Archive pour la catégorie 'Psaumes'

Psaume 107/2. Hymne d’action de grâces (suite et fin)

19 décembre, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-2494-Psalmiste.php

LE PSALMISTE

Décembre 2010

Psaume 107/2. Hymne d’action de grâces (suite et fin)

Marc Leroy

23 Descendus en mer sur des navires,
ils faisaient négoce parmi les grandes eaux ;
24 ceux-là ont vu les œuvres de Yahvé,
ses merveilles parmi les abîmes.

25 Il dit et fit lever un vent de bourrasque
qui souleva les flots ;
26 montant aux cieux, descendant aux gouffres,
sous le mal leur âme fondait ;
27 tournoyant, titubant comme un ivrogne,
leur sagesse était toute engloutie.

28 Et ils criaient vers Yahvé dans la détresse,
de leur angoisse il les a délivrés.
29 Il ramena la bourrasque au silence
et les flots se turent.
30 Ils se réjouirent de les voir s’apaiser,
il les mena jusqu’au port de leur désir.

31 Qu’ils rendent grâce à Yahvé de son amour,
de ses merveilles pour les fils d’Adam !
32 Qu’ils l’exaltent dans l’assemblée du peuple,
au conseil des anciens qu’ils le louent !

33 Il changeait les fleuves en désert,
et les sources d’eau en soif,
34 un pays de fruits en saline,
à cause de la malice des habitants.

35 Mais il changea le désert en nappe d’eau,
une terre sèche en source d’eau ;
36 là il fit habiter les affamés,
et ils fondèrent une ville habitée.

37 Ils ensemencent des champs, plantent des vignes,
et font du fruit à récolter.
38 Il les bénit et ils croissent beaucoup,
il ne laisse pas diminuer leur bétail.

39 Ils étaient diminués, défaillants,
sous l’étreinte des maux et des peines ;
40 déversant le mépris sur les princes,
il les perdait en un chaos sans chemin.

41 Mais il relève le pauvre de sa misère,
il multiplie comme un troupeau les familles ;
42 les cœurs droits voient et se réjouissent,
tout ce qui ment a la bouche fermée.

43 Est-il un sage ? qu’il observe ces choses
et comprenne l’amour de Yahvé !

(Bible de Jérusalem)
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Dans cette seconde partie du Psaume 107, nous trouvons la quatrième et dernière section décrivant une population expérimentant un grand danger, ici le péril en mer, puis une même expérience, d’un moins vers un plus, décrite à deux reprises aux vv. 33-38 et 39-42.
vv. 23-32 : le quatrième groupe de population correspond à ceux qui ont traversé la mer dans le but de commencer une nouvelle vie dans un pays lointain.
L’expression du v. 23 « descendus en mer sur des navires » renvoie à Is 42,10 « ceux qui vont sur la mer ». La mer, surtout pour des Israélites qui ne sont pas de grands marins, est un lieu de grand danger où la mort peut survenir à tout moment. Descendre en mer c’est un peu comme descendre dans le Shéol. L’expression, en effet, laisse entendre que l’on descend non seulement de Jérusalem, qui se trouve à 800 mètres d’altitude, vers la mer, mais aussi que l’on s’enfonce dans la mer comme l’on peut s’enfoncer à l’intérieur d’un puits. C’est la double descente de Jonas. Première descente, depuis les collines judéennes, vers le port de Joppé, en Jon 1,3 « il descendit à Joppé et trouva un vaisseau à destination de Tarsis » ; deuxième descente, après la tempête en mer, Jonas, depuis les entrailles du poisson, raconte ce qu’il a vécu, en Jon 2,7 « à la racine des montagnes [= le fond de la mer] j’étais descendu ».
Mais nous pouvons aussi y retrouver une allusion à l’Exode. Au v. 26, le peuple descend aux gouffres comme les chars de Pharaon et son armée qui tentèrent la traversée de la Mer Rouge (cf. Ex 15,5 : « Les abîmes les recouvrent, ils ont coulé au fond du gouffre comme une pierre. »).
On fait référence ici à tous ces Judéens qui ont pris le bateau à Jaffa/Joppé dans l’espoir d’une vie meilleure, au loin, en Égypte, mais aussi à Chypre, en Grèce ou en Asie Mineure établissant ainsi des communautés de Diaspora.
Les œuvres de Yahvé, dont parle le v. 24, ne sont pas ici les merveilles de la Création, mais des actes de libération, « ses merveilles pour les fils d’Adam » comme le dit, aux vv. 8, 15, 21 et 31, le second refrain.
Très concrètement, les abîmes du v. 24 peuvent désigner les profondeurs de la mer après un naufrage. Dieu est venu nous rechercher alors que nous étions dans les profondeurs, au cœur de la mer. C’est l’expérience de Jonas (cf. Jon 2,4). Mais c’est aussi l’expérience que nous faisons quand tout va mal. Pour employer une image, nous disons que nous sommes comme submergés par des eaux en furie. C’est le cas, par exemple, de la dépression où l’on se laisse couler jusqu’au fond comme une pierre. Dans un cri vers Dieu, Ps 69,2-3 expriment admirablement bien ce sentiment universel d’impuissance : « Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu’à l’âme. J’enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis entré dans l’abîme des eaux et le flot me submerge. ».
L’expression « montant aux cieux » du v. 26 veut rendre compte de l’expérience de ceux qui se trouvent à bord d’un bateau qui, au cours d’une terrible tempête, est soulevé si haut par les vagues que l’on a l’impression que l’on touche le ciel.
Si les merveilles de Yahvé sont des actes de libération plus que de création, cela ne l’empêche pas d’employer cette Création à bon escient. Ainsi peut-il faire lever « un vent de bourrasque » (cf. v. 25). Malgré la tempête, les marins sont sur le pont et continuent leur travail comme ils le peuvent donnant l’impression qu’ils sont ivres car ils titubent. Face à une vibrante tempête, toute leur compétence de marins est comme engloutie avec l’effondrement de leur moral (cf. v. 26).
L’expression « il [Yahvé] les mena jusqu’au port de leur désir » au v. 30 renvoie bien sûr à cette action de Yahvé qui a fait arrêter la tempête pour que le navire rentre au port en toute assurance comme si Yahvé était finalement le pilote du navire, mais cela renvoie aussi à la sortie d’Égypte et à l’Exode, dans la mesure où Yahvé mène son peuple jusqu’à Jérusalem, jusqu’à la Terre promise, qui est le « port de leur désir » (cf. Ex 13,21 : « Yahvé marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils puissent marcher de jour et de nuit. ») .
Les deux dernières sections du Psaume 107, vv. 33-38 et 39-42, qui parlent de la même expérience d’un moins vers un plus, abandonnent complètement le schéma suivi par les quatre premières sections, même si elles continuent de parler d’une population qui connaît la détresse et qui fait l’expérience d’être sauvée par Dieu.
Ces deux dernières sections commencent par décrire le danger (le désert ; la soif ; la fatigue ; la peine), puis l’action divine pour éliminer ce danger (l’arrivée d’eau ; le pauvre relevé de sa misère) et se terminent par des bénédictions. Les vv. 33-42 peuvent se rapporter à la situation du peuple après l’Exil au moment de la restauration.
vv. 33-38 : l’expression « il changeait les fleuves en désert », du v. 33, renvoie très explicitement à Is 50,2 « par ma menace je dessèche la mer, je change les fleuves en désert. Les poissons s’y corrompent faute d’eau, ils meurent de soif. ». Dieu est le maître de la nature qu’il a créée, si cela n’est pas la tempête qu’il envoie (cf. v. 25), c’est la sécheresse qu’il peut susciter à tout moment car il est tout-puissant (cf. vv. 33-34).
Le v. 35 est très proche d’Is 35,7 « La terre brûlée deviendra un marécage, et le pays de la soif, des eaux jaillissantes ; dans les repaires où gîtaient les chacals on verra des enclos de roseaux et de papyrus. » et d’Is 41,18 « Sur les monts chauves je ferai jaillir des fleuves, et des sources au milieu des vallées. Je ferai du désert un marécage et de la terre aride des eaux jaillissantes. ».
Les références à la faim et à la ville habitée du v. 36 font irrémédiablement penser aux vv. 4-7 du psaume. L’expression « et ils fondèrent une ville habitée » pourrait renvoyer à tout le travail de reconstruction de Jérusalem, après l’Exil, au moment de la restauration.
Les prophètes parlent souvent dans leurs oracles, comme résultat de l’obéissance à l’Alliance par le peuple d’Israël, de construire des maisons et d’y habiter, de planter des vignes et de se rassasier de son fruit (cf. Is 65,21 : « Ils bâtiront des maisons et les habiteront, ils planteront des vignes et en mangeront les fruits. »). C’est parce que Dieu a fait passer d’un moins à un plus, c’est parce qu’il a changé une terre sèche en source d’eau (cf. v. 35), que le peuple d’Israël va pouvoir ensemencer des champs, planter des vignes et récolter des fruits (cf. v. 37). Au moment de la restauration, au retour de l’Exil, le peuple va pouvoir se nourrir des fruits du pays. Il est en train de « rejouer » la conquête par Josué de la Terre sainte avec des échos d’une fécondité paradisiaque. Dans l’expression « il les bénit et ils croissent beaucoup » du v. 38, il faut comprendre que Dieu bénit le peuple qui devient de plus en plus nombreux. Il y a là une référence explicite à Gn 1.
vv. 39-42 : Nous pouvons noter le jeu sur le verbe « diminuer » que nous trouvons au v. 38 dans « il ne laisse pas diminuer leur bétail » et au v. 39 dans « ils étaient diminués ».
Le v. 40 est une combinaison de Jb 12,21a et de Jb 12,24b. Nous y trouvons, une fois de plus, une forte affirmation de l’entière souveraineté divine. Le v. 34 parlait de « la malice des habitants ». Yahvé va punir les chefs de cette ville (cf. v. 40) car la plupart du temps la méchanceté d’une communauté est l’œuvre de ses leaders. Ils partagent le même destin que cette partie de la population qui errait au désert, dans les solitudes (cf. v. 4). Le départ des leaders, qui opprimaient les pauvres du peuple, est pour ces derniers une véritable libération.
Le v. 42 est très proche de Jb 5,16b ; 22,19a. Ayant en arrière-plan le livre de Job, les versets 40 et 42 réfléchissent sur les épreuves de la vie ordinaire. Ceux qui ont le cœur droit, c’est-à-dire ceux qui veulent vivre comme des justes, voient les actions du Seigneur à travers tout ce qui a été rappelé dans le psaume aux vv. 4-41 et ils se réjouissent de cela, non seulement pour leur propre intérêt, mais parce qu’ils voient qu’il existe un ordre moral dans le monde.
Le v. 43 est un épilogue sapiential qui ressemble au colophon d’Os 14,10. L’homme sage est celui qui médite sur l’amour miséricordieux de Yahvé.
Ce psaume 107 nous parle de la délivrance d’Israël. Une lecture spirituelle et chrétienne nous fait comprendre qu’il parle aussi de notre propre délivrance. Par la mort et la résurrection de Jésus, nous qui étions captifs de la mort et du péché, nous voici délivrés, Dieu va nous conduire jusqu’au port désiré qu’est la Vie éternelle.

Psaume 121 : « Ma confiance dans le secours de Dieu »

29 novembre, 2010

Spiritualite2000.com
   
Février 2005
 
http://www.spiritualite2000.com/An2005/Psalmiste/fev05.htm

Psaume 121 : « Ma confiance dans le secours de Dieu »

par Christian Eeckhout, o.p.

En février 2004, le frère Hervé Tremblay commentait le psaume 131, extrait du quatrième recueil du Psautier. En cet hiver 2005, il est bon de mettre à nouveau notre confiance totale en Dieu, tant il nous est parfois difficile de tenir dans les épreuves humaines. Tant est grande la pression de la société actuelle sur le besoin de sécurité…parfois bien illusoire en ce monde.

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Le psaume 121 appartient, lui aussi, à la collection des cantiques pour les montées (Ps 120-134), que les pèlerins chantaient en marchant vers Jérusalem aux trois grandes fêtes, ou que priaient les lévites en gravissant les degrés du Temple du Dieu d’Israël.
Nous verrons qu’il place l’accent sur Dieu comme étant vraiment le meilleur secours, un gardien sans faille qui mérite notre confiance pleine et entière.

Le Texte : Cantique pour les montées.

Je lève les yeux vers les montagnes : Mon secours, d’où viendra-t-il ?
Le secours me vient de Yahvé qui a fait le ciel et la terre.

Qu’il ne laisse chanceler ton pied ! qu’il ne dorme, ton gardien !
Vois, il ne dort ni ne sommeille, le gardien d’Israël.

Yahvé est ton gardien, ton ombrage, Yahvé à ta droite.
De jour, le soleil ne te frappe, ni la lune en la nuit.

Yahvé te garde de tout mal, il garde ton âme.
Yahvé te garde au départ, au retour, dès lors et à jamais.
Trad. © La Bible de Jérusalem

Commentaire :

« Les montagnes ». Oui, elles sont nombreuses au pays de la Bible, depuis le mont Sinaï au sud, jusqu’à l’Hermon et la haute Galilée au nord, avec les monts de Samarie et de Judée au centre de la région. Tout comme elles nous appellent à lever les yeux, elles veulent aussi élever l’esprit du croyant. Dans la pensée biblique, elles sont la marque d’une élévation spirituelle de l’auteur.  Les montagnes introduisent une parole de grande hauteur d’âme, une réalité spirituelle de haute importance.
De plus, dans la Bible, le Dieu qui fait route avec les siens comme un pasteur avec son troupeau est surnommé « le Dieu montagnard » (El-Shaddai) par les patriarches, ou encore « le Dieu très-haut » (El-Elyôn).
Le psalmiste précise de quel Dieu il s’agit pour lui : le seul secours de la créature vient de son créateur : le Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Un autre cantique des montées, le Ps 124,8 dira de même que le secours de la créature est dans le nom du Dieu créateur. Ce Dieu est écrit quatre fois au moyen du tétragramme YHWH qui est le nom propre du Dieu révélé, selon la tradition élohiste, à Moïse dans l’épisode du buisson ardent (Ex 3,13-14). Le nom caractérise l’être actif, efficace et dynamique qui est là pour sauver le peuple d’Israël, surtout lorsqu’il est opprimé dans sa liberté religieuse.
On parle tant de sécurité dans tous les domaines … mais concrètement, je peux toujours trébucher, ou même être surpris dans mon sommeil. Alors le psalmiste cherche la parade en ces occasions. Il nous appelle à voir que celui qui veille en permanence c’est celui-là qui protège son peuple : c’est « le gardien d’Israël » (v.4). YHWH garde Israël : cette réponse à la question initiale va être reprise quatre fois dans la seconde partie du cantique, utilisant le rythme graduel et devenant à nouveau très personnel.
En premier lieu, « Le Seigneur est ton gardien », là même où tu vis, quel que soit l’environnement astral et sa puissance, comme le chantait déjà le prophète Isaïe dans l’hymne d’action de grâce au Seigneur : « Car tu as été un refuge pour le faible, un refuge pour le malheureux plongé dans la détresse, un abri contre la pluie, un ombrage contre la chaleur »  (Is 25,4). Le livre de l’Apocalypse reprendra cette figure de l’ombrage contre les feux du soleil en parlant de la préservation des serviteurs de Dieu (cf. Ap 7,15-17).
Cette allégorie de l’ombre protectrice pour parler de la présence de Dieu se retrouve encore en Is 49,10. La présence située « à la droite », c’est-à-dire à la place favorable (cf. Ps 110,5), est déjà vue par le psalmiste pour parler de Dieu comme sauveur du pauvre au Ps 109,31 et comme guide et conseiller aux Ps 16,8 et 73,23.
En deuxième lieu, « le Seigneur te garde de tout mal » : ce qui revient à affirmer la protection contre tout ce qui s’oppose à Dieu. Dès lors que la confiance est placée en Lui, le mal ne peut gagner du terrain en nous.
Ensuite « Il garde ton âme », ton esprit, le souffle de vie, ta personne donc. Après le danger des astres et du mal externe, la protection s’étend au caractère interne, à l’existentiel, au fond de l’être. (Ps 121, 7b = Ps 97,10b).
Enfin, quels que soit notre parcours, les allées et venues, les déplacements en somme,
Pour le psalmiste confiant en Dieu, le Seigneur est celui qui garde ou protège en permanence, dans la durée des jours.
Le psaume 121 chante donc que contre le mal extérieur comme à l’intérieur, dans l’espace et dans le temps, le Seigneur veille, protège et garde la créature qui met en Lui sa confiance. C’est en même temps un appel à Dieu pour qu’Il protège les siens contre tout danger sur les chemins de pèlerinage.
Pour les chrétiens en route vers la Jérusalem du Ciel, pour les baptisés, temples de l’Esprit-Saint, il devient chant de bénédiction de Dieu sur la route de la vie conduisant au Royaume. Le psaume 121 se fait prière de confiance assurée au Christ, vainqueur du monde et du mal, qui nous dit : « Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! Moi, j’ai bel et bien vaincu le monde. » (Jn 16,33b). Ayant traversé l’épreuve de la croix, Jésus ressuscité est le vrai pasteur, le protecteur fidèle pour toujours.

Le psaume 121 dans la liturgie

Depuis la réforme du deuxième Concile œcuménique de Vatican, la liturgie place le psaume 121 dans la prière des vêpres du vendredi de la deuxième semaine, et le donne à entendre comme psaume responsorial au 29e Dimanche dans l’année (C). Mais ce qui est intéressant est qu’il est placé dans la messe à l’intention des réfugiés et des exilés, eux qui bien souvent n’ont plus que Dieu comme refuge (cf. aussi Ps 16,1) et en qui ils mettent toute leur confiance. Comme pour le psalmiste, le Seigneur restera leur bien suprême. Après l’exode d’égypte et le retour d’exil à Babylone, ce psaume 121 est approprié pour nombre de personnes qui vivent actuellement la vie d’exilé, de réfugié.
Ce psaume de confiance absolue au Dieu de l’univers permet enfin de faire un rapprochement avec la prière de toute l’assemblée à la conclusion de chacune des préfaces de la messe. Lorsque les fidèles entonnent le « Sanctus », ils prient  « Hosanna ! », ce qui signifie en hébreu : « Accorde le salut » (Ps 118,25a – v. 26 LXX –). Cette prière est reprise comme une acclamation mais elle est cri d’espoir et de confiance à la fois, lequel a été adressé à Jésus lors de sa descente du mont des oliviers devant Jérusalem (en Mt 21,9 ; Mc 11,9-10 ; Jn 12,13), juste avant sa Passion. Cette espérance présente et tournée vers l’avenir, Jésus l’honorera en osant lui-même l’offrir comme une prière de confiance toute filiale dans sa grande épreuve cloué en croix : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23,46b, qui reprend Ps 30,6a LXX).

En résumé

Grâce au psaume 121, nous pouvons dire ceci : Telle une fontaine de confiance positive surgie du fond de la terre, malgré les apparences parfois contraires, une déclaration, un cri ou un souhait de confiance illimitée du psalmiste envers l’existence de Dieu créateur est la réponse prépondérante à la question lancinante de l’origine du secours. Pour le croyant, « le gardien d’Israël » vient à la rescousse, en véritable bon Pasteur, c’est sûr. C’est là tout l’enjeu de la piété filiale.
Concluons avec la réflexion vigoureuse de saint Bernard : « Vous priez mal si en priant vous cherchez autre chose que le verbe, ou si vous ne demandez pas l’objet de votre prière par rapport au Verbe. Car tout est en lui : les remèdes à vos blessures, les secours dont vous avez besoin, l’amendement de vos défauts, la source de vos progrès, bref tout ce qu’un homme peut et doit souhaiter. » 

Psaume 122. Pèlerinage vers Jérusalem (dimanche 28 novembre 2010)

27 novembre, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-2266.php

Psaume 122. Pèlerinage vers Jérusalem

Hervé Tremblay

Finalement arrivé aux portes de Jérusalem après une longue marche, un pèlerin exprime sa joie d’entrer bientôt dans la cité de David et dans le temple de Dieu. Puis il exprime son admiration devant la ville magnifique, son attachement pour la cité, à la fois centre de la vie religieuse et de l’activité nationale. Finalement montent des prières pour la paix et la prospérité de la ville et de ses habitants, que le pèlerin étend à ses frères dispersés et au temple lui-même. Il faut se rappeler, en effet, que Jérusalem n’était pas seulement la capitale politique du royaume, mais qu’elle avait aussi une signification religieuse, tant les deux domaines étaient imbriqués pour les anciens. Le Ps 122 invite donc à une expérience de convivialité avec Dieu et avec d’autres croyants.
Selon le genre littéraire, le Ps 122 est généralement classifié dans les cantiques de Sion (on en compte cinq autres : Ps 46; 48; 76; 84; 87). Toutefois, à l’intérieur du psautier, il fait partie des 15 « chants des montées » ou « cantiques des degrés » (Ps 120–134), qui seraient des chants de pèlerinage chantés sans doute pendant la montée à Jérusalem (cf. Is 2,3; Jr 31,6; Ps 84). On a aussi suggéré qu’il s’agissait de chants de pèlerinage repris par des lévites placés sur les « quinze degrés » ou marches, de l’entrée du temple, ou encore d’une suite de chants pour couvrir « graduellement » l’ensemble des célébrations du pèlerinage.
Le texte du psaume comporte deux difficultés. Au v. 3b, on a littéralement : « qui est liée à elle ensemble ». On traduit habituellement : « ville où tout ensemble ne fait qu’un », « ville d’un seul tenant ». L’idée serait celle d’une ville bien construite où toutes les parties sont liées entre elles, qui associe tout en elle. On peut aussi comprendre, d’après les versions anciennes, qu’il s’agit de la cohésion des personnes (« où la communauté est une »). Au v. 6b, pour respecter le parallélisme avec le v. 7a (« Que la paix règne dans tes murs ») certains corrigent « paix à ceux qui t’aiment » par un mot semblable en hébreu « paix à tes tentes ».
La structure du poème, en trois strophes, est assez évidente. La première strophe (v. 1-2) oppose un hier (v. 1) à un aujourd’hui (v. 2). Quelqu’un, parti à Jérusalem avec un groupe de pèlerins après un cri de ralliement, exprime sa joie d’arriver enfin à destination. On y passe de la perception auditive (le cri) à la perception visuelle (la beauté de la ville). La deuxième strophe (v. 3-5) contient un approfondissement théologique sur Jérusalem symbole d’unité dans deux domaines : religieux d’abord, à cause du temple, lieu de rassemblement cultuel (v. 4) ; politique, ensuite, à cause du palais royal, lieu du pouvoir central (v. 5). La troisième strophe (v. 6-9) se répand en souhaits et prières pour le bonheur et la paix (v. 6-9).
Sur le plan littéraire, le psaume est un chef-d’œuvre. On note immédiatement la répétition de certains mots soulignant les thèmes centraux : « Jérusalem » (v. 2-3.6), l’adverbe « là » (v. 4-5), « à cause de » (v. 8-9), mais surtout la reprise des termes avec un complément différent : « tribus » (v. 4); « trônes » ou « sièges » (v. 5); « paix, prospérité » (v. 6-8). Aux v. 4-5 la séquence des formes est la même : adverbe, verbe, substantif redoublé pour l’emphase : « C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur. C’est là le siège du droit, le siège de la maison de David ». Ce n’est pas tout. Dans l’hébreu, il y a également des allitérations et des jeux de sonorité plutôt uniques (v. 4c; v. 4d-5a), surtout la cascade de syllabes chuintantes du v. 6 : « demandez » (sha’alu), « la paix » (shalôm), « Jérusalem » (yerûshalaïm), « que la paix règne » (yishlayû).
Le v. 1 du psaume s’ouvre sur la joie. En communion avec tous ses prédécesseurs, le psalmiste fait sien l’enthousiasme qui soulevait les Israélites à la pensée de voir Jérusalem et son temple (Ps 16,9-11; 27,4; 42,3-7; 43,3-4; 48,12; 84,2-8; Dt 12,18; 14,26; 1 Ch 12,41; 15,16.25; 2 Ch 30,21-26; Is 30,29; Jr 31,12-13; So 3,14-15). À l’annonce du pèlerinage qu’il va entreprendre, il se remémore les paroles des prophètes « Levez-vous et montons à Sion, vers le Seigneur notre Dieu » (Jr 31,6; cf. Is 2,1; 30,29). Dès le v. 2 le psalmiste s’adresse directement à la ville (« tes portes »). Sa marche dans la poussière et sous un soleil de plomb a pris fin, ses pieds foulent maintenant la terre sacrée. Au v. 3 le pèlerin admire Jérusalem solidement reconstruite, avec ses douze portes monumentales, remplie d’une nombreuse population. Pour un provincial habitué aux villages aux petites maisons isolées et sans ordre, c’est un émerveillement de découvrir l’ordonnance harmonieuse des habitations en pierre et des palais. Nous avons parlé du problème textuel de ce verset. Le verbe est au passif, qui pourrait être interprété d’un passif divin au sens où c’est Dieu qui a réalisé l’unité du peuple autour de la ville sainte. Mais rapidement cet enthousiasme esthétique s’élève au niveau des valeurs nationales et religieuses qu’évoque la ville. Elle est le signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple, le gage de sa prédilection, le centre des tribus où toutes viennent prendre conscience de leur solidarité et resserrer leur unité nationale. Le v. 4 évoque les tribus montant trois fois par année à Jérusalem, pour la Pâque, Pentecôte et la fête des Tentes (Ex 23,17; 34,23; Dt 12,4-14; 16,16). Le v. 5 parle des « sièges », une référence aux rois d’Israël qui jugeaient au nom du Seigneur tout citoyen faisant appel à eux (Dt 7,8; 1 R 3,7-11; 7,7; Pr 20,8; Ps 9; 43,1-3; 118,9-21; Is 11,3; 16,5; 26,1-3; Jr 21,12). C’est que, à côté du temple, résidence de Dieu, s’élevait le palais des rois, symbole de la dynastie davidique et représentation visible de la présence de Dieu sur terre. C’est pourquoi le psaume parle de la « maison de David », la dynastie choisie par le Seigneur qui a reçu les promesses divines (2 S 7; 1 R 12,28; 2 R 2,45; Ps 89,5.30.37; 132,11). Comme le psaume est probablement postexilique, les grandes traditions royales cèdent le pas à un messianisme plus spiritualisé. Depuis le retour d’exil, Jérusalem garde le trône vacant pour le nouveau David promis.
Dans un changement de tonalité assez net, la dernière étape (v. 6-9) se développe tout entière sous le mode volitif avec des prières et des souhaits. Le psalmiste s’adresse successivement aux autres pèlerins (v. 6a), puis encore à Jérusalem (v. 6b-9). D’autres ont supposé un dialogue entre un prêtre (v.6a.7a.8a) et les fidèles (v. 6b.7b.8b), terminé par la prière du prêtre (v. 9). Que rien ne vienne troubler le calme de la ville, de ses tentes, de ses palais et de ses murailles! En jouant sur l’étymologie populaire du nom de la ville (« cité / vision de paix »), le psalmiste souhaite paix et bonheur à la ville. La salutation s’exprime selon la formula bien connue: « Shalôm! Paix à toi! ». C’est un souhait non seulement d’absence de trouble et de malheur, mais encore d’obtention des biens les plus importants comme la santé et le bien-être (Gn 29,6; 43,7; 2 S 11,7; 2 R 20,9; Ps 84,5). En effet, la racine hébraïque signifie d’abord « intégrité » : que Jérusalem garde toujours son intégrité territoriale, morale, religieuse et politique. Il faut donc que la ville voit la réalisation intégrale de tout ce que signifie son nom, qu’elle demeure, à travers toutes les tragédies, la patrie de la paix où l’on vit en bonne entente dans l’amour du vrai Dieu. Une dernière considération achève de donner à ces vœux pour Jérusalem leur plénitude de sens, à savoir le rôle communautaire que la cité exerce à l’égard de ceux qui se recommandent d’elle. Jérusalem est la ville de tous. Le psalmiste étend ses prières à tous ses frères de race et de religion, à tous ceux qui participent au pèlerinage, à ceux qui ont dû rester chez eux, à ceux qui résident ailleurs dans le pays et même à ceux qui sont dispersés dans la diaspora.
La relecture chrétienne permet, pour une rare fois, une application littérale du psaume. En effet, la coutume des pèlerinages semble plus vivante que jamais : Rome, la terre sainte, Compostelle, Fatima, Lourdes, etc. Depuis des siècles, des milliers de pèlerins ont marché de grandes distances afin d’aller vers ces lieux significatifs où Dieu s’est manifesté au monde, signifiant du coup leur cheminement intérieur vers lui. Même s’il est vrai que « les vrais adorateurs adorent le Père en esprit et en vérité » (Jn 4,21), il reste que les hommes ont besoin de ces signes visibles qui pointent vers une autre cité et donnent un sens à leur marche vers elle.
Certains auteurs ont imaginé Jésus récitant ce psaume lors de ses montées à Jérusalem (Lc 2,41; Jn 2,23; 5,1; 7,2-10). Il faut noter spécialement Lc 19,41-44 qui joue aussi sur « Jérusalem » et « paix » (cf. Hé 7,2). À un autre niveau, le Ps 122 pointent vers l’Église, nouvelle fondation de paix. De même que Jérusalem signifiait l’unité de tout Israël, ainsi l’Église fait l’unité de tous les croyants en Jésus Christ. « Il a voulu tout réconcilier [...] en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1,20). C’est pourquoi tous les cantiques de Sion sont généralement interprétés de l’Église, Jérusalem nouvelle (Ap 21,2-27), que toutes les nations de la terre sont appelées à construire (Ép 2,20-22; Hb 12,22-24), où tout se tient uni par le lien de la charité (Col 3,14) et de la paix (Ép 4,3; Ph 4,7). On a aussi développer l’image de Jésus temple nouveau (Jn 2,19-22) ainsi que les textes apostoliques sur le temple vivant de Dieu composé des fidèles (1 Co 3,11-17; 1 P 2,5). Ainsi donc, si la motivation politique du Ps 122 est d’une application plus délicate dans le monde d’aujourd’hui, sa motivation religieuse, au service de l’unité, reste toujours valide.

Fr. Hervé Tremblay o.p.

Collège universitaire dominicain
Ottawa

Textes bibliques commentés: Psaume 63

23 novembre, 2010

du site:

http://www.taize.fr/fr_article170.html?date=2009-05-01

Textes bibliques commentés: Psaume 63

MAI 2009

Ces courtes méditations bibliques sont proposées pour soutenir une recherche de Dieu au cœur de la vie quotidienne. Il s’agit de prendre un moment pour lire en silence le texte biblique suggéré, accompagné du bref commentaire et des questions. On peut se réunir ensuite en petits groupes de trois à dix personnes chez l’un ou l’autre des participants pour un bref partage de ce que chacun a découvert, avec éventuellement un temps de prière.

Psaume 63 : Abondance dans le désert

Dieu, toi mon Dieu, je te cherche comme l’aube. Mon âme a soif de toi. Ma chair languit, terre de sécheresse, altérée, sans eau. Oui, au sanctuaire je t’ai contemplé, voyant ta puissance et ta gloire.
Meilleur que toutes vies ton amour, mes lèvres te loueront. Oui, je te bénirai en ma vie, à ton nom, je lèverai les paumes. Comme de graisse et de moelle se rassasie mon âme : lèvres de joies, louange de bouche.
Quand je me souviens de toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, car tu fus le secours pour moi. A l’ombre de tes ailes je crie de joie, mon âme reste très proche derrière toi. Ta droite me tient ferme.
Ceux qui cherchent mon âme pour la perte, qu’ils descendent aux profondeurs de la terre, qu’ils soient livrés à la main de l’épée, qu’ils deviennent la portion des chacals. Et le roi se réjouira en Dieu, dignes de louange ceux qui jurent par lui. Sera fermée la bouche des diseurs de mensonge. (Psaume 63)

Chaque être humain semble être travaillé à l’extrême par un désir d’absolu que rien ne peut totalement apaiser. Cette soif creuse un vide en nous qu’il est tentant de remplir par ce qui nous passe sous la main. C’est peut-être par peur de ce vide que nous en arrivons à nous intoxiquer nous-mêmes de trop de choses.
Refaire l’expérience du psalmiste au désert, redécouvrir que Dieu est celui qui donne soif est peut-être l’une des plus grandes urgences du moment. « Mon âme a soif de toi. » L’âme se dit en hébreu nephesh, gorge. L’âme en nous, c’est ce qui attend de recevoir le souffle de vie, la ruah. L’âme, c’est donc l’appétit de vie, la gorge déployée en attente. Il est paradoxal qu’un peuple qui a passé près de quarante ans dans le désert et qui a dû faire une expérience de la soif assez douloureuse, ait gardé ce même vocabulaire pour décrire la quête de Dieu. Et pourtant : Dieu se laisse chercher dans l’expérience du manque.
Fort heureusement, l’insatisfaction mène aussi à autre chose : le vide se remplit de la vision, de la contemplation : « Oui, au sanctuaire, je t’ai contemplé, voyant ta puissance et ta gloire. » Pourquoi David au désert parle-t-il maintenant du sanctuaire : nostalgie d’un temps révolu où il était tranquille à méditer dans la maison de Dieu ? Ou vision de la foi pour laquelle le désert lui-même devient le lieu de la présence de Dieu ? Cette deuxième interprétation ouvre des perspectives intéressantes : « gloire » se dit kavod en hébreu, qui se traduit aussi par « abondance ». Dans le désert, même si j’ai vraiment soif, j’ai trouvé ton abondance !
Cette « abondance » passe par la louange qui remplit la bouche du psalmiste : littéralement « lèvres de joies, louange de bouche ». Le double pluriel du début du verset marque encore plus le sentiment de recevoir la vie en proportions généreuses. Quel contraste entre ce verset et le début de la supplique ! Comment la sécheresse et l’infertilité ont-elles pu se transformer autant ?
Peut-être grâce à ce verset intermédiaire : « Oui, je te bénirai en ma vie ». Bénir signifie transmettre la vie. Autrement dit : par ma vie (bien vivante !), je te rendrai la vie que tu m’as donnée. Faire l’expérience de sa propre vulnérabilité, de la condition fragile de l’être humain, laisse de la place pour recevoir le don de la vie, puis pour le transmettre à notre tour. C’est tout l’échange qui se réalise dans la prière : je te rends ce que j’ai reçu de toi, et j’en suis heureux !
Après avoir expérimenté l’abondance de Dieu au cœur du désert, le psalmiste s’épanche en une louange émouvante où se succèdent des images maternelles soulignant la tendresse de « son Dieu » : « Mon âme reste très proche derrière toi » : c’est toi qui me précède, c’est toi qui affronte le danger pour moi. « A l’ombre de tes ailes je crie de joie », « car tu fus le secours pour moi ». « Secours » est un très beau mot : c’est celui qui décrit le rôle d’Ève auprès d’Adam ; c’est celui que Jésus a dû utiliser en disant à ses disciples : « je vous enverrai l’Esprit Saint qui sera pour vous un soutien et un consolateur. Il ne vous laissera jamais seul » (Jean 14,16).
Dans ce contexte qui paraît désormais apaisé, pourquoi finir sur l’évocation si dure des ennemis et des menteurs ? La Bible a cette honnêteté de ne jamais oublier que nous vivons dans un monde ou coexistent les ténèbres et la lumière. Cette liberté de ton envers Dieu est essentiel pour que la prière soit véritable. En Dieu il y a de la place pour tout recevoir, l’oreille de Dieu n’a pas peur d’écouter jusqu’aux paroles violentes. Reste à l’Esprit Saint, par un patient travail qui aboutira à la douceur du Nouveau Testament, de transformer l’ardeur de l’imprécation en pardon.

 Ai-je déjà fait l’expérience d’un vide intérieur ? Était-ce positif ou négatif ?
 L’insatisfaction et la louange peuvent-elles cohabiter ?
 « Trouver l’abondance au désert » : cela m’est-il déjà arrivé ?

Au désert comme au sanctuaire, une présence

22 novembre, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-133.php

CÉLÉBRER LES HEURES

1 février 2001

Au désert comme au sanctuaire, une présence – Psaume 62

Alain Gignac

S’il est un psaume que l’on connaît par coeur et que l’on croit comprendre à force de le répéter, c’est bien le Psaume 62 de la liturgie des Heures, repris au matin du dimanche de la première semaine et de toutes les Jetés. Un psaume familier, trop familier peut-être. Alain Gignac, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Montréal, nous invite à jeter un regard neuf sur ce texte à partir de la version de la Septante.

1. Psaume de David, lorsqu’il était dans le désert de Judée.

2.- Dieu, mon Dieu, devant toi je suis matinal ;
Mon être eut soif de toi,
Combien de fois ma chair (eut soif) de toi ?
En une terre déserte, sans chemin, sans eau.
3. Ainsi dans le sanctuaire je fus vu par toi
Pour voir ta force et ta gloire :
4. « Meilleure au dessus des vies est ta miséricorde,
Mes lèvres feront ton éloge ;
5. Ainsi je te bénirai en ma vie,
En ton Nom je lèverai mes mains ;
6. Comme si de graisse et d’huile mon être était rempli,
Aussi, lèvres d’allégresse, ma bouche louera. »
7. Si je faisais mémoire de toi sur ma couche,
Dans les matins je m’exerçais (méditant) sur toi :
8. « Ta devins mon défenseur,
Et je serai en allégresse sous la couverture de tes ailes.
9. Mon être fut soudé derrière toi,
Ta droite me saisit.
10. Eux, cependant, en vain cherchèrent mon être :
Ils iront vers (l’endroit) le plus bas de la terre,
11. Ils seront livrés aux mains du sabre,
Ils seront (les) parts des renards. »
12. Le roi cependant se réjouira en Dieu ;
Quiconque jurant sur lui sera digne d’éloge ;
Parce que la bouche de ceux qui disent des choses injustes fut obstruée.

Une version viable pour un nouveau regard

Le texte ci-dessus a de quoi étonner. Plutôt que de commenter la traduction liturgique française du psaume, faite à partir du texte hébreu, je propose une traduction qui colle à la version grecque, dite de la Septante. Cette antique version fut élaborée au 3e siècle avant notre ère par la communauté juive d’Alexandrie. Elle fût ensuite la Bible des premiers chrétiens. Elle est très proche du texte hébreu qui fonde le texte de nos bibles mais opère ça et là quelques glissements significatifs, Or, durant toute l’Antiquité et le Moyen-Âge, les chrétiens prièrent les psaumes à partir de cette version grecque ou de sa traduction latine, intégrée par Jérôme à sa Vulgate’. Encore aujourd’hui, la numérotation liturgique du psautier est celle de la Septante. ..
Plus que tout texte biblique, les Psaumes sont avant tout paroles, reprises et recontextualisées à chaque génération. Or, ce jeu de l’Écriture, actualisée au moment même où elle se fait Parole sur nos lèvres, est à l’oeuvre dans le Psaume 62 lui-même. Au fil des versets, pour peu qu’on soit sensible aux métaphores, aux contrastes et aux aspérités du texte, s’ouvre un horizon de compréhension qui se renouvelle sans cesse.

Péché d’interprétation par omission? (v. L et 10-11)

La traduction liturgique omet les versets 10 et II, ainsi que le verset l. Ce choix oriente la prière vers une contemplation individuelle, paisible et spiritualisante, plus universelle aussi. Toutefois, il nous prive d’une clé de lecture susceptible de renouveler la prière.
. Les versets 10-11 décrivent le combat du priant face à ses ennemis. Peut-on prier avec un sentiment de haine ? Oui, répond le psaume, il faut prier avec ce que nous sommes et ce que nous portons. Car la prière ne se limite pas à une relation « Je-Tu», «moi devant toi, mon Dieu ». Acte solitaire, face à l’Autre, la prière demeure néanmoins une référence aux autres. Ceux-ci y ont leur place, même (et surtout) si ces autres sont mes ennemis.
. Le verset l indique dans quel esprit l’éditeur du psautier priait le Psaume 62 : « Psaume de David, lorsqu’il était dans le désert de Judée ». C’est une invitation à relire les versets qui suivent à la lumière du Premier livre de Samuel, qui raconte les aventures de David (7 Samuel 22 – 30). Peu importe que David soit l’auteur du poème, et encore moins que cette notice soit historiquement vérifiée (ou vérifiable) ! La notice situe la prière au désert (v. 2), lieu du combat et de l’épreuve (v. 7-11), en tension avec le sanctuaire (v. 3), lui-même lieu de l’action de grâce émerveillée et volubile (v. 4-6). On le verra, cette alternance des deux lieux de la prière structure le psaume.
Bref, ces versets omis par la liturgie des Heures rappellent à Forant que la prière est ouverture sur l’altérité et combat. Cette omission n’est pas péché d’interprétation, mais elle-même actualisation du texte…

Le contraste entre tableaux (V. 2-8)

Au verset 2, David prend la parole. Au Néguev où il s’est réfugié, hors-la-loi et vagabond, le futur roi s’identifie à cette terre sans chemin et sans eau qui l’a accueilli – le mot désert encadre le paragraphe aux versets l et 2. Le psaume s’ouvre sur un paysage flamboyant, celui du désert à l’aube, lorsque la crainte et le froid disparaissent, que les couleurs s’illuminent et que la terrible chaleur se lève. Un cri jaillit, premiers mots de la prière que les autres versets ne font que développer : « Dieu, mon Dieu » – cri que l’on rencontre deux autres fois dans le psautier (21, 2 ; 42, 4). Cri inaugural, où l’être – l’âme qui est la personne en toute son intégralité et son intégrité – se réduit à un amas de chair (littéralement : de viande). La prière est un cri de finitude
Le verset 3 fait contraste, en une sorte de flash-back : « Dans le sanctuaire je fus vu par toi, pour voir ta force et ta gloire. » Là où la traduction de la liturgie des Heures présente un parallélisme (« je t’ai contemplé… j’ai vu ta force et ta gloire»), la Septante souligne un mouvement fort intéressant, qui est celui même de la prière, par un jeu de mots autour du verbe voir, conjugué au passif et à l’infinitif : je me laisse voir par Dieu, tel que je suis, et c’est ainsi que je peux le voir.
Les versets 4-6 aient ce qu’était la prière au sanctuaire. En opposition à la chair informe (v. 2), les mots décrivent un visage, avec ses lèvres et sa bouche, une personne complète, debout, les mains levées. Ici, l’être n’est pas assoiffé ou diminué, mais rempli de graisse et d’huile. La traduction liturgique, en rendant cette image par le mot festin, lui enlève sa connotation cultuelle. Or, c’est une référence aux sacrifices d’animaux. Dans le sanctuaire, il est facile de louer Dieu et d’offrir un sacrifice, tandis que dans le désert, quelle peut être la louange, et que peut-on offrir, sinon soi-même réduit à l’état de chair ?
Au verset 7, retour à la case départ, c’est-à-dire au désert. Le guerrier attend l’aube (clin d’oeil au v. 2), dans son campement de fortune. Les versets 8-11 citent ce que peut être la prière en ce lieu. Le vocabulaire est militaire : combat, droite, ont cherché, sabre. Nous ne sommes plus dans l’intimité du sanctuaire, mais dans l’inconfort de la guerre, perdus au sein d’un vaste espace sauvage où les animaux sont compagnons de l’humain, que ce soient les renards (v. 11) ou l’aigle, évoqué pour dire la protection divine (v. 8). Les versets 8-9 redisent en d’autres mots, car dans un autre contexte, la prière des versets 4-6. David, le chantre du sanctuaire, est devenu le proscrit persécuté par Saül et craignant pour sa vie. Métamorphose paradoxale de la présence divine.
Un mot pourtant unit les deux tableaux : l’allégresse. Dans la contemplation, Dieu était présent ; dans le combat, Dieu l’est tout autant. Dans les deux cas, l’allégresse est suscitée par la miséricorde, meilleure que la vie, et même que toutes les vies (curieux pluriel !), au-dessus d’elles (v. 4). Ce triple pléonasme marque une insistance. Or, la miséricorde apparaît comme une présence enveloppante (v. 8, « sous la couverture de tes ailes »), irrésistible et intime (v. 9, « Mon être fut soudé derrière toi, Ta droite me saisit »). Fait notable : si l’allégresse et la louange se conjuguent au futur, comme une nécessité à venir, la miséricorde se conjugue au passé, comme une certitude.

Une relecture de l’ensemble du Psaume (V. 12)

Le verset 12, peut-être parce qu’il semble hors d’ordre, est omis (lui aussi !) par la liturgie des Heures. Il se présente comme une conclusion moralisante ajoutée au psaume : celui qui prie et s’appuie sur Dieu est un exemple à suivre, car la prière ne peut s’enraciner dans l’injustice. On y reprend trois thèmes du psaume : la joie, la louange, le sort des ennemis.
Or, ce verset pourrait s’avérer une clé de lecture pour la prière. Je le comprends comme une actualisation de tout le psaume : « Le roi cependant se réjouira en Dieu ; Quiconque jurant sur lui sera digne d’éloge ; Parce que la bouche de ceux qui disent des choses injustes fut obstruée. » Formulation non exempte d’ambiguïté : on croirait entendre un programme de gouvernement et une critique du gouvernement, tout à la fois. Le roi sera fidèle à Dieu et juste… Ainsi sa prière pourra-t-elle être entendue, contrairement à celle de l’injuste. Ainsi le roi pourra-t-il être loué par ses serviteurs. Ainsi le serviteur fidèle à un tel roi sera-t-il à son tour digne d’éloge.
Quel est le lien entre l’expérience de David décrite aux versets 2-11 et ce programme politique ? Imaginons une liturgie royale, au Temple, conduite par un prêtre qui s’adresse au roi pour lui donner David en exemple. Le successeur de David ne peut déjà plus redire ce psaume à la manière du fugitif au désert. L’expérience spirituelle de David est transposée au plan politique, comme critère de validation de l’institution monarchique. Mais pour nous, c’est une invitation à écrire une suite au psaume, un treizième verset inspiré de notre vie.
Une invitation à nous souvenir des moments de contemplation qui ont fondé notre expérience spirituelle, alors même que la plongée dans l’action semble nous éloigner de cette expérience. Ma prière est souvent sèche et aride, mais elle doit alors se nourrir des moments intenses et privilégiés de jadis…
Une invitation aussi à accepter une sécularisation de la prière. La culture actuelle n’est plus soumise à un encadrement sacré, spatial ou temporel. Il est lointain ce temps où les Vêpres se célébraient en paroisse. La prière ne se vit plus seulement au sanctuaire ; au coeur du désert de la vie profane s’ouvre un nouvel espace sacré. Comment discerner et construire ce nouvel espace ? Peut-être est- ce la question la plus cruciale du 3e millénaire.

NOTE : « l . La Vulgate contient deux traductions latines des psaumes. Pourquoi ? Saint Jérôme voulait traduire la Bible en latin a partir de l’hébreu, texte originel et donc préférable, selon lui. Or, les chrétiens étaient si attachés a leur traduction latine de la Septante que Jérôme fut obligé de déroger à sa règle hébraïque et d’inclure dans son ouvre une version latine à partir de la Septante et une autre faite à partir du texte breu. »

Source : Revue «Célébrer les Heures». No 21, printemps 1999.

L’Eternel ma délivrance, psaume 88

5 octobre, 2010

du site:

http://batschalom.canalblog.com/archives/2010/09/26/19170141.html

dimanche 26 septembre 2010

L’Eternel ma délivrance, psaume 88

PSAUME 88

[David se représente comme étant réduit aux dernières extrémités.]

1 Maskil d’Héman Ezrahite, [qui est] un Cantique de Psaume, [donné] au maître chantre d’entre les enfants de Coré, [pour le chanter] sur Mahalath-lehannoth.
2 Eternel ! Dieu de ma délivrance, je crie jour et nuit devant toi.
3 Que ma prière vienne en ta présence ; ouvre ton oreille à mon cri.
4 Car mon âme a tout son saoul de maux, et ma vie est venue jusqu’au sépulcre.
5 On m’a mis au rang de ceux qui descendent en la fosse ; je suis devenu comme un homme qui n’a plus de vigueur ;
6 Placé parmi les morts, comme les blessés à mort couchés au sépulcre, desquels il ne te souvient plus, et qui sont retranchés par ta main.
7 Tu m’as mis en une fosse des plus basses, dans des lieux ténébreux, dans des lieux profonds.
8 Ta fureur s’est jetée sur moi, et tu m’as accablé de tous tes flots ; Sélah.
9 Tu as éloigné de moi ceux de qui j’étais connu, tu m’as mis en une extrême abomination devant eux ; je suis enfermé tellement, que je ne puis sortir.
10 Mon oeil languit d’affliction ; Eternel ! je crie à toi tout le jour, j’étends mes mains vers toi.
11 Feras-tu un miracle envers les morts ? ou les trépassés se relèveront-ils pour te célébrer ? Sélah.
12 Racontera-t-on ta miséricorde dans le sépulcre ? [et] ta fidélité dans le tombeau ?
13 Connaîtra-t-on tes merveilles dans les ténèbres ; et ta justice au pays d’oubli ?
14 Mais moi, ô Eternel ! je crie à toi, ma prière te prévient dès le matin.
15 Eternel ! pourquoi rejettes-tu mon âme, pourquoi caches-tu ta face de moi ?
16 Je suis affligé et comme rendant l’esprit dès ma jeunesse ; j’ai été exposé à tes terreurs, et je ne sais où j’en suis.
17 Les ardeurs de ta [colère] sont passées sur moi, et tes frayeurs m’ont retranché.
18 Ils m’ont tout le jour environné comme des eaux, ils m’ont entouré tous ensemble.
19 Tu as éloigné de moi mon ami, même mon intime ami, et ceux de qui je suis connu me sont des ténèbres.

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Je désirais trouver un sujet pour vous parler de la relation intime avec D.ieu et le Seigneur m’a conduit vers ce passage. C’est David qui parle, David qui a connu des moments de détresses très grandes, aujourd’hui on parlerait de dépressions, de stress intenses, il n’est pas le seul, pour ni citer que Job, Elie, Jérémy, Jean Baptiste etc.. a avoir traversé des périodes cauchemardesques, mettant son équilibre mental en péril, tout son être entier, dans la souffrance la plus intense et en même temps tendant la main vers D.ieu d’où il attend le secours, la délivrance. Je crois que le Seigneur qui a vécu lui même cette souffrance dans le jardin de Géthsémané nous donne des exemples pour nos vies. Que la souffrance vienne d’un fait  dont on est responsable ou non, ne change en rien la situation actuelle de David qui ne désire qu’une chose : ne plus souffir.Il implique le Seigneur jusqu’au bout.
Dans les premiers versets, il demande à D.ieu de l’écouter et lui dit son mal. Il n’analyse pas les causes, simplement, il crie nuit et jour, et attend que D.ieu l’écoute. Il voudrait faire sortir toute sa souffrance de son âme, cette souffrance qui l’étouffe jusqu’à faire jaillr un cri en continu.
Puis il dit ‘on’ m’a fait du tort, il se sent offensé par des blessures intérieures que des hommes lui ont causées, ils l’ont mis  plus bas qu’un être humain puisse être, presque jusqu’à la mort, il n’arrive pas à se relever, puis dans sa douleur, il accuse D., c’est toi qui m’a fait descendre ou en tout cas tu as laissé faire, puis il change de tactique, il essaie de chatouiller l’amour propre de D. en lui disant que si il le laissait dans cet état, il ne pourrait plus l’adorer, il pense aux moments intimes partagés avec le Seigneur, et espère y revenir. Il n’est plus capable de penser normalement. Dans son délire il accuse tantôt D. tantôt les hommes, en tout cas il le rend responsables de ses angoissses, de son état, de sa solitude.
Je crois que David avait une relation très intime, très profonde avec D. pour oser lui parler  comme cela, parce que dans son coeur, il ne doutait pas un instant qu’il viendrait à son secours, D. disait que David était un homme selon son coeur. D. ne donne pas des souffrances, ça c’est sûr, mais il permet quelque fois qu’elles durent, alors que d’un mot, il pourrait tout stopper. Moi j’ai connu une souffrance semblable, sans D. dabord, puis avec lui. Pourquoi il a permis? Ca je ne peux pas répondre, peut être parce qu’il m’aime assez pour qu’un jour j’ai pu répondre à son appel et lui demander de m’aider comme David. Parce qu’avant de le connaitre, je pensais vraiment de jamais sortir de la fosse, j’avais organisé ma vie, afin de survivre, essayant au mieux, de ne pas faire surgir mes angoisses, et me tenir tranquille le plus possible, limitant mes sorties, juste le boulot, la maison, les enfants, le minimumn dans la souffrance, le mal être, le stress, tout le temps, mes pensées qui tournaient en boucle, toujours les mêmes, le cauchemar pendant 30 ans. Jétais tellement emmurée dans ma solitude qu’un jour le Seigneur en rêve m’a montré comment je vivais : j’étais dans une cave, avec des bottes aux pieds (ca je sais pas pourquoi) assise sur une chaise et je bougeais pas, j’ai dit au Seigneur que le pari que je lui proposait c’était de m’en sortir.
Après ma conversion la souffrance est restée longtemps, je ne comprenais pas pourquoi, mais je n’arrivais plus à réagir alors les seuls moments où j’étais bien c’était dans la louange et l’adoration. Et comme David souvent je disait au Seigneur qu’il n’avait qu’une parole à  prononcer pour que ma souffrance s’arrête, mais il ne le faisait pas, je n’avais pas intégré ma conversion, bien sûr il m’a donné beaucoup de signes, mais juste pour que je continue à croire en lui, parce qu’il voulait m’amener à autre chose, il voulait petit à petit changer mes pensées, me rendre responsable de ma vie, ôter la culpabilité qui était en moi, me redonner la force de me battre, parce que quand on est dans la fosse comme ça, on est enténébrés, incapables de s’en sortir tout seul, et ça été mon nouveau combat, laisser le Seigneur agir, se battre pour moi, et ne plus gaspiller les pauvres forces que j’avais pour un combat perdu d’avancen je ne cherche plus à connaitre les causes, ni à rechercher un responsable, ça ne sert à rien, mais je sais maintenant que le Seigneur ne me lâchera jamais et que je n’aurais plus à vivre le texte de ce psaume, parce que maintenant, je peux prévenir un état de stress, de fatigue, je ne me laisse plus dominer par des pensées qui me diraient que c’est comme ca, que je ne peux rien faire, je dis non, je prie, je ne doute plus, le Seigneur m’a relevé plusieurs fois depuis ma conversion, car le diable est rusé, et il essaye tant et tant que si on est pas assez armé, il réussit, parce que c’est long, parce que le Seigneur use de beaucoup de patience pour remettre un être humain debout, parce que reconstruire un homme, une femme, c’est un travail d’amour, parce que notre être est fait de beaucoup de choses, d’émotions, de réflexions, d’actions, et que c’est une alchimie qui doit être dosée parfaitement, et que seul D. connait le secret caractéristique à chacun d’entre nous.
J’ai écrit ce texte, vraiment sans penser que je parlerais de choses aussi intimes, j’essaie toujorus de donner un encouragement, et en fait, ce psaume n’a pas de fin heureuse comme en général, ils en ont, mais il a une fin heureuse, parce qu’il traduit l’assurance de David à savoir que le Seigneur a tout entre ses mains, qu’il n’attend que sa réponse, à aucun moment il ne doute de sa libération, il doit passer par une épreuve terrible c’est vrai, mais à il sait que D. va répondre et c’est cela que j’aimerais retenir, D. répond toujours, il permet des circonstances qu’on juge quelque fois insupportables mais il donne la force, et surtout il désire que nous réfléchissions, que nous en tirions des conséquences heureurses sur notre vie, nous savons que si nous nous retrouvons dans la fosse, plusieurs fois, il sera toujours là pour nous en sortir, mais son but va au delà de celà, il désire nous imprimer son essence divine afin de définir avec nous les objectifs que nous avons pour notre vie, afin de nous révéler notre véritable personnalité, de jouir de sa présence, parce que quand il a chassé les ténèbres et qu’il met en lumière, quand tout devient transparent devant lui, alors il redonne d’espoir d’une vie nouvelle et pleine.

Corinne

( PSAUME 130, 1-3) : Pape Benoît (audience 10 aoùt 2005)

9 septembre, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2005/documents/hf_ben-xvi_aud_20050810_fr.html

( PSAUME 130, 1-3)

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 10 août 2005

Avoir confiance en Dieu comme l’enfant en sa mère
Lecture:  Ps 130, 1-3

1. Nous n’avons écouté que quelques paroles, une trentaine, de l’original en hébreu du Psaume 130. Et pourtant, il s’agit de paroles intenses qui développent un thème cher à toute la littérature religieuse:  l’enfance spirituelle. Cela nous fait spontanément penser à sainte Thérèse de Lisieux, à sa « petite voie », à son désir de « demeurer petite » pour « être entre les bras de Jésus » (cf. Manuscrit « C », 2r°-3v°:  Oeuvres complètes, Cité du Vatican 1997, pp. 235-236).

Au centre du Psaume, en effet, se découpe l’image d’une mère avec son enfant, signe de l’amour tendre et maternel de Dieu, comme l’avait déjà exprimé le prophète Osée:  « Quand Israël était jeune, je l’aimai [...] Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue; je m’inclinais vers lui et le faisais manger » (Os 11, 1.4).

2. Le Psaume s’ouvre par la description d’un comportement contraire à celui de l’enfance, qui est consciente de sa fragilité, mais qui est confiante en l’aide d’autrui. Le Psaume met en scène au contraire le coeur fier, l’orgueil du regard, la « grandeur et les prodiges » (cf. Ps 130, 1). C’est la représentation de la personne orgueilleuse, qui est décrite à travers des termes hébreux qui indiquent l’ »arrogance » et l’ »exaltation », l’attitude arrogante de celui qui regarde les autres avec un sentiment de supériorité, les considérant inférieurs à lui.

La grande tentation de l’orgueilleux, qui veut être comme Dieu, arbitre du bien et du mal (cf. Gn 3, 5), est fortement repoussée par l’orant, qui opte pour la confiance humble et spontanée dans l’unique Seigneur.

3. On passe ainsi à l’image inoubliable de l’enfant et de la mère. Le texte original hébreu ne parle pas d’un nouveau-né, mais d’un « petit enfant » (Ps 130, 2). Or, on sait que dans l’antiquité, au Proche-Orient, le sevrage se situait officiellement aux alentours des trois ans, et était célébré par une fête (cf. Gn 21, 8; 1 S 1, 20-23; 2 M 7, 27).

L’enfant, auquel le Psalmiste fait référence, est lié à la Mère par un rapport désormais plus personnel et intime et non pas par le simple contact physique et la nécessité de se nourrir. Il s’agit d’un lien plus conscient, même s’il est toujours immédiat et spontané. Telle est la parabole idéale de la véritable « enfance » de l’esprit, qui s’abandonne à Dieu non pas de façon aveugle et automatique, mais sereine et responsable.

4. La profession de foi de l’orant s’étend alors à toute la communauté; « Mets ton espoir, Israël, en Yahvé, dès maintenant et à jamais! » (Ps 130, 3). L’espérance naît à présent dans tout le peuple, qui reçoit de Dieu sécurité, vie et paix, et se prolonge du présent vers l’avenir, « dès maintenant et à jamais! ».

Il est facile de continuer la prière en reprenant d’autres voix présentes dans le Psautier, inspirées par la même confiance en Dieu:  « Sur toi je fus jeté au sortir des entrailles dès le ventre de ma mère, mon Dieu c’est toi » (Ps 21, 11). « Si mon père et ma mère m’abandonnent, Yahvé m’accueillera » (Ps 26, 10). « Car c’est toi mon espoir, Seigneur, Yahvé, ma foi dès ma jeunesse. Sur toi j’ai mon appui dès le sein, toi ma part dès les entrailles de ma mère » (Ps 70, 5-6).

5. A l’humble confiance s’oppose, comme on l’a vu, l’orgueil. Un écrivain chrétien du IV-V siècle, Jean Cassien, met en garde les fidèles contre la gravité de ce péché, qui « détruit toutes les vertus et ne menace pas seulement les médiocres et les faibles, mais surtout ceux qui sont arrivés au sommet en utilisant leurs forces ». Il poursuit:  « Voilà la raison pour laquelle le bienheureux  David  préserve avec tant de circonspection son coeur jusqu’à oser proclamer devant Celui auquel n’échappait certainement pas les secrets de sa conscience:  « Seigneur, que mon coeur ne s’enorgueillisse pas et que mon regard ne s’élève pas avec supériorité; je ne recherche pas de grandes choses, au-delà de mes forces »… Toutefois, bien conscient de la difficulté, même pour les hommes parfaits, de préserver leur coeur, il ne prétend pas s’appuyer sur ses seules capacités, mais supplie par des prières le Seigneur, de l’aider à échapper aux dards de l’ennemi et à ne pas être blessé:  « Que le pied des superbes ne m’atteigne » (Ps 35, 12) » (Le istituzioni cenobitiche [Des instituts des cénobites], XII, 6, Abbaye de Praglia, Bresseo di Teolo, Padova 1989, p. 289).

De même, un ancien anonyme des Pères du désert nous a transmis cette déclaration, qui fait écho au Psaume 130:  « Je n’ai jamais dépassé mon rang pour marcher plus haut, et je ne me suis jamais troublé lorsque j’ai été humilié, car ma pensée tout entière était occupée par cela:  prier le Seigneur de me dévêtir de l’homme ancien » (I Padri del deserto. Detti, Roma 1980, p. 287).

Pape Benoît: « Cantemus Domino : gloriose enim magnificatus est ».

23 juillet, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24007?l=french

Message du Pâques de Benoît XVI

Texte intégral

ROME, Dimanche 4 avril 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du message de Pâques que Benoît XVI a transmis au monde, ce dimanche, à midi, depuis la loggia centrale de la Basilique Saint-Pierre, avant de donner à tous sa bénédiction urbi et orbi.

« Cantemus Domino : gloriose enim magnificatus est ».

« Chantons le Seigneur : il est vraiment ressuscité! » (Liturgie des Heures, Pâques, Office des Lectures, Ant. 1).

Chers frères et sœurs,

Je vous porte l’annonce de la Pâque avec ces paroles de la Liturgie, qui font écho à l’hymne très ancien de louange des hébreux après le passage de la Mer rouge. Le livre de l’Exode (cf. 15, 19-21) raconte que quand ils eurent traversé la mer à pied sec et qu’ils virent les égyptiens engloutis par les eaux, Myriam – la sœur de Moïse et d’Aaron – et les autres femmes entonnèrent en dansant ce chant d’exultation : « Chantons le Seigneur, / car il a fait éclater sa gloire, / il a jeté à l’eau cheval et cavalier. ». Partout dans le monde, les chrétiens répètent ce cantique au cours de la Vigile pascale, et une prière dite pour la circonstance en explique la signification, une prière que maintenant, dans la pleine lumière de la résurrection, nous faisons nôtre avec joie : « Maintenant encore, Seigneur, nous voyons resplendir tes merveilles d’autrefois : Alors que jadis tu manifestais ta puissance en délivrant un seul peuple de la poursuite des Égyptiens, tu assures désormais le salut de toutes les nations en les faisant renaître à travers les eaux du baptême ; fais que les hommes du monde entier deviennent des fils d’Abraham et accèdent à la dignité de peuple élu ».

L’Évangile nous a révélé l’accomplissement des anciennes prophéties : par sa mort et sa résurrection, Jésus Christ a libéré l’homme de l’esclavage radical, celui du péché, et lui a ouvert la route vers la Terre promise, le Royaume de Dieu, règne universel de justice, d’amour et de paix. Cet « exode » se réalise avant tout à l’intérieur de l’homme lui-même, et il consiste en une nouvelle naissance dans l’Esprit Saint, conséquence du Baptême que le Christ nous a précisément donné dans le mystère pascal. L’homme ancien laisse la place à l’homme nouveau ; en laissant derrière soi la vie d’avant, il est possible d’avancer dans une vie nouvelle (cf. Rm 6, 4). Mais l’ ‘exode’ spirituel est le principe d’une libération intégrale, susceptible de rénover l’homme dans toutes ses dimensions, personnelle et sociale.

Oui, frères, Pâques est le vrai salut de l’humanité ! Si le Christ – l’Agneau de Dieu – n’avait pas versé son Sang pour nous, nous n’aurions aucune espérance ; notre destin et celui du monde entier serait inévitablement la mort. Mais la Pâque a renversé la perspective : la Résurrection du Christ est une nouvelle création, à la manière d’une greffe qui peut régénérer l’ensemble de la planète. C’est un événement qui a modifié l’orientation profonde de l’histoire, la faisant basculer une fois pour toutes du côté du bien, de la vie, du pardon. Nous sommes libres, nous sommes sauvés ! Voilà pourquoi du plus profond de nous-mêmes nous exultons : « Chantons le Seigneur : il est vraiment ressuscité! ».

Le peuple chrétien, sorti des eaux du Baptême, est envoyé partout dans le monde pour témoigner de ce salut, pour porter à tous le fruit de la Pâque, qui consiste en une vie nouvelle, libérée du péché et rendue à sa beauté originelle, à sa bonté et à sa vérité. Continuellement, pendant deux mille ans, les chrétiens – spécialement les saints – ont fécondé l’histoire par l’expérience vivante de la Pâque. L’Église est le peuple de l’exode, parce qu’elle vit constamment le mystère pascal et répand sa puissance de renouvellement à tout moment et en tout lieu. Aujourd’hui encore, l’humanité a besoin d’un ‘exode’, non pas seulement d’ajustements superficiels, mais d’une conversion spirituelle et morale. Elle a besoin du salut de l’Évangile, pour sortir d’une crise qui est profonde et qui, comme telle, réclame des changements profonds, à commencer par celui de la conscience.

Au Seigneur Jésus, je demande qu’au Moyen Orient, et en particulier sur la Terre sanctifiée par sa mort et sa résurrection, les Peuples accomplissent un ‘exode’ vrai et définitif qui les fasse passer de la guerre et de la violence à la paix et à la concorde. Aux communautés chrétiennes qui, spécialement en Iraq, connaissent épreuves et souffrances, que le Ressuscité redise la parole pleine de consolation et d’encouragement qu’il adressa aux Apôtres dans le Cénacle : « La paix soit avec vous ! » ( Jn 20, 21).

Pour les pays latino-américains et des Caraïbes qui font l’expérience d’une dangereuse recrudescence des crimes liés au trafic de la drogue, que la Pâque du Christ marque la victoire de la convivialité pacifique et du respect pour le bien commun. Que la population bien-aimée d’Haïti, dévastée par l’effroyable tragédie du tremblement de terre, accomplisse son ‘exode’ du deuil et de la désespérance vers une nouvelle espérance, soutenue par la communauté internationale. Que les très chers citoyens du Chili, accablés par une autre grave catastrophe, mais soutenus par la foi, s’attachent avec ténacité à l’œuvre de reconstruction.

Dans la force de Jésus ressuscité, qu’il soit mis fin en Afrique aux conflits qui continuent à provoquer destructions et souffrances et que l’on parvienne à cette paix et à cette réconciliation qui sont des garanties de développement. Je confie en particulier au Seigneur l’avenir de la République démocratique du Congo, de la Guinée et du Nigéria.

Que le Ressuscité soutienne les chrétiens qui, à cause de leur foi, souffrent la persécution et même la mort, comme au Pakistan. Aux pays affectés par le terrorisme et par les discriminations sociales ou religieuses, qu’Il accorde la force d’ouvrir des chemins de dialogue et de coexistence sereine. Aux responsables de toutes les Nations, que la Pâque du Christ porte lumière et force, pour que l’activité économique et financière soit finalement fondée sur des critères de vérité, de justice et d’entraide fraternelle. Que la puissance salvifique de la résurrection du Christ remplisse l’humanité entière, afin que celle-ci dépasse les multiples et tragiques expressions d’une ‘culture de mort’ qui tend à se répandre, pour édifier un avenir d’amour et de vérité, dans lequel chaque vie humaine soit respectée et accueillie.

Chers frères et sœurs ! La Pâque n’agit pas de façon magique. Tout comme au-delà de la Mer rouge les hébreux trouvèrent le désert, l’Église, après la Résurrection, rencontre toujours l’histoire avec ses joies et ses espérances, ses douleurs et ses angoisses. Et cependant, cette histoire est transformée, elle est marquée par une alliance nouvelle et éternelle, elle est réellement ouverte à un avenir. C’est pourquoi, sauvés en espérance, nous poursuivons notre pèlerinage en portant dans le cœur le cantique ancien et toujours nouveau : « Chantons le Seigneur : il est vraiment ressuscité! ».

Traduction distribuée par le Bureau de presse du Saint-Siège

Ps 85: Prière à Dieu dans la souffrance

22 juillet, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-3949?l=french

Ps 85: Prière à Dieu dans la souffrance

Audience du 23 octobre 2002

CITE DU VATICAN, Mercredi 30 octobre 2002 (ZENIT.org) « Prière à Dieu dans la souffrance »: L’Osservatore Romano en français du 29 octobre publie sous ce titre la traduction de l’italien de la catéchèse de Jean-Paul II sur le Psaume 85, lors de l’audience générale du 23 octobre.

- Allocution de Jean-Paul II -

1. Le Psaume 85, qui vient d’être proclamé et qui sera l’objet de notre réflexion, nous offre une définition suggestive de l’orant. Il se présente à Dieu avec ces paroles: je suis « ton serviteur » et le « fils de ta servante » (v. 16). L’expression peut, bien sûr, appartenir au langage du cérémonial de cour, mais elle était également utilisée pour désigner le serviteur adopté comme fils par le chef d’une famille ou d’une tribu. Sous cette lumière, le Psalmiste qui se définit également « ami » du Seigneur (cf. v. 2), sent qu’il est lié à Dieu par un lien non seulement d’obéissance, mais également de familiarité et de communion. C’est pourquoi sa supplique est entièrement imprégnée d’abandon confiant et d’espérance.

Suivons à présent cette prière que la Liturgie des Louanges nous propose au début d’une journée qui, on peut le présumer, comportera non seulement des engagement et des efforts, mais également des incompréhensions et des difficultés.

2. Le Psaume commence par un intense appel, que l’orant adresse au Seigneur, confiant dans son amour (cf. vv. 1-7). A la fin, il exprime à nouveau la certitude que le Seigneur est un « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (v. 15; cf. Ex 34, 6).

Ces affirmations de confiance réitérées et convaincues révèlent une foi intacte et pure, qui s’abandonne au « Seigneur [qui est] bonté, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent » (Ps 85, 5).
Au centre du Psaume s’élève un hymne, qui mêle des sentiments d’action de grâce et une profession de foi dans les œuvres de salut que Dieu accomplit devant les peuples (cf. vv. 8-13).

3. Contre toute tentation d’idolâtrie, l’orant proclame l’unicité absolue de Dieu (cf. v. 8). Puis est exprimée l’espérance audacieuse qu’un jour « tous les païens » adoreront le Dieu d’Israël (v. 9). Cette perspective merveilleuse trouve son accomplissement dans l’Eglise du Christ, car il a invité ses apôtres à faire des disciples de « toutes les nations » (Mt 28, 19). Personne ne peut offrir une pleine libération, si ce n’est le Seigneur dont tous dépendent comme créature et à qui on doit s’adresser dans une attitude d’adoration (cf. Ps 85, 9). En effet, Il manifeste dans l’univers et dans l’histoire ses œuvres admirables, qui témoignent de sa seigneurie absolue (cf. v. 10).

A ce point, le Psalmiste se réserve une place afin de se présenter à Dieu avec une requête intense et pure: « Enseigne-moi, Yahvé, tes voies, afin que je marche en ta vérité, rassemble mon cœur pour craindre ton nom » (v. 11). Cette prière de pouvoir connaître la volonté de Dieu est très belle, ainsi que cette invocation pour obtenir le don d’ »un cœur simple », semblable à celui d’un enfant qui, sans fausseté ni calculs, se confie pleinement au Père pour marcher sur la route de la vie.

4. C’est alors que naît sur les lèvres du fidèle la louange à Dieu miséricordieux, qui ne le laisse pas sombrer dans le désespoir et dans la mort, dans le mal et dans le péché (cf. vv. 12-13; Ps 15, 10-11).
Le Psaume 85 est un texte cher au judaïsme, qui l’a inséré dans la liturgie de l’une de ses fêtes les plus importantes, le Yôm Kippur ou jour de l’expiation. Le Livre de l’Apocalypse, à son tour, en a tiré un verset (cf. v. 9), le plaçant au sein de la glorieuse liturgie céleste à l’intérieur du « Cantique de Moïse et de l’Agneau »: « Tous les païens viendront t’adorer », et l’Apocalypse ajoute: « parce que tu as fait éclater tes vengeances » (Ap 15, 4).

Saint Augustin a consacré à notre Psaume un long commentaire passionné dans ses Commentaires sur les Psaumes, en le transformant en un chant du Christ et du chrétien. La traduction latine, dans le v. 2, conforme à la version grecque des Septante, utilise la version « saint », au lieu de « fidèle »: « Garde-moi, car je suis saint ». En réalité, seul le Christ est saint. Toutefois, selon le raisonnement de saint Augustin, le chrétien peut lui aussi appliquer ces paroles à sa propre personne: « Je suis saint, parce que tu m’as sanctifié; parce que j’ai reçu la sainteté, non parce que je l’avais: parce que tu me l’as donnée, non parce que je l’ai méritée ». Et donc « que tout chrétien, ou plutôt que tout le Corps du Christ, en butte à la tribulation, éprouvé par les secousses et les scandales sans nombre, crie au Seigneur: « Garde mon âme, parce que je suis saint! Sauve, ô mon Dieu, ton serviteur qui espère en toi ». C’est là un saint sans orgueil, puisqu’il espère en Dieu » (vol. II, Rome 1970, p. 1251).

5. Le saint chrétien s’ouvre à l’universalité de l’Eglise et prie avec le Psalmiste: « Tous les païens viendront t’adorer, Seigneur, et rendre gloire à ton nom » (Ps 85, 9). Augustin commente: « Toutes les nations ne sont en lui seul qu’une seule nation, c’est là l’unité. De même qu’on dit l’Eglise, on dit les Eglises, et que les Eglises ne forment qu’une Eglise, ainsi cette grande nation sera toutes les nations. Tout à l’heure, c’étaient des nations, des nations nombreuses, comment n’y a-t-il plus qu’une nation? Parce qu’il n’y a qu’une seule foi, qu’une seule espérance, qu’une seule charité, qu’un seul avenir. Et enfin pourquoi n’y aurait-il pas une seule nation, quand il n’y a qu’une seule patrie? Cette patrie, c’est le ciel; cette patrie, c’est Jérusalem. [...] Et cette nation s’étend de l’Orient à l’Occident, du Nord et de l’Océan dans toutes les quatre parties de l’univers entier » (ibid., p. 1269).

Sous cette lumière universelle, notre prière liturgique se transforme en un souffle de louange et en un chant de gloire au Seigneur, au nom de toutes les créatures.

L’Osservatore Romano

Jean Paul II: Psaume 84 : Notre salut est proche (2002)

12 juin, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2002/documents/hf_jp-ii_aud_20020925_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 25 septembre 2002 

Psaume 84 : Notre salut est proche

1. Le Psaume 84 que nous venons de proclamer est un chant joyeux et rempli d’espérance dans l’avenir du salut. Il reflète le moment exaltant du retour d’Israël sur la terre des pères après l’exil babylonien. La vie nationale recommence dans ce foyer bien-aimé, qui avait été éteint et détruit lors de la conquête de Jérusalem par les armées du roi Nabuchodonosor en 586 av. J.-C.

En effet, dans l’original hébreu du Psaume, on entend résonner de façon répétée le verbe shûb, qui indique le retour des déportés, mais qui signifie également un « retour » spirituel, c’est-à-dire la « conversion ». La renaissance ne concerne donc pas seulement la nation, mais également la communauté des fidèles, qui avaient ressenti l’exil comme une punition pour les péchés commis et voyaient à présent le retour dans leur patrie et la nouvelle liberté comme une bénédiction divine, due à la conversion qui avait eu lieu.

2. Le Psaume peut être suivi dans son déroulement selon deux étapes fondamentales. La première est rythmée par le thème du « retour », qui comprend toutes les interprétations que nous avons mentionnées.

On célèbre tout d’abord le retour physique d’Israël: « Yahvé…, tu fais revenir les captifs de Jacob » (v. 2); « Fais-nous revenir, Dieu de notre salut… Ne reviendras-tu pas nous vivifier? » (vv. 5-7). Il s’agit d’un don précieux de Dieu, qui se soucie de libérer ses fils de l’oppression et qui s’engage pour leur prospérité. « Tu aimes en effet tout ce qui existe… Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître, ami de la vie » (cf. Sg 11, 24-26).

Mais, à côté de ce « retour », qui réunit de façon concrète ceux qui sont dispersés, il y a un autre « retour » plus intérieur et spirituel. Le Psalmiste lui laisse une grande place, en lui attribuant une importance particulière, qui vaut non seulement pour l’antique Israël, mais pour les fidèles de tous les temps.

3. Le Seigneur agit de façon active dans ce « retour », révélant son amour en pardonnant l’iniquité de son peuple, en effaçant tous ses péchés, en retirant son emportement, en mettant fin à sa colère (cf. Ps 84, 3-4).

C’est précisément la libération du mal, le pardon des fautes, la purification des péchés qui créent le nouveau Peuple de Dieu. Cela est exprimé à travers une invocation, qui est également entrée dans la liturgie chrétienne: « Fais-nous voir, Yahvé, ton amour, que nous soit donné ton salut » (v. 8).

Mais à ce « retour » de Dieu qui pardonne doit correspondre le « retour », c’est-à-dire la conversion, de l’homme qui se repent. En effet, le Psaume déclare que la paix et le salut sont offerts à « qui revient à lui de tout son coeur » (v. 9). Celui qui se place de façon décidée sur la voie de la sainteté reçoit les dons de la joie, de la liberté et de la paix.

On sait que, souvent, les termes bibliques concernant le péché évoquent le fait de se tromper de route, de manquer l’objectif, de dévier du droit chemin. La conversion est précisément un « retour » sur la voie linéaire qui conduit à la maison du Père, qui nous attend pour nous embrasser, nous pardonner et nous rendre heureux (cf. Lc 15, 11-32).

4. Nous arrivons ainsi à la deuxième partie du Psaume (cf. Ps 84, 10-14), si chère à la tradition chrétienne. On y décrit un monde nouveau, dans lequel l’amour de Dieu et sa fidélité, comme s’il s’agissait de personnes, s’embrassent; de même, la justice et la paix s’embrassent elles aussi lorsqu’elles se rencontrent. La vérité germe comme lors d’un nouveau printemps et la justice, qui pour la Bible est également salut et sainteté, se présente dans le ciel pour entamer son chemin au milieu de l’humanité.

Toutes les vertus, auparavant chassées de la terre en raison du péché, rentrent à présent dans l’histoire et, en s’entrecroisant, dessinent la carte d’un monde de paix. Miséricorde, vérité, justice et paix deviennent comme les quatre points cardinaux de cette géographie de l’esprit. Isaïe chante lui aussi: « Cieux, épanchez-vous là-haut, et que les nuages déversent la justice, que la terre s’ouvre et produise le salut, qu’elle fasse germer en même temps la justice. C’est moi, Yahvé, qui ait créé cela » (Is 45, 8).

5. Les paroles du Psalmiste, déjà au II siècle avec saint Irénée de Lyon, ont été lues comme une annonce de l’ »engendrement du Christ par la Vierge » (Adversus haereses, III, 5, 1). La venue du Christ est, en effet, la source de la miséricorde, l’éclosion de la vérité, la floraison de la justice, la splendeur de la paix.

C’est pourquoi le Psaume, en particulier dans sa partie finale, est relu en liaison avec la nativité par la tradition chrétienne. Voilà comment l’interprète saint Augustin, dans l’un de ses discours pour Noël. Laissons-le conclure notre réflexion. «  »La vérité a germé de la terre »: le Christ, qui a dit: « Je suis la vérité » (Jn 14, 6) est né d’une Vierge. « Et des cieux se penche la justice »: celui qui croit en celui qui est né ne se justifie pas lui-même, mais est justifié par Dieu. « La vérité a germé de la terre »: car « le Verbe s’est fait chair » (Jn 1, 14). « Et des cieux se penche la justice »: car « tout don excellent, toute donation parfaite, vient d’en-haut » (Jc 1, 17). « La vérité a germé de la terre », c’est-à-dire qu’elle a pris corps de Marie. « Et des cieux se penche la justice »: car « Un homme ne peut rien recevoir, si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3, 27) » (Discours, IV/1, Rome 1984, p. 11).

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J’accueille cordialement les pèlerins francophones, en particulier les membres de la section aquitaine de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale, l’Association «Science-Philosophie-Théologie» de Paris, ainsi que le groupe Saint-Vincent-de-Paul, de Canteleu. Que le Christ Sauveur féconde les efforts de tous les artisans de paix et qu’il les aide à rechercher sans se lasser le Royaume de Dieu et sa justice.
 

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