Archive pour la catégorie 'Psaumes'

Psaume 17. Au réveil, je me rassasierai de ton visage.

28 mai, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-2360.php

LE PSALMISTE

Mai 2010

Psaume 17. Au réveil, je me rassasierai de ton visage.

Marc Leroy
1 Prière. De David.

Écoute, Yahvé, la justice,
sois attentif à mon cri ;
prête l’oreille à ma prière,
point de fraude sur mes lèvres.
2 De ta face sortira mon jugement,
tes yeux verront où est le droit.

3 Tu sondes mon cœur, tu me visites la nuit,
tu m’éprouves sans trouver en moi d’infamie :
ma bouche n’a point péché 4 à la façon des hommes,
la parole de tes lèvres, moi je l’ai gardée.

Aux sentiers prescrits, 5 affermis mes pas,
à tes traces, que mes pieds ne chancellent.
6 Je suis là, je t’appelle, car tu réponds, ô Dieu !
Tends l’oreille vers moi, écoute mes paroles,
7 signale tes grâces, toi qui sauves
ceux qui recourent à ta droite contre les assaillants.

8 Garde-moi comme la prunelle de l’œil,
à l’ombre de tes ailes cache-moi
9 aux regards de ces impies qui me ravagent ;
ennemis au fond de l’âme, ils me cernent.

10 Ils sont enfermés dans leur graisse,
ils parlent, l’arrogance à la bouche.
11 Ils marchent contre moi, maintenant ils m’encerclent,
ils ont l’œil sur moi pour me terrasser.
12 Leur apparence est d’un lion impatient d’arracher
et d’un lionceau tapi dans sa cachette.

13 Dresse-toi, Yahvé, affronte-le, renverse-le,
par ton épée délivre mon âme de l’impie,
14 des mortels, par ta main, Yahvé,
des mortels qui, dans la vie, ont leur part de ce monde !

Avec tes réserves tu leur rempliras le ventre,
leurs fils seront rassasiés
et ils laisseront le surplus à leurs enfants.
15 Moi, dans la justice, je contemplerai ta face,
au réveil je me rassasierai de ton image.

(Bible de Jérusalem)

Les psaumes 16 et 17 se ressemblent beaucoup. Le genre littéraire du Ps 17 est une prière comme l’indique son titre au v. 1. Le psalmiste trouve dans sa fidélité le fondement de sa confiance en Yahvé. Il est alors certain que sa prière sera entendue. Nous pouvons diviser ce psaume en cinq parties : vv. 1-2, prière envers Yahvé afin qu’Il prête attention ; vv. 3-5, déclaration de fidélité ; vv. 6-9, prière envers Yahvé afin qu’Il prête attention et qu’Il agisse ; vv. 10-12, lamentation ; vv. 13-15, prière envers Yahvé afin qu’Il agisse.

Le psaume est donc fortement structuré par trois moments de prière. Il y a, d’abord, une prière pour que Yahvé prête attention, puis une prière pour qu’Il prête attention et qu’Il agisse, et enfin une prière pour qu’Il agisse seulement.

Les deux premières prières sont développées dans les versets qui suivent. Ainsi, la première prière affirme l’honnêteté du suppliant qui sera, par la suite, développée dans la déclaration de fidélité. La deuxième prière demande d’être délivré des impies, et la lamentation est un développement sur eux.

Les références à des parties du corps, celui du psalmiste, ceux des assaillants, celui de Dieu, sont nombreuses à travers ce psaume et lui donnent une belle unité : lèvres (v. 1.4) ; face (v. 2.15) ; yeux/oeil (v. 2.8.11) ; cœur (v. 3) ; bouche (v. 3.10) ; pieds (v. 5) ; oreille (v. 6) ; [main] droite/main (v. 7.14) ; ventre (v. 14).

vv. 1-2 : le psaume commence par un appel vers Dieu afin qu’Il écoute la prière du suppliant et qu’Il y réponde. Le v. 1 comporte trois impératifs (« écoute ! » ; « sois attentif ! » ; « prête l’oreille ! ») dont le complément d’objet est, à chaque fois, la voix du psalmiste car la prière est à la fois un son et un contenu. Le psalmiste se présente comme quelqu’un qui n’a « point de fraude sur ses lèvres », c’est-à-dire comme l’exact opposé de ses ennemis qui, eux, parlent « l’arrogance à la bouche » (cf. v. 10). Les lèvres du psalmiste (v. 1) se conforment à ce qu’ont dit les lèvres divines (v. 4).

La prière prend un sens juridique avec des mots comme « justice », « jugement », « droit ». C’est comme un procès en appel, et on attend de Dieu, le juge de la cour céleste, une décision de justice.

vv. 3-5 : La question de la fidélité est au cœur de ce passage car les ennemis du psalmiste vont remettre en cause son intégrité même. Dieu ne sait pas d’emblée ce qu’il y a à l’intérieur de l’homme, mais Il doit faire l’effort d’aller voir ce qu’il y a à l’intérieur du suppliant, de sonder son cœur, de le visiter la nuit. Cela montre combien Dieu veut s’intéresser à nous, combien Il peut se montrer attentif vis-à-vis de notre existence ou de nos pensées. Toutefois, le vocabulaire employé, celui du sondage, de la visite, dénote un contexte un peu difficile qui n’est pas sans rappeler l’expérience de Job où l’on voit Dieu venir « l’inspecter chaque matin, le scruter à tout moment » (cf. Jb 7,18). La nuit se révèle être le moment propice où Dieu peut connaître les pensées intimes de l’homme, en particulier à travers les rêves et les songes.

On passe du registre de la voix et du son au registre des pas, des traces, et des pieds au v. 5. Le psalmiste veut réaffirmer son entière fidélité envers Dieu en déclarant qu’il met ses pieds dans ses traces, qu’il veut continuer à suivre ses chemins.

vv. 6-9 : alors qu’au v. 6, il est encore question de prêter l’oreille, au v. 7, le psalmiste demande à Dieu d’agir concrètement, de manifester ses grâces. Le suppliant prie le Seigneur d’agir comme Il le fit naguère envers le peuple d’Israël lors du miracle de la mer Rouge. De la même façon, qu’autrefois, Yahvé sauva Israël des mains des Égyptiens (cf. Ex 14,30), le psalmiste demande à Dieu de le sauver de ses assaillants. Contre ceux qui se dressent pour l’attaquer (v. 7), le psalmiste va demander à Dieu de se dresser à son tour (v. 13).

Le v. 8, par ses allusions, renvoie également au début de l’histoire du peuple d’Israël (cf., avec l’image de l’aigle, Dt 32,10-11). Le psalmiste cherche à se cacher à l’ombre des ailes de Yahvé (v. 8) alors que les impies cherchent à se cacher pour mieux attaquer (v. 12). L’image est suggérée, dans l’Ancien Testament, par les ailes des Chérubins qui couvraient l’Arche de l’Alliance (cf. Ex 25,20). En Égypte, le Pharaon peut être représenté avec les ailes du dieu faucon Horus lui protégeant la nuque. On retrouvera également l’idée des ailes protectrices dans le Nouveau Testament lorsque Jésus dit : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes ».

vv. 10-12 : Il y a un contraste dans la façon d’utiliser leur bouche entre le psalmiste (cf. v. 3 : « ma bouche n’a point péché ») et ses opposants (cf. v. 10 : « ils parlent, l’arrogance à la bouche »). La « bouche » peut servir à la louange divine comme à répandre des propos mensongers. L’expression « ils sont enfermés dans leur graisse » veut dire qu’ils ne veulent pas changer d’attitude et de vie. La graisse est le symbole d’une orgueilleuse rébellion. Au v. 2, les yeux de Yahvé voient où est le droit, au v. 11, l’œil de l’assaillant cherche à terrasser le suppliant. Celui-ci le compare à un lion qui cherche le meilleur moment pour surgir de sa cachette et le déchiqueter.

vv. 13-15 : On retrouve une prière vers Dieu afin qu’Il agisse. Au v. 13, nous avons encore trois impératifs : « dresse-toi ! » ; « affronte-le ! » ; « renverse-le ! ». Le psalmiste demande à Yahvé de se lever contre des assaillants qui se sont eux-mêmes dressés contre lui au v. 7. Le v. 15, enfin, termine le psaume dans un grand sentiment de confiance en l’avenir. Alors que le v. 14 parlait d’avoir le ventre rassasié, le v. 15 parle d’être rassasié de l’image de Dieu. Puisque les impies ne vivent que pour des biens terrestres, Dieu les en gavera. Le mal que Yahvé n’aura pas fait aux impies, Il devra en remplir le ventre de leurs fils et il restera encore un surplus pour leurs enfants car, d’après Ex 20,5 et Dt 5,9, le châtiment des crimes des pères doit retomber sur les fils jusqu’à la troisième génération.

Le psalmiste, qui se sent mis en danger par le regard de ses ennemis, demande à Yahvé de pouvoir contempler sa Face et de s’en rassasier. Contrairement à Ex 33,20, où il est dit que l’homme ne peut voir la Face de Dieu et vivre, le psalmiste affirme ici qu’il peut contempler la Face de Dieu. Après avoir invité Dieu à le visiter la nuit (cf. v. 3), le suppliant est sûr de sa fidélité, il sait qu’au matin il se réveillera en présence de Dieu.

Contempler la Face de Dieu, c’est ce que le chrétien fait chaque fois qu’il contemple le visage de Jésus.
Une invitation mensuelle à découvrir un psaume, son message et son histoire.
Responsable :
Michel Gourgues
Collège universitaire dominicain

Les 150 Psaumes, un itinéraire spirituel

15 mai, 2010

du site:

http://biblio.domuni.org/articlesbible/saveur/saveur_a9.htm#P95_62519

Les 150 Psaumes, un itinéraire spirituel

Avec l’habitude de prier les Psaumes, on s’aperçoit que leur ordre n’est pas fortuit. Diverses sont les distributions psalmiques pour l’Office, mais celles qui privilégient une certaine continuité numérique s’avèrent, à l’expérience, plus à même de faire entrer dans le mystère qui se déploie du 1er au 150e.

Il faut bien avouer qu’une première lecture du livre des Psaumes laisse une impression de pêle-mêle : on passe d’un psaume d’appel au secours à un voisin qui n’est que d’apaisement (Ps 3 et 4), par exemple, ou bien d’une lamentation nationale (Ps 43) à un cantique nuptial messianique (Ps 44), ou encore d’un petit psaume qui chérit Jérusalem (Ps 86) au psaume le plus noir de tous qui s’achève sur la déréliction dans les ténèbres inextricables (Ps 87). On croirait que ces Louanges ont été numérotées au petit bonheur ou mélangées par erreur ; l’unité qui leur vient de leur auteur ou référence privilégiée, qui est David, le roi-chantre, ne semble qu’assez artificielle, même si le « bien-aimé » a su donner le ton de l’ensemble ; son éloge par Ben Sira nous émeut encore :

« Dans toutes ses œuvres, il rendit hommage
au Saint Très-Haut dans des paroles de gloire ;
de tout son cœur il chanta,
montrant son amour pour son Créateur.
Il établit devant l’autel des chantres,
pour émettre les chants les plus doux. » (47, 8-9)

Certes, on voit apparaître des groupes caractérisés, comme les Psaumes du Règne (de 92 à 100 sauf exception) ou les Psaumes graduels (119 à 133), mais la plupart des pièces se succèdent sans cohérence historique, thématique ou littéraire. Cependant, au-delà de cet aimable désordre de la vie, qui apparaît d’abord, une structure se dégage, aussi complexe et solide que la formule de la chlorophylle.

On sait que le Psautier est divisé en cinq livres (1-40 ; 41-71 ; 72-89 ; 90-105 ; 106-150) qui ne sont pas d’égale ampleur ni de semblable contenu ; ils s’achèvent par un Amen sonore, parfois répété, qui souligne la nature liturgique des psaumes. Il vient à l’esprit que ces cinq livrets pourraient être liés aux cinq rouleaux de la Torah, mais le parallélisme n’est pas très évident. Plus qu’une analyse fouillée repérant des liens savamment établis, c’est la longue pratique de la psalmodie qui a laissé percevoir aux croyants la progression spirituelle qu’offrent les 150 psaumes en leur continuité numérique, ou encore la construction de cette immense symphonie7b de l’âme et des âmes, qui se développe tout au long de ces chants, avec ses mouvements successifs et la reprise de ses thèmes.

Les commentateurs juifs ont su de longue date montrer la personnalité de chacun des cinq livres du Psautier. Dans ses Liminaires sur les Psaumes, qui sont un vrai joyau de finesse et de français, André Chouraqui nous le dit :

« L’exégèse hébraïque nous offre peut-être la clé du plan qui inspira la composition du Psautier lorsqu’elle suggère que la doctrine des cinq livres des Psaumes est la même que celle des cinq Livres de Moïse, dont ils constituent le commentaire symphonique. Une grande rigueur semble avoir présidé au classement des Psaumes à l’intérieur du Recueil , tel que nous le connaissons aujourd’hui. » « Le Premier Livre est presque entièrement consacré à nous décrire les péripéties de la guerre que le Réprouvé livre au Juste. » « Le Livre Deuxième nous introduit dans un univers dominé par des accents plus sereins. Non plus le drame de la guerre contre le Réprouvé, mais celui des exils de l’âme, nous enseignent les Docteurs. » « Les dix-sept Psaumes du Livre Troisième constituent la collection médiane, la plaque tournante du Psautier. Elle est massive, statique, une implacable méditation du passé dans l’attente des fins dernières. » « Avec le Quatrième Livre, le cap des sacrifices semble franchi ; nous pénétrons dans la joie sans mélange des puissances du Seigneur. »8i « Le Livre Cinquième nous fait gravir les derniers sommets de la montagne sainte [...] jusqu’aux tout-puissants accords de l’allegro final. »

Chez les Pères, saint Grégoire de Nysse est un des premiers à montrer cette progression spirituelle :

« Le Psautier est divisé en cinq parties, écrit-il en commentant le dernier psaume ; et nous avons remarqué qu’elles s’élèvent les unes au-dessus des autres en une suite régulière comme les degrés d’une échelle. Puis nous avons discerné, à partir de signes convenus, que les derniers mots de chaque section marquent comme un arrêt du discours, une cadence de la pensée ; ils délimitent ce qui précède par une expression de louange et d’action de grâces : « Béni soit le Seigneur dans les siècles des siècles : Amen, Amen. » Ces mots signifient une action de grâces qui dure éternellement, vu qu’on ne se contente pas de dire une seule fois « Amen », mais qu’on reprend une deuxième fois en signe de perpétuité dans l’action de grâces. Et en chacune des parties ainsi sectionnées, il nous a été donné d’observer un bien particulier d’où nous vient, par l’action divine, la béatitude. Parcourant à la suite et dans l’ordre chacun des biens examinés, notre âme se trouve toujours placée dans la direction d’un bien plus élevé, afin de parvenir un jour au suprême bonheur. Ce bonheur est la louange divine pleinement accomplie en tous les saints, selon ce que dit le psaume final : « Louez Dieu en ses saintes demeures. » »

Nous retrouvons tout l’élan spirituel – l’épectase, c’est-à-dire « l’extension » venue du désir intérieur – qui est au fond de la doctrine de saint Grégoire de Nysse : « Le bien obtenu est sans cesse plus grand que le bien précédent ; il ne met pas pour autant un terme à la quête, mais l’obtention d’un bien devient commencement d’une découverte de biens plus élevés pour ceux qui progressent. Celui qui monte ne s’arrête jamais, allant de commencement en commencement, et le commencement des biens toujours plus grands n’a jamais de fin. » Pour lui, la psalmodie apparaît comme le chant de l’âme qui ne cesse de monter vers Dieu, telle une alouette : elle « trouve toujours dans ce qu’elle a réalisé un nouvel élan pour voler plus haut. »

Parmi nos contemporains, Divo Barsotti a su expliciter avec délicatesse les montées de l’âme. Même si « parmi les derniers psaumes il en est de dramatiques où apparaît encore la souffrance, et peut-être le péché, on doit cependant reconnaître qu’il existe une progression vers la lumière. De l’expérience de la douleur, du péché et de la mort, l’homme s’avance, de psaume en psaume, vers la louange divine. Au centre, pour ainsi dire du psautier, se trouvent les psaumes de la royauté ; ensuite viennent les psaumes des pèlerinages ; et finalement les derniers psaumes ne sont plus qu’une louange. » Pour caractériser les étapes de ce cheminement de l’homme et de l’humanité, Divo Barsotti voit la nuit dans le premier livre des Psaumes ; le matin dans le second ; au troisième on arrive au plein midi ; le règne de Dieu, qui n’a pas de couchant, occupe le quatrième, tandis que le cinquième développe la louange que l’homme et l’univers, en Église, rendent à Dieu.

Pape Benoît, commentaire Psaume 125 (messe du dimanche 21 mars 2010)

19 mars, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2005/documents/hf_ben-xvi_aud_20050817_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 17 août 2005

Dieu notre joie et notre espérance
Lecture:  Ps 125, 1-5

1. En écoutant les paroles du Psaume 125, on a l’impression de voir défiler devant les yeux l’événement chanté dans la seconde partie du Livre d’Isaïe:  le « nouvel exode ». C’est le retour d’Israël de l’exil de Babylone à la terre des pères à la suite de l’édit du roi de Perse Cyrus en 538 avant J.-C. Alors se répéta l’expérience joyeuse du premier exode, lorsque le peuple juif fut libéré de l’esclavage d’Egypte.

Ce Psaume revêtait une signification particulière lorsqu’il était chanté les jours où Israël se sentait menacé et effrayé, car soumis de nouveau à l’épreuve. Le Psaume comprend effectivement une prière pour le retour des prisonniers du moment (cf. v. 4). Il devenait ainsi une prière du Peuple de Dieu sur son itinéraire historique, pavé de dangers et d’épreuves, mais toujours ouvert à la confiance en Dieu Sauveur et Libérateur, soutien des faibles et des opprimés.

2. Le Psaume introduit une atmosphère de joie:  on sourit, on se réjouit de la liberté obtenue, des lèvres s’élèvent des chants de joie (cf. vv. 1-2).

La réaction face à la liberté rendue est double. D’un côté, les nations païennes reconnaissent la grandeur du Dieu d’Israël:  « Merveilles que fit pour eux Yahvé » (v. 2). Le salut du peuple élu devient une preuve limpide de l’existence efficace et puissante de Dieu présent et actif dans l’histoire. De l’autre côté, c’est le peuple de Dieu qui professe sa foi dans le Seigneur qui sauve:  « Merveilles que fit pour nous Yahvé » (v. 3).

3. La pensée va ensuite vers le passé, revécu avec un frisson de peur et d’amertume. Nous voudrions fixer notre attention sur l’image liée à l’agriculture utilisée par le Psalmiste:  « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant » (v. 5). Sous le poids du travail, le visage est parfois sillonné de larmes:  on accomplit une semence difficile, peut-être vouée à l’inutilité et à l’échec. Mais lorsqu’arrive la moisson abondante et joyeuse, on découvre que cette douleur a été féconde.

Dans ce verset du Psaume est résumée la grande leçon sur le mystère de fécondité et de vie que peut contenir la souffrance. Précisément comme l’avait dit Jésus au seuil de sa passion et de sa mort:  « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).

4. L’horizon  du  Psaume  s’ouvre ainsi à une moisson de fête, symbole de la joie engendrée par la liberté, la paix et la prospérité, qui sont le fruit de la bénédiction divine. Cette prière devient alors un chant d’espérance, auquel recourir lorsque l’on est plongé dans le temps de l’épreuve, de la peur, de la menace extérieure et de l’oppression intérieure.

Mais il peut également devenir un appel plus général à vivre ses jours et à accomplir ses choix dans un climat de fidélité. La persévérance dans le bien, même si elle est incomprise et contrariée, débouche toujours à la fin sur un phare de lumière, de fécondité, de paix.

C’est ce que saint Paul rappelait aux Galates:  « Qui sème dans l’Esprit, récoltera de l’Esprit la vie éternelle. Ne nous lassons pas de faire le bien; en son temps viendra la récolte, si nous ne nous relâchons pas » (Ga 6, 8-9).

5. Nous concluons par une réflexion de saint Bède le Vénérable (672/3-735) sur le Paume 125 commentant les paroles par lesquelles Jésus annonçait à ses disciples la tristesse qui les attendait et la joie qui devait jaillir de leur affliction (cf. Jn 16, 20).

Bède rappelle que « pleuraient et se lamentaient ceux qui aimaient le Christ lorsqu’ils le virent capturé par les ennemis, ligoté, conduit au jugement, condamné, fouetté, ridiculisé, et enfin crucifié, frappé par la lance et enseveli. Au contraire, ceux qui aimaient le monde se réjouissaient,… lorsqu’ils condamnèrent à une mort terrible celui dont la seule vue leur était insupportable. Les disciples furent attristés par la mort du Seigneur, mais, ayant appris sa résurrection, leur tristesse se transforma en joie; ayant vu ensuite le prodige de l’ascension, avec une joie encore plus grande, ils louèrent et bénirent le Seigneur, comme en témoigne l’évangéliste Luc (cf. Lc 24, 53). Mais ces paroles du Seigneur s’adaptent à tous les fidèles qui, à travers les larmes et les douleurs du monde, s’efforcent de parvenir aux joies éternelles, et qui, à juste titre, pleurent à présent et sont tristes, parce qu’ils ne peuvent pas encore voir celui qu’ils aiment et parce que, jusqu’à ce qu’ils demeurent dans leur corps, ils savent qu’ils sont loin de leur patrie et de leur royaume, même s’ils sont certains de parvenir, à travers leurs difficultés et leurs luttes, à la récompense. Leur tristesse se transformera en joie lorsque, une fois terminée la lutte de cette vie, ils recevront la récompense de la vie éternelle, selon ce que dit le Psaume:  « Celui qui sème dans les larmes, récoltera dans la joie »" (Homélies sur l’Evangile, 2, 13:  Collection de Textes patristiques, XC, Roma 1990, pp. 379-380).

Psaume 142: Prière dans la souffrance

25 février, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-5911?l=french

Psaume 142: Prière dans la souffrance

CITE DU VATICAN, Mercredi 16 juillet 2003 (ZENIT.org) – Voici la traduction de l’italien de l’allocution de Jean-Paul II lors de l’Audience générale du 9 juillet 2003, selon la traduction de L’Osservatore Romano en langue française du 15 juillet.

Lecture: Ps 142, 1.6-7.10-11

1. Le Psaume 142 qui vient d’être proclamé est le dernier de ceux que l’on appelle les « Psaumes de pénitence » du groupe des sept supplications présentes dans le Psautier (cf. Ps 6; 31; 37; 50; 101; 129; 142). La tradition chrétienne les a tous utilisés pour invoquer du Seigneur le pardon des péchés. Le texte que nous voulons approfondir aujourd’hui était particulièrement cher à saint Paul, qui en avait déduit une culpabilité radicale dans toute créature humaine: « Nul vivant n’est justifié devant toi » (v. 2). Cette phrase est reprise par l’Apôtre comme base de son enseignement sur le péché et la grâce (cf. Ga 2, 16; Rm 3, 20).

La Liturgie des Laudes nous propose cette supplication comme une intention de fidélité et une imploration d’aide divine au début de la journée. En effet, le Psaume nous fait dire à Dieu: « Fais que j’entende au matin ton amour, car je compte sur toi » (Ps 143 [142], 8).

2. Le Psaume commence par une invocation intense et insistante adressée à Dieu, fidèle à ses promesses concernant le salut offert au peuple (cf. v. 1). L’orant reconnaît ne pas avoir de mérites à faire valoir et demande donc humblement à Dieu de ne pas le juger (cf. v. 2).

Puis il décrit de la situation dramatique, semblable à un cauchemar mortel, dans laquelle il se débat: l’ennemi, qui est la représentation du mal présent dans l’histoire et le monde, l’a conduit au seuil de la mort. En effet, le voici tombé dans la poussière de la terre, qui est déjà une image du sépulcre; voici les ténèbres, qui sont la négation de la lumière, signe divin de vie; voici, enfin, « ceux qui sont morts à jamais », c’est-à-dire les défunts (cf. v. 3), parmi lesquels il lui semble avoir été déjà relégué.

3. L’existence même du Psalmiste est dévastée; le souffle lui manque désormais et son coeur semble un morceau de glace, incapable de continuer à battre (cf. v. 4). Le fidèle, atterré et écrasé, n’a plus que les mains de libres, qui s’élèvent vers le ciel en un geste qui est, dans le même temps, une imploration d’aide et une recherche de soutien (cf. v. 6). Sa pensée, en effet, retourne au passé où Dieu a accompli des prodiges (cf. v. 5).

Cette étincelle d’espérance réchauffe le gel de la souffrance et de l’épreuve dans lequel l’orant se sent plongé et sur le point d’être emporté (cf. v. 7). La ten-sion, toutefois, demeure profonde; mais un rayon de lumière semble se profiler à l’horizon. Nous passons ainsi à l’autre partie du Psaume (cf. vv. 7-11).

4. Celle-ci s’ouvre sur une invocation nouvelle et pressante. Le fidèle, sentant presque que sa vie lui échappe, lance son cri à Dieu: « Viens vite, réponds-moi Yahvé, je suis à bout de souffle » (v. 7). Il a même peur que Dieu lui ait caché sa face et se soit éloigné, abandonnant sa créature et la laissant seule.

La disparition de la face divine plonge l’homme dans le désespoir, et même dans la mort, car le Seigneur est la source de la vie. C’est précisément une fois arrivé à cette sorte d’ultime frontière que fleurit la confiance dans le Dieu qui n’abandonne pas ses fidèles. L’orant multiplie ses invocations et les renforce de déclarations de confiance dans le Seigneur: « car je compte sur toi [...] car vers toi j’élève mon âme [...] près de toi je suis à couvert [...] car c’est toi mon Dieu… ». Il demande à être délivré de ses ennemis (cf. vv. 8-10) et libéré de l’angoisse (cf. v. 11), mais il fait également une autre demande de façon répétée, qui manifeste une profonde aspiration spirituelle: « Enseigne-moi à faire tes volontés, car c’est toi mon Dieu » (v. 10a; cf. vv. 8b.10b.). Nous devons faire nôtre cette demande admirable. Nous devons comprendre que notre bien le plus grand est l’union de notre volonté à la volonté de notre Père céleste, car ce n’est qu’ainsi que nous pouvons recevoir en nous tout son amour, qui nous appporte le salut et la plénitude de la vie. Si elle n’est pas accompagnée d’un puissant désir de docilité à Dieu, la confiance en Lui n’est pas authentique.

L’orant en est conscient et exprime donc ce désir. Il formule alors une véritable profession de confiance dans le Dieu sauveur, qui libère de l’angoisse et redonne le goût de vivre, au nom de sa « justice », c’est-à-dire de sa fidélité bienveillante et salvifique (cf. v. 11). Partie d’une situation extrêmement angoissante, la prière a abouti à l’espérance, à la joie et à la lumière, grâce à une adhésion sincère à Dieu et à sa volonté, qui est une volonté d’amour. Telle est la puissance de la prière, qui engendre la vie et le salut.

5. En fixant le regard sur la lumière du matin de la grâce (cf. v. 8), saint Grégoire le Grand, dans son commentaire sur les sept Psaumes pénitentiels, décrit ainsi l’aube d’espérance et de joie: « C’est le jour illuminé par le véritable soleil qui ne connaît pas le crépuscule, que les nuages n’assombrissent pas et que la brume ne voile pas…

Lorsqu’apparaîtra le Christ, notre vie, et que nous commencerons à voir Dieu, à visage découvert, alors, toute obscurité disparaîtra des ténèbres, toute brume de l’ignorance s’évanouira, tout nuage de tentation se dissipera.. Ce sera le jour lumineux et splendide, préparé pour tous les élus par Celui qui nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a conduits au royaume de son Fils bien-aimé.

Le matin de ce jour est la résurrection future… Ce matin-là, le bonheur des justes brillera, la gloire apparaîtra, la joie jaillira, lorsque Dieu sèchera toute larme des yeux des saints, lorsque la mort sera enfin vaincue, lorsque les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume du Père.

Ce matin-là, le Seigneur fera connaître sa miséricorde… en disant: « Venez, les bénis de mon Père » (Mt 25, 34). Alors, sera manifestée la miséricorde de Dieu, que l’âme humaine ne peut concevoir dans la vie présente. Car le Seigneur a en effet préparé, pour ceux qui l’aiment, ce que l’oeil ne vit pas, ce que l’oreille n’entendit pas et qui n’entra jamais dans le coeur de l’homme » (PL 79, col. 649-650).

La joie du pardon. Une lecture du Psaume 31 (32)

2 novembre, 2009

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-1852.php

La joie du pardon. Une lecture du Psaume 31 (32)

Jean Duhaime

Nos relations avec les autres et avec Dieu nous conduisent parfois dans des situations qui nous paraissent sans issue. En proie au désespoir, nous cherchons quelqu’un ou quelque chose à qui nous raccrocher. Le Psaume 31 (32) nous fait entrer dans une expérience semblable.

LE THÈME DU PSAUME ET SA STRUCTURE

La personne mise en scène dans ce psaume manifeste publiquement sa joie d’être délivrée d’une grande souffrance. L’épreuve dont elle est sortie a été pour elle une occasion de s’interroger sur sa propre conduite et de faire une démarche de réconciliation avec Dieu. Dans la première partie du psaume (v. 1-5), le fidèle proclame d’abord le bonheur des personnes délivrées de leurs fautes. Puis il décrit son propre malheur et l’expérience qu’il a faite du pardon de Dieu. Dans la deuxième partie (v. 6-11), il affirme sa certitude que Dieu le conduit sur la bonne voie et il invite les cœurs droits à se réjouir avec lui.

L’EXPÉRIENCE DE SOUFFRANCE

Pour parler de sa souffrance, le psalmiste dit que ses os « se consumaient à rugir tout le jour » (traduction de la Bible de Jérusalem) et que son cœur était comme un champ brûlé par le soleil et la chaleur torride de l’été (v. 3-4). Ces expressions suggèrent un mal d’une forte intensité, une sorte de feu intérieur qui épuise les forces, ne laisse aucun répit et arrache des plaintes d’animal blessé. Rien ne permet de savoir s’il s’agit d’une douleur physique ou d’une souffrance psychologique. Le psaume résiste à tout diagnostic médical précis ; chacun de nous, dans ses moments de souffrance ou d’angoisse, peut s’y reconnaître.

LE SENS DONNÉ À LA SOUFFRANCE

Comme n’importe qui le ferait dans pareille situation, le psalmiste cherche la cause de son mal afin d’en sortir. Dans la mentalité et la culture de son temps, le bonheur comme le malheur viennent de Dieu. Pour employer les mots du psaume, la « main » de Dieu pèse sur lui « le jour et la nuit ». Pourquoi ? Le psalmiste évoque une faute, un tort, un péché qu’il aurait commis et qu’il aurait tenté de dissimuler, espérant peut-être que Dieu ne s’en apercevrait pas. Cette attitude fait penser à la réaction du premier couple humain après sa désobéissance (Genèse 3, 8-10). Le psaume ne donne pas d’autre détail qui permettrait d’identifier la nature des péchés ; il pourrait s’agir des miens ou des vôtres, aussi bien que de ceux du psalmiste. Pour Dieu, la maladie et la souffrance ne sont pas des façons de punir un coupable, même si le psaume dit plus loin : « Pour le méchant, douleurs sans nombre. » (v. 10) Pour qui sait la décoder, la souffrance peut être une invitation à la réconciliation, à faire le point sur sa relation avec Dieu et, en quelque sorte, à la purifier.

RÉACTION DEVANT LA SOUFFRANCE

Ayant ainsi compris son malheur, le psalmiste se décide à « jouer franc jeu » avec Dieu. Plutôt que de s’enfoncer indéfiniment dans la souffrance, il préfère courir le risque de reconnaître ses torts. Il fait alors une autre expérience, celle du pardon libérateur accordé par Dieu. Dieu peut acquitter et tourner la page définitivement. Il tient des comptes mais efface les dettes dans ses rapports avec les humains. Comme le fils perdu et retrouvé de la parabole de Jésus (Luc 15, 11-32), le psalmiste découvre la tendresse et l’affection de Dieu qui sera désormais son refuge au milieu de l’angoisse (v. 6). Dieu lui montre un chemin vers le bonheur (v. 8).

POUR AUJOURD’HUI

Encore aujourd’hui, beaucoup de gens interprètent la maladie ou la souffrance à la manière du psalmiste, comme un avertissement de Dieu ou une punition pour les péchés. Jésus, lui, refusait cette interprétation. Quand on lui demande : « Pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? », il répond sans hésiter : « Ni lui, ni ses parents. » (Jean 9, 2-3)

Le langage du Psaume 31 n’a cependant rien perdu de sa pertinence car il peut rejoindre des situations que nous vivons régulièrement dans nos relations avec Dieu ou avec les êtres qui nous entourent. Il nous arrive parfois de prononcer des paroles ou de poser des gestes qui peuvent faire très mal à l’autre, sans toujours le vouloir. La tentation est forte, alors, de nous enfermer dans le silence et de couper les ponts. Les situations ambiguës, qui n’ont pas été réglées, peuvent devenir des boulets à traîner jour et nuit, comme un cancer qui ronge les os. L’exemple du psalmiste nous invite, dans une telle situation, à oser faire le premier pas vers l’autre, à tenter une démarche de clarification et de réconciliation.

Et s’il nous arrive d’être en position de victime – ce qui est ici paradoxalement la position de Dieu –, ce psaume nous propose, chaque fois que cela est possible, de mettre tout en œuvre pour que la vérité soit faite et que les torts soient réparés. Mais pas de vérité sans pardon : un pardon sincère, qui libère, qui ouvre des chemins d’humanité et qui rende la joie à nouveau possible. Dans le « Notre Père », nous demandons à Dieu de nous pardonner nos offenses « comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Ce psaume nous invite à apprendre de Dieu lui-même ce qu’est un pardon authentique : un pardon qui délivre vraiment du mal aussi bien la victime que l’offenseur.

Pape Benoît: Ps 129, 1-6 « Des profondeurs je crie vers Toi » (19 octobre 2005)

1 novembre, 2009

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2005/documents/hf_ben-xvi_aud_20051019_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 19 octobre 2005

Lecture:  Ps 129, 1-6

« Des profondeurs je crie vers Toi »
 
1. L’un des Psaumes les plus célèbres et aimés de la tradition chrétienne vient d’être proclamé:  le De profundis, ainsi appelé à partir des premiers mots de sa version latine. Avec le Miserere, celui-ci est devenu l’un des Psaumes pénitentiels préférés de la dévotion populaire.

Au-delà de son application funèbre, le texte est avant tout un chant à la miséricorde divine et à la réconciliation entre le pécheur et le Seigneur, un Dieu juste, mais toujours prêt à se révéler comme le « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché » (Ex 34, 6-7). C’est précisément pour cette raison que notre Psaume se trouve inséré dans la liturgie vespérale de Noël et de tout l’octave de Noël, ainsi que dans celle du IV dimanche de Pâques et de la solennité de l’Annonciation du Seigneur.

2. Le Psaume 129 s’ouvre par une voix qui monte des profondeurs du mal et de la faute (cf. vv 1-2). Le moi de l’orant s’adresse au Seigneur en disant:  « Je crie vers toi, Yahvé ». Le Psaume se développe  ensuite  en  trois moments consacrés au thème du péché et du pardon. On s’y adresse avant tout à Dieu, interpellé directement par un tutoiement:  « Si  tu  retiens  les  fautes, Yahvé, Seigneur, qui subsistera? Mais le pardon est près de toi, pour que demeure ta crainte » (vv. 3-4).

Il est significatif que ce qui engendre la crainte, attitude de respect mêlée d’amour, ne soit pas le châtiment, mais le pardon. Plus que la colère de Dieu, c’est sa magnanimité et sa générosité désarmante qui doivent provoquer  en  nous  une sainte crainte. En effet,  Dieu  n’est  pas  un  souverain inexorable qui condamne le coupable, mais un père aimant, que nous devons aimer non par crainte d’une punition, mais pour sa bonté prête à pardonner.

3. Au centre du deuxième moment, se trouve le « moi » de l’orant qui ne s’adresse plus au Seigneur, mais qui parle de lui:  « J’espère, Yahvé, elle espère,  mon  âme en ta parole; mon âme attend le Seigneur plus que les veilleurs de l’aurore » (vv. 5-6). A présent, dans le coeur du Psalmiste repenti fleurissent l’attente, l’espérance, la certitude que Dieu prononcera une parole libératrice et effacera le péché.

La troisième et dernière étape, dans le déroulement du Psaume, s’étend à tout Israël, au peuple souvent pécheur et conscient de la nécessité de la grâce salvifique de Dieu:  « Qu’Israël attende Yahvé! Car près de Yahvé est la grâce, près de lui, l’abondance du rachat; c’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes » (vv. 7-8).

Le salut personnel, auparavant imploré par l’orant, est à présent étendu à toute la communauté. La foi du Psalmiste se greffe sur la foi historique du peuple de l’alliance, « racheté » par le Seigneur non seulement des angoisses de l’oppression égyptienne, mais également de « toutes les fautes ». Nous pensons que le peuple élu, le peuple de Dieu, c’est à présent nous. Notre foi aussi nous greffe sur la foi commune de l’Eglise. Et précisément ainsi, cela nous donne la certitude que Dieu est bon avec nous et nous libère de nos fautes.

En partant du gouffre ténébreux du péché, la supplique du De profundis parvient à l’horizon lumineux de Dieu; où dominent « la miséricorde et la rédemption », deux grandes caractéristiques du Dieu qui est amour.

4. Suivons à présent la méditation que la tradition chrétienne a élaborée sur ce Psaume. Nous choisissons la phrase de saint Ambroise:  dans ses écrits, il rappelle souvent les motifs qui poussent à invoquer le pardon de Dieu.

« Nous avons un Seigneur bon qui veut pardonner à tous », rappelle-t-il dans le traité sur La pénitence, et il ajoute:  « Si tu veux être justifié, confesse ton méfait:  une humble confession des péchés libère du lien des fautes… Vois avec quelle espérance de pardon il te  pousse  à confesser » (2, 6, 40-41:  Sancti Ambrosii Episcopi Mediolanensis Opera – SAEMO, XVII, Milan-Rome 1982, p. 253).

Dans le Discours sur l’Evangile selon Luc, répétant la même invitation, l’Evêque de Milan exprime l’émerveillement pour les dons que Dieu ajoute à son pardon:  « Vois combien Dieu est bon, et disposé à pardonner les péchés:  non seulement il redonne ce qu’il avait enlevé, mais il accorde également des dons inespérés ». Zaccharie, père de Jean-Baptiste, était devenu muet car il n’avait pas cru l’ange, mais ensuite, le pardonnant, Dieu lui avait accordé le don de prophétiser dans le chant du « Benedictus »:  « Celui qui peu auparavant était muet, à présent il prophétise déjà », observe saint Ambroise, « c’est l’une des plus grandes grâces du Seigneur, que précisément ceux qui l’ont renié le confessent. Que personne ne se décourage donc, que personne ne désespère de recevoir les récompenses divines, même si d’anciens péchés le tourmentent, Dieu sait changer d’avis, si tu sais corriger la faute » (2, 33:  SAEMO, XI, Milan-Rome 1978, p. 175).

***

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les élèves du Groupe scolaire Sainte Marie – Saint Justin, de Nanterre, et les élèves de l’école Notre-Dame de France, de Marseille. Que le Christ, qui appelle tous ses disciples à grandir dans la sainteté, vous donne de répondre généreusement à ses appels! À tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.

Pape Benoît: Devant « l’énigme humaine de la mort », la sérénité et l’espérance du croyant – Psaume 111, 1-6 (2 novembre 2005)

1 novembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-11408?l=french

Devant « l’énigme humaine de la mort », la sérénité et l’espérance du croyant

Catéchèse du mercredi

ROME, Mercredi 2 Novembre 2005 (ZENIT.org) – Benoît XVI a évoqué « la sérénité et l’espérance » du croyant devant « l’énigme humaine de la mort », lors de l’audience de ce mercredi. Il a également commenté le psaume 111.

Lecture: Ps 111, 1-6

1. Alléluia !
Heureux qui craint le Seigneur,
qui aime entièrement sa volonté !

2. Sa lignée sera puissante sur la terre ;
la race des justes est bénie.

3. Les richesses affluent dans sa maison :
à jamais se maintiendra sa justice.

4. Lumière des coeurs droits, il s’est levé dans les ténèbres,
homme de justice, de tendresse et de pitié.

5. L’homme de bien a pitié, il partage ;
il mène ses affaires avec droiture.

6. Cet homme jamais ne tombera ;
toujours on fera mémoire du juste.

7. Il ne craint pas l’annonce d’un malheur :
le coeur ferme, il s’appuie sur le Seigneur.

8. Son coeur est confiant, il ne craint pas :
il verra ce que valaient ses oppresseurs.

9. A pleines mains, il donne au pauvre ;
à jamais se maintiendra sa justice,
sa puissance grandira, et sa gloire !

10. L’impie le voit et s’irrite ;
il grince des dents et se détruit.
L’ambition des impies se perdra.

© AELF

Voici la traduction de la catéchèse de Benoît XVI en italien.

1. Après avoir célébré hier la fête solennelle de tous les Saints du ciel, nous rappelons aujourd’hui la mémoire de tous les fidèles défunts. La liturgie nous invite à prier pour nos chers disparus, en tournant notre pensée vers le mystère de la mort, héritage commun de tous les hommes.

Eclairés par la foi, nous regardons l’énigme humaine de la mort avec sérénité et espérance. Selon l’Ecriture, en effet, celle-ci est une nouvelle naissance plus qu’une fin, elle est le passage obligatoire à travers lequel peuvent atteindre la vie en plénitude ceux qui modèlent leur existence terrestre sur les indications de la Parole de Dieu.

Le Psaume 111, une composition de type sapientiel, nous présente la figure de ces justes, qui craignent le Seigneur, en reconnaissent la transcendance et adhèrent avec confiance et amour à sa volonté dans l’attente de le rencontrer après la mort.

Une «béatitude» est réservée à ces fidèles: «Heureux qui craint le Seigneur» (v. 1). Le psalmiste précise immédiatement en quoi consiste cette crainte: elle se manifeste à travers la docilité aux commandements de Dieu. Est proclamé bienheureux celui qui «aime entièrement» observer ses commandements, trouvant en eux la joie et la paix.

2. La docilité à Dieu est, donc, une source d’espérance et d’harmonie intérieure et extérieure. L’observance de la loi morale est source de profonde paix de la conscience. Plus encore, selon la vision biblique de la «rétribution», le manteau de la bénédiction divine s’étend même sur le juste, imprimant stabilité et succès à ses œuvres et à celles de ses descendants: «Sa lignée sera puissante sur la terre ; la race des justes est bénie. Les richesses affluent dans sa maison» (vv. 2-3; cf. v. 9). A cette vision optimiste s’opposent cependant les observations amères du juste Job, qui fait l’expérience du mystère de la douleur, se sent injustement puni et soumis à des épreuves apparemment insensées. Job représente de nombreuses personnes justes qui souffrent profondément dans le monde. Il faudra donc lire ce Psaume dans le contexte global de l’Ecriture Sainte, jusqu’à la Croix et à la Résurrection du Seigneur. La Révélation embrasse la réalité de la vie humaine sous tous ses aspects.

La confiance que le Psalmiste veut transmettre et qu’il veut faire ressentir à celui qui a choisi de suivre la voie d’une conduite moralement irréprochable, contre toute alternative d’un succès illusoire obtenu à travers l’injustice et l’immoralité, demeure toutefois présente.

3. Le cœur de cette fidélité à la Parole divine consiste en un choix fondamental, c’est-à-dire la charité envers les pauvres et les indigents: «L’homme de bien a pitié, il partage… A pleines mains, il donne au pauvre» (vv. 5.9). Le fidèle est donc généreux; respectant la règle biblique, il accorde des prêts à ses frères dans le besoin, sans intérêt (cf. Dt 15, 7-11) et sans tomber dans l’infamie de l’usure, qui anéantit la vie des pauvres.

Le juste, en tenant compte de l’avertissement constant des prophètes, se range du côté des laissés-pour-compte, et les soutient par des aides abondantes. «A pleines mains, il donne au pauvre», dit-on dans le verset 9, démontrant ainsi une extrême générosité, complètement désintéressée.

4. Le Psaume 111, aux côtés du portrait de l’homme fidèle et charitable, «bon, miséricordieux et juste», présente également à la fin, en un seul verset (cf. v. 10), le profil du mauvais. Cet individu assiste au succès de la personne juste en brûlant de rage et d’envie. C’est le tourment de celui qui a mauvaise conscience, à la différence de l’homme généreux dont le cœur est «ferme» et «confiant» (vv. 7-8).

Nous tournons notre regard sur le visage serein de l’homme fidèle qui «à pleines mains » «donne au pauvre» et nous nous confions, pour notre réflexion de conclusion, aux paroles de Clément d’Alexandrie, le Père de l’Eglise du IIIe siècle qui a commenté une affirmation difficile du Seigneur. Dans la parabole sur l’administrateur injuste apparaît l’expression selon laquelle nous devons faire le bien avec l’«argent injuste». De là naît la question: l’argent, la richesse, sont-ils eux-mêmes injustes, ou que veut dire le Seigneur? Clément d’Alexandrie explique très bien ce mot dans son homélie: «Quel riche se sauvera?» et dit: Jésus «déclare injuste par nature toute possession que quelqu’un possède pour lui même comme un bien propre et ne met pas en commun pour ceux qui en ont besoin; mais il déclare également que, de cette injustice, il est possible d’accomplir une œuvre juste et salutaire, en donnant le repos à l’un de ces petits qui ont une demeure éternelle auprès du Père (cf. Mt 10, 42; 18, 10)» (31, 6: Collection, de textes patristiques, CXLVIII, Rome 1999, pp. 56-57).

Et, s’adressant aux lecteurs, Clément avertit: «Tout d’abord, sache qu’il ne t’a pas commandé de te faire prier ni d’attendre d’être supplié, mais il faut que tu cherches toi-même ceux qui sont dignes d’être écoutés, en tant que disciples du Sauveur» (3, 7: ibid., p. 57).

Puis, ayant recours à un autre texte biblique, il commente: «Ce que dit l’Apôtre est donc beau: «Dieu aime qui donne avec joie» (2 Co 9, 7), celui qui se réjouit de donner et qui ne sème pas maigrement, pour ne pas recueillir de la même façon, mais qui partage sans regrets ni distinctions ou douleur; c’est là une manière de faire du bien authentique» (31, 8: ibid.).

En ce jour de la commémoration des défunts, comme je l’ai dit au début de notre rencontre, nous sommes tous appelés à nous confronter à l’énigme de la mort et donc à la question de comment vivre bien, comment trouver le bonheur. A cela, le Psaume répond: heureux l’homme qui donne; heureux l’homme qui n’utilise pas sa vie pour lui-même, mais qui la donne; heureux l’homme qui est miséricordieux, bon et juste; heureux l’homme qui vit dans l’amour de Dieu et du prochain. Ainsi nous vivons bien et ainsi nous ne devons pas avoir peur de la mort, car nous sommes dans le bonheur qui vient de Dieu et qui ne connaît pas de fin.

1234