettent le péché originel, en consommant le produit de l’arbre interdit proposé par un serpent, se condamnant par voie de conséquence à en être chassés par le Créateur (Gn. 1-3).
Ce récit traditionnel, dont l’auteur et les conditions de composition sont inconnus, fait partie du fond culturel de notre civilisation. On considère aujourd’hui qu’il n’est plus à prendre « au pied de la lettre » mais dans sa dimension symbolique et spirituelle ; de ce fait le jardin d’Eden échappe à toute approche concrète, et on imagine un lieu abstrait et mystérieux, situé quelque part entre Ciel et Terre et qu’il serait vain de chercher à localiser.
Cependant un groupe de chercheurs a récemment exploré une piste inédite et encore peu connue, mais susceptible d’apporter un regard original sur l’épisode du Paradis perdu.
Leur travail a consisté à se pencher sur un court extrait du texte qui semble contenir quelques informations sur l’emplacement géographique du jardin (Gn. 2, 8-14). Ce paragraphe présent dans toutes les Bibles passe généralement inaperçu chez la plupart de ses lecteurs. Pourtant son examen attentif a donné lieu à une étude scientifique dont les résultats sont aussi surprenants que peu connus.

Quatre fleuves qui convergent
 Les versets dont il s’agit se trouvent au début du livre de la Genèse, juste après l’épisode de la création de l’homme. Ils décrivent le jardin en donnant des indications détaillées, plaçant en effet le jardin idéal à proximité de quatre fleuves (Gn. 2, 8-14) :
« Puis l’Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l’Orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. L’Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Et un fleuve sortait d’Eden pour arroser le jardin et de là il se divisait et devenait quatre sources de fleuve. Le nom du premier est Phison ; c’est lui qui entoure tout le pays de l’Havila où il y a de l’or. Et l’or de ce pays est excellent, là il y a aussi le bdellium et de la pierre d’onyx. Le nom du second fleuve est Gihon ; c’est lui qui entoure toute la terre de Cousch. Et le nom du troisième fleuve est le Tigre ; c’est lui qui coule à l’Orient d’Assour ;  et le quatrième fleuve, c’est l’Euphrate. »
Les tentatives d’identification de ces quatre fleuves ont constitué la clef de ce travail sur le jardin biblique. Il est d’abord facile de reconnaître le Tigre et l’Euphrate, dont la référence renvoie à la région bien connue de la Mésopotamie. Mais qu’en est-il des deux autres ? Jusqu’à présent quelques biblistes et auteurs classiques avaient tenté de les identifier. Ainsi, on a supposé que le Gihon devait être le Nil, et que le Phison pouvait s’assimiler à l’Indus ou au Gange. Cette solution est peu satisfaisante, car ces quatre fleuves sont très éloignés et ne se rejoignent pas. Une impression de flou a donc prédominé jusqu’à ces dernières années. Mais depuis peu, de nouvelles données sont venues bousculer notre vision imprécise de la question.
Une étude remarquable, publiée en 1983 par l’archéologue américain Juris Zarins, de l’Université du sud-ouest de l’Etat du Missouri, propose une solution assez cohérente pour localiser les fleuves du jardin d’Eden [1][2]. Son approche pluridisciplinaire, surtout géographique, lui a permis de formuler le schéma suivant.
Il faut d’abord considérer les ressources naturelles citées dans le texte de la Genèse. On soupçonne depuis longtemps la terre appelée Havila, plusieurs fois citée dans la Bible, de s’apparenter à une région du cœur de l’Arabie saoudite qui recèle d’importantes ressources en or : les montagnes du Hedjaz. Exploité dès l’Antiquité, le secteur de ces mines d’or s’appelle aujourd’hui Mahd adh Dhahab (littéralement « le berceau d’or »), et de nos jours encore, le métal précieux de cette région est exploité par les Saoudiens.
Les autres produits naturels cités dans le texte sont loin d’être inconnus dans cette région. Le bdellium est une résine dont l’arbre poussait durant l’Antiquité essentiellement en Arabie du Sud. Quant à l’onyx, il peut s’agir d’une forme de calcédoine, une pierre précieuse que l’on trouve également à Madh adh Dhahab.
Le lien s’est précisé lors de la découverte d’un fleuve fossile qui traversait cette région dans les temps anciens, et rejoignait le Tigre et l’Euphrate. Lorsqu’en 1992 le géologue égyptien Farouk El-Baz, de l’université de Boston, examina les dommages causés par la mise à feu des puits pétroliers à la fin de la première guerre du Golfe, il découvrit par hasard le lit asséché d’un fleuve disparu qui devait traverser l’Arabie. Son tracé part précisément des monts du Hedjaz, dans l’ouest de l’Arabie, pour traverser toute la péninsule en direction du nord-est et du golfe Persique. Il longe ensuite l’Etat du Koweit avant de rejoindre l’extrémité du Golfe non loin de Bassorah. Ce cours d’eau disparu empruntait un vallon appelé aujourd’hui wadi al Batin, habituellement à sec sauf en cas d’orages aussi rares que violents.
Les techniques d’observation actuelles fournies par la télédétection spatiale ont permis de confirmer ce constat. Les images prises par le satellite Landsat ont permis à Farouk El-Baz de déterminer que ce lit asséché drainait jadis l’eau d’un fleuve permanent qui traversait l’Arabie et se jetait dans la région du Tigre et de l’Euphrate [3]. Le centre de l’Arabie devait être au IIIème millénaire avant notre ère une région fertile irriguée par le fleuve disparu. De plus, le géologue constata que le fleuve coulait aujourd’hui encore probablement en souterrain sous le lit asséché. Dans l’Antiquité, il devait prendre sa source à proximité de Madh adh Dhahab et rejoindre le Tigre et l’Euphate conformément à ce qui est écrit dans la Genèse. Par conséquent, l’ancien fleuve qui suivait le tracé du wadi al Batin est un bon candidat pour s’apparenter au Phison de la Bible.
 Qu’en est-il du dernier fleuve appelé le Gihon ? Au nord de la Mésopotamie, plusieurs rivières descendent les pentes accidentées de la montagne du Zagros iranien et viennent rejoindre le Tigre. Parmi elles, le Karun et le Karkheh serpentent et atteignent la plaine au niveau du confluent du Tigre et de l’Euphrate. L’un des deux pourrait-il être le Gihon de la Genèse ?
Le Karun rejoint le Tigre près de la jonction des grands fleuves. Légèrement plus en amont, le Karkheh pourrait lui aussi correspondre au Gihon, d’autant plus qu’il traverse un pays anciennement appelé Elam, dont la capitale était Suse (aujourd’hui Shush) [4]. Il peut s’agir du pays biblique de Cousch, que le Gihon est sensé contourner. Or c’est exactement ce que fait le Karkheh, qui fait une boucle autour de l’ancienne région des Kassites.
Les commentaires de nos Bibles classiques assimilent le pays de Cousch à l’Ethiopie ; mais une étude du docteur E.A. Speiser, de l’université de Pennsylvanie, a récemment permis d’établir qu’il y avait là une erreur de traduction, et que le mot « Cousch » correspondait en fait à la terre de Kashushu, une région de l’ancienne Suse où vécut précisément le peuple des Kassites au IIème millénaire avant notre ère [5]. Dans l’esprit des auteurs de la Genèse, la terre de Cousch aurait donc désigné le pays des Kassites, région implantée à l’est de la Mésopotamie et irriguée par la rivière Karkheh.
.Ainsi, il semble que le Tigre, l’Euphrate, le Wadi Batin et le Karkheh puissent correspondre aux quatre fleuves cités dans la Genèse. Ils convergent tous vers la même région de l’extrémité du Golfe Persique. Le niveau des mers était à l’époque probablement plus bas qu’aujourd’hui, la ligne de côte du golfe était plus au sud-est, laissant plus de place à la plaine terminale des quatre fleuves.
De tous ces éléments il ressort que le fameux jardin biblique pourrait se placer près de l’embouchure de cette plaine fluviale. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Un lieu où tout commence
 L’idée que le mythe biblique du Paradis terrestre pourrait avoir des origines en basse Mésopotamie peut être éprouvée en la confrontant aux données archéologiques de terrain. Le matériel ne manque pas, car depuis deux siècles l’Irak a fait l’objet de fouilles archéologiques intensives, livrant une quantité impressionnante de vestiges de cités antiques disparues.
La redécouverte des anciennes villes mésopotamiennes a consisté en abondants restes de murs ensablés, mais aussi en une quantité innombrable de documents écrits qui présentent le plus grand intérêt. Cette forme d’écriture était gravée sur des tablettes de terre cuite, et appelée « écriture cunéiforme » à cause de ses caractères en forme de petits clous. Le déchiffrement de ces textes a permis de reconstituer toute l’histoire et la culture de cette civilisation disparue. Le « pays de Sumer », c’est-à-dire la Mésopotamie du sud, est apparu comme le véritable berceau des sociétés urbanisées de l’Antiquité.
 L’un de ces documents écrits fait référence à une très ancienne ville de Mésopotamie nommée Eridu, et dotée d’un caractère historique particulier. Cette cité fut un centre politique et religieux d’importance majeure qui aurait joué un rôle fondateur. Bâti près du jardin d’un temple et planté d’un arbre sacré, il était dédié au dieu Enki, et c’est là que la royauté sumérienne aurait été instituée pour la première fois. Eridu est présentée dans les textes mésopotamiens comme la plus ancienne ville de Sumer.
Les ruines d’Eridu ont été retrouvées sur les rives de l’Euphrate, près de son confluent avec le Tigre et à quinze kilomètres au sud de l’ancienne ville de Ur [6]. Ce furent deux assyriologues français, Joachim Menant et François Lenormant, qui l’identifièrent grâce à des briques gravées. Le site fut fouillé par la suite à plusieurs reprises, notamment en 1843 par le consul britannique John George Taylor, et en 1949 par l’archéologue Fuad Safar pour le compte du département des antiquités irakiennes.
Ensevelie sous les dunes de sable qui constituent l’immense plaine désertique, Eridu comportait sept collines dont l’une était entourée d’un large mur d’enceinte. Son excavation a révélé pas moins de dix-neuf niveaux d’occupation correspondant à une période comprise entre 5000 et 2000 ans environ avant notre ère. Dans les niveaux intermédiaires furent trouvés les vestiges d’un temple monumental dédié au dieu Enki, plusieurs fois reconstruit durant sa longue histoire. La strate inférieure, la plus ancienne, révéla la base d’un petit bâtiment rectangulaire complété d’une niche et abritant une table ou un autel à sacrifices. Cet aménagement est le prototype en miniature des futurs temples sumériens ; il pourrait être un des tout premiers lieux de culte mésopotamiens.
Ce lieu de culte primitif ayant pu avoir un rôle fondateur dans la conscience collective des peuples sémites, pourrait-il être lié à la tradition du jardin d’Eden ? Récemment, un auteur américain convaincu de la véracité historique de la Bible, Richard James Fischer, n’a pas hésité à voir dans cette découverte rien de moins que « l’autel d’Adam » [7] … Même si rien ne prouve cette affirmation gratuite, il est vrai que le caractère sacré et l’ancienneté d’Eridu représentaient pour les Sumériens un lieu d’importance majeure, un peu comme la place que nous accordons au jardin mythique de la Bible.
 Une alternative possible à Eridu est un autre lieu encore non identifié que les textes sumériens appellent Dilmun, et qu’ils décrivent comme un lieu paradisiaque et idéalisé. On a supposé que Dilmun désignait l’île de Bahrein, nettement plus au sud de l’Irak, ou bien éventuellement tout autre lieu imprécis aujourd’hui englouti sous les eaux du Golfe [8][9]. C’est l’idée défendue notamment par le Danois Geoffrey Bibby qui a effectué des fouilles à Bahrein. Cependant l’éloignement important de l’île, située à 500 kilomètres plus au sud, et l’âge bien moins ancien des ruines trouvées sur place, rendent le rapprochement avec le lieu biblique peu convaincant. Eridu, et éventuellement Dilmun, constituent donc deux lieux où le jardin d’Eden pourrait être placé.
Mais d’autres points de comparaison frappants ont été établis entre les cultures sumérienne et biblique. Il s’agit de ressemblances de nature linguistique qui se manifestent dans l’étymologie de certains noms propres. Ainsi, les noms « Eden » et « Adam » existent en langue sumérienne. Le premier signifie « plaine fertile » (Edin) et désignait la plaine comprise entre le Tigre et l’Euphrate. Quant au mot « Adam », il signifie « établissement dans la plaine » ; par ailleurs la forme « Adamu » se retrouve dans le nom d’un personnage légendaire établi à Eridu et réputé pour sa grande sagesse. En revanche, aucune correspondance n’a été établie pour le nom d’Eve …
Un autre indice archéologique collecté en Mésopotamie semble encore évoquer de manière peut-être fortuite le récit de la Genèse. Il s’agit d’un sceau d’argile tel que ceux qui servaient couramment à signer l’identité d’une personne ou d’un groupe. Trouvé à Akkad, et datant de 2250 ans environ avant notre ère, il montre en bas-relief l’image d’un homme et d’une femme assis à côté d’un arbre fruitier et de deux serpents. Cette image évoque inévitablement l’épisode du péché originel. Est-ce un pur hasard ? En l’absence de légende explicative, le rapprochement éventuel entre cette représentation et le jardin originel reste hypothétique.
 Les points de comparaisons précédents entre les premiers chapitres de la Genèse et l’environnement géographique de l’Irak méridional permettent de faire des parallèles intéressants entre les récits bibliques et sumériens, conduisant même à supposer des origines communes. Cependant des différences culturelles importantes subsistent, en particulier la distinction entre la religion sumérienne polythéiste et la conception biblique de la création du Monde par un Dieu unique.

Références :

[1] – D. J. Hamblin : « Has the Garden of Eden been located at last ? ». Smithsonian Magazine, Vol. 18 No. 2, May 1987 (theeffect.org).
[2] – D. Fischer : « A place in history  Adam and Associates » (genesisproclamed.org).
[3] – J.A. Sauer : « Ther River Runs Dry – Biblical Story Preserves Historical Memory ». Biblical Achaeology Review, 22 (4) 1996, 57. Cité par D. Fischer.
[4] – Schoenel, « La semence du serpent » (lettrealepouse.free.fr).
[5] – G. Roux : « La Mésopotamie ». Seuil, Paris 1995.
[6] – C. Asensio, « Eridu » (ezida.com).
[7] – R.J. Fischer :  « Historical Genesis – From Adam to Abraham ». University Press of America, 2008 (historicalgenesis.com).
[8] – G. Bibby : « Looking for Dilmun ». Saudi Aramco World, Jan.-Febr. 1970, pp. 24-29 (saudiaramcoworld.com).
[9] – S.M. Lund : « Garden of Eden, Dilmun, Bahrein – Finally been located ? » (travelexplorations.com).

Les traces géologiques du Déluge

7 novembre, 2012

http://bible.archeologie.free.fr/delugegeologie.html

Les traces géologiques du Déluge 

Le Déluge mésopotamien

        Lorsqu’en 1929 l’archéologue britannique Sir Leonard Woolley fouilla les ruines de l’ancienne cité d’Ur en Mésopotamie, il fit une découverte sensationnelle. Creusant une tranchée profonde pour reconnaître les plus anciens niveaux d’occupation, il trouva au fond du puits de sondage une couche d’argile stérile. La transition dans la nature du sous-sol était nette, le niveau d’occupation archéologique étant soudain remplacée par de l’argile pure exempte de toute trace de vie humaine. Cela signifiait à première vue que l’on avait atteint le sol vierge et qu’il n’y avait plus rien à trouver. Mais Woolley intrigué décida de faire continuer à creuser. Plutôt sceptique, son ouvrier s’exécuta non sans une certaine mauvaise humeur.
Ayant dégagé de l’argile pure sur plus de trois mètres de profondeur supplémentaires, il vit à sa grande surprise l’argile s’interrompre brusquement pour laisser apparaître un deuxième niveau archéologique contenant d’autres traces d’occupation humaine. Cette couche inférieure correspondait aux vestiges d’une seconde cité plus ancienne. Les tessons de céramique présents dans cette strate montraient que les poteries avaient été façonnées à la main, alors que celles de la ville située au niveau supérieur avaient été confectionnées avec la technique du tour de potier.
        Comment expliquer la présence d’une épaisse couche de sédiment intercalée entre deux terrains riches en vestiges d’habitations ? Pour Woolley, il n’y avait qu’une seule explication possible : cette couche d’argile ne pouvait être que le reste d’un ancien dépôt boueux qui s’était déposé lors d’une importante inondation. Son sang ne fit qu’un tour : c’était le déluge de Noé.
        La stratigraphie impliquait à l’évidence que deux cités différentes avaient été bâties au même endroit à deux époques différentes. Pour vérifier son hypothèse, Woolley fit faire d’autres sondages dans le secteur de Ur. La moitié des forages qui furent réalisés (quatorze en tout) montrait le même type de dépôts, quoique d’épaisseurs différentes selon l’altimétrie. Les plus grandes épaisseurs (jusqu’à 3,70 m) correspondaient aux dépôts les moins élevés en altitude. A l’aide des céramiques, il put estimer l’âge de la couche d’argile à environ 3500 av. J.-C.. Seule une inondation de très grande ampleur pouvait rendre compte de l’épaisseur extraordinaire de cette strate. Aux yeux de Woolley, l’affaire était claire : il annonça la découverte des traces du Déluge biblique.
        La large plaine du Tigre et de l’Euphrate constitue une immense zone inondable. Encadrée par la chaîne montagneuse du Zagros au nord-est, les monts Ararat au nord et les pentes désertiques de l’Arabie au sud-ouest, elle draine les eaux de ravinement d’un immense territoire ; en cas de pluies exceptionnelles dans ces régions, la vallée du Tigre et de l’Euphrate est rapidement en crue. Woolley et ses collaborateurs imaginèrent que le Déluge de la Bible ait pu correspondre à une inondation de ce genre, d’ampleur extraordinaire, affectant toute ou une grande partie de la Mésopotamie. Pour estimer son étendue, il fallait entreprendre de nouveaux sondages dans d’autres cités chaldéennes voisines. Ce fut le travail de nouvelles missions archéologiques qui s’y attelèrent durant les années 1930.
A Kish, située au nord de Ur, une équipe anglo-américaine dirigée par Stephen Langdon fouilla les ruines entre 1923 et 1932. Elle trouva là aussi des couches alluviales intercalées entre plusieurs niveaux archéologiques. Elles étaient cependant moins épaisses qu’à Ur, et réparties sur trois ou quatre niveaux différents et furent datées dans une tranche d’âges plus récente, entre 3200 et 3000 av. J.-C..
A Shuruppak (l’actuelle Tell Fara), le docteur Eric Schmidt de l’Université de Pennsylvanie trouva en 1931, entre plusieurs strates historiques, un lit d’argile d’une épaisseur de soixante centimètres, datant d’à peu près 2900 avant notre ère. Ce dépôt était constitué de treize couches de sable et d’argile alternées.
A Uruk, des fouilles entreprises par l’archéologue Julius Jordan, de la German Oriental Society, mirent en évidence en 1929 un dépôt sédimentaire épais d’un mètre cinquante, remontant à 2800 ans environ av. J.-C…
A Ninive, qui fut fouillée en 1931 et 1932 par l’archéologue britannique Max Mallowan, un ou plusieurs niveaux d’argile apparurent sur une hauteur de deux mètres, difficiles à dater, peut-être entre 5500 et 3100 avant notre ère..
A Lagash, l’archéologue français André Parrot signala un dépôt d’argile qui semblait dater d’autour de 2800 av. J.-C..
Ces résultats sont cependant à nuancer, car d’autres cités mésopotamiennes également fouillées n’ont pas révélé de telles couches alluviales. C’est le cas d’Eridu, proche de Ur de douze kilomètres seulement et qui n’a livré aucune trace d’inondation de ce type. D’autre part, on on voit bien que les dates attribuées aux dépôts alluviaux ne coïncident pas exactement. Si l’on tient compte de ces écarts, les inondations apparaissent comme très locales, et dès lors l’hypothèse d’un déluge unique affectant toute la Mésopotamie devient plus improbable. En considérant néanmoins l’ensemble des âges attribués à ces dépôts, on remarque qu’ils tournent autour de 3000-2900.
Cette très relative convergence de dates est plus ou moins cohérente avec les informations données par les tablettes cunéiformes. En effet, la liste royale sumérienne précise que la capitale changea de Shuruppak à Kish juste après le Déluge. Un tel changement de capitale et de dynastie semble effectivement avoir eu lieu historiquement vers 2900 av. J.-C.. Par ailleurs, dans les trois versions du Déluge tirées des tablettes cunéiformes, le héros est un habitant de Shuruppak, ville dont les ruines ont livré un dépôt d’argile de 60 cm datant d’environ 2900. C’est donc autour de 2900 que semble se dessiner la meilleure convergence de données. En définitive, la conclusion de l’enquête semble revenir à l’assyriologue Samuel Noah Kramer, de l’Université de Pennsylvanie, qui en 1967 écrivait :
            « (…) L’histoire du déluge mésopotamien, et la version de l’Ancien Testament qui en provient, fut inspirée par un désastre réellement catastrophique, mais aucunement universel, qui eut lieu non pas immédiatement après la période d’Ubaid (c’est-à-dire vers 3500 av. J.-C.) comme Woolley l’a déclaré, mais plutôt autour de 3000, et qui laissa des traces à Kish, Shuruppak et probablement en de nombreux autres sites restant à découvrir ».

Le Déluge et la mer Noire
        Une théorie alternative tentant de relier le Déluge biblique à des indices géologiques, a été proposée beaucoup plus récemment par deux géologues américains de l’Université de Columbia. En 1998, William Ryan et Walter Pitman formulèrent l’hypothèse qu’une inondation exceptionnelle aurait eu lieu non pas en Irak mais en mer Noire. Ils s’appuyaient sur les résultats des missions scientifiques marines comme les expéditions de l’International Ocean Drilling Program, qui ont mis en évidence au fond de la mer Noire de curieux indices, suggérant que dans la haute Antiquité cette mer n’existait pas, et qu’il y avait à sa place un ancien lac. Des plages de galets englouties, des coquillages d’eau douce et  des traces d’aménagements humains dorment au fond de la mer.
Pour expliquer la présence de ces éléments immergés, les océanographes ont émis l’idée que la mer Noire a pu se remplir très brusquement il y a plusieurs milliers d’années. Ce serait là une conséquence indirecte de la fin de la dernière glaciation d’il y a 10 000 ans. En effet, à chaque réchauffement climatique, la fonte des glaces continentales provoque une lente remontée générale du niveau des mers du Globe.
Au niveau du détroit du Bosphore, l’eau de la Méditerranée aurait soudainement rompu le barrage naturel que devait alors constituer l’actuel détroit. Des millions de tonnes d’eau se seraient déversés dans la dépression, engloutissant des populations qui y vivaient. Les deux chercheurs font le lien entre cet évènement supposé et le Déluge de la Bible.
Ce rapprochement présente plusieurs points faibles. Les caractéristiques de cette catastrophe diffèrent du récit biblique par plusieurs points. D’abord il s’agit ici d’une mise en eaux conséquente à l’ouverture d’un immense barrage, et non pas de pluies torrentielles comme le dit la Bible. D’autre part, la Mésopotamie n’ayant probablement pas été concernée, l’évènement décrit peut difficilement être relié aux témoignages chaldéens inscrits sur les tablettes cunéiformes. En outre, l’évènement qui donna naissance à la mer Noire étant antérieur à l’invention de l’écriture il y a 5300 ans, il peut paraître trop ancien pour avoir été enregistré dans la mémoire humaine. Il n’est donc pas certain que la naissance de la mer Noire et le Déluge rapporté dans la Bible constituent le même évènement.

Nazareth, un modeste village

21 mai, 2012

http://www.interbible.org/interBible/decouverte/archeologie/2011/arc_111223.html

23 décembre 2011

Nazareth, un modeste village

Nazareth, petit village de Galilée, n’a jamais été le théâtre de grands événements historiques. Sa mention est totalement absente de l’Ancien Testament. Les évangiles sont les premiers à en parler, comme ville propre de la famille de Jésus.
     La littérature juive des premiers siècles de l’ère chrétienne, y compris l’historien Flavius Josèphe, ne la mentionne pas davantage. Eusèbe de Césarée, au IVe siècle, le déclare encore comme un pauvre petit village de Galilée. Nos sources écrites révèlent qu’une église y est construite au VIe siècle. Le village connaîtra aussi les misères des guerres perses et arabes; il sera totalement rasé en 1263 par le sultan égyptien Baybars, pour être ensuite laissé en ruines jusqu’au XVIIe siècle.
      Avant la construction d’une nouvelle église sur l’emplacement de celle du XVIIe siècle, le père Bellarmino Bagatti, archéologue franciscain, étudia avec soin les diverses couches de débris jusqu’au roc naturel [1]. Les résultats importants de ces travaux ont paru voilà plusieurs années, et il est regrettable que le grand public n’en soit pas mieux informé.
     De la période israélite, on n’a pu repérer que quelques morceaux de céramique. Aucun village permanent n’était fondé en cet endroit, d’où le silence de l’Ancien Testament.
     À l’époque romaine, donc au temps de Jésus, le village ne comptait que quelques familles, accrochées à un mamelon rocheux et isolé, qui ne dépassait pas beaucoup le site de l’église de l’Annonciation et ses environs immédiats. On comprend alors l’intention des gens du village de vouloir jeter Jésus au bas de cet escarpement. Des grottes creusées dans ce roc et sous les maisonnettes servaient de caves, et même parfois de lieux d’habitation. Entre les maisons, on aménagea dans le même sol rocheux des silos à grains, des pressoirs, des citernes; quelques tombes ont été aussi repérées.

Plan de l’église byzantine
     C’est au-dessus d’une de ces petites maisons, munie de sa cave-grotte, que des chrétiens construisirent une première petite église. Il n’en reste que quelques fondations de murs, et de bons morceaux de sols en mosaïques, dont les motifs comportent des croix. Elle a donc dû être construite avant 427, car c’est à cette date que Théodose II défend de mettre des croix sur le sol des églises. Au cours du VIe siècle, une deuxième église plus grande fut bâtie au-dessus de la première (voir le plan). Elle présente le plan bien connu des architectes byzantins : un petit bâtiment à trois nefs précédé d’un grand atrium ou cour ouverte, à droite, une sacristie et des chambres, pour les prêtres.
     Cette église fut totalement détruite lors des invasions arabes au XIIe siècle. Les Croisés en bâtiront une autre, négligeant le plan de l’époque byzantine, sauf qu’ils la centrent davantage sur la maisonnette de l’époque romaine. Nous ne connaissions rien de cette dernière, car elle avait été rasée par Baybars en 1263; les fouilles en révélèrent le plan entier, de même que de très beaux chapiteaux, comparables à ceux de Vézelay.
     L’archéologie enrichit beaucoup notre connaissance de Nazareth; surtout, nous savons maintenant que, dès le IVe siècle, la tradition chrétienne y avait identifié une des maisonnettes de Nazareth comme celle de la famille de Jésus. Des invocations à Jésus et à Marie gravées sur des fragments de murs plâtrés d’une citerne peuvent remonter même au IIIe siècle.

[1] B. Bagatti, Excavations in Nazareth, Jérusalem, Franciscan Printing Press (Studium Biblicum Franciscanum 17), 1969.

Une barque en Méditerranée

29 mars, 2012

http://bible.archeologie.free.fr/barquemediterranee.html

Une barque en Méditerranée

(Bible et Archeologie)

Les années qui virent la disparition de l’Etat juif antique et la diaspora du peuple hébreu, ont vu parallèlement émerger la nouvelle dynamique spirituelle du christianisme, qui partit de son sein et commença à se diffuser à travers le monde.
Les textes apocryphes, dont la valeur historique est toujours discutée, ont néanmoins alimenté la littérature de l’Eglise des premiers siècles, et on les retrouve à travers l’historiographie chrétienne primitive. Plusieurs documents apocryphes ont donc servi de sources littéraires chrétiennes classiques.
Le plus célèbre document qui s’y réfère est un travail réalisé au Moyen Age par le chroniqueur Jacques de Voragine, moine dominicain du XIIIème siècle et archevêque de Gènes. A partir d’une abondante documentation, il fit une compilation des vies de cent-cinquante saints, et son œuvre restée fameuse sous le nom de « Légende dorée » fut le livre le plus lu au Moyen Age après la Bible.

Le parcours des douze apôtres
On trouve dans la « Légende dorée » des informations sur les voyages missionnaires entrepris par les douze apôtres après la Pentecôte. Ceux-ci se dispersèrent à travers le monde ancien pour fonder des églises dans des contrées diverses. De l’Inde à l’Espagne, les disciples du Christ Jésus prêchèrent partout la « bonne nouvelle » avec un zèle infatiguable. Ils se heurtèrent aux cultes juifs ou païens, et la plupart le payèrent de leur vie dans des conditions cruelles. Paradoxalement, les circonstances héroïques de leurs martyres favorisèrent encore davantage la diffusion de leur message.
Ainsi apprend-on que Pierre se rendit à Rome pour y vaincre le magicien Simon, mais qu’en représailles l’empereur Néron le fit crucifier la tête en bas. De même, Jacques dit « le Majeur », fils de Zébédée et frère de Jean, devint le premier évêque de Jérusalem mais il y fut décapité. André, après un voyage missionnaire autour de la mer Noire, fut arrêté en Grèce et mourut sur une croix en forme de X. Matthieu partit évangéliser l’Ethiopie où il fut assassiné après avoir célébré la messe. Le seul apôtre non martyr serait l’apôtre Jean, évangéliste et auteur de l’Apocalypse.
Les autres apôtres, un peu moins connus, furent également victimes de leur zèle missionnaire. Thomas et Barthélemy partirent pour l’Inde où ils furent tués, l’un d’un coup de lance et l’autre écorché vif puis décapité. Jacques « le Mineur », fils d’Alphée, prêcha dans plusieurs pays et finit crucifié en Egypte. Philippe aurait prêché en Asie Mineure et serait mort à Hiérapolis, par lapidation ou crucifixion. Simon et Thaddée (ou Jude) partirent annoncer la bonne nouvelle en Mésopotamie et en Perse, où ils furent égorgés dans un temple païen.
Des éléments archéologiques se mêlent parfois aux traditions locales relatives à la mémoire des apôtres dans ces différentes contrées. Le tombeau de Pierre fut retrouvé à Rome en 1940 dans les sous-sols de la basilique pontificale. L’Inde conserve à Mylapore un tombeau de Thomas, qui contenait un squelette partiellement complet (actuellement en Italie) ; la tombe était associée à une curieuse stèle, gravée d’une croix et d’une inscription inconnue et qui avait l’étrange réputation de saigner au XVIème siècle. L’Espagne honore la sépulture de son premier missionnaire en la personne de l’apôtre Jacques le Majeur. Sa redécouverte légendaire fut faite au IXème siècle par un ermite, à la suite de l’apparition d’une étoile miraculeuse juste au-dessus du champ où Jacques était inhumé. Le lieu-dit du « champ de l’étoile », campus stella en latin, est peut-être à l’origine du nom de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Les saintes Maries
Hormis le groupe des apôtres, d’autres disciples et parents de Jésus cités dans le Nouveau Testament ont eu des destins étonnants, tragiques ou non, également rapportés dans la littérature. Arrêtons-nous sur l’histoire d’une poignée d’entre eux, à l’origine d’une tradition populaire qui s’établit dans le sud de la Gaule romaine : la barque des saintes Maries.
Ce récit rapporté dans la Légende dorée se trouve également dans les révélations de la religieuse allemande Anne-Catherine Emmerich écrites au XIXème siècle. Cette aventure et ses implications ultérieures méritent qu’on s’y attarde.
Vers l’an 45, une dizaine de disciples de Jésus fuyant la première persécution d’Hérode Agrippa se rendirent à Joppé, port de la Méditerranée. Selon les versions, ils s’embarquèrent volontairement pour les Gaules, ou bien ils furent pris par des Juifs hostiles à leur foi et jetés dans une barque sans voile ni rames, abandonnée en pleine mer au large de la Palestine.
Dans cette frêle embarcation se trouvaient plusieurs proches parents et amis du Nazaréen, parmi lesquels Marie-Madeleine, Marthe sa soeur probable, Lazare leur frère, Marie Jacobé une soeur de la Vierge, Marie Salomé la mère de deux apôtres, et un certain Maximin, notable de Béthanie.
Livrés aux caprices des flots, la barque et ses occupants furent cependant sauvés par le souffle puissant d’un vent providentiel, qui les poussa vers la côte provençale de Camargue où ils accostèrent sans encombres ni pertes humaines. Recueillis par des bergers, ses occupants indemnes décidèrent de se séparer, afin de diffuser les paroles de Jésus en des lieux différents du pays. Ce fut le premier contact entre la Gaule romaine et le christianisme.
        L’histoire de la Provence traditionnelle est imprégnée des récits plus ou moins légendaires du destin de ces personnages. Marie-Madeleine prêcha quelque temps à Marseille aux côtés de Lazare, puis elle se retira dans une grotte du flanc nord de la montagne de la Sainte-Baume où elle vécut encore trente ans. Lorsqu’elle sentit sa mort approcher, elle descendit dans la plaine à la rencontre de Maximin, et décéda à l’instant où elle l’eut rejoint.
Marthe s’installa à Tarascon où elle combattit la « Tarasque », un animal fabuleux qui dévorait ses habitants. Son frère Lazare serait devenu le premier évêque de Marseille, demeurant dans une grotte de la rive sud du lacydon jusqu’à ce qu’il soit arrêté, supplicié et décapité. Plus au nord, Maximin fut l’évêque d’Aix-en-Provence ; il éleva un oratoire en l’honneur de Marie-Madeleine à l’emplacement du futur village de Saint-Maximin. Enfin, les deux Marie Jacobé et Salomé seraient quant à elles demeurées en Camargue, sur le site de l’actuel village des Saintes-Maries.
            La crédibilité historique de ces récits n’en finit pas d’être débattue. Le cas qui présente le plus d’intérêt archéologique est sans doute celui de Marie-Madeleine, dont l’histoire est riche en éléments concrets découverts à la suite de nombreuses recherches. A sa mort, la sainte fut enterrée dans la chapelle que Maximin lui avait édifiée.
        Ses reliques y demeurèrent jusqu’au temps de l’invasion de la Gaule par les Sarrasins (VIIIème siècle) ; pour cette raison, la tombe fut dissimulée en 716 par des chrétiens craignant une éventuelle profanation.
        Un texte du IXème siècle attribué à Girart de Roussillon, fondateur de l’abbaye de Vézelay, précise que deux moines seraient venus chercher les reliques en 745 ou 749 pour les emmener à Vézelay. La croyance provençale dit pourtant que les ossements de la sainte ne quittèrent pas leur place de Saint-Maximin. Toujours est-il qu’après le départ des Sarrazins au Xème siècle, personne ne connaissait plus l’emplacement exact de la sépulture de Marie-Madeleine.
        En 1254, le roi de France Louis IX dit saint Louis, était de retour d’une croisade lorsqu’il fit un pèlerinage à la grotte de la Sainte-Baume. Informé de l’énigme des reliques, il chargea son neveu Charles II d’Anjou, comte de Provence, de tenter de retrouver les restes de la sainte. En 1279, Charles II fit donc une enquête et entreprit des fouilles près du village de Saint-Maximin où la tradition les situait.
Charles d’Anjou explora l’ancien monastère cassianite de Saint-Maximin, où reposaient quatre sarcophages de marbre vides. Il décida de creuser une tranchée profonde dans le sol. Son intuition était bonne, car il exhuma en effet un cinquième sarcophage de pierre. Lorsqu’on en souleva le couvercle, une odeur suave s’en dégagea tandis que l’on vit apparaître les ossements en désordre d’un corps humain presque entier. Etaient-ce ceux de sainte Madeleine ? L’examen de plusieurs indices allait permettre de l’identifier.
Au milieu des ossements était posé un vieux morceau de liège, qui tomba en poussière lorsqu’on le manipula. Mais il cachait un fragment de papyrus, portant une inscription latine encore lisible et ainsi rédigée : « L’an de la Nativité 716, au mois de décembre, sous le règne d’Eudes, très pieux roi des Francs, au temps des ravages de la perfide nation des Sarrazins, très secrètement et pendant la nuit, le corps de la très chère et vénérable Marie Madeleine, par crainte de ladite nation perfide, a été transféré de son tombeau d’albâtre dans celui-ci de marbre, car il y est plus caché, après en avoir enlevé le corps de Sidoine ».
Le même cercueil contenait également un globe de cire, dans lequel une planchette de bois plus ancienne portaient inscrits en latin les mots suivants : « Ici repose le corps de Marie Madeleine ».
L’identité du corps de Marie de Magdala semblait donc authentifiée par deux inscriptions manuscrites. Mais ce ne furent pas les seuls indices convaincants. Charles d’Anjou constata que le squelette était presque complet, à l’exception de la mâchoire inférieure qui manquait. Il eut alors une inspiration qui allait se révéler providentielle. Désirant faire reconnaître par le Saint-Siège les reliques de la sainte, il partit pour Rome en emportant le crâne de Marie-Madeleine. Lorsqu’il rencontra le pape Boniface VIII à Saint Jean-de-Latran, il fut surpris d’y apprendre qu’une mâchoire attribuée à Marie-Madeleine était précisément conservée dans la sacristie de la même basilique. On alla donc chercher la précieuse relique, et devant une foule de témoins rassemblée pour l’occasion, on confronta les deux parties de la tête : elles se complétaient exactement !
Ce résultat spectaculaire entraîna l’enthousiasme général, et la nouvelle de l’authenticité ainsi confirmée des reliques se répandit dans l’Occident chrétien. Le pape offrit à Charles la mâchoire inférieure, et le comte rentra donc en Provence avec le chef complet. Après un accueil triomphal, les ossements reprirent leur place dans le caveau, et la vénération des reliques des saints de Provence fut instituée.
La tradition fait état d’un autre détail surprenant : sur le front de la tête de Marie il aurait subsisté un lambeau de chair, au point précis où Jésus aurait touché la tête de la sainte après sa Résurrection. Ce petit morceau de peau est aujourd’hui conservé dans un reliquaire séparé.
Charles d’Anjou entreprit de faire construire une prestigieuse basilique au-dessus de la tombe de Marie-Madeleine. Entre 1295 et 1532, un impressionnant monument gothique fut érigé. Sa façade n’a jamais été achevée, mais il fut complété par un important monastère et un large cloître s’intégrant dans le village de Saint-Maximin.
La basilique abrite toujours dans son sous-sol l’ancienne tombe des saints de Provence. Sur le côté de la grande nef, un escalier descend vers une petite crypte qui contient quatre sarcophages de pierre, aux flancs finement sculptés de bas-reliefs paléochrétiens. Ce sont ceux de Maximin, de Sidoine, de Marcelle et de Marie-Madeleine. Cette dernière repose dans la niche du fond, et son cercueil supporte un somptueux reliquaire doré dans lequel est exposé le crâne de la sainte. Lorsqu’on emprunte la volée de marches qui descend dans cette cave, on se trouve ainsi en face du premier témoin de la Resurrection de Jésus-Christ.
       En 1974, une expertise scientifique des ossements de Marie fut effectuée par l’Institut d’Archéologie Méditerranéenne. Elle permit d’établir qu’il s’agissait d’une femme de type méditerranéen, âgée d’une cinquantaine d’années et de petite taille, informations compatibles avec ce que l’on savait déjà du personnage de Marie-Madeleine.
            De nouvelles fouilles effectuées en 1994 autour de la crypte révélèrent encore les restes d’un baptistère et d’une basilique primitive du IVème siècle. L’une des conclusions de ce travail est le fait que la crypte se trouvait à l’origine au-dessus du niveau du sol actuel. Ce fait a conduit le dominicain Philippe Devoucoux, ancien gardien de la grotte de Marie-Madeleine, à penser que les murs de la crypte ne seraient rien d’autre que l’oratoire du Ier siècle, élevé par saint Maximin lui-même. Si tel était le cas, il s’agirait alors du premier édifice de la chrétienté demeuré encore entier.r

Références :
[1] – Association de soutien à la tradition des saints de Provence.
[2] – Fr. Ph. Devoucoux du Buysson O.P. : « Marie-Madeleine repose-t-elle à Saint-Maximin ? » Cahiers de la Sainte-Baume No 6, 1er déc. 1989.
[3] – U. Villevieille : « Nos saints de Provence ». C.P.M. Marcel Petit, Raphèle-les-Arles 1995.
[4] – « La basilique de Saint-Maximin ». Association des amis de la basilique Sainte-Marie-Madeleine.
[5] – G. de Nantes : « Sainte Marie-Madeleine est-elle venue en Provence ? » Il est ressuscité n° 83, juillet 2009.
[6] – Fr. Ph. Devoucoux du Buysson, O.P. : « Visite de la basilique de la Madeleine à Saint-Maximin. Suivez le guide ! ». Maison Marie Magdeleine.

Une date pour la crucifixion ?

22 mars, 2012

http://bible.archeologie.free.fr/datecrucifixion.html

Une date pour la crucifixion ? 

(image : http://www.britannica.com)

Le jour du dernier repas

       Bien que le récit de la Passion de Jésus de Nazareth soit rapporté avec force détails, il donne assez peu d’informations permettant de connaître la date exacte de l’évènement. Les historiens qui ont essayé de la calculer se sont plongés dans de difficiles reconstitutions du calendrier. L’un des problèmes soulevés concerne le déroulement de la semaine sainte qui précède la condamnation, car le calendrier recèle une contradiction : alors que les trois premiers évangiles font de la Cène un repas pascal (Mt. 26,17 ; Mc. 14,12 ; Lc. 22,7), l’évangile selon saint Jean place le dernier repas un ou plusieurs jours avant la fête de la Pâque (Jn. 13,1 ; Jn. 18,28).
        D’autres incohérences ont été relevées dans le récit. Habituellement, la liturgie chrétienne célèbre le dernier repas pascal de Jésus le jeudi saint, et sa mort le lendemain vendredi saint. Le problème est le laps de temps écoulé entre son arrestation et son exécution, délai qui peut paraître bien court pour un déroulement complet du procès. En l’espace d’une nuit, Jésus aurait été transféré chez l’ancien grand-prêtre, puis chez le nouveau, puis deux fois au prétoire où siégeait Pilate, et entretemps chez Hérode … Il faut aussi tenir compte de certaines lois et pratiques juives qui figurent dans le Talmud, un livre sacré complémentaire de la Bible hébraïque : interdiction pour un tribunal de siéger la nuit, interdiction de condamner à mort un prisonnier en moins de vingt-quatre heures, et interdiction de condamner à mort une veille de sabbat.

Une page extraite du Talmud. Exemplaire
 provenant du Caire, IXème s..
(image : http://www.moreeuw.com)

        Une solution a été proposée en 1959 par une spécialiste de l’exégèse biblique et chercheur au CNRS, Annie Jaubert. Elle a publié une étude remarquable qui permet de lever la contradiction tout en étalant davantage dans le temps le récit du procès. Son travail se fonde sur une information déterminante fournie par les manuscrits de la mer Morte.
        En effet les rouleaux de parchemin découverts à Qumran nous apprennent l’existence d’un deuxième calendrier hébreu utilisé au temps de Jésus. Les incohérences tombent si l’on suppose que les quatre évangélistes n’ont pas utilisé le même calendrier. Cette hypothèse met les quatre textes d’accord en proposant que la Cène se soit déroulée non pas le jeudi, mais le mardi. De ce fait, les contradictions disparaissent, les délais sont respectés et le déroulement devient plausible.
        Cette hypothèse est en outre appuyée par plusieurs témoignages chrétiens très anciens (IIème-IIIème siècles), comme la Didachè des apôtres, un texte de catéchèse du IIème siècle, qui semblent indiquer qu’au temps de l’Eglise naissante la Cène était célébrée le mardi soir. Si Jésus prit réellement son dernier repas pascal un mardi, il aurait donc passé deux jours en captivité.
Le résultat de ce travail a emporté de nombreux suffrages chez les exégètes, et semble également avoir convaincu le Vatican. Toutefois, cette conclusion ne risque-t-elle pas de remettre en question le calendrier liturgique actuel des chrétiens ? Pas nécessairement : celui-ci a une vocation de célébration plutôt que de reproduction rigoureuse des faits.

Le jour de l’exécution
        Pour tenter de calculer la date exacte de la mort de Jésus, la recherche historique se sert du matériel biblique et historique, ainsi que de nos connaissances sur le calendrier. Il ressort des évangiles que la crucifixion de Jésus a eu lieu un vendredi, veille du sabbat et de la Pâque juive. Or d’après l’Ancien Testament (Ex. 12,18), la Pâque juive se place le 14 ou le 15 du mois de Nisan (mars-avril). Par ailleurs, nous savons  par l’historien romain Tacite que le gouverneur Ponce Pilate qui condamna Jésus fut préfet de Judée de 26 à 36. Durant cette décennie, il se trouve seulement cinq années pour lesquelles le 14 ou le 15 de Nisan tombe un vendredi. Par recoupements, les historiens retiennent fréquemment les deux dates les plus plausibles, celles du vendredi 26 mars 30 et du 3 avril 33.
        Un moyen de départager ces deux dates se trouve peut-être dans le récit de la Passion, où les évangélistes relèvent des phénomènes surnaturels se produisant à l’instant du décès de Jésus.
        « C’était environ la sixième heure quand, le Soleil s’éclipsant, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Le voile du Temple se déchira par le milieu, et Jésus dit en un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et, ce disant, il expira » (Lc. 23, 44-45).

Représentation schématique du calendrier hébreu
 (cliquer pour agrandir).
(image : http://www.johnpratt.com)

La Lune prend parfois une couleur rougeâtre
pendant une éclipse de Lune.
(image : http://zenit-photo.com)

La survenue de l’obscurité peut faire penser à un processus naturel tel qu’une éclipse. C’est ce qu’ont fait de nombreux chercheurs qui ont exploré cette possibilité. Une éclipse de Soleil (le Soleil masqué par la Lune) n’est pas envisageable, car la Pâque juive a lieu en période de pleine Lune et les éclipses de Soleil sont alors impossibles. En revanche, une éclipse de Lune (la Lune dans l’ombre de la Terre) a pu avoir lieu pendant cette période.
        En 1983, deux astrophysiciens de l’université d’Oxford, C.J. Humphreys et W.G. Waddington, publièrent dans la revue scientifique Nature les conclusions d’une recherche de date effectuée à partir de calculs astronomiques. Ils envisageaient l’hypothèse que la Lune ait pris une couleur rougeâtre, en s’appuyant sur un extrait du livre des Actes des apôtres qui cite le prophète Joël : « Le Soleil se changera en ténèbres – et la Lune en sang – avant que ne vienne le jour du Seigneur, grand et glorieux » (Ac. 2, 14-21).
L’étude cite d’autres textes anciens signalant également une obscurité anormale au moment de la mort de Jésus. L’un d’eux est un rapport apocryphe attribué à Ponce Pilate, la « Lettre de Ponce Pilate à Tibère », qui fait état d’un phénomène semblable, l’obscurité recouvrant la Terre tandis que la Lune prenait la couleur du sang.
Selon Humphreys et Waddington, l’éclipse de Lune se serait produite au moment où la Lune apparaissait à l’horizon. La couleur rouge s’expliquerait par la lumière rasante traversant l’atmosphère, qui absorbe les nuances de bleu. Et entre 26 et 36, une seule éclipse de Lune visible à Jérusalem en période de Pâques a eu lieu : celle du 3 avril de l’an 33. Quant à la survenue de l’obscurité, elle est attribuée à un phénomène de vent des sables qui aurait diminué l’éclairement.
Cette théorie moyennement convaincante, on en conviendra, est la seule à proposer un scénario scientifique qui tente de faire intervenir des phénomènes naturels.

Références :

[1] – Jean-Jacques Nolait, communication personnelle.
[2] – A.A. Valdés : « Le Jeudi saint : quand a eu lieu la dernière Cène de Jésus ? » Franciscan Cyberspot, march 24, 2005.
[3] – C. J. Humphreys et W.G. Waddington : « Dating for the crucifixion ». Nature, volume 306, 22-29 décembre 1983.

BETHLEEM DANS L’HISTOIRE

12 décembre, 2010

du site:

http://198.62.75.1/www1/ofm/sites/TSbistoire_Fr.html

BETHLEEM DANS L’HISTOIRE
  
L’histoire de Bethléem ressemble à celle de toutes les villes du monde: au cours des siècles, ses habitants n’ont pas joui d’une grande paix. Le lieu de la naissance du Sauveur est aujourd’hui une modeste ville. Rien de splendide en cet endroit choisi par le Seigneur, et nous pourrions paraphraser le prophète Michée en disant: « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es qu’une des villes de Palestine, bien que de toi soit sorti le chef du peuple des croyants ».
Sous Hérode le Grand (37-4), la Palestine avait formé un seul Etat souverain, tout en étant vassal de Rome. A la mort du roi, comme Auguste avait aboli la dignité royale, le pays fut morcelé en plusieurs tétrarchies. En l’an 6 de l’ère chrétienne, sous le nom de Judée, il fut rattaché à la province impériale de Syrie, avec un procurateur résidant à Césarée-Maritime et directement responsable devant l’empereur. Des légions y furent envoyées en garnison, notamment la Xe légion Fretensis, qui séjournait à Jérusalem.
Si elle échappa au sort que Titus infligea à Jérusalem en 70, la ville de Bethléem fut par contre victime de la violence d’Hadrien, après la seconde révolte juive que Bar Kozeba avait fomentée contre les Romains (132-135).
Poussé par un calcul politique astucieux, Hadrien profana la sainteté de la grotte de la Nativité en faisant planter au-dessus un bosquet sacré en l’honneur de Tammouz-Adonis, de même qu’il avait érigé à Jérusalem, sur les lieux de la Passion et de la Résurrection, les statue de Vénus et de Jupiter. Comme les juifs étaient bannis, la population de Bethléem pouvait compter à cette époque de nombreux païens disposés à continuer des rites agrestes, autrefois communs en Orient. Des lieux de culte syncrétiste se trouvaient aussi en d’autres endroits; exemple : celui de Mambré. Minoritaires, les chrétiens d’origine juive, c’est-à-dire les judéo-chrétiens, ne pouvaient certainement pas s’opposer aux ordres impériaux. La Palestine fut donc officiellement païenne, comme tout le monde romain, jusqu’en 313, année où Constantin proclama la liberté du culte.
En 324, Hélène, mère de Constantin, visita la Terre sainte. Dès l’année suivante, à la demande de l’évêque Macaire de Jérusalem qu’il avait rencontré au premier concile œcuménique de Nicée, l’empereur affecta des sommes importantes à la construction d’églises. L’une d’elles fut érigée sur le lieu de la Nativité. Les traditions chrétiennes, jalousement gardées par les judéo-chrétiens, étaient tellement claires et enracinées que la localisation du site ne posa pas de problème: les travaux purent commencer en 326.
Bethléem devint très vite un centre important de vie monastique. Arrivé en 384, saint Jérôme s’y adonna pendant 36 ans à une extrême pénitence, tout en prenant une part active aux disputes théologiques contre les hérétiques et en se livrant à la tâche énorme dont l’avait charge le pape saint Damase, celle de réviser les vieilles traductions latines de la Bible et de composer une nouvelle version fondée sur les textes originaux hébreux et grecs (traduction dite La Vulgate).
En 386, la Romaine Paule, descendante des Gracques et des Scipions, s’établit à Bethléem avec sa fille Eustochium ; elle fut bientôt suivie de nombreuses femmes des grandes familles patriciennes de Rome. Paule consacra son immense fortune à l’érection de deux monastères (un pour saint Jérôme et ses disciples , un autre pour elle et ses religieuses) et d’un hospice pour les pèlerins. Saint Jérôme était le chef spirituel vénéré de toutes ces âmes qui s’efforçaient à Bethléem de vivre dans l’humilité, réchauffées par la lumière divine.
A la mort de saint Jérôme (420), la direction des monastères fut peut-être confiée à Eusèbe de Crémone, disciple du grand exégète. Il mourut malheureusement déjà deux ans plus tard et la vie monastique de Bethléem ne lui survécut pas longtemps.
Lorsque l’Empire romain fut divisé en deux, la Palestine fit partie de l’Orient (395). La prise de Rome par les Wisigoths d’Alaric (410) entraîna un afflux de réfugiés dans tout l’Orient. Nombre d’entre eux se dirigèrent vers Bethléem, au point que saint Jérôme se trouva dans l’impossibilité de les aider tous.
En 529, les Samaritains de Naplouse, en révolte contre Byzance, purent aisément saccager Bethléem, dont les murs délabrés n’offraient plus aucune résistance. Deux ans plus tard, à la demande de saint Sabas, délégué par le patriarche de Jérusalem, l’empereur Justinien fit reconstruire la basilique, édifier des églises et des monastères et entourer la ville d’une nouvelle enceinte de murs pour la protéger contre les attaques des pillards.
En guerre contre les Byzantins, les Perses de Chosroès II s’emparèrent de la Palestine en 614, accueillis avec faveur par les juifs qu’animait un esprit d’aversion contre le christianisme triomphant. Alors qu’ils avaient mis Jérusalem et ses environs à feu et à sang, les envahisseurs épargnèrent Bethléem. Ils renoncèrent à leurs projets de vandalisme à la vue d’une mosaïque de la basilique de la Nativité, où était représentée l’adoration des mages habillés en Perses. L’absence d’une description détaillée de l’ancienne basilique nous empêche de déterminer l’endroit où se trouvait cette mosaïque. Il est probable qu’elle décorait la partie supérieure de la façade. L’empereur Héraclius ne put libérer l’Empire d’Orient de ces envahisseurs et reconquérir la Palestine qu’en 629.
De nouveaux maîtres se présentèrent en 637 avec l’invasion des Arabes musulmans. Pour la première fois depuis trois siècles, Bethléem ne célébra pas la fête de Noël. Après avoir battu définitivement les Byzantins, le calife Omar occupa en 638 Jérusalem, dont le nom fut changé en el-Qouds, la Sainte. Il alla prier dans la basilique de la Nativité, instaura une politique de tolérance et garantit au patriarche Sophrone l’intégrité de l’église. La cohabitation des chrétiens et des musulmans fut supportable: les musulmans avaient le droit de prier dans l’abside sud, tournée exactement vers La Mecque, et les chrétiens veillaient à l’entretien de l’édifice. Cette communauté de la vie cultuelle n’est pas surprenante, les musulmans respectent le Christ comme prophète et honorent la Vierge Marie. On peut encore aujourd’hui rencontrer dans la basilique des pèlerins musulmans qui, après avoir visité Jérusalem et Hébron, s’arrêtent pour prier au lieu de la naissance de Jésus. Les musulmans vénéraient en outre la basilique parce qu’ils croyaient que les sépultures de David et de Salomon se trouvaient à proximité.
La conquête arabe entraîna toutefois le déclin de la vie chrétienne à Bethléem. Tandis qu’il existait au moins six couvents à l’époque de Justinien, le recensement des monastères de Terre sainte, le Commemoratorium de casis Dei, établi à la demande de Charlemagne en 808, relevait seulement 17 religieux à Bethléem (prêtres, moines, clercs et stylites).
Les successeurs d’Omar continuèrent la politique de tolérance jusqu’en 1009. Cette année-là, le fanatique calife égyptien el-Hâkim fit détruire le Saint-Sépulcre et déchaîna une véritable persécution contre les chrétiens. Mais Bethléem fut de nouveau épargnée, soit, selon les uns, qu’une intervention miraculeuse arrêtât el-Hâkim, soit, selon d’autres, que la basilique dût la protection au désir du calife de continuer à recevoir le tribut exigé des chrétiens depuis Omar.
En 1099, la ville ne put échapper à la furie des musulmans, qui la dévastèrent à l’approche des croisés. Craignant que la basilique ne fût détruite comme les autres églises, les habitants envoyèrent des messagers à Godefroi de Bouillon, caserné à Emmaüs, et l’invitèrent à s’emparer de leur ville. Godefroi chargea de cette mission Tancrède et cent cavaliers. Bientôt, au milieu de la jubilation de tous les chrétiens, le drapeau des croisés était hissé sur la basilique. La nuit de Noël 1100, le patriarche y couronna Baudouin premier roi de Jérusalem. Baudouin Il y reçut à son tour la couronne à Noël 1119. Ces rois évitaient ainsi le scandale de recevoir une couronne temporelle dans la ville où le Christ avait été couronné d’épines.
La conquête des croisés ouvrit un chapitre nouveau de l’histoire de Bethléem. Reconstruite, la ville devint une forteresse. On y érigea aussi un monastère pour les chanoines de Saint-Augustin chargés du service liturgique en latin. Les autorités de l’Eglise byzantine n’avaient pas accordé de prééminence particulière à la basilique : jusqu’aux croisades, celle-ci avait seulement constitué une paroisse du patriarcat de Jérusalem. En 1110, le roi Baudouin Ier obtint du pape Pascal II l’érection de la ville en siège épiscopal. Le diocèse eut d’ailleurs une existence brève et devint ensuite un siège titulaire.
En 1165-1169, l’empereur Manuel Porphyrogénète Comnène de Constantinople, le roi franc Amaury et l’évêque Raoul de Bethléem firent restaurer et décorer la basilique: l’édifice reçut une couverture de cèdre et de plomb; de nouvelles dalles de marbre remplacèrent le vieux pavement usé; un revêtement de marbre blanc orna les murs latéraux et un revêtement de mosaïque, la partie supérieure de la nef centrale; la voûte de la grotte de la Nativité fut décorée de mosaïques polychromes et dorées, dont certaines étaient faites de cubes de verre et de nacre.
Après la défaite de Hattîn et le départ des croisés (1187), Bethléem, comme la grande majorité des villes du Royaume franc, tomba au pouvoir de Saladin. A partir de 1192, à la demande d’Hubert Walter, évêque de Salisbury et ambassadeur de Richard Cœur de Lion, les musulmans autorisèrent de nouveau le culte latin pendant un certain temps contre le paiement d’un tribut par les fidèles.
Grâce à deux trêves (la première conclue entre l’empereur Frédéric II et le sultan d’Egypte Mélik el-Kàmil, la seconde entre le roi de Navarre et le sultan de Damas), Bethléem retourna sous l’autorité chrétienne de 1229 à 1244. Les chanoines de Saint-Augustin reprirent possession de leur siège et le monde chrétien eut de nouveau accès à la basilique.
En 1244, des bandes de Turcs Khwârizmiens triomphèrent des croisés et du sultan de Damas. Après le départ des Khwârizmiens, quelques années plus tard, le sort de la Palestine ne s’améliora pas sous les Mamelouks d’Egypte, dont le chef Baïbars expulsa les chrétiens de Bethléem et détruisit les murailles de la ville (1266). Le bannissement des chrétiens ne dura cependant pas longtemps. Les pèlerinages furent de nouveau tolérés; mais les chanoines de Saint-Augustin ne survécurent pas à ce second exil. Les nouveaux maîtres continuèrent à se servir des Lieux saints au profit des caisses de l’Etat et des poches des particuliers. Cette politique devait être largement exploitée plus tard par les Ottomans. Le Royaume franc prit fin en 1291. La Palestine demeura avec la Syrie sous l’autorité des Mamelouks, d’origine circassienne et turque, anciens esclaves devenus maîtres de l’Egypte en 1252. Au début du XIIIe siècle étaient arrivés en Terre sainte les premiers missionnaires franciscains. Pendant l’époque des croisades, comme chapelains et conseillers, ils procurèrent leur aide spirituelle aux combattants. Les périodes suivantes les virent plusieurs fois verser leur sang. Installés déjà au Cénacle en 1333, les « frères de la corde » entrèrent de 1335 à 1337 en possession des terrains sur lesquels s’élevaient le Cénacle et le Saint-Sépulcre; le 21 novembre 1342, Clément VI, par les bulles Gratias agimus et Nuper carissimae, leur concéda la garde des Lieux saints (Bullarium Franciscanum, Roma, 1902). En 1347, ils s’établirent définitivement à Bethléem, où ils travaillaient déjà depuis quelque temps, et obtinrent le droit d’officier dans la basilique. A la fin du XVe siècle existait encore l’enceinte des murs que renforçaient deux grosses tours, l’une à l’ouest sur le sommet de la colline, l’autre à proximité de la basilique. Sélim Ier de Constantinople, qui avait enlevé en 1517 la Palestine aux Mamelouks d’Egypte fit abattre l’enceinte et combler les fossés. Au XVIe siècle, Bethléem n’était plus qu’un village presque abandonné. Dans son Très dévot Voyage de Jérusalem (Anvers, 1608), Jean Zuallart, pèlerin en 1586, écrit: [ … 1 Bethléem moderne, qui est à present en pauvre estat, et mal habitée, n’y ayant plus que des petites cabanes, et vieux edifices ruinez: les Bethlehemites et habitans d’icelle sont tous pauvres gens Mores, c’est à dire Arabes Mahometistes et Chrestiens Suriens [ … 1 faisans des chapeletz et croix de bois, qu’ilz nous vendent, et pour ceste cause ilz ont accoustumez, d’enseigner à leurs enfans la langue Italienne [...] ».
Les Turcs avaient en fait manifesté de bonnes intentions au début, en essayant de donner au pays une saine administration et en encourageant un programme de reconstruction. (Qu’on se rappelle l’œuvre de Soliman le Magnifique qui releva en 1539-1542 les murailles de Jérusalem, encore admirées aujourd’hui.) Mais les Turcs avaient fini par exploiter et piller la région au point de l’acculer à la misère. Bethléem fut pendant 400 ans une des nombreuses victimes de la gabegie turque et connut en plus, à partir du XVIe siècle, les luttes sanglantes qui mirent aux prises les latins et les grecs pour l’hégémonie dans la basilique de la Nativité.
Les pères franciscains avaient en 1347 obtenu du sultan la possession de la grotte et, ensuite, acquis le droit de jouir de la basilique et de subvenir à son entretien. Le P. Gerardo Calveti, gardien du Mont-Sion, avait fait à la fin du XIVe siècle un voyage en Europe pour demander aux princes d’aider à la restauration du sanctuaire. En 1479, le père gardien Giovanni Tomacelli avait persuadé Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et le roi Edouard IV d’Angleterre de pourvoir à la réfection du toit. Ces faits, outre l’existence de nombreux firmans des sultans, confirmaient les droits des latins. Mais, au XVIe siècle, grâce à l’avidité des pachas et des beys, les grecs réussirent très souvent à racheter les biens acquis par les franciscains; des lieux saints furent même plusieurs fois cédés successivement aux uns et aux autres.
De plus, le sort des frères mineurs dépendait des guerres qui opposaient les Ottomans et les Républiques maritimes. Ainsi, en 1537, comme pour se venger de la destruction de sa flotte par les Génois, Soliman II incarcéra pendant trois ans les franciscains de Jérusalem et de Bethléem, d’abord dans la Tour de David et ensuite à Damas. La victoire des Ottomans sur la république de Venise (1669) rendit désespérée la situation des franciscains et améliora celle des grecs, qui furent autorisés à prendre possession de la basilique et de la grotte de la Nativité.
En 1690, les latins recouvraient leurs droits sur la grotte. Ils remplacèrent en 1717 l’étoile, alors vétuste, qui marquait le lieu de la naissance de Notre-Seigneur, par une nouvelle étoile portant l’inscription latine: Hic de Virgine Maria Jesus Christus natus est. Les grecs reprirent en 1757 possession de la basilique et de l’autel de la Nativité et enlevèrent en 1847 l’étoile qui attestait les droits des latins. Grâce à l’intervention du gouvernement français auprès de la Sublime-Porte, une autre étoile latine fut placée en 1853 sous la table de l’autel. L’étoile enlevée aurait été cachée dans le couvent grec de Mâr Saba où, d’après un journaliste juif, elle se trouvait encore quelques années avant 1949. Il y eut plusieurs tentatives ultérieures pour détacher de nouveau l’étoile; des clous furent même enlevés en 1950.
La disparition de l’étoile de Bethléem a constitué une des occasions de la guerre de Crimée (et, incidemment, la cause première de la création du corps italien des bersagliers). Mais, pour ce développement de l’affaire de l’étoile, comme pour le problème connu sous le nom de statu quo, et qui intéresse aussi les autres lieux saints, disons seulement ici que les communautés latine, grecque orthodoxe et arménienne orthodoxe sont copropriétaires de la basilique. (Entre 1810 et 1829, les arméniens orthodoxes avaient en effet réussi à s’établir dans la basilique et à prendre possession du bras nord du transept.) Les grecs orthodoxes ont le droit d’officier à leur autel, de même que les arméniens orthodoxes. Dans la grotte de la Nativité, les latins sont propriétaires d’un escalier, de la Crèche, de la voûte, des parois longues, ainsi que du pavement, et ils ont le droit de célébrer la messe à l’autel des Mages. Les grecs orthodoxes possèdent la petite abside de la Nativité, où ils célèbrent la messe. Ils partagent ce droit avec les arméniens orthodoxes. Les syriens orthodoxes peuvent officier dans la basilique deux fois par an (Noël et Pâques) et les coptes orthodoxes une fois par an (Noël). Chacune des communautés copropriétaires détient une des trois clés qui ouvrent et ferment la petite porte de la basilique. Les grecs orthodoxes peuvent exercer leur droit d’ouvrir et de fermer cette porte le matin et le soir, lorsque la cloche latine sonne l’angélus.
Le 25 avril 1873 eut lieu une violente agression des grecs orthodoxes, qui blessèrent huit pères franciscains et saccagèrent la grotte de la Nativité, enlevant tout ce qui avait quelque valeur. A la suite de cet événement, le sultan fit mettre une sentinelle pour veiller sans relâche à la paix dans la grotte de la Nativité. Les attaques des grecs ne cessèrent pourtant pas, et d’autres frères mineurs furent victimes de coups et de blessures. Après la première guerre mondiale, la sentinelle anglaise ne servit pas non plus à grand-chose: l’année 1928 vit de nouvelles violences.
La situation se présente différemment aujourd’hui: les rapports sont cordiaux et un certain esprit de collaboration facilite la cohabitation des trois communautés.
Mais reprenons le cours des événements historiques avec l’année 1831. En Egypte, le pouvoir était alors exercé par un Albanais, Mohammed Ali, qui avait combattu contre Napoléon comme bin-bashi (plus grand) des bashibozuq (troupes irrégulières turques). Ce soldat courageux, doublé d’un homme d’Etat, était devenu gouverneur, mais il désirait faire de l’Egypte un Etat indépendant de Constantinople. Il engagea donc les hostilités contre la Turquie et, durant une campagne, envoya en Palestine une armée de 30000 hommes sous les ordres de son fils Ibrâhîm Pacha. A partir de 1831, et pendant dix ans, la région dépendit de l’Egypte. Les chrétiens expulsèrent les musulmans de Bethléem et Ibrâhîm Pacha, pour punir ces derniers de leurs continuels actes de brigandage, ordonna en 1834 la destruction de leur quartier. Depuis lors, la population de Bethléem a été en majorité chrétienne jusqu’à une époque récente. En 1988 la ville comptait quelque 45500 habitants dont 33500 musulmans et 12000 chrétiens. Avec les deux intifadas (1987 et 2000) l’émigration n’a fait qu’empirer spécialement dans la population chrétienne.
Retombée au pouvoir des Turcs en 1841 et passée sous le Mandat britannique de 1917 à 1948 comme toute la Palestine, puis sous le Royaume hachémite de Jordanie de 1948 à 1967, la localité a fait partie des territoires occupés par Israël de juin 1967 à 1994 date à laquelle, la cité est passée sous autorité palestinienne.

L’arche de Noé racontée par des tablettes d’argile

22 novembre, 2010

le lien sont à les images, du site:

http://bible.archeologie.free.fr/archedenoetablettes.html

L’arche de Noé racontée par des tablettes d’argile

image : http://www.greatdreams.com

       Les chapitres 6 à 8 de la Genèse relatent le récit bien connu du Déluge. Dieu en colère à cause de la perversité des hommes, décide d’éradiquer l’humanité par une inondation totale. Voulant cependant épargner la vie d’un homme sage appelé Noé, il ordonne à celui-ci de construire un grand navire, dans lequel il se réfugie après avoir embarqué sa famille et un couple de chaque espèce d’animaux. Des pluies torrentielles recouvrent alors toute la Terre, et l’eau submerge tout pendant plusieurs jours avant de commencer à s’assécher. Enfermé dans son arche, Noé attendant la réapparition de la terre ferme, libère trois fois une colombe jusqu’à ce qu’elle ne revienne pas, signe qu’elle a trouvé un lieu où se poser. Alors l’Arche s’échoue sur le mont Ararat, et ses occcupants en sortent sains et saufs.
       Jusqu’au XIXème siècle de notre ère, on ne connaissait l’histoire du Déluge que par le récit biblique. Les fouilles archéologiques qui furent menées en particulier en Irak, allaient bientôt bousculer cette unicité.
        Les recherches effectuées en Mésopotamie ont fourni une grande quantité de témoignages humains écrits, sous la forme de tablettes d’argile gravées de caractères cunéiformes. Cette écriture se présente sous la forme de coins ou de clous, que les scribes imprégnaient dans des plaques d’argile humide qui étaient ensuite séchées et cuites. Ces tablettes découvertes dans les sables des vestiges des villes disparues, se comptent par centaines de milliers. L’écriture cunéiforme a heureusement pu être déchiffrée par des spécialistes de l’Orient ancien, notamment le britannique Henry Creswicke Rawlinson en 1850. Les orientalistes se livrent depuis lors à un énorme travail de traduction de ces innombrables tablettes.

Tablette cunéiforme trouvée à Nippur.
image :
http://physics.stmarys-ca.edu/classes 

Tablette cunéiforme trouvée à Babylone,
 relatant un déluge babylonien (19-18e s. av. J-C.).
image :
http://www.earth-history.com/Clay-tablets.htm

Le déluge assyrien

        En 1872, un jeune assyriologue, George Smith, participait au déchiffrement des tablettes d’argile trouvées dans la bibliothèque du roi Assurbanipal à Ninive. Il fut un jour très surpris de découvrir un texte qui ressemblait étrangement au récit du Déluge biblique. Ce texte faisait partie intégrante d’un autre récit plus vaste, « l’épopée de Gilgamesh », dont le récit complet occupait douze tablettes ; le passage relatif au Déluge mésopotamien figurait sur la onzième. Gilgamesh est présenté comme un roi d’Uruk, qui en cherchant l’immortalité rencontre un personnage nommé Utanapishtim. Celui-ci lui raconte l’histoire du Déluge auquel il a survécu.

La 11ème tablette cunéiforme trouvée à Ninive.
Elle relate l’épopée de Gilgamesh qui inclut un récit du Déluge.
image :
http://www.suffragio.it/bassorilievi/arteassiri.htm

Bas-relief représentant le roi légendaire Gilgamesh maîtrisant un lion.
image :
http://encarta.msn.com

        Cette version du Déluge est l’histoire d’une inondation catastrophique provoquée par l’ensemble des dieux, dans le dessein de faire disparaître toute l’humanité. Utanapishtim est sauvé grâce à la bienveillance d’un seul dieu, Ea. Voici quelques extraits significatifs du récit [1][2] :
        « (Le dieu dit:) Homme de cette ville, démolis ta maison et construis un bateau (…). Renonce à tes biens et sauve ta vie. Embarque avec toi un spécimen de chaque être vivant. Le bateau que tu vas construire, sa largeur et sa longueur doivent être semblables. Couvre-le d’un toit (…). Lorsque le bateau fut construit on procéda à son chargement, en attendant le Déluge. (Utanapishtim parle:) Le soir du septième jour, le bateau était achevé (…). Je chargeai à son bord tout ce que j’avais de spécimens d’espèces vivantes. Toute ma famille et ma parenté je fis monter sur le bateau (…). A la première lueur de l’aube, monta de l’horizon une sombre nuée (…). Le silence de mort de l’orage traversa le ciel et ce qui était lumineux se changea en ténèbres. Comme une bataille, le cataclysme passa sur les hommes (…). Même les dieux furent épouvantés par le Déluge, six jours et sept nuits (…). Le septiéme jour l’ouragan ralentit. Le déluge cessa. Tous les peuples étaient redevenus d’argile. Par la lucarne, la lumière du soleil tomba sur mon visage. Je me jetai à genoux et en pleurant, je cherchai les côtes, les rivages de la mer. Le bateau accosta sur le mont Nisir (…). Le septième jour je fis sortir la colombe : elle s’envola mais revint car aucun perchoir ne lui était offert. Je fis sortir l’hirondelle, elle revint. Je fis sortir un corbeau, il partit et voyant les eaux se retirer, il picora, voltigea et ne revint pas vers moi. Alors je fis une offrande et un sacrifice aux quatre vents. »
        Comme on peut le constater, les ressemblances avec le récit biblique sont frappantes. Lorsque la traduction de ce texte fut publiée en Angleterre, cela produisit l’effet d’une bombe médiatique. Cette tablette datait du deuxième millénaire av. J.-C., mais semblait reprendre des traditions plus anciennes. En effet, d’autres documents mésopotamiens antérieurs parlant également de Déluge furent bientôt révélés.

Le déluge sumérien

        Depuis la traduction de la tablette de Ninive, d’autres versions du mythe diluvien ont été trouvées. A Nippur, une tablette cunéiforme sumérienne révéla un récit analogue, centré sur un héros du nom de Ziusudra. La tablette, écrite vers 1700 avant notre ère, est malheureusement très déteriorée [3].

Le déluge babylonien

        Il existe une troisième version du Déluge, écrite en babylonien, et datant de 1635 av. J-C. environ. Le personnage central est dénommé Atrahasis, ou « supersage » [4]. En outre, ce texte est précédé d’un récit de Création. A l’origine, les dieux auraient créé les hommes pour qu’ils fassent les travaux pénibles à leur place. Mais leur élimination par le moyen d’un déluge est décidée, parce que l’humanité est devenue trop envahissante et … trop tapageuse !

Tablette relatant une version babylonienne du récit du Déluge.
image :
http://freestockphotos.com

La liste royale sumérienne

        Une autre document un peu différent mais tout aussi intéressant est la fameuse « liste royale sumérienne », rédigée sur des tablettes trouvées dans les ruines de Nippur [5]. Il s’agit d’une énumération de souverains sensés avoir régné dans la région de Sumer. Cette chronologie s’arrête à une époque qui semble correspondre au XVIIIème siècle avant notre ère. Curieusement, au milieu de cette liste de rois est insérée cette phrase inattendue : « Après que le Déluge eut tout nivelé, la royauté s’établit à Kish ». Une dynastie de rois semble en effet être avoir régné à Kish vers 2900, dont une partie au moins paraît historique [6]. Plusieurs exemplaires de cette même liste de rois ont été retrouvés. Le fait que le Déluge soit mentionné dans une liste mésopotamienne d’anciens rois, est significatif du fait que les Mésopotamiens eux-mêmes le considéraient comme historique. Il s’agit cette fois d’un document ayant un caractère plus officiel que de simples textes littéraires.

Liste royale sumérienne.
image :
http://www.earth-history.com

          Tous ces éléments attestent que les peuples mésopotamiens possédaient dans leur culture le récit d’une inondation terrible, qui aurait eu lieu au cours de leur Histoire. Comment se fait-il que le l’on retrouve le même thème dans la Bible ? La convergence de ces témoignages anciens suggèrent qu’ils puissent correspondre à un évènement réel. Le saura-t-on jamais ? Contre toute attente, des indices géologiques sont venus compléter ces investigations.

Un déluge régional ou planétaire ?

        La Mésopotamie n’est pas la seule région du Monde à avoir gardé mémoire de ce type d’évènement. Les traditions orales de nombreux pays répartis sur la planète ont conservé des récits évoquant une inondation totale, éradiquant toute vie terrestre à l’exception de quelques personnes sauvées grâce à un navire. On a ainsi retrouvé de tels mythes chez des peuples vivant dans des contrées aussi éloignées que l’Inde, la Grèce, l’Australie, l’Amérique du Nord ou la Scandinavie [7][8] … Dans son Dictionnaire biblique, l’Eglise adventiste du septième jour a publié une carte recensant les divers récits de Déluge locaux, ce qui représente une quantité impressionnante de témoignages [9]. La ressemblance entre toutes ces traditions ancestrales n’est peut-être pas totalement fortuite. Faut-il en déduire qu’il y eut réellement à une époque reculée de l’Histoire, une inondation planétaire ? Si l’on veut croire à un tel évènement, il devrait être possible d’en retrouver des traces géologiques. C’est apparemment ce que firent involontairement quelques archéologues, en effectuant des sondages dans une plaine irakienne.

Récit d’un Déluge fait par un Amérindien
image :
http://www.shingwauk.auc.ca

Carte montrant les lieux où ont été recensées
les récits traditionels d’un Déluge local.
image :
http://dialogue.adventist.org

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