Archive pour la catégorie 'Psaumes'

BENOÎT XVI – PSAUME 3

14 mars, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110907.html

BENOÎT XVI – PSAUME 3

AUDIENCE GÉNÉRALE -

Place Saint-Pierre

Mercredi 7 septembre 2011

Chers frères et sœurs,

Nous reprenons aujourd’hui les audiences place Saint-Pierre et, à l’«école de la prière» que nous vivons ensemble en ces catéchèses du mercredi, je voudrais commencer à méditer sur certains psaumes qui, comme je le disais au mois de juin dernier, forment le «livre de prière» par excellence. Le premier Psaume sur lequel je m’arrête est un Psaume de lamentation et de supplication empreint d’une profonde confiance, dans lequel la certitude de la présence de Dieu fonde la prière qui jaillit d’une situation de difficulté extrême dans laquelle se trouve l’orant. Il s’agit du psaume 3, rapporté par la tradition juive à David au moment où il fuit son fils Absalom (cf. v. 1): il s’agit de l’un des épisodes les plus dramatiques et douloureux de la vie du roi, lorsque son fils usurpe son trône royal et le contraint à quitter Jérusalem pour sauver sa vie (cf. 2 S 15sq). La situation de danger et d’angoisse ressentie par David est donc l’arrière-plan de cette prière et aide à la comprendre, en se présentant comme la situation typique dans laquelle un tel Psaume peut être récité. Dans le cri du Psalmiste, chaque homme peut reconnaître ces sentiments de douleur, d’amertume et dans le même temps de confiance en Dieu qui, selon le récit biblique, avaient accompagné la fuite de David de sa ville. Le Psaume commence par une invocation au Seigneur: «Seigneur, qu’ils sont nombreux mes oppresseurs, nombreux ceux qui se lèvent contre moi, nombreux ceux qui disent de mon âme: “Point de salut pour elle en son Dieu!”» (vv. 2-3). La description que fait l’orant de sa situation est donc marquée par des tons fortement dramatiques. Par trois fois, on répète l’idée de multitude — «nombreux» — qui, dans le texte original, est exprimée à travers la même racine hébraïque, de façon à souligner encore plus l’immensité du danger, de façon répétitive, presque martelante. Cette insistance sur le nombre et la multitude des ennemis sert à exprimer la perception, de la part du Psalmiste, de la disproportion absolue qui existe entre lui et ses persécuteurs, une disproportion qui justifie et fonde l’urgence de sa demande d’aide: les oppresseurs sont nombreux, ils prennent le dessus, tandis que l’orant est seul et sans défense, à la merci de ses agresseurs. Et pourtant, le premier mot que le Psalmiste prononce est: «Seigneur»; son cri commence par l’invocation à Dieu. Une multitude s’approche et s’insurge contre lui, engendrant une peur qu’amplifie la menace, la faisant apparaître encore plus grande et terrifiante; mais l’orant ne se laisse pas vaincre par cette vision de mort, il maintient fermement sa relation avec le Dieu de la vie et s’adresse tout d’abord à Lui pour rechercher de l’aide. Mais les ennemis tentent également de briser ce lien avec Dieu et de briser la foi de leur victime. Ils insinuent que le Seigneur ne peut intervenir, et affirment que pas même Dieu ne peut le sauver. L’agression n’est donc pas seulement physique, mais touche la dimension spirituelle: «Le Seigneur ne peut le sauver» — disent-ils, — le noyau central de l’âme du Psalmiste doit être frappé. C’est l’extrême tentation à laquelle le croyant est soumis, c’est la tentation de perdre la foi, la confiance dans la proximité de Dieu. Le juste surmonte la dernière épreuve, reste ferme dans la foi et dans la certitude de la vérité et dans la pleine confiance en Dieu, et précisément ainsi, trouve la vie et la vérité. Il me semble qu’ici, le Psaume nous touche très personnellement: dans de nombreux problèmes, nous sommes tentés de penser que sans doute, même Dieu ne me sauve pas, ne me connaît pas, n’en a peut-être pas la possibilité; la tentation contre la foi est l’ultime agression de l’ennemi, et c’est à cela que nous devons résister, ainsi nous trouvons Dieu et nous trouvons la vie. L’orant de notre Psaume est donc appelé à répondre par la foi aux attaques des impies: les ennemis — comme je l’ai dit — nient que Dieu puisse l’aider, et lui, en revanche, l’invoque, l’appelle par son nom, «Seigneur», et ensuite s’adresse à Lui en un tutoiement emphatique, qui exprime un rapport stable, solide, et qui contient en soi la certitude de la réponse divine: «Mais toi, Seigneur, mon bouclier, ma gloire tu tiens haute ma tête. A pleine voix je crie vers le Seigneur; il me répond de sa montagne sainte» (vv. 4-5). La vision des ennemis disparaît à présent, ils n’ont pas vaincu car celui qui croit en Dieu est sûr que Dieu est son ami: il reste seulement le «Tu» de Dieu; aux «nombreux» s’oppose à présent une seule personne, mais beaucoup plus grande et puissante que beaucoup d’adversaires. Le Seigneur est aide, défense, salut; comme un bouclier, il protège celui qui se confie à Lui, et il lui fait relever la tête, dans le geste de triomphe et de victoire. L’homme n’est plus seul, ses ennemis ne sont pas imbattables comme ils semblaient, car le Seigneur écoute le cri de l’opprimé et répond du lieu de sa présence, de sa montagne sainte. L’homme crie, dans l’angoisse, dans le danger, dans la douleur; l’homme demande de l’aide, et Dieu répond. Ce mélange du cri humain et de la réponse divine est la dialectique de la prière et la clef de lecture de toute l’histoire du salut. Le cri exprime le besoin d’aide et fait appel à la fidélité de l’autre; crier signifie poser un geste de foi dans la proximité et dans la disponibilité à l’écoute de Dieu. La prière exprime la certitude d’une présence divine déjà éprouvée et à laquelle on croit, qui dans la réponse salvifique de Dieu se manifeste en plénitude. Cela est important: que dans notre prière soit importante, présente, la certitude de la présence de Dieu. Ainsi, le Psalmiste, qui se sent assiégé par la mort, confesse sa foi dans le Dieu de la vie qui, comme un bouclier, l’enveloppe d’une protection invulnérable; celui qui pensait être désormais perdu peut relever la tête, car le Seigneur le sauve; l’orant, menacé et raillé, est dans la gloire, car Dieu est sa gloire. La réponse divine qui accueille la prière donne au Psalmiste une sécurité totale; la peur aussi est finie, et le cri s’apaise dans la paix, dans une profonde tranquillité intérieure: «Et moi, je me couche et je dors; je m’éveille: le Seigneur est mon soutien. Je ne crains pas ce peuple nombreux qui me cerne et s’avance contre moi» (vv. 6-7). L’orant, bien qu’au milieu du danger et de la bataille, peut s’endormir tranquille, dans une attitude sans équivoque d’abandon confiant. Autour de lui, ses adversaires montent leurs campements, l’assiègent, ils sont nombreux, ils se dressent contre lui, se moquent de lui et tentent de le faire tomber, mais lui en revanche se couche et dort tranquille et serein, certain de la présence de Dieu. Et à son réveil, il trouve encore Dieu à côté de lui, comme un gardien qui ne dort pas (cf. Ps 121, 3-4), qui le soutient, le tient par la main, ne l’abandonne jamais. La peur de la mort est vaincue par la présence de Celui qui ne meurt pas. Et précisément la nuit, peuplée de craintes ataviques, la nuit douloureuse de la solitude et de l’attente angoissée, se transforme à présent: ce qui évoque la mort devient présence de l’Eternel. A l’aspect visible de l’assaut ennemi, massif, imposant, s’oppose l’invisible présence de Dieu, avec toute son invincible puissance. Et c’est à Lui que de nouveau le Psalmiste, après ses expressions de confiance, adresse sa prière: «Lève-toi, Seigneur! Sauve-moi, mon Dieu!» (v. 8a). Les agresseurs «se levaient» (cf. v. 2) contre leur victime. En revanche, celui qui «se lèvera», c’est le Seigneur, et il les abattra. Dieu le sauvera, en répondant à son cri. C’est pourquoi le Psaume se conclut avec la vision de la libération du danger qui tue et de la tentation qui peut faire périr. Après la demande adressée au Seigneur de se lever pour le sauver, l’orant décrit la victoire divine: les ennemis qui, avec leur injuste et cruelle oppression, sont le symbole de tout ce qui s’oppose à Dieu et à son plan de salut, sont vaincus. Frappés à la bouche, ils ne pourront plus agresser avec leur violence destructrice et ils ne pourront plus insinuer le mal du doute dans la présence et dans l’action de Dieu: leur parole insensée et blasphème sera définitivement démentie et réduite au silence par l’intervention salvifique du Seigneur (cf. v. 8bc). Ainsi, le Psalmiste peut conclure sa prière avec une phrase aux connotations liturgiques qui célèbre, dans la gratitude et dans la louange, le Dieu de la vie: «Du Seigneur, le salut! Sur ton peuple, ta bénédiction!» (v. 9). Chers frères et sœurs, le Psaume 3 nous a présenté une supplique pleine de confiance et de réconfort. En priant ce Psaume, nous pouvons faire nôtres les sentiments du Psalmiste, figure du juste persécuté qui trouve en Jésus son accomplissement. Dans la douleur, dans le danger, dans l’amertume de l’incompréhension et de l’offense, les paroles du Psaume ouvrent notre cœur à la certitude réconfortante de la foi. Dieu est toujours proche — même dans les difficultés, dans les problèmes, dans les ténèbres de la vie — il écoute, il répond et il sauve à sa façon. Mais il faut savoir reconnaître sa présence et accepter ses voies, comme David dans sa fugue humiliante de son fils Absalom, comme le juste persécuté dans le Livre de la Sagesse et, en dernier et jusqu’au bout, comme le Seigneur Jésus sur le Golgotha. Et lorsque, aux yeux des impies, Dieu semble ne pas intervenir et que le Fils meurt, c’est précisément alors que se manifeste, pour tous les croyants, la vraie gloire et la réalisation définitive du salut. Que le Seigneur nous donne foi, qu’il vienne en aide à notre faiblesse et qu’il nous rende capable de croire et de prier à chaque angoisse, dans les nuits douloureuses du doute et dans les longs jours de douleur, en nous abandonnant avec confiance à Lui, qui est notre «bouclier» et notre «gloire». Merci.

SUR LE SIXIÈME PSAUME – ÉCRIT PAR SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE

22 juin, 2015

http://www.coptipedia.com/ancien-testament/sur-le-sixieme-psaume.html

SUR LE SIXIÈME PSAUME

ÉCRIT PAR SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE

Ceux qui s’avancent « de puissance en puissance » selon la bénédiction du prophète et disposent en leur cœur « ces glorieuses ascensions », lorsqu’ils saisissent une pensée bonne, sont conduits par elle à une pensée plus élevée grâce à laquelle se fait l’ascension de l’âme vers les hauteurs. Et ainsi toujours « tendu en avant », il n’arrêtera jamais la bonne ascension, celui qui est toujours guidé par de sublimes pensées vers la compréhension des puissances d’en haut.
Je vous ai dit cela, frères, en réfléchissant sur le sixième psaume, et en observant l’ordre logique et nécessaire d’après lequel après « celle qui hérite » a été ajoutée la Parole concernant l’octave. Or vous n’ignorez absolument pas le mystère de l’octave. Il ne convient pas, en effet, que la pensée de quelques-uns soit entraînée vers les opinions des juifs, qui ramènent la grandeur du mystère de l’octave à ce qui concerne les parties honteuses de notre corps et disent que par le nombre de l’octave sont indiquées la loi de la circoncision et la purification après l’accouchement (Lev 12).
Mais nous, qui avons appris du grand Paul, que « la Loi est spirituelle », même si ce nombre est contenu dans les lois indiquées, instituant pour l’homme la circoncision et pour la femme le sacrifice pour la purification, ni nous ne rejetons ni n’admettons humblement la Loi, puisque nous savons qu’en vérité le huitième jour a lieu la véritable circoncision, pratiquée avec un couteau de pierre. Tu comprends, sans doute possible, que par la pierre qui tranche l’impureté, est désignée « la pierre même qu’est le Christ » parole de vérité, et que cesse le flux sordide des embarras de la vie, une fois l’existence humaine transformée dans le sens du plus divin. Pour rendre manifeste à tous le sens de tels propos, je vais tenter, autant que je le pourrai, de donner plus de clarté à mon discours.
Le temps de cette vie, dans la première réalisation de la création, a été accompli en une seule semaine : la création des réalités commença avec le premier jour et la fin de la création s’acheva avec le septième. En effet, « il y eut » dit le prophète, « un jour » où furent créées les premières réalités ; puis, de la même façon, un second, les deuxièmes, et ainsi de suite jusqu’au sixième jour où tout fut créé. Le septième, qui est la fin de la création, a clos en lui le temps coextensif à la création du monde. Comme donc, ni aucun autre ciel n’a été fait depuis ce moment, ni aucune des parties du monde n’a été ajoutée à celles qui existent depuis le commencement mais que la création a été constituée en elle-même, demeurant dans ses dimensions sans augmentation ni diminution, ainsi aucun autre temps n’a existé en dehors de celui qui a été déterminé avec la création, mais la réalité du temps a été circonscrite dans la semaine de jours. C’est pourquoi, lorsque nous mesurons le temps avec les jours, partant d’un jour et fermant le nombre avec le septième, nous revenons à un jour, mesurant toute l’étendue du temps par le cycle des semaines jusqu’à ce que, une fois les réalités mobiles passées et le flux du devenir du monde arrêté, viennent, comme dit l’Apôtre, les choses qui ne sont plus agitées, que n’atteignent plus ni altération, ni changement, puisque cette création-là demeure toujours semblable à elle-même dans les siècles successifs. On y verra la vraie circoncision de la nature humaine dans le dépouillement de la vie corporelle et la vraie purification de la vraie souillure. Or la souillure de l’homme, c’est le péché engendré avec la nature humaine (car « ma mère m’a conçu dans le péché ») dont Celui qui a opéré la purification de nos péchés nous purifie alors entièrement, faisant disparaître de la nature des êtres tout ce qui est sanglant, sordide et incirconcis. C’est en ce sens que nous prenons la loi de l’octave qui purifie et circoncit : à la fin de ce temps septénaire, le huitième jour apparaîtra après le septième, appelé huitième parce qu’il vient après le septième, mais n’ayant plus après lui de successeur. Il demeure en effet à jamais unique sans être jamais interrompu par l’obscurité nocturne ; c’est un autre soleil qui le fait, celui qui rayonne de la véritable lumière, qui, une fois qu’il nous est apparu, comme l’Apôtre n’est plus caché par les couchants, mais embrassant tout dans sa vertu illuminatrice, éclaire de la lumière perpétuelle et sans alternance ceux qui en sont dignes, faisant même de ceux qui participent à cette lumière d’autres soleils, selon la parole de l’Évangile : « Alors les justes brilleront comme le soleil ».
Puisque donc, dans le psaume précédent, le prophète parle « pour celle qui reçoit l’héritage » et que l’héritage est préparé aux justes dans l’octave et, là aussi, le juste jugement de Dieu qui distribue selon le mérite de chacun, le prophète a eu raison d’associer au rappel de l’octave sa parole sur le repentir. Qui, en effet, en se rappelant le redoutable jugement du Christ, n’est pas aussitôt déchiré dans sa conscience et saisi par la crainte et l’angoisse ? Et même s’il se trouve conscient d’avoir passé sa vie à se rendre meilleur, cependant, ayant les yeux fixés sur la rigueur du jugement où même la moindre des fautes est examinée, il est saisi d’un effroi extrême dans la crainte de maux redoutables, puisqu’il ne sait quels seront pour lui l’issue et le terme du jugement. Voilà pourquoi, comme il a pour ainsi dire sous les yeux ces châtiments redoutables – la Géhenne, le feu ténébreux et le ver de la conscience qui ne meurt pas , qui suce interminablement l’âme par la honte et, en lui rappelant ses actes mauvais, ravive ses souffrances – il supplie désormais Dieu, priant pour n’être pas livré dans sa fureur à la rigueur du jugement, pour n’être pas soumis par sa colère à la correction de ses fautes. Car pour ceux qui ont été condamnés à la cruelle correction de ce châtiment redoutable, le jugement est selon la tradition oeuvre de fureur et de colère. Et c’est pourquoi, comme s’il se trouvait déjà dans la douleur, il reprend les paroles de ceux qui souffrent, pour qui ce qui est exercé pour le châtiment des impies est fureur et colère. Il dit alors : je n’attends pas que vienne sur moi avec les châtiments redoutables dus à cette fureur le jugement qui me convaincra de mes fautes cachées mais je devance en les confessant la nécessité de cette colère. Car ce que produit la douleur chez ceux qui sont châtiés, en rendant manifeste malgré eux les secrets de leur iniquité, c’est ce qu’obtient par elle-même la libre décision de se punir et de se châtier par repentir, de rendre publique le péché dissimulé dans le secret du cœur.
Donc, en disant : « Ne me châtie pas dans ta fureur, ne me corrige pas dans ta colère », il cherche logiquement recours en la miséricorde, en rapportant la raison du mal non pas tant à une libre décision qu’à la faiblesse de notre nature : Moi qui suis né dans le mal, soigne-moi par ta miséricorde de faible que j’étais, je suis devenu la proie des passions. Mais quelle faiblesse ? Mes os se sont disloqués, ont perdu leurs articulations. Or, les os, c’est la sage raison qui affermit l’âme : « Guéris-moi, Seigneur, car mes os sont bouleversés ». Et il interprète le sens figuré de l’expression en ajoutant : « Mon âme est toute bouleversée ». Pourquoi donc, dit-il, remets-tu à plus tard la guérison, « Toi, Seigneur ? Jusqu’à quand » vas-tu refuser d’accorder ta miséricorde ? Ne vois-tu pas la brièveté de la vie humaine ? Préviens, en convertissant mon âme, cette nécessité de notre vie, de peur que, quand la mort viendra, toute intention de me soigner soit inutile. Car il ne sera plus dans la mort, celui qui peut par le souvenir de Dieu soigner la maladie que provoque en lui le mal, puisque l’aveu a de la force sur terre mais que ce n’est pas le cas dans l’Hadès. Ensuite, comme si quelqu’un demandait : comment implores-tu la miséricorde pour la guérison des fautes ? De quelle manière fléchir la divinité ? Il répond : « Je me suis épuisé en gémissements », et je baignerai du flot de mes larmes « mon lit » où s’entasse le péché. Pourquoi ? Parce que, dit-il, « dans ma fureur mon oeil a été bouleversé », et pour cela je suis devenu quelqu’un de vieux et de moisi, parce que la fureur que mettent en moi mes adversaires a gangrené mon âme. Or, si la fureur, à elle seule, met tant de crainte en celui qui a commis une faute à cause d’elle, combien, à plus forte raison, désespéreront du salut ceux qui sont conscients en leur vie particulière non seulement des passions qui viennent de la fureur, mais aussi de tout ce que provoquent désir, cupidité, orgueil, amour de la gloire, envie et tout l’essaim restant des vices humains. C’est pourquoi s’adressant à tous ses adversaires, il dit « Écartez-vous de moi, vous tous, artisans d’iniquité » (Ps 6, 9).
Mais il indique, dans le verset suivant, le bon espoir d’un heureux résultat qui nous vient du repentir. Aussitôt, en effet, en même temps qu’il a présenté à Dieu ses paroles de repentir, venant à sentir la bienveillance de Dieu à son égard, il révèle la grâce et se réjouit du don qui lui est fait, en disant : « Le Seigneur a entendu ma supplication : le Seigneur a accueilli ma prière ». Afin donc que le bien qui lui est venu de son repentir puisse subsister à jamais pour lui et que, dans sa vie il n’ait pas besoin d’un second repentir, il demande que ses adversaires se détournent sous le fouet de la honte. Car celui qui a honte d’avoir commis le mal, en se laissant guider par la honte pour ne plus se porter aux mêmes actes, s’écartera à l’avenir d’expériences semblables. Telle est donc la logique d’une bonne ascension : le quatrième psaume a distingué le bien immatériel de la réalité corporelle et charnelle ; le cinquième a appelé par ses prières l’héritage d’un tel bien ; le sixième, par la mention de l’octave, a indiqué le moment de l’héritage ; l’octave a manifesté la peur du jugement : le jugement a averti les pécheurs que nous sommes de prévenir par le repentir le châtiment redoutable. Puis le repentir offert à Dieu avec raison a annoncé le gain qu’il nous procure en inspirant ces mots : « Le Seigneur a entendu la voix de celui qui se tournait en larmes vers lui. Après quoi pour que le bien puisse subsister sans changement pour nous à l’avenir, le Prophète appelle la disparition, sous l’effet de la honte, des pensées adverses. Car une pensée adverse et injuste ne peut s’éteindre que si la honte la fait disparaître : c’est un profond abîme que la honte éprouvée pour le mal qu’on a commis, puisqu’elle sépare, comme par un mur, le péché de l’homme. Disons donc : « Qu’ils soient honteux » et changent entièrement, tous mes adversaires. Les adversaires, ce sont visiblement « les gens de la maison » qui sortent de notre cœur et souillent l’homme. Quand ils se seront rapidement détournés sous l’effet de la honte, nous attend l’espérance de la gloire qui n’aboutit pas à la honte par grâce du Seigneur, à qui appartient la gloire pour l’éternité. Amen.

COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES PAR SAINT AUGUSTIN – PSAUME 84 (1): LA VRAIE PIÉTÉ

7 octobre, 2013

http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/psaumessaintaugustin.htm#_Toc71884797

COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES PAR SAINT AUGUSTIN

PSAUME 84 (1): LA VRAIE PIÉTÉ

SERMON AU PEUPLE.

Dieu nous guérit par sa miséricorde, il nous ouvre les yeux afin de se montrer à nous, lui qui est la
lumière. Le psaume est pour les fils de Coré ou du Calvaire, il prédit l’avenir avec des termes du passé, parce que le Prophète voit sa prophétie accomplie en Dieu. Bénir la terre, en détourner l’esclavage, c’est nous délivrer du péché, comme il délivrait jadis Israël du joug que ses ennemis appesantissaient sur lui en punition de ses infidélités. Or, nous sommes par la foi enfants d’Israël en d’Abraham. Dieu donc nous délivre du joug de Satan par la rémission du péché. Sa colère ne sera donc pas éternelle, puisqu’il nous renouvellera cl nous donnera l’immortalité. Ainsi mettons notre joie en Dieu, et alors seulement elle sera durable, et par un effet de sa divine miséricorde nous comprendrons que tout bien vient de Dieu, et nul ne troublera nos délices. Quand nous jouiront de l’adoption, alors sous goûterons ces délices que nous n’avons aujourd’hui qu’en espérance; nous verrons Dieu face à face et dans cette beauté dont rien ne peut ici-bas nous donner une image. Nous aurons alors la paix qui est impossible en cette vie, puisqu’il nous faut lutter contre nos passions, et contre nos besoins. Et pois ne qui nous récrée ne peut se prolonger sans nous nuir, et même sans nous tuer, tandis que Dieu nous donnera une paix parfaite. Aimons-le donc alu de nous rapprocher de lui. La vérité chez les Juifs, la miséricorde chez les Gentils se sont rencontrées dans le peuple chrétien, de même que la justice et la pair. Si nous voulons la seconde, pratiquons la première, et la pain viendra l’embrasser. La vérité qui naît de la terre, c’est le Christ né d’une femme, afin de nous racheter par sa mort; ou bien encore la confession des péchés, et alors la justice a regardé cette vérité dans le publicain. Ainsi le Seigneur nous fera goûter les douceurs de la piété, et dans les actes de justice une douceur bien supérieure à celle du péché. Faisons marcher devant nous la justice ou l’aveu, et Dieu viendra en nous.
1. Nous venons de prier le Seigneur notre Dieu, de nous montrer sa miséricorde, et de nous donner son Sauveur. Ces paroles étaient une prophétie quand le psaume fut composé et chanté; mais aujourd’hui déjà le Seigneur a manifesté sa miséricorde aux Gentils, et leur a donné le salut. Il l’a manifestée sans doute, mais un grand nombré ne veulent pas être guéris, ni voir ce qu’il leur a montré. Or, comme c’est lui qui guérit les yeux du coeur, afin que nous puissions le voir, le Prophète, après avoir dit: « Montrez-nous votre miséricorde », ajoute: « Et donnez-nous votre Sauveur », comme s’il prévoyait que beaucoup d’aveugles diraient: Comment pourrons-nous voir ce qui commence à poindre? Nous donner le salut, c’est en effet nous guérir, afin que nous puissions voir ce qu’il nous a montré: Dieu n’agit point comme le médecin qui guérit pour montrer cette lumière à ceux qu’il a guéris: autre est la lumière qu’il fera voir, et autre le médecin qui guérit pour montrer la lumière, sans être cette lumière lui-même. Il n’en est pas ainsi de notre Dieu; il est le médecin qui nous guérit, afin de nous montrer la lumière, et cette lumière que nous pourrons voir, c’est lui-même. Parcourons maintenant le psaume, autant que nous le pouvons, autant que Dieu nous le permettra dans sa grâce, et aussi brièvement que l’exige le peu de temps qui nous est donné.
2. Il a pour titre: « Pour la fin, aux enfants de Coré, Psaume 1 ». N’entendons par cette fin que celle dont l’Apôtre a dit: « Le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront 2 ». Ainsi donner au psaume ce titre: « Pour la fin », c’était de la part du Prophète élever nos coeurs à Jésus-Christ. Nous ne pouvons errer en fixant les yeux sur lui, il est la vérité où nous nous hâtons d’arriver, et la voie par laquelle nous y courons 3. Qu’est~ce à dire: « Aux fils de Coré? » Ce nom de Coré, en hébreu, se traduit par chauve; donc « aux fils de Coré », signifie aux fils du chauve. Quel est ce chauve? non plus pour le tourner en dérision, mais pour pleurer à ses pieds. D’autres se sont moqués de lui, et sont devenus la proie du démon:ainsi qu’il est dit au Livre des Rois à propos d’Elisée, que des enfants insultèrent en criant derrière lui: « Chauve, chauve », et voilà que deux ours sortirent des forêts, dévorèrent ces insolents 4, et plongèrent leurs pères dans le deuil. Cet événement était une prophétie qui marquait
1. Ps. LXXXIV, 1. — 2. Rom. X, 4. — 3. Jean, XIV, 6. — 4. IV Rois, II, 23, 24.
par avance Jésus-Christ Notre Seigneur. il fut tourné en dérision, comme s’il eût été chauve, par ces mêmes Juifs qui le crucifièrent au lieu du Calvaire 1. Mais nous, si nous croyons en lui, nous sommes ses enfants. C’est donc pour nous que ce psaume est chanté, puisqu’il a pour titre: « Aux fils de Coré »: nous sommes les fils de l’Epoux 2. Pour lui, il est bien l’Epoux, puisqu’il donne pour arrhes à son épouse, son sang et son Esprit-Saint, dont il nous a enrichis dans cette terre étrangère, nous réservant des richesses invisibles. S’il nous donne un tel gage, que ne nous réserve-t-il point?
3. Aussi le Prophète use-t-il de termes qui semblent appartenir au passé, bien qu’il chante l’avenir; il parle de l’avenir comme au passé, car en Dieu ce qui doit arriver est déjà fait. Là donc le Prophète voyait notre avenir, il le voyait comme un fait accompli dans les desseins de sa providence et dans son infaillible prédestination. C’est ainsi que dans ce psaume où chacun reconnaît le Christ, et qu’on lit comme si l’on récitait l’Evangile, le Prophète a dit: « Ils ont percé mes mains et mes pieds. Ils ont compté tous mes os: ils m’ont regardé, ils m’ont considéré avec curiosité, ils se sont partagé mes vêtements, et ont tiré ma robe au sort 3». Qui pourrait lire ce psaume sans reconnaître l’Evangile? Et pourtant, quand le Prophète parlait dans le psaume,
il ne disait point: Ils perceront mes mains et mes pieds; mais bien: « ils ont percé mes mains et mes pieds »; ni: Ils compteront mes os; mais: « Ils ont compté mes os ». Ni: Ils se partageront mes vêtements; mais: « Ils se sont partagé mes vêtements ». Le Prophète lisait dans l’avenir, et parlait au passé. Ainsi encore il dit ici: « Seigneur, vous avez béni votre terre », comme si Dieu l’avait déjà fait alors.
4. « Vous avez détourné l’esclavage de Jacob 4 ». Jacob était jadis le peuple de Dieu, le peuple d’Israël, né de la race d’Abraham, et qui devait un jour hériter des promesses de Dieu. Tel est donc l’e peuple avec qui Dieu conclut l’Ancien Testament; mais cet ancien Testament était la figure du Nouveau. L’un était la figure, l’autre, était la réalité. Dieu, pour tracer une figure de l’avenir, donne à ce peuple une terre qu’il lui avait promise, dans un pays qu’habita la nation juive, et dans lequel
1. Matth. XXVII, 31. — 2. Id. IX, 15. — 3. Ps. XXI, 17-19. — 4. Id. LXXXIV, 2.
était cette Jérusalem que nous connaissons tous. Ce peuple donc, mis en possession de cette terre, avait beaucoup à souffrir de la part des peuples qui l’environnaient; et quand il péchait contre son Dieu, il tombait dans l’esclavage; Dieu voulant, non point le détruire, mais le redresser, comme un père qui châtie, mais sans maudire. Après la captivité venait la délivrance; souvent esclave, souvent délivrée, cette nation est enfin tombée dans l’esclavage, à cause du crime énorme qu’elle a commis én crucifiant son Seigneur. Que signifie donc, à l’égard du peuple juif, cette parole du Prophète: « Vous avez détourné l’esclavage de Jacob? » Nous faut-il entendre ici une autre captivité dont nous voulons tous être délivrés? Car nous appartenons tous à Jacob, si nous appartenons à la race d’Abraham. L’Apôtre a dit en effet: «C’est Isaac qui sera nominé votre fils, c’est-à-dire que les enfants selon la chair ne sont point pour cela enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés enfants d’Abraham 2». Si donc les enfants de la promesse sont réputés enfants d’Abraham, les Juifs en sont déchus par leurs péchés contre Dieu; et nous, en méritant bien de Dieu, nous sommes devenus fils d’Abraham, non plus selon la chair, mais selon la foi. En imitant la foi d’Abraham, nous sommes devenus ses enfants, et eux, en dégénérant de sa foi, ont perdu l’héritage. Et pour que vous sachiez qu’ils ont perdu la gloire d’être nés d’Abraham, le Sauveur Jésus-Christ les entendant se vanter avec orgueil de la noblesse de leur sang, plutôt que d’une sainte vie, alors qu’ils lui disaient: « Nous avons Abraham pour père »; le Seigneur leur répondit comme à des enfants dégénérés: « Si vous êtes les fils d’Abraham, faites les oeuvres d’Abraham 2» Si donc ils n’étaient plus les fils d’Abraham, par cela même qu’ils n’en faisaient pas les oeuvres; nous qui faisons les oeuvres d’Abraham, nous en serons les enfants. Or, quelles sont ces oeuvres d’Abraham que nous faisons? Abraham crut à Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice 3. Nous sommes donc tous fils de Jacob, si nous imitons la foi d’Abraham, qui crut à Dieu, et qui trouva la justice dans cette foi. Or, quel est cet esclavage dont nous voulons être délivrés? Car je ne connais personne d’entre nous, captif chez les barbares,
1. Rom. IX, 7, 8.— 2. Jean, VIII, 39. — 3. Gen. XV, 6; Gal, III, 6.
et nul peuple armé n’est venu nous envahir, et nous réduire à la captivité. Et néanmoins je vais vous montrer que nous gémissons dans un certain esclavage, dont nous souhaitons la délivrance. Que l’apôtre saint Paul nous le dise plutôt lui-même; qu’il soit notre miroir, qu’il nous parle, et nous, considérons ses paroles. Il n’est personne qui ne se reconnaisse ici. Voici donc ce que dit le saint Apôtre: « En moi l’homme intérieur trouve des charmes dans la loi de Dieu ». Cette loi me cause une joie dans mon coeur. « Mais je vois une autre loi dans mes membres, et qui répugne à la loi de l’esprit ». Tu vois la loi, tu comprends la lutte, mais tu n’as pas encore entendu l’esclavage; écoute alors ce qui suit: «Cette loi répugne à la loi de l’esprit, et me tient captif sous la loi du péché qui est dans mes membres 1». Telle est donc la captivité, et qui de nous, mes frères, n’en voudrait être délivré? D’où viendra la délivrance? Car c’est pour l’avenir que le psaume a chanté: « Vous avez détourné l’esclavage de Jacob ». A qui parle-t-il ainsi? Au Christ qui est notre fin, à Coré dont nous sommes les enfants: c’est lui qui a détourné de Jacob la captivité. Ecoute encore saint Paul qui le proclame. Quand il dit qu’il est traîné en captivité par la loi des membres, qui répugne à la loi de l’esprit, il s’écrie dans cette captivité: « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort? » Qui me délivrera? dit-il; et il répond: « La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre Seigneur 2». C’est d’elle que le Prophète a dit à ce même Jésus-Christ Notre Seigneur: « Vous avez détourné la captivité de Jacob ». Comprenez bien la captivité de Jacob, et comprenez que Dieu nous en délivre, non plus en nous délivrant des barbares qui n’ont pas fait main basse sur nous, mais en nous délivrant de nos péchés, de nos oeuvres mauvaises, qui nous assujettissaient à l’empire de Satan. Car être délivré de ses péchés, c’est échapper à l’empire du prince des péchés.
5. Comment donc le Seigneur détourne-t-il de Jacob cette captivité? Voyez qu’il s’agit ici d’une délivrance spirituelle, voyez que tout se passe à l’intérieur. « Vous avez remis », dit le Prophète, « l’iniquité de votre peuple, vous avez couvert ses péchés 3 ». C’est donc par la rémission des fautes que Dieu
1. Rom, VII, 22-25. — 2. Id.— 3. Ps, LXXXIV, 3.
détourne la captivité. Lé péché te retenait captif; la liberté vient avec la rémission. Confesse donc ta captivité afin de mériter ta délivrance. Comment invoquer un libérateur, quant on ne connaît point son ennemi? « Vous avez couvert tous ses péchés 1». Qu’est-ce à dire, « vous avez couvert? » De manière à ne plus les voir. Qu’est-ce à dire, ne plus les voir? N’en point tirer vengeance. Vous n’avez point voulu voir nos péchés,et ne voulant point les voir, vous ne les avez point vus. « Vous avez couvert tous nos péchés; vous avez apaisé votre colère, vous avez fait cesser la fureur de votre indignation 2».
6. Et comme le Prophète parle de l’avenir, bien qu’il se serve du passé, il ajoute: « O Dieu de notre salut, ramenez-nous ». Comment demander l’accomplissement de ce qu’il raconte comme un fait accompli, sinon parce qu’il veut nous montrer qu’il s’est servi du passé pour annoncer l’avenir? Mais ce qu’il nous donnait comme accompli ne l’est pas encore; nous le voyons, puisqu’il en demande l’accomplissement. « O Dieu de notre salut, ramenez-nous, détournez de nous votre colère 3 ». Tout à l’heure, ô Prophète, ne disais-tu point: « Vous avez détourné la captivité loin de Jacob, vous avez couvert toutes ses fautes, apaisé votre colère, et ex fait cesser la fureur de votre indignation? » Comment dire maintenant: « Détournez de nous votre colère? » Le Prophète nous répond: J’ai parlé comme d’un fait accompli, parce que je le vois dans l’avenir; mais comme il n’est point accompli, j’appelle de mes voeux la réalisation de ce que j’ai vu. « Détournez de nous votre colère ».
7. « Votre colère contre nous ne sera point éternelle ». C’est par la colère de Dieu que nous devons mourir, par la colère de Dieu, que sur cette terre, dans l’indigence et dans la pauvreté, nous mangeons notre pain à la sueur de notre front. C’est la sentence qu’entendit Adam après le péché 4. Or, nous étions tous ce même Adam, puisque nous mourons tous en lui; la sentence qui le frappa, a frappé toute sa race. Nous n’étions pas tels que nous sommes, nous étions en Adam. Tout ce qui lui est arrivé, nous est arrivé aussi, et nous devons mourir parce que nous étions, en lui. Les péchés que commettent
1. Ps. LXXXIV, 4. — 2. Id. 5. — 3. Id. 6. — 4. Gen. III, 19.
les parents, après la naissance des enfants, ne regardent point les enfants; car ces enfants, une fois nés, sont alors à eux-mêmes, comme les parents sont à eux-mêmes. Mais que ces enfants une fois nés suivent les égarements des parents, ils doivent partager leur sort: si, au contraire, loin d’imiter leurs parents coupables, ils suivent une voie meilleure, ils se font des mérites propres, qui ne sont plus les mérites des parents. Il est tellement vrai que les péchés de tes pères ne te nuiront point, si tu te convertis, qu’ils ne nuiraient même pas à ces mêmes parents, s’ils se convertissaient. Mais c’est d’Adam que nous tirons cette racine qui nous assujettit à la mort. Que nous vient-il de lui? Cette fragilité de la chair, ce foyer de douleur, cette maison de pauvreté, cette chaîne de la mort, ces pièges de la tentation. Nous portons tous ces maux dans notre chair; c’est l’effet de la colère de Dieu, parce que telle est sa vengeance. Mais comme nous devions être régénérés, reprendre par la foi une vie nouvelle, en sorte que la résurrection fît disparaître en nous toute nature mortelle, et que tout l’homme fût renouvelé: car de même que tous meurent en Adam, tous vivront dans le Christ 1; c’est ce qu’a vu le Prophète, qui s’écrie: « Que votre colère ne soit pas éternelle, et qu’elle ne s’étende pas de génération en génération ». La race première est devenue mortelle par un effet de votre colère, que votre miséricorde donne à l’autre race l’immortalité.
8. Où est donc, ô homme, où est ta part de mérite? Est-ce dans cette conversion qui t’a fait trouver la divine miséricorde, quand ceux qui ne se sont point convertis ont rencontré la colère? Aurais-tu pu te convertir sans l’appel de Dieu? Dieu, en te rappelant dans tes égarements, ne t’a-t-il point donné de te convertir? N’attribue donc pas à toi-même ta conversion; car si Dieu ne t’eût rappelé de ta fuite, tu n’aurais pu te convertir, Aussi le Prophète, attribuant à Dieu le bienfait de notre conversion, le supplie en disant: « C’est vous, ô Dieu, qui en nous convertissant, nous donnerez la vie ». Ce n’est point nous qui, sans votre miséricorde et spontanément nous convertirons à vous, pour recevoir de vous la vie; mais « c’est vous qui nous convertirez pour nous
1. I Cor. XV, 22.
p289
donner la vie »; en sorte que nous tiendrons de vous, non seulement la vie, mais aussi la conversion qui aboutit à la vie. « O Dieu, en nous convertissant, vous nous donnerez la vie, et votre peuple se réjouira en vous 1 ». Pour son malheur, il prenait sa joie en lui-même; pour son bonheur, il la prendra en vous. Quand il a voulu trouver en lui la joie, il n’a trouvé que des sujets de larmes. Maintenant que Dieu est toute noire joie, que celui qui veut se réjouir en toute sécurité, se réjouisse en Celui qui ne peut périr. A quoi bon, mes frères, mettre votre joie dans l’argent? Cet argent périra, ou toi-même; et nul ne sait qui des deux périra le premier; ce qui est certain, c’est que l’un et l’autre périront, l’incertitude ne plane que sur le premier. Car l’homme ne peut demeurer toujours ici-bas, non plus que son argent; il en est de même de l’or, des vêtements, d’un palais, des richesses, des grands domaines et enfin de cette lumière elle-même. Loin de toi donc d’y mettre ta joie; mais réjouis-toi de cette lumière qui n’a point de couchant, réjouis-toi dans ce jour qui n’a ni hier, ni lendemain, Quelle est cette lumière? « Je suis », dit le Sauveur, « la lumière du monde 2 ». Celui qui te dit: « Je suis la lumière du monde », est celui-là même qui t’appelle à lui. Pour lui, t’appeler c’est te convertir, te convertir c’est te guérir, te guérir c’est te faire voir celui qui t’a converti et à qui il est dit: « Ton peuple se réjouira en toi ».
9. « Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde ». Voilà ce que nous avons chanté, et déjà nous avons dit: « Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde, et donnez-nous votre salut 3 »: « Votre salut », ou votre Christ. Bienheureux celui à qui Dieu a montré sa miséricorde. Car il ne peut plus s’enorgueillir, celui qui a vu la miséricorde du Seigneur. Lui montrer en effet cette miséricorde, c’était lui persuader que tout le bien qui est en l’homme, n’y est que par celui qui est tout notre bien. Or, quand l’homme comprend que tout le bien qui est en lui, vient de Dieu, et non de lui-même, il voit facilement que tout ce qu’il a de louable, vient de la divine miséricorde, et non de son propre mérite. A cette vue, il est loin de s’enorgueillir: sans orgueil, il ne s’élève point; sans élévation, il ne tombe point; s’il ne tombe point, il se
1. Ps. LXXXIV, 7. — 2. Jean, VIII, 12. — 3. Ps. LXXXIV, 8.
tient debout; en se tenant debout, il s’attache à Dieu; s’attachant à Dieu, il demeure en lui; et demeurant en Dieu, il en jouit, il tressaille dans le Seigneur son Dieu. Celui qui l’a créé devient ses délices; et ces délices, nul ne peut les corrompre, les troubler, les lui ôter. Quelle puissance pourrait le menacer de les lui ôter? Quel voisin jaloux, quel voleur, quel homme rusé pourrait t’enlever ton Dieu? Ce que tu as d’extérieur, on peut te l’enlever totalement; mais ce que tu as dans le coeur, nul ne peut te l’enlever. Telle est cette miséricorde, que Dieu veuille bien nous la montrer. « Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde, et donnez-nous votre salut ». Donnez-nous votre Christ, c’est en lui qu’est votre miséricorde. Disons-lui, nous aussi: Donnez-nous votre Christ. Il nous l’a déjà donné, il est vrai; disons-lui néanmoins: Donnez-nous votre Christ, puisque nous lui disons: « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien 1 ». Et quel est notre pain, sinon celui qui a dit: « Je suis le pain vivant descendu du ciel 2? » Disons-lui donc: Donnez-nous votre Christ. Déjà il nous l’a donné, mais dans soin humanité; or, celui qu’il nous a donné comme homme, il nous le donnera comme Dieu. Aux hommes il a donné un homme, car il le leur a donné à la manière dont ils pouvaient le recevoir, et nul homme ne pouvait recevoir un Christ en sa gloire divine. Il s’est donc fait homme pour les hommes, tout en réservant aux dieux sa divinité. Ma parole n’est-elle point trop hardie? Elle serait hardie, en effet, si lui-même n’avait dit: « Je l’ai dit: Vous êtes des dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut 3». C’est pour cette adoption que nous sommes renouvelés, c’est pour devenir les enfants de Dieu. Nous le sommes déjà, mais par la foi: nous le sommes en effet, mais en espérance et non en réalité. Car l’Apôtre nous l’a dit: « Nous sommes sauvés par l’espérance; et l’espérance qui verrait ne serait plus l’espérance. Comment espérer ce que l’on voit déjà? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons par la patience 4 ». Qu’est-ce que « nous attendons par la patience », sinon de voir ce que nous croyons? Maintenant nous croyons ce que nous ne voyons pas: mais en demeurant fermes dans ce que nous croyons
1. Matth. VI, 11. — 2. Jean, VI, 41. — 3. Ps, LXXXI, 6; Jean, X, 34. — 4. Rom. VIII, 24, 25,
sans le voir, nous mériterons de voir ce que nous croyons. Aussi que nous dit saint Jean dans son épître? « Mes bien-aimés, nous sommes les fils de Dieu, et ce que nous devons être un jour n’apparaît pas encore 1 ». Quel homme ne bondirait de joie, s’il se trouvait dans une terre étrangère, sans connaître sa parenté, en proie à l’indigence, à la misère, à la fatigue, et qu’on vint tout à coup lui dire: Tu es le fils de tel sénateur; ton père est puissamment riche, et jouit en paix de ses biens, je viens te conduire près de ton père? quelle ne serait point sa joie, si ce langage n’était point trompeur? Voilà que l’Apôtre du Christ, qui ne peut nous tromper, vient vous dire: Pourquoi ce désespoir en vous? Pourquoi cette affliction, ce chagrin qui vous accable? Pourquoi suivre ainsi vos convoitises, et voulez-vous souffrir la disette parmi ces faux plaisirs? Vous avez un père, vous avez une patrie; vous avez un patrimoine. Quel est ce père? « Mes bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu ». Pourquoi ne voyons-nous pas encore notre Père? «Ce que nous devons être un jour n’apparaît pas encore ». Nous le sommes dès à présent, mais en espérance: car « ce que nous devons être n’est pas visible ». Que serons-nous? « Nous savons », poursuit l’Apôtre, « que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui, puisque nous le verrons tel qu’il est 2 ». Mais c’est du Père qu’il parle ainsi: n’a-t-il donc rien dit du Fils Notre Seigneur Jésus-Christ? Serons-nous heureux en voyant le Père, sans voir le Fils? Ecoute le Christ lui-même: « Quiconque me voit, voit mon Père 2 ». Voir un seul Dieu, c’est voir la Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Et pour comprendre plus expressément encore que la vue du Fils constituera notre bonheur, et qu’il n’y a nulle différence entre voir le Père et voir le Fils: écoute cette parole du Fils dans l’Evangile: « Celui qui m’aime garde mes commandements, et moi je l’aimerai, et je me montrerai à lui 3 ». Il parlait à ses disciples, et néanmoins il disait: « Je me montrerai à lui 4». Pourquoi? N’était-ce point lui-même qui parlait? Mais c’était la chair qui voyait la chair, et le coeur ne voyait point la divinité. Or, la chair a vu la chair, afin que le coeur fût purifié par la foi et pût voir Dieu. Car il est dit de Dieu qu’ « il
1. I Jean, III, 2.— 2. Id. — 3. Jean, XIV, 9. — 4. Id. 21.
purifie nos coeurs par la foi 1». Et le Seigneur a dit: « Bienheureux les coeurs purs, parce qu’ils verront Dieu 2 ». Il a donc promis de se montrer à nous. Or, considérez, mes frères, quelle est sa beauté. Toutes ces beautés qui vous plaisent et qui flattent votre vue, c’est lui qui les a créées. Si telle est la splendeur de ses oeuvres, lui-même que sera-t-il? Si telle est leur magnificence, quelle sera sa grandeur? Donc tout ce que nous aimons ici-bas, doit nous porter à le désirer, à mépriser toutes ces créatures, pour n’aimer que lui, et par cet amour purifier nos coeurs dans la foi, afin qu’à son apparition il trouve en nous un coeur pur. Cette splendeur qui nous apparaîtra doit nous trouver guéris; telle est aujourd’hui l’oeuvre de la foi. Aussi disons-nous ici-bas: « Donnez-nous votre salut »; donnez-nous votre Christ; puissions-nous connaître ce Christ et le voir, non point comme l’ont vu les Juifs qui l’ont crucifié, mais comme le voient les anges dont il fait la joie.
10. « J’écouterai ce que dira en moi le Seigneur Dieu 3 » Ainsi dit le Prophète; Dieu lui parlait intérieurement, tandis que le bruit du monde éclatait au dehors. Il se sépare alors de ce monde tumultueux, il se retire en lui-même, pour passer de lui-même à celui dont il entend la voix. Il se bouche en quelque sorte l’oreille pour ne rien entendre du bruit tumultueux de cette vie, ni du trouble d’unie âme appesantie par le poids du corps, ni de ces pensées nombreuses de l’esprit qu’étouffe une habitation terrestre: « J’écouterai », dit-il, « ce que dira en moi le Seigneur Dieu ». Il a entendu, quoi? « que le Seigneur donnera des paroles de paix à son peuple ». Donc la voix du Christ, la voix de Dieu, c’est la paix, qui nous convie à la paix. Courage! nous dit-elle, aimez la paix, vous tous qui n’êtes pas encore établis dans la paix. Que pourriez-vous désirer de moi, qui soit meilleur que la paix? Qu’est-ce que la paix? l’absence de toute guerre. Quand n’y a-t-il plus de guerre? quand il n’y a ni contradiction, ni résistance, ni antagonisme. Jugez par là si nous sommes en paix, voyez si nous n’avons point de lutte contre le diable, si les fidèles et tous les saints ne sont point en guerre avec le prince des démons. Et comment lutter avec celui qui est invisible? Ils combattent contre leurs convoitises dont il se
1. Act. XV, 9.— 2. Matth. V, 8.— 3. Isa. LXXXIV, 9.— 4. Sag. IX, 15.
sert pour suggérer le péché; or, c’est combattre que refuser de consentir à ces suggestions, et ne point succomber. La paix n’est donc point avec la lutte. Montrez-moi un homme qui ne ressente aucun aiguillon dans sa chair, et qui puisse une dire qu’il est en paix. Peut-être n’est-il plus ébranlé par ces coupables voluptés, mais il en ressent du moins les suggestions: ou le démon lui suggère ce qu’il méprise, ou il trouve quelque charme dans la continence. Et s’il ne trouve aucun charme dans ce qui est criminel, il a du moins à combattre chaque jour la faim et la soif. Quel homme juste en est exempt? Nous sommes donc en lutte avec la faim, avec la soif, en lutte avec la fatigue du corps, en lutte avec le plaisir du sommeil, en lutte avec l’accablement. Nous voulons veiller, nous sommeillons; nous voulons jeûner, nous souffrons de la faim et de la soif; nous voulons demeurer debout, la fatigue nous abat. Nous voulons nous asseoir, et le faire trop longtemps est encore une lassitude. Tout ce que nous recherchons comme un soulagement, nous devient ensuite une peine. Tu as faim, dira quelqu’un; oui, répons-tu. Et il te sert à manger. Il le fait pour rétablir tes forces; prends longtemps de ces nourritures; tu veux te restaurer, continue alors; et par là, ce qui devait réparer tes forces le causera une lassitude. Las d’être assis, tu te lèves, tu marches pour te délasser; mais continue ce délassement, et bientôt une longue marche te fatiguera; et tu chercheras encore un siège. Trouve-moi un délassement qui, en se prolongeant, n’arrive à te fatiguer. Quelle est donc cette paix que peuvent goûter les hommes, au milieu de tant d’obstacles, de tant de désirs, de tant de misères, de lassitudes? Ce n’est point là une véritable paix, une paix parfaite. Que sera donc la paix dans sa perfection? «Ce corps corruptible doit se ex revêtir d’incorruption, cette chair mortelle d’immortalité: et alors s’accomplira cette parole de l’Ecriture: La mort est absorbée dans sa victoire. O mort, où est ton aiguillon? ô mort, où est ta prétention 1? » Comment la paix serait-elle parfaite avec la mort? c’est de la mort que viennent ces lassitudes, jusque dans nos délassements. Tout cela vient de la mort, puisque nous portons un corps mortel; et qui est mort, selon l‘Apôtre, même
1. I Cor. XV, 53-55.
avant que l’âme en soit séparée: « Le corps », dit-il, « est mort à cause du péché 1 ». Prolonge en effet longtemps ce qui te soutient, il deviendra mortel; prolonge trop un festin, tu en mourras; prolonge trop, un jeûne, tu en mourras; demeure toujours assis, sans te lever jamais, tu en mourras; marche toujours sans prendre aucun repos, tu en mourras prolonge tes veilles sans vouloir du sommeil, tu en mourras; dors toujours, sans vouloir t’éveiller, tu en mourras. Mais quand la mort sera absorbée dans sa victoire, ces maux ne seront plus, ils feront place à une paix complète et satis fin. Nous habiterons une certaine ville, mes frères, et quand j’en parle je ne voudrais jamais finir, surtout quand je vois se multiplier les scandales. Qui ne soupirerait après cette cité bienheureuse, d’où nul ami ne sort, où n’entre nul ennemi, où il n’y a ni tentation, ni sédition, ni schisme dans le peuple de, Dieu, nul instrument du diable pour affliger l’Eglise, puisque le prince des démons est jeté dans les flammes éternelles, et avec lui tous ses suppôts, qui n’ont point voulu se séparer. de lui? Une paix parfaite régnera donc parmi les enfants de Dieu, qui s’aimeront, se verront pleins de Dieu, car Dieu sera tout en tous 2. C’est donc Dieu que nous verrons tous, Dieu que nous posséderons tous, Dieu qui sera notre paix à tous. Quels que soient ses dons ici-bas, lui seul alors nous tiendra lieu de tout don: il sera pour nous la paix entière et parfaite. Telle est la paix qu’il annonce à son peuple, et la paix que voulait entendre celui qui dit ici: «J’écouterai ce que dira en moi le Seigneur Dieu ses paroles de paix sur son peuple et sur ses saints, et sur tous ceux qui tournent vers lui leur coeur 3». Courage, mes frères ! Voulez vous avoir cette paix que vous annonce le Seigneur? Tournez votre coeur vers lui, non point à moi, non point à cet autre, non point à un homme, quel qu’il soit. Tout homme en effet qui voudra s’attirer les coeurs des hommes, doit périr avec eux. Or, quel est le parti le plus avantageux, ou de tomber avec l’homme vers qui vous tournez vos pensées, ou de vous tenir debout avec l’émule de votre conversion? Ce n’est qu’en Dieu que nous trouvons notre joie, notre paix, notre repos, la fin de nos chagrins. « Bienheureux ceux u qui tournent leurs coeurs vers vous ».
1. Rom. VIII, 10. — 2. I Cor. XV, 28. — 3. Ps. LXXXIV, 9.
11. « Toutefois sa grâce qui sauve est près de ceux qui le craignent 1». Plusieurs le craignaient jadis dans le peuple juif. Sur toute la terre on adorait des idoles; on craignait les démons, et non le Seigneur; les Juifs seuls craignaient Dieu. Mais d’où venait cette crainte? Dans l’Ancien Testament, on craignait que Dieu ne soumît à la domination des ennemis, qu’il n’enlevât les terres, qu’il ne ravageât les vignes par la grêle, qu’il ne frappât les épouses de stérilité, qu’il n’enlevât les enfants. Ces promesses charnelles enchaînaient des âmes faibles, et les retenaient dans la crainte de Dieu; mais lui-même était proche de ceux qui le craignaient pour ces biens. Le païen demandait quelque terre au démon, le juif demandait quelque terre à Dieu; la demande était la même, et non celui à qui on l’adressait. Le juif demandait ce que le païen demandait, et toutefois il différait du païen, en ce qu’il invoquait celui qui avait tout fait. Et Dieu était proche des Juifs, loin des idolâtres: et néanmoins il jeta les yeux sur ceux qui étaient éloignés, comme sur ceux qui étaient proches, selon ces paroles de l’Apôtre: « Il est venu prêcher la paix à vous qui étiez éloignés, et la paix à ceux qui étaient proches 2 ». Quels sont les proches, selon lui? Les Juifs, parce qu’ils adoraient un seul Dieu. Selon lui encore, quels étaient les peuples éloignés? Les Gentils, parce qu’ils avaient abandonné le Créateur pour adorer leurs propres oeuvres. Car ce n’est point par les lieux, mais par les affections que l’on s’éloigne de Dieu. Aimes-tu Dieu? tu es près de lui. Le hais-tu? tu es éloigné. Dans un même lieu, lu peux être auprès de Dieu, ou loin de lui. Voilà donc, mes frères, ce qu’a vu le Prophète; bien qu’il ait vu la miséricorde de Dieu s’étendre en général sur tous les hommes, il a compris que Dieu avait pour les Juifs une affection toute particulière, et il s’écrie: « Toutefois, j’écouterai ce que dira en moi le Seigneur Dieu, parce qu’il annoncera la paix à son peuple ». Et son peuple ne sera pas seulement formé du peuple juif, il sera recruté parmi les nations. « Car le Seigneur fera entendre des paroles de paix sur ses fidèles, sur ceux dont le coeur se tourne vers lui », et sur tous ceux qui dans tous les lieux de la terre doivent se convertir à lui de tout leur coeur. « Toutefois son salut est proche de
1. Ps. LXXXIV, 10. — 2. Ephés. II, 17.
ceux qui le craignent, et sa gloire habitera notre terre »; c’est-à-dire que ta principale gloire habitera dans la terre natale du Prophète; parce que c’est là que commencera la prédication du Christ. De là vinrent les Apôtres envoyés tout d’abord; de là les Prophètes là fut le temple de Dieu, où l’on sacrifiait au vrai Dieu; là les Patriarches, là encore celui qui est né de la race d’Abraham, le Christ s’est manifesté, là il est apparu; de là est la vierge Marie qui a enfanté le Christ. C’est la terre que ses pieds ont parcourue, qu’il a illustrée de ses miracles. Enfin il a fait à ce peuple cet honneur de répondre à la chananéenne qui lui demandait le salut de sa fille: « Je ne suis envoyé que vers les brebis d’Israël, qui se sont égarées 1». Voilà ce qu’envisage le Prophète, quand il s’écrie: « Toutefois son salut est près de ceux qui le craignent, et sa gloire habitera notre terre ».
12. « La miséricorde et la vérité se sont rencontrées 2 ». La vérité s’est trouvée en notre terre dans la personne des Juifs, et la miséricorde en la terre des Gentils. Où était en effet la vérité? Dans les oracles de Dieu. Où était la miséricorde? En ceux qui avaient abandonné leur Dieu pour se tourner vers les démons. Mais Dieu les a-t-il méprisés? Il a dit au contraire: Appelez ces hommes qui fuient au loin, et qui se séparent de moi par de longs espaces; qu’on les appelle, qu’ils me trouvent, alors que je les cherche, puisqu’ils ne veulent point me chercher. Donc « la miséricorde et la vérité se sont rencontrées; la justice et la paix se sont embrassées ». Fais la justice, et tu auras la paix; afin que la justice et la paix s’embrassent en toi. Sans l’amour de la justice, tu n’auras aucune paix. La justice et la paix se tiennent et s’embrassent, et faire la justice, c’est rencontrer la paix qui l’embrasse. Ce sont deux amies, et toi, sans faire l’une, tu voudrais peut-être posséder l’autre. Il n’est personne pour ne point désirer la paix, mais tous ne veulent point faire la justice. Demandez à tous les hommes: Voulez-vous la paix? Le genre humain tout entier n’aura que cette réponse: Je la veux, je la désire, je la souhaite, je l’aime. Aime encore la justice, parce que la justice et la paix sont deux amies qui se tiennent embrassées. Si tu n’aimes point l’amie de la paix, cette paix ne t’aimera point, et ne
1. Matth. XV, 24. — 2. Ps. LXXXIII, 11.
viendra pas en toi. Qu’y a-t-il de grand à désirer la paix? Tout méchant aime la paix, car la paix est un bien. Mais fais la justice, parce que la justice et la paix s’embrassent et ne sont point en désaccord, A quoi bon être en guerre,avec la justice? La justice te dit: Ne vole point, et tu n’entends pas; Ne commets point l’adultère, et tu ne veux pas entendre; Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux point qu’on te fasse; ne dis pas à autrui ce que tu ne veux pas que l’on te dise. Tu es l’ennemi de mon amie intime, te répond la paix, à quoi bon me chercher? Je suis l’amie de la justice, et je fuis quiconque est l’ennemi de cette amie. Veux-tu donc arriver à la paix? Fais les oeuvres de la justice, De là vient cette parole d’un autre psaume: « Détourne-toi du mal, et fais le bien » (c’est là aimer la justice); et quand lu auras évité le mal et fait le bien, « cherche la paix, et puis suis-la 1 ». Car alors tu ne la chercheras pas longtemps, mais elle se présentera d’elle-même à toi, afin d’embrasser la justice.
13. « La vérité est née de la terre, et la justice a regardé du ciel 2». « La vérité est née de la terre », c’est le Christ qui est né d’une femme. « La vérité est née de la terre », c’est le Fils de Dieu issu de la chair. Qu’est-ce que la vérité? Le Fils de Dieu. Qu’est-ce que la terre? La chair. Cherche d’où est le Christ, et tu verras que « la vérité est née de la terre ». Mais cette vérité née de la terre était avant- la terre, et c’est par elle que le ciel et la terre ont été faits. Mais afin que la justice regardât du ciel, c’est-à-dire, afin que les hommes fussent justifiés par la grâce divine, la vérité est née de la vierge Marie, afin de pouvoir offrir pour tous ceux qui devront être sanctifiés le sacrifice auguste, le sacrifice de sa passion, le sacrifice de la croix. Or, comment offrir un sacrifice pour nos péchés sans mourir? Et comment mourir, s’il n’a reçu un corps mortel? C’est-à-dire que le Christ n’eût pu mourir, s’il n’eût pris une chair sujette à la mort. Le Verbe ne meurt point, la divinité ne meurt point, la vertu, la sagesse de Dieu ne meurt point. Comment sans mourir eût-il offert une victime expiatoire? Comment mourir, s’il n’eût eu une chair? Comment se revêtir d’une chair, si la vérité ne germe de la terre? « La vérité a germé de la terre, et la justice a regardé du haut des cieux.»
1. Ps. XXXIII, 15.— 2. Id. LXXXIV, 12.
14. Un autre sens que l’on pourrait donner à ces paroles: « La vérité a germé de la terre »; c’est la confession qui est née de l’homme. O homme, tu étais pécheur. O terre, qui as entendu quand tu as péché: « Tu es terre, et tu retourneras en terre 1 »; que la vérité naisse de toi, afin que la justice regarde du ciel. Comment la vérité naîtra-t-elle de toi, pécheur, de toi, injuste? Confesse tes péchés, et la vérité germera de toi. Mais si dans ton injustice tu prétends être juste, comment la vérité peut-elle venir de toi? Au contraire, si dans ton injustice tu avoues que tu es injuste, « La vérité a germé de la terre». Ecoute ce publicain qui prie dans le temple, bien loin du pharisien, et qui n’ose lever les yeux au ciel, mais qui se frappe la poitrine en disant: « Seigneur, soyez-moi propice, à moi pécheur »; c’est « la vérité qui germe de la terre »; puisqu’un homme a confessé ses fautes. Voyez ensuite: « Je vous déclare », dit le Sauveur, « que ce publicain retourna chez lui beaucoup plus juste que le pharisien; car tout homme qui s’élève sera humilié, et tout homme qui s’humilie sera élevé 2. La vérité germe de la terre » par l’aveu des fautes; « et la justice a regardé du ciel »; de sorte que le publicain sortit plus juste que le pharisien. Et pour vous faire comprendre que la vérité consiste principalement dans l’aveu des fautes, l’évangéliste saint Jean a dit: « Si nous disons que nous n’avons aucun péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous ». Ecoutez-le nous dire ensuite comment la vérité germe de la terre, afin que la justice regarde du haut du ciel: « Si nous confessons nos péchés, Dieu est juste et fidèle, pour nous les remettre et nous purifier de nos crimes 3 ». La vérité a « donc germé de la terre, et la justice a regardé du haut du ciel ». Quelle justice a regardé d’en haut, sinon celle de Dieu qui disait: Pardonnons à cet homme qui ne se pardonne pas à lui-même? Oublions ses fautes, puisqu’il ne les oublie point. Il s’applique à s’en châtier, appliquons-nous à l’en délivrer. « La vérité a germé de la terre, et la justice a regardé d’en haut ».
15. « Car le Seigneur répandra la douceur, et notre terre donnera son fruit 4». Nous n’avons plus qu’un verset, écoutez sans ennui
1. Gen. III, 19. — 2. Luc, XVIII, 13, 14.— 3. I Jean, I, 8, 9.— 4. Ps. XXXIV, 13.
ce que je vais dire. Ecoutez, mes frères, écoutez, je vous en supplie, une importante vérité; soyez attentifs à cette vérité que vous devez savoir, emportez-la avec vous, et que la parole de Dieu ne soit point dans vos coeurs une semence inutile. « La vérité a germé de la terre », dit le Prophète, ou la confession est sortie de l’homme pécheur; « et la justice a regardé d’en haut ». C’est-à-dire que le Seigneur Dieu a donné la justification à celui qui avouait ses fautes, afin que l’impie sache bien qu’il ne peut devenir juste que par la grâce de celui à qui il avoue ses fautes, et par sa foi en celui qui justifie l’impie 1. Tu peux donc avoir des péchés; mais un bon fruit, tu le tiendras de celui-là seul à qui tu confesses tes fautes. Aussi après avoir dit: « La vérité a germé de la terre, et la justice a regardé d’en haut »; le Prophète ajoute: « Le Seigneur répandra la douceur, et la terre donnera son fruit », comme si nous lui demandions: Que veut-il dire par ces paroles: « La justice a regardé d’en haut? » Regardons-nous donc nous-mêmes, et si nous ne trouvons en nous que des péchés, détestons nos péchés, et désirons la justice, Dès que nous commencerons à détester nos péchés, cette haine du péché nous rendra semblables à Dieu; car nous haïrons ce qu’il hait lui-même. Mais dès que tu auras commencé à haïr tes fautes et à les confesser, et que les plaisirs coupables te solliciteront et t’emporteront aux choses frivoles, gémis devant Dieu; confesse-lui tes fautes, et tu mériteras qu’il t’écoute et te fasse trouver le plaisir dans le bien, tes délices à faire des oeuvres de justice, bonheur plus suave que tu n’en trouvais d’abord dans le péché. Ainsi ta joie était dans les excès de la table, elle sera dans la sobriété; tu éprouvais un bonheur à voler, à prendre aux autres ce que tu n’avais pas, tu le trouveras à donner ton bien à celui qui n’a rien; le ravisseur aimera à donner, l’amateur des théâtres deviendra amateur de la prière; au lieu de fredonner les chansons badines, les refrains adultères, tu aimeras de chanter les hymnes de Dieu, de courir à l’église comme tu courais au théâtre. D’où vient ce plaisir si pur, sinon de Dieu qui a répandu sa douceur, et notre terre a donné son fruit?» Comprenez en effet cette pensée: voici que je vous ai annoncé la parole de Dieu; j’ai répandu
1. Rom. IV, 5.
cette semence dans des coeurs bien préparés, des coeurs ouverts et sillonnés en quelque sorte par le soc de la confession; vous avez reçu cette semence avec piété, avec attention; repassez en vous-mêmes cette parole, brisez la glèbe afin de couvrir la semence; que les oiseaux ne l’enlèvent point, qu’elle germe dans vos coeurs. Mais si Dieu ne répand sa pluie, à quoi bon tout ce qui est semé? Tel est le sens de cette parole: « Le Seigneur répandra la douceur, et notre terre donnera son fruit ». Que le Seigneur vous visite, et dans le repos, et dans le négoce, et dans votre demeure, et dans votre lit, et dans vos repas, et dans vos entretiens, et dans vos promenades, qu’il visite vos coeurs, quand nous ne sommes point avec vous. Que la rosée du Seigneur descende eu vous et vivifie ce qui a été semé; et quand nous ne sommes point avec vous, soit que nous nous reposions en toute sécurité, soit que nous fassions autre chose, que Dieu veuille donner de l’accroissement à ce grain que nous avons répandu, afin que, en voyant plus tard la sainteté de votre vie, nous nous réjouissions de ce fruit de salut. « Le Seigneur a répandu la douceur, et notre terre a donné son fruit ».
16. « La justice marchera devant lui, il marquera ses pas dans la voie 1 ». Cette justice est celle qui résulte de l’aveu des péchés; et qui est aussi vérité. Car tu dois être juste envers toi-même, afin de te punir. Telle est la première justice de l’homme, de châtier le mal en toi, afin que Dieu te rende bon. Et comme c’est là le premier degré de la justice chez l’homme, c’est ce qui prépare à Dieu le chemin pour venir en toi, et tu lui ouvres cette voie, par la confession des péchés. De là vient que Jean, lorsqu’il baptisait dans l’eau, et qu’il voulait attirer à lui ceux qui se repentaient de leur vie passée, leur disait: « Préparez la voie au Seigneur, et rendez droits ses sentiers 2 ». Tu te plaisais dans ton péché, ô homme; que ton passé te déplaise, afin de pouvoir devenir ce que tu n’étais pas. « Préparez la voie au Seigneur »; que la justice marche devant toi, par l’aveu de tes fautes. Alors il viendra et te visitera, « parce qu’il marquera ses pas dans la voie ». Il trouvera en toi où poser ses pas, et y venir. Mais avant de confesser tes péchés, tu avais fermé en toi toute voie de Dieu, il n’y en avait aucune par où il pût venir. Confesser ta vie, c’est ouvrir la voie; et le Christ viendra, « et il marquera ses pas dans la voie », pour t’apprendre à marcher sur ses traces.
1. Ps. LXXXIV, 14 — 2. Matth. III, 3.

Abandonné de Dieu – Au début du Psaume 22…

5 février, 2013

http://www.bibleenligne.com/Lectures_bibliques/Mensuel/ME/02/Abandonne%20de%20Dieu.htm

Abandonné de Dieu

Au début du Psaume 22, se trouve une expression particulièrement émouvante et d’une importance incomparable. C’est la question: «Mon Dieu! Mon Dieu! Pourquoi m’as-tu abandonné?» (Psaumes 22: 1, voir aussi Matthieu 27: 46).

Qui posait cette question à Dieu? Comme le prouve le passage de Matthieu, c’était le Fils de Dieu, qui était dans le sein du Père déjà avant la fondation du monde, l’objet des délices de Dieu, le créateur et le conservateur de l’univers, le Christ qui est sur toutes choses Dieu béni éternellement. En même temps, il était l’homme sans tache, saint, parfait, n’ayant jamais commis un seul péché, ne pouvant pas en commettre, un véritable homme, né de femme, semblable à nous en toutes choses, à part le péché. Depuis la crèche de Bethléhem jusqu’à la croix de Golgotha, sa vie était en parfaite harmonie avec la volonté de Dieu. Il vivait pour glorifier Dieu. Toutes ses paroles et tous ses actes, tous ses regards et ses mouvements dégageaient un parfum agréable à Dieu dont ils rafraîchissaient le cœur. A deux reprises, les cieux s’ouvrirent sur Jésus et la voix du Père lui rendit témoignage: «Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j’ai trouvé mon plaisir».
C’est donc cette personne merveilleuse qui adresse ces paroles émouvantes à Dieu. Nos cœurs se demandent aussitôt: est-ce possible qu’il ait pu être abandonné de Dieu? Dieu a-t-il vraiment caché sa face de devant le seul homme juste et parfait ayant jamais vécu sur cette terre souillée? A-t-il fermé son oreille au cri de celui dont la nourriture était de faire la volonté de Dieu et de glorifier son nom? Oui, si étrange et incroyable que cela puisse paraître, Dieu l’a fait. Ce même Dieu qui ne détourne pas ses yeux du juste, dont les oreilles sont ouvertes pour entendre la supplication du pauvre, dont la main est toujours étendue pour secourir celui qui est faible et délaissé – ce même Dieu détourne sa face quand son Fils crie à lui et ne répond pas à sa prière instante.
Nous sommes en présence d’un événement mystérieux. Qui peut mesurer sa portée? Il contient en quelque sorte la substance de l’évangile, et constitue le fondement du christianisme. C’est dans la mesure où nous serons occupés des gloires de Celui qui prononçait ces paroles, où nous méditerons sur ce que cette personne est en elle-même, et pour Dieu, que nous prendrons conscience de la profondeur infinie de cette question. Et plus nous considérerons ce Dieu à qui cette question a été posée — plus nous apprendrons à connaître se caractère et ce qu’il a fait —, plus aussi nous comprendrons la valeur et la force de sa réponse.
Mais pour quelle raison Dieu abandonna-t-il son bien-aimé? Pourquoi? Le savons-nous pour nous-mêmes personnellement? Pouvons-nous dire de tout cœur: «Nous savons, je sais, pourquoi Dieu a abandonné le Seigneur de gloire. C’est parce qu’il se tenait à notre place, prenant sur lui tous nos péchés, oui, il a été fait péché pour nous. Toute notre culpabilité a été placée sur lui, et Dieu a jugé notre cas dans la personne de notre substitut».
Le Saint Esprit nous a-t-il appris ces choses? Avons-nous accepté avec une foi simple ces vérités consignées dans la parole de Dieu? S’il en est ainsi, une paix inébranlable, qui ne peut plus être troublée par aucune puissance ennemie, remplit notre cœur. Dans le cas contraire, l’âme ne pourra connaître et goûter cette paix aussi longtemps qu’elle ne sait pas que Dieu lui-même a réglé à la croix toute la question du péché et des péchés. Dieu savait à l’avance ce qui était nécessaire, et il y a pourvu.
Dieu et le péché se sont rencontrés à la croix. Le péché a été jugé et ôté. Les vagues et les flots de la colère de Dieu ont atteint celui qui portait les péchés; il a été mis dans la poussière de la mort. Dieu a traité le péché selon les exigences inflexibles de sa nature et de son trône, et maintenant, celui qui avait été fait péché et qui a été jugé à notre place est assis à la droite de la majesté de Dieu, couronné de gloire et d’honneur. Sa séance à cette place et la couronne qu’il porte, sont précisément la preuve que le péché est à jamais ôté.
Mais dans la réponse au «pourquoi» du Seigneur abandonné à la croix, nous pouvons aussi trouver une douce pensée: l’amour merveilleux de Dieu envers des pécheurs misérables. Non seulement cet amour le poussa à donner son Fils bien-aimé, mais aussi à le meurtrir à Golgotha: «Il plut à l’Éternel de le meurtrir; il l’a soumis à la souffrance» (Ésaïe 53: 10). Pourquoi? Parce que Dieu voulait nous épargner. Il n’y avait que deux possibilités pour nous: soit nous subissions les peines éternelles (le ver qui ne meurt pas, le feu qui ne s’éteint pas), soit notre substitut devait vider la coupe de la colère de Dieu contre le péché. Dieu soit béni, le Fils de Dieu a accompli l’œuvre de la rédemption et occupe maintenant la place suprême dans la gloire. Une place avec lui est prête pour tous ceux qui croient en lui dans leur cœur.

Traduit de l’allemand

Psaume 24 commentaire

30 novembre, 2012

http://www.bibleenligne.com/Commentaire_biblique/Commentaire_simple/AT/Psaumes/Ps%2024.htm

Psaume 24

Commentaire

De David. Psaume.
1 . À l’Éternel est la terre et tout ce qu’elle contient¹, le monde et ceux qui l’habitent;
— ¹ litt.: sa plénitude.
2 . Car lui l’a fondée sur les mers, et l’a établie sur les fleuves.
3 . Qui est-ce qui montera en la montagne de l’Éternel? et qui se tiendra dans le lieu de sa sainteté?
4 . Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur, qui n’élève pas son âme à la vanité, et ne jure pas avec fausseté.
5 . Il recevra bénédiction de l’Éternel, et justice du Dieu de son salut.
6 . Telle est la génération de ceux qui le cherchent, de ceux qui recherchent ta face, ô Jacob. Sélah.
*
7 . Portes, élevez vos têtes! et élevez-vous, portails éternels, et le roi de gloire entrera.
8 . Qui est ce roi de gloire? L’Éternel fort et puissant, l’Éternel puissant dans la bataille.
9 . Portes, élevez vos têtes! et élevez-vous, portails éternels, et le roi de gloire entrera.
10 . Qui est-il, ce roi de gloire? L’Éternel des armées, lui, est le roi de gloire. Sélah.
———————————————

Au Ps. 22 nous trouvons un Sauveur. C’est le passé, la croix où tout commence. Le Ps. 23 correspond au présent: c’est d’un Berger que nous faisons l’expérience. Le Ps. 24, enfin, nous ouvre l’avenir: nous y admirons le Roi de gloire.
Tous ces psaumes sont de David, homme qui connut le rejet et la souffrance, mais qui fut aussi berger d’Israël (2 Sam. 5. 2  ) et roi glorieux en Sion. Le Psaume 24 commence par l’affirmation des droits de l’Éternel sur la terre. La croix y fut dressée (Ps. 22). Elle est présentement une sombre vallée (Ps. 23). Mais bientôt l’Éternel y établira son trône. «Le monde et ceux qui l’habitent» devront alors reconnaître Celui à qui ils appartiennent et se soumettre à sa domination. Certains ne s’y décideront que sous l’effet de la contrainte, «en dissimulant», comme l’annonce le Ps. 18. 44  . En ce qui nous concerne, puissions-nous rendre dès aujourd’hui au Seigneur Jésus l’obéissance de l’amour. Pour avoir part au Royaume, les citoyens doivent en posséder les caractères (v. 3 à 6). Jésus les a promulgués dès le début de son ministère (comp. v. 4 avec Matth. 5. 8 ). Il était le Roi, le Messie d’Israël. Mais son peuple l’a rejeté, aussi est-il sorti, portant sa croix (Jean 19. 5 et 17  ). Contemplons-le maintenant entrant comme l’Éternel lui-même, le Roi de gloire, dans son règne de bénédiction.

Jean Paul II: Ps 141, 2-3.6-8

2 août, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20031112_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 12 novembre 2003

Premières Vêpres – dimanche de la 1 semaine
Lecture: Ps 141, 2-3.6-8

1. Le soir du 3 octobre 1226, saint François d’Assise était en train de s’éteindre: sa dernière prière fut précisément la récitation du Psaume 141, que nous venons d’écouter. Saint Bonaventure rappelle que saint François « se mit à réciter avec force le Psaume: « A Yahvé mon cri! J’implore! A Yahvé mon cri! Je supplie » et il le récita jusqu’au dernier verset: « Autour de moi les justes feront cercle, à cause du bien que tu m’as fait »" (Legenda maior, XIV, 5, in: Fonti Francescane, Padoue – Assise 1980, p. 958).
Le Psaume est une intense supplication, rythmée par une série de verbes d’imploration adressés au Seigneur: « J’implore à l’aide », « Je supplie Yahvé », « Je déverse ma plainte », « ma détresse, je la mets devant lui » (vv. 2-3). La partie centrale du Psaume est dominée par la confiance en Dieu qui n’est pas indifférent à la souffrance du fidèle (cf. vv. 4-8). C’est dans cette attitude que saint François alla vers la mort.
2. Dieu est interpellé par un « Tu », comme une personne qui donne la sécurité: « Toi, mon abri » (v. 6). « Toi, tu connais mon sentier », c’est-à-dire l’itinéraire de ma vie, un parcours marqué par le choix de la justice. Sur cette voie, les impies lui ont cependant tendu un piège (cf. v. 4): il s’agit de l’image typique tirée des scènes de chasse et fréquente dans les supplications des Psaumes pour indiquer les dangers et les menaces auxquels le juste doit faire face.
Face à ce cauchemar, le Psalmiste lance comme un signal d’alarme, afin que Dieu voie sa situation et intervienne: « Regarde à droite et vois » (v. 5). Dans la tradition orientale, à la droite d’une personne se tenait le défenseur ou le témoin favorable au cours d’un procès, ou bien, en cas de guerre, le garde du corps. Le fidèle est donc seul et abandonné, « pas un qui me reconnaisse ». C’est pourquoi il exprime une constatation angoissée: « Le refuge se dérobe à moi, pas un qui ait soin de mon âme » (v. 5).
3. Immédiatement après, un cri révèle l’espérance qui demeure dans le coeur de l’orant. Désormais, l’unique protection et la seule présence efficace est celle de Dieu: « Toi, mon abri, ma part dans la terre des vivants » (v. 6). Le « sort » ou la « part », dans le langage biblique, est le don de la terre promise, signe de l’amour divin à l’égard de son peuple. Le Seigneur reste désormais le dernier et l’unique fondement sur lequel se baser, la seule possibilité de vie, l’espérance suprême.
Le Psalmiste l’invoque avec insistance, car « il est à bout de force » (v. 7). Il le supplie d’intervenir pour briser la chaîne de sa prison de solitude et d’hostilité (cf. v. 8) et le tirer de l’abîme de l’épreuve.
4. Comme dans d’autres Psaumes de supplication, la perspective finale est celle d’une action de grâce, qui sera offerte à Dieu lorsque le fidèle aura été exaucé: « Fais sortir de prison mon âme, que je rende grâce à ton nom » (ibid.). Lorsqu’il aura été sauvé, le fidèle se rendra au milieu de l’assemblée liturgique pour rendre grâce à Dieu (cf. Ibid.). Les justes l’entoureront, car il considéreront le salut de leur frère comme un don qui leur a également été fait.
Cette atmosphère devrait régner également dans les célébrations chrétiennes. La douleur de chaque personne doit trouver un écho dans le coeur de tous; la joie de chacun doit également être vécue par toute la communauté de prière. En effet, qu’il est « bon et doux d’habiter en frères tous ensemble » (Ps 132, 1) et le Seigneur Jésus a dit: « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
5. La tradition chrétienne a appliqué le Psaume 141 au Christ persécuté et souffrant. Dans cette perspective, l’objectif lumineux de la supplication du Psaume se transfigure en un signe pascal, sur la base de l’issue glorieuse de la vie du Christ et de notre destin de résurrection avec lui. C’est ce qu’affirme saint Hilaire de Poitiers, célèbre Docteur de l’Eglise du IV siècle, dans son Traité sur les Psaumes.
Il commente la traduction latine du dernier verset du Psaume, qui parle de récompense pour l’orant et d’attente des justes: « Me expectant iusti, donec retribuas mihi ». Saint Hilaire explique: « L’Apôtre nous enseigne quelle récompense le Père a donnée au Christ: « Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 9-11). Telle est la récompense: au corps, qu’il a assumé, est donnée l’éternité de la gloire du Père. Le même Apôtre nous enseigne ensuite ce qu’est l’attente des justes, en disant: « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire » (Ph 3, 20-21). Les justes, en effet, l’attendent pour qu’il les récompense, en les rendant conformes à la gloire de son corps, qui est béni pour les siècles des siècles. Amen » (PL 9, 833-837).

« La joie d’être sauvé » : Un psaume à dire avec David

25 juin, 2012

http://www.spiritualite2000.com/page-1287.php

« La joie d’être sauvé »

Février 2006

Jean Duhaime

Un psaume à dire avec David

Dans la Bible, le titre que porte le Psaume 50 l’associe à la figure de David : « De David, quand Natân le prophète vint à lui parce qu’il était allé vers Bethsabée ». On considère habituellement ces versets comme une interprétation et non comme une indication sur l’origine du psaume, car il présente trop de parenté avec des idées propres à Jérémie et Ézéchiel, aux alentours de l’exil (v. 4.10-12, etc.) pour dater de l’époque de David. L’évocation de l’adultère de David, suivi de l’aveu de sa faute et de son repentir sincère (comparer 2 Samuel 12, 9.13 et Psaume 50, 6) est une invitation à imiter non pas le péché, mais le regard lucide du grand roi sur sa propre conduite et son attitude devant Dieu après la reconnaissance de sa situation.
Du pardon du péché à la régénération spirituelle
L’introduction de la première section est remarquablement construite. Trois expressions caractérisent Dieu : la pitié, l’amour (ou la fidélité) et la miséricorde. L’effacement de la faute s’exprime par trois verbes (effacer, laver, purifier), utilisés par les prophètes pour décrire la purification des fautes d’Israël (Isaïe 44, 22 ; Jérémie 2, 22 ; 4, 14 ; Ézéchiel 36, 25).
Les versets 5-8 opposent l’humain à Dieu. Tout péché est une rupture dans la relation à Dieu, peu importe contre qui il a été commis. Le malheur qui touche le psalmiste est le premier temps d’une intervention salutaire de Dieu, de la justice qu’on souhaite proclamer (v. 16). L’idée qu’on est conçu pécheur (v. 7) signifie que l’être humain est fortement incliné au mal toute sa vie durant (Genèse 6, 5 ; 8, 21). Le verset 8 est difficile ; la traduction retenue par la liturgie en propose une interprétation « intimiste ». Dieu, qui sonde les cœurs et les reins, y désire la vérité et y enseigne la sagesse (Psaume 15, 7).
Au verset 9, la demande de pardon fait allusion au rite de purification des lépreux (Lévitique 14, 2-9), mais vise une guérison intérieure (Isaïe 1, 12-18). Les « os broyés » (v. 10) peuvent l’avoir été par une maladie physique (Psaumes 6, 3 ; 37, 4.9) ou par la souffrance morale, comme au verset 19 (Psaume 43, 20 ; Ézéchiel 37, 1-14). Demander au Seigneur de détourner sa face des fautes (v. 11), c’est lui demander de ne plus en tenir compte (Psaume 89, 8).
Cette première partie du psaume insiste sur le fait que la justice de Dieu est sans reproche. Elle marque la première étape du retour en grâce demandé : la disparition du péché rétablit le fidèle dans un état de pureté et lui fait retrouver la joie. La deuxième partie va plus loin : elle situe le salut véritable dans une « recréation » et demande cette transformation en profondeur, rendue possible par le don de l’esprit. Au verset 15, le péché est encore présent. C’est celui des égarés à qui s’adressera la proclamation du salut vécu par le psalmiste. La rencontre de Dieu devient source de témoi­gnage et permet le retour d’autres pécheurs ; la communauté retisse ses liens. Au verset 16, l’affranchissement du sang peut être compris soit comme la délivrance d’une mort prématurée soit probablement comme la libération du poids de fautes passibles de mort.
Aux versets. 18-19, le psalmiste ne condamne pas le culte de façon absolue, mais rappelle que le repentir est plus important que les sacrifices offerts au temple. Le cœur contrit, c’est celui de l’humble converti.
PRIER LE PSAUME 50
Le Psaume 50 est un des sommets de la prière du psautier, par l’image de Dieu et de la personne humaine qu’il projette. Dieu y apparaît avant tout comme un Dieu de bonté et de tendresse qui reste fidèle à son projet d’amitié avec les humains en dépit de leur fragilité et de leur propension au mal. La Lettre aux Romains (3, 4) reprend les grandes lignes de cette théologie : pour Paul et la communauté chrétienne, la restauration demandée par le psalmiste est réalisée de façon définitive à travers l’œuvre salutaire de Dieu en Jésus Christ et par le don de l’Esprit (Éphésiens 2, 10.15 ; Colossiens 1, 15). La liturgie actuelle l’utilise dans ces divers sens, surtout le Mercredi des cendres, à la Veillée pascale et à l’Office du matin des vendredis.
Le Psaume 50 exerce un attrait irrésistible sur celles et ceux qui croient au Dieu de la Bible ; il est l’un de ceux que nous prions les plus spontanément. Même si le goût du péché paraît passé de mode, une réflexion même sommaire conduit vite à prendre conscience de notre solidarité avec l’injustice, la misère, le mal sous toutes ses formes, ne serait-ce que par notre indifférence à l’égard d’autrui. Le Psaume 50 nous rappelle que la première transformation à faire dans le monde est la nôtre, la transformation constante du plus intime de nous-mêmes et de nos propres communautés… Se reconnaître pécheur devant Dieu n’est pas s’humi­lier, se dégrader devant lui ; c’est porter un regard lucide sur notre impuissance et nos difficultés à réaliser seuls un monde plus juste, plus fraternel, un monde où l’humain serait vraiment à l’image du Dieu amour, du Dieu partage. Mais c’est aussi affirmer qu’en lui cela est désormais possible.

(N.B. la version intégrale de ce texte se trouve dans Célébrer les Heures n. 21, printemps 1999)
Cet article est tiré de la revue Célébrer les Heures. On peut en savoir davantage sur cette revue en écrivant à Célébrer les Heures, 2715, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1B6, Canada.

Psaume 2 : Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré

22 mai, 2012

http://www.spiritualite2000.com/page-664.php

LE PSALMISTE

Juillet – Août 2002 

Psaume 2 : Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré

Michel Gourgues, o.p.

Dans son récit de la naissance de Jésus, l’évangéliste Matthieu renvoie, pour chacun des épisodes qu’il raconte, à un passage des prophètes. Lorsqu’il rapporte la naissance à Bethléem, c’est un passage du prophète Michée qui lui revient à la mémoire: Et toi, Bethléem, terre de Juda, de toi sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple… (Mt 2,6). Les psaumes, eux, ne font aucune mention de Bethléem, mais, en revanche, ils accordent une place de premier plan à David. Originaire de Bethléem, c’est là, selon un récit populaire de l’Ancien Testament, que le cadet des fils de Jessé, tout jeune encore, avait reçu l’onction du prophète Samuel (1 Sam 16,13).
Le premier des psaumes à figurer dans l’office liturgique de Noël est le Psaume 2. Il est encore cité dans le passage de l’épître aux Hébreux que nous fait lire la messe du jour de Noël : Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré Or, ce psaume paraît faire référence au rite de l’onction par lequel David ou l’un de ses successeurs était devenu roi d’Israël.
Quatre volets bien articulés
Le psaume commence par évoquer une situation politique difficile (versets 1-3): des rois et des chefs étrangers se soulèvent contre le pouvoir d’un roi d’Israël, soit qu’ils désirent s’en défaire, soit qu’ils s’en sentent menacés et qu’ils veulent l’éviter. Qui était ce roi? Les exégètes donneraient cher pour le savoir, car cela permettrait de dater le psaume et de déterminer à quelle situation exacte il fait référence. Puisque ce roi a reçu l’onction à Jérusalem (v. 6), iI doit plutôt s’agir d’un descendant de David que de David lui-même qui, lui, avait été sacré roi à Bethléem ou à Hébron, selon les traditions.
Dans la deuxième partie du psaume (versets 4-6), Yahvé lui-même intervient pour rappeler aux puissances contestataires que c’est lui qui a choisi le roi contre lequel elles se soulèvent. Le roi d’Israël est son oint , en hébreu son mashiah, le mot qui deviendra messie en français et qui sera traduit en grec par christos, en français christ .
Dans la troisième partie du psaume (versets 7-9), c’est le roi lui-même qui, à son tour, évoque le jour où il a reçu l’onction royale et les promesses qui lui ont alors été faites de la part de Dieu. C’est ici que se trouve l’énoncé solennel : Il m’a dit : ‘Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ‘ (v. 7). En tant que lieutenant terrestre de Yahvé, le roi était en quelque sorte adopté par ce dernier au jour de son intronisation. Le titre de fils de Dieu servait à exprimer cette relation unique et privilégiée par rapport à Dieu. En même temps il marquait une distance, en évitant de diviniser le roi comme cela se faisait en Égypte et dans d’autres cultures avoisinantes. En Israël, le roi n’est pas Dieu, tout en bénéficiant d’une relation unique à lui : il est le fils de Dieu .
La dernière partie (versets 10-12) revient à la situation et aux personnages évoqués au point de départ. Les contestataires n’ont qu’à bien se tenir! Mieux vaut pour eux de se soumettre à Yahvé, car celui-ci ne peut qu’être fidèle à ses engagements en protégeant et en soutenant le roi qu’ils combattent.
Facteur d’espérance au lieu de pièce de musée
Tant qu’il y eut des rois en Israël, le peuple put continuer de prier le psaume en leur faveur, en se rappelant la dignité que leur conférait leur rôle et leur responsabilité uniques devant Dieu. Après l’exil, le psaume aurait dû tomber en désuétude, l’institution royale étant désormais disparue. Un peu comme des chants composés pour une circonstance donnée et qu’on oublie aussitôt, une fois l’événement passé.
Or, au lieu d’être relégué aux archives comme témoin d’un passé révolu, le psaume continua d’être prié comme témoin de l’avenir. Un jour, viendra un Messie, descendant de David, que Dieu reconnaîtra comme son fils et qui exercera une domination universelle. Certains courants de la religion juive témoignent, dès le 1er siècle avant Jésus, d’une lecture en ce sens du psaume 2. Ce dernier, au lieu d’entretenir la nostalgie du passé, sert désormais à nourrir l’espérance.
Cette espérance, il faut le dire, n’est pas toujours exempte de violence et d’accents revanchards. Ainsi en est-il par exemple, dans les Psaumes de Salomon, un recueil de prières juives qui, en empruntant les mots mêmes du psaume 2, prie pour l’avènement du Messie descendant de David: Vois, Seigneur, et suscite pour eux leur roi, fils de David, au temps que tu connais, ô Dieu, pour qu’il règne sur Israël ton serviteur. Purifie Jérusalem des nations… Qu’avec sagesse et justice il chasse les pécheurs de l’héritage, qu’il brise l’orgueil des pécheurs comme vases de potier, qu’il les fracasse avec un sceptre de fer (Psaume 17,23-26).
Ton serviteur Jésus, que tu as oint
Que deviendrait le psaume 2 pour les chrétiens, une fois que, Jésus ressuscité et exalté à la droite de Dieu, ils auraient reconnu en lui le Messie attendu? Certains de ses accents vengeurs et l’espérance en ce sens qu’il avait engendrée ne l’exposaient-ils pas de nouveau à tomber en désuétude? Il n’en fut rien. Car le psaume contenait par ailleurs trop de richesses. Dans chacun de ses volets, on pouvait voir évoqués à l’avance des aspects centraux de l’expérience et du mystère de Jésus. Ainsi, l’adversité des rois et des puissants de la terre contre le Messie (vv. 1-3) évoquait tout naturellement pour les premières communautés chrétiennes la passion de leur Seigneur, comme en témoignent les Actes des Apôtres (4,25). La déclaration solennelle : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré (v. 7) pouvait, quant à elle, être lue en relation avec le baptême de Jésus, compris comme le moment où, tel un nouveau roi s’apprêtant à entreprendre sa mission, il avait reçu l’onction d’Esprit Saint et de puissance , comme le souligne Luc dans ses deux livres (Lc 4,18; Ac 10,38). L’intronisation solennelle du roi évoquée dans le psaume pouvait aussi être comprise en relation avec la résurrection de Jésus, exalté par Dieu et partageant désormais avec lui une seigneurie universelle (Ac 13,33; He 1,5; 5,5). Fidèle à son oint comme il avait promis jadis de l’être au roi dont parlait le psaume, Dieu, en le ressuscitant, avait révélé sa qualité de Fils – désormais entendue au sens fort – et fait tourner l’adversité en exaltation: Dieu l’a fait Seigneur et Messie et Seigneur, ce Jésus que vous, vous aviez crucifié (Ac 2,36).
Sans doute, en lisant le psaume 2 en relation avec la naissance de Jésus, la liturgie de Noël innove-t-elle par rapport au Nouveau Testament. Mais l’innovation se comprend parfaitement. Tu es mon fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré: comment pouvait-on ne pas associer l’oracle solennel du psaume et la déclaration de saint Paul (Ga 4,4): Quand vint la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils né d’une femme…?

Note
L’onction, un rite aussi vieux que l’histoire connue. Sur cette représentation égyptienne, datant de 2800 ans avant Jésus, un personnage reçoit l’onction. S’agit–il d’un roi? Le rite en tout cas paraît important car il se déroule devant le temple d’une divinité.

Psaume 4 et commentaire

21 avril, 2012

http://www.bibleenligne.com/Commentaire_biblique/Commentaire_simple/AT/Psaumes/Ps%204.htm

Psaume 4

Au chef de musique. Sur Neguinoth¹. Psaume de David.
— ¹ instruments à cordes.
1 ? Quand je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice! Dans la détresse tu m’as mis au large; use de grâce envers moi, et écoute ma prière.
*
2 ? Fils d’hommes, jusques à quand [livrerez-vous] ma gloire à l’opprobre? [Jusques à quand] aimerez-vous la vanité et chercherez-vous le mensonge? Sélah.
3 ? Mais sachez que l’Éternel s’est choisi l’homme pieux. L’Éternel écoutera quand je crierai à lui.
4 ? Agitez-vous¹, et ne péchez pas; méditez dans vos cœurs sur votre couche, et soyez tranquilles. Sélah.
— ¹ ou: Tremblez.
5 ? Offrez des sacrifices de justice, et confiez-vous en l’Éternel.
*
6 ? Beaucoup disent: Qui nous fera voir du bien? Lève sur nous la lumière de ta face, ô Éternel!
7 ? Tu as mis de la joie dans mon cœur, plus qu’au temps où leur froment et leur moût ont été abondants.
8 ? Je me coucherai, et aussi je dormirai en paix; car toi seul, ô Éternel! tu me fais habiter en sécurité.

Commentaire

Au Psaume 3 l’Éternel était la protection du fidèle; au Ps. 4 il est sa portion. L’homme pieux possède l’assurance que Dieu l’a choisi (verset 3; littéralement introduit dans sa faveur). Mais il se trouve encore au milieu d’un monde où règnent la vanité et le mensonge (verset 2) et il ne peut qu’y souffrir. «Qui me fera voir du bien?», voilà la question souvent posée dans un tel monde. Ce bien, nous ne le trouverons pas autour de nous, ni davantage en nous-mêmes! Le seul bien véritable est celui que Dieu produit. Il nous en montre la parfaite expression dans la vie de son Fils, «l’homme pieux» par excellence, le seul dont on pouvait dire: «Il fait toutes choses bien» (Marc 7. 37  ).
Dieu est la source de tout bien, mais aussi de toute vraie joie, «Tu as mis de la joie dans mon cœur» déclare le psalmiste (verset 7). Cette joie-là ne dépend pas de l’abondance des biens matériels comme le prouve la fin du verset (comp. Hab. 3. 17, 18  ). Le même chapitre des Philippiens qui nous exhorte à nous réjouir toujours dans le Seigneur, nous rappelle qu’un croyant peut être heureux dans les privations aussi bien que dans l’abondance (Philippiens 4. 4 et 12  ). La joie divine peut remplir l’âme, même au milieu de la détresse. Les circonstances ne l’affectent pas, précisément, parce qu’elle a sa source en Celui qui ne change pas (Héb. 13. 8  ).

Commentaire de Ps 104

10 octobre, 2011

du site:

http://www.bible-service.net/site/549.html

BIBLE SERVICE

Commentaire de Ps 104

Ps 104 : Harmonie du monde, splendeur de Dieu

 »Béni le Seigneur, ô mon âme ! » L’exclamation encadre le psaume 104, l’un des plus somptueux de la Bible, description de l’harmonie du monde. Comme dans certains hymnes égyptiens, l’eau y ruisselle pour le bonheur des êtres vivants.
Les amoureux de l’Ancien Orient ont parfois rapproché le psaume 104 de l’hymne composé par le pharaon Aménophis IV, dit Akhenaton, en l’honneur du disque solaire Aton (vers 1350 av. J.-C.). Il n’est pas sûr que l’œuvre égyptienne ait inspiré l’hébraïque. La parenté du langage poétique est néanmoins une chance pour saisir la différence des théologies.
 
Splendeur de Dieu
Ainsi les deux poèmes commencent par s’adresser à la divinité :  »Tu apparais, parfait, à l’horizon du ciel / Disque vivant qui est à l’origine de la vie… / Tu es beau, grand, étincelant… » (hymne à Aton) ou  »Seigneur mon Dieu, tu es si grand, revêtu de splendeur et d’éclat, / drapé de lumière comme d’un manteau… » (Ps 104, v. 1-2).
Même admiration pour un dieu unique, mais éclat inégal : dans le premier cas, le dieu-soleil est origine de tout et agit par ses rayons, alors que dans le second, la lumière (distincte du soleil, cf. v. 19-22) n’est qu’un magnifique vêtement, annonciateur de bien d’autres merveilles.
 
Mouvement incessant
Le Seigneur est drapé de lumière mais la terre, elle, est – ou plutôt a été – vêtue de  »l’abîme des mers ». La première page de la Genèse raconte la séparation des eaux  »d’en haut » et des eaux  »d’en bas » (deuxième jour, Gn 1, 6-8) puis l’émergence de la terre hors des eaux d’en bas, et l’apparition des végétaux (troisième jour, Gn 1, 9-13). Il y a ici un écho de l’origine, mais d’une origine toujours recommencée, effet d’une parole divine toujours neuve et formidable :  »les eaux recouvraient les montagnes / à ta menace, elles prennent la fuite, à la voix de ton tonnerre elles se précipitent » (v. 6-7).
Toute une partie du poème vibre et frémit de ce mouvement des eaux auprès desquelles et vers lesquelles vont et viennent les êtres vivants, hommes ou bêtes (v. 8-14). L’œil du poète embrasse les sommets et les ravins, saisit ici le jaillissement des sources, s’attarde là sur la lenteur des rivières (l’eau  »chemine », v. 10), et prend le temps de voir les animaux s’abreuver, à commencer par les plus farouches, ceux que l’on n’observe qu’avec patience : âne sauvage ou volatiles (v. 11-12). Selon la cosmologie d’alors, les  »eaux d’en haut » – si près des demeures de la divinité –, orages et pluies, dévalent des monts et, de là, irriguent prairies et champs (v. 13-14).
Rien, dans le psaume, n’est particulier à Israël. Tout est universel. L’hymne à Aton est plus ethnocentrique. La partie consacrée au fleuve de l’Égypte y distingue un Nil  »dans le ciel » (autre manière d’évoquer orages et pluies) et un autre sur la terre. Celui du ciel a certes été placé par le Disque solaire pour faire vivre tous les pays :  »le Nil qui est dans le ciel, c’est le don que tu as fait aux peuples étrangers / et à toutes les bêtes du désert ». Mais  »le vrai Nil, il vient du monde inférieur pour l’Égypte » ! Et c’est autour de celui-ci, que, fécondés par les rayons du soleil, s’étendent les champs et passent les saisons.
 
Dissonance
Le psaume 104, sauf en ses derniers versets, n’évoque particulièrement ni le pays ni le destin d’Israël. La vie de tous s’y organise après la domestication des eaux par la Parole divine. La suite du poème, la plus longue, s’attache aux activités humaines, dans l’alternance des nuits et des jours. Elle donnerait à penser que le mal n’existe pas, que toute violence est évitée (les fauves gagnent leurs repaires quand les hommes sortent travailler, v. 22-23) si la conclusion ne mentionnait les  »pécheurs » et les  »impies » comme une atteinte à l’harmonie du monde (v. 35), une harmonie à laquelle participent même les monstres marins, fugitivement aperçus sur la mer à côté des bateaux (v. 25-26) !
Une ombre ternit ce qui était jusqu’alors lumière, mouvement et vie.  »Alleluia » (=  »Gloire à Dieu ») a beau s’élancer en finale du psaume 104, revenir dans le psaume 105 et encadrer le psaume 106, l’ombre grandira : après les splendeurs de la création (Ps 104), après les hauts-faits de l’alliance (Ps 105), seront énumérées les fautes d’Israël (Ps 106). Chanter le psaume en vérité, c’est donc affronter la dissonance finale et reprendre à son compte le souhait de la disparition du péché. L’aujourd’hui touche ici l’origine (la beauté) et la fin (victoire sur le mal), à Dieu remises. L’hymne à Aton ne parle d’aucun combat. Le psaume serait-il plus réaliste ? Et plus ouvert à l’espérance ? Car, à le suivre, nous apprenons que la Parole divine,  »menace » et  »tonnerre », peut canaliser et transformer les eaux dangereuses. Cette puissance, comment ne pas l’invoquer pour d’autres dangers ?
© Gérard BILLON. Article paru dans Le Monde la Bible n° 138  »Le Nil, fleuve sacré d’Egypte » (Bayard-Presse, nov. 2001), p. 80
Nota Bene : Une traduction complète de l’hymne égyptien d’Akhénaton par André Baruch est donnée dans  »Prières de l’Ancien Orient », Supplément au Cahier Évangile n°27 (Éd. SBEV-Le Cerf, 1979) p. 68-72.

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