Archive pour la catégorie 'Ancien Testament'

Psaumes : cris d’hommes et voix de Dieu

4 février, 2011

du site: 

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=261

Psaumes : cris d’hommes et voix de Dieu

P. Édouard Cothenet

Esprit & Vie n°74 / janvier 2003 – 2e quinzaine, p. 30.

Dominicain, le P. Jean-Luc VESCO fut directeur de l’École biblique de Jérusalem pendant de nombreuses années. Soucieux d’allier la recherche savante à la lecture fructueuse de l’Écriture par les fidèles, il publia une série d’articles sur les Psaumes dans plusieurs revues dominicaines. À la demande de lecteurs, il les regroupe en ce livre de consultation aisée. Le titre choisi invite à suivre un itinéraire partant du cri des opprimés pour arriver à la révélation du Dieu de tendresse.
Une trop brève introduction présente le projet : fournir des clefs de lecture, spécialement à ceux qui sont déroutés par le style des Psaumes. On aurait aimé trouver ici une bibliographie élémentaire et des indications plus fournies sur les différents genres littéraires du psautier, avant de voir comment ils sont représentés dans les psaumes commentés ensuite. Dans plusieurs cas, l’auteur développe largement le thème biblique sous-jacent, par exemple la notion de justice dans l’Ancien Testament ou la mission du roi, chargé par Dieu de faire régner le droit et la justice. D’ordinaire, est présentée la situation à laquelle répond le psaume, par exemple de détresse nationale ou d’interrogation douloureuse sur le bonheur insolent des méchants. Suit un commentaire assez ample, avec quelques notes plus techniques quand l’état défectueux du texte oblige à des corrections. D’ordinaire, un aperçu sur l’utilisation du psaume dans le Nouveau Testament conclut le développement. Un dernier chapitre s’intitule : « Les Psaumes, prière du Christ ». Le recueil comporte ainsi le commentaire suivi de douze psaumes, bien représentatifs de la diversité du psautier. Chemin faisant, ne manquent pas les citations et explications de psaumes voisins. N’aurait-il pas fallu prévoir un index pour faciliter la consultation ?
Ce livre permettra une appropriation fructueuse des psaumes ainsi présentés avec compétence par quelqu’un qui, manifestement, les vit de l’intérieur. Un ouvrage à lire chapitre par chapitre, selon que la liturgie ou l’attrait personnel nous invite à prendre tel ou tel psaume comme base de notre lectio divina.

La crainte de Dieu d’après le Psaume 128(127)

28 janvier, 2011

du site:

http://www.interbible.org/interBible/cithare/psaumes/2005/psa_050311.htm

La crainte de Dieu d’après le Psaume 128(127)

1 Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies !
2 Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !
3 Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table, comme des plants d’olivier.
4 Voilà comment sera béni l’homme qui craint le Seigneur.
5 De Sion, que le Seigneur te bénisse !
Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie,
6 et tu verras les fils de tes fils.
Paix sur Israël !

Le Psaume 128 (127) commence par les mots : « Heureux tous ceux qui craignent le Seigneur. » On s’interroge sur le sens de la crainte de Dieu. Toutes les fois que l’on parle de la crainte du Seigneur dans les Écritures, il faut remarquer qu’elle n’est jamais présentée seule, comme si elle suffisait à la perfection de notre foi; on lui préfère ou on lui substitue quantité de choses qui font comprendre quelle est la nature et la perfection de cette crainte du Seigneur. Nous connaissons par-là ce que dit Salomon dans les Proverbes : « Si tu demandes la sagesse, si tu appelles l’intelligence, si tu la recherches comme l’argent et si tu creuses comme un chercheur de trésor, alors tu comprendras la crainte du Seigneur. »
     Nous voyons ainsi à travers quelles étapes on parvient à la crainte du Seigneur. D’abord, il faut demander la sagesse, consacrer tous ses efforts à comprendre la parole de Dieu, rechercher et approfondir dans la sagesse; et c’est alors que l’on comprendra la crainte du Seigneur. Or, dans l’opinion commune des hommes, on ne comprend pas ainsi la crainte.
     La crainte est l’appréhension de la faiblesse humaine qui redoute de souffrir des accidents dont elle ne veut pas. Elle naît et elle se développe en nous du fait de la cu lpabilité de notre conscience, du droit d’un plus puissant, de l’assaut d’un ennemi mieux armé, d’une cause de maladie, de la rencontre d’une bête sauvage, bref la crainte naît de tout ce qui peut nous apporter de la souffrance. Une telle crainte ne s’enseigne donc pas; elle naît naturellement de notre faiblesse. Nous n’apprenons pas quels sont les maux à craindre, mais eux-mêmes ces maux nous inspirent de la crainte.
     Au contraire, au sujet de la crainte du Seigneur, il est écrit ceci : « Venez, mes fils, écoutez-moi : la crainte du Seigneur, je vous l’enseignerai. » Il faut donc apprendre la crainte de Dieu puisqu’elle est enseignée. En effet, elle n’est pas dans la terreur, elle est dans la logique de l’enseignement. Elle ne vient pas du tremblement de la nature, mais de l’observance du précepte; elle doit commencer par l’activité d’une vie innocente et par la connaissance de la vérité .
     Pour nous, la crainte de Dieu est tout entière dans l’amour, et la charité parfaite mène à son achèvement la peur qui est en elle. La fonction propre de notre amour envers lui est de se soumettre aux avertissements, d’obéir aux décisions, de se fier aux promesses. Écoutons donc l’Écriture, qui nous dit : « Et maintenant, Israël, qu’est-ce que le Seigneur te demande? Sinon que tu craignes le Seigneur ton Dieu, que tu marches sur tous ses chemins, que tu l’aimes et que tu observes de tout ton cœur et de toute ton âme, les commandements qu’il t’a donnés pour ton bonheur. »
     La crainte du Seigneur ne se comprend bien qu’en rapport étroit avec l’amour de Dieu.
    
Pierre Bougie, PSS

(d’après un texte de saint Hilaire)
professeur au Grand séminaire de Montréal

Ps 104 (103) : le soleil des eaux

20 décembre, 2010

du site:

http://www.bible-service.net/site/549.html

Ps 104 (103) : le soleil des eaux

Ps 104,1 Bénis le Seigneur, ô mon âme !
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Vêtu de splendeur et d’éclat,
2 drapé de lumière comme d’un manteau,
tu déploies les cieux comme une tenture.

3 Il étage ses demeures au-dessus des eaux
des nuages il fait son char ;
il marche sur les ailes du vent.
4 Des vents il fait ses messagers,
et des flammes, ses ministres.

5 Il a fondé la terre sur ses bases,
elle est à tout jamais inébranlable.
6 Tu l’as couverte de l’Océan comme d’un habit ;
les eaux restaient sur les montagnes.
7 A ta menace elles ont fui,
affolées par tes coups de tonnerre :
8 escaladant les montagnes, descendant les vallées
vers le lieu que tu leur avais fixé.
9 Tu leur as imposé une limite à ne pas franchir ;
elles ne reviendront plus couvrir la terre.

10 Il envoie l’eau des sources dans les ravins :
elle s’en va entre les montagnes ;
11 elle abreuve toutes les bêtes des champs,
les ânes sauvages étanchent leur soif.
12 Près d’elle s’abritent les oiseaux du ciel
qui chantent dans le feuillage.

13 Depuis ses demeures il abreuve les montagnes,
la terre se rassasie du fruit de ton travail :
14 tu fais pousser l’herbe pour le bétail,
les plantes que cultive l’homme,
tirant son pain de la terre.
15 Le vin réjouit le coeur des humains
en faisant briller les visages plus que l’huile.
Le pain réconforte le coeur des humains.

16 Les arbres du Seigneur se rassasient,
et les cèdres du Liban qu’il a plantés.
17 C’est là que nichent les oiseaux,
la cigogne a son logis dans les cyprès.
18 Les hautes montagnes sont pour les bouquetins,
les rochers sont le refuge des damans.

19 Il a fait la lune pour fixer les fêtes,
et le soleil qui sait l’heure de son coucher.
20 Tu poses les ténèbres, et c’est la nuit
où remuent toutes les bêtes des bois.
21 Les lions rugissent après leur proie
et réclament à Dieu leur nourriture.
22 Au lever du soleil ils se retirent,
se couchent dans leurs tanières,
23 et l’homme s’en va à son travail,
à ses cultures jusqu’au soir.

24 Que tes oeuvres sont nombreuses, Seigneur !
Tu les a toutes faites avec sagesse,
la terre est remplie de tes créatures.

25 Voici la mer, grande et vaste de tous côtés,
où remuent, innombrables, des animaux petits et grands.
26 Là, vont et viennent les bateaux,
et le Léviatan que tu as formé pour jouer avec lui.

27 Tous comptent sur toi
pour leur donner en temps voulu la nourriture :
28 tu donnes, ils ramassent ;
tu ouvres ta main, ils se rassasient.
29 Tu caches ta face, ils sont épouvantés ;
tu leur reprends le souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
30 Tu envoies ton souffle, ils sont créés,
et tu renouvelles la surface du sol.

31 Que la gloire du Seigneur dure toujours,
que le Seigneur se réjouisse de ses œuvres !
32 Il regarde la terre, et elle tremble ;
il touche les montagnes, et elles fument.

33 Toute ma vie je chanterai le Seigneur,
le reste de mes jours je jouerai pour mon Dieu.
34 Que mon poème lui soit agréable !
Et que le Seigneur fasse ma joie !
35 Que les pécheurs disparaissent de la terre,
et que les infidèles n’existent plus !
Bénis le Seigneur, ô mon âme !

Alléluia !

———————————

Ps 104 : Harmonie du monde, splendeur de Dieu
 »Béni le Seigneur, ô mon âme ! » L’exclamation encadre le psaume 104, l’un des plus somptueux de la Bible, description de l’harmonie du monde. Comme dans certains hymnes égyptiens, l’eau y ruisselle pour le bonheur des êtres vivants.
Les amoureux de l’Ancien Orient ont parfois rapproché le psaume 104 de l’hymne composé par le pharaon Aménophis IV, dit Akhenaton, en l’honneur du disque solaire Aton (vers 1350 av. J.-C.). Il n’est pas sûr que l’œuvre égyptienne ait inspiré l’hébraïque. La parenté du langage poétique est néanmoins une chance pour saisir la différence des théologies.
 
Splendeur de Dieu
Ainsi les deux poèmes commencent par s’adresser à la divinité :  »Tu apparais, parfait, à l’horizon du ciel / Disque vivant qui est à l’origine de la vie… / Tu es beau, grand, étincelant… » (hymne à Aton) ou  »Seigneur mon Dieu, tu es si grand, revêtu de splendeur et d’éclat, / drapé de lumière comme d’un manteau… » (Ps 104, v. 1-2).
Même admiration pour un dieu unique, mais éclat inégal : dans le premier cas, le dieu-soleil est origine de tout et agit par ses rayons, alors que dans le second, la lumière (distincte du soleil, cf. v. 19-22) n’est qu’un magnifique vêtement, annonciateur de bien d’autres merveilles.
 
Mouvement incessant 
Le Seigneur est drapé de lumière mais la terre, elle, est – ou plutôt a été – vêtue de  »l’abîme des mers ». La première page de la Genèse raconte la séparation des eaux  »d’en haut » et des eaux  »d’en bas » (deuxième jour, Gn 1, 6-8) puis l’émergence de la terre hors des eaux d’en bas, et l’apparition des végétaux (troisième jour, Gn 1, 9-13). Il y a ici un écho de l’origine, mais d’une origine toujours recommencée, effet d’une parole divine toujours neuve et formidable :  »les eaux recouvraient les montagnes / à ta menace, elles prennent la fuite, à la voix de ton tonnerre elles se précipitent » (v. 6-7).
Toute une partie du poème vibre et frémit de ce mouvement des eaux auprès desquelles et vers lesquelles vont et viennent les êtres vivants, hommes ou bêtes (v. 8-14). L’œil du poète embrasse les sommets et les ravins, saisit ici le jaillissement des sources, s’attarde là sur la lenteur des rivières (l’eau  »chemine », v. 10), et prend le temps de voir les animaux s’abreuver, à commencer par les plus farouches, ceux que l’on n’observe qu’avec patience : âne sauvage ou volatiles (v. 11-12). Selon la cosmologie d’alors, les  »eaux d’en haut » – si près des demeures de la divinité –, orages et pluies, dévalent des monts et, de là, irriguent prairies et champs (v. 13-14).
Rien, dans le psaume, n’est particulier à Israël. Tout est universel. L’hymne à Aton est plus ethnocentrique. La partie consacrée au fleuve de l’Égypte y distingue un Nil  »dans le ciel » (autre manière d’évoquer orages et pluies) et un autre sur la terre. Celui du ciel a certes été placé par le Disque solaire pour faire vivre tous les pays :  »le Nil qui est dans le ciel, c’est le don que tu as fait aux peuples étrangers / et à toutes les bêtes du désert ». Mais  »le vrai Nil, il vient du monde inférieur pour l’Égypte » ! Et c’est autour de celui-ci, que, fécondés par les rayons du soleil, s’étendent les champs et passent les saisons.
 
Dissonance 
Le psaume 104, sauf en ses derniers versets, n’évoque particulièrement ni le pays ni le destin d’Israël. La vie de tous s’y organise après la domestication des eaux par la Parole divine. La suite du poème, la plus longue, s’attache aux activités humaines, dans l’alternance des nuits et des jours. Elle donnerait à penser que le mal n’existe pas, que toute violence est évitée (les fauves gagnent leurs repaires quand les hommes sortent travailler, v. 22-23) si la conclusion ne mentionnait les  »pécheurs » et les  »impies » comme une atteinte à l’harmonie du monde (v. 35), une harmonie à laquelle participent même les monstres marins, fugitivement aperçus sur la mer à côté des bateaux (v. 25-26) !
Une ombre ternit ce qui était jusqu’alors lumière, mouvement et vie.  »Alleluia » (=  »Gloire à Dieu ») a beau s’élancer en finale du psaume 104, revenir dans le psaume 105 et encadrer le psaume 106, l’ombre grandira : après les splendeurs de la création (Ps 104), après les hauts-faits de l’alliance (Ps 105), seront énumérées les fautes d’Israël (Ps 106). Chanter le psaume en vérité, c’est donc affronter la dissonance finale et reprendre à son compte le souhait de la disparition du péché. L’aujourd’hui touche ici l’origine (la beauté) et la fin (victoire sur le mal), à Dieu remises. L’hymne à Aton ne parle d’aucun combat. Le psaume serait-il plus réaliste ? Et plus ouvert à l’espérance ? Car, à le suivre, nous apprenons que la Parole divine,  »menace » et  »tonnerre », peut canaliser et transformer les eaux dangereuses. Cette puissance, comment ne pas l’invoquer pour d’autres dangers ?
————————————

Gérard BILLON. Article paru dans Le Monde la Bible n° 138  »Le Nil, fleuve sacré d’Egypte » (Bayard-Presse, nov. 2001), p. 80
Nota Bene : Une traduction complète de l’hymne égyptien d’Akhénaton par André Baruch est donnée dans  »Prières de l’Ancien Orient », Supplément au Cahier Évangile n°27 (Éd. SBEV-Le Cerf, 1979) p. 68-72.

Psaume 107/2. Hymne d’action de grâces (suite et fin)

19 décembre, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-2494-Psalmiste.php

LE PSALMISTE

Décembre 2010

Psaume 107/2. Hymne d’action de grâces (suite et fin)

Marc Leroy

23 Descendus en mer sur des navires,
ils faisaient négoce parmi les grandes eaux ;
24 ceux-là ont vu les œuvres de Yahvé,
ses merveilles parmi les abîmes.

25 Il dit et fit lever un vent de bourrasque
qui souleva les flots ;
26 montant aux cieux, descendant aux gouffres,
sous le mal leur âme fondait ;
27 tournoyant, titubant comme un ivrogne,
leur sagesse était toute engloutie.

28 Et ils criaient vers Yahvé dans la détresse,
de leur angoisse il les a délivrés.
29 Il ramena la bourrasque au silence
et les flots se turent.
30 Ils se réjouirent de les voir s’apaiser,
il les mena jusqu’au port de leur désir.

31 Qu’ils rendent grâce à Yahvé de son amour,
de ses merveilles pour les fils d’Adam !
32 Qu’ils l’exaltent dans l’assemblée du peuple,
au conseil des anciens qu’ils le louent !

33 Il changeait les fleuves en désert,
et les sources d’eau en soif,
34 un pays de fruits en saline,
à cause de la malice des habitants.

35 Mais il changea le désert en nappe d’eau,
une terre sèche en source d’eau ;
36 là il fit habiter les affamés,
et ils fondèrent une ville habitée.

37 Ils ensemencent des champs, plantent des vignes,
et font du fruit à récolter.
38 Il les bénit et ils croissent beaucoup,
il ne laisse pas diminuer leur bétail.

39 Ils étaient diminués, défaillants,
sous l’étreinte des maux et des peines ;
40 déversant le mépris sur les princes,
il les perdait en un chaos sans chemin.

41 Mais il relève le pauvre de sa misère,
il multiplie comme un troupeau les familles ;
42 les cœurs droits voient et se réjouissent,
tout ce qui ment a la bouche fermée.

43 Est-il un sage ? qu’il observe ces choses
et comprenne l’amour de Yahvé !

(Bible de Jérusalem)
———————————————

Dans cette seconde partie du Psaume 107, nous trouvons la quatrième et dernière section décrivant une population expérimentant un grand danger, ici le péril en mer, puis une même expérience, d’un moins vers un plus, décrite à deux reprises aux vv. 33-38 et 39-42.
vv. 23-32 : le quatrième groupe de population correspond à ceux qui ont traversé la mer dans le but de commencer une nouvelle vie dans un pays lointain.
L’expression du v. 23 « descendus en mer sur des navires » renvoie à Is 42,10 « ceux qui vont sur la mer ». La mer, surtout pour des Israélites qui ne sont pas de grands marins, est un lieu de grand danger où la mort peut survenir à tout moment. Descendre en mer c’est un peu comme descendre dans le Shéol. L’expression, en effet, laisse entendre que l’on descend non seulement de Jérusalem, qui se trouve à 800 mètres d’altitude, vers la mer, mais aussi que l’on s’enfonce dans la mer comme l’on peut s’enfoncer à l’intérieur d’un puits. C’est la double descente de Jonas. Première descente, depuis les collines judéennes, vers le port de Joppé, en Jon 1,3 « il descendit à Joppé et trouva un vaisseau à destination de Tarsis » ; deuxième descente, après la tempête en mer, Jonas, depuis les entrailles du poisson, raconte ce qu’il a vécu, en Jon 2,7 « à la racine des montagnes [= le fond de la mer] j’étais descendu ».
Mais nous pouvons aussi y retrouver une allusion à l’Exode. Au v. 26, le peuple descend aux gouffres comme les chars de Pharaon et son armée qui tentèrent la traversée de la Mer Rouge (cf. Ex 15,5 : « Les abîmes les recouvrent, ils ont coulé au fond du gouffre comme une pierre. »).
On fait référence ici à tous ces Judéens qui ont pris le bateau à Jaffa/Joppé dans l’espoir d’une vie meilleure, au loin, en Égypte, mais aussi à Chypre, en Grèce ou en Asie Mineure établissant ainsi des communautés de Diaspora.
Les œuvres de Yahvé, dont parle le v. 24, ne sont pas ici les merveilles de la Création, mais des actes de libération, « ses merveilles pour les fils d’Adam » comme le dit, aux vv. 8, 15, 21 et 31, le second refrain.
Très concrètement, les abîmes du v. 24 peuvent désigner les profondeurs de la mer après un naufrage. Dieu est venu nous rechercher alors que nous étions dans les profondeurs, au cœur de la mer. C’est l’expérience de Jonas (cf. Jon 2,4). Mais c’est aussi l’expérience que nous faisons quand tout va mal. Pour employer une image, nous disons que nous sommes comme submergés par des eaux en furie. C’est le cas, par exemple, de la dépression où l’on se laisse couler jusqu’au fond comme une pierre. Dans un cri vers Dieu, Ps 69,2-3 expriment admirablement bien ce sentiment universel d’impuissance : « Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu’à l’âme. J’enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis entré dans l’abîme des eaux et le flot me submerge. ».
L’expression « montant aux cieux » du v. 26 veut rendre compte de l’expérience de ceux qui se trouvent à bord d’un bateau qui, au cours d’une terrible tempête, est soulevé si haut par les vagues que l’on a l’impression que l’on touche le ciel.
Si les merveilles de Yahvé sont des actes de libération plus que de création, cela ne l’empêche pas d’employer cette Création à bon escient. Ainsi peut-il faire lever « un vent de bourrasque » (cf. v. 25). Malgré la tempête, les marins sont sur le pont et continuent leur travail comme ils le peuvent donnant l’impression qu’ils sont ivres car ils titubent. Face à une vibrante tempête, toute leur compétence de marins est comme engloutie avec l’effondrement de leur moral (cf. v. 26).
L’expression « il [Yahvé] les mena jusqu’au port de leur désir » au v. 30 renvoie bien sûr à cette action de Yahvé qui a fait arrêter la tempête pour que le navire rentre au port en toute assurance comme si Yahvé était finalement le pilote du navire, mais cela renvoie aussi à la sortie d’Égypte et à l’Exode, dans la mesure où Yahvé mène son peuple jusqu’à Jérusalem, jusqu’à la Terre promise, qui est le « port de leur désir » (cf. Ex 13,21 : « Yahvé marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils puissent marcher de jour et de nuit. ») .
Les deux dernières sections du Psaume 107, vv. 33-38 et 39-42, qui parlent de la même expérience d’un moins vers un plus, abandonnent complètement le schéma suivi par les quatre premières sections, même si elles continuent de parler d’une population qui connaît la détresse et qui fait l’expérience d’être sauvée par Dieu.
Ces deux dernières sections commencent par décrire le danger (le désert ; la soif ; la fatigue ; la peine), puis l’action divine pour éliminer ce danger (l’arrivée d’eau ; le pauvre relevé de sa misère) et se terminent par des bénédictions. Les vv. 33-42 peuvent se rapporter à la situation du peuple après l’Exil au moment de la restauration.
vv. 33-38 : l’expression « il changeait les fleuves en désert », du v. 33, renvoie très explicitement à Is 50,2 « par ma menace je dessèche la mer, je change les fleuves en désert. Les poissons s’y corrompent faute d’eau, ils meurent de soif. ». Dieu est le maître de la nature qu’il a créée, si cela n’est pas la tempête qu’il envoie (cf. v. 25), c’est la sécheresse qu’il peut susciter à tout moment car il est tout-puissant (cf. vv. 33-34).
Le v. 35 est très proche d’Is 35,7 « La terre brûlée deviendra un marécage, et le pays de la soif, des eaux jaillissantes ; dans les repaires où gîtaient les chacals on verra des enclos de roseaux et de papyrus. » et d’Is 41,18 « Sur les monts chauves je ferai jaillir des fleuves, et des sources au milieu des vallées. Je ferai du désert un marécage et de la terre aride des eaux jaillissantes. ».
Les références à la faim et à la ville habitée du v. 36 font irrémédiablement penser aux vv. 4-7 du psaume. L’expression « et ils fondèrent une ville habitée » pourrait renvoyer à tout le travail de reconstruction de Jérusalem, après l’Exil, au moment de la restauration.
Les prophètes parlent souvent dans leurs oracles, comme résultat de l’obéissance à l’Alliance par le peuple d’Israël, de construire des maisons et d’y habiter, de planter des vignes et de se rassasier de son fruit (cf. Is 65,21 : « Ils bâtiront des maisons et les habiteront, ils planteront des vignes et en mangeront les fruits. »). C’est parce que Dieu a fait passer d’un moins à un plus, c’est parce qu’il a changé une terre sèche en source d’eau (cf. v. 35), que le peuple d’Israël va pouvoir ensemencer des champs, planter des vignes et récolter des fruits (cf. v. 37). Au moment de la restauration, au retour de l’Exil, le peuple va pouvoir se nourrir des fruits du pays. Il est en train de « rejouer » la conquête par Josué de la Terre sainte avec des échos d’une fécondité paradisiaque. Dans l’expression « il les bénit et ils croissent beaucoup » du v. 38, il faut comprendre que Dieu bénit le peuple qui devient de plus en plus nombreux. Il y a là une référence explicite à Gn 1.
vv. 39-42 : Nous pouvons noter le jeu sur le verbe « diminuer » que nous trouvons au v. 38 dans « il ne laisse pas diminuer leur bétail » et au v. 39 dans « ils étaient diminués ».
Le v. 40 est une combinaison de Jb 12,21a et de Jb 12,24b. Nous y trouvons, une fois de plus, une forte affirmation de l’entière souveraineté divine. Le v. 34 parlait de « la malice des habitants ». Yahvé va punir les chefs de cette ville (cf. v. 40) car la plupart du temps la méchanceté d’une communauté est l’œuvre de ses leaders. Ils partagent le même destin que cette partie de la population qui errait au désert, dans les solitudes (cf. v. 4). Le départ des leaders, qui opprimaient les pauvres du peuple, est pour ces derniers une véritable libération.
Le v. 42 est très proche de Jb 5,16b ; 22,19a. Ayant en arrière-plan le livre de Job, les versets 40 et 42 réfléchissent sur les épreuves de la vie ordinaire. Ceux qui ont le cœur droit, c’est-à-dire ceux qui veulent vivre comme des justes, voient les actions du Seigneur à travers tout ce qui a été rappelé dans le psaume aux vv. 4-41 et ils se réjouissent de cela, non seulement pour leur propre intérêt, mais parce qu’ils voient qu’il existe un ordre moral dans le monde.
Le v. 43 est un épilogue sapiential qui ressemble au colophon d’Os 14,10. L’homme sage est celui qui médite sur l’amour miséricordieux de Yahvé.
Ce psaume 107 nous parle de la délivrance d’Israël. Une lecture spirituelle et chrétienne nous fait comprendre qu’il parle aussi de notre propre délivrance. Par la mort et la résurrection de Jésus, nous qui étions captifs de la mort et du péché, nous voici délivrés, Dieu va nous conduire jusqu’au port désiré qu’est la Vie éternelle.

Le sermon sur la montagne : Jesus et l’Ancien Testament

13 décembre, 2010

du site:

http://www.promesses.org/arts/155p27-28f.html

Le sermon sur la montagne

JÉSUS ET L’ANCIEN TESTAMENT

Matthieu 5.17-20
Jean-Pierre SCHNEIDER

« Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.»

Une justice supérieure
Jésus a toujours été en complète harmonie avec l’Ancien Testament (A.T.). Mais de leur côté, les Pharisiens et les scribes le contredisaient fréquemment.
Jésus n’a pas seulement enseigné sa doctrine, il a aussi critiqué d’autres doctrines. Cette démarche va à l’encontre de la tendance actuelle : « Enseignons selon la Bible, mais ne critiquons pas d’autres opinions » (notez : on ne dit pas « doctrines »). Quant à nous, devons-nous renoncer à imiter Christ, par peur de devenir impopulaires ? L’ocuménisme en vogue actuellement doit-il nous amener à oublier que catholiques romains, orthodoxes, protestants libéraux ou même évangéliques peuvent se désigner comme « chrétiens », mais que des doctrines ou des pratiques pernicieuses peuvent se cacher derrière l’étiquette ?
Examinons l’expression « la loi et les prophètes ». On pense souvent que l’A.T. a mené l’enseignement de Dieu jusqu’à un certain point, puis que Jésus est venu et a complété cet enseignement. Non! Il l’a accompli, il l’a mis à exécution, il y a obéi en tous points, et il en a révélé le sens profond, le sens véritable. La Loi regarde vers Jésus, elle s’accomplit en lui, jusqu’au plus petit détail (chaque « iota »).
Voyons comment Jésus a accompli la Loi. Il est né sous la Loi. Il a été circoncis selon la Loi. Il a subi le châtiment prescrit par la Loi pour expier le péché du monde (1 Jean 2.2). Il accomplit aussi la Loi en et par nous, par l’action du Saint-Esprit.
Rappelons-nous qu’il y a trois développements de la Loi :
1. La Loi cérémonielle : elle a été totalement accomplie par Jésus, par sa vie entière, par sa mort, sa résurrection, son ascension. Et il y a eu confirmation de cette ouvre parfaite par la destruction du Temple, qui a mis fin à l’observation de la Loi cérémonielle.
2. La Loi juridique: elle était valable pour le peuple théocratique de Dieu. Comme celui-ci n’existe plus sous sa forme originelle, la Loi juridique, accomplie également,  n’est plus actuelle. Il y a un nouveau peuple, l’Église (Mat 21.43, 1 Pi 2.9-10).
3. La Loi morale: elle est permanente (le verset 19 se réfère à cette Loi); Jésus l’a résumée dans le plus grand commandement, qui doit régler notre relation avec Dieu et avec les hommes (Mat 22.37-40: l’amour pour Dieu et pour le prochain). Jésus l’a également accomplie à la perfection.
Le chrétien et la Loi.
Qu’en est-il de notre relation à la Loi de Dieu ? La réponse à cette question n’est pas claire pour beaucoup de chrétiens. Il faut retenir fermement que, pour nous, le salut ne dépend pas de l’obéissance à la Loi, qui n’a pas été donnée à l’homme pour le sauver, mais pour l’amener à Christ (Gal 3.24). Mais retenons tout aussi fermement que la grâce ne s’oppose pas à l’esprit de la Loi morale. La grâce signifie le pardon de tous nos péchés, et la régénération par le Saint-Esprit. Elle nous rend capables d’obéir à la Loi morale, qui est « juste et bonne » (Rom 7.12). La sainteté a pour but la justice, et tout le processus de notre sanctification consiste, pour nous qui avons été sanctifiés par l’ouvre de Christ, à apprendre à marcher continuellement selon l’esprit de la Loi (cf. verset 19). Dans Mat 7.21, Jésus dit que « seul [celui] qui fait la volonté de mon Père » entrera dans le royaume des cieux. Et quelle est cette volonté? La Loi morale exprimée en raccourci par les 10 commandements.
Verset 20: « Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.»
Jésus critique les théologiens reconnus et les autorités de son temps. Il montre que la sainteté ne dépend pas d’une simple profession extérieure : c’est une marche, c’est l’accomplissement de la Loi de Dieu dans l’expérience journalière.
Les Pharisiens allaient parfois au-delà des demandes de la Loi. Ainsi par exemple, ils demandaient de jeûner deux fois par semaine, alors que la Loi demandait un jeûne une fois par an ! Jésus a dénoncé certains de leurs travers:
1. Leur religion était purement extérieure et formelle, et non du coeur. Cette tendance  a-t-elle disparu ? C’est un devoir du vrai amour de dénoncer l’hypocrisie.
2. La Loi cérémonielle prenait le dessus sur la Loi morale. Certaines grandes églises font aujourd’hui exactement de même.
3. Les lois fabriquées par les Pharisiens violaient la Loi qu’ils prétendaient défendre. Marc 7.10-13 nous en donne un exemple : au lieu d’honorer leurs parents en les aidant financièrement, ils avaient inventé la loi du « qorbân » qui leur permettait de contourner le cinquième commandement.
4. Ils se préoccupaient premièrement de leur propre justice ; ils se glorifiaient eux-mêmes et non Dieu. On remplit un certain devoir, et on est bon : « Je te remercie de ne pas être comme ce pauvre pécheur. »
La condamnation ultime des scribes et des Pharisiens, c’est l’absence totale des caractéristiques décrites par les Béatitudes. Ce qui distingue le chrétien du Pharisien, c’est sa conscience d’être pauvre en esprit, c’est son humilité, sa miséricorde… Le chrétien n’est pas satisfait pour avoir observé un commandement, il a faim et soif de justice. Il aimerait ressembler à Jésus-Christ, ce à quoi il est en fait destiné : « Ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils. » (Rom 8.29) Le test est notre relation intime avec Dieu. C’est une attitude de coeur qui consiste à le connaître et à l’aimer toujours mieux.

En bref
Jésus enseigne que la démonstration normale que nous avons vraiment reçu la grâce de Dieu, c’est notre vie juste. C’est la foi prouvée par les oeuvres.

Abraham notre père dans la foi. Un appel et une alliance pour la bénédiction miséricordieuse de tout le peuple

10 décembre, 2010

du site:

http://www.collevalenza.it/Francese/Art002.htm

Abraham notre père dans la foi. Un appel et une alliance pour la bénédiction miséricordieuse de tout le peuple

par P. Aurelio Pérez, fam

Le péché est une blessure mortelle portée à la vie et à la bonté de la création : « Car Dieu n’a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. Il a tout créé pour l’être; les créatures du monde sont salutaires, en elles il n’est aucun poison de mort » (Sg 1, 12-14).
Les généalogies de Gn 1-11 présentent, au fur et à mesure que le mal s’étend, une diminution progressive des années de vies chez les personnes qui tout d’abord vivaient de centaines d’années et ensuite toujours moins : c’est comme si la bénédiction de la vie (cf. Gn 1, 28) reculait devant la progression de la malédiction de la mort. A ce point, Dieu suscite Abraham et sa descendance pour toujours (Lc 1, 55) pour faire repartir la bénédiction et la vie pour tous les peuples depuis l’obéissance de la foi.
Le point de départ, d’où Dieu appelle Abraham est une famille de nomades idolâtres, expression de la corruption du péché.
Si le premier péché a été la désobéissance rendue possible par un rétrécissement de la foi et la peur vis-à-vis du Seigneur et a produit la malédiction, la première chose que Dieu demande à Abraham c’est l’obéissance de la foi qui produit la bénédiction. Dans le jardin d’Eden, Dieu demandait une obéissance-adoration de Lui-même, accompagnée par la communion entre l’homme et la femme et la possession du jardin. Après la pollution de ces trois dimensions, Dieu demande à Abraham la foi pure, quand il n’y a ni terre ni descendance (cf. He 11, 8-14).
Il est important de souligner quelques aspects de l’appel adressé à Abraham :
1. L’appel de Dieu est absolument libre ; il ne suit aucune logique humaine. Il n’y a pas de raison apparente pour laquelle Dieu appelle Abraham et pas un autre. Cela se verra dans l’histoire des autres Patriarches, des juges et des prophètes. Dieu choisira Jacob, le frère cadet, et non pas Esaü l’aîné ; Joseph, celui que ses frères ont rejeté, Gédéon, la plus petite tribu ; Samson, né d’un couple stérile ; Samuel, fils d’Anne la stérile ; David, le plus jeunes de la fratrie … et jusqu’à Jésus-Christ, la pierre rejetée par les bâtisseurs, dont Dieu a fait la pierre d’angle pour le salut de tous.
2 : L’appel de Dieu place Abraham dans une situation d’« étrangeté », c’est-à-dire qu’« Il le rend étranger pour toujours et c’est là le cœur de la foi ».
Par la foi, répondant à l’appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait. Par la foi, il vint résider en étranger dans la terre promise, habitant sous la tente avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse (He 11, 8-9).
Abraham est appelé à être le père dans la foi pour tous les peuples, et pour cette raison il n’appartient, pour ainsi parler, à aucune. Il est appelé à devenir l’homme de l’être et non de l’avoir, et donc une certaine pauvreté – dépouillement de la sécurité humaine deviendra le signe de la reconstruction de l’humanité selon le cœur de Dieu.
3. La réponse de foi est un chemin, ce qui veut dire que la foi d’Abraham n’est pas parfaite tout de suite. Il croit en Dieu et à sa promesse mais, quand celle-ci tarde à s’accomplir, il est tenté d’introduire une voie humaine dans les affaire de Dieu. Pour avoir une descendance, Abraham engendre, selon les méthodes légales, le fils de l’esclave Hagar ; et, ainsi, il met Dieu devant le fait accompli. Il peut aussi nous arriver à nous de vouloir faire passer des enfants, des projets ou des œuvres que nous engendrons avec notre seule entreprise humaine , pour des « fils de la promesse », pour la volonté de Dieu.
Encore moins exemplaire est le comportement moral d’Abraham vis-à-vis de Sara, dans les histoires du Pharaon égyptien et d’Abimelech (Gn 12, 10-20 ; 20, 1-18). Cela nous fait comprendre que Dieu prend l’homme comme Il le trouve, avec ses coutumes, avec son degré de civilisation et de moralité relative, sans lui demander immédiatement une vie morale parfaite – qui lui serait impossible –, alors que, dès le début, il demande une foi totale, qui se joue entièrement sur la parole du Seigneur (Gn 17, 1).
3. La foi-amitié avec Dieu fait entrer dans l’intercession miséricordieuse face au mal. A Abraham Dieu enseigne la miséricorde justement à travers l’expérience de l’intercession miséricordieuse qu’il met en acte devant les terribles péchés de Sodome et de Gomorrhe.
« Quand Abraham demande à Dieu de sauver Sodome, il n’est pas faisant un discours auquel Dieu n’aurait jamais pensé. Dieu s’est arrêté pour attendre Abraham et, quand Abraham parle, il n’essaie pas convaincre Dieu de quelque chose dont Dieu n’est pas déjà convaincu mais il dit simple ce que Dieu veut qu’il se dise pour manifester Sa volonté divine. Voilà pourquoi Dieu s’est arrêté. »
Ce discours ne signifie pas que le mal est relatif, mais qu’« à la fin Dieu sauve tout le monde ». Le problème, c’est que le mal détruit la ville, parce que le mal est autodestructif, à moins qu’il y ait un innocent là, dans la ville.
Nous nous demandons pourquoi l’intercession d’Abraham s’arête à dix. Le texte reste mystérieux ; il ne donne aucune explication mais dit seulement qu’à un moment donné Abraham s’arrête et les deux se séparent.
Cela laisse le texte ouvert pour des révélations postérieures. Avançant dans la trame de l’histoire du salut, on s’aperçoit que même un seul suffirait. Jér 5, 1 dit ceci :
« Parcourez les rues de Jérusalem, regardez donc et enquêtez, cherchez sur ses places: Y trouvez-vous un homme ? Y en a-t-il un seul qui défende le droit, qui cherche à être vrai ? Alors je pardonnerai à la ville », dit le Seigneur.
Quand ensuite la révélation en arrive à dépeindre le Serviteur de Dieu, celui qui est le véritable médiateur du salut, le Serviteur souffrant (Is 52-53), il est dit que lui, un juste, une seul suffit pour sauver tout le peuple. Non pas dix pour une ville, ni un pour une ville, mais même bien un pour le peuple tout entier !
Alors, quand ce Serviteur souffrant trouvera sa réalisation définitive dans le Seigneur Jésus, il sera L’UN POUR TOUS.
La descente commencée par Abraham est arrivée à sa dimension définitive : Il suffit d’un seul pour que tous soient sauvés. Mais il faut un juste qui soit « là », qui entre dans la réalité du mal et reste l’innocent, prenant sur lui les conséquences destructives du mal et les transformant en bénédiction.
4. La foi est mise à l’épreuve. La foi est éprouve parce que foi. Si elle n’était pas éprouvée, elle ne serait plus foi, parce que cela voudrait dire qu’il ne sert à rien de se fier, qu’il n’y a pas de rapport avec l’invisible, que Dieu est parfaitement à notre portée. Cela, Abraham l’apprend surtout avec la demande dramatique de sacrifier le fils de la promesse et du sourire, celui qu’il aime, Isaac. C’est le départ extrême d’Abraham, son « saut dans la foi » qui, en lui, vainc « le garda fort contre sa tendresse pour son enfant » (Sg 10, 5).
« Abraham est un homme qui par la foi entre dans la mort et la transforme en vie ; par la foi assume le mystère de l’apparente malédiction et, dans l’obéissance de la foi, transforme la vie mort en vie et la malédiction en bénédiction, devant ainsi la figure et l’anticipation très évidente du Seigneur Jésus ».
Moïse : Le Dieu miséricordieux se révèle en libérant, faisant alliance et pardonnant à ses enfants. Livre de l’Exode
Roberto Lanza

Dans la tradition biblique, le pardon est une des manifestations du mystère même de Dieu qui se révèle « miséricordieux ». Le livre de l’Exode, l’événement fondateur de la libération et de la foi du peuple d’Israël, met en évidence, de manière déterminant, cette miséricorde de Dieu : « J’ai vu la misère de mon peuple en Égypte et je l’ai entendu crier sous les coups de ses chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer » (Ex 3, 7).
Pour le peuple de l’alliance, la miséricorde Dieu est tout d’abord le fruit d’une expérience ; tout au long de son histoire, il a pris conscience que Dieu est une présence vive et que son amour est gratuit, qu’en Lui tout est grâce. L’être miséricordieux devient, donc, un aspect privilégié de l’être même de Dieu. Dieu reste fidèle à son engagement ; Son amour est un amour fidèle parce qu’Il ne peut pas se renier lui-même. Il y a, en fait, un lien entre l’amour et la fidélité : la miséricorde est avant tout cette fidélité de Dieu envers lui-même, fidélité envers sa parole qui est promesse.
C’est dans ce contexte de miséricorde que la figure de Moïse acquiert une importance fondamentale. Il représente l’effort de Dieu pour nous libérer continuellement, pour remettre en jeu notre authenticité et identité d’enfants. Il est l’homme qui se bat pour une cause juste, affronte les puissant, et sait encourager son peuple craintif et désobéissant.
Son audace, son courage, son tempérament de guide du peuple ont un secret : Moïse sait parler avec Dieu au point de venir un instrument de miséricorde.
Sur la montagne, Moïse reçoit la révélation du cœur de Dieu : « Moïse proclama le nom de « Seigneur » et le Seigneur passa devant lui et proclama: « Le Seigneur, le Seigneur, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute … » (Ex 34, 6). Israël, opprimé par les fautes et ayant rompu l’Alliance, ne peut pas prétendre avoir droit à la miséricorde de Dieu ; néanmoins, malgré ses infidélités, les prophètes l’invitent toujours à garder la confiance et l’espérance parce que Dieu est fidèle à lui-même, responsable et cohérent avec son propre amour : « Ce n’est pas à cause de vous que j’agis, maison d’Israël, mais bien à cause de mon saint nom que vous avez profané » (Ez 36, 22). Mais Dieu aime et use de miséricorde surtout dans un sens maternel ; Il est lié à l’homme par le même rapport qui unit la mère et son enfant : une relation unique, forte ; un amour particulier ; une exigence du cœur même de Dieu ; une tendresse gratuite, faite de patience et de compréhension : « Sion disait: « Le Seigneur m’a abandonnée, mon Seigneur m’a oubliée !  » La femme oublie-t-elle son nourrisson, oublie-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai jamais ! » (Is 49, 15).
Le Seigneur se présente comme Un en qui l’on peut avoir confiance : ici, sur la montagne, la libération est accomplie et la promesse réalisée : « Voici le signe que c’est moi qui t’ai envoyé: quand tu auras fait sortir le peuple d’Égypte, vous servirez Dieu sur cette montagne » (Ex 3, 12). C’est ce que Yhwh avait dit à Moïse dans le lieu du buisson ardent.
L’histoire même est Révélation : les événements et les expériences cèlent des enseignements et sont signes de l’intervention de Yhwh. « … Je vous ai faits venir jusqu’à moi » est le sens de tout l’effort de Dieu pour libérer les siens : c’est cette rencontre par lequel Il voulait se faire connaître et se lier à eux ; il s’agira, donc, d’écouter attentivement sa voix ; et, parce que cette voix parle d’« alliance », il faut « veiller » sur elle.
En fait, parfois on est porté à croire que l’expression « conclure l’alliance » indique un point d’arrivée, une situation définitive. Mais l’alliance est plutôt le début d’une histoire qui commence ; l’observer signifie la garder dans la vérité et dans la fidélité, en comprendre et vivre le sens, la valeur et la force, reconnaissant son épaisseur concrètement vitale pour l’existence de chacun de nous. Dans le cas de la relation entre Dieu et l’homme, la distance, la disparité est au maximum, mais cela n’empêche pas la constitution d’un rapport et encore moins l’amitié et la communion.
Dans le concept biblique de « berit » (alliance », l’initiateur (Dieu) est appelé à un engagement de fidélité absolue, irrévocable ; le destinataire, au contraire, reste plus libre, moins lié. En proposant ce genre d’alliance, Dieu révèle son choix de fidélité absolue qui ne vacille pas même quand l’homme trahit et livre à la partie adverse la liberté de le rendre.
L’alliance n’est donc pas un contrat mais bien une relation, un engagement, une manière de vivre ensemble, un rapport de personne à personne.
« … Si vous voulez écouter ma voix… » ce qui est demandé n’est pas un engagement forcé ; l’alliance s’accomplit dans la pleine liberté, elle est offerte à un peuple libre, et cette liberté se transforme en propriété de choix « … vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples » (Ex 19, 5).
Pour le chrétien, la nouvelle alliance, conclue dans le sang du Christ, conduit à une nouvelle relation avec Dieu : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14, 23). La nouvelle alliance est devenue une relation intime, personnelle, non plus écrite sur des tables mais dans le cœur ; toutefois, le principe de la liberté reste valide. Le caractère qui donne son originalité à cette relation est l’amour : on connaît bien les images sponsales dont les prophètes, et Osée le premier, se servent pour la rencontre, les fuites et les retours d’Israël à son Dieu.
L’initiative d’amour ne pouvait venir que de Dieu, dans la mesure où elle constitue une révélation de sens possible uniquement pour le Seigneur de l’histoire ; en fait, définissant la nature du lien qui l’unit à Israël, Dieu révèle l’essence même du peuple : l’être c’est-à-dire constitué comme objet par son amour ; l’alliance part de l’Être de Dieu, « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous l’entendrons » (Ex 24, 7b). Il ne pourrait pas y avoir d’affirmation meilleure pour résumer l’attitude du peuple de Dieu dans la parfait fidélité à son Seigneur.

La grande histoire de la miséricorde de Dieu passe par la petite histoire humaine.
Ruth la moabite

P. Aurelio Pérez, fam

La petite histoire que décrit le livre de Ruth, en quatre brefs chapitres, renferme un enseignement clé dans l’histoire du salut : le Seigneur fait de grandes choses avec des instruments les plus petits et parfois les plus impensables, comme le disait souvent Mère Espérance. Dieu « a construit la colonne vertébrale de l’histoire du salut ave des « lamelles de bois » » (Mgr Giuliano Agresti).
L’histoire émouvante de Ruth, mère d’Obed, père de Jessé, père de David, commence avec la description du malheur d’une famille de Bethléem de Juda : Elimélek, sa femme Noémi et ses deux fils, Mahlôn et Kilyôn sont obligés en raison d’une famine d’émigrer au pays de Moab, chez un peuple qui, au temps de l’exode, n’était pas venu à la rencontre du peuple de Dieu avec du pain et de l’eau et, pour cette raison, avait été catégoriquement exclu de la communauté du Seigneur (Dt 23, 4-7).
Elimélek meurt et les deux fils épousent des femmes moabites, Orpa et Ruth. Environ dix ans plus tard, Mahlôn (= « langueur ») et Kilyôn (= « consomption ») meurent aussi sans laissé d’enfants, et les trois femmes restent veuves et seules. Quand Noémie, ayant entendu que le Seigneur avait visité son peuple pour lui donner du pain (Rt 1, 6), décide de retourner en terre d’Israël, sa belle-fille Ruth décide de ne pas se séparer d’elle et de partager son destin jusqu’au bout.
Au milieu de ce drame familial brille la grande bonté des personnages, en particulier de Ruth, nom qui signifie l’« amie », qui vient donc dans une terre ennemie. La bonté (hesed) de Ruth révèle chez d’une étrangère le cœur de la Torah : l’amour envers son prochain fait de sentiments authentiques et de gestes concrets.
En regardant de près, nous pouvons percevoir dans ces personnages, qui semblent tirés d’une de ces nombreuses chroniques quotidiennes, la grande lumière que la Parole du Seigneur nous propose.

La Douce (Noémie), l’Amie (Ruth), le Fort (Booz) et le Serviteur (Obed)

Noémie se voit certainement comme Job : d’abord elle a perdu sa terre, ensuite son mari et puis aussi ses fils. Comme Job, elle se plaint et, de retour à Bethléem, elle dira :
Ne m’appelez pas Noémie (= « ma douceur ») ! Appelez-moi Mara ! Car le Puissant m’a rendue amère à l’extrême ! C’est comblée que j’étais partie, et le Seigneur me fait revenir démunie » (Rt 1, 20-21).
Mais, à la différence de Job, elle ne reste pas repliée sur son amertume : elle se lève et décide de retourner à sa terre (Rt 1, 6). C’est une force très grande et beaucoup de courage chez cette femme que sa belle-fille accompagne quand elle veut revenir en arrière, pour refaire sa vie. Le dialogue entre les trois femmes est un de plus émouvant de la Bible (Rt 1, 8-17). Une des deux belles-filles, Orpa (= « celle qui tourne le dos »), repart chez elle, alors que Ruth (= l’« amie ») répond à Noémie :
« Ne me presse pas de t’abandonner, de retourner loin de toi; car où tu iras j’irai, et où tu passeras la nuit je la passerai; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu mon Dieu; où tu mourras je mourrai, et là je serai enterrée. Le Seigneur me fasse ainsi et plus encore si ce n’est pas la mort qui nous sépare ! » (Rt 1, 16-17).
Dans l’élan de son amour pour sa belle-mère, Ruth, – comme Abraham – est partie de son pays « sans savoir où elle allait » (He 11, 8 ; cf. Gn 12, 1) ; elle a fait confiance et, sans avoir encore une foi explicite en le Dieu d’Israël, son amour la conduisit à « se réfugier sous ses ailes » (Rt 2, 12).
Ruth appartient au peuple moabite, sans parenté avec le peuple de Dieu parce que descendant de Lot, petit-fils d’Abraham, mais par une union incestueuse, après la destruction de Sodome et de Gomorrhe (Gn 19, 30-38). Moab se trouve à l’ouest de la Mer Morte. Donc, Ruth, l’« amie » étrangère qui « retourne » du pays de Moab avec Noémie, descendant dans la terrible et désolé dépression de la Mer Morte (environs 450 m sous le niveau de la mer), doit se souvenir de la destruction de Sodome et de Gomorrhe, et remontant vers le terre d’Israël et Bethléem (800 m au-dessus de la mer), est l’image de la réconciliation, du retour à Dieu de tous les « étrangers », « éloignés » et pécheurs, qui proviennent aussi des abîmes du mal les plus impensables.
« Elle est une simple créature qui se mettait en chemin, laissant derrière elle toute sécurité, poussée par l’amour, inconsciente de la pleine portée de ce qui la faisait partir. Inconsciente de la grâce qui opérait en elle, et que le Dieu d’Israël lui accordait, elle devenait un pont de bénédiction, un accord de pacification entre frères séparés, un lieu privilégié par lequel répandre la bénédiction jusqu’aux moabites, et avec cela à tous les peuples de la terre, aux éloignés et aux pécheurs … Dans son cœur aimant de femme en chemin, des peuples lointains et maudits retrouvaient la paix, en revenant avec elle des abîmes le plus profonds jusqu’au sein d’Abraham, au sein du père, lieu de bénédiction et de miséricorde (cf. Ps 68, 23 ; 87) ».
Booz (= « en lui est la force ») est « un notable fortuné » (Rt 2, 1) qui représente l’action forte du Seigneur qui protège, rachète et sauve. Mais il s’agit d’une force qui se manifeste dans l’amour. Booz a parlé au cœur de Ruth (Rt 2, 3) comme le Seigneur au cœur de son peuple (Os 2, 16), au cœur de Jérusalem (Is 40, 1-2). Booz, seul pour amour et sans en tirer aucun avantage, pratique ensemble le droit de rachat qui cherchait à éviter l’aliénation du patrimoine familial d’un hébreu pauvre (il est le go’el, « parent proche » Rt 2, 20 ; cf. Lv 25, 23-25) et la loi du lévirat ou du beau-frère qui prescrivait de donner une descendance à la place d’un frère ou parent défunt (Rt 3, 9 ; 4, 9 ss. ; cf, Dt 25, 5-10).
Booz aime Ruth, tut comme le Seigneur aime les créatures pauvres et sans défense et leur assure sa protection, les rachète de l’esclavage et les remplie de biens. En Ruth, nous contemplons à quel point le Seigneur s’attache à ses créatures lus vulnérables et faibles, jusqu’à conclure avec elles une alliance sponsale (Rt 3, 9 ; Ez 16, 8).
Masi la vie de Noémie et de Ruth est réellement rachetée par l’enfant qui naît et que l’on nomme Obed (= « serviteur »).
« Cela était signifiée en lui la force de Noémie, de Rut, de Booz, la beauté secrète de leur vie : le service. Le secret de leur succès fut d’avoir au cœur le bien de l’autre, plus que le leur, l’amour qui les animait et motivait leurs choix, un amour pur, qu’il ne fait pas de bruit, il ne crie pas, ni il lève le ton, ne fait pas entendre sa voix sur la place. Obed sera un des noms du Messie, le « serviteur » de Yhwh (Is 42,1-9; 49,1-7; 50,4-11; 52, 13 – 53, 12) … C’est vraiment de la chair d’Obed, fils de Ruth, l’amie, le moabite converti, que naîtra quelques siècles plus tard le Messie qui renoue les relations, pardonne, redresse et qui ne perd rien et personne. Le Messie, du sang en partie moabite, a reçu dans sa chair les signes d’une vocation universelle, ouverte au salut du monde. Maintenant, tous, étrangers et pécheurs sont atteints par la miséricorde. Dans le sang du Messie, versé sur la croix, il y n’a plus d’éloignement que ne puisse pas être comblé par l’amour (cf. Ep 2,11-19). C’est beau de penser que derrière l’œuvre de pacification du Fils crucifix, qui a détruit l’inimitié en sa propre personne, se trouve aussi la petite personne de Rut ».

Psaume 121 : « Ma confiance dans le secours de Dieu »

29 novembre, 2010

Spiritualite2000.com
   
Février 2005
 
http://www.spiritualite2000.com/An2005/Psalmiste/fev05.htm

Psaume 121 : « Ma confiance dans le secours de Dieu »

par Christian Eeckhout, o.p.

En février 2004, le frère Hervé Tremblay commentait le psaume 131, extrait du quatrième recueil du Psautier. En cet hiver 2005, il est bon de mettre à nouveau notre confiance totale en Dieu, tant il nous est parfois difficile de tenir dans les épreuves humaines. Tant est grande la pression de la société actuelle sur le besoin de sécurité…parfois bien illusoire en ce monde.

——————————————————————————–

Le psaume 121 appartient, lui aussi, à la collection des cantiques pour les montées (Ps 120-134), que les pèlerins chantaient en marchant vers Jérusalem aux trois grandes fêtes, ou que priaient les lévites en gravissant les degrés du Temple du Dieu d’Israël.
Nous verrons qu’il place l’accent sur Dieu comme étant vraiment le meilleur secours, un gardien sans faille qui mérite notre confiance pleine et entière.

Le Texte : Cantique pour les montées.

Je lève les yeux vers les montagnes : Mon secours, d’où viendra-t-il ?
Le secours me vient de Yahvé qui a fait le ciel et la terre.

Qu’il ne laisse chanceler ton pied ! qu’il ne dorme, ton gardien !
Vois, il ne dort ni ne sommeille, le gardien d’Israël.

Yahvé est ton gardien, ton ombrage, Yahvé à ta droite.
De jour, le soleil ne te frappe, ni la lune en la nuit.

Yahvé te garde de tout mal, il garde ton âme.
Yahvé te garde au départ, au retour, dès lors et à jamais.
Trad. © La Bible de Jérusalem

Commentaire :

« Les montagnes ». Oui, elles sont nombreuses au pays de la Bible, depuis le mont Sinaï au sud, jusqu’à l’Hermon et la haute Galilée au nord, avec les monts de Samarie et de Judée au centre de la région. Tout comme elles nous appellent à lever les yeux, elles veulent aussi élever l’esprit du croyant. Dans la pensée biblique, elles sont la marque d’une élévation spirituelle de l’auteur.  Les montagnes introduisent une parole de grande hauteur d’âme, une réalité spirituelle de haute importance.
De plus, dans la Bible, le Dieu qui fait route avec les siens comme un pasteur avec son troupeau est surnommé « le Dieu montagnard » (El-Shaddai) par les patriarches, ou encore « le Dieu très-haut » (El-Elyôn).
Le psalmiste précise de quel Dieu il s’agit pour lui : le seul secours de la créature vient de son créateur : le Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Un autre cantique des montées, le Ps 124,8 dira de même que le secours de la créature est dans le nom du Dieu créateur. Ce Dieu est écrit quatre fois au moyen du tétragramme YHWH qui est le nom propre du Dieu révélé, selon la tradition élohiste, à Moïse dans l’épisode du buisson ardent (Ex 3,13-14). Le nom caractérise l’être actif, efficace et dynamique qui est là pour sauver le peuple d’Israël, surtout lorsqu’il est opprimé dans sa liberté religieuse.
On parle tant de sécurité dans tous les domaines … mais concrètement, je peux toujours trébucher, ou même être surpris dans mon sommeil. Alors le psalmiste cherche la parade en ces occasions. Il nous appelle à voir que celui qui veille en permanence c’est celui-là qui protège son peuple : c’est « le gardien d’Israël » (v.4). YHWH garde Israël : cette réponse à la question initiale va être reprise quatre fois dans la seconde partie du cantique, utilisant le rythme graduel et devenant à nouveau très personnel.
En premier lieu, « Le Seigneur est ton gardien », là même où tu vis, quel que soit l’environnement astral et sa puissance, comme le chantait déjà le prophète Isaïe dans l’hymne d’action de grâce au Seigneur : « Car tu as été un refuge pour le faible, un refuge pour le malheureux plongé dans la détresse, un abri contre la pluie, un ombrage contre la chaleur »  (Is 25,4). Le livre de l’Apocalypse reprendra cette figure de l’ombrage contre les feux du soleil en parlant de la préservation des serviteurs de Dieu (cf. Ap 7,15-17).
Cette allégorie de l’ombre protectrice pour parler de la présence de Dieu se retrouve encore en Is 49,10. La présence située « à la droite », c’est-à-dire à la place favorable (cf. Ps 110,5), est déjà vue par le psalmiste pour parler de Dieu comme sauveur du pauvre au Ps 109,31 et comme guide et conseiller aux Ps 16,8 et 73,23.
En deuxième lieu, « le Seigneur te garde de tout mal » : ce qui revient à affirmer la protection contre tout ce qui s’oppose à Dieu. Dès lors que la confiance est placée en Lui, le mal ne peut gagner du terrain en nous.
Ensuite « Il garde ton âme », ton esprit, le souffle de vie, ta personne donc. Après le danger des astres et du mal externe, la protection s’étend au caractère interne, à l’existentiel, au fond de l’être. (Ps 121, 7b = Ps 97,10b).
Enfin, quels que soit notre parcours, les allées et venues, les déplacements en somme,
Pour le psalmiste confiant en Dieu, le Seigneur est celui qui garde ou protège en permanence, dans la durée des jours.
Le psaume 121 chante donc que contre le mal extérieur comme à l’intérieur, dans l’espace et dans le temps, le Seigneur veille, protège et garde la créature qui met en Lui sa confiance. C’est en même temps un appel à Dieu pour qu’Il protège les siens contre tout danger sur les chemins de pèlerinage.
Pour les chrétiens en route vers la Jérusalem du Ciel, pour les baptisés, temples de l’Esprit-Saint, il devient chant de bénédiction de Dieu sur la route de la vie conduisant au Royaume. Le psaume 121 se fait prière de confiance assurée au Christ, vainqueur du monde et du mal, qui nous dit : « Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! Moi, j’ai bel et bien vaincu le monde. » (Jn 16,33b). Ayant traversé l’épreuve de la croix, Jésus ressuscité est le vrai pasteur, le protecteur fidèle pour toujours.

Le psaume 121 dans la liturgie

Depuis la réforme du deuxième Concile œcuménique de Vatican, la liturgie place le psaume 121 dans la prière des vêpres du vendredi de la deuxième semaine, et le donne à entendre comme psaume responsorial au 29e Dimanche dans l’année (C). Mais ce qui est intéressant est qu’il est placé dans la messe à l’intention des réfugiés et des exilés, eux qui bien souvent n’ont plus que Dieu comme refuge (cf. aussi Ps 16,1) et en qui ils mettent toute leur confiance. Comme pour le psalmiste, le Seigneur restera leur bien suprême. Après l’exode d’égypte et le retour d’exil à Babylone, ce psaume 121 est approprié pour nombre de personnes qui vivent actuellement la vie d’exilé, de réfugié.
Ce psaume de confiance absolue au Dieu de l’univers permet enfin de faire un rapprochement avec la prière de toute l’assemblée à la conclusion de chacune des préfaces de la messe. Lorsque les fidèles entonnent le « Sanctus », ils prient  « Hosanna ! », ce qui signifie en hébreu : « Accorde le salut » (Ps 118,25a – v. 26 LXX –). Cette prière est reprise comme une acclamation mais elle est cri d’espoir et de confiance à la fois, lequel a été adressé à Jésus lors de sa descente du mont des oliviers devant Jérusalem (en Mt 21,9 ; Mc 11,9-10 ; Jn 12,13), juste avant sa Passion. Cette espérance présente et tournée vers l’avenir, Jésus l’honorera en osant lui-même l’offrir comme une prière de confiance toute filiale dans sa grande épreuve cloué en croix : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23,46b, qui reprend Ps 30,6a LXX).

En résumé

Grâce au psaume 121, nous pouvons dire ceci : Telle une fontaine de confiance positive surgie du fond de la terre, malgré les apparences parfois contraires, une déclaration, un cri ou un souhait de confiance illimitée du psalmiste envers l’existence de Dieu créateur est la réponse prépondérante à la question lancinante de l’origine du secours. Pour le croyant, « le gardien d’Israël » vient à la rescousse, en véritable bon Pasteur, c’est sûr. C’est là tout l’enjeu de la piété filiale.
Concluons avec la réflexion vigoureuse de saint Bernard : « Vous priez mal si en priant vous cherchez autre chose que le verbe, ou si vous ne demandez pas l’objet de votre prière par rapport au Verbe. Car tout est en lui : les remèdes à vos blessures, les secours dont vous avez besoin, l’amendement de vos défauts, la source de vos progrès, bref tout ce qu’un homme peut et doit souhaiter. » 

Psaume 122. Pèlerinage vers Jérusalem (dimanche 28 novembre 2010)

27 novembre, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-2266.php

Psaume 122. Pèlerinage vers Jérusalem

Hervé Tremblay

Finalement arrivé aux portes de Jérusalem après une longue marche, un pèlerin exprime sa joie d’entrer bientôt dans la cité de David et dans le temple de Dieu. Puis il exprime son admiration devant la ville magnifique, son attachement pour la cité, à la fois centre de la vie religieuse et de l’activité nationale. Finalement montent des prières pour la paix et la prospérité de la ville et de ses habitants, que le pèlerin étend à ses frères dispersés et au temple lui-même. Il faut se rappeler, en effet, que Jérusalem n’était pas seulement la capitale politique du royaume, mais qu’elle avait aussi une signification religieuse, tant les deux domaines étaient imbriqués pour les anciens. Le Ps 122 invite donc à une expérience de convivialité avec Dieu et avec d’autres croyants.
Selon le genre littéraire, le Ps 122 est généralement classifié dans les cantiques de Sion (on en compte cinq autres : Ps 46; 48; 76; 84; 87). Toutefois, à l’intérieur du psautier, il fait partie des 15 « chants des montées » ou « cantiques des degrés » (Ps 120–134), qui seraient des chants de pèlerinage chantés sans doute pendant la montée à Jérusalem (cf. Is 2,3; Jr 31,6; Ps 84). On a aussi suggéré qu’il s’agissait de chants de pèlerinage repris par des lévites placés sur les « quinze degrés » ou marches, de l’entrée du temple, ou encore d’une suite de chants pour couvrir « graduellement » l’ensemble des célébrations du pèlerinage.
Le texte du psaume comporte deux difficultés. Au v. 3b, on a littéralement : « qui est liée à elle ensemble ». On traduit habituellement : « ville où tout ensemble ne fait qu’un », « ville d’un seul tenant ». L’idée serait celle d’une ville bien construite où toutes les parties sont liées entre elles, qui associe tout en elle. On peut aussi comprendre, d’après les versions anciennes, qu’il s’agit de la cohésion des personnes (« où la communauté est une »). Au v. 6b, pour respecter le parallélisme avec le v. 7a (« Que la paix règne dans tes murs ») certains corrigent « paix à ceux qui t’aiment » par un mot semblable en hébreu « paix à tes tentes ».
La structure du poème, en trois strophes, est assez évidente. La première strophe (v. 1-2) oppose un hier (v. 1) à un aujourd’hui (v. 2). Quelqu’un, parti à Jérusalem avec un groupe de pèlerins après un cri de ralliement, exprime sa joie d’arriver enfin à destination. On y passe de la perception auditive (le cri) à la perception visuelle (la beauté de la ville). La deuxième strophe (v. 3-5) contient un approfondissement théologique sur Jérusalem symbole d’unité dans deux domaines : religieux d’abord, à cause du temple, lieu de rassemblement cultuel (v. 4) ; politique, ensuite, à cause du palais royal, lieu du pouvoir central (v. 5). La troisième strophe (v. 6-9) se répand en souhaits et prières pour le bonheur et la paix (v. 6-9).
Sur le plan littéraire, le psaume est un chef-d’œuvre. On note immédiatement la répétition de certains mots soulignant les thèmes centraux : « Jérusalem » (v. 2-3.6), l’adverbe « là » (v. 4-5), « à cause de » (v. 8-9), mais surtout la reprise des termes avec un complément différent : « tribus » (v. 4); « trônes » ou « sièges » (v. 5); « paix, prospérité » (v. 6-8). Aux v. 4-5 la séquence des formes est la même : adverbe, verbe, substantif redoublé pour l’emphase : « C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur. C’est là le siège du droit, le siège de la maison de David ». Ce n’est pas tout. Dans l’hébreu, il y a également des allitérations et des jeux de sonorité plutôt uniques (v. 4c; v. 4d-5a), surtout la cascade de syllabes chuintantes du v. 6 : « demandez » (sha’alu), « la paix » (shalôm), « Jérusalem » (yerûshalaïm), « que la paix règne » (yishlayû).
Le v. 1 du psaume s’ouvre sur la joie. En communion avec tous ses prédécesseurs, le psalmiste fait sien l’enthousiasme qui soulevait les Israélites à la pensée de voir Jérusalem et son temple (Ps 16,9-11; 27,4; 42,3-7; 43,3-4; 48,12; 84,2-8; Dt 12,18; 14,26; 1 Ch 12,41; 15,16.25; 2 Ch 30,21-26; Is 30,29; Jr 31,12-13; So 3,14-15). À l’annonce du pèlerinage qu’il va entreprendre, il se remémore les paroles des prophètes « Levez-vous et montons à Sion, vers le Seigneur notre Dieu » (Jr 31,6; cf. Is 2,1; 30,29). Dès le v. 2 le psalmiste s’adresse directement à la ville (« tes portes »). Sa marche dans la poussière et sous un soleil de plomb a pris fin, ses pieds foulent maintenant la terre sacrée. Au v. 3 le pèlerin admire Jérusalem solidement reconstruite, avec ses douze portes monumentales, remplie d’une nombreuse population. Pour un provincial habitué aux villages aux petites maisons isolées et sans ordre, c’est un émerveillement de découvrir l’ordonnance harmonieuse des habitations en pierre et des palais. Nous avons parlé du problème textuel de ce verset. Le verbe est au passif, qui pourrait être interprété d’un passif divin au sens où c’est Dieu qui a réalisé l’unité du peuple autour de la ville sainte. Mais rapidement cet enthousiasme esthétique s’élève au niveau des valeurs nationales et religieuses qu’évoque la ville. Elle est le signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple, le gage de sa prédilection, le centre des tribus où toutes viennent prendre conscience de leur solidarité et resserrer leur unité nationale. Le v. 4 évoque les tribus montant trois fois par année à Jérusalem, pour la Pâque, Pentecôte et la fête des Tentes (Ex 23,17; 34,23; Dt 12,4-14; 16,16). Le v. 5 parle des « sièges », une référence aux rois d’Israël qui jugeaient au nom du Seigneur tout citoyen faisant appel à eux (Dt 7,8; 1 R 3,7-11; 7,7; Pr 20,8; Ps 9; 43,1-3; 118,9-21; Is 11,3; 16,5; 26,1-3; Jr 21,12). C’est que, à côté du temple, résidence de Dieu, s’élevait le palais des rois, symbole de la dynastie davidique et représentation visible de la présence de Dieu sur terre. C’est pourquoi le psaume parle de la « maison de David », la dynastie choisie par le Seigneur qui a reçu les promesses divines (2 S 7; 1 R 12,28; 2 R 2,45; Ps 89,5.30.37; 132,11). Comme le psaume est probablement postexilique, les grandes traditions royales cèdent le pas à un messianisme plus spiritualisé. Depuis le retour d’exil, Jérusalem garde le trône vacant pour le nouveau David promis.
Dans un changement de tonalité assez net, la dernière étape (v. 6-9) se développe tout entière sous le mode volitif avec des prières et des souhaits. Le psalmiste s’adresse successivement aux autres pèlerins (v. 6a), puis encore à Jérusalem (v. 6b-9). D’autres ont supposé un dialogue entre un prêtre (v.6a.7a.8a) et les fidèles (v. 6b.7b.8b), terminé par la prière du prêtre (v. 9). Que rien ne vienne troubler le calme de la ville, de ses tentes, de ses palais et de ses murailles! En jouant sur l’étymologie populaire du nom de la ville (« cité / vision de paix »), le psalmiste souhaite paix et bonheur à la ville. La salutation s’exprime selon la formula bien connue: « Shalôm! Paix à toi! ». C’est un souhait non seulement d’absence de trouble et de malheur, mais encore d’obtention des biens les plus importants comme la santé et le bien-être (Gn 29,6; 43,7; 2 S 11,7; 2 R 20,9; Ps 84,5). En effet, la racine hébraïque signifie d’abord « intégrité » : que Jérusalem garde toujours son intégrité territoriale, morale, religieuse et politique. Il faut donc que la ville voit la réalisation intégrale de tout ce que signifie son nom, qu’elle demeure, à travers toutes les tragédies, la patrie de la paix où l’on vit en bonne entente dans l’amour du vrai Dieu. Une dernière considération achève de donner à ces vœux pour Jérusalem leur plénitude de sens, à savoir le rôle communautaire que la cité exerce à l’égard de ceux qui se recommandent d’elle. Jérusalem est la ville de tous. Le psalmiste étend ses prières à tous ses frères de race et de religion, à tous ceux qui participent au pèlerinage, à ceux qui ont dû rester chez eux, à ceux qui résident ailleurs dans le pays et même à ceux qui sont dispersés dans la diaspora.
La relecture chrétienne permet, pour une rare fois, une application littérale du psaume. En effet, la coutume des pèlerinages semble plus vivante que jamais : Rome, la terre sainte, Compostelle, Fatima, Lourdes, etc. Depuis des siècles, des milliers de pèlerins ont marché de grandes distances afin d’aller vers ces lieux significatifs où Dieu s’est manifesté au monde, signifiant du coup leur cheminement intérieur vers lui. Même s’il est vrai que « les vrais adorateurs adorent le Père en esprit et en vérité » (Jn 4,21), il reste que les hommes ont besoin de ces signes visibles qui pointent vers une autre cité et donnent un sens à leur marche vers elle.
Certains auteurs ont imaginé Jésus récitant ce psaume lors de ses montées à Jérusalem (Lc 2,41; Jn 2,23; 5,1; 7,2-10). Il faut noter spécialement Lc 19,41-44 qui joue aussi sur « Jérusalem » et « paix » (cf. Hé 7,2). À un autre niveau, le Ps 122 pointent vers l’Église, nouvelle fondation de paix. De même que Jérusalem signifiait l’unité de tout Israël, ainsi l’Église fait l’unité de tous les croyants en Jésus Christ. « Il a voulu tout réconcilier [...] en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1,20). C’est pourquoi tous les cantiques de Sion sont généralement interprétés de l’Église, Jérusalem nouvelle (Ap 21,2-27), que toutes les nations de la terre sont appelées à construire (Ép 2,20-22; Hb 12,22-24), où tout se tient uni par le lien de la charité (Col 3,14) et de la paix (Ép 4,3; Ph 4,7). On a aussi développer l’image de Jésus temple nouveau (Jn 2,19-22) ainsi que les textes apostoliques sur le temple vivant de Dieu composé des fidèles (1 Co 3,11-17; 1 P 2,5). Ainsi donc, si la motivation politique du Ps 122 est d’une application plus délicate dans le monde d’aujourd’hui, sa motivation religieuse, au service de l’unité, reste toujours valide.

Fr. Hervé Tremblay o.p.

Collège universitaire dominicain
Ottawa

Textes bibliques commentés: Psaume 63

23 novembre, 2010

du site:

http://www.taize.fr/fr_article170.html?date=2009-05-01

Textes bibliques commentés: Psaume 63

MAI 2009

Ces courtes méditations bibliques sont proposées pour soutenir une recherche de Dieu au cœur de la vie quotidienne. Il s’agit de prendre un moment pour lire en silence le texte biblique suggéré, accompagné du bref commentaire et des questions. On peut se réunir ensuite en petits groupes de trois à dix personnes chez l’un ou l’autre des participants pour un bref partage de ce que chacun a découvert, avec éventuellement un temps de prière.

Psaume 63 : Abondance dans le désert

Dieu, toi mon Dieu, je te cherche comme l’aube. Mon âme a soif de toi. Ma chair languit, terre de sécheresse, altérée, sans eau. Oui, au sanctuaire je t’ai contemplé, voyant ta puissance et ta gloire.
Meilleur que toutes vies ton amour, mes lèvres te loueront. Oui, je te bénirai en ma vie, à ton nom, je lèverai les paumes. Comme de graisse et de moelle se rassasie mon âme : lèvres de joies, louange de bouche.
Quand je me souviens de toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, car tu fus le secours pour moi. A l’ombre de tes ailes je crie de joie, mon âme reste très proche derrière toi. Ta droite me tient ferme.
Ceux qui cherchent mon âme pour la perte, qu’ils descendent aux profondeurs de la terre, qu’ils soient livrés à la main de l’épée, qu’ils deviennent la portion des chacals. Et le roi se réjouira en Dieu, dignes de louange ceux qui jurent par lui. Sera fermée la bouche des diseurs de mensonge. (Psaume 63)

Chaque être humain semble être travaillé à l’extrême par un désir d’absolu que rien ne peut totalement apaiser. Cette soif creuse un vide en nous qu’il est tentant de remplir par ce qui nous passe sous la main. C’est peut-être par peur de ce vide que nous en arrivons à nous intoxiquer nous-mêmes de trop de choses.
Refaire l’expérience du psalmiste au désert, redécouvrir que Dieu est celui qui donne soif est peut-être l’une des plus grandes urgences du moment. « Mon âme a soif de toi. » L’âme se dit en hébreu nephesh, gorge. L’âme en nous, c’est ce qui attend de recevoir le souffle de vie, la ruah. L’âme, c’est donc l’appétit de vie, la gorge déployée en attente. Il est paradoxal qu’un peuple qui a passé près de quarante ans dans le désert et qui a dû faire une expérience de la soif assez douloureuse, ait gardé ce même vocabulaire pour décrire la quête de Dieu. Et pourtant : Dieu se laisse chercher dans l’expérience du manque.
Fort heureusement, l’insatisfaction mène aussi à autre chose : le vide se remplit de la vision, de la contemplation : « Oui, au sanctuaire, je t’ai contemplé, voyant ta puissance et ta gloire. » Pourquoi David au désert parle-t-il maintenant du sanctuaire : nostalgie d’un temps révolu où il était tranquille à méditer dans la maison de Dieu ? Ou vision de la foi pour laquelle le désert lui-même devient le lieu de la présence de Dieu ? Cette deuxième interprétation ouvre des perspectives intéressantes : « gloire » se dit kavod en hébreu, qui se traduit aussi par « abondance ». Dans le désert, même si j’ai vraiment soif, j’ai trouvé ton abondance !
Cette « abondance » passe par la louange qui remplit la bouche du psalmiste : littéralement « lèvres de joies, louange de bouche ». Le double pluriel du début du verset marque encore plus le sentiment de recevoir la vie en proportions généreuses. Quel contraste entre ce verset et le début de la supplique ! Comment la sécheresse et l’infertilité ont-elles pu se transformer autant ?
Peut-être grâce à ce verset intermédiaire : « Oui, je te bénirai en ma vie ». Bénir signifie transmettre la vie. Autrement dit : par ma vie (bien vivante !), je te rendrai la vie que tu m’as donnée. Faire l’expérience de sa propre vulnérabilité, de la condition fragile de l’être humain, laisse de la place pour recevoir le don de la vie, puis pour le transmettre à notre tour. C’est tout l’échange qui se réalise dans la prière : je te rends ce que j’ai reçu de toi, et j’en suis heureux !
Après avoir expérimenté l’abondance de Dieu au cœur du désert, le psalmiste s’épanche en une louange émouvante où se succèdent des images maternelles soulignant la tendresse de « son Dieu » : « Mon âme reste très proche derrière toi » : c’est toi qui me précède, c’est toi qui affronte le danger pour moi. « A l’ombre de tes ailes je crie de joie », « car tu fus le secours pour moi ». « Secours » est un très beau mot : c’est celui qui décrit le rôle d’Ève auprès d’Adam ; c’est celui que Jésus a dû utiliser en disant à ses disciples : « je vous enverrai l’Esprit Saint qui sera pour vous un soutien et un consolateur. Il ne vous laissera jamais seul » (Jean 14,16).
Dans ce contexte qui paraît désormais apaisé, pourquoi finir sur l’évocation si dure des ennemis et des menteurs ? La Bible a cette honnêteté de ne jamais oublier que nous vivons dans un monde ou coexistent les ténèbres et la lumière. Cette liberté de ton envers Dieu est essentiel pour que la prière soit véritable. En Dieu il y a de la place pour tout recevoir, l’oreille de Dieu n’a pas peur d’écouter jusqu’aux paroles violentes. Reste à l’Esprit Saint, par un patient travail qui aboutira à la douceur du Nouveau Testament, de transformer l’ardeur de l’imprécation en pardon.

 Ai-je déjà fait l’expérience d’un vide intérieur ? Était-ce positif ou négatif ?
 L’insatisfaction et la louange peuvent-elles cohabiter ?
 « Trouver l’abondance au désert » : cela m’est-il déjà arrivé ?

Au désert comme au sanctuaire, une présence

22 novembre, 2010

du site:

http://www.spiritualite2000.com/page-133.php

CÉLÉBRER LES HEURES

1 février 2001

Au désert comme au sanctuaire, une présence – Psaume 62

Alain Gignac

S’il est un psaume que l’on connaît par coeur et que l’on croit comprendre à force de le répéter, c’est bien le Psaume 62 de la liturgie des Heures, repris au matin du dimanche de la première semaine et de toutes les Jetés. Un psaume familier, trop familier peut-être. Alain Gignac, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Montréal, nous invite à jeter un regard neuf sur ce texte à partir de la version de la Septante.

1. Psaume de David, lorsqu’il était dans le désert de Judée.

2.- Dieu, mon Dieu, devant toi je suis matinal ;
Mon être eut soif de toi,
Combien de fois ma chair (eut soif) de toi ?
En une terre déserte, sans chemin, sans eau.
3. Ainsi dans le sanctuaire je fus vu par toi
Pour voir ta force et ta gloire :
4. « Meilleure au dessus des vies est ta miséricorde,
Mes lèvres feront ton éloge ;
5. Ainsi je te bénirai en ma vie,
En ton Nom je lèverai mes mains ;
6. Comme si de graisse et d’huile mon être était rempli,
Aussi, lèvres d’allégresse, ma bouche louera. »
7. Si je faisais mémoire de toi sur ma couche,
Dans les matins je m’exerçais (méditant) sur toi :
8. « Ta devins mon défenseur,
Et je serai en allégresse sous la couverture de tes ailes.
9. Mon être fut soudé derrière toi,
Ta droite me saisit.
10. Eux, cependant, en vain cherchèrent mon être :
Ils iront vers (l’endroit) le plus bas de la terre,
11. Ils seront livrés aux mains du sabre,
Ils seront (les) parts des renards. »
12. Le roi cependant se réjouira en Dieu ;
Quiconque jurant sur lui sera digne d’éloge ;
Parce que la bouche de ceux qui disent des choses injustes fut obstruée.

Une version viable pour un nouveau regard

Le texte ci-dessus a de quoi étonner. Plutôt que de commenter la traduction liturgique française du psaume, faite à partir du texte hébreu, je propose une traduction qui colle à la version grecque, dite de la Septante. Cette antique version fut élaborée au 3e siècle avant notre ère par la communauté juive d’Alexandrie. Elle fût ensuite la Bible des premiers chrétiens. Elle est très proche du texte hébreu qui fonde le texte de nos bibles mais opère ça et là quelques glissements significatifs, Or, durant toute l’Antiquité et le Moyen-Âge, les chrétiens prièrent les psaumes à partir de cette version grecque ou de sa traduction latine, intégrée par Jérôme à sa Vulgate’. Encore aujourd’hui, la numérotation liturgique du psautier est celle de la Septante. ..
Plus que tout texte biblique, les Psaumes sont avant tout paroles, reprises et recontextualisées à chaque génération. Or, ce jeu de l’Écriture, actualisée au moment même où elle se fait Parole sur nos lèvres, est à l’oeuvre dans le Psaume 62 lui-même. Au fil des versets, pour peu qu’on soit sensible aux métaphores, aux contrastes et aux aspérités du texte, s’ouvre un horizon de compréhension qui se renouvelle sans cesse.

Péché d’interprétation par omission? (v. L et 10-11)

La traduction liturgique omet les versets 10 et II, ainsi que le verset l. Ce choix oriente la prière vers une contemplation individuelle, paisible et spiritualisante, plus universelle aussi. Toutefois, il nous prive d’une clé de lecture susceptible de renouveler la prière.
. Les versets 10-11 décrivent le combat du priant face à ses ennemis. Peut-on prier avec un sentiment de haine ? Oui, répond le psaume, il faut prier avec ce que nous sommes et ce que nous portons. Car la prière ne se limite pas à une relation « Je-Tu», «moi devant toi, mon Dieu ». Acte solitaire, face à l’Autre, la prière demeure néanmoins une référence aux autres. Ceux-ci y ont leur place, même (et surtout) si ces autres sont mes ennemis.
. Le verset l indique dans quel esprit l’éditeur du psautier priait le Psaume 62 : « Psaume de David, lorsqu’il était dans le désert de Judée ». C’est une invitation à relire les versets qui suivent à la lumière du Premier livre de Samuel, qui raconte les aventures de David (7 Samuel 22 – 30). Peu importe que David soit l’auteur du poème, et encore moins que cette notice soit historiquement vérifiée (ou vérifiable) ! La notice situe la prière au désert (v. 2), lieu du combat et de l’épreuve (v. 7-11), en tension avec le sanctuaire (v. 3), lui-même lieu de l’action de grâce émerveillée et volubile (v. 4-6). On le verra, cette alternance des deux lieux de la prière structure le psaume.
Bref, ces versets omis par la liturgie des Heures rappellent à Forant que la prière est ouverture sur l’altérité et combat. Cette omission n’est pas péché d’interprétation, mais elle-même actualisation du texte…

Le contraste entre tableaux (V. 2-8)

Au verset 2, David prend la parole. Au Néguev où il s’est réfugié, hors-la-loi et vagabond, le futur roi s’identifie à cette terre sans chemin et sans eau qui l’a accueilli – le mot désert encadre le paragraphe aux versets l et 2. Le psaume s’ouvre sur un paysage flamboyant, celui du désert à l’aube, lorsque la crainte et le froid disparaissent, que les couleurs s’illuminent et que la terrible chaleur se lève. Un cri jaillit, premiers mots de la prière que les autres versets ne font que développer : « Dieu, mon Dieu » – cri que l’on rencontre deux autres fois dans le psautier (21, 2 ; 42, 4). Cri inaugural, où l’être – l’âme qui est la personne en toute son intégralité et son intégrité – se réduit à un amas de chair (littéralement : de viande). La prière est un cri de finitude
Le verset 3 fait contraste, en une sorte de flash-back : « Dans le sanctuaire je fus vu par toi, pour voir ta force et ta gloire. » Là où la traduction de la liturgie des Heures présente un parallélisme (« je t’ai contemplé… j’ai vu ta force et ta gloire»), la Septante souligne un mouvement fort intéressant, qui est celui même de la prière, par un jeu de mots autour du verbe voir, conjugué au passif et à l’infinitif : je me laisse voir par Dieu, tel que je suis, et c’est ainsi que je peux le voir.
Les versets 4-6 aient ce qu’était la prière au sanctuaire. En opposition à la chair informe (v. 2), les mots décrivent un visage, avec ses lèvres et sa bouche, une personne complète, debout, les mains levées. Ici, l’être n’est pas assoiffé ou diminué, mais rempli de graisse et d’huile. La traduction liturgique, en rendant cette image par le mot festin, lui enlève sa connotation cultuelle. Or, c’est une référence aux sacrifices d’animaux. Dans le sanctuaire, il est facile de louer Dieu et d’offrir un sacrifice, tandis que dans le désert, quelle peut être la louange, et que peut-on offrir, sinon soi-même réduit à l’état de chair ?
Au verset 7, retour à la case départ, c’est-à-dire au désert. Le guerrier attend l’aube (clin d’oeil au v. 2), dans son campement de fortune. Les versets 8-11 citent ce que peut être la prière en ce lieu. Le vocabulaire est militaire : combat, droite, ont cherché, sabre. Nous ne sommes plus dans l’intimité du sanctuaire, mais dans l’inconfort de la guerre, perdus au sein d’un vaste espace sauvage où les animaux sont compagnons de l’humain, que ce soient les renards (v. 11) ou l’aigle, évoqué pour dire la protection divine (v. 8). Les versets 8-9 redisent en d’autres mots, car dans un autre contexte, la prière des versets 4-6. David, le chantre du sanctuaire, est devenu le proscrit persécuté par Saül et craignant pour sa vie. Métamorphose paradoxale de la présence divine.
Un mot pourtant unit les deux tableaux : l’allégresse. Dans la contemplation, Dieu était présent ; dans le combat, Dieu l’est tout autant. Dans les deux cas, l’allégresse est suscitée par la miséricorde, meilleure que la vie, et même que toutes les vies (curieux pluriel !), au-dessus d’elles (v. 4). Ce triple pléonasme marque une insistance. Or, la miséricorde apparaît comme une présence enveloppante (v. 8, « sous la couverture de tes ailes »), irrésistible et intime (v. 9, « Mon être fut soudé derrière toi, Ta droite me saisit »). Fait notable : si l’allégresse et la louange se conjuguent au futur, comme une nécessité à venir, la miséricorde se conjugue au passé, comme une certitude.

Une relecture de l’ensemble du Psaume (V. 12)

Le verset 12, peut-être parce qu’il semble hors d’ordre, est omis (lui aussi !) par la liturgie des Heures. Il se présente comme une conclusion moralisante ajoutée au psaume : celui qui prie et s’appuie sur Dieu est un exemple à suivre, car la prière ne peut s’enraciner dans l’injustice. On y reprend trois thèmes du psaume : la joie, la louange, le sort des ennemis.
Or, ce verset pourrait s’avérer une clé de lecture pour la prière. Je le comprends comme une actualisation de tout le psaume : « Le roi cependant se réjouira en Dieu ; Quiconque jurant sur lui sera digne d’éloge ; Parce que la bouche de ceux qui disent des choses injustes fut obstruée. » Formulation non exempte d’ambiguïté : on croirait entendre un programme de gouvernement et une critique du gouvernement, tout à la fois. Le roi sera fidèle à Dieu et juste… Ainsi sa prière pourra-t-elle être entendue, contrairement à celle de l’injuste. Ainsi le roi pourra-t-il être loué par ses serviteurs. Ainsi le serviteur fidèle à un tel roi sera-t-il à son tour digne d’éloge.
Quel est le lien entre l’expérience de David décrite aux versets 2-11 et ce programme politique ? Imaginons une liturgie royale, au Temple, conduite par un prêtre qui s’adresse au roi pour lui donner David en exemple. Le successeur de David ne peut déjà plus redire ce psaume à la manière du fugitif au désert. L’expérience spirituelle de David est transposée au plan politique, comme critère de validation de l’institution monarchique. Mais pour nous, c’est une invitation à écrire une suite au psaume, un treizième verset inspiré de notre vie.
Une invitation à nous souvenir des moments de contemplation qui ont fondé notre expérience spirituelle, alors même que la plongée dans l’action semble nous éloigner de cette expérience. Ma prière est souvent sèche et aride, mais elle doit alors se nourrir des moments intenses et privilégiés de jadis…
Une invitation aussi à accepter une sécularisation de la prière. La culture actuelle n’est plus soumise à un encadrement sacré, spatial ou temporel. Il est lointain ce temps où les Vêpres se célébraient en paroisse. La prière ne se vit plus seulement au sanctuaire ; au coeur du désert de la vie profane s’ouvre un nouvel espace sacré. Comment discerner et construire ce nouvel espace ? Peut-être est- ce la question la plus cruciale du 3e millénaire.

NOTE : « l . La Vulgate contient deux traductions latines des psaumes. Pourquoi ? Saint Jérôme voulait traduire la Bible en latin a partir de l’hébreu, texte originel et donc préférable, selon lui. Or, les chrétiens étaient si attachés a leur traduction latine de la Septante que Jérôme fut obligé de déroger à sa règle hébraïque et d’inclure dans son ouvre une version latine à partir de la Septante et une autre faite à partir du texte breu. »

Source : Revue «Célébrer les Heures». No 21, printemps 1999.

1...5678910