Archive pour la catégorie 'Ancien Testament'

Psaume 17. Au réveil, je me rassasierai de ton visage.

28 mai, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-2360.php

LE PSALMISTE

Mai 2010

Psaume 17. Au réveil, je me rassasierai de ton visage.

Marc Leroy
1 Prière. De David.

Écoute, Yahvé, la justice,
sois attentif à mon cri ;
prête l’oreille à ma prière,
point de fraude sur mes lèvres.
2 De ta face sortira mon jugement,
tes yeux verront où est le droit.

3 Tu sondes mon cœur, tu me visites la nuit,
tu m’éprouves sans trouver en moi d’infamie :
ma bouche n’a point péché 4 à la façon des hommes,
la parole de tes lèvres, moi je l’ai gardée.

Aux sentiers prescrits, 5 affermis mes pas,
à tes traces, que mes pieds ne chancellent.
6 Je suis là, je t’appelle, car tu réponds, ô Dieu !
Tends l’oreille vers moi, écoute mes paroles,
7 signale tes grâces, toi qui sauves
ceux qui recourent à ta droite contre les assaillants.

8 Garde-moi comme la prunelle de l’œil,
à l’ombre de tes ailes cache-moi
9 aux regards de ces impies qui me ravagent ;
ennemis au fond de l’âme, ils me cernent.

10 Ils sont enfermés dans leur graisse,
ils parlent, l’arrogance à la bouche.
11 Ils marchent contre moi, maintenant ils m’encerclent,
ils ont l’œil sur moi pour me terrasser.
12 Leur apparence est d’un lion impatient d’arracher
et d’un lionceau tapi dans sa cachette.

13 Dresse-toi, Yahvé, affronte-le, renverse-le,
par ton épée délivre mon âme de l’impie,
14 des mortels, par ta main, Yahvé,
des mortels qui, dans la vie, ont leur part de ce monde !

Avec tes réserves tu leur rempliras le ventre,
leurs fils seront rassasiés
et ils laisseront le surplus à leurs enfants.
15 Moi, dans la justice, je contemplerai ta face,
au réveil je me rassasierai de ton image.

(Bible de Jérusalem)

Les psaumes 16 et 17 se ressemblent beaucoup. Le genre littéraire du Ps 17 est une prière comme l’indique son titre au v. 1. Le psalmiste trouve dans sa fidélité le fondement de sa confiance en Yahvé. Il est alors certain que sa prière sera entendue. Nous pouvons diviser ce psaume en cinq parties : vv. 1-2, prière envers Yahvé afin qu’Il prête attention ; vv. 3-5, déclaration de fidélité ; vv. 6-9, prière envers Yahvé afin qu’Il prête attention et qu’Il agisse ; vv. 10-12, lamentation ; vv. 13-15, prière envers Yahvé afin qu’Il agisse.

Le psaume est donc fortement structuré par trois moments de prière. Il y a, d’abord, une prière pour que Yahvé prête attention, puis une prière pour qu’Il prête attention et qu’Il agisse, et enfin une prière pour qu’Il agisse seulement.

Les deux premières prières sont développées dans les versets qui suivent. Ainsi, la première prière affirme l’honnêteté du suppliant qui sera, par la suite, développée dans la déclaration de fidélité. La deuxième prière demande d’être délivré des impies, et la lamentation est un développement sur eux.

Les références à des parties du corps, celui du psalmiste, ceux des assaillants, celui de Dieu, sont nombreuses à travers ce psaume et lui donnent une belle unité : lèvres (v. 1.4) ; face (v. 2.15) ; yeux/oeil (v. 2.8.11) ; cœur (v. 3) ; bouche (v. 3.10) ; pieds (v. 5) ; oreille (v. 6) ; [main] droite/main (v. 7.14) ; ventre (v. 14).

vv. 1-2 : le psaume commence par un appel vers Dieu afin qu’Il écoute la prière du suppliant et qu’Il y réponde. Le v. 1 comporte trois impératifs (« écoute ! » ; « sois attentif ! » ; « prête l’oreille ! ») dont le complément d’objet est, à chaque fois, la voix du psalmiste car la prière est à la fois un son et un contenu. Le psalmiste se présente comme quelqu’un qui n’a « point de fraude sur ses lèvres », c’est-à-dire comme l’exact opposé de ses ennemis qui, eux, parlent « l’arrogance à la bouche » (cf. v. 10). Les lèvres du psalmiste (v. 1) se conforment à ce qu’ont dit les lèvres divines (v. 4).

La prière prend un sens juridique avec des mots comme « justice », « jugement », « droit ». C’est comme un procès en appel, et on attend de Dieu, le juge de la cour céleste, une décision de justice.

vv. 3-5 : La question de la fidélité est au cœur de ce passage car les ennemis du psalmiste vont remettre en cause son intégrité même. Dieu ne sait pas d’emblée ce qu’il y a à l’intérieur de l’homme, mais Il doit faire l’effort d’aller voir ce qu’il y a à l’intérieur du suppliant, de sonder son cœur, de le visiter la nuit. Cela montre combien Dieu veut s’intéresser à nous, combien Il peut se montrer attentif vis-à-vis de notre existence ou de nos pensées. Toutefois, le vocabulaire employé, celui du sondage, de la visite, dénote un contexte un peu difficile qui n’est pas sans rappeler l’expérience de Job où l’on voit Dieu venir « l’inspecter chaque matin, le scruter à tout moment » (cf. Jb 7,18). La nuit se révèle être le moment propice où Dieu peut connaître les pensées intimes de l’homme, en particulier à travers les rêves et les songes.

On passe du registre de la voix et du son au registre des pas, des traces, et des pieds au v. 5. Le psalmiste veut réaffirmer son entière fidélité envers Dieu en déclarant qu’il met ses pieds dans ses traces, qu’il veut continuer à suivre ses chemins.

vv. 6-9 : alors qu’au v. 6, il est encore question de prêter l’oreille, au v. 7, le psalmiste demande à Dieu d’agir concrètement, de manifester ses grâces. Le suppliant prie le Seigneur d’agir comme Il le fit naguère envers le peuple d’Israël lors du miracle de la mer Rouge. De la même façon, qu’autrefois, Yahvé sauva Israël des mains des Égyptiens (cf. Ex 14,30), le psalmiste demande à Dieu de le sauver de ses assaillants. Contre ceux qui se dressent pour l’attaquer (v. 7), le psalmiste va demander à Dieu de se dresser à son tour (v. 13).

Le v. 8, par ses allusions, renvoie également au début de l’histoire du peuple d’Israël (cf., avec l’image de l’aigle, Dt 32,10-11). Le psalmiste cherche à se cacher à l’ombre des ailes de Yahvé (v. 8) alors que les impies cherchent à se cacher pour mieux attaquer (v. 12). L’image est suggérée, dans l’Ancien Testament, par les ailes des Chérubins qui couvraient l’Arche de l’Alliance (cf. Ex 25,20). En Égypte, le Pharaon peut être représenté avec les ailes du dieu faucon Horus lui protégeant la nuque. On retrouvera également l’idée des ailes protectrices dans le Nouveau Testament lorsque Jésus dit : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes ».

vv. 10-12 : Il y a un contraste dans la façon d’utiliser leur bouche entre le psalmiste (cf. v. 3 : « ma bouche n’a point péché ») et ses opposants (cf. v. 10 : « ils parlent, l’arrogance à la bouche »). La « bouche » peut servir à la louange divine comme à répandre des propos mensongers. L’expression « ils sont enfermés dans leur graisse » veut dire qu’ils ne veulent pas changer d’attitude et de vie. La graisse est le symbole d’une orgueilleuse rébellion. Au v. 2, les yeux de Yahvé voient où est le droit, au v. 11, l’œil de l’assaillant cherche à terrasser le suppliant. Celui-ci le compare à un lion qui cherche le meilleur moment pour surgir de sa cachette et le déchiqueter.

vv. 13-15 : On retrouve une prière vers Dieu afin qu’Il agisse. Au v. 13, nous avons encore trois impératifs : « dresse-toi ! » ; « affronte-le ! » ; « renverse-le ! ». Le psalmiste demande à Yahvé de se lever contre des assaillants qui se sont eux-mêmes dressés contre lui au v. 7. Le v. 15, enfin, termine le psaume dans un grand sentiment de confiance en l’avenir. Alors que le v. 14 parlait d’avoir le ventre rassasié, le v. 15 parle d’être rassasié de l’image de Dieu. Puisque les impies ne vivent que pour des biens terrestres, Dieu les en gavera. Le mal que Yahvé n’aura pas fait aux impies, Il devra en remplir le ventre de leurs fils et il restera encore un surplus pour leurs enfants car, d’après Ex 20,5 et Dt 5,9, le châtiment des crimes des pères doit retomber sur les fils jusqu’à la troisième génération.

Le psalmiste, qui se sent mis en danger par le regard de ses ennemis, demande à Yahvé de pouvoir contempler sa Face et de s’en rassasier. Contrairement à Ex 33,20, où il est dit que l’homme ne peut voir la Face de Dieu et vivre, le psalmiste affirme ici qu’il peut contempler la Face de Dieu. Après avoir invité Dieu à le visiter la nuit (cf. v. 3), le suppliant est sûr de sa fidélité, il sait qu’au matin il se réveillera en présence de Dieu.

Contempler la Face de Dieu, c’est ce que le chrétien fait chaque fois qu’il contemple le visage de Jésus.
Une invitation mensuelle à découvrir un psaume, son message et son histoire.
Responsable :
Michel Gourgues
Collège universitaire dominicain

Lire l’Ancien Testament, nécessité pour le chrétien

17 mai, 2010

du site:

http://www.bible-service.net/site/814.html

Lire l’Ancien Testament, nécessité pour le chrétien

  » Lire l’Ancien Testament, une nécessité pour le chrétien  » : c’est le titre de l’intervention qui m’a été demandée. Comment justifier cette nécessité de lire l’Ancien Testament ? Il me semble qu’un passage de l’évangile selon saint Luc (Lc 4,16-21) énonce de manière claire les deux raisons qui justifient la lecture chrétienne de l’Ancien Testament. La première, c’est que Jésus a lu ce que nous appelons aujourd’hui l’Ancien Testament. La seconde, c’est qu’il l’a lu en termes d’accomplissement :  » Aujour-d’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez « . Voilà les deux points que je voudrais développer.

Le Christ fait l’unité entre l’Ancien et le Nouveau Testament

Jésus a lu l’Ancien Testament ou plus exactement la Loi, les Prophètes et les Écrits. Or, ceux qui se réclament de lui vont constituer une littérature nouvelle, que l’on nommera Nouveau Testament, dont la caractéristique, commune à tous les livres, sera d’avoir Jésus pour objet. C’est dire que les chrétiens vont constituer un corps d’Écritures, composé de l’Ancien et du Nouveau Testament, de L’un et l’autre Testament, pour reprendre le titre du livre de Paul Beauchamp..

Arrêtons-nous justement sur le mot Testament. Que signifie donc ce terme ? Il est la traduction du mot grec diatheke, qui signifie alliance. La Bible est ainsi la succession de deux livres ou, plus exactement, elle est formée de deux livres, que l’on nomme l’un Ancien Testament, c’est-à-dire Ancienne Alliance, et l’autre Nouveau Testament, c’est-à-dire Nouvelle Alliance.

Et pourtant il ne faut pas se précipiter sur un sens trop spiritualisé du mot  » Alliance « , au risque d’oublier le mot  » testament « , qui en français désigne un  » acte authentique par lequel on désigne ses dernières volontés « , selon la définition du Littré. La Bible partage par là avec tous les livres une caractéristique commune : tout livre et donc toute Écriture a un caractère testamentaire.

L’originalité chrétienne, car il y en a une, c’est justement de n’avoir pas considéré que le second Testament annulait le premier, même si le Nouveau faisait devenir le premier Ancien.

Comme l’a rappelé la Commission Biblique Pontificale en 2001,  » les Saintes Écritures du peuple juif sont une partie fondamentale de la Bible chrétienne  » (Titre du chapitre 1). La raison en est simple : c’est que la révélation est une. La manifestation du Fils n’abolit en rien la révélation au peuple juif. Et les Écritures juives sont inspirées au même titre que le Nouveau Testament. Selon la perspective chrétienne, le même Esprit y est à l’œuvre, même si l’Ancien Testament doit être  » accompli  » par le Nouveau. Inversement, l’événement Jésus Christ s’inscrit dans la postérité des Écritures juives.

Le témoignage apostolique montre que la foi chrétienne n’est pas seulement fondée sur la mort et la résurrection du Christ mais aussi sur la  » conformité  » de cet événement avec la révélation contenue dans les Écritures. C’est ce qu’atteste d’ailleurs la formule néo-testamentaire  » selon les Écritures « , lue par exemple en 1 Co 15,3b-5.

Mais comment dire en toute vérité  » selon les Écritures « , si on les ignore ? Les chrétiens lisent la Bible juive parce qu’ils y trouvent les clés pour déchiffrer l’événement Jésus-Christ mais aussi parce qu’ils y trouvent  » les mots pour le dire « . Faut-il répéter la phrase de saint Jérôme :  » Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ  » ?

De ce point de vue, c’est bien le Christ qui fait l’unité entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, puisqu’il est lui-même la Parole de Dieu :  » Au commencement était la Parole. Et la Parole était auprès de Dieu et la Parole était Dieu  » (Jn 1,1). L’Écriture a un référent, le Christ, qui est Parole de Dieu avant même que la Parole de Dieu ne soit consignée dans les Écritures.

C’est dire que, dans le christianisme, l’interprétation de l’Ancien Testament est résolument christologique, même s’il garde valeur en lui-même et pour lui-même. Au fond, le Christ, Parole de Dieu, dévoile en plénitude  » ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu et ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme  » (1 Co 2,9).

 » Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir « 

Cela nous amène au deuxième point. Jésus a lu le prophète Isaïe qu’il a interprété en termes d’accomplissement. Si l’on adopte cette perspective, on  peut exprimer la relation entre l’Ancien et le Nouveau Testament en reprenant les paroles que Matthieu met sur les lèvres de Jésus :  » N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu abolir mais accomplir  » (Mt 5,17). On peut dire que le Nouveau Testament est à comprendre en termes d’accomplissement par rapport à l’Ancien.

Mais que signifie le mot  » accomplissement  » ? Ou plus exactement, quelles en sont les conséquences ?

Il y en a deux. L’accomplissement implique d’abord la continuité entre les deux Testaments. On dira par exemple que l’Ancien Testament est à la fois l’annonce et la préparation de ce que la venue de Jésus réalisera définitivement; le Nouveau Testament est ainsi l’achèvement de l’Ancien Testament. Dans cette perspective de la continuité, on peut faire appel évidemment aussi bien aux citations d’accomplissement, telles qu’on les trouve en Matthieu, qu’aux figures de l’Ancien Testament qui ont une valeur typologique et que Jésus mène à leur achèvement. La continuité vaut surtout dans la perspective d’une relecture christologique de l’Ancien Testament : on ne part pas directement des Écritures juives comme telles mais on en fait une lecture rétrospective à la lumière de l’événement Jésus-Christ, à la manière d’ailleurs dont Jésus procède lui-même lorsqu’il explique aux disciples d’Emmaüs tout ce qui le concernait dans les Écritures. Ou à la manière d’un Matthieu qui montre qu’il y a continuité entre Israël et l’Église, puisque Jésus  » accomplit  » la Loi et les Prophètes, sans les abolir (Mt 5,17).

Mais – et c’est la deuxième conséquence – l’accomplissement provoque, par le fait même de son accomplissement, une rupture. Car dire d’un événement ou d’une parole qu’il se trouve maintenant accompli, c’est dire que le premier événement ou la première parole ne se suffisait pas à lui-même mais était en attente d’une réalisation. Ce fut d’ailleurs ce qui se passa du point de vue de l’histoire entre la Synagogue et l’Église, à l’image des relations parfois conflictuelles entre Ancien Testament et Nouveau Testament.

Même si on m’a demandé de parler de la nécessité pour les Chrétiens de lire l’Ancien Testament, je tiens à dire aussi cet aspect de rupture entre Ancien et Nouveau Testament pour souligner deux points.

Le premier, c’est que tout l’Ancien Testament ne conduit pas au Nouveau : il y a des pistes qui n’aboutissent nulle part dans une relecture chrétienne de l’Ancien Testament.

Le second, c’est que l’Ancien Testament a valeur en lui-même, indépendamment de toute interprétation chrétienne. Non seulement parce que des Juifs lisent aujourd’hui la Bible sans avoir besoin de faire appel à un élément qui, à leurs yeux, lui est étranger mais aussi parce que l’Ancien Testament garde sa valeur intrinsèque, comme le dit d’ailleurs la Commission Biblique Pontificale :  » Les écrits du Nouveau Testament reconnaissent que les Écritures du peuple juif ont une valeur permanente de révélation divine  » (Ch. 1, I, B,  § 8). Cela est particulièrement vrai de certains livres, des psaumes en tout premier lieu.

La même Commission Biblique Pontificale parle de  » lente progression de la révélation divine  » (Cocnlusion B, § 87). J’aime moins ce terme de  » progression  » qui dit la continuité sans laisser place à la rupture.

Je voudrais conclure en plaidant évidemment pour une lecture de l’Ancien Testament par les chrétiens en proposant deux champs d’application.

• Nous connaissons l’importance de la déclaration conciliaire Nostra Aetate (1965), selon laquelle les études bibliques et théologiques sont un des lieux d’une estime réciproque entre chrétiens et juifs. Or, il n’y a pas d’estime sans connaissance. Lire l’Ancien Testament relève d’une nécessité et d’une urgence à l’heure où l’on parle tant de dialogue inter-religieux, celui entre juifs et chrétiens étant pour nous un dialogue privilégié, puisque les Juifs sont  » en quelque sorte nos frères aînés « , selon l’expression de Jean-Paul II lors de sa visite à la synagogue de Rome en 1981. C’est le premier champ d’application ad extra.
• Le second champ d’application est ad intra. Une des richesses de la réforme liturgique issue de Vatican II concerne évidemment la valorisation de la Parole de Dieu. Un des acquis est l’introduction de trois lectures bibliques lors de l’Eucharistie dominicale du temps ordinaire (et même quatre avec le psaume). La première lecture est choisie en fonction de l’évangile du jour. Peut-être pourrions-nous nous interroger sur la mise en pratique du lien qui doit – ou plutôt devrait – être fait entre la première lecture tirée la plupart du temps de l’Ancien Testament et l’évangile. Il y a là, je crois, un beau chantier non pas à ouvrir mais à explorer. Puisqu’il nous en donne l’occasion et les moyens, je souhaite que Pour lire l’Ancien Testament nous permette de nous mettre au travail.

 Jean-François Baudoz, Lire l’Ancien Testament, une nécessité pour le chrétien. B.I.B. n° 70 (avril 2008), pages 1-3.

Les 150 Psaumes, un itinéraire spirituel

15 mai, 2010

du site:

http://biblio.domuni.org/articlesbible/saveur/saveur_a9.htm#P95_62519

Les 150 Psaumes, un itinéraire spirituel

Avec l’habitude de prier les Psaumes, on s’aperçoit que leur ordre n’est pas fortuit. Diverses sont les distributions psalmiques pour l’Office, mais celles qui privilégient une certaine continuité numérique s’avèrent, à l’expérience, plus à même de faire entrer dans le mystère qui se déploie du 1er au 150e.

Il faut bien avouer qu’une première lecture du livre des Psaumes laisse une impression de pêle-mêle : on passe d’un psaume d’appel au secours à un voisin qui n’est que d’apaisement (Ps 3 et 4), par exemple, ou bien d’une lamentation nationale (Ps 43) à un cantique nuptial messianique (Ps 44), ou encore d’un petit psaume qui chérit Jérusalem (Ps 86) au psaume le plus noir de tous qui s’achève sur la déréliction dans les ténèbres inextricables (Ps 87). On croirait que ces Louanges ont été numérotées au petit bonheur ou mélangées par erreur ; l’unité qui leur vient de leur auteur ou référence privilégiée, qui est David, le roi-chantre, ne semble qu’assez artificielle, même si le « bien-aimé » a su donner le ton de l’ensemble ; son éloge par Ben Sira nous émeut encore :

« Dans toutes ses œuvres, il rendit hommage
au Saint Très-Haut dans des paroles de gloire ;
de tout son cœur il chanta,
montrant son amour pour son Créateur.
Il établit devant l’autel des chantres,
pour émettre les chants les plus doux. » (47, 8-9)

Certes, on voit apparaître des groupes caractérisés, comme les Psaumes du Règne (de 92 à 100 sauf exception) ou les Psaumes graduels (119 à 133), mais la plupart des pièces se succèdent sans cohérence historique, thématique ou littéraire. Cependant, au-delà de cet aimable désordre de la vie, qui apparaît d’abord, une structure se dégage, aussi complexe et solide que la formule de la chlorophylle.

On sait que le Psautier est divisé en cinq livres (1-40 ; 41-71 ; 72-89 ; 90-105 ; 106-150) qui ne sont pas d’égale ampleur ni de semblable contenu ; ils s’achèvent par un Amen sonore, parfois répété, qui souligne la nature liturgique des psaumes. Il vient à l’esprit que ces cinq livrets pourraient être liés aux cinq rouleaux de la Torah, mais le parallélisme n’est pas très évident. Plus qu’une analyse fouillée repérant des liens savamment établis, c’est la longue pratique de la psalmodie qui a laissé percevoir aux croyants la progression spirituelle qu’offrent les 150 psaumes en leur continuité numérique, ou encore la construction de cette immense symphonie7b de l’âme et des âmes, qui se développe tout au long de ces chants, avec ses mouvements successifs et la reprise de ses thèmes.

Les commentateurs juifs ont su de longue date montrer la personnalité de chacun des cinq livres du Psautier. Dans ses Liminaires sur les Psaumes, qui sont un vrai joyau de finesse et de français, André Chouraqui nous le dit :

« L’exégèse hébraïque nous offre peut-être la clé du plan qui inspira la composition du Psautier lorsqu’elle suggère que la doctrine des cinq livres des Psaumes est la même que celle des cinq Livres de Moïse, dont ils constituent le commentaire symphonique. Une grande rigueur semble avoir présidé au classement des Psaumes à l’intérieur du Recueil , tel que nous le connaissons aujourd’hui. » « Le Premier Livre est presque entièrement consacré à nous décrire les péripéties de la guerre que le Réprouvé livre au Juste. » « Le Livre Deuxième nous introduit dans un univers dominé par des accents plus sereins. Non plus le drame de la guerre contre le Réprouvé, mais celui des exils de l’âme, nous enseignent les Docteurs. » « Les dix-sept Psaumes du Livre Troisième constituent la collection médiane, la plaque tournante du Psautier. Elle est massive, statique, une implacable méditation du passé dans l’attente des fins dernières. » « Avec le Quatrième Livre, le cap des sacrifices semble franchi ; nous pénétrons dans la joie sans mélange des puissances du Seigneur. »8i « Le Livre Cinquième nous fait gravir les derniers sommets de la montagne sainte [...] jusqu’aux tout-puissants accords de l’allegro final. »

Chez les Pères, saint Grégoire de Nysse est un des premiers à montrer cette progression spirituelle :

« Le Psautier est divisé en cinq parties, écrit-il en commentant le dernier psaume ; et nous avons remarqué qu’elles s’élèvent les unes au-dessus des autres en une suite régulière comme les degrés d’une échelle. Puis nous avons discerné, à partir de signes convenus, que les derniers mots de chaque section marquent comme un arrêt du discours, une cadence de la pensée ; ils délimitent ce qui précède par une expression de louange et d’action de grâces : « Béni soit le Seigneur dans les siècles des siècles : Amen, Amen. » Ces mots signifient une action de grâces qui dure éternellement, vu qu’on ne se contente pas de dire une seule fois « Amen », mais qu’on reprend une deuxième fois en signe de perpétuité dans l’action de grâces. Et en chacune des parties ainsi sectionnées, il nous a été donné d’observer un bien particulier d’où nous vient, par l’action divine, la béatitude. Parcourant à la suite et dans l’ordre chacun des biens examinés, notre âme se trouve toujours placée dans la direction d’un bien plus élevé, afin de parvenir un jour au suprême bonheur. Ce bonheur est la louange divine pleinement accomplie en tous les saints, selon ce que dit le psaume final : « Louez Dieu en ses saintes demeures. » »

Nous retrouvons tout l’élan spirituel – l’épectase, c’est-à-dire « l’extension » venue du désir intérieur – qui est au fond de la doctrine de saint Grégoire de Nysse : « Le bien obtenu est sans cesse plus grand que le bien précédent ; il ne met pas pour autant un terme à la quête, mais l’obtention d’un bien devient commencement d’une découverte de biens plus élevés pour ceux qui progressent. Celui qui monte ne s’arrête jamais, allant de commencement en commencement, et le commencement des biens toujours plus grands n’a jamais de fin. » Pour lui, la psalmodie apparaît comme le chant de l’âme qui ne cesse de monter vers Dieu, telle une alouette : elle « trouve toujours dans ce qu’elle a réalisé un nouvel élan pour voler plus haut. »

Parmi nos contemporains, Divo Barsotti a su expliciter avec délicatesse les montées de l’âme. Même si « parmi les derniers psaumes il en est de dramatiques où apparaît encore la souffrance, et peut-être le péché, on doit cependant reconnaître qu’il existe une progression vers la lumière. De l’expérience de la douleur, du péché et de la mort, l’homme s’avance, de psaume en psaume, vers la louange divine. Au centre, pour ainsi dire du psautier, se trouvent les psaumes de la royauté ; ensuite viennent les psaumes des pèlerinages ; et finalement les derniers psaumes ne sont plus qu’une louange. » Pour caractériser les étapes de ce cheminement de l’homme et de l’humanité, Divo Barsotti voit la nuit dans le premier livre des Psaumes ; le matin dans le second ; au troisième on arrive au plein midi ; le règne de Dieu, qui n’a pas de couchant, occupe le quatrième, tandis que le cinquième développe la louange que l’homme et l’univers, en Église, rendent à Dieu.

Pape Benoît, commentaire Psaume 125 (messe du dimanche 21 mars 2010)

19 mars, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2005/documents/hf_ben-xvi_aud_20050817_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 17 août 2005

Dieu notre joie et notre espérance
Lecture:  Ps 125, 1-5

1. En écoutant les paroles du Psaume 125, on a l’impression de voir défiler devant les yeux l’événement chanté dans la seconde partie du Livre d’Isaïe:  le « nouvel exode ». C’est le retour d’Israël de l’exil de Babylone à la terre des pères à la suite de l’édit du roi de Perse Cyrus en 538 avant J.-C. Alors se répéta l’expérience joyeuse du premier exode, lorsque le peuple juif fut libéré de l’esclavage d’Egypte.

Ce Psaume revêtait une signification particulière lorsqu’il était chanté les jours où Israël se sentait menacé et effrayé, car soumis de nouveau à l’épreuve. Le Psaume comprend effectivement une prière pour le retour des prisonniers du moment (cf. v. 4). Il devenait ainsi une prière du Peuple de Dieu sur son itinéraire historique, pavé de dangers et d’épreuves, mais toujours ouvert à la confiance en Dieu Sauveur et Libérateur, soutien des faibles et des opprimés.

2. Le Psaume introduit une atmosphère de joie:  on sourit, on se réjouit de la liberté obtenue, des lèvres s’élèvent des chants de joie (cf. vv. 1-2).

La réaction face à la liberté rendue est double. D’un côté, les nations païennes reconnaissent la grandeur du Dieu d’Israël:  « Merveilles que fit pour eux Yahvé » (v. 2). Le salut du peuple élu devient une preuve limpide de l’existence efficace et puissante de Dieu présent et actif dans l’histoire. De l’autre côté, c’est le peuple de Dieu qui professe sa foi dans le Seigneur qui sauve:  « Merveilles que fit pour nous Yahvé » (v. 3).

3. La pensée va ensuite vers le passé, revécu avec un frisson de peur et d’amertume. Nous voudrions fixer notre attention sur l’image liée à l’agriculture utilisée par le Psalmiste:  « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant » (v. 5). Sous le poids du travail, le visage est parfois sillonné de larmes:  on accomplit une semence difficile, peut-être vouée à l’inutilité et à l’échec. Mais lorsqu’arrive la moisson abondante et joyeuse, on découvre que cette douleur a été féconde.

Dans ce verset du Psaume est résumée la grande leçon sur le mystère de fécondité et de vie que peut contenir la souffrance. Précisément comme l’avait dit Jésus au seuil de sa passion et de sa mort:  « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).

4. L’horizon  du  Psaume  s’ouvre ainsi à une moisson de fête, symbole de la joie engendrée par la liberté, la paix et la prospérité, qui sont le fruit de la bénédiction divine. Cette prière devient alors un chant d’espérance, auquel recourir lorsque l’on est plongé dans le temps de l’épreuve, de la peur, de la menace extérieure et de l’oppression intérieure.

Mais il peut également devenir un appel plus général à vivre ses jours et à accomplir ses choix dans un climat de fidélité. La persévérance dans le bien, même si elle est incomprise et contrariée, débouche toujours à la fin sur un phare de lumière, de fécondité, de paix.

C’est ce que saint Paul rappelait aux Galates:  « Qui sème dans l’Esprit, récoltera de l’Esprit la vie éternelle. Ne nous lassons pas de faire le bien; en son temps viendra la récolte, si nous ne nous relâchons pas » (Ga 6, 8-9).

5. Nous concluons par une réflexion de saint Bède le Vénérable (672/3-735) sur le Paume 125 commentant les paroles par lesquelles Jésus annonçait à ses disciples la tristesse qui les attendait et la joie qui devait jaillir de leur affliction (cf. Jn 16, 20).

Bède rappelle que « pleuraient et se lamentaient ceux qui aimaient le Christ lorsqu’ils le virent capturé par les ennemis, ligoté, conduit au jugement, condamné, fouetté, ridiculisé, et enfin crucifié, frappé par la lance et enseveli. Au contraire, ceux qui aimaient le monde se réjouissaient,… lorsqu’ils condamnèrent à une mort terrible celui dont la seule vue leur était insupportable. Les disciples furent attristés par la mort du Seigneur, mais, ayant appris sa résurrection, leur tristesse se transforma en joie; ayant vu ensuite le prodige de l’ascension, avec une joie encore plus grande, ils louèrent et bénirent le Seigneur, comme en témoigne l’évangéliste Luc (cf. Lc 24, 53). Mais ces paroles du Seigneur s’adaptent à tous les fidèles qui, à travers les larmes et les douleurs du monde, s’efforcent de parvenir aux joies éternelles, et qui, à juste titre, pleurent à présent et sont tristes, parce qu’ils ne peuvent pas encore voir celui qu’ils aiment et parce que, jusqu’à ce qu’ils demeurent dans leur corps, ils savent qu’ils sont loin de leur patrie et de leur royaume, même s’ils sont certains de parvenir, à travers leurs difficultés et leurs luttes, à la récompense. Leur tristesse se transformera en joie lorsque, une fois terminée la lutte de cette vie, ils recevront la récompense de la vie éternelle, selon ce que dit le Psaume:  « Celui qui sème dans les larmes, récoltera dans la joie »" (Homélies sur l’Evangile, 2, 13:  Collection de Textes patristiques, XC, Roma 1990, pp. 379-380).

Psaume 142: Prière dans la souffrance

25 février, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-5911?l=french

Psaume 142: Prière dans la souffrance

CITE DU VATICAN, Mercredi 16 juillet 2003 (ZENIT.org) – Voici la traduction de l’italien de l’allocution de Jean-Paul II lors de l’Audience générale du 9 juillet 2003, selon la traduction de L’Osservatore Romano en langue française du 15 juillet.

Lecture: Ps 142, 1.6-7.10-11

1. Le Psaume 142 qui vient d’être proclamé est le dernier de ceux que l’on appelle les « Psaumes de pénitence » du groupe des sept supplications présentes dans le Psautier (cf. Ps 6; 31; 37; 50; 101; 129; 142). La tradition chrétienne les a tous utilisés pour invoquer du Seigneur le pardon des péchés. Le texte que nous voulons approfondir aujourd’hui était particulièrement cher à saint Paul, qui en avait déduit une culpabilité radicale dans toute créature humaine: « Nul vivant n’est justifié devant toi » (v. 2). Cette phrase est reprise par l’Apôtre comme base de son enseignement sur le péché et la grâce (cf. Ga 2, 16; Rm 3, 20).

La Liturgie des Laudes nous propose cette supplication comme une intention de fidélité et une imploration d’aide divine au début de la journée. En effet, le Psaume nous fait dire à Dieu: « Fais que j’entende au matin ton amour, car je compte sur toi » (Ps 143 [142], 8).

2. Le Psaume commence par une invocation intense et insistante adressée à Dieu, fidèle à ses promesses concernant le salut offert au peuple (cf. v. 1). L’orant reconnaît ne pas avoir de mérites à faire valoir et demande donc humblement à Dieu de ne pas le juger (cf. v. 2).

Puis il décrit de la situation dramatique, semblable à un cauchemar mortel, dans laquelle il se débat: l’ennemi, qui est la représentation du mal présent dans l’histoire et le monde, l’a conduit au seuil de la mort. En effet, le voici tombé dans la poussière de la terre, qui est déjà une image du sépulcre; voici les ténèbres, qui sont la négation de la lumière, signe divin de vie; voici, enfin, « ceux qui sont morts à jamais », c’est-à-dire les défunts (cf. v. 3), parmi lesquels il lui semble avoir été déjà relégué.

3. L’existence même du Psalmiste est dévastée; le souffle lui manque désormais et son coeur semble un morceau de glace, incapable de continuer à battre (cf. v. 4). Le fidèle, atterré et écrasé, n’a plus que les mains de libres, qui s’élèvent vers le ciel en un geste qui est, dans le même temps, une imploration d’aide et une recherche de soutien (cf. v. 6). Sa pensée, en effet, retourne au passé où Dieu a accompli des prodiges (cf. v. 5).

Cette étincelle d’espérance réchauffe le gel de la souffrance et de l’épreuve dans lequel l’orant se sent plongé et sur le point d’être emporté (cf. v. 7). La ten-sion, toutefois, demeure profonde; mais un rayon de lumière semble se profiler à l’horizon. Nous passons ainsi à l’autre partie du Psaume (cf. vv. 7-11).

4. Celle-ci s’ouvre sur une invocation nouvelle et pressante. Le fidèle, sentant presque que sa vie lui échappe, lance son cri à Dieu: « Viens vite, réponds-moi Yahvé, je suis à bout de souffle » (v. 7). Il a même peur que Dieu lui ait caché sa face et se soit éloigné, abandonnant sa créature et la laissant seule.

La disparition de la face divine plonge l’homme dans le désespoir, et même dans la mort, car le Seigneur est la source de la vie. C’est précisément une fois arrivé à cette sorte d’ultime frontière que fleurit la confiance dans le Dieu qui n’abandonne pas ses fidèles. L’orant multiplie ses invocations et les renforce de déclarations de confiance dans le Seigneur: « car je compte sur toi [...] car vers toi j’élève mon âme [...] près de toi je suis à couvert [...] car c’est toi mon Dieu… ». Il demande à être délivré de ses ennemis (cf. vv. 8-10) et libéré de l’angoisse (cf. v. 11), mais il fait également une autre demande de façon répétée, qui manifeste une profonde aspiration spirituelle: « Enseigne-moi à faire tes volontés, car c’est toi mon Dieu » (v. 10a; cf. vv. 8b.10b.). Nous devons faire nôtre cette demande admirable. Nous devons comprendre que notre bien le plus grand est l’union de notre volonté à la volonté de notre Père céleste, car ce n’est qu’ainsi que nous pouvons recevoir en nous tout son amour, qui nous appporte le salut et la plénitude de la vie. Si elle n’est pas accompagnée d’un puissant désir de docilité à Dieu, la confiance en Lui n’est pas authentique.

L’orant en est conscient et exprime donc ce désir. Il formule alors une véritable profession de confiance dans le Dieu sauveur, qui libère de l’angoisse et redonne le goût de vivre, au nom de sa « justice », c’est-à-dire de sa fidélité bienveillante et salvifique (cf. v. 11). Partie d’une situation extrêmement angoissante, la prière a abouti à l’espérance, à la joie et à la lumière, grâce à une adhésion sincère à Dieu et à sa volonté, qui est une volonté d’amour. Telle est la puissance de la prière, qui engendre la vie et le salut.

5. En fixant le regard sur la lumière du matin de la grâce (cf. v. 8), saint Grégoire le Grand, dans son commentaire sur les sept Psaumes pénitentiels, décrit ainsi l’aube d’espérance et de joie: « C’est le jour illuminé par le véritable soleil qui ne connaît pas le crépuscule, que les nuages n’assombrissent pas et que la brume ne voile pas…

Lorsqu’apparaîtra le Christ, notre vie, et que nous commencerons à voir Dieu, à visage découvert, alors, toute obscurité disparaîtra des ténèbres, toute brume de l’ignorance s’évanouira, tout nuage de tentation se dissipera.. Ce sera le jour lumineux et splendide, préparé pour tous les élus par Celui qui nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a conduits au royaume de son Fils bien-aimé.

Le matin de ce jour est la résurrection future… Ce matin-là, le bonheur des justes brillera, la gloire apparaîtra, la joie jaillira, lorsque Dieu sèchera toute larme des yeux des saints, lorsque la mort sera enfin vaincue, lorsque les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume du Père.

Ce matin-là, le Seigneur fera connaître sa miséricorde… en disant: « Venez, les bénis de mon Père » (Mt 25, 34). Alors, sera manifestée la miséricorde de Dieu, que l’âme humaine ne peut concevoir dans la vie présente. Car le Seigneur a en effet préparé, pour ceux qui l’aiment, ce que l’oeil ne vit pas, ce que l’oreille n’entendit pas et qui n’entra jamais dans le coeur de l’homme » (PL 79, col. 649-650).

Le Psaume 50, dit Miserere, dans la liturgie

19 février, 2010

du site:

http://www.theolarge.fr/spip.php?article125

Le Psaume 50, dit Miserere, dans la liturgie

10 octobre 2009| Frédérique Poulet

Un commentaire liturgique et théologique du Psaume 50.

Cet article reprend le texte d’une intervention à un colloque Art et miséricorde de Pentecôte 2009.

Nous venons d’écouter le Miserere, l´une des prières les plus célèbres du Psautier, le psaume pénitentiel et de miséricorde le plus intense et le plus répété dans la liturgie, un psaume qui est conjointement le chant du pécheur et le chant de la miséricorde de Dieu, la méditation la plus profonde sur le péché, la faute et sur la grâce, l’action de grâces pour son pardon.

Les psaumes ont été intégrés dans la liturgie chrétienne depuis l’époque de Jésus et des apôtres. Formé à l’école de la prière juive, Jésus a prié les psaumes (Mt 26,30 ; Mc 14,26). De même saint Paul invitait les premières communautés à prier ainsi :

« Chantez à Dieu de tout votre cœur avec reconnaissance, par des Psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père ! » (Col 3,16b-17)

Ce que l’on retrouve d’ailleurs dans le livre des Actes :

À ce récit, d’un seul élan, ils élevèrent la voix vers Dieu et dirent : « Maître, c’est toi qui as fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve ; c’est toi qui as dit par l’Esprit Saint et par la bouche de notre père David, ton serviteur : Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vains projets chez les peuples ? Les rois de la terre se sont mis en campagne et les magistrats se sont rassemblés de concert contre le Seigneur et contre son Oint. Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël, pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance..À présent donc, Seigneur, considère leurs menaces et, afin de permettre à tes serviteurs d’annoncer ta parole en toute assurance, étends la main pour opérer des guérisons, signes et prodiges par le nom de ton saint serviteur Jésus. » Ac 4,24-30

Très vite les psaumes vont être intégrés dans la liturgie telle que nous la connaissons, c’est-à-dire en réponse aux lectures. On en a trace dès 210 chez Tertullien et ensuite de façon plus structurée et systématique dans les écrits de la fin du IVe siècle et ce dans plusieurs lieux. C’est donc une pratique commune à plusieurs Églises.

Dans des contextes précis, les psaumes étaient choisis en fonction de leur correspondance avec l’objet de la célébration, par exemple l’heure de la prière « Seigneur ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange » Ps 50 ou le thème des lectures et des fêtes.

 La conversion, la miséricorde : un don de la fraternité
La tradition hébraïque a placé le Psaume sur les lèvres de David, invité d’abord à reconnaître son péché puis à la conversion et à la pénitence par le prophète Nathan (2 S 11-12), (vendredi et samedi de la 3e semaine du temps ordinaire). En effet, comme l’indiquent les deux premiers versets du psaume, le prophète Nathan fait connaître son péché à David : « Du maître de chant. Psaume. De David. Quand Natân le prophète vint à lui parce qu’il était allé vers Bethsabée. » (Ps 50, 1-2).Cette première mention du psaume et le lien que fait la liturgie avec lui est intéressante et nous renseigne sur une première dimension de la miséricorde. Elle nous dit d’emblée, et c’est très important, que la conversion, la miséricorde n’est pas une expérience exclusivement personnelle. Elle manifeste qu’elle est de l’ordre de la responsabilité prophétique. Pour ceux qui ont été baptisés parmi nous, lors de notre baptême, nous avons été oints du saint Chrême et à ce moment là le prêtre a prononcé ces paroles rituelles « Désormais …tu es membre du Corps du Christ et participes à sa dignité de prêtre, prophète et roi » [1] Parce que membre du Corps du Christ chacun a vocation prophétique à devenir le frère au sens évangélique du terme. Être un frère prophétique, c’est être celui qui sait prendre le chemin du cœur du frère non pas pour le condamner, ce n’est pas ce que fait le prophète Nathan avec David, mais pour être celui qui éclaire, qui trouve le chemin vers le cœur du frère, qui lui ouvre les yeux et le cœur et l’empêche de s’enfermer dans son péché et dans sa faute. C’est une dimension importante de l’expérience de la miséricorde, elle est à la fois très personnelle, le psaume 50 est un psaume en je « pitié pour moi, ma faute est toujours devant moi, ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait, etc. » et en même temps ce cri vers Dieu, cette reconnaissance de la faute, cette prière surgit parce qu’un frère (médiation dans l’ordre spirituel) a su trouver le chemin du cœur. Il est en ce sens important de regarder dans le tableau le nombre important de fois où le psaume 50 est pris durant le temps du carême. Or qu’est-ce que le carême ? C’est un temps de conversion à la fois communautaire et personnel. Ainsi Durant le temps où l’Église est appelée à traduire par une vie de conversion ce qu’elle a reçu au baptême, durant le temps de la grande convocation de tout le peuple de Dieu, pour qu’il se laisse purifier et sanctifier par son Sauveur et Seigneur, durant ce temps on chante, plus qu’en tout autre temps liturgique, le psaume 50.

Il s’agit de la première dimension de la miséricorde, elle est un don de la fraternité et de la communauté. Un chemin ouvert dans le cœur par la présence du frère. Le ps 50 est d’ailleurs en ce sens chargé de thèmes prophétiques qui vont nous éclairer sur sa nature. Il s’agit d’un psaume qui est une réponse à une invitation à la conversion, invitation qui est d’ordre prophétique. C’est là le rôle des deux premiers versets, mais aussi selon Patrick Faure [2] que je cite, du psaume 49 qui précède et qui forme avec le psaume 50 un diptyque.

On peut aussi noter, d’ailleurs dans le psaume des thèmes prophétiques tels que celui de l’alliance nouvelle, renouvelée et raffermie (Jr 31,31) lu lors du 5e dimanche de carême B, et du jeudi de la 18e semaine du temps ordinaire, du cœur nouveau et de l’Esprit de Dieu communiqué à l’homme qui se tourne vers Dieu cf. Ez 36 (Vigile Pascale et jeudi de la 20e semaine du temps ordinaire).

 La miséricorde un don qui est fait à chacun
Comment entrer dans ce mouvement de miséricorde auquel chacun est appelé ? Je dirais simplement qu’il suffit de se laisser guider par le psaume, d’entrer dans le chant du psaume, de devenir psaume. Chanter dans la liturgie le psaume 50 c’est faire sien le mouvement de la miséricorde. Un mouvement qui comporte trois temps. Nous avons donc vu le premier et ensuite, de manière habituelle, on divise le psaume 50 en deux parties et une conclusion. Les versets 3 à 11 (« Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour… ») puis 12-19 (« Crée en moi un cœur pur… »)et enfin la conclusion, v. 20-21 (« Accorde à Sion le bonheur… »).

Il y a tout d´abord la reconnaissance du péché et de son emprise sur celui qui chante le psaume. (cf. v. 3-11), L’homme se trouve dans la condition de pécheur, et ce depuis le début de son existence. Même si le psaume est pris après le récit de la genèse et la manducation du fruit de l’arbre du jardin lors du premier dimanche de carême de l’année A on ne peut y voir, dit Jean Paul II lui-même commentant ce psaume, une « formulation explicite de la doctrine du péché originel, telle qu´elle a été définie par la théologie chrétienne  ». Toutefois, ajoute-t-il, il ne fait aucun doute qu´elle y correspond : elle exprime en effet la dimension profonde de la faiblesse de l´homme qui se trouve dans la condition de pécheur, solidaire dès sa naissance d’un monde marqué par le mal. « Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère ».( v.7) Il ne faut pas voir ici une vision négative de l’homme mais bien plutôt une saine reconnaissance de sa faiblesse. Le Psaume apparaît dans cette première partie comme une ouverture à la lumière de Dieu, à son amour et une offrande à son regard de miséricorde. Le psaume s’adresse à Dieu, » Pitié pour moi mon Dieu dans ton amour, selon ta grande miséricorde efface mon péché » (v. 3) Ce n’est pas l’homme pécheur qui fait une introspection, c’est l’ouverture à la lumière qui permet de nommer le péché, péché qui malheureusement touche l’homme mais et c’est absolument capital, péché dont il se sait déjà libérable. C’est d’ailleurs cela le sens de la pénitence, se tourner, se convertir, se tourner vers Celui qui peut sauver. C’est d’ailleurs le sens de nombreuses lectures auxquelles le Ps 50 répond. Le livre de Joël au chapitre 2 (Mercredi des cendres), Jonas au chapitre 3 (Mercredi de la 1ère semaine de carême) Le livre d’Osée au chapitre 14 (vendredi de la 14e semaine du temps ordinaire) le livre d’Ézéchiel au chapitre 18 (Samedi de la 19e semaine du temps ordinaire), c’est la démarche de l’ensemble du carême qui est largement balisé, depuis le mercredi des cendres jusqu’à la vigile pascale par ce psaume. C’est renoncer à tout ce qui entraîne vers la mort en se tournant vers celui qui peut sauver de la mort du péché. Car, et c’est là la réalité, le péché est un désastre pour un Dieu qui a créé l’homme à son image et qui aime sa créature de tout son être, de toutes ses entrailles de miséricorde. En fait le péché est une aberration autant pour Dieu que pour la créature, et d’ailleurs la première mention du péché dans le psaume c’est le terme hébreu hata ??? qui signifie littéralement « manquer la cible », pécher, commettre une faute. Ce terme apparaît ainsi au moins en 6 versets (4b, 5b, 6a, 7b, 9a, 11a). Le deuxième terme hébreu est awon ??? qui renvoie à l´image d’iniquité, de ce qui est tordu, courbé. Le péché est donc une déviation tortueuse, il est l´inversion, la distorsion, la déformation du bien et du mal Le troisième mot avec lequel le Psalmiste parle du péché est peshá .??? Il exprime le refus de dépendance de Dieu et de son projet pour l´histoire humaine. Comme le dit Matthieu Collin [3] la première partie du psaume 50 joue donc avec le vocabulaire du péché. Comme nous venons de le voir, on a un grand nombre de désignations du péché. Et l’on pourrait croire qu’il s’agit là seulement d’un psaume de reconnaissance du péché, un psaume axé sur le péché alors que nous parlons aujourd’hui de miséricorde. Ce pourrait être le cas si nous ne faisions pas mention d’un verset central dans cette première partie. Il s’agit du verset 6b. Nous allons donc le reprendre et voir comment il s’inscrit dans le psaume. On a un psaume dont toute la première partie est assez intimiste. Il suffit de relever le nombre de fois ou on a je, moi, etc. bref, la première personne du singulier. Mais ce je, ce moi, n’est pas tout seul, il se tourne vers un Tu qu’il appelle et dont il a déjà expérimenté l’amour. C’est là tout le mouvement de la miséricorde.

 On ne peut se reconnaître pécheur que face à un Dieu qui nous aime
Jean Vanier aime à dire qu’on ne peut se montrer vulnérable que devant des gens qui vous aiment. Et c’est aussi vrai dans la vie liturgique. Faire siennes les paroles du psaume nécessite d’avoir déjà rencontré Dieu, qui devient dès le premier verset » Mon Dieu » et un Dieu qui aime, dont on a fait l’expérience de l’amour. On ne peut demander pardon et reconnaître sa faute qu’à la lumière de l’amour et c’est pourquoi dans la liturgie on ne commence pas par le psaume dans la liturgie de la Parole. Il s’agit toujours de ce qu’on appelle un psaume responsorial. Dieu aime, il est toujours à l’initiative de l’Alliance et c’est pourquoi sa Parole est toujours première, elle invite à la conversion et le psaume est réponse, deuxième mouvement, réponse à une Parole de Celui qui propose une alliance ou de renouveler une alliance ou qui montre la rupture d’Alliance car Dieu aime même quand il y a rupture d’alliance, il fait miséricorde. Et ce Dieu qui aime, ne cesse de renouveler son alliance comme le rappelle le verset 3. Dans ce verset on retrouve d’ailleurs, comme le fait remarquer Patrick Faure, trois termes. « pitié, amour fidèle, miséricorde  » qui sont ceux du livre de l’Exode au chapitre 34 (le veau d’or 24e dimanche du temps ordinaire). Face à la rupture d’alliance, face au péché d’idolâtrie Dieu aime avec pitié, amour fidèle et miséricorde. Et ce Dieu qui est miséricorde est aussi un Dieu qui montre sa justice (v5.6a) qui juge et montre sa victoire v.6b. Et c’est là le thème central de cette première partie. Que veut donc dire cette justice, finalement ce psaume est-il bien adapté et les liturgistes ont-ils fait le bon choix en le retenant comme psaume de miséricorde ? N’est-on pas plutôt dans une optique de faute et de jugement ? Il faut se poser la question et on ne peut l’éluder. Car, pour bien comprendre ce qu’est la miséricorde il faut aussi comprendre ce que veut dire un Dieu qui montre sa justice, ce qu’est la justice de Dieu. Cela ne signifie pas que Dieu est un juge impartial et neutre au-dessus des parties en procès mais un juge atteint par le péché « contre Toi et Toi seul » et qui ne demande qu’à justifier.

 Le Dieu, juge de justice, c’est celui qui restaure dans la dignité
Le Dieu, juge de justice, c’est celui qui permet à sa créature d’être justifié au sens théologique du terme, celui qui restaure dans la dignité, qui restaure selon l’ordre de la grâce et redonne possibilité de vivre l’alliance. C’est là le sens de la justice et de la référence à un Dieu de justice. Dieu justifie, donne sa grâce et son pardon au pécheur qui l’implore. C’est pour cela que l’on a cette mention de la justice de Dieu au verset central de la première partie du psaume. C’est là le message central de cette partie du psaume. C’est Dieu qui ne peut s’arrêter au péché, parce que, quand il pèche, l’homme n’est pas ajusté à Dieu. La justice de Dieu n’est pas à opposer à sa miséricorde. La miséricorde divine est juste. Justifier pour Dieu c’est redonner vie, faire miséricorde restaurer dans l’ordre de la grâce, ce n’est pas pointer un manquement à la loi (d’ailleurs dans la liturgie, le psaume 50 n’est jamais chanté après un texte du deutéronome ou du lévitique par exemple). D’ailleurs le v.5 le confirme, le psalmiste dit « ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait »… mais on n’en sait pas plus, il ne nomme pas tel ou tel manquement. Celui à qui Dieu fait miséricorde retrouve la joie des sauvés, la joie de ceux qui ont lavés, plongés dans l’amour. Et dans cette perspective il est tout à fait logique de trouver ce psaume pour encadrer la démarche du carême, préparation à l’alliance nouvelle, à la purification et à la restauration de la créature (marquée par le péché originel) par son créateur qui est tout amour. On retrouve bien ici le choix du psaume 50 pour répondre à la proclamation de Genèse 2 lors du premier dimanche du carême année A. Dieu ne peut abandonner sa créature qui crie devant lui et reconnaît sa pauvreté. Le psaume 50 est un psaume qui se joue entre purification et recréation. Pas l’un sans l’autre.

 Faire l’expérience de la miséricorde, c’est être renouvelé, recréé
Faire l’expérience de la miséricorde et c’est ce que nous apprend ce psaume, ce n’est pas seulement être purifié de ses péchés, c’est être purifié dans un mouvement qui recrée, qui renouvelle, qui ajuste au projet de Dieu. La miséricorde redonne vie. L’usage liturgique du psaume 50 nous apprend que faire miséricorde c’est guérir la vie. C’est d’ailleurs le sens de l’emploi de ce psaume pour répondre à la prière de Moïse face à Myriam touchée par la lèpre (mardi de la 18e semaine du temps ordinaire) « mon Dieu je t’en prie guéris-la ». Car le péché est une lèpre qui ronge la vie et on en retrouve une allusion très claire au v.9 puisque, comme l’explique M. Mannati, [4] on parle de purification avec l’hysope et qu’il était d’usage d’asperger les lépreux avec une branche d’hysope pour leur purification rituelle (Lv14). On peut aussi aisément faire le lien entre la blancheur de la neige (v.9) et le manteau blanc dont étaient revêtus les catéchumènes, car le baptême purifie et justifie pour la vie » Que cette eau reçoive de l’Esprit Saint la grâce de ton Fils unique, afin que l’homme, créé à ta ressemblance et lavé par le baptême des souillures qui déforment cette image puisse renaître de l’eau et de l’Esprit pour la vie nouvelle d’enfant de Dieu » [5]. Pour résumer cette première partie du psaume si l´homme confesse son péché, la justice salvifique de Dieu est prête à le purifier radicalement et à lui redonner vie.

 La miséricorde ou le voyage dans « la région lumineuse de la grâce »
Il nous faut maintenant entrer dans la deuxième partie et considérer le deuxième mouvement de la miséricorde, entrer dans « la région lumineuse de la grâce » (v. 12-19) comme le disait Jean-Paul II commentant ce psaume. En effet, à travers la reconnaissance de son péché, s´ouvre pour l´orant un horizon de lumière, dans lequel Dieu est à l´œuvre. Le Seigneur n´agit pas seulement négativement, en éliminant le péché, mais il recrée l´humanité pécheresse à travers son Esprit vivifiant : l’Esprit dans l’Église est celui qui vivifie, qui « donne la vie » dit le symbole des apôtres. On trouve trois mentions de l’Esprit au début de cette deuxième partie du psaume (v.12b, 13b, 14b). De lui même l’homme ne peut pas passer du péché à la grâce, seul Dieu, par son Esprit, peut transformer le cœur blessé par le péché en cœur vivant. il donne à l´homme un “cœur” « nouveau et pur » ( Cf. Ez 18,samedi 19e semaine du temps ordinaire). Il faut noter que la mention de l’Esprit Saint (v.13b) est extrêmement rare dans l’Ancien Testament. On ne la trouve que deux fois, ici et en Is 63,10-14 [6]. Ainsi de même que l’Esprit a fait sortir Moïse et son peuple de la terre d’esclavage, de même l’Esprit accompagne celui qui prie le psaume dans sa marche, dans sa sortie de l’esclavage du péché, de la violence (au verset 16 on fait mention du sang) vers le domaine de la vie selon l’ordre de la grâce. Origène parle à ce propos d´une thérapie divine, que le Seigneur accomplit à travers sa parole et à travers l´œuvre de guérison du Christ . Aux versets 16 et 17 le psalmiste ne se contente plus de reconnaître la justice de Dieu de la même façon qu’au verset.6 car le mot justice est alors associé au mot louange. Par l’Esprit Saint la justice est devenue efficace dans la vie de celui qui chante le psaume, qui prie le psaume. Il est en train de faire l’expérience de la miséricorde, il se laisse recréer. C’est pourquoi il ne craint pas d’offrir son cœur brisé et broyé à Dieu, à la force de l’Esprit Saint.( v.19) Il entre dans le mouvement de miséricorde qu’on retrouve par exemple en Ézéchiel au chapitre 18 (samedi de la 19e semaine du temps ordinaire) « Rejetez tous vos péchés, faites vous un cœur nouveau et un esprit nouveau ». C’est là le seul sacrifice qui plaît à Dieu (cf. Os 6,1-6 samedi de la 3e semaine de carême). Les derniers versets, sans doute rajoutés après l’exil, montrent, comme nous l’avions vu au départ, que la miséricorde n’est pas seulement une expérience personnelle mais un enrichissement de toute la communauté, de toute l’Église « Relève les murs de Jérusalem » (v.20) En accueillant la miséricorde, le cœur brisé devient cœur renouvelé, ferment d’unité et d’amour dans l’Église. Par ces deux versets, l’expérience vécue prend une portée communautaire. L’oracle Ézéchiel au chapitre 36 (jeudi 20e semaine du temps ordinaire) reprend d’ailleurs la même logique. Le prophète parle d’abord de la recréation personnelle (cœur nouveau, esprit nouveau) et ensuite étend cela à toute la ville.

 La miséricorde : une dynamique de recréation
Le regard d´ensemble posé sur ce texte liturgique donne de découvrir le processus de la miséricorde. Il s’agit d’un dynamisme de recréation qui offre un cœur brisé à l’amour blessé de Dieu qui fait toutes choses nouvelles quand passe le vent de l’Esprit. Il n’a pas été retenu par la liturgie pour la Pentecôte, on peut quelquefois le regretter car il mentionne l’Esprit Saint mais peu importe il permet de découvrir par expérience le cœur miséricordieux de Dieu, c’est là son rôle essentiel. Et quand l’art se joint au texte, comme dans le Miserere d’Allegri, alors il suffit de se laisser porter, d’ouvrir son cœur qui devient miséricordieux. Chanter le psaume c’est entrer dans la joie de la miséricorde éprouvée par le cœur pur.

Pour terminer un texte de Saint Isaac le Syrien (7e siècle) qui nous rappelle l’enjeu de ce chant du psaume 50

« Quand l’homme reconnaît-il que son cœur atteint la pureté ? … qu’est-ce- que cette pureté ? En peu de mots, c’est la miséricorde du cœur à l’égard de l’univers entier. Et qu’est- ce que la miséricorde du cœur, c’est la flamme qui l’embrase pour toute la création…pour tout être créé. Quand il songe à eux ou quand il les regarde, l’homme sent ses yeux s’emplir des larmes d’une profonde, d’une intense pitié qui lui étreint le cœur et le rend incapable de tolérer, d’entendre, de voir le moindre tort ou la moindre affliction endurée par une créature. C’est pourquoi la prière accompagnée de larmes s’étend à toute heure aussi bien sur les êtres dépourvus de parole que sur les ennemis de la vérité, ou sur ceux qui lui nuisent, pour qu’ils soient gardés et purifiés. Une compassion immense et sans mesure naît dans le cœur de l’homme, à l’image de Dieu. » [7]

[1] Rituel du baptême des petits enfants, Paris, Mame/Tardy, 1984, (RR98) RF n° 140.
[2] Patrick Faure, Des chemins s’ouvrent dans leurs cœurs. Étude et méditation des Psaumes, Parole et silence, 2007, p.66.
[3] Matthieu Collin, Comme un murmure de cithare. Introduction aux psaumes, DDB, 2008.
[4] M. Mannati, le Psaume 50 est-il un Rib, Sem 23 (1973) p.27-50.
[5] Rituel du baptême des petits enfants, Bénédiction de l’eau à la veillée pascale et hors du temps pascal RR 91 ( RF 132)
[6] Dans ce récit d’Isaïe, l’hagiographe fait une relecture de l’Exode au cours de laquelle l’Esprit Saint guide Moïse pour conduire Israël.
[7] Isaac le Syrien, Discours ascétique, §81 (trad. AELF, 1974), p.656.

Éléments pour une réflexion sur la relation de l’Ancien Testament à Marie

2 février, 2010

du site:

http://campus.udayton.edu/mary/resources/french/elementspour.html

Éléments pour une réflexion sur la relation de l’Ancien Testament à Marie

 1. En étudiant l’Ancien Testament, les mariologues commencent par interpréter les textes dans leur contexte historique. Il importe de connaître les dates, les lieux et les auteurs des écrits. Une étude du milieu social et anthropologique aide à la compréhension des textes.

 2. Il est aussi important de parvenir à saisir la perspective théologique de chaque livre. Cela aide à envisager la personne de Marie en tant que fille d’Israël. Les livres de l’Ancien Testament constituent les Écritures qui lui étaient familières.

 3. Il importe de connaître la place et le rôle des femmes dans l’Ancien Testament pour comprendre la situation de Marie en tant que juive du premier siècle de notre ère.

 4. Certains thèmes, motifs ou figures de l’Ancien Testament recevront une interprétation et une dimension mariales. Ainsi en est-il, par exemple, de la Fille de Sion, de Jérusalem, de l’Arche d’Alliance, d’Ève ou des matriarches d’Israël.

5. Certains textes du Nouveau Testament reprennent ou citent des textes de l’Ancien Testament. Une réflexion théologique sur les passages de l’Ancien Testament appliqués à Marie par les Évangiles s’impose. Le Magnificat, entre autres, comprend beaucoup de références aux Psaumes, aux Prophètes et au Pentateuque.

6. Des textes de l’Ancien Testament sont considérés comme fondamentaux dans de nombreuses études mariales. C’est le cas, par exemple, de Genèse 3,15 (la victoire de la Femme sur le Serpent), de Isaïe 7,14 (la « vierge » qui concevra), des versets du Cantique des Cantiques, ainsi que des louanges de la Sagesse dans les livres des Proverbes et de la Sagesse.

7. La littérature chrétienne des débuts, aussi bien apostolique que post-apostolique, et la littérature patristique jusqu’à et y compris Jean Damascène sont des témoins de valeur de la première pensée chrétienne sur Marie. Souvent, les auteurs concernés, théologiens et pasteurs, développent des idées et intuitions mariales basées sur l’Ancien Testament, comme celle de la « Nouvelle Ève », thème essential du premier mariologue, Irénée.

 8. Les premiers conciles font référence à Marie et utilisent des textes de l’Ancien Testament pour parler d’elle. Il s’agit là du début de l’enseignement du magistère qui aboutira aux dogmes marials. Il y a quatre dogmes concernant Marie : l’Immaculée Conception, la Virginité Perpétuelle, la Maternité Divine (Theotokos) et l’Assomption. Cet enseignement part des textes du Nouveau Testament et se poursuit jusqu’à l’époque moderne, en 1950. La recherche théologique nécessaire à la présentation de ces dogmes en des termes contemporains demeure la tâche du théologien marial.

 9. Les écrits rabbiniques peuvent aussi aider à la compréhension des textes de l’Ancien Testament appliqués à Marie. Ils aident l’étudiant à relire les textes à la lumière de la réflexion juive et, souvent, à en retirer des aperçus pertinents. Cela revient à découvrir ce que la Tradition transmet tant pour la communauté juive que pour la communauté chrétienne.

10. Finalement, l’apport de l’esthétique, inspirée de l’Ancien Testament et exprimée à travers la poésie, l’art, l’iconographie, la narration et le commentaire, aide les chercheurs à goûter le rôle de Marie dans la pensée judéo-chrétienne.

 11. Vu qu’il y a plus de quarante références à Marie dans le Coran, une autre perspective d’étude réside dans la recherche des sources et de l’arrière-fond des textes islamiques sur Marie. Certains semblent provenir de l’Ancien Testament, d’autres du Nouveau Testament ou encore des écrits apocryphes.

12. Un autre domaine d’investigation est exploré par les quelques travaux de doctorat effectués sur les textes employés dans Lumen Gentium en référence à Marie et à l’Ancien Testament. Il convient de relire le chapitre huit de Lumen Gentium lorsqu’on commence un projet ou une recherche mariale. En lien avec cela et puisqu’il s’agit des Écritures, il est utile de relire le décret de Vatican II sur la Révélation divine. Cela offre une bonne perspective sur le lien entre Écriture et Tradition au sein de l’Église.

13. Un grand trésor marial offert à l’étude est constitué des Messes en l’honneur de la Vierge Marie. Elles comportent quantité de textes de l’Ancien Testament lus en clef mariale. Les notes introductrices et les préfaces des messes fournissent d’excellentes réflexions théologiques et pastorales sur les mystères du Christ et leur relation à Marie.  

L’Ancien Testament, Parole d’hommes, Parole de Dieu

11 janvier, 2010

du site:

http://www.bible-service.net/site/749.html

L’Ancien Testament, Parole d’hommes, Parole de Dieu

Voici l’introduction et la conclusion de cette remarquable petite présentation de l’Ancien Testament…

Introduction

L’Ancien Testament, articulé avec un  » Nouveau  » Testament, fait partie de toute Bible chrétienne. Cet ensemble constitue le livre le plus diffusé sur notre planète. Il est aujourd’hui traduit intégralement en plus de quatre cents langues, en morceaux choisis en plus de deux mille.
Si l’Ancien Testament demeure un best-seller, beaucoup d’entre nous ne le connaissent pas ou peu. S’il nous est arrivé de l’ouvrir, de le feuilleter, nous avons été rapidement découragés par cet énorme monument fait de multiples livres – pas toujours placés dans le même ordre – où se succèdent, pêle-mêle, semble-t-il, légendes, récits historiques, recueils de lois, prières, proverbes, que sais-je encore
Nous avons probablement aussi été choqués par des passages qui présentent un Dieu violent et vengeur, prenant plaisir à massacrer des populations entières ou à punir sévèrement la moindre incartade à son égard. Pourquoi alors revenir à ces vieilles histoires dont la signification est obscure et qui paraissent si éloignées de la Bonne Nouvelle du Dieu d’amour révélé par Jésus-Christ ?
Les pages qui suivent essaieront de regarder comment ces textes ont été écrits, rassemblés, organisés, par qui, dans quels mondes. Une deuxième partie de notre réflexion tentera de comprendre pourquoi et comment des gens, des croyants, les considèrent comme un livre unique et irremplaçable qu’ils désignent comme  » Parole de Dieu « . […]

Conclusion

Dans sa complexité et sa diversité, et en raison même de cette complexité et de cette diversité, l’Ancien Testament est une œuvre passionnante et fascinante pour tous les hommes d’aujourd’hui, qu’ils soient croyants, (en recherche ou convaincus), indifférents ou athées.

1) Une œuvre littéraire prodigieuse

De son premier à son dernier mot, l’Ancien Testament est une œuvre humaine dépendante des lois inhérentes à la langue et à l’écriture des textes dans l’Antiquité.
Durant près d’un millénaire, des générations de rédacteurs, demeurés anonymes, se sont succédées pour trouver les chemins de son écriture en conjuguant respect des textes reçus et créativité imposée par des situations nouvelles. Consciemment ou inconsciemment, ils ont utilisé le patrimoine culturel de leur époque et ont subi de multiples influences littéraires. Ce sont leurs héritiers qui ont pris la décision de délimiter ses contours et son contenu pour en faire une œuvre close.
Le résultat est prodigieux ! L’Ancien Testament est reconnu comme une œuvre unique dans la littérature mondiale. Certes, nous pouvons nous contenter de sélectionner les séquences les plus poétiques (hymnes, Cantique des cantiques), ou les plus romanesques (histoire de Jacob ou de David). Si nous sommes chrétiens, nous sommes peut-être tentés de ne retenir que les séquences réputées annoncer la venue de Jésus-Christ. Dans les deux cas, nous faisons un Ancien Testament à notre convenance et nous passons à côté de sa valeur littéraire unique.
Dans chacun de ses livres, il associe des genres littéraires différents en nous faisant passer du récit à la poésie, des textes de lois aux discours… Il nous fait errer dans les méandres des réécritures et des réinterprétations. Pourtant, cette profusion d’éditions qui se chevauchent entre elles n’aboutit pas à la cacophonie. Dans sa diversité et sa totalité, l’Ancien Testament est polyphonique. C’est en se forçant d’entendre chanter ensemble les multiples voix qui le composent qu’on en découvre la richesse et la puissance. On pourrait également le comparer à une symphonie. Chaque instrument y joue sa petite partie de partition qui semble, parfois, bien médiocre ; et pourtant, associé avec les autres, il participe à la beauté et l’harmonie de l’œuvre.

2) Une œuvre confessée Parole de Dieu

Les chrétiens des premiers siècles ont fait de ce livre le premier tome de leur Bible. Pour cette raison, ils l’ont appelé  » Ancien Testament « . L’adjectif  » ancien  » risque de faire croire qu’il est dépassé ou une simple préface au véritable écrit chrétien qui serait le  » Nouveau Testament « . Il n’en est rien. Tous les deux sont  » Parole de Dieu  » pour les chrétiens. Il faudrait donc mieux parler de deux Testaments, l’un ne fonctionnant pas sans l’autre. Le second accomplit le premier en annonçant qu’en Jésus-Christ les temps nouveaux sont arrivés. Le premier témoigne des multiples chemins, souvent chaotiques et sinueux, qu’empruntent les hommes pour accéder à la rencontre du vrai Dieu.
De cette maturation progressive, souvent douloureuse et même parfois tragique pour des croyants qui avaient mis leur confiance dans la perception qu’ils avaient de leur relation à Dieu, tous les livres de la Bible témoignent. Puisse leur lecture donner à ceux et celles qui sont affrontés à des mutations analogues l’audace de poursuivre les chemins qu’ils ont déjà balisés et d’oser balbutier des discours nouveaux qui conjuguent mémoire de la tradition reçue avec les changements profonds de la société !

Mise au point : Qu’est-ce que la sagesse ?

3 janvier, 2010

aujourd’hui nous, en Italie, célébrons le deuxième dimanche après Noël, la première lecture est du livre du Siracide, c’est pourquoi je mets ce commentaire, du site:

http://www.bible-service.net/site/210.html

Mise au point : Qu’est-ce que la sagesse ?

La sagesse est avant tout un art de vivre, une façon de concevoir l’existence individuelle, familiale et sociale.

La sagesse est populaire : l’expérience des anciens, transmise par les générations, est souvent condensée en phrases sentencieuses, dictons ou proverbes. Mais elle est aussi savante : elle suppose une certaine habitude de manier les idées; elle s’apprend dans les écoles et elle est souvent le fait de personnages importants (courtisans, par exemple), des scribes, plus que des travailleurs manuels.
 
Un art universel 

C’est peut-être ce qui frappe le plus quand on aborde cette littérature : elle ne connaît pas de frontières. On a retrouvé bien des écrits de sagesse en Égypte comme en Mésopotamie. Les thèmes abordés – les grandes questions humaines – se retrouvent en ces différentes civilisations comme en Israël. On y traite du problème de la mort, de la souffrance, de la sanction, de l’amour, mais aussi des humbles réalités quotidiennes, de l’éducation des enfants, des qualités pour réussir dans la vie…
 
La sagesse en Israël 

Comme chez les autres civilisations, la sagesse a du naître avec le peuple. Mais, au sein d’Israël, certains se révèlent particulièrement comme des sages, sans doute à cause de l’éducation qu’ils ont reçue.
Selon le livre des Juges, Abimélek réussit à s’imposer, pendant quelque temps, comme roi à Sichem (vers 1100 av. J.-C. ?). Un sage, Yotam, met alors ses compatriotes en garde contre toutes les injustices qui risquent d’être le fait des rois ; il le fait par une fable mettant en scène des arbres qui élisent comme roi… un buisson d’épines ! (Jg 9,7-20). C’est peut-être un des plus vieux exemples de la sagesse israélite.
Salomon (972-933 av. J.-C.) a laissé une grande réputation de sage. Selon la Bible (légendaire sur ce point ?), il aurait été en contact avec la cour égyptienne, ayant épousé une fille du pharaon, et il a certainement dû former des sages pour ses transactions commerciales avec les royaumes voisins. Un certain nombre de proverbes (dans le livre portant ce nom) lui sont attribués. Sa réputation était si grande que l’auteur du livre de la Sagesse, vers 50 avant J.-C., mettra son œuvre sous son patronage.
Durant toute l’époque royale, il y eut des sages. Un certain nombre de proverbes ont pu être composés a cette époque. Mais il reste que le grand moment de la sagesse se situe après le retour d’exil, de la fin du 6e siècle au 1er siècle av. J.-C. L’enseignement des sages d’Israël est d’emblée universel, reprenant les mêmes thèmes que leurs voisins. Mais si leur enseignement repose sur l’expérience, il se fonde avant tout sur leur foi en Dieu, maître de Sagesse.
 
Prophétisme et sagesse : deux voies vers Dieu 

En simplifiant un peu, on pourrait voir dans le prophétisme et la sagesse deux voies différentes pour découvrir Dieu et, pour le chrétien, deux modes d’approche de l’Incarnation.
Chez les prophètes, la Parole de Dieu se présente, d’emblée, comme venant de Dieu. Moïse nous est présenté comme recevant cette Parole sur la montagne, au milieu des tonnerres. La Parole de Dieu s’empare des prophètes, elle les violente, ils ne peuvent lui résister (cf. Jr 20,7-9). En langage imagé, on pourrait parler d’un mouvement descendant. La Parole de Dieu descend du ciel; elle vient sur terre, parmi les hommes.
Pour les sages, la parole, la sagesse sont très clairement, au départ, parole d’hommes, sagesse très humaine. Le mouvement est ici ascendant : on comprendra peu à peu que cette sagesse qui est nôtre est aussi et d’abord Sagesse de Dieu, Quelqu’un partageant le trône de Dieu. Si nous sommes sages, c’est que Dieu a déposé un petit grain de  »sagesse » à notre naissance :  »le commencement de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur, pour les fidèles, elle a été créée avec eux dès le sein maternel » (Si 1,14). Ce sont donc tout l’effort humain, toute l’expérience des hommes, toute leur science qui se révèlent être venus de Dieu.
Pour le Nouveau Testament, présenter Jésus comme Parole, Verbe de Dieu, c’est insister sur son origine divine; cet être divin est vraiment devenu l’un d’entre nous. Le présenter comme Sagesse de Dieu, c’est peut-être d’abord nous montrer que toute la vie humaine est assumée en lui pour être divinisée.

La Sagesse dans l’Ancien Testament

3 janvier, 2010

aujourd’hui nous, en Italie, célébrons le deuxième dimanche après Noël, la première lecture est du livre du Siracide, c’est pourquoi je mets ce commentaire, du site:

http://www.mariedenazareth.com/13345.0.html

La Sagesse dans l’Ancien Testament

Le mot Sagesse signifie d’abord « saveur, goût, » mais aussi « savoir-vivre » qui donne justement une bonne saveur à la vie…
La sagesse grecque est en quête du bonheur. A l’époque de l’expansion de l’empire grec (Alexandre le grand – 333), la religion biblique s’est ouverte à la perspective de la sagesse grecque, une sorte de synthèse se fait entre cette sagesse et la Torah de Mo?se. (Rappelons que la Torah est tout à la fois histoire, direction, mœurs, la Torah est pédagogue et mène à la vie tandis que le temple est le lieu de la rémission des péchés).
Depuis le second Isa?e, l’origine du monde et de son « temps » comprend dans la pensée « sage » de Dieu le temps où se révèleront sa Parole et le lieu de sa présence au monde (le Temple). 

Une conception différente de la temporalité

Certes, la Sagesse grecque se veut intemporelle tandis que le temps de l’Histoire Sainte biblique est le seul milieu où l’homme peut accéder à la compréhension de l’action de la pensée intemporelle de Dieu ; ainsi la prophétie biblique s’inscrit-elle dans l’histoire.
Au moment de la rencontre avec la Sagesse grecque, le Siracide (écrit à Jérusalem entre 200 et 175) affirme que cette Torah de Moïse, prééxistante au monde, doit être le révélateur de ce qui doit être identifié à la Sagesse grecque éternelle ; elle prend  sa place :
« La Sagesse fait son propre éloge (…) Tout cela n’est autre que le livre de l’alliance du Dieu Très-Haut, la Loi promulguée par Moïse, laissée en héritage aux assemblées de Jacob. » (Sirac 24,1.23).
La Torah est la Sagesse présente auprès de Dieu lors de la création, prenant ses délices parmi les hommes, et les invitant à l’écouter (Pr 8, 22-32).
Jusqu’ici on avait surtout approfondi la révélation de la parole de Dieu dans les événements de l’histoire sainte. Dans le contact avec les grecs, les Hébreux ont du approfondir la révélation en puissance avant la création de l’univers et justifiant la recherche d’une harmonie cosmique.
Et l’on fait la synthèse entre la Création et l’Histoire, entre la recherche du bonheur présent et l’écoute du projet d’avenir de Dieu, de sa Torah qui donne le sens.
Cela dit, on lit aussi dans le livre de la Sagesse toute l’opposition entre la sagesse du monde « impie » et celle des croyants :
« Car ils disent entre eux, dans leur faux calculs : (…) courte et triste et notre vie, usons des créatures avec l’ardeur de la jeunesse… opprimons le juste qui est pauvre… car ce qui est faible s’avère inutile. (…) tendons des pièges au juste… car son genre de vie ne ressemble pas aux nôtres et ses sentiers sont tout différents et … il se vante d’avoir Dieu pour Père…» (Sg 2,1 -20) 
La Sagesse impie a peur de la faiblesse tandis que la Bible sait que Dieu regarde le pauvre. 

Différence et dialogue existent aussi sur le terrain philosophique

Le philosophe grec Parménide accéda à l’intuition de l’être et fut ébloui par cette perception globale et spirituelle mais qui éclipsait pour lui le monde ambiant.
Platon concevait un monde des Idées, prototype et modèle immobile des réalités sensibles de notre monde multiple et changeant. Aristote médita sur l’Etre suprême, son unité source du multiple et du mouvement. Mais cet Etre serait-il solitaire et égoïste ?
Sans doute l’une des raisons qui empêchèrent Aristote de définir Dieu comme une personne est ce narcissisme de l’Un. Les philosophes stoïciens, avaient trouvé une demi-solution à ce scandale : Dieu présent à sa création, exerçait une Providence quasi paternelle à l’égard du monde. Mais cette découverte entraîna les stoïciens vers le monisme (c.a.d. une confusion de Dieu et du monde)…
Les livres bibliques (Sg 14,3 ; Dn 6,18 ; 2 M 4,6) précisent cette notion de Providence comme une belle expression synthétique de ce qu’enseignait déjà la Bible. Mais dans la Bible l’approche de l’Unité de Dieu est moins abstraite que chez les Grecs ; elle est ouverte à l’avenir de la Révélation trinitaire car dans la Bible Dieu créateur dit ‘nous’ et non ‘je’ :
« faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » (Gn 1,27);
Dieu apparaît à Abraham sous l’apparence de trois visiteurs dont le texte parle en alternant le singulier et le pluriel (Gn, 18,9.13) ; et la Bible adopta le mot Élohim pour désigner Dieu, c’est un pluriel qu’une logique abstraite aurait dû récuser…
Cette ouverture au mystère propre de Dieu préparait la pensée hébraïque à aller plus loin. Dans les livres sapientiaux Dieu « engendre » sa propre Sagesse (Pr. 8,9), profère sa Parole (Si 24) manifeste son esprit [1]. « [La Sagesse] est un miroir sans tache de l’activité de Dieu, l’image de sa bonté » (Sg 7,26). 
La Sagesse, mise en rapport immédiat avec la gloire divine, n’est en aucune manière un foyer indépendant, elle se rattache par tout elle-même à sa source lumineuse et irradiante, elle en est le pur reflet, le miroir, elle est l’image de ses vertus.
De manière générale, la Sagesse d’Israël résonne d’une manière différente de celle des Nations [2] : elle est centrée sur le Dieu vivant et non pas seulement sur l’homme. En Israël, la Sagesse et la prophétie iront de pair : par exemple, le livre de la Sagesse a une forte dimension eschatologique : le début du livre traite de l’immortalité que la manne préfigure (Sg 1-6) et la fin du livre relit l’Exode comme une création nouvelle (Sg 19,18-21).
Daniel, qui est un sage [3] possède la compréhension des desseins divins (Dn 5 et suivant). Au premier siècle de notre ère, la sagesse juive et la prophétie tendent à se rejoindre.
La sagesse verse dans l’apocalyptique, et la prophétie se coule dans la sagesse [4]. Dans l’Evangile, Jésus se présente comme la nouvelle Torah et la nouvelle Sagesse, ce qui signifie donc qu’il est préexistant à la création du monde. 
La tradition de l’Eglise saluera en Marie le trône de la Sagesse. 

__________

[1] Cf. René LAURENTIN, Dieu notre Père, Fayard, 1998., p. 33-37.
[2] C. LARCHER, Etudes sur le livre de la Sagesse, ed. Gabalda, Paris, 1969, Ibid., p. 386-388
[3] Dn 1, 4.17.20 ; 2,12.13.18
[4] Cf. Charles PERROT, Christ et Seigneur des premiers chrétiens. Descléee 1997. p.189-190

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