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LA FOI AU DÉFI – WALTER KASPER

14 février, 2007

d’en théologien très connu, et que j’ai connu : 


LA FOI AU DÉFI  WALTER KASPER

L’incroyance a rarement aussi bien maîtrisé l’art du camouflage qu’à notre époque où règne une confusion babylonienne.Voici que l’incroyance a le visage de la piété, sous prétexte d’ouverture, de tolérance et d’engagement.

L’homme religieux admet comme postulat que la réalité sensible et perceptible n’est pas l’essentiel du réel, ou du moins qu’elle n’est pas la seule réalité… ( Alors que ) la conscience contemporaine n’admet pour seule réalité que la réalité tangible, matérielle et économique.

Au cours des guerres de religion qui suivirent le schisme au XVIème siècle, la société médiévale se disloqua complètement. La religion chrétienne avait cessé de jouer son rôle de référence, et n’assurait plus sa fonction unificatrice.

Les lumières ont cherché à fonder la dignité de l’homme, ainsi que l’ordre et la paix sur terre, sur la base de la raison humaine, considérée comme l’épicentre, le critérium absolu, l’instance suprême à laquelle tout et tous, jusqu’à la foi elle-même, se doivent de rendre compte…
La religion ne pouvait donc qu’être le fait que de « l’imposture des clercs »…

Parvenu à sa maturité, l’homme doit être capable de résoudre ses problèmes par lui-même, et, comme le disait Sigmund Freud, se passer d’appui consolateur.
critique de la « modernité »

Il fallait, pour Nietzsche, que Dieu soit mort, afin que le surhomme puisse exister. Mais le surhomme a-t-il encore quelque chose d’humain ?

L’indifférentisme est bien plus pernicieux que l’athéisme militant, pour lequel Dieu continue de poser problème et reste un adversaire à combattre…
Dieu est passé sous silence, bien plus encore qu’il n’est proclamé mort.
critique de la modernité

Quiconque exclut catégoriquement toute certitude première se trouve en contradiction avec soi-même et se fabrique une immunité on ne peut plus primaire, contre toute critique…
L’homme ne saurait revenir sur l’opposition entre le oui et le non, le vrai et le faux, le bien et le mal, sous peine de devoir renoncer à lui-même.

Croire, c’est admettre une chose et la tenir pour vraie sur la foi du témoignage d’un tiers.

La foi est l’audace d’exister.
Cité par

L’acte de foi et le contenu de la foi sont indissociables l’un de l’autre.
Le contenu n’existe que dans l’accomplissement vivant de la foi; l’accomplissement vivant de la foi dépend en retour du contenu…

La foi… renoncement à toutes les certitudes, retour sur soi… élan audacieux qui vous pousse vers l’inconnu… chemin à parcourir… enracinement dans ce que l’on ne possède pas encore… audace qui ambitionne tout et qui exècre la petitesse et la mesquinerie.
La foi n’est pas un point de vue arrêté et établi une fois pour toutes.

Ou l’homme est en mesure de se doter d’un fondement ultime, ou alors il reconnaît un absolu, il s’incline devant une fin dernière, qui ne peut être que Dieu lui-même.

L’homme découvre donc de manière intuitive, éclatante, évidente et nécessaire, que la vérité de Dieu est une vérité sur lui-même.

Si Dieu n’a plus rien à voir avec le monde et avec les préoccupations des hommes… avec la réalité de la création, la théologie de l’histoire du salut et la conception existentielle de la foi ne sont plus que gnose, et, suspectes de projection et d’illusion…
En reconnaissant que l’univers est création, on admet en revanche que le monde de Dieu est plus que le monde des hommes, même s’il est là pour l’homme.

Le récit de la création ne s’achève pas sur l’ordre de dominer le monde, mais sur l’instauration d’un culte… Ainsi la liberté humaine ne se dissipe-t-elle pas dans l’usage et la jouissance des biens matériels.
Car elle est gratuite, et trouve son accomplissement dans la gratuité, dans le jeu, les loisirs, l’Art, la fête et la liesse.

Dans notre monde désaxé et dénaturé, la liturgie demeure l’espace de liberté par excellence, où l’homme peut respirer et se ressourcer.

Ce ne sont ni les structures, ni l’ordre préexistant, ni tel ou tel autre mécanisme quelconque qui sont en cause; la faute est mienne. « Contre toi, toi seul, j’ai péché » ( PS 51, 6 ).
Le verset traduit et la sincérité, et le courage de reconnaître la faute et d’en assumer la responsabilité. Il exprime la clairvoyance de l’homme qui, en tant que personne, est bien plus qu’un faisceau de fonctions ou un réseau de connexions sociales.

Dés lors que l’on n’ose plus parler de faute, de péché, ni prêcher la conversion, le message du Salut et de
la Rédemption n’est plus qu’un discours pieux mais vain, qui n’exerce plus qu’une fonction tranquillisante.

Le christianisme prend le problème du mal très au sérieux, et, ce faisant, il le relativise; il ne baisse pas les bras, ne se laisse pas gagner par le défaitisme… La lumière que
la Rédemption projette sur l’univers est la seule chose qui nous protège du désespoir face au problème du mal…

L’homme est « esprit dans le monde »… C’est pourquoi il est, à notre connaissance, le seul être capable d’insatisfaction, de déception, de frustration…
Rien en ce monde n’est assez grand et assez vaste pour combler la profondeur, la hauteur et l’étendue du coeur de l’homme…
L’amour humain n’est pas infini. Il prend fin, au plus tard, avec la mort…
La nature de l’homme est donc paradoxale : il se dépasse en soi. Il aspire, de par sa nature même, à une perfection qu’il ne peut se donner lui-même.

L’homme se situe donc à mi-chemin entre Prométhée et Sisyphe, habité par une folle ambition en même temps que par une extrême pusillanimité.

La profession de foi en
la Trinité… signifie que Dieu n’est pas un Dieu solitaire et monomane; il est au contraire lui-même un dialogue, l’accomplissement en soi de l’amour librement donné. Il est en soi communion…
Le mystère de
la Trinité signifie en effet que l’on passe d’une conception du monde dominée par le primat de l’existence en soi de la substance, à une conception du monde placée sous le signe de la personne et de la relation.
Pour le chrétien, la réalité première n’est pas la substance, mais la personne, qui n’est concevable que dans l’échange désintéressé du don et du recevoir.
Le monothéisme chrétien ne signifie pas une unité figée, monolithique, uniformisante et tyrannique, qui exclut, absorbe ou étouffe toute autre forme d’être. Cette unité là ne serait qu’indigence.
L’unité divine est au contraire surabondance… offrande… don…
Elle est l’unité qui rassemble au lieu d’exclure, elle est partage et réciprocité dans l’amour…

Les « lieux de l’être », ce ne sont ni le pouvoir ni le faste, mais le service et l’humilité, et là sont aussi la constance et la pérennité.

WALTER KASPER, La foi au défi, fin 

Commission Épiscopale Canadienne de L’œcuménisme

14 février, 2007
Commission Épiscopale Canadienne de L’œcuménisme 

 2000/10/13 

  

Ce document a été préparé en collaboration avec des membres de la communauté juive ainsi que des représentants de
la Consultation canadienne entre juifs et chrétiens*

Proclamer un Jubilé
*Ce sera votre jubilé :
chacun de vous rentrera dans ses terres et dans sa famille (Lev 25,10).

Comme membres de l’Eglise catholique, nous célébrons cette année un « grand Jubilé », soulignant ainsi le 2000e anniversaire de la naissance du Christ. Le Lévitique met en lumière les engagements d’un tel jubilé : réfléchir sur notre réalité communautaire, retourner aux origines de notre foi et renouveler l’expérience même de foi. Le climat de jubilation qui nous anime et nous entoure est une invitation à reprendre notre engagement à suivre Jésus-Christ avec plus de courage et de cohérence(1)1.

Jésus de Nazareth est issu du peuple juif et il a été enraciné dans la tradition de Moïse et des prophètes. Quoique son enseignement ait eu un caractère de profonde nouveauté, il arrive souvent au Christ de prendre position à partir des enseignements des Ecritures hébraïques et d’employer les méthodes des rabbins de son époque. « Jésus était et est toujours resté un Juif » (2)2. Les racines juives de Jésus et le fait qu’il fut pleinement un homme de son temps et de son milieu ne peuvent que « souligner soit la réalité de l’Incarnation, soit le sens même de l’histoire du salut, comme il nous a été révélé dans
la Bible » (3)3. Plus nous côtoierons le judaïsme, particulièrement dans ses traditions, mais également dans sa réalité vécue, mieux nous connaîtrons Jésus.

Un temps pour se souvenir
La célébration de l’avènement du Christ invite véritablement au souvenir – souvenir de deux mille ans qui englobent l’histoire de la communauté des chrétiens, depuis ses débuts au sein de la communauté juive à Jérusalem, à travers l’évolution dramatique qui est survenue alors que l’Eglise a pris racine parmi les Gentils aux cultures différentes, jusqu’à sa situation présente comme communauté de foi à l’échelle du monde. Toutefois, pour exprimer la perception qu’ils ont d’eux-mêmes, les chrétiens ne peuvent pas écarter la présence et l’inspiration continues de la tradition juive. Même, « il importe (…) que les chrétiens cherchent à mieux connaître les composantes fondamentales de la tradition religieuse du judaïsme et qu’ils apprennent par quels traits essentiels les juifs se définissent eux-mêmes dans leur réalité religieuse vécue » (4)4. Le peuple juif est « cher à Dieu », son élection et sa mission sont toujours valables et il joue un rôle capital dans l’histoire religieuse de l’humanité.

Puisque l’Eglise a repris du judaïsme la pratique de l’année du Jubilé, la présente année ne devrait-elle pas être l’occasion de poser un jalon supplémentaire pour se rapprocher du peuple juif ? En cette année, ne devrions-nous pas entreprendre des actions concrètes menant à de nouveaux rapports marqués par la compréhension, la paix et le respect mutuel ? En continuant de guérir les blessures qui séparent les communautés juive et chrétienne, nous contribuerons à guérir les blessures du monde, ce que le Talmud décrit comme une action nécessaire au développement du « royaume du Très-Haut ».

Nos liens spirituels communs
L’Eglise du Christ découvre son « lien » avec le judaïsme en « scrutant son propre mystère » (5)5. Au moyen des Ecritures, mais aussi par la théologie et la liturgie, l’Eglise maintient un lien vital avec la religion juive. Lors de sa visite à
la Synagogue de Rome, en 1986, le pape Jean Paul II a dit : « La religion juive ne nous est pas ‘extrinsèque’ mais, d’une certaine manière, elle est ‘intrinsèque’ à notre religion. Nous avons donc avec elle des rapports que nous n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés ».

Juifs et chrétiens font de
la Bible la substance même de leur liturgie. La prière des Heures et autres textes liturgiques ont leurs pendants judaïques, de même que les formules précises de nos prières les plus chères. La prière eucharistique, qui est au centre même de notre culte, s’inspire de la grande berakhot, ou prière de bénédiction de la tradition juive. Il nous importe d’apprécier les richesses de notre foi pour lesquelles nous sommes redevables au judaïsme et de proclamer en quoi nous éclaire une connaissance de la liturgie juive et des commentaires juifs sur l’Ecriture.

En cherchant à connaître les membres de la communauté juive, nous voulons mieux comprendre leur histoire et leurs traditions, sans pour autant prendre le relais. Il y a beaucoup à apprendre de la participation à des festivités juives, sauf qu’il faut prendre garde de faire comme si on entendait s’approprier ou reconstituer des événements de l’histoire juive. La cohérence et la signification des mots et des symboles tiennent de l’ensemble d’une tradition ; la distorsion ne s’insère que lorsque ceux-ci sont simplement importés dans une autre tradition.

Les ambiguïtés d’une histoire commune
L’Eglise primitive et le judaïsme rabbinique ont tous les deux pris forme à peu près à la même époque, s’enracinant tous les deux dans le judaïsme biblique. En dépit et même en raison de leurs liens serrés, la séparation initiale du Ier siècle a pris l’apparence d’une rivalité, puis d’une aliénation et enfin d’une hostilité séculaire. Quoique « l’histoire des rapports entre juifs et chrétiens ait été tumultueuse » (6)6, « les liens spirituels et les relations historiques rattachant l’Eglise au judaïsme condamnent comme opposée à l’esprit même du christianisme toute forme d’antisémitisme et de discrimination… » (7)7. Les enseignements des papes récents ont fait valoir le caractère profondément non-chrétien de l’antisémitisme, depuis l’énoncé de Pie XI à l’effet que « spirituellement, nous sommes des sémites (9)»8 jusqu’à la déclaration de Jean Paul II affirmant que « l’antisémitisme est sans justification aucune et absolument condamnable (9)»9 .

A propos de l’accusation de « déicide » (responsabilité de la mort de Jésus), qui avait été un facteur majeur dans l’histoire des relations « tumultueuses » entre juifs et chrétiens, le Concile Vatican II affirme clairement que : « … ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps » (10)10. Selon l’enseignement de l’Eglise catholique, Jésus s’est soumis en toute conscience à la mort à cause des péchés du monde. C’est donc dire que l’accusation de déicide n’a aucun fondement théologique ou biblique. Cette calomnie ne devrait plus jamais être propagée et « les juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits » (11)11
. De plus, l’enseignement de
la Déclaration sur la liberté religieuse du Concile établit clairement que la foi est un don gratuit de Dieu qui exclut toute forme de contrainte.

Appel à la réconciliation
Le 12 mars, lors du premier dimanche de Carême de l’année jubilaire, le pape Jean Paul II a amené l’Eglise catholique à demander pardon pour les péchés de ses membres envers le peuple de la première Alliance, Israël(12)12. En situant la confession des péchés dans un contexte liturgique, le pape a voulu montrer par là le sens profond de cet acte : la purification de la mémoire et la réconciliation. Au cours de son récent pèlerinage, Jean Paul II est devenu le premier pape à prier devant le Mur occidental, l’emplacement le plus sacré du judaïsme. Il y a inséré une prière écrite de pardon. La prière est au cœur du repentir et de la réconciliation auxquels nous sommes appelés.

L’appel à la réconciliation est partie essentielle du message de Jésus. Il s’agit d’un élément premier pour comprendre l’œuvre de Dieu dans le monde, de même que la mission de l’Eglise de participer à cette œuvre. « Tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et qui nous a confié le ministère de cette réconciliation. Car dans le Christ, c’était Dieu qui se réconciliait le monde…, qui a mis sur nos lèvres le message de réconciliation » (2 Co 5,18-20). Selon le pape Paul VI, l’Evangile doit influencer et même bouleverser les valeurs humaines, les points d’intérêt, les lignes de pensées et les modèles de vie qui ne sont pas en harmonie avec
la Parole de Dieu et le dessein de salut. Le témoignage chrétien consiste à « porter
la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans et rendre neuve l’humanité elle-même… » (13)13. Ainsi, l’engagement chrétien à une vie de réconciliation aura des répercussions non seulement sur les rapports personnels mais également sur l’ensemble de l’humanité.

La réconciliation commence par le repentir, un engagement ferme à se détourner des sources de division et des attitudes d’ostracisme. Le repentir peut survenir par suite d’une intuition subite ou d’un éveil progressif à la compréhension des choses. Dans un cas comme dans l’autre, il en découlera un changement de vie, un abandon complet d’attitudes et de comportements antérieurs. L’Ecriture nous rappelle que le souvenir est au cœur de notre fidélité à l’alliance de Dieu : « C’est lui le Seigneur, qui est notre Dieu ; ses jugements s’exercent sur toute la terre. Souvenez-vous éternellement de son Alliance » (1 Ch 16,14-15). La parabole de l’enfant prodigue (Lc 15,11-24) souligne l’influence déterminante du souvenir dans la dynamique du repentir. N’est-ce pas là la forme de repentir à laquelle nous sommes appelés au moment d’un jubilé ?

Mesures pratiques
Depuis quelques années, l’Eglise en est venue à reconnaître que Dieu appelle à une transformation profonde de nos relations avec le judaïsme et le peuple juif. En cette année jubilaire, comment exprimer notre engagement en cette matière ?
La pri re : Vu notre patrimoine spirituel commun, chrétiens et juifs pourront convenir de prier ensemble en certaines occasions. La pri re en commun, fid le aux deux traditions, pourrait servir de stimulant puissant pour la connaissance mutuelle et la réconciliation.

Visites et activités sociales : On pourrait susciter la compréhension en visitant, ensemble ou séparément, lieux de culte, écoles, musées et autres endroits du m me genre. Des activités sociales communes seraient de bonnes occasions de rencontrer des voisins juifs.

Echanges : Des échanges en groupes et des rencontres domicile o les participants discuteraient de divers sujets ou th mes dans un esprit d’ouverture, de candeur et d’amitié pourraient constituer une mesure concr te favorisant la compréhension. Voil le début d’un cheminement dans lequel nous espérons nous engager avec respect.

Etude de documents ecclésiaux : Les organismes diocésains et paroissiaux, les écoles et surtout les séminaires pourraient prévoir des programmes d’étude et de mise en uvre de Nostra Aetate et des documents officiels subséquents. La saison liturgique du Car me, en raison de l’accent mis sur le repentir et la réconciliation, semble un temps éminemment propice l’organisation de tels programmes.

Prédication et enseignement : Le but de la prédication et de l’enseignement consiste présenter les juifs et le juda sme d’une mani re objective, libre de préjugés et ménageant les susceptibilités, dans un climat de pleine conscience du partage d’un patrimoine de foi commun.

Imprimés et médias : Les textes scolaires, les livres de pri res et de chants doivent refléter le contenu et l’esprit de l’enseignement de l’Eglise. Notons particuli rement la tradition juive de ne pas prononcer haute voix le Saint Nom de Dieu écrit avec les lettres YHWH ou le mot Yahweh. Ainsi, lorsque le Nom apparaît dans les traductions bibliques ou des cantiques, il serait opportun de le remplacer par le vocable « le Seigneur », « l’Eternel » ou « Dieu ».

Coopération en mati re sociale : Fondées sur
la Parole de Dieu, les traditions juive et chrétienne sont bien conscientes de la valeur unique de la personne humaine. Dans la mesure du possible, on doit favoriser la coopération en mati re d’entreprises sociales vouées au bien- tre et la moralité publics, surtout quand il s’agit de sujets comme la paix, la justice, les droits de la personne et la dignité humaine. Le fait de prendre part des activités commémorant l’Holocauste (
la Shoa) pourrait aider favoriser une juste compréhension de ces questions et promouvoir un engagement commun des chrétiens et des juifs en ce domaine.

Un avenir plein d’espoir
A
la Pentecôte, les premiers disciples de Jésus se sont sentis tout à coup secoués, renversés même, sous l’effet des dons de l’Esprit (Ac 2,4). Aux dissensions de la tour de Babel a succédé la réalité étonnante de l’unité dans l’Esprit franchissant toutes sortes de langues et de cultures. Aujourd’hui encore, nous sommes appelés à reconnaître les merveilles divines à travers la diversité linguistique et culturelle.
En tant que descendants d’Abraham, juifs et chrétiens sont appelé à sanctifier le monde (Gen 12,2s.). Cette promesse et cet appel faits à Abraham invitent à s’engager ensemble à promouvoir la paix et la justice parmi les peuples. Selon le pape Jean Paul II : « Juifs et chrétiens partagent un immense patrimoine spirituel qui trouve sa source dans l’auto-révélation de Dieu. Nos enseignements religieux et nos expériences spirituelles exigent de nous que le mal soit défait par le bien… Pour nous, se souvenir signifie prier pour la paix et la justice et nous engager pour leur cause » (14)14.

Notes
* Texte français du Bureau pour l’œcuménisme de
la CECC. [Publié par
La Documentation catholique, 3 décembre 2000, n. 2237.]
1 Le Concile Vatican II a profondément modifié l’attitude de l’Eglise envers le judaïsme par sa déclaration sur les relations avec les religions non-chrétiennes, Nostra Aetate. Cette orientation s’est poursuivie et affirmée grâce à l’autorité des documents post-conciliaires produits par
la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme : Orientations et suggestions pour l’application de
la Déclaration conciliaire Nostra Aetate (n. 4), (1974) ; Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Eglise catholique, (1985) ; Nous nous souvenons : une réflexion sur
la Shoa, (1998).
2 Notes, 12.
3 Notes, 12.
4 Orientations, préambule.
5 Nostra Aetate, 4.
6 Nous nous souvenons, III, 1.
7 Orientations, préambule.
8 Discours à un groupe de pèlerins, septembre 1938,
La Documentation catholique, 1938, col. 1460.
9 1er novembre 1997.
10 Nostra Aetate, 4.
11 Nostra Aetate, 4. Lorsqu’il s’est adressé aux leaders juifs à Mainz, en Allemagne, le 17 novembre 1980, le pape Jean Paul II a reconnu que l’Alliance de Dieu avec le peuple juif n’a jamais été révoquée, rappelant alors l’affirmation de saint Paul dans sa lettre aux Romains (11, 29).
12 Le 7 mars, cinq jours avant la célébration liturgique à la basilique Saint-Pierre,
la Commission internationale de théologie a rendu public un document intitulé « Mémoire et réconciliation : l’Eglise et les fautes du passé », qui « précise les raisons, les conditions et la nature exacte des demandes de pardon pour les fautes du passé ». Une section du document porte spécifiquement sur les relations entre les chrétiens et les juifs. On précise que les relations constituent « un des aspects qui exigent un examen de conscience particulier ».
13 Evangelii nuntiandi, 18.
14 Yad Vashem, le 23 mars 2000. 

demain Saint-Cyrille et Saint-Méthode

13 février, 2007

du site:

http://www.radio.cz/fr/article/29939/limit


La Fête nationale de Saint-Cyrille et Saint-Méthode 
[05-07-2002] Par Jaroslava Gissubelova Écoute
  Une distance de plus de 11 siècles nous sépare d’un événement qui est inscrit, aujourd’hui, dans le calendrier tchèque comme la fête nationale de Saint-Cyrille et Saint-Méthode. Le 5 juillet a été établi fête à la mémoire de deux apôtres de Salonique, /l’actuelle Grèce/, les saints Cyrille et Méthode, venus vers 863 dans l’Etat de Grande Moravie pour y propager la foi et la culture chrétienne dans la langue slave. Puisque cette fête est jour férié en République tchèque, nous vous proposons, au lieu de Faits et événements, un programme spécial sur une grande oeuvre d’évangélisation entreprise il y a 1139 ans… Saint-Cyrille et Saint-Méthode 

La musique qui nous accompagnera est tirée de
la Messe glagolitique de Leos Janacek qui, enfant, participait au couvent de Brno aux festivités du millénaire de la mort de Méthode. Ce n’est qu’à l’âge de 72 ans, que l’idée lui est revenue d’incarner sa profonde impression qu’il en avait gardé dans son oeuvre monumentale,
la Messe glagolitique. 
Avant de commencer une excursion dans la profondeur des temps, sur les traces de la mission des saints Cyrille et Méthode, rappelons qu’il s’agissait de la première traduction de la bible et de textes liturgiques rédigés jusqu’alors en latin uniquement, dans une langue et une écriture slaves. Rappelons aussi que la mission des apôtres de Salonique, l’antique Thessalonique, était liée avec l’existence de la première formation étatique commune des Tchèques et des Slovaques sur notre territoire -
la Grande Moravie, créé en 863. Avec la dislocation de cette dernière, la mission a pris fin, sans être pour autant perdue. L’élément byzantin oriental s’étant montré étranger et éloigné, le pays allait retourner à la liturgie chrétienne occidentale. Il n’empêche que la mission a laissé une empreinte profonde et que, en son temps, elle était d’une importance énorme, au point de vue religieux et culturel, mais aussi politique. Quelle était donc la situation avant l’arrivée de deux missionnaires sur notre territoire? 
En 845, 14 princes tchèques se sont converti au christianisme pour renforcer leurs pouvoirs à la tête des différentes principautés. Au fur et à mesure, celle de Moravie devient un centre autour duquel une nouvelle formation étatique – le premier Etat des Tchèques, Moraves et Slovaques -
la Grande Moravie, est née. Cet état va s’appeler
la Grande Moravie. Ses princes doivent tenir tête aux efforts systématiques des Francs germaniques visant à dominer le pays sur le plan politique mais aussi spirituel. Face à ces conquêtes expansionnistes, les princes cherchaient un appui auprès du puissant Empire romain de Byzance: ainsi le prince morave Rastislav adresse à l’empereur byzantin, Michel III, une requête, pour obtenir l’envoi d’un évêque et maître qui puisse expliquer à ses peuples la vraie foi chrétienne dans leur langue. 
On choisit deux frères érudits, Cyrille et Méthode, qui acceptent de se rendre, probablement dès 863, de Salonique en Grande Moravie, carrefour des influences réciproques entre l’Orient et l’Occident. Ils ont entrepris une mission à laquelle ils ont consacré tout le reste de leur vie, marquée par des voyages, des privations, des souffrances, des hostilité et des persécutions qui sont allées, pour Méthode jusqu’à une captivité. Bien préparés à leur tâche, ils ont apporté les textes de la sainte Ecriture indispensables à la célébration de la sainte liturgie, préparés et traduis par eux en langue vieille-slave, écrits avec un alphabet nouveau, conçu par Cyrille et parfaitement adapté à la phonétique de cette langue. 

L’activité missionnaire des deux Frères a connu un succès considérable, mais aussi des difficultés inévitables auxquelles se heurtait le processus de christianisation, antérieurement accomplie par les Eglises latines limitrophes. Car il ne fait pas de doute que le christianisme existait sur le territoire de notre pays avant l’arrivée des missionnaires. Les débuts de christianisation de
la Grande Moravie étaient liés à une mission antérieure, celle de l’épiscopat bavarois, réalisée sur injonction de Charlemagne après la défaite des Avares, en 796. Les textes religieux fondamentaux, par ex. le Credo, le Pater, les voeux du baptême et les prières de confession avaient été traduits dans le dialecte des Slaves occidentaux par les prêtres bavarois déjà au début du 9e siècle. Une légende de la vie de Cyrille affirme qu’à l’époque où ce dernier est venu en Moravie, des « prêtres francs et latins » y exerçaient déjà leur activité. On sait aussi qu’il y avait des missionnaires originaires du territoire adriatique, de Dalmatie. Ce sont les fouilles archéologiques réalisées en Moravie du sud et près de Nitra, en Slovaquie occidentale, qui ont définitivement confirmé que le christianisme a commencé à se propager dans le pays dès le début du 9e siècle et que, dans la première moitié du 9e siècle, le pays a été déjà, au fond, un pays chrétien. 
Pendant leur séjour en Grande Moravie, Cyrille et Méthode ont rédigé les premiers textes juridiques slaves sous le nom de Zakon sudnyj ljudem. Mais ce code civil n’est jamais entré en plein usage parce qu’il se heurtait en maintes choses, notamment en ce qui concerne les lois sur la vie conjugale, au droit coutumier du pays et devenait une source de divergence entre Méthode et les princes moraves. Cyrille a inventé pour l’usage des Slaves l’écriture glagolitique, nommé d’après lui l’alphabet cyrillique. Plus tard il a traduit les 4 Evangiles, les Epîtres du Nouveau Testament et les Actes des Apôtres de même qu’une partie des Psaumes. De son côté, Méthode a fini la traduction du grec en vieux-slave du Vieux Testament. Au moyen âge, c’était la seule traduction de
la Bible dans une langue nationale. 
En traduisant la bible et les textes liturgiques, les apôtres ont jeté les bases de toute une culture autonome. Les disciples des deux frères ont créé, eux, les légendes racontant la vie de leurs maîtres. Les biographies de Cyrille et Méthode comptent parmi les plus anciens souvenirs littéraires originaux slaves de la fin du 9e siècle. Un nombre suffisant de prêtres se sont appropriés la langue vieille-slave, en la propageant dans leurs prières. Arrêtons-nous un instant sur la langue créé par Cyrille et Méthode. Pour base, ils ont pris l’alphabet grec, en empruntant certaines lettres au glagolitique employé en Bulgarie. Pourquoi, peut-on se demander, un élément au prime abord aussi étrange à nos peuples, proches plutôt de la culture latine occidentale? Compte tenu du contexte historique, la mission avait pour objectif, nous l’avons dit, de créer une liturgie autonome face à l’élément germanique expansionniste. L’émancipation religieuse à l’égard de l’empire franc a été la première et principale raison pour laquelle l’écriture et la langue vieille-slave ont été créées. 

Les deux frères ont accompli leur mission en 867: la bible, les textes liturgiques, de même que des traités juridiques ont été traduits dans l’écriture cyrillique et le vieux-slave est devenu une langue de la liturgie chrétienne. Sous le règne du puissant prince Svatopluk, l’essor de l’Empire de Grande Moravie a atteint son apogée: à l’est, son empire s’étendait jusqu’à
la Lusace, tandis qu’à l’ouest, c’était toute
la Slovaquie occidentale et une partie du territoire de Pannonie, une région sur le Danube. Hélas, cet essor n’a pas duré longtemps… 
Saint-Cyrille et Saint-Méthode Cyrille et Méthode ont quitté
la Grande Moravie et pris le chemin de Rome. Leur itinéraire passait par Venise où l’on discutait publiquement les principes novateurs de leur mission. A Rome, le Pape Adrien II, les a accueillis avec beaucoup de bienveillance. Il a approuvé les livres liturgiques slaves qu’il a ordonné de déposer solennellement sur l’autel de l’église Sainte-Marie-Majeure, en recommandant d’ordonner prêtres leurs disciples. Or Méthode a dû repartir seul pour l’étape suivante, son frère, malade, meurt le 14 février 869, à Rome. 
Après la mort de Cyrille, l’oeuvre des deux saints traversait une crise grave et la persécution contre leurs disciples est devenue si forte qu’ils étaient contraints d’abandonner le terrain de leur mission. Fidèle aux paroles que Cyrille lui avait dites sur son lit de mort, Méthode a poursuivi son activité apostolique, étant nommé légat pontifical pour les peuples slaves et consacré archevêque pour le territoire de Pannonie. Hélas, il est captivé, et libéré seulement sur intervention personnelle du pape. Après avoir sacré les dernières années de sa vie à d’autres traductions de la sainte Ecriture et de textes liturgiques, Méthode meurt, le 6 avril 885. 

Par sa mort, les problèmes au sein de
la Grande Moravie culminent. L’attachement à la liturgie slave provoquait, déjà de sa vie, des litiges avec l’épiscopat bavarois. Dans l’espoir d’atténuer ces conflits, le prince Svatopluk a interdit la liturgie slave et chassé les disciples de Méthode du pays. Ces derniers ont trouvé un refuge en Croatie et en Bulgarie, d’où leur culture allait se propager vers
la Russie. Les mesures sévères prises par Svatopluk n’ont cependant pas pu détourner l’éclatement de son Empire: face aux attaques franques, et finalement face à une invasion dévastatrice des troupes magyares, l’Etat de Grande Moravie n’arrive plus à résister. Après 906, les sources historiques ne font plus mention de
la Grande Moravie. 
La valeur de l’oeuvre évangélisatrice de Cyrille et Méthode vient de ce qu’ils ont comme premiers essayé de réunir les éléments orientaux et occidentaux, tâchant en même temps de respecter la culture indigène. Paradoxalement, c’est en Bulgarie et en Russie que leur oeuvre s’est enracinée et développée, en laissant des traces jusqu’à nos jours dans l’Eglise orthodoxe, pas dans les pays pour lesquels elle était destinée. Alors que l’alphabet cyrillique s’est conservé en Russie et en Bulgarie, dans nos pays il a cédé la place à l’écriture latine. La valeur de l’oeuvre de Cyrille et Méthode réside également dans le fait qu’ils ont compris l’épanouissement du christianisme en tant qu’épanouissement de l’érudition ce qui était vraiment unique à l’époque. Tout à fait exceptionnel et surprenant a été le radicalisme avec lequel ils défendaient l’idée humaniste de l’égalité en droit des peuples devant Dieu. La mission cyrillo-métodienne a laissé une empreinte durable sur notre territoire: que ce soit sous forme de coexistence parallèle, pendant des siècles à venir, de la liturgie latine occidentale et de celle slave orientale, ou dans les manuscrits et chants anciens, sans oublier leur influence sur la construction des monastères et églises fidèle à la tradition byzantine. Ainsi, mentionnons le monastère de Sazava en Bohême centrale, l’un des plus influents à l’époque, construit en 1070 en forme de la croix grecque. Le Monastère d’Emaüses de Prague est lui-aussi lié à la tradition cyrillique. D’autres enclaves de la culture slave orientale se trouvent à Rajhrad, à Veliz, à Ostrov, toujours avec un important rayon d’action parmi les croyants.  Les célébrations de saint Cyrille et saint Méthode ont lieu traditionnellement à Velehrad, lieu de pèlerinage réputé par sa basilique monumentale, autrefois centre politique et administratif de
la Grande Moravie, comme le prouvent des fouilles archéologiques. Un concert des hommes de bonne volonté, le soir du 4 juillet, et un pèlerinage national, le 5 juillet, sont les points d’orgue des festivités cyrillo-métodiennes à Velehrad. 

demain Saint-Cyrille et Saint-Méthode dans Approfondissement cyril1

du site:

http://www.florin.ms/aleph5.html

Lettre aux générations futures: La violence de l’amour

13 février, 2007

Du site:  Lettre aux générations futures 

http://www.unesco.org/opi2/lettres/TextFrancais/LustigerF.html

La violence de l’amour 

Une bouteille à la mer. Autrefois, au temps de la marine à voiles, les naufragés enfermaient dans une bouteille jetée à la mer leur ultime message ou leur appel de détresse, dans l’espoir qu’un jour quelqu’un le découvre…
De même, je jette sur l’immense mer du temps ces quelques lignes, ne sachant qui elles atteindront dans un demi-siècle. Quant à notre génération, elle sera depuis longtemps, selon l’expression de saint Paul dans sa lettre aux Colossiens (III, 3),  » cachée avec le Christ en Dieu « .
Je pense d’ailleurs plus probable que personne, alors, n’en tirera d’autre profit si ce n’est, peut-être, de s’en amuser. Je le souhaite, redoutant pour cet hypothétique lecteur que ces lignes n’éveillent la nostalgie d’une imaginaire  » belle époque « , si, comme cela est possible, le temps qu’il vit alors est plus cruel encore que le nôtre. Car tout est possible.

Le meilleur comme le pire est toujours possible
Tout est toujours possible en ce monde, le meilleur comme le pire de la part des hommes. Voilà une première affirmation qui peut paraître bien naïve parce qu’évidente. Il ne m’a pourtant pas été facile de l’écrire, alors que notre siècle a été emporté dans des projets colossaux de transformation de l’humanité, en croyant que le bonheur était pour demain et qu’il suffisait d’attendre pour qu’apparaissent inéluctablement  » des lendemains qui chantent « .
 » Le meilleur comme le pire !  » car ce qui constitue la condition humaine, c’est sa liberté spirituelle, faite pour choisir le bien et cependant blessée au point de le refuser. Mystère de la condition humaine qui dépasse toutes ses déterminations. Mystère déjà exprimé dans la première page du récit de
la Genèse qui nous décrit, nous hommes,  » créés à l’image et à la ressemblance de Dieu « , nous détournant de lui.
Si donc nous sommes capables du meilleur comme du pire, nous devrions savoir depuis tant de millénaires écoulés comment choisir le bien plutôt que de le refuser. Car on ne choisit jamais le mal. Le penser est l’illusion suicidaire de celui qui pour mieux vivre se précipite dans la mort.

L’expérience ne se transmet pas
Arrivé à ce point, je mesure combien il peut vous paraître étrange de vous proposer, pour un futur qui nous est insaisissable, des conseils et des recommandations tant de fois renouvelés au cours des siècles précédents par tant d’hommes et de femmes qui ont cherché la vérité et mis toutes leurs forces à tenter de lui être fidèles. Il devrait suffire de vous renvoyer aux classiques de l’humanité.
Peut-être attendez-vous de nous plus de modestie. En faisant l’inventaire des erreurs, des fautes commises par notre génération, voire même par notre siècle, peut-être pourrions-nous en tirer quelque enseignement positif à votre usage. Mais là aussi j’hésite. Une seconde évidence se présente, en effet, à mon esprit : l’expérience ne se transmet pas.
On peut transmettre des savoirs, des savoir-faire ; mais rien ne peut dispenser un être humain d’engager sa liberté et de l’éprouver, d’ouvrir son propre esprit à la vérité qui s’offre à lui et d’obéir à la lumière qu’il en reçoit, d’entrer dans l’apprentissage véritable de ce que saint Jean appelle l’amour. Il applique ce mot à Dieu pour en nommer le mystère. L’amour, c’est-à-dire l’oubli de soi au point de se perdre et, dans ce don de soi, recevoir la vie. Ce que résume cet avertissement paradoxal du Christ :  » Celui qui cherche sa vie la perdra ; celui qui la perd à cause de moi la trouvera.  » (Luc, XIX, 24).
Lorsque j’ai écrit  » l’expérience ne se transmet pas « , je voulais vous dire : aucun artifice ne vous dispensera de vivre par vous-mêmes l’amour qui vous a fait naître. Aucune richesse transmise ou héritée ne pourra remplacer la libre disposition par laquelle vous saurez donner plutôt que recevoir. Aucune vie reçue ne vous dispensera de vivre, c’est-à-dire de donner votre vie. Aucun savoir ne vous dispensera de réfléchir à cet appel :  » Qui fait la vérité vient à la lumière  » (Jean, III, 21),  » qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie  » (Jean, VIII, 12). Secret messianique pour le salut des hommes qui n’est dévoilé qu’à celui qui s’engage dans ce chemin.

La paix est impossible
S’il fallait donc commencer d’entreprendre cet examen de nos échecs et de nos réussites, je le résumerais dans une seule formule : la paix est impossible.
Notre siècle a, sans le vouloir, réussi à établir d’étranges territoires de paix totale : il y a accompli l’extermination de toute vie humaine et accessoirement du reste. Une paix beaucoup plus intense que celle de nos cimetières. Car, dans un cimetière, il y a des tombes auprès desquelles les vivants renouent les liens de la mémoire avec les générations passées.
Mais notre siècle a su créer des cimetières absolus, des cimetières dépourvus de tombes et où aucun vivant ne pouvait plus pénétrer. Ce fut le cas d’Hiroshima et de Nagasaki au Japon, où, à la fin de la seconde guerre mondiale, les armes atomiques détruisirent toute vie et interdirent aux vivants d’y revenir, sous peine de mourir à leur tour.
Ce fut le cas aussi de cet enfer créé par des hommes qui se désignaient eux-mêmes comme des surhommes, pour y avilir et y exterminer ceux qu’ils appelaient des sous-hommes. C’est ce que fit le régime nazi de l’Allemagne en détruisant plusieurs millions de juifs sur le territoire de l’Europe. Ceux qui accomplirent ce crime se détruisirent aussi eux-mêmes moralement, sinon toujours physiquement, morts vivants, hommes qui se dépouillèrent eux-mêmes de leur humanité.
Ni Hiroshima, ni Auschwitz, ni bien d’autres lieux dont vous découvrirez le nom en feuilletant les archives de l’histoire, ne sont des prototypes de la paix.
Mais alors ? Il nous aurait fallu découvrir que la paix était un combat et que sa défense exigeait la mobilisation de toutes les ressources humaines. Notre siècle en plusieurs circonstances n’a su établir la paix que par les moyens de la guerre, au nom du  » droit d’ingérence « . Et ce fut, aux yeux de beaucoup, un immense progrès, dans l’espérance d’établir un ordre juridique international capable de garantir en tout lieu et en tout temps le respect des droits fondamentaux. Là encore, vérifiez les annales de l’Afrique, de l’Asie, de l’Europe, etc.
Cependant, combien il fut difficile de peser le poids
des malheurs, ceux que provoquaient les conquêtes guerrières des tyrans et ceux que provoquait la défense guerrière des forces de paix !
Cette  » guerre des justes  » a invoqué le droit et le bon droit, mais n’apparaîtra-t-elle pas aux yeux de vos générations comme une forme renouvelée de la guerre où ceux qui la mènent s’autojustifient ? Comment la guerre pourrait-elle détruire la guerre, la violence arrêter la violence, la haine supprimer la haine ?

Aimez vos ennemis
Pouvons-nous donc identifier une guerre autre qui produise la paix ? Il faut nécessairement, dans ce cas, que les armes soient différentes, les stratégies opposées. On fait disparaître le mal non par le mal mais par le bien. Le choix des moyens fait partie du respect de la fin.
Il nous faut donc trouver une violence du bien, radicalement différente de la violence du mal, une violence de l’amour qui soit capable de supporter et de vaincre la violence de la haine.
Voilà bien des siècles que cette force est à l’œuvre. Elle se nomme le pardon ou la miséricorde. Elle apparaît avec une radicalité absolue dans le témoignage des Évangiles : le Messie crucifié n’est pas une victime qui subit une violence imposée. Il est habité par la puissance divine de l’amour qui, seul, peut changer le cœur du bourreau, alors même que celui-ci accomplit son crime. Il est habité par la puissance divine du pardon qui, seul, peut briser le cercle infernal de la vengeance.
Il ne s’agit pas seulement d’une médiation pacifique au prix de sa propre vie comme en furent le symbole quelques-unes des grandes figures de notre siècle, victimes qui devinrent l’étendard pacifique des opprimés : Martin Luther King, Gandhi, Dag Ammarskjöld. De ceux-là et de quelques autres, certains ont retenu la puissance d’une technique non violente s’opposant aux violences de la technique. Mais la non-violence ne permet pas de nommer le péché ni de guérir les plaies qu’en subit la liberté du pécheur, ni de donner à la victime la force de lui pardonner et même de l’aimer.
 » Aimez vos ennemis  » : ce précepte donné par Jésus invite à aimer même celui qui vous hait, qui vous attaque, qui vous fait mal, et non seulement à s’opposer à lui sans violence. Est-ce humainement possible ? Le Messie l’a fait, car  » tout est possible à Dieu  » (Matth., XIX, 26). Il appelle ses disciples à mettre en œuvre cette même force divine de pardon.

Aimez la vie
Ce que je vous décris peut vous paraître une impossible utopie. Pourtant, nous avons expérimenté, non seulement en notre siècle, mais tout au long des millénaires écoulés, que cette force travaille comme un ferment la sombre pâte humaine.
Il serait naïf d’imaginer l’histoire des hommes, ainsi que je vous le disais en commençant, échappant aux conflits et aux combats qui la caractérisent, à moins que les hommes ne soient réduits à l’inconscience et à l’esclavage. Et encore, les esclaves se sont battus entre eux : les drogués se sont déchirés pour leurs drogues.
Seule la violence de l’amour qui pardonne peut répondre à l’excès du mal dont l’homme peut être l’auteur. Cet amour, c’est Dieu lui-même, vers qui nous nous tournons lorsque nous prions. Encore faut-il apprendre à prier et vouloir prier.
C’est la grandeur de l’humanité d’être capable de mener ce combat, de faire naître sans cesse l’espérance là où tant de nos semblables ont désespéré, de rétablir des ponts là où tous les liens ont été détruits, de permettre aux hommes de se respecter et de s’accepter là où le mépris et les calculs d’intérêt ont tout faussé.
Je prie Dieu que, dans les générations qui viennent, ces  » naïfs « , ces  » ravis « , ces  » chimériques  » continuent de maintenir la flamme vive qui sauve l’humanité dans sa course folle.
Notre siècle en a reconnu quelques-uns qui vécurent au milieu des pires horreurs concentrationnaires. Je préfère, en terminant, mettre sous vos yeux la figure de saint François d’Assise qui surgit au début du IIe millénaire, dans le sein d’une Europe déchirée. Il a été le témoin de cette générosité qui se fait pauvre pour enrichir tous les hommes, qui se fait pacifique pour arrêter les conflits, qui invite l’homme à ne pas être le prédateur du cosmos dont Dieu lui a remis la charge, mais à aimer la vie, puisque la vie nous est donnée par Dieu. 

l’Église orthodoxe est une des trois expressions majeures du christianisme.

13 février, 2007

du site:

 http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_eglise_orthodoxe.asp

Olivier Clément 

Professeur de théologie morale et d’histoire de l’Église à l’institut Saint-Serge.

Avec le catholicisme romain et les Églises issues de
la Réforme, l’Église orthodoxe est une des trois expressions majeures du christianisme. Elle compte environ deux cents millions de baptisés ; comme le catholicisme, elle est issue de
la Pentecôte et du témoignage des Apôtres. Si les historiens datent de 1054 la séparation de l’orthodoxie et du catholicisme – on disait autrefois les Grecs et les Latins – ils considèrent plutôt cette date comme l’aboutissement d’un lent processus qui a duré du XIe au XIIIe siècle. Olivier Clément a consacré de nombreux ouvrages à l’orthodoxie dont l’Église orthodoxe (Que sais-je ? 2002) ; il nous donne ici quelques principes d’histoire et de théologie qui permettent de mieux comprendre cette Église orthodoxe dont nous admirons les trésors lors de nos voyages.

Son rayonnement dans le monde

Pour les orthodoxes, l’Église universelle se manifeste en plénitude dans chaque communauté eucharistique, autour de l’évêque qui témoigne de cette continuité apostolique. La communion des évêques se structure en Églises « autocéphales », interdépendantes, dont chacune désigne librement son primat. Une Église autocéphale est généralement présidée par un « patriarche ». À l’origine espaces de civilisation, la plupart de ces patriarcats sont devenus depuis deux siècles des « Églises nationales ». Le patriarche de Constantinople ou patriarche « œcuménique » est investi d’une primauté d’honneur depuis que l’Orient et l’Occident chrétiens se sont séparés.

On appelle parfois l’Église orthodoxe, 1′« Orient chrétien »  dans la mesure où elle s’est développée dans la partie orientale de l’Empire romain. Elle englobe une part non négligeable des Arabes du Moyen-Orient, la plupart des pays balkaniques,
la Roumanie, – orthodoxie « latine » –, une partie du Caucase et les grandes Églises slaves, serbe, bulgare, ukrainienne, polonaise et surtout l’Église russe. La nécessité économique et surtout les tragédies de l’histoire – révolutions communistes, effondrement de
la Grèce d’Asie, troubles du Moyen-Orient… – l’ont amenée à s’implanter dans l’Occident entier, de l’Europe de l’Ouest aux Amériques et en Australie. En France, on compte environ deux cent cinquante mille baptisés. Les missions orthodoxes ont été vigoureuses : mission byzantine jusqu’au cercle polaire, mission russe pré-révolutionnaire à travers la haute Asie jusqu’au Pacifique nord. Elles reprennent aujourd’hui en Afrique noire, dans le cadre du patriarcat d’Alexandrie.

Il existe aussi des Églises seulement « autonomes » dont le primat est confirmé ou désigné soit par 1′ « Église-Mère » – les Églises d’Ukraine et du Japon, par exemple, sont sous l’autorité du patriarcat de Moscou – soit par le patriarcat œcuménique comme en Crète, en Finlande ou en Estonie. De ce point de vue, une situation particulièrement complexe en Ukraine oppose Constantinople et Moscou.

Par contre l’importante « diaspora » contemporaine n’a pas encore trouvé un statut canonique et les « juridictions » qui représentent les Églises d’origine s’y affrontent. Des Églises locales plus ou moins autonomes, polyethniques et pluriculturelles semblent s’y préparer, notamment aux États-Unis et en France.

L’Église orthodoxe en France

L’importance du témoignage de l’Église orthodoxe en France et dans les pays voisins dépasse de beaucoup le nombre limité de ses fidèles. Au début du XXe siècle,
la Russie connaissait un puissant renouveau spirituel, intellectuel et artistique et c’est une élite de théologiens et de « philosophes religieux » qui s’est retrouvée à Paris, surtout à l’institut Saint-Serge, fondé en 1925. Un Berdiaev, un Boulgakov, un Chestov ont pu ainsi mener à bien leur œuvre. La génération suivante, née avec le siècle, écrivant directement en français, a réalisé la puissante synthèse « néopatristique », – en référence aux Pères de l’Église du premier millénaire – et « néo-palamite » – du nom de saint Grégoire Palamas, grand théologien byzantin du XIVe siècle. Cette synthèse est devenue aujourd’hui l’enseignement commun de l’orthodoxie tout entière. Mentionnons, entre autres, Vladimir Lossky pour la théologie dogmatique et Léonide Ouspenky pour celle de l’icône. Après 1950, les pères Schmemann et Meyendorff ont permis à 1′ « École de Paris » d’essaimer aux États-Unis. Parallèlement le père Sophrony, disciple du starets Silouane, et le père Lev Gillet, un Français de vieille souche, ont actualisé la spiritualité monastique traditionnelle. Aujourd’hui, si la tradition « russe » de saint Serge continue avec le doyen de l’institut, le père Boris Bobrinskoy, la nouvelle génération de théologiens, à Paris mais aussi en province, en Suisse romande et en Belgique, se compose uniquement d’Occidentaux convertis à l’orthodoxie.

Les fondements de la foi orthodoxe

Tandis que l’orthodoxie restait partiellement fidèle à 1′ecclésiologie de communion du premier millénaire, le catholicisme majorait de plus en plus le rôle du pape, ce qui conduira à la révolte du protestantisme au XVIe siècle. À cela s’est ajoutée une grave difficulté théologique concernant 1′origine et le rôle du Saint-Esprit qui procède du Père et du Fils, filioque, selon l’Occident, du Père seul ou du Père par le Fils selon l’Orient.

La foi orthodoxe se fonde sur l’Écriture et sur les diverses expressions de
la Tradition, qui est la vie du Saint-Esprit dans le Corps du Christ. Parmi ces expressions, les plus importantes sont les écrits des Pères de l’Église et des grands théologiens byzantins. La règle de foi elle-même se concentre dans les définitions des sept conciles œcuméniques qui ont suggéré le mystère de La Trinité – Nicée I, 325 ; Constantinople I, 381 – et celui de la divino-humanité du Christ – Ephèse, 431 : Marie « Mère de Dieu » ; Chalcédoine 451 ; Constantinople II, 553, Constantinople III, 680 ; Nicée II, 787 : l’icône.

Au cœur du message, la mort-résurrection du Dieu-homme qui porte en lui toute l’humanité. Avec celle-ci, le Christ descend dans la mort et dans l’enfer pour les anéantir, pour nous ouvrir les voies de la résurrection et de la transfiguration de l’univers. L’Église-eucharistie fait de nous à la fois des pécheurs pardonnés et des créateurs créés car « Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu ». Le Christ-Esprit révèle que Dieu est simultanément unité absolue et diversité absolue, Uni-Trinité, source de toute communion. De même en effet il existe un seul Homme, dans la diversité irréductible des personnes. La puissance de Dieu est celle de l’amour. Il est donc crucifié sur tout le mal du monde mais permet à ceux qui s’enracinent en lui par la confiance, l’humilité, la créativité, de devenir des témoins de la résurrection, des artisans du Royaume de
la Vie déjà secrètement présent dans la profondeur de l’Église et de toute existence.

Sous bien des scories, l’Église est le Corps du Christ, le Temple du Saint-Esprit,
la Maison du Père, la source maternelle d’une infinie miséricorde.

C’est pourquoi, d’ailleurs, les prescriptions de l’Église sont toujours adaptées aux situations personnelles par ce qu’on appelle 1′« économie ». Ce mot, qui désigne la relation de Dieu avec sa création, souligne la portée existentielle de toute règle qu’elle peut relativiser. C’est ainsi que les divorcés-remariés peuvent être réadmis à la communion eucharistique, la décision ultime revenant à l’évêque. Comme dans l’Église primitive, un homme marié peut être ordonné prêtre. Par contre, depuis le VIIe siècle, les évêques se recrutent en principe parmi les moines.

La liturgie, le monachisme, l’art de l’icône

Le message pascal – de joie pascale – s’inscrit dans une ample et complexe liturgie, dans une hymnographie foisonnante qui entrecroise les cycles journaliers, hebdomadaires, les fêtes fixes et le cycle proprement pascal. Chaque dimanche, premier et huitième jour de la semaine est le jour eucharistique par excellence.

Unie pour la date de Pâques et le cycle pascal, l’orthodoxie, pour les fêtes fixes, reste divisée entre le calendrier grégorien, comme en Grèce ou en Roumanie, et le calendrier julien, en retard de 13 jours : c’est ainsi que l’Église russe, l’Église serbe et celle de Jérusalem célèbrent
la Noël le 7 janvier, c’est-à-dire le 25 décembre selon le calendrier julien.

Le monachisme, dont la place est essentielle dans l’Église comme exemple et comme intercession, a mis au point une méthode de contemplation, « art des arts et science des sciences », partiellement exposée dans un ample recueil de textes spirituels,
la Philocalie ou « amour de la beauté ». Cette méthode, qui utilise les rythmes du corps pour faciliter l’union de 1′intelligence et du cœur profond, comporte trois grandes étapes : la praxis, la « pratique », qui permet d’accéder à la paix et au silence intérieurs ; la théorla physikè ou contemplation de la nature qui conduit à aimer Dieu à travers sa création ; la théosis, la « déification », vision transformante de la lumière divine. Le père spirituel, guide nécessaire, est un spirituel qui a parcouru cette voie et reçu la grâce de lire dans les cœurs et de pouvoir dire une parole de vie.

L’icône est le seul art traditionnel qui subsiste dans le monde chrétien. Peinte selon des règles précises, elle peut représenter une personne, une scène – le plus souvent décrite par l’Écriture – ou un symbole : ainsi la célèbre icône de Roublev représente l’hospitalité d’Abraham pour évoquer La Trinité. Elle fait surgir des visages pénétrés d’une vivante éternité.

Au risque de la modernité

Après trois quarts de siècle d’écrasement totalitaire, l’Église orthodoxe se remet difficilement. Au-delà de la fusion parfois messianique ou de l’écrasement, elle a du mal à préciser ce que serait une relation libre avec l’État ; il lui est aussi difficile de surmonter le nationalisme religieux, pourtant condamné par le concile de Constantinople de 1872. Dans son vieux rêve de tout englober, elle a du mal à accepter la modernité et à dialoguer avec les autres chrétiens et les autres religions, avec le risque de s’enfermer ainsi dans le ritualisme. Elle fait de l’âge patristique une sorte d’âge d’or dont il faudrait seulement répéter les formulations. Il lui est difficile d’envisager lucidement ses propres problèmes, dont les plus graves sont sans doute la désignation de l’épiscopat et le nationalisme religieux. Pourtant elle recèle des trésors de sainteté et de beauté, elle a donné au XXe siècle des martyrs par milliers. Il faut la connaître avec le cœur.

Olivier Clément

Mars 2002

DU SAINT CYPRIEN: DE L’ORAISON DOMINICALE

12 février, 2007

Je vous propose un texte très important – un peu long - que est perpétuellement remarquable a lire, du site : 

 http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/cyprien/oraison.htm 

DU DU SAINT CYPRIEN: DE L’ORAISON DOMINICALE   1° Nécessité de la prière: — 2° Ses qualités; — 3° Paraphrase — 4° Heures de la prière.   1° Les préceptes évangéliques, mes frères bien-aimés, sont des enseignements divins qui servent de fondement à notre espérance; d’appui à notre foi, d’aliment à notre charité, de règle à notre vie, de secours pour arriver au salut. Les fidèles qui les acceptent avec docilité sont conduits par eux au royaume céleste. Dieu nous a souvent parlé par la bouche de ses prophètes; mais les enseignements du Fils sont bien plus précieux encore. Ici, il ne s’agit plus de préparer la voie au Messie à venir; il est venu lui-même, il nous a ouvert et montré la route. Autrefois, frappés d’aveuglement et de folie, nous errions dans les ténèbres de la mort; mais depuis, illuminés par la grâce divine, nous marchons sur les traces du maître, dans le chemin de la vie.   Or, parmi les préceptes et les avertissements qu’il a laissés à son peuple pour le conduire au salut, se trouve la formule de la prière. Il nous a dit lui-même ce que nous devons demander. Après nous avoir donné la vie, il nous a appris à prier; et (189) ce bienfait n’est pas inférieur aux autres, car, en usant auprès du Père de la prière instituée par le Fils, nous sommes plus facilement exaucés.  Déjà le divin maître avait prédit l’époque où les vrais fidèles devaient adorer le Père en esprit et en vérité. Il accomplit sa promesse; et nous, qui avons reçu de sa miséricorde l’Esprit de vérité, nous recueillons de sa bouche l’esprit d’adoration et de prière. Or, quelle prière peut être plus conforme à la pensée divine que celle qui nous a été enseignée par Celui qui nous a envoyé l’Esprit-Saint, par le Christ? Quelle prière est plus digne de la majesté du Père que celle qui est descendue de la bouche du Fils qui est la vérité même? Prier d’une autre manière n’est pas seulement de l’ignorance, c’est une faute, Jésus a dit : Vous rejetez le commandement du Seigneur, afin d’établir votre tradition (Marc, VII).   2° Prions, mes frères bien-aimés, comme Dieu notre maître nous a appris à le faire. C’est une prière agréable à Dieu que celle qui se compose de ses propres paroles, l’oraison du Christ résonne doucement à son oreille. Que le Père reconnaisse les paroles de son Fils, quand nous prions; que Celui qui habite dans nos coeurs parle par notre voix. Il est notre avocat auprès du Père: lorsque nous demandons grâce pour nos péchés, employons le langage de notre défenseur. Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, nous dit-il, vous sera accordé (Joan., XVI). Quel moyen plus efficace de demander au nom du Christ que d’employer sa propre prière?   Lorsque nous prions, que notre voix soit réglée par la décence et le respect. Souvenons-nous que nous sommes en présence de Dieu et que nous devons plaire à ses regards divins par l’attitude de notre corps et le calme de notre parole. L’insensé (191) pousse de grands cris; l’homme respectueux prie avec modestie.  Le Seigneur nous ordonne de prier en secret, dans des lieux solitaires et reculés, même dans nos chambres. C’est là ce qui convient le mieux à la foi. Nous savons, en effet, que Dieu est présent partout , qu’il voit et entend tous ses enfants, qu’il remplit de sa majesté les retraites les plus secrètes, selon cette parole : Je suis avec vous, ne me cherchez pas au loin (Jér., XXIII). Quand l’homme se cacherait au centre de la terre, dit encore le Seigneur, est-ce que je ne le verrais pas? est-ce que je ne remplis pas et la terre et le ciel? Et plus loin : Les yeux du Seigneur regardent partout les bons et les méchants (Prov., XV.).  Quand nous nous réunissons pour offrir avec le prêtre le divin sacrifice, prions avec recueillement. Gardons-nous bien de jeter à tous les vents des paroles sans suite et de formuler tumultueusement une demande dont la. modestie doit faire tout le prix. Dieu n’écoute pas la voix, mais le coeur. Il n’est pas nécessaire de l’avertir par des cris, puisqu il connaît les pensées des hommes. Nous en avons une preuve dans cette parole du Seigneur ! Que pensez-vous de mauvais dans vos coeurs (Luc, XV.)? . Et dans l’Apocalypse: Toutes les Églises sauront que c’est moi qui sonde les cœurs et les reins (Ap., II).  Anne, dont nous trouvons l’histoire au premier livre des Rois, se soumit à cette règle, et en cela elle fut une figure de l’Eglise. Elle n’adressait pas au Seigneur des paroles bruyantes; mais, recueillie en elle-même, elle priait silencieusement et avec modestie. Sa prière était cachée, mais sa foi manifeste; elle parlait, non avec la voix, mais avec le coeur. Elle savait bien que Dieu entend des voeux ainsi formulés; (193) aussi, grâce à la foi qui l’animait,. elle obtint l’objet de sa demande. C’est ce que nous apprend l’Écriture : Elle parlait dans son coeur et ses lèvres remuaient; mais sa voix n’était pas entendue; et le Seigneur l’exauça (I Reg., I). Nous lisons de même dans les psaumes : Priez du fond du coeur, priez sur votre couche et livrez, votre âme à la componction (Ps., IV.). L’Esprit-Saint nous donne le même précepte par la bouche de Jérémie : C’est par la pensée que vous devez adorer le Seigneur.  lorsque vous remplissez le devoir de la prière, mes frères bien-aimés, n’oubliez pas la conduite du Pharisien et du Publicain dans le temple. Le Publicain n’élevait pas insolemment ses regards vers le ciel, il n’agitait pas ses mains hardies; mais frappant sa poitrine, et, par cet acte, se reconnaissant pécheur, il implorait le secours de la miséricorde divine. Le Pharisien, au contraire, s’applaudissait lui-même. Aussi le Publicain fut justifié et non pas l’autre. Il fut justifié à. cause de sa prière, car il ne plaçait pas l’espoir de son salut dans une confiance aveugle en son innocence, attendu que personne n’est innocent; mais il confessait humblement ses péchés, et Dieu qui pardonne toujours aux humbles, entendit sa voix. Mais citons plutôt le texte évangélique. Deux hommes montèrent dans le temple pour prier; l’un était pharisien, l’autre publicain. Le Pharisien se tenant debout priait ainsi en lui-même: Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, injuste, ravisseur, adultère, ou bien encore comme ce Publicain. Je jeûne deux fois la semaine; je donne le dîme de tout ce que je possède. Le Publicain, au contraire, se tenait à l’écart et n’osait élever ses regards vers le ciel, mais il frappait sa poitrine en disant mon Dieu, je suis un pécheur, soyez-moi propice. Il se retira dans sa maison justifié; mais il n’en fut pas de même (195) du Pharisien. Car tout homme qui s’élève sera abaissé, et tout homme qui s’abaisse sera élevé (Luc, XVIII.).  Nous venons de voir, mes frères bien-aimés, d’après les saints livres, quelle doit être notre attitude dans la prière. Voyons maintenant ce que nous devons demander.  Vous prierez ainsi, nous dit Jésus-Christ: Notre père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié. Que votre règne arrive. Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Pardonnez-nous nos, offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ne souffrez pas que nous soyons induits en tentation; mais délivrez-nous du mal; ainsi soit-il (Matth., VI).  Avant toutes choses, le Dieu qui nous a si fortement recommandé la paix et l’unité n’a pas voulu que nos prières eussent un caractère personnel et égoïste; il n’a pas voulu, quand nous prions, que nous ne pensions qu’à nous-même. Nous ne disons pas: mon père qui es dans les cieux, donne-moi aujourd’hui le pain dont j’ai besoin. Nous ne demandons pas seulement pour nous-mêmes le pardon de nos fautes, l’exemption de toute tentation et la délivrance du mal. Notre prière est publique et commune, et quand nous prions, nous ne pensons pas seulement à nous, mais à tout, le peuple; car tout le peuple chrétien ne forme qu’un seul corps. Le Dieu qui nous a enseigné la paix la concorde et l’unité veut que notre prière embrasse tous nos frères, comme il nous a tous portés lui-même dans sou sein paternel. Ainsi prièrent les trois enfants dans la fournaise leurs voix étaient unies comme leurs coeurs. C’est ce que nous enseigne l’Écriture, en les proposant à notre imitation : Les trois enfants, dit-elle, comme d’une seule bouche, chantaient un hymne au Seigneur et le bénissaient (Dan., III). Et pourtant le Verbe (197) fait homme ne leur avait pas appris à prier. Est-il donc étonnant qu’il ait exaucé leur demande, lui qui prête toujours l’oreille à la prière de l’homme simple et pacifique?  Nous voyons les apôtres et les disciples prier de la même manière, après l’ascension de Jésus-Christ. Tous, dit l’Écriture, unis par un même sentiment, persévéraient dans la prière avec les saintes femmes, avec Marie, mère de Jésus, et ses proche parents (Act., I). Nous voyons, par cette union, combien leur prière était sincère, persévérante et efficace. Dieu qui réunit dans la même maison les frères dont les sentiments sont unanimes, n’ouvre les portes de la demeure éternelle qu’à ceux dont les coeurs s’unissent dans la prière.  3° Que vous dire, mes frères bien-aimés, des mystères de l’oraison dominicale? Qu’ils sont nombreux, qu’ils sont grands, qu’ils sont féconds en grâces spirituelles, quoique résumés en peu de mots! Tout ce que vous trouvez dans les autres prières est renfermé dans cette céleste formule.  Le Seigneur nous dit vous prierez ainsi: Notre Père, qui êtes dans les cieux L’homme nouveau, régénéré par le baptême, rendu par la grâce à Dieu,, son créateur, commence par dire: Père, parce que lui-même est devenu enfant de Dieu. Le Verbe, dit saint Jean, est venu dans sa propre demeure, et les siens ne l’ont pas reçu; mais à ceux qui l’ont reçu et qui croient en lui, il a donné le privilège d’être les enfants de Dieu. (Joan., I). Donc celui qui croit à Jésus-Christ devient enfant de Dieu. Il doit commencer par rendre grâces, par reconnaître sa dignité, en donnant le titre de père au Dieu qui réside dans le ciel. Ce n’est pas tout: en entrant dans la vie spirituelle, il doit montrer qu’il renonce à son père selon la chair, et qu’il ne reconnaît d’autre père que celui qui est dans le ciel. Moïse, au livre du Deutéronome, (199) loue le courage des fils de Lévi. qui, pour être fidèles au Seigneur, dirent à leur père et à leur mère : « je ne vous connais pas, » et oublièrent leurs propres enfants. Le Seigneur nous avertit de ne donner à personne sur la terre le nom de père; car nous n’avons qu’un seul père qui est dans le ciel. Il disait au disciple qui lui parlait de son père défunt : Laisse les morts ensevelir leurs morts. Le disciple parlait de son père qui venait de mourir; Jésus lui rappelait que le père des croyants vit toujours.  Nous ne disons pas seulement Père, mais notre Père : c’est-à-dire père de ceux qui croient, de ceux qui, sanctifiés et régénérés par la grâce divine, sont devenus les fils de Dieu. Cette parole condamne ouvertement les Juifs. Aveuglés par l’esprit de révolte, non-seulement ils ont repoussé le Christ annoncé par leurs prophètes, le Christ qui commençait par eux sa mission divine, mais ils lui ont fait subir la mort la plus cruelle. Ils ne peuvent appeler Dieu leur père, car Jésus est là pour les confondre : Vous êtes les fils du démon, leur dit-il, et vous marchez sur les traces impures de votre père. Il fut homicide dès le commencement; il ne persévéra pas dans la vérité; aussi la vérité n’est pas en lui (Joan., VIII.). Le Seigneur, dans son indignation, parle ainsi par la bouche d’Isaïe : J’ai engendré des enfants, je les ai élevés, et ils m’ont méprisé. Le boeuf connaît son maître, l’âne l’étable où il trouve sa nourriture : Israël ne me connaît pas; mon peuple n’a pas su me comprendre. Malheur à la nation coupable, à ce peuple chargé d’iniquités! Race perverse, enfants criminels, vous avez abandonné le Seigneur; vous avez enflammé la colère du saint d’Israël (Isa.,1).  C’est donc une condamnation pour les Juifs que ces mots notre Père que nous prononçons, dans notre prière. Dieu est devenu notre père, en cessant d’être celui des Juifs qui l’avaient (201) abandonné. Le nom de fils ne peut appartenir au peuple coupable; mais à ceux qui ont reçu la rémission de leurs péchés, et, avec ce titre, ils possèdent la promesse de l’éternité. Jésus a dit : Tout homme qui commet le péché est esclave du péché. L’esclave est banni de la maison de son maître; mais le fils y reste toujours (Joan., VIII).  Quel excès de bonté et de miséricorde do la part de Dieu, nies frères! il veut que dans les prières que nous lui adressons, nous l’appelions notre Père, en sorte que nous partageons avec le Christ la dignité de Fils de Dieu. Certes, personne d’entre nous n’oserait prendre ce titre sans la permission divine. Sachons donc, mes frères, et n’oublions jamais que, puisque nous appelons Dieu notre père, nous devons agir comme des enfants de Dieu, afin qu’il se complaise dans ses fils, comme nous nous complaisons dans notre Père. Soyons comme les temples de Dieu, afin qu’il daigne habiter en nous. Que nos actes répondent à la grâce qui nous anime, afin que, voués à une vie toute céleste, nos pensées et nos actions s’élèvent vers le ciel. C’est encore la parole du Seigneur: Je glorifierai ceux qui me glorifient; celui qui me méprise sera méprisé (I Reg., II). L’apôtre saint Paul. nous dit à. son tour: Vous ne vous appartenez plus, car vous avez été achetés bien chers; glorifiez et portez Dieu dans votre corps (I Corin., VI.). 

Nous disons ensuite : Que votre nom soit sanctifié  Nous sommes loin de penser que nos prières puissent ajouter quelque chose à la sainteté de Dieu: nous demandons seulement que son nom soit sanctifié en nous. Qui pourrait rendre plus saint celui de qui découle toute sainteté? Mais comme il nous a dit : Soyez saints parce que je suis saint (Lev., XX.), nous lui (203) demandons chaque jour de persévérer dans cette sainteté que nous avons reçue par le baptême. Nous avons besoin de nous sanctifier sans cesse pour expier les fautes que nous commettons tous les jours. Quelle est donc cette sainteté que nous recevons de la grâce divine? Écoutez l’apôtre : Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les hommes adonnés à d’infâmes passions, ni les voleurs, ni les faussaires, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les ravisseurs n’obtiendront le royaume de Dieu. Vous avez été souillés de tous ces crimes; mais vous avez été lavés, justifiés, sanctifiés au nom du Seigneur Jésus par la grâce du Saint-Esprit (I Corint., VI). Nous avons été sanctifiés, dit l’apôtre, au nom du Seigneur Jésus, par la grâce du Saint-Esprit. Eh bien! nous prions afin que cette sainteté demeure toujours en nous. Et comme notre juge suprême recommande au malade guéri et justifié par lui de ne plus retomber dans Je péché de peur qu’il ne lui arrive quelque chose de pire, nous prions Dieu nuit et jour de nous conserver la sainteté et la vie que nous tenons de son infinie bonté.   Que votre règne arrive.    C’est pour nous que nous demandons que le royaume de Dieu arrive, comme c’est en nous que nous désirons que son nom soit sanctifié. Car Dieu règne de toute éternité; en lui, ce qui a toujours été et ce qui sera toujours rie peut avoir de commencement. Mais, quand nous prions, nous demandons ce royaume que Dieu nous a promis, ce royaume qu’il nous a mérité par ses souffrances et par son sang. Ainsi, après avoir subi l’esclavage du siècle, nous régnerons avec le Christ, comme il nous l’a dit lui-même : Venez les bénis de mon père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde (Mat., XXV.).    On peut encore, mes frères bien-aimés, entendre par le royaume de Dieu le Christ lui-même. Nous désirons chaque (205) jour le voir apparaître, nous soupirons sans cesse après son avènement. Comme il est notre résurrection, puisque c’est en lui que nous ressusciterons, il peut aussi être le royaume de Dieu, puisque c’est en lui que nous régnerons.   C’est avec raison que nous demandons le royaume de Dieu, c’est-à-dire un royaume céleste, car il est aussi un royaume terrestre; mais celui qui a renoncé au siècle est plus grand que les honneurs et la puissance d’ici-bas : aussi il ne désire pas les royaumes de la terre, mais celui du ciel. Nous devons prier continuellement pour ne pas perdre le royaume céleste, comme les Juifs à qui il fut d’abord promis. Beaucoup, dit Jésus-Christ, viendront de l’Orient et de l’Occident et prendront place, avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux, quant aux fils du royaume, ils seront jetés dans les ténèbres. Là seront les pleurs et les grincements de dents (Mat., VIII). Nous voyons par ces paroles que les Juifs furent les fils du royaume tant qu ils continuèrent à être les fils de Dieu Quand ils perdirent le nom de leur père, ils perdirent leur royaume.    Nous donc, chrétiens, qui dans la prière appelons Dieu notre Père, nous demandons que son royaume nous arrive..  

Nous ajoutons : Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.  Nous ne demandons pas que Dieu fasse ce qu’il veut, mais de faire nous-mêmes ce que veut le Seigneur. Qui peut résister à Dieu et l’empêcher d’accomplir sa volonté? pour nous, il n’en est pas de même. Comme nous trouvons des obstacles de la part du démon, nous demandons que la volonté de Dieu s’accomplisse en nous. Pour cela, nous avons besoin du secours d’en haut, car personne n’est fort par ses propres forces: nous devons nous appuyer sur la grâce et la miséricorde du Seigneur. (207)   Cette faiblesse de l’humanité, nous la trouvons dans le Sauveur lui-même : Mon père, s’écriait-il, si c’est possible que ce calice s’éloigne de moi; mais pour montrer à ses disciples qu’ils doivent toujours accomplir la volonté divine et non la leur, il ajoutait : Cependant, non ce que je veux, mais ce que vous voulez (Mat., XXVI.). Ailleurs, il nous dit : Je suis venu sur la terre non pour faire ma volonté, mais celle de mon Père qui m’a envoyé (Joan., VI.). Si le Fils s’est fait obéissant pour accomplir la volonté de son Père, quelle doit être l’obéissance du serviteur quand il s’agit des ordres de Dieu? Saint Jean nous y exhorte en ces termes:  N’aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde. Si vous aimez le monde, la charité du Père n’est plus en vous; car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et ambition du siècle. Or, tout cela ne vient pas du Père, mais de l’esprit du mal. Le monde passera avec sa concupiscence, mais celui qui accomplit la volonté de Dieu vivra éternellement comme Dieu lui-même (Joan., II.). Si nous voulons vivre éternellement, faisons la volonté de ce Dieu qui est éternel Or, la volonté de Dieu est celle que le Christ, nous a manifestée en l’accomplissant : l’humilité dans notre conduite, la fermeté dans notre foi, le respect dans nos paroles, la justice dans nos actes, la charité dans nos oeuvres, la sévérité dans nos moeurs. Dieu veut que nous ne fassions aucune injure au prochain, que nous supportions celles qui nous sont faites, que nous soyons en paix avec nos frères, que nous l’aimions de tout notre coeur, chérissant en lui le père et craignant le Dieu. Il veut que nous ne préférions rien au Christ, qui, n’a lui-même rien préféré à nous; que nous soyons inséparablement unis à sa charité, fermement attachés à sa croix. Il veut, quand il s’agit de l’honneur et de la gloire du nom chrétien, qu’il y ait en nous cette constance qui confesse la vérité, (209) cette fermeté qui soutient la lutte, cette patience qui, par la mort, mérite la couronne. C’est ainsi qu’on devient cohéritier de Jésus-Christ; c’est ainsi qu’on exécute ses ordres et qu’on accomplit la volonté du Père.  Nous demandons que la volonté de Dieu se fasse et dans le ciel et sur la terre, car c’est de ce double accomplissement que dé-pend notre salut. Notre corps vient de la terre, notre esprit du ciel; nous sommes donc à la fois ciel et terre et nous demandons pour l’un et pour l’autre, c’est-à-dire pour le corps et pour l’esprit, le triomphe de la volonté divine. II y a lutte entre la chair et l’esprit : ces deux adversaires se livrent chaque jour dès combats; en sorte que nous ne faisons pas toujours ce que nous voulons. L’esprit cherche les choses du ciel, la chair les choses de la terre. L’objet de notre prière est donc d établir, avec l’aide de Dieu, la concorde et la paix entre ces puissances rivales, afin que la volonté divine s’accomplisse dans notre esprit et dans notre chair et qu’ainsi notre âme régénérée au salut.  Je ne fais que suivre ici les enseignements de saint Paul. La chair, dit-il, convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair; ils sont en lutte, l’un contre l’autre, en sorte que vous ne faites pas toujours ce que vous vouiez. Vous connaissez les oeuvres de la chair : ce sont les adultères, les fornications, les impuretés de tout genre, l’idolâtrie, les empoisonnements, les homicides, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les animosités, les provocations, les haines, les dissensions, les hérésies, l’envie, l’ivresse, la gourmandise et autres vices semblables. Or, je vous préviens, comme Jésus l’a fait, que ceux qui tombent dans ces iniquités ne posséderont pas le royaume de Dieu. — Les fruits de l’Esprit sont la charité, la joie, la paix, la grandeur d’âme, la bonté, la foi, la douceur, la continence, la chasteté (Gal., V.). Voyez-vous maintenant pourquoi nous demandons à Dieu, (211) chaque jour, que sa volonté s’accomplisse en nous et dans le ciel et sur la terre? C’est que la volonté de Dieu est que les choses du ciel l’emportent sur celles de la terre et que les biens spirituels et divins occupent la première place.  On pourrait donner une autre interprétation. Le Seigneur nous ordonne d’aimer nos ennemis et de prier même pour nos persécuteurs. Dociles à cet ordre, nous demandons pour ces hommes encore terrestres, parce qu’ils ne sont pas illuminés par la grâce, que la. volonté de Dieu s’accomplisse en eux:  cette volonté que le Christ a si bien exécutée, en conservant l’homme et en le rétablissant dans tous ses droits. Il appelle ses disciples le sel de la terre, et l’apôtre nous dit que le premier homme a été tire du limon et le second du ciel. Appelés à ressembler à Dieu, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber sa pluie sur les justes et les pécheurs, c’est avec raison que, d’après les avertissements du Seigneur, nous prions pour le salut de tous — Quelle est donc notre prière ? De même que la volonté de Dieu a triomphé dans le ciel, c’est-à-dire en nous , pour nous transformer par la foi en hommes célestes, nous demandons que cette même volonté triomphé sur la terre, c’est-à-dire dans les âmes infidèles; afin que ces âmes, terrestres par leur première naissance, deviennent célestes par leur régénération.  Mais continuons: Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien.  On peut entendre ces paroles dans le sens spirituel et dans le. sens naturel et; dans ces deux cas, par la grâce de Dieu, elles servent au salut. Le pain de vie c’est le Christ, et ce pain n’est pas à tous, mais à nous, chrétiens. Nous disons Notre Père, parce que Dieu est le père des croyants, de même nous disons notre pain, parce que le Christ est notre nourriture, à nous qui mangeons son corps. Or, nous demandons que ce pain nous (213) soit donné chaque jour; car notre vie est dans le Christ, et l’Eucharistie est notre nourriture quotidienne. Si donc, par suite de quelque grave faute, nous étions privés de la participation au pain céleste, nous serions,, par cela même, séparés du corps du Christ. Écoutez sa parole : Je suis le pain de vie descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je lui donnerai c’est ma chair que je livre pour le salut du monde. (Joan., VI) D’après cette parole, il est évident que ceux qui mangent le pain eucharistique et reçoivent dans la communion le corps du Sauveur vivent éternellement Par suite, en s’éloignant du corps de Jésus-Christ, on doit craindre de s’éloigner de la voie du salut. D’ailleurs la parole du maître est formelle Si vous ne mangez la chair du fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Ainsi donc nous réclamons notre pain quotidien, c’est-à-dire le Christ, afin que nous, dont la vie est dans le Christ, nous demeurions toujours unis à sa grâce et à son corps sacré.  Les paroles que nous commentons peuvent être prises dans un autre sens; le voici. Nous avons renoncé au siècle; fidèles à l’appel de la grâce, nous avons foulé aux pieds les richesses et les pompes du siècle; nous n’avons donc besoin que de la nourriture. C’est la p’arole. du Seigneur: Celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple. Le disciple de Jésus-Christ, renonçant à tout, selon la parole de son maître, ne doit demander que le pain de chaque jour. Ses désirs ne doivent pas s’étendre plus loin, puisque Jésus a dit: Ne vous mettez pas en peine du lendemain; le lendemain .se pourvoira lui-même des choses nécessaires; à chaque jour suffit son mal (Luc., XIV.).  C’est donc avec raison que le disciple du Christ demande sa nourriture au jour le jour, puisqu’il lui est défendu de (215) s’occuper du lendemain. Une conduite opposée serait absurde. Comment chercherions nous à vivre longtemps dans ce monde, nous qui désirons la prompte arrivée du royaume de Dieu? Aussi le bienheureux apôtre, voulant rendre plus fermes notre foi et notre espérance, nous donne cette leçon : Nous n’avons rien apporté dans ce monde, nous n’en emporterons rien. Puisque nous avons des vêtements et un toit pour nous couvrir, sachons nous en contenter. Ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, ‘dans des piéges, dans des désirs funestes qui poussent l’homme à sa ruine; car la racine de tous les maux est la cupidité. Ceux qui ont voulu suivre ses attraits ont fait un triste naufrage et se sont préparé bien des douleurs (I Tim., VI.). D’après ces paroles, les richesses sont non-seulement méprisables , mais encore périlleuses., Là se trouve la racine de tous ces maux qui  flattent  et qui aveuglent l’esprit humain pour le tromper. C’est pour cela que le Seigneur reprend le riche stupide, qui récapitulait sa fortune et se glorifiait de l’abondance de ses récoltes : Insensé, cette nuit même on viendra te réclamer ton âme et ces biens que tu as amassés à qui seront-ils (Luc, XI.)? Pauvre fou! il se réjouissait de ses biens et il allait mourir! la vie lui manquait et il songeait à amasser des vivres en abondance! Les enseignements du Seigneur sont bien différents: il nous dit que lé.. sage par excellence est celui qui vend tous ses biens, les distribue aux pauvres, et se prépare un trésor dans le ciel. Celui-là seul, dit-il, est capable de le suivre et de participer à la gloire de sa passion qui, dégagé de tout lien terrestre, marche vers le ciel en s’y faisant précéder de ses richesses. Pour se préparer à cet acte de vertu, que chacun de nous apprenne à prier et à s’instruire par la prière.   Ne croyez pas que le juste manque du pain de chaque jour; n’est-il pas écrit : J’ai été jeune, me voici vieux, et je n’ai (217) jamais vu le juste abandonné et ses enfants mendiant leur pain (Psal. XXXVI.). Le Seigneur nous dit encore: Ne vous demandez pas à vous-mêmes que mangerons-nous, que boirons-nous, de quoi nous vêtirons-nous? Les païens se préoccupent de ces choses; mais votre Père saie que vous en ,avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et la sainteté et tout cela vous sera donné en surcroît (Mat., VI.). Telle est la promesse du Christ. Comme tout appartient à Dieu, rien ne peut manquer à celui qui possède Dieu, tant qu’il lui restera fermement attaché. Daniel fut jeté dans la fosse aux lions par l’ordre du roi de Babylone; Dieu lui envoya sa nourriture, et l’homme de Dieu mangea tranquillement au milieu des bêtes qui, malgré leur faim, n’osaient se jeter sur lui, Élie, fuyant dans le désert, fut sauvé par des corbeaux qui lui apportaient sa nourriture. O détestable cruauté de la malice humaine! les bêtes féroces épargnent un prisonnier, les oiseaux  nourrissent un fugitif, et les hommes se dressent des embûches et exercent leurs fureurs les uns contre les autres!    Nous prions ensuite pour obtenir la rémission de nos péchés: Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.   

Après le pain de chaque jour, nous demandons le pardon de nos péchés, afin que, nourris par Dieu, nous vivions en Dieu. Il ne s’agit pas seulement de la vie présente, mais de la vie éternelle où nous ne pouvons arriver qu’autant que, nos offenses seront pardonnées. Le Seigneur donne à ces offenses le nom de dette, comme dans son Évangile : Je t’ai remis toute ta dette parce que tu m’en as prié (Mat., XVIII.). Nous rappeler que nous sommes pécheurs est un avis aussi salutaire que sage; car forcés de prier pour nos fautes et d’implorer le pardon de Dieu, nous apprenons à nous connaître nous-mêmes. Que personne ne se (219) complaise dans sa prétendue innocence; personne n’est innocent: ces sentiments d’orgueil ne feraient que le rendre plus coupable. En priant tous les jours pour nos péchés, nous pouvons nous convaincre que nous péchons chaque jour. C’est ce que nous apprend l’apôtre saint Jean: Si nous disons que nous sommes innocents, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste, il nous les pardonnera (I Joan., VIII.). L’apôtre a réuni dans son épître ces deux vérités : que nous devons prier pour nos péchés, et que nous en obtenons le pardon par nos prières. C’est pour cela qu’il nous dit que Dieu est fidèle à remettre les péchés. Ainsi il nous rappelle la promesse divine; car c’est Dieu qui, eu nous disant de prier pour nos fautes, .nous promet la miséricorde et le pardon. Cependant, mes frères, Dieu ajoute à sa promesse une condition. Il veut que nous demandions le pardon de nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Il nous montre, par là, que nous ne pouvons obtenir notre grâce qu’autant que nous nous montrons miséricordieux envers nos débiteurs. Aussi il nous dit dans l’Évangile : On se servira à votre égard de la mesure dont vous aurez usé envers vos frères. Le serviteur qui, après avoir reçu de son maître la remise de sa dette, ne voulut pas user de la même condescendance envers son compagnon d’esclavage fut jeté en prison. Par sa dureté, il perdit ce que son maître lui avait généreusement accordé. Le Seigneur insiste plus fortement encore sur ce point: Lorsque vous voudrez prier, dit-il, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez-le, afin que votre Père céleste pardonne aussi vos péchés. Si vous ne pardonnez pas vous-mêmes, votre Père qui est dans le ciel ne vous remettra pas non plus vos péchés (Mat., XI.) Il ne vous restera aucune excuse au jour (221) du jugement, car vous serez jugé d’après votre propre sentence; vous serez traité comme vous aurez traité les autres. Le Seigneur veut que ses enfants soient unis par les liens de la paix et de la concorde; ils veut qu’ils persévèrent dans cette charité qu’ils tiennent de leur seconde ,naissance. Nous donc, qui sommes les fils de Dieu, persévérons dans la paix qu’il nous a laissée et, puisque nous n’avons qu’un seul esprit, n’ayons qu’une seule pensée et un seul sentiment. Le Seigneur n’accepte pas le sacrifice de celui qui conserve dans son coeur des sentiments de haine; il l’éloigne de l’autel; il lui ordonne d’aller se réconcilier avec son frère et de revenir ensuite lui adresser des prières inspirées par l’esprit de charité. Le sacrifice le plus agréable à Dieu c’est la paix, la concorde fraternelle, l’unité du Père et du Fils et du Saint-Esprit reproduite le peuple chrétien. Nous en avons une preuve dans les offrandes d’Abel et de Caïn. Dieu considérait leurs coeurs et non leurs présents le présent ne lui plaisait plus autant que le voeur lui était agréable. Abel, homme juste et pacifique, offre à Dieu des sacrifices innocents ; il nous apprend que nous devons approcher de l’autel avec la crainte de Dieu, avec un coeur simple, avec l’esprit de sainteté, de paix et de concorde. C’est à juste titre, qu’offrant à Dieu de pareils sacrifices, il est devenu lui-même victime. Le premier, il a suivi la route du martyre et il a dignement figuré
la Passion de Jésus-Christ, lui qui avait conservé la justice et la paix du Seigneur. Voilà les hommes que Dieu couronnera au jour du jugement et qu’il réclamera pour les siens. 
Mais l’homme animé de l’esprit de discorde et de haine, fût-il mis à mort pour le nom de Jésus-Christ, saint Paul nous assure qu’il ne pourrait expier son crime; car il est écrit : Celui qui hait son frère est un homicide; or, un homicide ne peut ni arriver au royaume du ciel ni vivre en Dieu (I Joan., III). Peut-il (223) être avec le Christ, celui qui a préféré imiter Judas que le Christ? Quelle tache, mes frères, que celle que le baptême du sang ne peut laver! Quel crime que celui qui ne peut être expié par le martyre!    Le Seigneur nous ordonne d’ajouter : Ne souffrez pas que nous soyons induits en tentation.    Nous voyons par ces paroles que l’ennemi ne peut rien contre nous, si Dieu ne le permet. Ainsi nous devons mettre entre les mains de Dieu nos craintes, nos espérances, nos résolutions, puisque le démon ne peut nous tenter qu’autant que Dieu lui en donne le pouvoir. C’est ce que nous enseigne l’Écriture: Nabuchodonosor, roi de Babylone, vint assiéger Jérusalem et Dieu la livra entre ses mains. Or, c’est à cause de nos péchés que Dieu donne au mauvais esprit une certaine puissance contre nous. Qui a livré les dépouilles de Jacob et d’Israël entre les mains des ennemis ? N’est-ce pas le Dieu qu’ils ont offensé, dont ils ont repoussé les commandements et méprisé la loi? N’est-ce pas lui qui a fait tomber sur eux le poids de sa colère (Isa., XLII..)? Nous voyons le même fait dans l’histoire de Salomon: il pèche, il s’éloigne des préceptes et des voies du Seigneur, aussi l’Écriture nous dit : Le Seigneur excita l’ennemi contre Salomon (2).  Ce pouvoir est accordé à l’ennemi pour deux motifs: ou pour nous punir de nos fautes, ou pour nous glorifier par l’épreuve. C’est ce que nous montre l’histoire de Job. Tout ce qu’il possède, dit le Seigneur au démon, est entre tes mains; mais prends garde de toucher à sa personne (Job, I.). De même, pendant sa passion, le Sauveur dit à Pilate : Tu n’aurais contre moi aucun pouvoir, s’il ne te venait d’en Haut. Ainsi ces paroles que nous adressons à Dieu : Ne souffrez pas que nous soyons induits en (225) tentation, nous rappellent notre infirmité et notre faiblesse. Elles nous tiennent en garde contre les révoltes de l’orgueil, contre la présomption et la vaine gloire. Nous ne devons nous glorifier de rien, pas même de la confession du nom de Jésus-Christ, pas même du martyre; car Jésus nous recommande l’humilité en disant : Veillez et priez pour ne pas être exposés à la tentation. L’esprit est prompt, mais la chair est faible. Ainsi lorsqu’on reconnaît humblement sa bassesse et qu’on rapporte tout à Dieu, son coeur s’ouvre à la miséricorde, et il exauce des prières inspirées par le respect et par le désir de lui plaire.   

A la fin, se trouve la formule qui renferme en deux mots toutes nos demandes et toutes nos prières : Délivrez-nous du mal   Par ces mots, nous entendons tous les actes d’hostilité que l’ennemi peut exercer contre nous dans ce monde et dont Dieu seul, par sa grâce, peut nous garantir et nous délivrer. Quand nous avons dit: Délivrez-nous du mal, il ne reste plus à rien à demander. Nous implorons la protection divine contre l’esprit du mal, et, après l’avoir obtenue, nous sommes en sûreté contre les assauts du démon et du monde. Car comment craindre le siècle, quand Dieu nous couvre de son égide?   Ne vous étonnez pas, mes frères bien-aimés, de la sublimité de, cette prière: c’est Dieu qui en est l’auteur, Dieu qui a résumé en quelques mots tout ce qui peut assurer la paix parmi nous. C’est ce que le prophète Isaïe avait prédit depuis longtemps, lorsque, sous l’inspiration du Saint-Esprit, il parlait de la majesté et de l’amour de Dieu : Sa parole, disait-il, renferme en abrégé toute justice, et il la manifestera en peu de mots à l’univers (Is. I.) Car son Verbe, Notre-Seigneur Jésus-Christ, est descendu sur la terre pour nous tous ; il a réuni sous une même loi les savants et. les ignorants, et il a donné à tout sexe et à (227) tout âge les leçons du salut. Ce n’est pas assez : il a groupé comme en un faisceau tous ses enseignements, pour ne pas charger la mémoire des fidèles; mais pour leur apprendre rapidement ce qui est nécessaire à une foi simple et sans étude. Ainsi, quand il voulut nous enseigner ce qu’est la vie éternelle, il exprima ce mystère avec une concision toute divine : La vie éternelle consiste à vous connaître, vous Dieu unique et véritable, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ (Joan., XVII.). De même, quand il voulut recueillir dans la loi et les prophètes les préceptes essentiels : Écoute Israël, dit-il, ton Dieu est un Dieu unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton esprit, de toutes tes forces. Dans ces deux préceptes sont renfermés toute la loi et les prophètes (Marc, XII.). Et ailleurs : Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous-mêmes faites-le pour eux tel est l’enseignement de la loi et des prophètes (Mat., VII.).    Jésus-Christ nous a appris à prier, non-seulement par ses paroles, mais aussi par. ses .exemples. Lui-même priait fréquemment, nous montrant ainsi ce que nous devons faire. Jésus,  dit le texte sacré, se retirait dans la solitude et il adorait. Nous lisons dans un autre évangéliste: Il se retira sur une montagne et il passa la nuit à prier. Si Jésus, l’innocence même, priait, à plus forte raison, nous qui sommes pécheurs, devons nous prier. Si Jésus passait toute la nuit en prière, à plus forte raison, devons nous veiller pour nous livrer plus longtemps à ce saint exercice. Or, le Seigneur priait, non pas pour lui, que pouvait-il demander, lui qui était sans tache? Mais il priait pour nos fautes, comme il le déclara à Pierre, en disant: Voilà que Satan va vous triturer comme le froment; mais j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas (Luc, XII.). Ensuite il (229) recommande à son Père tous ses disciples : Je ne prie pas seulement pour ceux-ci, mais pour tous ceux qui, éclairés par leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. De même que vous, mon Père, vous êtes en moi et que je suis en vous, puissent-ils, eux aussi, ne faire qu’un avec nous (Joan., XVII.). Quelle bonté de la part de notre Dieu! non content de nous racheter au prix de tout son sang, il veut encore prier pour nous. Or, voyez quel est le but de sa prière. Comme le Père et le Fils ne sont qu’un, il veut que, nous aussi, nous persévérions dans l’unité. Vous pouvez comprendre par là quelle est la faute de celui qui détruit l’unité et la paix. Le Seigneur a prié pour la conservation de ces liens si précieux parmi son peuple. Il voulait que l’anion la plus étroite régnât parmi les fidèles, car il savait bien que la discorde ne peut avoir accès au royaume céleste.  Quand nous commençons notre prière, mes frères bien-aimés, veillons sur nous-mêmes et occupons-nous uniquement de l’oeuvre  que nous accomplissons. Éloignons de notre esprit toute vue, charnelle et mondaine et ne pensons qu’à l’objet de notre demande. Aussi, avant la prière solennelle, le prêtre prépare les esprits en chantant la préface : Les coeurs en haut, dit-il; et le peuple répond : nous les avons vers le Seigneur. Par ces paroles, les fidèles sont avertis qu’ils ne doivent penser qu’à Dieu. Fermons notre coeur à l’ennemi, ouvrons-le à Dieu seul et ne souffrons pas que le démon s’approche de nous au temps de la prière. Il se glisse dans l’ombre; il pénètre jusqu’à nous et, par sa ruse, il détourne nos prières de leur but véritable; d’où il arrive que nos sentiments diffèrent de nos paroles. Et cependant l’essence de la prière ne consiste pas dans le son de la voix, mais dans la sincérité de l’intention et dans l’élévation de l’âme vers Dieu.  Quelle faiblesse de vous laisser détourner de votre prière par des pensées vaines et profanes, comme si quelque autre chose (231) était plus digne d’occuper votre esprit que les paroles que vous adressez à Dieu! Vous ne vous écoutez pas vous-mêmes; comment voulez-vous que Dieu vous écoute? vous vous oubliez vous-mêmes, comment Dieu se souviendrait-il de vous? Une telle conduite nous expose sans défense aux atteintes du démon; elle blesse la majesté divine dans l’acte solennel de la prière. Les yeux veillent, c’est vrai, mais le coeur dort; et pourtant le contraire devrait avoir lieu chez les chrétiens: quand leurs yeux dorment, leur coeur devrait veiller. L’est ce que faisait l’épouse des Cantiques qui figurait l‘Église : Je dors, disait-elle, mais mon coeur veille. De là cet avertissement si sage et si salutaire de l’apôtre: Priez avec application et vigilance. Il nous montre que le moyen d’obtenir de Dieu l’objet de nos demandes, c’est d’être vigilants, dans notre prière.  Quand nous voulons prier, n’approchons pas de Dieu les mains vides : la prière reste sans effet quand elle n’est pas accompagnée par les bonnes oeuvres. Tout arbre stérile est coupé et jeté au feu; de même des paroles non fécondées par les oeuvres ne peuvent nous mériter la grâce divine. C’est ce que. nous enseigne l’Écriture : La prière accompagnée du jeûne et. de l’aumône est agréable à Dieu (Tob., XII). Au dernier jour, le souverain Juge récompensera les bonnes oeuvres et les aumônes; aujourd’hui, de même, il écoute favorablement ceux qui se présentent à lui les mains pleines d’actes méritoires. C’est ainsi que le centurion Corneille mérita d’être exaucé : il distribuait beaucoup d’aumônes au peuple; il priait Dieu constamment; aussi, vers la neuvième heure, pendant sa prière, l’ange du Seigneur lui apparut pour rendre témoignage à ses œuvres : Corneille, lui dit-il, tes prières et tes aumônes sont montées jusqu’à Dieu et il en conserve le souvenir (Act., X.). Les prières montent rapidement vers le ciel quand elles sont soutenues par le (233) mérite de nos oeuvres. C’est le témoignage de l’ange Raphaël à Tobie qui unissait toujours l’action à la prière. Il est honorable, dit-il, de révéler les oeuvres divines. Quand tu priais ainsi que Sara, j’offrais votre prière au Seigneur. Quand tu ensevelissais les morts avec tant de simplicité, quand tu interrompais ton repas pour leur rendre ce pieux office, j’étais là pour être le témoin de ta conduite dans l’épreuve. Dieu m’envoie de nouveau vers toi pour te guérir, comme j’ai déjà délivré Sara, l’épouse de ton fils. Je suis Raphaël, un des sept esprits qui se tiennent devant le trône de Dieu (Tob., XII.).  Le Seigneur nous donne le même enseignement par la bouche d’Isaïe : Rompez, dit-il, les chaînes de l’iniquité; déchargez vos semblables du fardeau que vous faites peser sur eux; rendez le repos aux opprimés; déchirez les titres injustes; faites part de votre pain à celui qui a faim; introduisez dans votre maison les indigents qui n’ont point de toit; si vous voyez un homme nu, revêtez-le et ne méprisez point votre propre sang. Alors votre nom brillera d’un vif éclat; la saintet,é vous couvrira comme un manteau; son éclat trahira votre ‘présence et vous serez inondé de la splendeur de Dieu. Alors vous prierez, et Dieu vous exaucera, et, au milieu de votre prière, il vous dira: Me voici (Isa., LVIII.). Telle est la promesse du Seigneur, chrétiens : il exauce et protège ceux qui délivrent leurs coeurs des liens de l’injustice; qui, selon ses ordres, répandent d’abondantes aumônes entre les mains des pauvres. Ils écoutent la parole du Seigneur, et Dieu les écoute à son tour. L’apôtre saint Paul, aidé dans sa pauvreté par les fidèles, appelle les bonnes oeuvres de ce genre des sacrifices offerts à Dieu. J’ai été rassasié, dit-il, en recevant d’Epaphrodite ce que (235) vous avez envoyé; c’est un sacrifice méritoire et agréable à Dieu (Philip., IV.). En venant au secours du pauvre, on prête à Dieu lui-même; en donnant aux plus petits, c’est à Dieu qu’on donne; on offre au Dieu de toute suavité un sacrifice d’agréable odeur.  4° Quant à l’heure de la prière, nous voyons que les trois enfants captifs à Babylone observaient l’heure de tierce, de sexte et de none, pour figurer sans doute la Trinité divine qui devait se manifester plus tard. De la première ,heure ou de prime jusqu’à tierce nous trouvons trois heures; nous trouvons le même nombre de tierce à sexte et de sexte à none: la Trinité se manifeste donc par trois espaces réguliers, composés chacun de trois heures. Déjà depuis longtemps les serviteurs du vrai Dieu, éclairés par l’Esprit-Saint, avaient déterminé, ces heures pour les consacrer à la prière, et les événements ont montré que cette conduite des justes avait quelque chose de mystérieux et de sacré. Car c’est à l’heure de tierce que le Saint-Esprit descendit sur les apôtres pour accomplir la promesse divine. C’est à l’heure de sexte que Pierre, priant sur le toit de sa maison et doutant encore s’il devait accorder aux idolâtres le sacrement de la régénération, entendit la voix de Dieu qui lui ordonnait d’admettre tous ,les hommes à la grâce du salut. C’est à l’heure de sexto que le Seigneur, crucifié pour nous, lava jusqu’à l’heure de none nos péchés avec son sang, et remporta cette victoire qui fut pour nous la rédemption et la vie.  Mais pour nous, mes frères bien-aimés, les mystères de la loi nouvelle nous font une obligation de prier plus souvent. Nous devons prier le matin, pour célébrer, par cet hommage, la résurrection du Seigneur. C’est ce que l’Esprit nous enseigne dans les psaumes : Mon roi et mon Dieu, je vous adresserai ma prière et dès le matin vous entendrez ma voix. Dès le matin je me tiendrai en votre présence et je vous contemplerai (Psal., V.). Le (237) Seigneur nous dit encore par la bouche d’un de ses prophètes: Dès le point du jour ils veilleront devant moi en disant: Allons et convertissons-nous au Seigneur notre Dieu (Os., VII.).  Au coucher du soleil et à la fin du jour, nous devons encore remplir le devoir de la prière. Le Christ est le véritable soleil et la véritable lumière. Lorsqu’au déclin du jour, nous demandons que la lumière brille de nouveau sur nous, nous implorons la venue du Christ qui nous donnera la grâce de l’éternelle clarté. Or, que le Christ soit désigné par le jour, c’est ce que l’Esprit-Saint nous apprend dans les psaumes. La pierre que les ouvriers ont repoussée est devenue pierre angulaire de l’édifice. C’est le Seigneur qui a fait cette pierre et elle est admirable à nos yeux. C’est le jour que le Seigneur a fait; marchons et réjouissons-nous à sa lumière (Os., VII.).  Le Christ est de même désigné par le soleil comme nous l’atteste Malachie : Pour vous qui craignez le nom du Seigneur, le soleil de justice se lèvera sur vous et ses rayons apporteront le salut (Malach., IV.). Si l’Écriture nous représente le Christ comme le véritable soleil et le véritable jour, il n’y a pas d’heure où les chrétiens ne doivent l’adorer. Nous donc qui jouissons de la lumière de la nouvelle alliance, passons tout le jour en prière, et, quand les lois de la nature nous ramènent la nuit, que les ténèbres ne nous inspirent aucun effroi, car nous sommes fils de la lumière et le jour brille toujours pour nous. Celui qui porte la lumière dans son coeur peut-il être dans les ténèbres? Celui qui trouve dans le Christ et le jour et le soleil peut-il regretter l’absence d’un astre matériel ? Donc, encore une fois, puisque la lumière du Christ brille toujours sur nous, n’interrompons pas notre prière, même pendant la nuit. Ainsi Anne, la veuve de Phanuel, priant et veillant sans relâche, mérita de voir le Christ, comme le rapporte l’Évangile : Elle ne s’éloignait pas (239) du temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière (Luc, II.).  Les gentils qui n’ont pas encore été éclairés ou les juifs déserteurs de la lumière, qui sont restés dans les ténèbres, peuvent ignorer ces vérités. Pour nous, mes frères bien-aimés, qui sommes toujours dans la lumière du Seigneur et qui nous rappelons la dignité où nous élève la grâce divine, ne mettons aucune différence entre le jour et la nuit. Sachons que nous marchons toujours à la lumière, et ne nous laissons pas arrêter par les ténèbres que nous avons quittées. Dan~la nuit, ne suspendons pas nos prières, acquittons-nous-en avec le même soin. Rendus par la grâce de Dieu et par notre seconde naissance à la vie spirituelle, commençons sur la terre la vie du ciel. Là, sans craindre la nuit, nous posséderons le jour véritable; veillons donc ici-bas comme si nous étions toujours dans la lumière. Au ciel nous prierons toujours, toujours nous rendrons à Dieu des actions de grâces; agissons de même sur la terre, et que nos prières et nos actions de grâces ne cessent jamais. (241)    

  

Le pape reçoit une délégation de l’Académie des Sciences morales et politiques de Paris

12 février, 2007

du Zenith: 

2007-02-11 

Le pape reçoit une délégation de l’Académie des Sciences morales et politiques de Paris 

ROME, Dimanche 11 février 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé samedi 10 février à l’occasion de sa rencontre avec les membres d’une délégation de l’Académie des Sciences morales et politiques de Paris. 

* * * 

Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Monsieur le Cardinal,
Chers Amis Académiciens, Mesdames et Messieurs,

C’est avec plaisir que je vous accueille aujourd’hui, vous les membres de l’Académie des Sciences morales et politiques. En premier lieu, je remercie Monsieur Michel Albert, Secrétaire perpétuel, des paroles par lesquelles il s’est fait l’interprète de votre délégation, ainsi que pour la médaille évoquant mon entrée comme membre associé étranger de votre noble Institution.

L’Académie des Sciences morales et politiques est un lieu d’échanges et de débats, proposant à l’ensemble des citoyens et au législateur des réflexions pour aider à «trouver les formes d’organisations politiques les plus favorables au bien public et à l’épanouissement de l’individu». En effet, la réflexion et l’action des Autorités et des citoyens doivent être centrées autour de deux éléments: le respect de tout être humain et la recherche du bien commun. Dans le monde actuel, il est plus que jamais urgent d’inviter nos contemporains à une attention renouvelée à ces deux éléments. En effet, le développement du subjectivisme, qui fait que chacun a tendance à se prendre comme seule référence et à considérer que ce qu’il pense a le caractère de la vérité, nous incite à former les consciences sur les valeurs fondamentales, qui ne peuvent être bafouées sans mettre en danger l’homme et la société elle-même, et sur les critères objectifs d’une décision, qui supposent un acte de raison.

Comme je l’avais souligné lors de ma conférence sur la nouvelle Alliance, donnée devant votre Académie en 1995, la personne humaine est «un être constitutivement en relation», appelé à se sentir chaque jour davantage responsable de ses frères et sœurs en humanité. La question posée par Dieu, dès le premier texte de l’Écriture, doit sans cesse résonner dans le cœur de chacun: «Qu’as-tu fait de ton frère ?» Le sens de la fraternité et de la solidarité, et le sens du bien commun reposent sur une vigilance par rapport à ses frères et par rapport à l’organisation de la société, donnant une place à chacun, afin qu’il puisse vivre dans la dignité, avoir un toit et le nécessaire pour son existence et pour celle de la famille dont il a la charge. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre la motion que vous avez votée, au mois d’octobre dernier, concernant les droits de l’homme et la liberté d’expression, qui fait partie des droits fondamentaux, ayant toujours à cœur de ne pas bafouer la dignité fondamentale des personnes et des groupes humains, et de respecter leurs croyances religieuses.

Qu’il me soit permis d’évoquer aussi devant vous la figure d’Andreï Dimitrijevitch Sakharov, auquel j’ai succédé à l’Académie. Cette haute personnalité nous rappelle qu’il est nécessaire, dans la vie personnelle comme dans la vie publique, d’avoir le courage de dire la vérité et de la suivre, d’être libre par rapport au monde ambiant qui a souvent tendance à imposer ses façons de voir et les comportements à adopter. La véritable liberté consiste à marcher dans la voie de la vérité, selon sa vocation propre, sachant que chacun aura à rendre compte de sa vie à son Créateur et Sauveur. Il importe que nous sachions proposer aux jeunes un tel chemin, leur rappelant que le véritable épanouissement n’est pas à n’importe quel prix et les invitant à ne pas se contenter de suivre toutes les modes qui se présentent. Ainsi, ils sauront avec courage et ténacité discerner le chemin de la liberté et du bonheur, qui suppose de vivre un certain nombre d’exigences et de réaliser les efforts, les sacrifices et les renoncements nécessaires pour agir bien.

Un des défis pour nos contemporains, et particulièrement pour la jeunesse, consiste à accepter de ne pas vivre simplement dans l’extériorité, dans le paraître, mais à développer la vie intérieure, lieu unificateur de l’être et de l’agir, lieu de la reconnaissance de notre dignité d’enfants de Dieu appelés à la liberté, non pas en se séparant de la source de la vie, mais en y demeurant relié. Ce qui réjouit le cœur de l’homme, c’est de se reconnaître fils et filles de Dieu, c’est une vie belle et bonne sous le regard de Dieu, ainsi que les victoires réalisées sur le mal et contre le mensonge. En permettant à chacun de découvrir que sa vie a un sens et qu’il en est responsable, nous ouvrons la voie à une maturation des personnes et à une humanité réconciliée, soucieuse du bien commun.

Le savant russe Sakharov en est un exemple; alors que, sous la période communiste, sa liberté extérieure était entravée, sa liberté intérieure, que nul ne pouvait lui enlever, l’autorisait à prendre la parole pour défendre avec fermeté ses compatriotes, au nom même du bien commun. Aujourd’hui encore, il importe que l’homme ne se laisse pas entraver par des chaînes extérieures, telles que le relativisme, la recherche du pouvoir et du profit à tout prix, la drogue, des relations affectives désordonnées, la confusion au niveau du mariage, la non-reconnaissance de l’être humain dans toutes les étapes de son existence, de sa conception à sa fin naturelle, laissant penser qu’il y a des périodes où l’être humain n’existerait pas vraiment. Nous devons avoir le courage de rappeler à nos contemporains ce qu’est l’homme et ce qu’est l’humanité. J’invite les Autorités civiles et les personnes qui ont une fonction dans la transmission des valeurs à avoir toujours ce courage de la vérité sur l’homme.

Au terme de notre rencontre, permettez-moi de souhaiter que, par ses travaux, l’Académie des Sciences morales et politiques, avec d’autres institutions, puisse toujours aider les hommes à construire une vie meilleure et à édifier une société où il est bon de vivre en frères. Ce souhait s’accompagne de la prière que je fais monter vers le Seigneur pour vous-mêmes, pour vos familles et pour tous les membres de l’Académie des Sciences morales et politiques.

Dieu en quête de l’homme – de Abraham Heschel

10 février, 2007

J’ai lu nombreux écrits de ce personnage – de cet homme de foi – il a fait une partie importante de ma vie et il m’a aidé dans le chemin de la foi, du site:

http://www.massorti.com/spip.php?article37

Dieu en quête de l’homme, philosophie du judaïsme  jeudi 29 juin 2006

 de Abraham Heschel – Abraham Heschel 1907 – 1972 fut un des plus grands penseurs juifs du XXe siècle. Rabbin descendant d’une très grande lignée rabbinique du hassidisme, il finit par trouver sa place au sein du mouvement Massorti où il enseigna jusqu’à sa mort. Il était une personnalité remarquable et contribua beaucoup à l’extension du mouvement Massorti aux États-Unis. Il incarnait parfaitement le judaïsme tel que le mouvement Massorti le conçoit. Plusieurs de ses livres sont traduits en français. À lire absolument. Le rabbin Abraham Heschel est né en 1907 à Varsovie. Il a étudié à l’Université de Berlin et à la « Hochschule für die Wissenschaft des Judentums » de Berlin ; fondateur de l’ »Institute of Jewish Learning » de Londres en 1940 ; professeur au Séminaire américain de théologie juive depuis 1945, à l’Université de Stanford, à l’Université du Minnesota et au « Union Theological Seminary ». Parmi ses ouvrages nous devons citer : « Die Prophetie » (1935), « The Earth is the Lord’s » (1950), « Man is Not Alone » (1951), « Man’s Quest for God » (1954), « God in Search of Man » (1956), « The Prophets » (1962). Tout comme Saadia Gaon, Yehouda Halevi, Maïmonide, Blaise Pascal et Franz Rosenzweig, Heschel est un apologiste. Cependant, son but n’est pas de promouvoir un dogme ou une idéologie. Il cherche plutôt à transformer la conscience même que nous avons de la réalité, à la fois sur le plan émotionnel et rationnel. Dans la mesure où l’on peut définir une « source » de la pensée de Heschel, celle-ci ne peut être que le hassidisme, en d’autres termes l’héritage du Baal Shem Tov qui fut son fondateur. L’étude, par Heschel, de la vie et de l’action spirituelle actualise cette tradition. Il utilise le terme de foi de manière presque interchangeable avec celui de piété , puisque le fondement de l’une comme de l’autre est une prise de conscience théocentrique. Toutefois, la piété, qui inclut l’attachement à Dieu à travers la prière et les actes sacrés (les mitsvot ), est davantage inhérente au judaïsme que la foi. La piété, telle que la définit Heschel, est l’achèvement de la foi. Heschel nous enseigne comment penser et vivre religieusement. Il éduque notre amour, notre crainte et notre tremblement en allant au-delà des dogmes, des institutions et des préoccupations ethniques. Ses travaux répondent aux perplexités universelles touchant le sens de la vie, la mort, le mal, la souffrance, aussi bien que la joie, l’extase et la célébration. Ils nous aident à assumer notre identité personnelle et collective dans un monde fragmenté et souvent hostile. Heschel souhaitait que le judaïsme coopère avec d’autres religions pour apporter au monde la paix, la justice et la compassion. Au départ de notre cheminement, nous rencontrons un homme à la fois enraciné dans l’histoire et arraché à elle. Les Bâtisseurs du temps de A.J. Heschel (Auteur) C’est un très beau petit livre sur le shabbat et ce qu’il peut apporter à l’homme aujourd’hui.  Dieu en quête de l’homme, philosophie du judaïsme de Abraham Heschel (Auteur) Quatrième de couverture Le sous-titre de ce livre est significatif : philosophie du judaïsme, c’est-à-dire enquête rationnelle ayant pour but de découvrir si et comment le judaïsme répond valablement aux  » questions ultimes  » posées à l’homme par le monde, l’humanité, la mort, l’avenir, l’au-delà, la liberté, Dieu et la révélation. Selon l’auteur, le judaïsme est une réalité, un drame historique, ce n’est pas seulement un sentiment ou une expérience ; le judaïsme affirme la réalité d’événements d’où il a tiré son origine, il enseigne des vérités fondamentales, il revendique d’être l’engagement d’un peuple envers Dieu. La tâche que s’est assignée Abraham Heschel est d’expliquer le sens de ces événements, et de faire comprendre la vision du monde et le sens de la vie qu’ils impliquent. Avis d’un lecteur : Tout en restant loin des formulations figées, ce livre expose avec une grande clarté comment le judaïsme, sa lecture et sa pratique doivent être abordée : les pieds sur terre, le cœur ouvert, la tête dans les étoiles et le regard vers le créateur. Entre philosophie et poésie, nous (re)découvrons un judaïsme qui brille de la clarté du juste et réchauffe de l’amour du pieux, une réelle (re)découverte de la spiritualité aussi bien pour l’éloigné que pour le pratiquant. Définitivement inspirant et inspiré. Le Tourment de la vérité de Heschel Abraham Joshua (Auteur) Agir en Juif, c’est chaque fois faire un nouveau départ sur une vieille route. On n’hérite pas la foi, chacun doit la gagner. Cette méditation fondamentale d’un des plus grands maîtres spirituels du judaïsme contemporain se déroule à partir d’un parallèle entre Reb Menahem Mendel ( « le rabbi de Kotzsk, âme dissidente qui n’était que protestation contre la banalisation et la routine du judaïsme ») et son contemporain, Sören Kierkegaard (« Je ne suis ni tolérance, ni sevérité. Je suis une honnêteté humaine »). Le Danois et le Polonais ne se sont pas connus. Et sans doute leurs pensées n’auraient-elles pu se rejoindre. C’est pourtant la base d’un très étonnant œcuménisme de l’esprit qui est posé ici, par une analyse profonde et convaincante. Au début du livre, Heschel situe le Rabbi morose dans la lignée hassidique, en contraste avec le fondateur, le Besht. Entre la figure rayonnante du Baal Shem Tov et l’intransigeance tourmentée du disciple dissident, « était-il bon de vivre le cœur écartelé ? Pour moi, il n’y avait pas de choix… L’un m’apprenait le chant, l’autre le silence ». Un livre difficile mais comportant des pages magnifiques. Il est hélas épuisé.  Heschel a écrit de nombreux autres ouvrages, en anglais, en allemand et en hébreu. Sur Heschel lui-même son parus deux livres en français : 
La Sainteté en paroles Abraham Heschel : piété, poétique, action Par Edward K. Kaplan « Les théologies nous divisent, la théologie des profondeurs nous unit », a souvent répété le grand théologien juif Heschel. C’est cette théologie qu’expose Edward K. Kaplan, en introduisant le lecteur dans les écrits et la philosophie existentielle d’un maître à penser chez qui l’intériorité spirituelle nourrit l’engagement dans le monde. 
Un tsaddiq dans la cité Abraham J. Heschel Les editions du nadir Passeur de judaïsme, telle pourrait être la juste définition de la vie de cet « homme convoqué » que fut Abraham Heschel. Héritier d’un lignage aristocratique du hassidisme, philosophe écrivain, théologien poète, auteur d’une oeuvre sans égale – et trop peu connue. Une oeuvre toute de méditations métaphysiques, de perspectives éducatives, de stylistique poétique. L’oeuvre d’une présence du monde profané d’après la « catastrophe ». Construire tel un oratorio qui en enjamberait les ténèbres. Ou se déplie le rappel d’un judaïsme compris non comme une culture, mais comme une civilisation. Citation :
La Bible est sainteté en paroles . … C’est comme si Dieu avait pris ces paroles hébraïques et leur avait insufflé quelque chose de Sa puissance ; dès lors, les paroles sont devenues comme un fil électrique animé, chargé de Son esprit. De nos jours encore, elles constituent des traits d’union entre le ciel et la terre. Heschel, 1955 
http://en.wikipedia.org/wiki/Abraham_Joshua_Heschel
Dieu en quête de l’homme - de Abraham Heschel  dans Approfondissement 0701je86

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Appel de 56 euro députés contre les libéralisation de l’avortement à Portugal

10 février, 2007

Du site « Zenith » : 

Appel de 56 euro députés contre les libéralisation de l’avortement à Portugal 

BRUXELLES, jeudi, 8 février 2007 (ZENIT.org). – 56 euro députés ont manifesté sa contrariété pour le référendum sur les libéralisations de l’avortement qui aura lieu dimanche prochaine, 11 février, à Portugal. Les euro députés, de 18 Pays – Italie, Hollande, Allemagne, Malta, Belgique, Portugal, Royaume uni, Pologne, Slovaquie, Espagne, Autriche, Slovénie , Irlande, Grèce, République Tchèque, Hongrie, France et Finlande – « manifestent ses préoccupation et leurs critique vis-à-vis de cette nouvelle tentative de libéralisations de l’avortement à Portugal », loi dans une déclaration datée janvier 2007. « Les plus récents progrès dans le champ de la science et de la médicine rendent encor plus évident l’existence qu’un être humain dans le ventre maternel, en devant ceci mériter la protection adaptée à ses circonstances et à sa fragilité », ils soutiennent. En vertu de ces nouvelles connaissances, « il se discute aujourd’hui dans la plupart des États européens sur la limitation de la pratique de l’avortement et pas sur ses libéralisations », que les signataires définissent « anachronique et obscurantiste ». Aussi n n’ignorant pas « le drame des femmes qui avortent », les politiciens retiennent que « l’avortement sure demande ment de la femme représente un grave pas en arrière en n’ignorant pas au niveau de civilisation et une déraisonnable violation du droit à la vie de l’enfant de dix semaines de vie ». « Et elle est même une violence contre la femme et sa dignité banaliser l’avortement comme s’il était un moyen contraceptif », ajoutent. « En considérant les effets dévastant à niveau individuel, social et démographique qui les libéralisations de l’avortement dans quelques de nos Pays a provoqué, nous nous appelons à peuple portugais pour qu’il ne choisisse pas cette de fausses réponses à des problèmes complexes », ils soutiennent. « Les Portugais méritent de mieux », concluent les euro députés. 

De Regensburg une leçon sur le rôle de la raison dans l’existence humaine de JB. VU

10 février, 2007

Du site « AsiaNews » (traduction) : 

VIETNAM – 

De Regensburg une leçon sur le rôle de la raison dans l’existence humaine de JB. VU 

Le directeur de le centre pastorale de Ai Qui Minh City souligne que le « lectio » de Benoît XVI en affrontant la question de la raison dans la foi donne à soutien dans la comparaison avec la société de bien être. 

J’ai Qui Minh City (Asianews) – la « leçon » de Bénit XVI à Regensburg a été une réflexion sur le rapport entre foi et raison et « est importante réfléchir sur le rôle de la raison dans l’actuelle société, frappée du bien être ». Selon père Peter Nguyen Van Kham, directeur de le centre pastorale de l’ archidiocèse de Ai Qui Minh City, « la lecture de la situation réelle offerte de le Pape est un grand évènement et est une leçon pour tous ». « Sa leçon – il dit en parlant avec AsiaNews – était visée sur  le rapport entre foi et raison et sur le rôle de la raison dans la foi. Plus des parties, par contre, on a parlé seulement d’une phrase, en l’enlevant de le conteste et en perdant de vue l’objectif du discours. Dans la lecture du Saint Père nous écoutons et apprenons de la foi et de la raison. Il a la ressource d’une vaste connaissance et des profonde analyse sur l’histoire des idées humaines qu’ils ont donné des origine aux modalités de vivre « . « Aujourd’hui – il continue – partout, en mode majeure ou minore, le bine être frappe des personnes et des Pays. Pour ceci il est important regarder au rôle de la raison dans l’existence humaine, autrement face aux maux sociaux, nous et les nouvelles générations nous nous trouvons moralement en crise face à l’existence « . Un jeune de 17 ans, hôte de Centre de réhabilitation, explique à AsiaNews : « j’étais vraiment déçu de la vie, mes parents querellaient continuellement, ainsi me suis donné à drogue ». « Ma famille – il dit une fille du lycée – était l’enfer en terre : mes parents ne s’occupaient jamais de moi, ils ne me demandaient rien et ils ne parlaient pas avec moi. J’ai suivi mes amis, et pour deux ans j’ai été une droguée « . « Aujourd’hui – il conclut – autour des jeunes il y a beaucoup de pièges. Nous avons besoin d’écouter le Pape qu’elle dit de ne pas perdre la vérité, la bonté et la beauté de la vie catholique « . 

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