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PSAUME 22 ( Commentaire juifs – première partie)

19 juillet, 2011

du site:

http://www.hebrascriptur.com/Ps/F22.html

PSAUME 22

( Commentaire juifs – première partie)

Pour l’excellence vers la biche de l’aurore. Psaume de David.
Mon dieu, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Ils sont loin de mon salut les mots de mon rugissement.
Mon Dieu, j’appelle tout le jour, et tu ne réponds pas !
et la nuit, pas de repos pour moi !
Pourtant, toi qui es saint,
toi qui habites les louanges d’Israël,
en toi nos pères se confiaient.
Ils se confiaient et tu les libérais,
ils criaient vers toi et ils étaient délivrés :
ils se confiaient en toi et n’étaient pas confondus.
Mais moi…? une cochenille ! même plus un homme !
une réprobation de l’espèce humaine, un rebut de peuple.
Tous ceux qui me voient se moquent de moi ;
les langues se délient, ils hochent la tête :
« Il faut s’en remettre à . Il va le sortir de là,
il va le délivrer puisqu’il se complaît en lui. »
Oui, c’est toi qui m’as tiré du ventre maternel,
me confiant aux seins de ma mère ;
c’est à toi que j’ai été remis sitôt sorti des entrailles :
dès le ventre de ma mère, mon dieu c’est toi.
Ne t’éloigne pas de moi car l’angoisse est proche
et personne ne m’aide.
Des taureaux nombreux sont autour de moi,
de puissantes bêtes de Bashan m’ont encerclé ;
leurs bouches béent vers moi,
lion qui déchire et qui rugit.
Je me répands comme les eaux, tous mes os se disloquent, mon cœur est comme cire,
il fond dans mon corps ;
ma vigueur est desséchée comme un tesson, et ma langue collée à mes mâchoires.
Tu me réduis en poussière de la mort.
Car des chiens m’ont cerné, meute de malfaisants ! Ils m’ont ligoté,
comme le Lion, mes mains et mes pieds :
je vais compter tous mes os !
Eux me regardent ; ils se repaissent à ma vue.
Ils répartissent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi  ne t’éloigne pas,
toi ma force première à m’aider, hâte-toi !
Arrache mon âme à la désolation,
et mon unique à la mainmise du chien ;
préserve-moi de la gueule du lion !
Et, du front de la licorne, tu m’as répondu.
Je veux raconter ton nom pour mes frères,
en pleine assemblée je vais te louer !
Vous qui craignez  célébrez-le ; toute la descendance de Jacob glorifiez-le !
restez avec lui, toute la descendance d’Israël.
Car il ne méprise ni ne déteste l’humilité du pauvre, il ne nous cache pas son visage,
et quand on l’appelle, il écoute.
C’est de toi que vient ma prière en pleine assemblée.
J’accomplirai mes vœux en présence de ceux qui le craignent.
Les humbles mangeront et seront rassasiés ; ils loueront  ceux qui le cherchent.
Votre cœur vivra éternellement.
Toutes les extrémités de la terre feront mémoire de lui et se convertiront à .
Toutes les familles des nations se prosterneront devant ta face.
Car le règne est à  ;
c’est lui qui gouverne les peuples.
Ils mangeront et se prosterneront, tous les opulents du monde ;
devant sa face s’inclineront tous ceux qui adorent jusqu’à terre,
et sans que son souffle ait rien suscité.
Une descendance le servira ;
on parlera du Seigneur de cette génération.
Ils viendront, ils manifesteront sa justice
envers le peuple en train de naître, car c’est lui qui agit.
—————————

David, messie

Une exégèse du Psaume 22

Le Psaume 22 est au dénouement d’un long processus. Après l’introduction des Psaumes 1 & 2 qui annoncent la Torah du « Père invisible », après la longue suite d’épreuves jalonnée par la prière de David en psaumes de plainte ou de louange, le parcours mystique du chercheur de Dieu parvient ici au terme de sa nuit.
En abordant ce psaume, nous savons que l’aurore est proche. Celui qui a veillé toute la nuit, celui dont l’âme attend le Seigneur plus que les gardes n’attendent le matin, celui-là, mystérieusement averti, sait que la lumière va jaillir, que son lever est sûr : voici l’époux qui vient ! Il est urgent de s’y préparer, car il faut encore affronter le dernier combat de la nuit, le combat des terreurs et des doutes qui jetteront dans le désespoir et la fuite l’homme dont la foi est incertaine. Ce psaume est la prière de la dernière heure, le chant de David dans l’ultime épreuve jusqu’à la victoire. Prière avant l’affrontement, pour s’y préparer ; prière pendant le combat spirituel, jusqu’au lever du matin : “ tu m’as répondu ! ” ; prière dans la lumière du jour, enfin, alors que le roi marche en présence du Seigneur dont il devient le prophète et le témoin.
Le psaume est construit comme le seront plus tard les basiliques chrétiennes, en trois parties inégales, destinées à être parcourues de la même manière. La première, la plus petite, le verset 1 seul, c’est le narthex. Bien qu’il fasse partie de l’édifice, il est à l’extérieur ; son contenu est une catéchèse qui précède et prépare la liturgie. Ce verset correspond à la lettre aleph, première lettre muette d’un alphabet hébreu qui va dérouler ses 22 lettres de aleph à taw, du verset 1 au verset 22. Et ce sont les versets 2 à 22 inclus qui constituent la seconde partie, la plus vaste, le corps de l’édifice. David y pénètre très éloigné de Dieu ; il en sortira victorieux à l’issue de son combat spirituel, au terme d’un parcours initiatique jalonné par les 22 signes qui servent à écrire aussi bien qu’à compter, comme une litanie, symbole de tout ce qui est à faire, à vivre, à endurer dans la nuit mystique, avant la rencontre au matin. Puis, en passant du verset 22 au verset 23, on quitte la grande nef de l’édifice qui vient d’être parcourue en procession de pénitents, pour entrer dans le chœur, dans le saint des saints, dans la tente de la rencontre avec Yhwh. C’est là que Moïse parlait face à face avec Dieu, et que Dieu répondait à Moïse. Après s’être longuement adressé à Dieu sans obtenir de réponse, dans cette troisième et dernière partie du psaume, David va maintenant parler avec Dieu face à face.
Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné  ?
Le psaume s’ouvre avec cette question apparemment blasphématoire, une sorte de provocation. En effet, Yhwh l’a promis, il marchera lui-même avec toi, il ne te délaissera pas, « il ne t’abandonnera pas » (Dt 31, 6). Poser cette question c’est donc accuser Dieu de ne pas tenir sa promesse : c’est une faute grave. Comment David, même désespéré, peut-il à ce point pécher par manque de foi ? et nous laisser un écrit aussi scandaleux en tête de sa prière ?
En toute rigueur, pour qu’il y ait blasphème, il faudrait que le mot éli, « mon dieu », soit remplacé par le Nom, « Yhwh ». Mais David, même pour une raison pédagogique (les psaumes sont un enseignement par la prière), ne prononce pas en vain le nom divin. Il emploie ici le mot él qui signifie plutôt « force première », ou « puissance ». Cette force est distincte de Dieu ; elle est un don de Dieu, un attribut divin que David connaît bien :
Yhwh mon roc et ma forteresse, ma délivrance, « mon puissant » (éli), mon rocher, en toi je me confie. (Ps 18, 3)
Ce que David exprime ici pourrait se traduire en langage contemporain : « Yhwh est mon idole, mon dieu ! ». Il est vrai que ce mot él, issu d’une racine qui signifie « être fort, être le premier », se confond facilement avec Él qui est le nom abrégé de Dieu, Élohim. Mais ce nom abrégé, en dépit de son orthographe identique (quoique de prononciation légèrement différente), vient d’une autre racine qui signifie « adorer », et ne peut donc pas avoir le même sens. On observera en outre que si le mot éli, « mon dieu », est assez commun dans la Bible, le mot Éli, « mon Dieu », ne s’y trouve nulle part, car le nom abrégé Él apparaît exclusivement comme composante de certains noms. On peut donc être sûr que David ne confond pas ces deux mots, et que le sens de la question qu’il pose est bien : « Ma force, mon puissant, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
Ayant ainsi écarté l’interprétation fautive du blasphème, nous nous trouvons devant un autre problème : au lieu de s’adresser à Yhwh, comme les Hébreux ont appris à le faire depuis l’enseignement de Moïse, David invoque la puissance que lui donne Yhwh. L’erreur est peut-être moins grave ; elle est surtout très commune : quand nous entrons dans la prière, au lieu de chercher Dieu, nous recherchons les bienfaits qui viennent de lui. C’est lui qu’il faut prier. Invoquer une force, même reconnue comme venant de Dieu, c’est la prendre pour idole, tel cet insensé que dénonce Isaïe : il fait une idole (él) de sa sculpture, s’incline, se prosterne, prie devant elle et dit : “ sauve-moi car tu es mon dieu (éli) ” (Is 44, 17).
D’autre part, la question de David sonne comme une revendication. S’il n’accuse pas Dieu de l’avoir abandonné, il lui réclame des explications, sur cette force qui l’a quitté : « Pourquoi m’as-tu retiré ce bienfait ? » Ainsi, quel que soit le sens qu’il donne à sa question, il exprime, en la posant, une attitude qui ne peut que déplaire à Dieu et le faire fuir.
C’est pourquoi David commente : “ Loin de mon salut, les mots de mon rugissement ”.
Mon rugissement
Voici une forte aspérité du texte. Pourquoi David parle-t-il de son « rugissement », comme s’il était un lion ? Mais précisément parce que David est lion : il est le Lion de Juda. David est le premier roi de la tribu de Juda. Il est l’héritier du testament spirituel d’Israël (voir l’étude “ Comme le Lion ”), héritier de la bénédiction de Jacob à son fils Juda (Gn 49, 9) :
Lionceau de Lion, Juda. La proie, mon fils, t’a exalté.
Il s’abaisse, il se couche comme un lion. Et comme un léopard, qui le fera lever ?
Ce verset de la Genèse contient le secret qui conduira la descendance d’Abraham jusqu’à l’accomplissement de la Promesse. Dieu attend de l’homme cette attitude spirituelle symbolisée par le lion qui se couche dans la contemplation sereine, comblé par ce qu’il a reçu. Cette attitude s’oppose à celle du léopard qui se lève pour menacer, gronder, rugir, signes chez l’homme d’une revendication qui déplaît à Dieu. En exigeant des explications sur sa puissance qui l’abandonne, David n’est plus le Lion de Juda, mais le léopard qui rugit. Yhwh s’enfuit. Il ne va pas se révéler à qui revendique ainsi. David comprend. C’est pourquoi il nous dit que les mots de son rugissement éloignent le salut, car le salut ne vient que de Dieu.
En entrant dans ce psaume avec David, nous comprenons que notre propre entrée dans la prière nous trouve toujours très éloigné de Dieu. Nos préoccupations vont vers ce qui nous manque, vers les biens naguère reçus et aujourd’hui retirés. Nous devrions alors prier, comme Job, Yhwh a donné, Yhwh a ôté, béni soit le nom de Yhwh. Mais nous oublions même d’invoquer Dieu, de lui dire notre détresse. Comme nous et avec nous, David va vivre dans la prière notre éloignement du Dieu révélé. Il reproche maintenant à Dieu de ne pas répondre à ses appels (v. 3). Encore un rugissement ! Mais surtout, il ne dit pas « je t’appelle tout le jour », mais « j’appelle ». Qui David appelle-t-il ? Frappe-t-il à la bonne porte ? Au verset 2, il appelait « sa force » ; au verset 3, il dit « mon Dieu », avec le mot Élohim, qui veut bien dire « Dieu » mais qui n’est pas encore le Nom révélé à Moïse pour être invoqué par son peuple. Et tout ce que dit David, ensuite — toi qui habites les louanges d’Israël, toi qui libérais nos pères qui se confiaient à toi —, tout cela est vrai de Yhwh, mais non de l’élohim auquel il adresse ses plaintes. Qui oserait espérer séduire quelqu’un, ou l’émouvoir, en l’appelant d’un nom qui n’est pas le sien ? David a beau se plaindre de n’être pas écouté, d’être moins bien traité qu’un homme, il a beau déplorer la rebuffade qui le rend confus et cramoisi comme une cochenille, Yhwh ne répondra pas. Ce n’est pas à lui qu’on parle.
Pourtant Yhwh entend. Et il va lancer une bouée de sauvetage en donnant malgré tout une première réponse. Oh, très discrète, sous la forme d’une perche à saisir, une sorte de rappel à l’ordre sans frais. Ce n’est pas encore une réponse directe, car David est trop loin de Dieu pour comprendre son langage ; mais Yhwh va faire parvenir à son bien-aimé, assiégé par l’adversité, un message codé, à travers les lignes ennemies.
Il faut s’en remettre à Yhwh
David vient d’orienter sa récrimination vers ceux qui l’entourent. Ceux-ci le voient en difficulté, rouge de confusion devant le silence du Dieu qu’il invoque sans être entendu, et au lieu de lui venir en aide, ils l’enfoncent, se moquent de lui, bientôt se réjouiront de son malheur (v. 18). Pire, pour ne pas avoir à lui venir en aide, ils prétendent « s’en remettre à Dieu », au moment où David souffre précisément du silence de ce Dieu auquel il essaye maladroitement de se confier. Ils ironisent sur son nom, David, le « chéri » : Il va le délivrer puisque c’est son « bien-aimé ».
Pourtant, à travers ces frères qui nous apparaissent très coupables, Dieu parle à David, sans même que cette assemblée de détracteurs s’en aperçoive. Ne les jugeons pas ; ce n’est pas d’eux qu’il s’agit, mais de David. Quelles que soient leurs intentions, même mauvaises, ils viennent de citer la Parole, qui deviendra plus tard l’Écriture (Pr 16, 3), et cette parole est celle que Yhwh adresse à David, en cet instant précis. Elle lui dit qu’il faut s’en remettre à Yhwh, ce qu’il peut comprendre : « Pas à Élohim, ni à él ». Mais cette parole dit plus encore, car la forme verbale employée ici est un signe pour celui qui attend le Seigneur, et qui écoute. En effet, derrière cet infinitif impersonnel « il faut s’en remettre », David peut entendre la deuxième personne de l’impératif, « tu dois t’en remettre », dont la forme en hébreu, gol, est identique à l’infinitif. La suite de la phrase, dans laquelle on parle de lui à la troisième personne — une insolence de plus devant celui qui attend une aide —, confirme à David que cette deuxième personne de l’impératif n’est pas dans le propos de ses détracteurs. Mais c’est elle qui signe la Parole divine en réponse à celui qui cherche Dieu.

PSAUME 22 (Commentaire juifs – deuxième partie)

19 juillet, 2011

PSAUME 22

(Commentaire juifs – deuxième partie)

Le lait de ma mère
Ce neuvième verset contient une précieuse leçon spirituelle.
Il nous rappelle d’abord que ce Dieu, qui est toujours avec son peuple en dépit des apparences, nous devons l’invoquer par son nom, le nom qu’il nous a lui-même révélé à cet effet. Depuis les origines jusqu’à nos jours, en passant par David, l’homme ne peut accéder au salut qu’en invoquant le nom du Dieu qui se révèle à sa génération, pas un autre. Pour Abraham, Isaac et Jacob, Dieu se révèle sous le nom El Saddaï ; sous la conduite de Moïse, pour le peuple, ce Nom est Yhwh ; pour le chrétien, le nom du Dieu révélé est Jésus-Christ. Chacun doit invoquer le nom du Seigneur de sa génération, comme il est dit plus loin, au verset 31 de ce psaume. Toujours, et pour tous, c’est le seul nom par qui nous puissions être sauvés.
Ce verset nous rappelle ensuite que la Parole est toujours transmise par nos frères. Le juif est nourri de la Torah au sein de la grande assemblée, celle-là même à laquelle David va parler plus tard dans sa rencontre avec le Seigneur (vv. 23 et 24) ; le chrétien, lui aussi, se nourrit de la Parole au sein de l’Église. Et ce verset nous dit encore que l’assemblée des frères, cette ecclésia, même au plus noir de son péché, nourrit toujours ses fils de la véritable nourriture divine, quelles que soient ses intentions. Car elle ne parle pas d’elle-même mais sous l’inspiration divine, et le plus souvent, comme ici, à son insu. C’est pourquoi, si David appelle Sion « ma mère », le chrétien nomme aussi l’Église « ma mère », car c’est toujours au sein de cette mère, même indigne, que Dieu nourrit son peuple du lait de sa Parole.
Les deux versets qui suivent viennent le confirmer. En première lecture, nous comprenons que David y remercie Yhwh de l’avoir aimé dès sa naissance, d’avoir toujours été pour lui un Dieu attentif et tendre. Le changement de ton est spectaculaire : on est passé de la récrimination à la reconnaissance, du rugissement à la contemplation. Nous comprenons que David a fait son profit de la leçon reçue au verset 9. Le revirement n’est pas explicité, mais il se découvre dans la place étrange du petit mot qui ouvre le verset 10, le mot « car », qui introduit généralement, comme en français, une explication destinée à éclairer le sens de ce qui précède ; or la gratitude exprimée par David à l’égard de sa mère est sans rapport avec ce que viennent de dire ceux qui se moquent de lui. À moins, précisément, de voir dans leur propos la Parole qui vient de lui être rappelée, parole qui provoque un retournement dans son esprit et entraîne sa conversion, son retour à Dieu.
Malgré les apparences, ce n’est pas le lait de sa mère physique que célèbre David, mais le lait de sa mère spirituelle, dont il fait mémoire et pour lequel il rend grâce. « Heureuses les mamelles qui t’ont allaité » dira-t-on à Jésus ; « heureux plutôt, répondra le fils de David, celui qui entend la Parole de Dieu et qui la garde ».
Après avoir été nourri de la Parole, le psalmiste a changé de ton. Les trois versets 10, 11 et 12 deviennent une prière beaucoup plus juste. David a entendu le nom de Yhwh prononcé par la bouche de l’assemblée, si bien que le « toi » du verset 10 ou l’imploration du verset 12 ne s’adressent plus à la même divinité que les plaintes du verset 4. Cependant, malgré cette réorientation vers le Nom qui sauve les fils d’Israël, ce Nom n’est pas encore prononcé par la bouche même de David. Quelque chose le retient encore de reconnaître que tout vient de Dieu, quelque chose qu’il croit lui appartenir en propre, mais qu’il va devoir abandonner dans le combat spirituel qui s’ouvre maintenant.

Le combat spirituel
Des taureaux nombreux sont autour de moi…
En première lecture, nous voici ramenés vers ceux qui font cercle autour de David ; ils sont présentés comme des ennemis, symbolisés par un bestiaire hostile allant du taureau au chien et au lion, meute que nous voyons sur les sept versets qui décrivent cette mise à mort, faire endurer les pires tourments à leur prisonnier. Cependant, au centre du passage, les seuls mots adressés à Dieu, « tu me réduis en poussière de la mort », témoignent de ce que David n’accuse nullement ceux qui l’entourent, mais au contraire, comprend que Yhwh lui-même est à l’origine de cette épreuve à laquelle il est soumis. Comme autrefois son père Jacob, David traverse le gué du combat spirituel ; c’est le lieu de purification, où Dieu paraît affronter l’homme sous les traits de l’ennemi, semble vouloir noyer l’âme et broyer le corps de celui qu’il va bénir. On en ressort brisé, en effet, boitant peut-être comme Jacob, mais trempé d’une force nouvelle, la force du « lutteur de Dieu », Israël. C’est pourquoi David, qui connaît le sens de cette adversité, bénit déjà celui qui réduit en lui le « vieil homme » en poussière de la mort, comme autrefois Jacob bénissait l’Envoyé qui l’avait délivré de tout mal (Gn 48, 16).
Mais il faut approfondir cette lecture, y pénétrer pour découvrir en quoi le combat que Dieu paraît imposer à David ne relève nullement de l’arbitraire divin, mais bien de l’indispensable purification qui arrache l’homme déchu à l’emprise du mal. Il faut pour cela nous laisser guider par les bizarreries du texte.
Ce qui surprend en premier lieu, c’est la manière dont ces taureaux « menacent » David. On doit certes se méfier de ces animaux puissants, surtout s’ils sont nombreux, mais que peut-on bien redouter de leur bouche béante ? et pourquoi les comparer à la gueule du lion ? Les taureaux sont des herbivores ; il faut craindre leur charge, leur front, leurs cornes ; mais leur bouche est inoffensive. À qui fera-t-on croire que David craint la bouche d’un taureau ? Par ailleurs, on sait que le Bashan était une région fertile, propice à l’élevage (Dt 32, 14 ; Éz 39, 18 ; Mi 7, 14), et que les taureaux venus de cette région étaient les plus beaux. On connaît également le rôle important du taureau dans le sacrifice offert par Israël à Yhwh (Ex 24, 5 ; 29, 1 etc). Alors, comment ne pas voir que ces superbes animaux, choisis parmi les plus puissants de la plus belle race, sont les offrandes sacrificielles que le roi David a fait monter en holocauste pour Yhwh ? et comment ne pas comprendre que ces offrandes, autour du roi, lui font une ceinture prétendant au mérite ! Ces bouches grandes ouvertes, loin de menacer qui que ce soit, réclament leur récompense. Voilà pourquoi elles sont comparées à la gueule du lion : ce sont elles qui rugissent la revendication du Lion de Juda, pour soi-disant « services rendus à la divinité ».
Mais on n’offre pas de sacrifice à Dieu pour acheter ses faveurs. C’est la miséricorde qui plaît à Dieu, et non le sacrifice. David comprend tout cela en disant ces deux versets, et il découvre en même temps l’œuvre salutaire du Seigneur en lui. « Je me répands comme les eaux » dit le sens étymologique du mot Yabboq, nom de ce gué où Jacob combattit l’Envoyé de Dieu ; « tous mes os se disloquent » évoque, bien sûr, la hanche luxée de Jacob, mais traduit plus généralement l’élimination, toujours douloureuse en raison de notre résistance, des obstacles que nous dressons inconsciemment entre Dieu et nous. Quand au cœur qui fond comme cire, c’est le cœur brisé, la miséricorde qui plaît à Dieu, au lieu du sacrifice. David nous explique ensuite que si Yhwh fait mourir en lui (v. 16b) ce « vieil homme », c’est à cause de tous ces sacrifices qui formaient autour de lui une meute de chiens malfaisants (v. 17), lesquels, comme de bons chiens de garde, aboient pour empêcher quiconque d’approcher leur maître et roi, interdisant l’entrée à Dieu lui-même. Car Dieu ne viole pas les consciences : devant celui qui refuse, il attend. Mais le « roi » enfermé à l’intérieur de cette barrière cesse d’être roi. Il est ligoté, les pieds et les mains, impuissant à rien faire. Il n’est plus le Lion, mais une chose inerte, privée de vie. Et tout autour de lui on se repaît de le voir (v. 18).
Il faut abandonner nos prétentions. Mes sacrifices ne me sont d’aucun mérite car, nous le constaterons bientôt, c’est toujours Dieu qui agit, qui fait tout. Alors David abandonne ses prétentions, il renonce à se prévaloir de ses sacrifices offerts. Il compte tous ses os, c’est-à-dire qu’il découvre, l’un après l’autre, tous les obstacles qu’il avait mis entre Yhwh et lui. Si l’on ne craint pas l’image un peu facile, on dira qu’il jette tous ces os aux chiens… Et la scène s’achève sur la vision d’un homme nu, donc vrai et libre, ayant renoncé à ces vêtements qui n’étaient pas lui-même. Alors, alors seulement, la prière de David devient celle du juste.

La prière
Cette prière en trois versets (vv. 20 à 22) suit le combat spirituel ; elle répond en chiasme
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Chiasme
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 Le chiasme est une figure de style dans laquelle les mots sont disposés symétriquement autour d’un centre en deux groupes qui s’opposent. Exemple: Brave comme un lion au dehors, chez lui doux comme un mouton.
La Bible hébraïque utilise fréquemment le chiasme. Les symétries entre les mots, de part et d’autre du centre, déterminent des correspondances appariées qui sont des guides pour comprendre le sens du texte.
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à la prière de trois versets (vv. 10 à 12) qui précédait le combat spirituel. Mais quelle transformation !

David maintenant, pour la première fois dans le psaume, invoque le Nom en le prononçant de ses lèvres, et il reconnaît que c’est bien lui, Yhwh, qui est cette « force première » dont il déplorait l’absence. C’est maintenant à Yhwh qu’il demande de ne pas s’éloigner, et non plus à « sa force » ou à « son dieu » comme avant le combat. Remarquons encore que s’il constatait alors avec amertume que personne ne l’aidait, maintenant il demande l’aide de Yhwh. Invoque-moi au jour de détresse, dit Yhwh dans un autre psaume, je te délivrerai, et tu me rendras gloire (Ps 50, 15). Alors David invoque Yhwh ; il demande à être délivré de la mainmise de ce « chien », que par erreur il avait pris pour défenseur de ses intérêts. Il appelle : Préserve-moi de la gueule du Lion, c’est-à-dire préserve-moi d’être ce Lion qui rugit.
Et du front de la licorne tu m’as répondu !
Quel magnifique témoignage ! qui soudain éclaire le texte entièrement, et transforme le psaume en action de grâce. Ce qui jusqu’alors pouvait passer pour un enchevêtrement de plaintes et de désespoirs, difficile à comprendre ou à suivre, tout à coup s’illumine : David vient de nous raconter comment son Seigneur, dont il s’était éloigné dans un bourbier d’orgueil ou de prétentions, l’a délivré de tout mal et l’a conduit jusqu’en sa présence. Mais quelle présence ? Où donc était Yhwh quand il a permis à David de le rejoindre ? — Dans “ le front de la licorne ”. L’image, encore, est issue du bestiaire ; mais c’est l’image d’un animal dont la corne, loin de menacer, une et profonde, symbolise la pureté morale, la force et la vérité de l’esprit libre. Libre de cette liberté nue et sans défense qui s’oppose à l’esclavage des chiens, et forte de cette innocence de l’amour qui désarme la puissance des taureaux.

Le témoin
Je vais raconter ton nom à mes frères…
C’est exactement ce que David vient de faire. Dans ces vingt-deux premiers versets, il nous a raconté comment l’invocation du nom du Seigneur l’a conduit jusqu’en sa présence. Dans la dernière partie du psaume, il témoigne maintenant de sa rencontre face à face avec son Seigneur qui lui « a répondu » (verset 22). Il ne dévoilera pas le contenu de la rencontre, car ce contenu n’a de sens que pour lui : c’est le secret du roi. Ce que nous allons maintenant recevoir de David, c’est le trop-plein, le débordement, les miettes du festin qui tombent de la table de la rencontre, cette table — il nous le dira au psaume suivant, le Psaume 23 — que pour lui le Seigneur a dressée face à ses adversaires (Ps 23 verset 5). Pas davantage David n’agit-il sur ordre du Seigneur. Son témoignage n’est pas une mission de commande ; c’est un débordement de vie, qui non seulement ne lui coûte rien d’un devoir, mais au contraire exprime toute la joie de ce qu’il vit ; c’est une explosion impossible à contenir : « Écoutez mes amis, je vais tout vous raconter… » Ce témoignage n’est même pas une action de David, c’est une action de Dieu, comme il nous le dira au début du verset 26 ainsi que dans le dernier mot du psaume : c’est Dieu « qui agit ». Enfin, après avoir débordé dans l’espace, du sein de l’assemblée des frères jusqu’aux extrémités du monde, ce témoignage va aussi déborder dans le temps, et devenir, sous l’ivresse de l’Esprit qui l’inspire, la prophétie de David sur le peuple qui vient, sur le peuple qui va naître de cette rencontre entre l’homme messie et son Seigneur, ce Dieu qui le choisit.
Au sein de l’assemblée qui entoure David chacun va recevoir (au verset 24) une parole selon ses besoins, comme autrefois chacun reçut son nécessaire de la manne, pain du ciel tombé en miettes de la table divine.
— Vous qui craignez Yhwh, célébrez-le ! C’est la moindre louange au Seigneur, demandée à ceux qui ont peu reçu mais qui, de bonne volonté, craignent son Nom.
— Descendants de Jacob, glorifiez-le ! car vous êtes héritiers de ces hommes que guide et que protège le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; vous savez tout ce qu’il a fait, pour eux, pour Abraham et sa descendance, pour vous ; vous savez le poids de son action, la gloire à lui rendre, alors glorifiez-le.
— Et vous descendance d’Israël, vous qui avez connu, comme votre ancêtre Jacob à la traversée du Yabboq, l’affrontement du combat spirituel ; vous qui en avez reçu comme Jacob la force du lutteur de Dieu-Élohim, isra-Ël, restez avec Yhwh, persévérez à tout recevoir de Yhwh.
Le poids de cette recommandation est à la mesure de l’expérience que David vient de nous raconter : le Dieu qu’il faut célébrer, glorifier, invoquer sans jamais le quitter, c’est Yhwh, c’est-à-dire le Nom de Dieu tel qu’il s’est lui-même révélé à vos pères. Ne cherchez pas ailleurs.
Et David met en garde l’assemblée contre des apparences toujours défavorables (v. 25). Même si Yhwh paraît faire la sourde oreille, il n’en est rien. Il écoute, il ne cache pas son visage, car il ne méprise ni ne déteste l’humilité du pauvre (v. 25). Gardons-nous de voir ici la moindre litote : Dieu ne « préfère » pas les pauvres, puisqu’il ne fait pas acception des personnes ; en effet, ils mangeront tous, les opulents du monde qui s’inclinent devant sa face (v. 30) aussi bien que les pauvres, du moment qu’ils sont humbles (v. 27). Nous apprenons ainsi que David n’a pas été exaucé par préférence accordée au roi, même « chéri de Dieu », mais pour son humilité. Et ce que dit le roi nous confirme que si sa prière initiale n’était pas entendue, c’est bien parce qu’elle était dépourvue de cette humilité indispensable à la rencontre avec Dieu.

Le prophète
Le verset 23 nous met en présence de trois « personnes » : David, Yhwh (le Seigneur), l’assemblée. Certes, ce ne sont pas trois personnes de même nature, mais cependant trois « personnes » qui par leur dialogue, par les noms et les pronoms employés, et bien sûr par le contenu de ce qui se dit, vont nous révéler une part de leur mystère.
David. C’est le même David qui parle dans ce psaume, non seulement dans les dix versets qui viennent, mais aussi dans les vingt-deux versets écoulés. Pourtant, il change de lieu et d’identité. Avant, il était l’homme pécheur, séparé de Dieu par l’aveuglement de sa prétention, et séparé aussi de l’assemblée des frères qui loin de l’entourer de leur communion le cernent de leurs moqueries. Maintenant, grâce à la conversion opérée dans son combat spirituel, il est en présence de Dieu. David est maintenant couronné roi et messie, face à son Seigneur avec qui il parle comme un homme à un autre homme, dans ce « Je — Tu » des versets 23 et 26a et dans le « Toi » du verset 28b. En même temps, il est redevenu le roi pour l’assemblée qu’il appelle maintenant « mes frères » (v. 23), et dont il est solidaire puisqu’il leur dit « nous » (v. 25) sans pour autant se confondre avec eux (qui ne sont pas en présence de Dieu) lorsqu’il leur dit « vous » (vv. 24 & 27). À la fois avec eux comme l’un d’eux, mais distinct d’eux puisqu’auprès de Dieu, il est leur médiateur, celui qui prépare la rencontre du peuple avec Dieu.
L’assemblée. Avant le verset 22, l’assemblée était réduite — aux yeux de David et aux yeux du monde — à quelques passants hostiles ; maintenant, elle est devenue « mes frères » (v. 23a) et très vite s’élargit à « la pleine assemblée » (v. 23b), c’est-à-dire, au delà de la descendance de Jacob et d’Israël, à tous ceux qui craignent Yhwh (vv. 24a & 26b), à ceux qui le cherchent (v. 27a), et même à tous les peuples (v. 29b) des extrémités de la terre (v. 28a), à toutes les familles des nations (v. 28b). Pour accompagner cet élargissement, la voix de David va s’adapter. S’il s’adresse d’abord à la communauté proche avec le « nous » du verset 25, inclus de façon sémitique entre les deux « vous » des versets 24 et 27, son adresse s’élargit bientôt au monde lointain, « ils », « eux », « ceux qui », sans pour autant rien perdre du face à face avec Yhwh, comme en témoigne ce « ta face » du verset 28 (et non « sa face ») après mention de toutes les extrémités de la terre. Alors, David n’est plus seulement le roi, et le médiateur, il est le prophète de Dieu pour toutes les nations.
Yhwh, le Seigneur. Le Seigneur Dieu est la « personne » référence par rapport à laquelle les deux « personnes » précédentes évoluent, avancent dans l’Histoire. On notera que le Seigneur est resté impassible d’un bout à l’autre du psaume, invisible et silencieux ; et pourtant, d’un bout à l’autre, c’est lui qui agit. Quand l’homme est loin de Dieu, c’est son Esprit qui inspire à l’assemblée, à l’ecclésia, la Parole qu’il faut souffler à l’homme égaré (verset 9). Il agit là en tant que Paraclet, comme le fera plus tard le paraqlita de la liturgie synagogale chargé de réciter les Écritures. Pendant le combat spirituel, c’est encore l’action divine qui transforme et purifie David. Et maintenant que le roi est entré dans la contemplation du mystère divin, sa prière vient encore de Dieu (v. 26). Ce n’est donc pas David qui parle mais bien Yhwh lui-même, par la bouche de son messie devenu prophète de Dieu pour la communauté des hommes.
Le roi médiateur et prophète nous dit alors tout ce que son Seigneur fait pour les hommes qui invoquent son nom : il écoute (v. 25) et nourrit les humbles, les rassasie (v. 27), et lui seul règne et gouverne les peuples (v. 29). Ceci ne concerne pas uniquement la génération de David mais aussi la génération qui vient, le peuple qui va naître. Quelle que soit leur génération, ceux qui cherchent le Seigneur auront sujet de le louer (v. 27), pour sa justice, car c’est toujours lui qui agit (v. 32).

L’alliance et la famille au travers de l’Ancien Testament

2 juillet, 2011

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L’alliance et la famille au travers de l’Ancien Testament

Ronald BERGEY*

I. Alliance et famille
La « famille », dans l’Ancien Testament, est une « maison » (bayit) et « fonder une famille » se dit « construire une maison » (banâh bayit; Dt 25:9; Né 7:4)1. Une maison est aussi solide que ses fondations. La famille n’échappe pas à cette règle. La famille vétérotestamentaire est fondée solidement sur l’alliance établie par Dieu entre lui et son peuple. Dans la relation d’alliance, la famille est revêtue de son caractère particulier, ce qui permet de dégager son rôle primordial au sein d’Israël.
Dans la liste habituelle des mandats législatifs créationnels en Genèse 1 et 2, les première et septième ordonnances vont de pair2. Les deux se rapportent à la famille. La position de ces ordonnances, au début du canon des Ecritures, indique la prééminence de la famille au sein de la société3. Elle en est la pierre angulaire.
La première ordonnance, le premier des 613 commandements, a trait à la procréation: « …Soyez féconds, multipliez-vous… » (Gn 1:28) Cet ordre est donné à l’humanité (‘adam), créée bisexuée, « mâle et femelle » (zakar ûneqébâh 1:27)4. Ceci montre que la vie humaine doit normalement se transformer en vie de famille. La bénédiction divine, qui précède ce mandat (« Dieu les bénit et Dieu leur dit… »), dote ce couple de la capacité de la réaliser. Le reste de la Genèse en est la preuve. Ce livre, depuis les récits de la création jusqu’à la fin des histoires des Pères fondateurs du peuple de Dieu, est divisé en dix tôlédôt, à savoir dix sections introduites par « voici des engendrements… » ou, plus couramment, « voici la postérité de… ». Il s’agit de la métamorphose continue de l’humanité, mâle et femelle, en parents d’enfants.
La septième et dernière ordonnance créationnelle postule que: « …l’homme (‘îsh) quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme (‘ishâh), et ils deviendront une seule chair. » (2:24) En réalité, cette septième ordonnance aurait pu être la première puisqu’elle suit l’exclamation d’Adam à l’instant même où la femme se trouve à ses côtés: « C’est l’os de mes os, la chair de ma chair… » (2:23)5 Ce mandat reflète une société déjà bien développée et organisée en famille. Il stipule sa permanence et son évolution à partir de la vie conjugale, de l’union de l’homme et de la femme, voire l’union physique par laquelle les deux deviennent une seule chair (basar ‘ehad)6. Les première et septième ordonnances font un ensemble puisque c’est par cette union que la bénédiction divine de fécondité se concrétise.
Ces deux mandats posent les fondements de la famille et la revêtent de son caractère allianciel. Ces prescriptions elles-mêmes ainsi que la bénédiction qui précède l’une d’elles sont des éléments constitutifs, entre autres en Genèse 1 et 2, d’une alliance7. Puis, dans tous les codes légaux de l’alliance mosaïque, elles font l’objet de législation régissant la vie conjugale et familiale8. La mise en pratique de ces lois amène sur la famille et sur la terre les bénédictions divines rattachées à l’alliance; la famille croît et les récoltes abondantes la font vivre (Lv 26:4-5, 9-13; Dt 28:4-5, 9-10). La bénédiction la plus tangible et désirée, mis à part une longue vie sur la terre, est celle d’une famille nombreuse (Lv 26:9; Dt 28:4; Ps 127:3; 128).
Ce caractère allianciel de la famille est appuyé par ailleurs: le mariage, le début de la vie familiale, est qualifié « alliance ». Malachie, qui commente la « seule [chair] » de Genèse 2:24, parle de « la femme de ton alliance »9. En Ezéchiel 16:8, le Seigneur dépeint les débuts de son rapport d’alliance avec son peuple en langage de mariage: « J’étendis sur toi le pan de mon manteau, je couvris ta nudité, je te fis un serment, je contractais une alliance avec toi… et tu fus à moi. »10 Les expressions « étendre le pan d’un manteau sur » et « couvrir la nudité » évoquent les coutumes du mariage. L’expression « être à » quelqu’un signifie « être l’épouse de » ou « se marier avec » (Dt 21:13). Ce mariage est scellé par un serment, une alliance faite par l’époux, le Seigneur, avec son épouse, le peuple11. En Proverbes 2:17, l’infidélité aux liens conjugaux constitue la rupture d’une alliance divine: « La femme qui abandonne l’ami de sa jeunesse oublie l’alliance de son Dieu. »
Enfin, deux mots clefs de la septième ordonnance s’appliquent aux rapports d’alliance. Il s’agit des deux termes aux sens opposés dans l’expression « l’homme quittera (‘azab) son père et sa mère et s’attachera (dabaq) à sa femme ». « Quitter » signifie rompre le rapport d’alliance (Jr 1:16; Os 4:10; Pr 2:17; cf. Es 62:4) tandis que « s’attacher » se réfère à la fidélité à l’union d’alliance du peuple avec le Seigneur12.

II. Alliance, famille et paternité
Si le portrait familial se trouve dans le cadre d’une alliance, la question qui se pose est la suivante: quel rôle joue la famille, à cet égard, au sein de la nation d’Israël? Pour cerner ce rôle, il faut comprendre quelle est la place de la famille dans la structure sociale de parenté. Cette structure s’organise à trois niveaux: tribu, clan et famille13.
La tribu (shebet ou matteh)14 est le niveau de parenté le plus étendu des trois. Elle constitue la charpente de la société israélite et de sa division territoriale. Les douze tribus et leurs territoires portent les noms des descendants d’Israël.
Le clan (mishpahâh) est l’échelon intermédiaire de parenté entre la tribu et la famille. Les clans se composent d’un nombre assez large de familles. Comme pour la tribu, les caractères fondamentaux du clan relèvent de la parenté et de l’identité territoriale15. La lignée de parenté est garantie par l’endogamie, c’est-à-dire le mariage à l’intérieur du clan pour préserver le système de tenure de la terre (Nb 36:1-12).
La « maison » (bayit) ou la « maison du père » (bêt-ab; ou « maison paternelle ») constitue le niveau de parenté fondamental (Gn 12:1; 24:38, 40; Ex 6:14; Nb 1:2; Jg 9:1; 1 Ch 2:55). Même s’il s’agit d’une famille élargie, elle correspond au plus proche, à ce que nous appelons la « famille ». R. de Vaux précise que « la famille se compose de ceux qu’unissent à la fois la communauté de sang et la communauté d’habitation »16. C’est le maillon fort ou faible dans la chaîne sociale de parenté. Il s’agit du lieu privilégié où la conjugalité et la parentalité se conjuguent.
C.J.H. Wright a clairement démontré que la famille, la bêt-ab, comme élément fondamental de parenté, est le pivot autour duquel s’articule le rapport d’alliance entre Dieu et Israël17. Ces trois composantes de la communauté de parenté, tribu, clan et famille, sont inextricablement liées, non seulement par le sang et par l’habitation, mais aussi par la nature du fonctionnement de l’alliance. Un exemple mettra en lumière ce point.
Après la défaite d’Israël à Aï, à cause de la désobéissance d’une seule personne, la chasse à l’homme pour trouver le coupable s’est petit à petit rétrécie. Selon les instructions du Seigneur, l’enquête devait commencer par une tribu (shebet), passer par un clan (mishpahäh) pour être réduite à une famille (« maison, bayit)18. D’abord, la tribu de Juda a été désignée, puis le clan de Zérah et, enfin, la maison de Zabdi. A l’intérieur de cette dernière se trouvait le coupable, Akân (Jos 7:16-18).
L’acte de ce membre d’une famille a eu des conséquences énormes pour les clans et les tribus, voire pour tout Israël. Il ne s’agissait pas seulement de leur défaite. Plus grave encore, le rapport d’alliance risquait d’être rompu si le mal au sein d’une famille n’était pas extirpé. Le Seigneur dit: « Israël a péché: ainsi ils ont enfreint l’alliance que je leur avais prescrite… » (7:11) Le texte ne dit pas: « Akân a péché; il a transgressé l’alliance que j’ai prescrite. » L’acte d’un membre d’une famille avait des répercussions au niveau de l’alliance pour tous les échelons de parenté, pour tout Israël. Il est clair qu’en termes d’incident, il s’agit d’un cas particulier. Mais, en réalité, il est question d’une norme qui est à l’œuvre et régit la vie sociale, dans le cadre de l’alliance, à partir d’une famille.
Qu’il s’agisse d’un principe directeur est d’autant plus évident au cinquième commandement du Décalogue: « Honore ton père et ta mère… » (Ex 20:12; Dt 5:16) La position de ce commandement est significative. Cette prescription relative à l’autorité parentale et à l’obéissance de l’enfant envers ses parents est au premier rang du second tableau de la loi. Il s’agit du fondement des cinq autres commandements ayant trait à l’éthique sociale: la proscription du meurtre, de l’adultère, du vol, du faux témoignage et de la convoitise (Ex 20:13-17; Dt 5:17-21). Sa prééminence explique aussi pourquoi l’honneur dû aux parents fait l’objet d’un nombre de stipulations civiles (Ex 20:12; 21:15, 17; Dt 14:1-2; 21:18-21; 27:16), d’admonestations prophétiques (Es 1:2; Am 2:7; Mal 1:6; 3:24) et d’exhortations sapientielles (Pr 20:20; 30:11, 17).
Dans un cas extrême, la peine capitale est prescrite pour le fils indocile et rebelle qui n’écoute pas ses parents (Ex 21:15, 17; Lv 20:9; Dt 21:18-21) aussi bien que pour l’adultère, la violation du septième commandement (Lv 20:10; Dt 22:22). Cette sanction s’explique en partie par le fait que, d’un côté, le rejet de l’autorité parentale constitue une rupture entre l’enfant et ses parents et, de l’autre, l’adultère constitue une rupture de la vie conjugale. L’un ou l’autre brise la famille de l’intérieur. L’alliance est rompue en son sein.
Mais la sévérité de cette peine s’explique mieux par le fait que cette fracture ne menace pas seulement la famille, mais aussi la nation entière. Pourquoi? Comme dans l’incident d’Akân, ce mal au sein d’une famille enfreint l’alliance établie avec tout Israël. Voilà quelle est la raison de cette sanction si sévère. Comme la rébellion d’un enfant, l’exécution de cette peine a des conséquences à l’échelle nationale: « Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi, afin que tout Israël apprenne et soit dans la crainte. »19 Evidemment, l’objet principal de cette menace ne réside pas dans son exécution, mais dans son effet dissuasif.
Vu le rôle charnière de la famille dans les relations d’alliance, le cinquième commandement et cette peine ont comme but sa préservation. La mise en relation de la famille avec la législation, accompagnée de menaces et de promesses, la protège de toute dislocation au sein de la société. Comme le dit Wright, l’Ancien Testament montre « un souci profond de protéger la famille… de l’intérieur de la perturbation de son autorité domestique et du mépris de son intégrité sexuelle ». Il ajoute: « Toute atteinte contre la stabilité de la famille menaçait par là même la relation d’alliance de la nation avec Dieu. »20 Si les fondements sont ébranlés, tout l’édifice social s’écroulera.

III. Alliance, famille, paternité et médiation
Quelle est la spécificité du rôle de la famille au sein du peuple de Dieu? Wright répond à cette question: « La famille revêt une importance charnière dans la médiation du rapport d’alliance. La continuité de ce rapport dépend en grande partie des fonctions didactiques et catéchétiques des têtes des maisons. »21
L’alliance a été établie par Dieu pour régir la vie de son peuple. Régir les relations entre membres de l’alliance requiert des médiateurs, car vivre en communauté, comme le montre l’histoire du peuple de l’alliance, n’est pas une affaire simple. C’est pourquoi Dieu a suscité entre lui et son peuple des médiateurs, des oints, prophètes, prêtres et rois.
Le rôle de ces médiateurs est le maintien des relations des membres de l’alliance. Dans une société organisée en plusieurs niveaux de paternité, Dieu a, dans un premier temps, confié cette mission à la famille. Ce service de médiation fonctionne, d’abord, au sein de la famille. Pourtant ce ministère ne se limite pas là. La famille constitue le premier maillon dans la chaîne de médiation suscitée par Dieu entre lui et son peuple entier. Puisque Dieu a suscité d’autres médiateurs de l’alliance, quelle est la nature du rôle de médiation confié à la famille?
Elle a trait à la médiation sacerdotale. Il faut préciser, pourtant, qu’il y a une différence fondamentale entre ce sacerdoce, que nous qualifions de familial, et la médiation du sacerdoce classique. Pour ce dernier, la médiation a lieu dans le contexte du culte. Les prêtres ont une mission religieuse, mission accomplie dans le cadre des institutions. La parole de Dieu, rattachée aux actes cultuels, est institutionnellement liée22. Ainsi, les prêtres exercent leurs ministères de médiation de façon ponctuelle et localisée, notamment aux fêtes sacrées de pèlerinage au sanctuaire (Dt 31:9-13; Né  23.
Alors, comment combler le fossé, d’un côté, entre le foyer et le sanctuaire et, de l’autre, entre le quotidien et l’année ponctuée par les fêtes, si ce n’est par l’intermédiaire de la famille où ce rôle de médiation est joué au foyer tous les jours. Nous examinerons brièvement les ministères sacerdotaux de médiation en parallèle avec les rôles spécifiques au sein de la famille.
Le ministère primordial de la médiation sacerdotale est l’enseignement de la Parole. Ce service didactique a été confié aux prêtres (Dt 33:10; 17:11; 2 Ch 15:3; 17:9; Esd 7:6, 10; Né 8). Or, il est également à l’œuvre dans la famille, car le père et la mère l’exercent aussi: « …mes paroles… vous les enseignerez à vos fils et vous leur en parlerez… dans ta maison… » (Dt 11:18-19; cf. Ex 13:8s; Dt 6:6-7; 8:5; Pr 1:8; 31:1) L’accent, dans ce passage et d’autres, est mis sur le quotidien: « …Tu inculqueras [ces paroles] à tes fils et tu en parleras quand tu seras dans ta maison… quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. » Dt 6:6-7; 11:19) Il s’agit de la formation permanente, sur place, ce qui ne faisait pas partie du cursus des prêtres.
Le second ministère sacerdotal principal de médiation est sacramental. Les sacrements illustrent les actions divines. Les prêtres président aux rites et aux liturgies lors des fêtes et aux sacrifices du peuple (Dt 25:1; 33:10; 1 Ch 23:31). Tout comme le prêtre, le père, lui aussi, exerce un ministère sacramental. Comme l’explique Wright: « Certains actes cultuels essentiels tels la circoncision, la Pâque et le rachat des fils aînés se pratiquaient au sein de la famille. »24 Le père a à répondre, à la maison, aux questions posées par les enfants quant à la signification des choses rituellement symbolisées. J.A. Soggin a étudié cinq passages de questions et réponses25. Il les qualifie de « catéchétiques » en raison de la récurrence de la formule: « Lorsque vos fils vous demanderont: que signifie ce rite? Vous répondrez… » (Ex 12:26s; 13:14s; Dt 6:20-24; Jos 4:6-7; 4:21-23) Le père préside à ces rites qui mettent en lumière les œuvres divines. Il offre des sacrifices pour ses enfants (Jb 1:5; cf. Gn 22; 31:54; 46:1). Il conduit toute sa famille au pèlerinage (1 S 1:3s)26.
Les prêtres figurent dans une collection de lois relatives aux autorités civiles et religieuses (Dt 16:18-18:22)27. La médiation sacerdotale comprend le pouvoir de prononcer des jugements (Dt 17:8-13; 21:5; cf. Ez 44:23s). Cette même autorité est investie au sein de la famille. Elle est résumée dans le cinquième commandement. Ce commandement est au cœur de toutes les lois relatives au respect des autorités médiatrices. Le respect quotidien envers les parents se traduit en respect pour toutes les autorités, les autorités civiles, juges et rois, ou les autorités religieuses, prêtres et prophètes.
Les parents n’ont pas seulement le droit de correction, mais aussi de jugement. Comme nous l’avons vu, de sévères sanctions renforcent le respect des parents. La rébellion juvénile est un acte passible de la peine capitale. Les parents qui se trouvaient dans la situation tragique de ne plus pouvoir contrôler leur enfant qu’ils s’étaient efforcés de corriger avaient à décider de son sort malheureux et à l’amener au lieu du jugement. La même sanction décidée au fils rebelle s’applique à celui qui refuse d’agir en conformité avec le jugement du prêtre: « L’homme qui agira avec audace sans écouter le prêtre…, cet homme mourra. » (Dt 17:12) Non seulement la peine, mais aussi l’expression concernant l’effet sur Israël de l’exécution de l’homme audacieux renvoient au cas de l’enfant rebelle: « Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël. Tout le peuple l’apprendra, sera dans la crainte et n’aura plus tant d’audace. » (Dt 17:13; cf. 21:21) Ce rapprochement de l’autorité sacerdotale et de l’autorité parentale est voulu.
La médiation est couronnée par la bénédiction. Dieu, auteur de l’alliance, a béni son œuvre de création. Il a béni le couple, mâle et femelle, pour le doter de la fécondité et du pouvoir de gérer le monde créé28. L’objet ultime de la médiation sacerdotale est la bénédiction divine. Elle est transmise. Comme médiateurs, les prêtres prononçaient la bénédiction divine sur le peuple pour faire germer la grâce divine semée par leurs services29..
Pour faire croître la connaissance du Seigneur chez ses enfants, le père prononce sur eux la bénédiction divine (Gn 27:48-49; 28:1, 3-4; 48:15s; 49:1s). Sa bénédiction couronne tous les autres ministères parentaux. Transmise à l’enfant qui honore son père et sa mère, la bénédiction amène une vie longue et heureuse: « …afin que tes jours se prolongent et que tu sois heureux… » (Ex 20:12; Dt 5:16) Cette même bénédiction est promise aux parents qui transmettent la foi: « Pour que vos jours et les jours de vos fils sur la terre… durent aussi longtemps que le ciel sera au-dessus de la terre. » (Dt 11:21) Comme le montre la promesse au cœur de l’alliance abrahamique, la famille bénie est une source de bénédiction physique et spirituelle pour tous les clans (mishpahôt) de la terre (Gn 12:2-3). C’est la bénédiction, par la médiation suscitée entre Dieu et Israël, qui permet au peuple de l’alliance de réaliser la plénitude de la vie jusqu’à la vie éternelle (Ps 133:3; Ga 3:8-9, 13-14).
Par l’instrumentalité de ces ministères d’ordre sacerdotal – parole et sacrement, autorité et bénédiction -, la famille exerce son rôle de médiation de l’alliance au sein d’Israël. Loin de circonvenir ou de concurrencer la médiation des prêtres, Dieu l’a suscitée, de façon complémentaire, au sein de la famille, fondement et pilier de la société, où tous les jours tous les ministères sont exercés. C’est ainsi que la connaissance de l’alliance, avec ses servitudes et ses privilèges, est transmise d’une génération à l’autre. La famille qui exerce ses responsabilités construit solidement sa maison sur les fondations de l’alliance. Elle se protège et est protégée des bouleversements pouvant venir aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur. Les enfants apprennent de leurs parents l’autorité et les limites de la liberté. De leurs frères et sœurs, ils apprennent la justice et l’injustice. C’est ainsi que la famille pose, en même temps, les fondements pour l’édifice social entier. Cet édifice s’avère aussi solide que ses fondements.
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* R. Bergey est professeur d’Ancien Testament et d’hébreu à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.
1 R. de Vaux, Les institutions de l’Ancien Testament, I, 5e éd. (Paris: Cerf, 1989), 39. Sur la famille voir H.W. Wolff, Anthropologie de l’Ancien Testament (Genève: Labor & Fides, 1974), 155-161; 188-189; W.C. Kaiser, Towards Old Testament Ethics (Grand Rapids: Zondervan, 1983), 152-163; P. Wells, « The Family Crisis in a Christian Perspective », Evangel (1996), 23-28.
2 J. Murray dresse la liste suivante: procréation, remplissage de la terre, sujétion de la terre, domination sur les créatures, travail, sabbat et mariage (Gn 1:27-28; 2:2-3, 15, 24), Principles of Conduct (Grand Rapids: Eerdmans, 1957), 27-44.
3 V.P. Hamilton, « Marriage (OT and ANE) », The Anchor Bible Dictionary, vol. 4 (1992), 559-569 (560).
4 Ce couplet signifie « mâle et femelle » (TOB) et non pas « homme et femme » (Col); cf. 2:22.
5 L’expression « os de mes os » signifie appartenance familiale; cf. Gn 29:14; 37:27; Jg 9:2; 2 S 5:1; 19:12-13; 1 Ch 11:1; G. von Rad, Genesis (Philadelphie: Westminster, 1961), 82.
6 La chair, dans certains contextes, désigne l’organe de procréation mâle ou femelle; cf. Lv 15:1-2, 7, 13, 16, 19. « La sexualité trouve son sens en traduisant dans la chair l’unité des deux êtres que Dieu appelle à s’entraider dans l’amour mutuel. » « Mariage », Vocabulaire de théologie biblique, sous dir. X. Léon-Dufour, 6e éd., (Paris: Cerf, 1988), 710.
7 Les autres éléments constitutifs sont: la promesse de la vie éternelle (2:9; 3:22, 24), la menace de la mort (2:17) et les peines (3:16-19, 22-29), le signe du Sabbat (2:3; cf. Ex 31:17), le rite sanglant (3:21) et le nom Yahvé Elohim, nom par excellence du Dieu de l’alliance (2:4-3:42; cf. Ex 3:14-15). Osée parle d’une alliance avec Adam (6:7) et Jérémie de celle conclue avec la création (33:20-25; cf. 31:35s).
8 Le cinquième commandement mis à part, ces lois s’adressent aux cas difficiles tels les droits de la femme mariée plus aimée (Dt 21:10-14; 15-17), l’enfant rebelle (Ex 21:15-17; Dt 21:18-21), la femme soupçonnée d’infidélité (Dt 22:13-21), l’adultère (Dt 22:22), la femme répudiée (Dt 24:1-4). Elles légifèrent sur le dysfonctionnement ou la pathologie d’un foyer. La loi, sans la préconiser, reconnaît juridiquement la bigamie (Dt 21:15-17). En Lévitique 20 se trouve une liste de mariages et de rapports sexuels interdits. Ces lois sur la famille sont peu nombreuses par rapport à d’autres codes légaux du Proche-Orient ancien; voir les lois de Hammourabi, §127-195, et les lois assyriennes, tablette A, §1-59, dans J.A. Pritchard, éd., Ancien Near Eastern Texts (Princeton: Princeton University Press, 1969), 171-175; 180-185.
9 Ml 2:14; cf. 15-16. Pour Malachie, la gravité de la trahison de l’alliance de mariage relève de la rupture d’ »une seule (‘echad [chair]) », chair ou union par laquelle le Seigneur attendait une descendance pieuse (2:15).
10 Le verbe traduit « contracter » est en hébreu « entrer » (bô’), verbe inhabituel pour établir une alliance. Or son usage, comme c’est souvent le cas, peut avoir des connotations sexuelles (cf. Gn 6:4; 16:2; 30:3; 38:8-9; Dt 22:13).
11 Dans une loi proscrivant le mariage d’un fils avec sa mère, il est dit: « Nul ne prendra [en mariage] la femme de son père et ne découvrira le pan du manteau de son père. » (Dt 23:1) Booz exerce son droit du lévirat, et en signe de promesse de mariage, il couvre Ruth du pan de son manteau (Rt 3:9).
12 Dt 10:20; 11:22; 13:5; Jos 23:8; 1 R 3:1. Chez les rois, s’allier par mariage se dit « se marier avec » (Hith. du hatan; 1 R 3:1; 2 Ch 18:1).
13 De Vaux, op. cit., 22, 39-40. Le dénombrement des Israélites (Nb 1) et le relevé des prêtres (Nb 4) ont été faits selon la tribu, le clan et la famille
14 « …deux noms d’emploi équivalent et qui désignent aussi le bâton de commandement et le sceptre royal: la tribu groupe tous ceux qui obéissent au même chef. » Ibid, 22.
15 Voir les listes des recensements en Nb 1 et 26 où sont rapportés les noms des clans constituant les subdivisions principales des tribus et les listes des frontières des divisions de la terre en Josué 13 à 19, où l’allocation de ces terres se faisait « selon les clans » (p. ex. Jos 13:15; cf. Nb 33:54).
16 De Vaux, op. cit., 39. Selon le Petit Robert, la famille, au sens restreint, comprend « les personnes apparentées vivant sous le même toit » et, dans un sens plus étroit, « le père, la mère et les enfants ». Même si « maison » et « famille » correspondent, il y a une différence fondamentale. La maison de l’AT est une famille élargie. Elle est composée de tous les descendants d’un ancêtre vivant, la tête de cette maison (ro’sh-bêt-’ab). Cette maison comprend le père, sa femme, ses fils et leurs femmes, ses petits-enfants et leurs femmes et tous les fils ou filles non mariés. « A la famille appartiennent également les serviteurs, les résidants étrangers ou gérîm et les apatrides, veuves ou orphelins, qui vivent sous la protection du chef de famille. » Ibid Une veuve ou une femme divorcée retourne à la maison du père (Nb 30:10). Les filles mariées quittent cette maison pour devenir membres de la maison de leurs maris (Nb 30:4-6; 7-9). Puisqu’on se mariait jeune, la maison pouvait comprendre trois générations, plusieurs familles nucléaires de deux générations et de 50 à 100 personnes, sans compter les autres personnes ne faisant pas partie de la communauté de sang. La famille de Noé comprend sa femme, ses fils et les femmes de ses fils (Gn 7:1, 7). Celle de Jacob a trois générations (Gn 46:8-26).
17 C.J.H. Wright, « The Israelite Household and the Decalogue », TynBul 30 (1979), 101-124; idem, Vous serez mon peuple (Méry-sur-Oise: Sator, 1989), 233-236; idem, « Family », The Anchor Bible Dictionary, vol. 2 (1992), 761-769.
18 Pour d’autres usages de ces termes, voir les cas de Gédéon (Jg 6:11, 15, 27, 30s; 8:20), Mika (Jg 18:14, 19, 28s) et Saül (1 S 9:21; 10:20s).
19 L’expression « tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi » est appliquée en 1 Co 5:13 à un cas d’adultère.
20 C.JH. Wright, « The Israelite Household and the Decalogue », 104-105; 123; idem, Vous serez mon peuple, 234.
21 Ibid., 104.
22 Cf. Cl. Westermann, Théologie de l’Ancien Testament (Genève: Labor & Fides, éd. française, 1985).
23 Un parallèle est établi par la nature héréditaire du sacerdoce; le fils succède au père et dans la prêtrise et dans le foyer.
24 C.J.H. Wright, Vous serez mon peuple, 234.
25 J.A. Soggin, « Cultic-Aetiological Legends and Catechesis in the Hexateuque », VT 10 (1960), 341-347.
26 « …Bâtir une maison, ce n’est pas seulement édifier ses murs, c’est fonder un foyer, engendrer une descendance et lui transmettre [la foi]… » « Maison », Vocabulaire de théologie biblique, 694-698 (694). Cf. aussi HA. Hoffner, « bayith », TDOT II, §VI, 133-135.
27 En effet, la mention du roi (Dt 17:14s) vient après celle du juge (16:18s). Ce dernier reflète la situation institutionnellement plus primitive.
28 Comme précisé plus haut, le fruit de cette bénédiction, dans la Genèse, est la longue lignée de tôlédôt, listes de la postérité de l’humanité, tracées depuis la création jusqu’aux familles des pères de la nation d’Israël. Or, dans le reste du Pentateuque, les tôlédôt se poursuivent jusqu’à la généalogie de Moïse et Aaron, ce dernier étant l’archétype de la médiation sacerdotale (Ex 6:16; Nb 3:1; cf. Nb 1). En Exode 6:16-20, les tôlédôt commencent par la tribu (Lévi; v. 16), passent par le clan (Qehath; v. 18) et finissent par la maison du père (Amrân; v. 20).

Prologue sur la Sagesse

1 juillet, 2011

du site:

http://www.bible-service.net/site/291.html

Page à lire : Prologue sur la Sagesse

Prologue

(auteur : Dominique Cerbelaud)

La figure de la Sagesse… De tous les personnages, types et symboles que contient le texte biblique, il en est peu sans doute qui aient suscité autant de fascination que cette figure. Dès lors qu’elle prend la parole, au chapitre 8 du livre des Proverbes, cette entité s’affirme comme supérieure au plan terrestre. Proche du divin, elle garde cependant des traits bien humains – ne serait-ce que sa féminité, qu’elle revendique haut et clair ici et dans d’autres textes ! Mais elle ne cache pas qu’elle en sait long sur les secrets de Dieu : non seulement elle a assisté, des premières loges, au travail créateur, mais elle y a même collaboré ! Un tel privilège ne l’empêche pas de rester espiègle comme une écolière : son maître-mot, c’est le jeu. Elle n’a guère d’autre activité que ludique, suscitant par là même plaisir et agrément dans les hauteurs célestes, mais aussi parmi les fils d’Adam.
Fils d’Adam, dit-elle. Et non pas fils d’Israël… Probablement d’origine étrangère – les exégètes la font venir d’Égypte –, la Sagesse ne se laisse jamais enclore dans des frontières, fûssent-elles religieuses. Autre aspect de son jeu : libre comme l’air, elle va çà et là, on ne sait d’où à où – comme Jésus le dira à Nicodème en parlant de l’Esprit, auquel elle ressemble par plus d’un trait (cf. Jn 3,8).
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a suscité, non seulement de la fascination, mais aussi de la perplexité, voire de l’inquiétude. Les systèmes religieux construits sur le sol biblique se sont méfiés d’elle : trop fluide, en quelque sorte, pour entrer dans l’édifice. Faute de pouvoir la passer sous silence, on a cherché à la réduire, et tout d’abord en l’identifiant à quelqu’autre figure plus stable : celle de la Torah dans la tradition juive ; celle du Christ chez les chrétiens – bien qu’une minorité d’entre eux pense plutôt, justement, à l’Esprit saint ; celle du Coran dans l’islam. Mais du côté chrétien, l’irritante énigme de son origine (est-elle créée ou incréée ?) n’a cessé de faire rebondir la question. La sophiologie russe et symétriquement une certaine mariologie catholique vont élaborer deux nouvelles figures sapientielles : Marie et Sophie, curieusement jumelles…
Notre dossier a voulu tenir bien fermement le fil d’Ariane du poème inaugural (Pr 8,22-31), renonçant à explorer d’autres couloirs du labyrinthe sapientiel : les scénarios mettant en scène l’éon Sagesse chez les gnostiques des premiers siècles (que l’on pourrait vraiment intituler “Les malheurs de Sophie” !) ; les spéculations de Jacob Böhme, Swedenborg et autres initiés, illuministes et théosophes, sur les sagesses créée et incréée ; l’insertion de la Sagesse (en hébreu hokhmah) dans l’arbre des sefirot de la kabbale ; voire les équivalences de cette figure décidément insaisissable dans l’hindouisme, le bouddhisme et les sagesses extrême-orientales (certains théologiens prospectent aujourd’hui cet aspect “interreligieux”).
En filigrane de toutes ces relectures, une autre énigme se profile : qu’en est-il du féminin divin ? Si certains écrits des premiers siècles, pas toujours très orthodoxes il est vrai, n’hésitaient pas à évoquer la féminité des personnes divines, le Dieu de l’institution n’a pas tardé à se masculiniser. En langue latine par exemple, la Trinité se décline au masculin : Pater, filius, spiritus… Pourtant, il faut le reconnaître : le texte biblique évoque bien souvent un Dieu maternel, englobant ou physiquement proche, nourricier ou consolateur… Toujours espiègle et joueuse, la figure biblique de la Sagesse pourrait bien contribuer à contester, aujourd’hui et demain, le sérieux des représentations et des pratiques d’une Église somme toute très masculine. Cela implique d’entendre ce qu’elle a à dire : c’est à quoi ce dossier voudrait aider.

 »La figure de la Sagesse. Proverbes 8 »
Supplément au Cahier Evangile n° 120
page 8

Zacharie Prophète: qu’est-ce qu’un prophète ?

1 juillet, 2011

du site:

http://introbible.free.fr/p2za.html

ZACHARIE PROPHÈTE

 Fiche technique: qu’est-ce qu’un prophète ?
 
CONTEXTE PLAN THEMES TEXTE

 Le contexte historique
    Le livre de Zacharie se présente aujourd’hui sous la forme d’un unique livre de 14 chapitres, mais en fait il s’agit de la compilation sous un même nom de deux ouvrages bien distincts. De même que pour le livre d’Isaïe, on parlera:
du premier Zacharie: ch. 1-8
du second Zacharie: ch. 9-14
    Seul le premier ouvrage est attribué au prophète nommé Zacharie, le second est l’oeuvre d’un anonyme qui a été secondairement rattaché à la première collection. De très nombreuses différences caractérisent les deux parties, tant dans le style que dans les thèmes traités. Le second Zacharie appartient pratiquement à la littérature apocalyptique et se rapproche par certains aspects des apocalypses d’Isaïe.  
 
Le premier Zacharie (1-8)
Comme pour le livre d’Aggée, les oracles du premier Zacharie sont datés avec précision. Le premier date d’octobre 520 et le dernier de novembre 518. Zacharie est donc le strict contemporain d’Aggée, et évolue dans le même contexte: celui du retour d’exil. 
 
Le second Zacharie (9-14)
La question de la datation du deutéro-Zacharie est beaucoup plus épineuse. Pratiquement toutes les dates, du 8ème(!) au 2ème siècle ont été proposées. Il est sûr que le Temple est en état de fonctionnement. Pour les auteurs anciens, le deutéro-Zacharie était volontiers un prophète pré-exilique. Pour les commentaires contemporains, il s’agit d’un prophète post-exilique tardif. Divers travaux ont proposé la datation du deutéro-Zacharie à l’époque hellénistique, avec probablement un certain nombre d’allusions à Alexandre le Grand. Les études les plus complexes laissent à penser qu’il y aurait eu dans ces chapitres la combinaison de plusieurs ouvrages de dates différentes. 
En fait, il est sûr que le deutéro-Zacharie s’inspire des prophètes antérieurs et constitue en fait une sorte d’anthologie de textes choisis. Il est difficile de le dater avec beaucoup plus de précision et on peut en rester à la large fourchette 500-200.

 Plan
Le premier Zacharie
I- Appel à la conversion (1,1-6)
II- Série de huit visions

Les cavaliers (1,7-15) et ajout de deux oracles (1,16-17)
Les cornes et les forgerons (2,1-4)
L’arpenteur (2,5-9) et deux appels aux exilés (2,10-17)
Le vêtement du grand-prêtre Josué (3,1-10)
Le chandelier et les deux oliviers (4,1-14)
Le rouleau volant (5,1-4)
La femme dans la mesure (5,5-11)
Les chars (6,1-8)
III- Josué couronné (6,9-15)
IV- Appendices sur le jeûne est le salut messianique (7-8) 

Le deuxième Zacharie
La nouvelle terre (9,1-8)
Le messie (9,9-10)
La restauration d’Israël (9,11-17)
Le Seigneur dispensateur de la pluie et le thème de l’idolâtrie (10,1-3)
Perpective de retour pour Israël (10,3-11,3)
Les deux pasteurs (11,4-17)
Restauration de Jérusalem (12,1-8)
La lamentation sur le transpercé (12,9-14)
La purification du pays (13,1-6)
Le pasteur frappé et le troupeau éprouvé (13,7-9)
Le combat de la fin des temps (14,1-21)
 Grands axes de la prophétie
I- Le premier Zacharie
    Le prophète entend réagir à la grande déception qui a suivi le retour d’exil, surtout lorsque le jugement final annoncé par Aggée n’est pas advenu aussi vite qu’on le pensait. Par ses différentes visions, le prophète assure son auditoire que les temps nouveaux sont proches. Le jugement va finir par s’abattre sur Babylone. Une ère nouvelle, marquée par la fin de la domination des nations, est sur le point de commencer.
    Comme Aggée, Zacharie appelle à la reconstruction du Temple. Mais il élargit ses perspectives à la restauration de toute la ville de Jérusalem. Dans cette ville, une communauté nouvelle va voir le jour. L’exil a joué un rôle de purification, même si la conversion de tous reste encore à réaliser. Zacharie juge sévèrement ceux qui ne font pas bon accueil aux exilés revenus en Juda. En refusant de leur restituer leurs biens, ils vont attirer sur eux un terrible jugement (5,1-4).

II- Le second Zacharie
    Le message principal du livre est l’annonce de l’achèvement messianique eschatologique. Le souci moral des prophètes antérieurs n’est pas déterminant. Le deutéro-Zacharie se projette plus loin dans le temps. Il annonce ce qui va arriver, mais ne s’intéresse pas beaucoup à la manière de faire évoluer la situation de son temps. Cela explique le très petit nombre d’allusions à des événements historiques précis et les difficultés de datation qui en résultent.
    Le messianisme du deutéro-Zacharie est eschatologique. La venue du messie marque l’entrée dans le temps de la fin. Mais le rôle du messie reste très limité. C’est le Seigneur qui accomplit tout: il réduit les ennemis à l’impuissance, assure le retour des dispersés et la réunification du peuple divisé. Le rétablissement du peuple sur sa terre et dans son intégrité est la première étape, mais ensuite, c’est l’intégration des païens qui marque l’achèvement du projet de Dieu sur toute la création. Mais cet universalisme reste exclusivement centré sur Jérusalem. Les païens sont en fait invités à devenir Juifs, à adopter la loi juive.
    Le dessein de salut de Dieu passe cependant par une figure mystérieuse, à la fois roi pacifique, bon pasteur et transpercé. L’action de ce messie est essentiellement interne: sa présence et sa destinée doivent entraîner une conversion du peuple. Mais c’est le Seigneur qui se charge du reste du monde.
    La postérité de ce livre est évidente dans le Nouveau Testament. Les évangélistes se réfèrent volontiers à Zacharie pour éclairer la passion du Christ. Mais Zacharie sert également de base à plusieurs textes de l’Apocalypse qui décrivent l’oeuvre du Messie une fois arrivée à son terme. Zacharie, comme d’autres prophètes post-exiliques, prépare l’émergence de la littérature apocalyptique.

 Des textes représentatifs
Pour le premier Zacharie: la vision du jugement de Josué (3,1-10)
Za 3,1 Il me fit voir Josué, le grand prêtre, qui se tenait devant l’ange de Yahvé, tandis que le Satan était debout à sa droite pour l’accuser. 2 L’ange de Yahvé dit au Satan : Que Yahvé te réprime, Satan; que Yahvé te réprime, lui qui a fait choix de Jérusalem. Celui-ci n’est-il pas un tison tiré du feu ? 3 Or Josué était vêtu d’habits sales lorsqu’il se tenait devant l’ange. 4 Prenant la parole, celui-ci parla en ces termes à ceux qui se tenaient devant lui : Enlevez-lui ses habits sales et revêtez-le d’habits somptueux; et lui dit : Vois, j’ai enlevé de dessus toi ton iniquité. 5 mettez sur sa tête une tiare propre. On mit sur sa tête une tiare propre et on le revêtit d’habits propres. L’ange de Yahvé se tenait debout 6 Puis l’ange de Yahvé fit cette déclaration à Josué : 7 Ainsi parle Yahvé Sabaot. Si tu marches dans mes voies et gardes mes observances, tu gouverneras ma maison, tu garderas mes parvis et je te donnerai accès parmi ceux qui se tiennent ici. 8 Écoute donc, Josué, grand prêtre, toi et tes compagnons qui siègent devant toi – car ils sont des hommes de présage – : Voici que je vais introduire mon serviteur Germe , 9 Car voici la pierre que je place devant Josué; sur cette unique pierre, il y a sept yeux; voici que je vais graver moi-même son inscription, oracle de Yahvé Sabaot. » Et j’écarterai l’iniquité de ce pays, en un seul jour. 10 Ce jour-là – oracle de Yahvé Sabaot – vous vous inviterez l’un l’autre sous la vigne et sous le figuier.
Pour le deutéro-Zacharie: la lamentation sur le transpercé (12,9-14)
Za 12,9 Il arrivera en ce jour-là que je chercherai à détruire toutes les nations qui viendront contre Jérusalem. 10 Mais je répandrai sur la maison de David et sur l’habitant de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication, et ils regarderont vers moi. Celui qu’ils ont transpercé, ils se lamenteront sur lui comme on se lamente sur un fils unique; ils le pleureront 11 En ce jour-là grandira la lamentation dans Jérusalem, comme la lamentation de Hadad Rimmôn, dans la plaine de Megiddôn. 12 Et il se lamentera, le pays, clan par clan. Le clan de la maison de David à part, avec leurs femmes à part. Le clan de la maison de Natân à part, avec leurs femmes à part. 13 Le clan de la maison de Lévi à part, avec leurs femmes à part. Le clan de la maison de Shiméï à part, avec leurs femmes à part. 14 Et tous les clans, ceux qui restent, clan par clan à part, avec leurs femmes à part.

Psaume 39

16 juin, 2011

Je ne suis pas sûr mais je pense que ce commentaire n’est pas catholique, mais il est bon:

http://www.levangile.com/Bible-Annotee-Psaumes-39.htm

PSAUME

Chapitre 39

1 Au maître chantre, à Jéduthun. Psaume de David.
2 J’avais dit : Je prendrai garde à mes voies, De peur de pécher par ma langue ; Je garderai sur ma bouche un baillon, Tant que le méchant sera en ma présence.
3 Je restai muet, dans le silence ; Je me tus, sans m’en trouver bien, Et ma douleur ne fit que s’irriter.
4 Mon cœur s’échauffa au-dedans de moi ; De ma méditation jaillit un feu, Et la parole vint sur ma langue…
5 Eternel ! fais-moi connaître ma fin Et quelle est la mesure de mes jours. Que je sache combien je suis fragile !
6 Voici, tu as donné à mes jours la largeur de la main, Et ma durée est comme néant devant toi ; Oui, tout homme, si bien affermi qu’il soit, n’est qu’un souffle.
(Jeu d’instruments.)
7 Oui, l’homme se promène comme une ombre, Tout le bruit qu’il fait n’est qu’un souffle. Il amasse, et il ne sait qui recueillera.
8 Et maintenant, que puis-je espérer, Seigneur ? Mon attente est en toi !
9 Délivre-moi de toutes mes transgressions, Ne m’expose pas à l’outrage de l’insensé.
10 Je suis muet, je n’ouvrirai pas la bouche, Car c’est toi qui agis.
11 Détourne de moi tes coups ! Sous la rigueur de ta main, c’en est fait de moi.
12 Quand tu reprends un homme pour son iniquité, Tu détruis comme la teigne ce qu’il a de plus précieux. Oui ! tout homme n’est qu’un souffle.
(Jeu d’instruments.)
13 Ecoute ma prière, Eternel, et prête l’oreille à mon cri, Ne reste pas sans rien dire, en présence de mes larmes ; Car je suis en passage chez toi, En séjour, comme tous mes pères.
14 Détourne ton regard de moi, et que je reprenne ma sérénité, Avant que je m’en aille et que je ne sois plus.

Tout homme n’est qu’un souffle.
Qui a raison sur la terre ? Le juste ou le méchant ? Cette question, qui est en définitive le grand problème de l’existence humaine, a déjà fait le sujet du Psaume 37. Mais c’était alors un vieillard qui déclarait, instruit par l’expérience, combien est courte la prospérité des impies, durable au contraire celle des gens de bien. Ici, comme au Psaume 73 nous sommes au fort de la crise, alors que la lumière de l’expérience fait encore défaut. En face du méchant, dont la présence seule est une négation du gouvernement divin, un croyant dans l’affliction s’efforce en vain de refouler le doute et le murmure ; le feu intérieur éclate (versets 2 à 4). Mais bientôt, revenant à l’Éternel, il médite sur la brièveté de la vie, ce qui le pousse à chercher son refuge en ce Dieu même dont la main s’appesantit sur lui (versets 5 à 12). Ainsi l’agitation s’apaise, et si le ton de la prière finale est encore celui de la tristesse, c’est pourtant celui d’une tristesse résignée (versets 13 et 14).
Ce psaume est un exemple remarquable de la foi israélite qui, en face du voile qui recouvre l’avenir, n’ayant d’autre perspective que le Schéol, après une vie très courte, remplie de maux, n’en persiste pas moins à espérer en l’Éternel. Une étroite parenté de pensée rapproche notre psaume du Psaume 72, qui, en outre, est aussi dédié au chantre Jéduthun. On ne peut rnéconnaître non plus une grande ressemblance de pensée et d’expression avec le livre de Job. Toutefois la distinction entre souffrance et culpabilité, si importante dans le livre de Job, n’est point accentuée, ni même indiquée dans ce psaume.

Verset 1
Jéduthun était, avec Héman et Asaph, un des principaux directeurs des chœurs de Lévites (lChroniques 16.41-42 ; 2 Chroniques 5.12).
Verset 2
2 à 4
La révolte du juste en présence du méchant.
De peur de pécher… Je m’étais décidé au silence, dans la crainte de murmurer contre Dieu ou de récriminer amèrement contre les hommes.
Tant que le méchant… La pensée qui vient naturellement au fidèle, en face du mal, est que l’impie ne saurait subsister longtemps en présence de Dieu. L’épreuve de la foi grandit, à mesure que le jugement tarde.
Verset 3
Je restai muet : la résolution prise fut tenue un certain temps.
Sans m’en trouver bien, hébreu : je me suis tu loin du bien.
Verset 5
5 à 12
Le néant de la vie humaine.
On a eu tort de chercher dans les versets 5 à 7 l’expression de l’impatience et du bouillonnement intérieur dont il vient d’être parlé. Nous y voyons plutôt la prière apaisée par laquelle le psalmiste redevient maître de lui-même. Il demande que l’Éternel l’élève à son propre point de vue, pour considérer toutes choses. Là se trouve, pour le croyant, le secret de la sérénité dans l’épreuve.
Fais-moi connaître ma fin. Comparez Psaumes 90.12. Quand la vie est si courte vaut-il la peine de s’irriter en face du méchant ?
Verset 6
Devant toi : à tes yeux et comparativement à toi. Comparez Esaïe 40.17.
Verset 7
Il amasse… Ces richesses, qui provoquent tant de jalousies et de querelles, échappent comme tout le reste à celui qui les possède.
Verset 8
Que puis-je espérer ?… Dans le néant de toutes choses, une ressource reste au croyant : Dieu est son souverain bien. Cette pensée est développée dans les Psaumes 16 et 73.
Verset 9
Délivre-moi de mes transgressions : du poids du péché, en même temps que de la ruine complète qu’il attire sur le coupable. L’insensé trouverait dans cette ruine une occasion d’outrager le fidèle et par là même l’Éternel.
Verset 10
Je suis muet. Par la foi, le juste a retrouvé la vraie soumission ; il sait voir, dans les événements qui l’irritaient, la main de Dieu au-dessus de celle de l’homme (c’est toi qui agis). Il demande seulement de ne pas succomber sous le châtiment qu’il reconnaît avoir mérité.
Verset 12
Comme la teigne : image d’une destruction graduelle (Esaïe 50.9).
Bien que Dieu ne foudroie pas ouvertement du ciel les coupables, toutefois sa malédiction secrète ne laisse pas de les miner, ainsi que la teigne, sans qu’on l’aperçoive, consume un drap ou un bois par sa morsure cachée (Calvin).
Ce qu’il a de plus précieux : de plus agréable et désirable. Le psalmiste semble faire allusion à une maladie qui enlève force, santé et beauté.
Verset 13
13 et 14

Requête finale.
En passage, en séjour, littéralement : je suis étranger, habitant (et non citoyen). Le psalmiste rappelle qu’il ne possède rien en propre sur la terre et qu’il ne vit que de ce que l’Éternel veut bien lui accorder. Comparez Genèse 23.4 ; 1Pierre 2.11.

Verset 14
Détourne ton regard. Comparez Job 7.19. Il s’agit d’un regard irrité.

Abraham: la prière du croyant

8 juin, 2011

du site:

http://j.leveque-ocd.pagesperso-orange.fr/abraham.htm

Abraham: la prière du croyant

§ 1  Abraham en son temps

1. Abraham sur la route de Dieu
L’histoire des Patriarches (Gn 11,10 – 50,26) consacre quinze chapitres à la seule geste d’Abraham (11,10 – 25,10). Dans ces chapitres l’histoire de la révélation commence à s’insérer dans l’histoire tout court, celle du Proche-Orient ancien, non pas encore au moyen de dates précises, comme le souhaiterait notre mentalité moderne, mais en établissant des relations de parenté, de voisinage et d’alliance entre les peuples et les clans connus de toute la région (15,18-21; 19,36-38; 22,20-24; 25,1-4.12-16). Tout en ordonnant ainsi pacifiquement l’espace humain, le récit s’intéresse à la fondation des lieux de culte (12,7.8; 14,18-20) et retient volontiers les traditions populaires concernant les clans (16,12; 19,31-38), les personnes (16,11; 17,5; 19,26; 21,6) et les lieux (16,14; 19,22; 21,31).
D’après Gn 11,31 le clan d’Abraham est venu d’Ur en Chaldée pour s’établir à Harran, dans la région du Haut Euphrate, et c’est de Harran qu’Abraham lui-même est parti. Les historiens mettent aisément ces voyages en rapport avec les migrations vers l’ouest des clans amorrites (ou proto-araméens) tout au long du IIe millénaire. La descente d’Abraham vers le sud a pu avoir lieu dès le XIXe siècle av. J.-C. (de Vaux), ou quelques siècles plus tard.
La révélation de Dieu à Abraham ne s’est pas produite dans un vide religieux. À cette époque, tous les peuples avaient leurs dieux. À Harran, Abraham adorait un dieu personnel, protecteur de son clan. Peut-être l’associait-il à d’autres dieux de la région, car à Harran la population autochtone vénérait surtout Sin, le dieu Lune. En arrivant en Canaan, Abraham rencontre le culte de El, dieu suprême des Sémites de l’Ouest, connu sous des noms divers que l’on retrouve dans la Bible : El-Elyon, El-Olam, El-Shadday. En disant à Abraham: « Je suis El-Shadday » (17,2), le Dieu personnel d’Abraham reprend à son compte les attributs de El, reconnu comme créateur du monde et comme source de sagesse. Désormais Abraham n’aura plus d’autre dieu que celui de son appel, celui que tous les Patriarches à sa suite serviront comme le Dieu des Pères, celui qui bien plus tard révèlera à Moïse son nom de Yahweh.
Ce Dieu, encore imparfaitement connu par Abraham, est déjà pour lui et pour les siens le Dieu qui fait alliance. Là est l’enseignement fondamental du récit. Tout part de la bonté de Dieu et du projet de bonheur qu’il forme pour Abraham, et à travers lui pour la multitude des croyants. Mais ce dessein va prendre corps au rythme des étapes d’une longue marche avec Dieu.
Abraham est présenté, de fait, comme le premier des pèlerins: le premier il prend la route sur un ordre de Dieu, vers une terre qui est déjà sainte aux yeux de Dieu, et son voyage au pas du troupeau est déjà une marche dans la foi au Dieu qui l’appelle et dans l’espérance des biens qu’il lui prépare. « Marche en ma présence et sois parfait » : tel est l’ordre reçu de Dieu (17,2). Quittant Harrran et l’Aram des Deux-Fleuves, Abraham descend vers le sud jusqu’à Sichem, près du Chêne de Moré, et près de Béthel, avant de gagner le Negeb, puis l’Égypte. Remonté de l’Égypte, il se fixera un moment à Hébron, prés du Chêne de Mamré, et séjournera longtemps dans le Negeb, à Gérar (entre Qadesh et Shur) et à Beersheba. Il sera inhumé à Hébron, dans la grotte de Makpela achetée à Éphron le Hittite, où il a lui-même enseveli Sara, son épouse, compagne des grands et des mauvais jours.

2.        Abraham et la promesse
La tradition orale, tout spécialement la tradition yahwiste (J) en ce qui concerne Abraham, a cousu ensemble bien des épisodes d’origine et de portée très différentes, et le cycle de Lot (ch.13 et 19) s’entremêle plusieurs fois avec celui d’Abraham. Mais un fil d’or relie tous ces textes: c’est le thème de la bénédiction, prépondérant dés le début du récit: « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je te ferai voir. Je ferai de toi un grand peuple; je te bénirai, je magnifierai ton nom qui servira de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront … Par toi se béniront toutes les nations de la terre » (12,3).
Pour Dieu, bénir, c’est dire le bien et le réaliser par sa parole. C’est à la fois promettre et accomplir; et toute la destinée d’Abraham est l’histoire de cet accomplissement, mais sous le signe du paradoxe. Qu’il s’agisse, en effet, de la promesse d’une terre ou de la promesse d’une descendance, l’épreuve attend Abraham.
La terre qu’Abraham va « parcourir en long et en large » (13,17), il n’en prendra pas lui-même possession, et selon l’un des rédacteurs (l’Élohiste) Dieu lui fait savoir en songe qu’un long temps d’exil précédera l’entrée définitive en Terre Promise: « Sache bien que tes descendants seront des étrangers dans un pays qui ne sera pas le leur. Ils y seront esclaves, on les opprimera durant quatre cents ans. Mais je jugerai aussi le peuple auquel ils auront été asservis, et ils sortiront ensuite avec de grands biens » (15,13-14).
Quant à la promesse d’une descendance aussi nombreuse que les grains de poussière de la terre (13,16) ou les étoiles du ciel (15,5), durant de longues années elle semblera réduite à néant par la stérilité de Sara. Ismaël, le fils d’Agar, la servante égyptienne, ne saurait être l’héritier du clan. Bien plus, quand Sara, contre toute attente, aura mis au monde un fils, tout paraîtra de nouveau compromis par la demande incompréhensible de Dieu: « Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t-en au pays de Moriyyah, et là tu l’offriras en holocauste » (22,2).
De l’homme Abraham les récits nous laissent un portrait contrasté. Certains traits moins glorieux ne sont pas occultés. Ainsi, à deux reprises, par opportunisme, en Égypte (12,13) et à Gérar (20,2), Abraham fait passer Sara pour sa sœur. On le voit aussi gérer assez mollement le conflit qui oppose son épouse stérile et la servante qui a enfanté (21,14). Mais la grandeur d’âme d’Abraham et son désintéressement apparaissent en pleine lumière lorsqu’il laisse à Lot, son neveu, le choix des meilleures terres (13,9), et lorsqu’il refuse de s’enrichir du butin qu’il a saisi lors de la guerre livrée aux quatre rois pour libérer ce même  neveu (14,24-25).

3.        Abraham le juste
La valeur morale d’Abraham n’est d’ailleurs qu’un reflet de son attitude envers Dieu, et c’est cette dernière surtout que les textes mettent en relief.
Chaque rencontre de Dieu est une étape spirituelle dont Abraham veut laisser un mémorial : autel dressé (12,6.8; 13,18) ou arbre planté (21,33). Plus profondément, Abraham prouve par deux fois la promptitude de son obéissance : lorsqu’il doit sceller l’alliance en acceptant la circoncision (ch.17), et surtout lorsqu’il se prépare, sans refus mi murmure, à sacrifier le fils de la promesse (ch.22). Mais bien avant cette soumission héroïque, le texte de la Genèse souligne que la foi fut la première œuvre d’Abraham: « Yahweh le conduisit dehors et lui dit:  » Lève les yeux et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer », et il lui dit: « Telle sera ta postérité ». Abraham crut en Dieu, qui le lui compta comme justice » (15,5-8; rédaction élohiste). La justice, en effet, pour Abraham comme pour tous ses fils, consiste bien à s’ajuster, dans la foi, au mystère de Dieu et à son dessein.
Une telle foi crée entre Dieu et le juste une intimité que Dieu ne veut pas trahir. « Vais-je cacher à Abraham ce que je vais faire? » (18,18); et sur cette intimité Abraham, de son côté, s’appuiera pour insister dans sa prière en faveur des villes menacées de châtiment (ch. 18). Parce qu’il respecte jusqu’au bout les droits de Dieu, Abraham se donne le droit d’être audacieux; parce qu’il se sait ami de Dieu, il se sent le devoir d’intercéder pour les pécheurs: « Loin de toi, Seigneur, de faire cette chose-là, de faire mourir le juste avec le pécheur! » (18,25). En fait, tous les justes seront sauvés, car l’Ange préservera Lot et les siens (19,15-22).
L’ami de Dieu est un homme au grand cœur, et notre monde malade de haines et de rejets perçoit l’hospitalité rayonnante d’Abraham comme l’un des traits les plus fascinants de sa personnalité. Dieu veut faire de lui le père des nations; lui se veut le frère de tout homme. Après avoir accueilli les trois étrangers sur le seuil de sa tente (18,1.15), il continue de réunir dans sa descendance des peuples frères qui, en dépit de toutes leurs luttes, peuvent toujours se réclamer de lui. Selon une belle tradition dont Jésus se fait l’écho, Abraham rassemble même dans son sein tous les justes qui sont morts dans l’amitié de Dieu (Lc 16,22.23).

§ 2     Le père de tous les croyants
Les derniers livres de l’Ancien Testament ont tendance à présenter Abraham surtout sous l’angle de ses mérites. Ainsi le Siracide, dans son Éloge des Pères, lui attribue l’initiative de l’Alliance, antérieurement à toute promesse: « Il observa la Loi du Très-Haut et fit une alliance avec lui. Dans sa chair il établit cette alliance, et au jour de l’épreuve il fut trouvé fidèle. C’est pourquoi Dieu lui promit par serment de bénir toutes les nations en sa descendance » (Si 44,19-20).
En 1 Ma 2,52 c’est le sacrifice d’Abraham, œuvre par excellence, qui lui est comptée comme justice, et l’on retrouve à son sujet la même logique du mérite et de la récompense dans la littérature juive intertestamentaire (Jub 24,11; 12,19; Flavius Josèphe, Ant.Jud.1,10,39).
Dans le Nouveau Testament, selon la lettre de Jacques, le sacrifice d’Abraham apporte la preuve que l’homme est justifié par les œuvres et non par la foi seule: « Tu le vois : la foi coopérait à ses œuvres, et par les œuvres sa foi fut rendue parfaite. Ainsi fut accomplie cette parole de l’Écriture : Abraham crut à Dieu, cela lui fut compté comme justice, et il fut appelé ami de Dieu » (Ja 2,21-24).
L’interprétation de saint Paul dans ses épîtres aux Galates (3,6-18) et aux Romains (4,1-25) est orientée différemment, même s’il ne nie pas l’importance des œuvres.

1.     Abraham et le Christ selon saint Paul
Pour Paul, l’exemple d’Abraham démontre que l’homme n’est pas justifié par la pratique de la Loi, mais seulement par la foi en Jésus-Christ (Ga 2,16). Cette certitude, Paul l’appuie sur deux argumentations, l’une tirée de son expérience missionnaire, l’autre reflétant sa méditation de l’Écriture.
Missionnaire parmi les païens, Paul peut témoigner de ce que Dieu a accompli chez eux (Act 15,4.12). Les Galates, en particulier, ont reçu l’Esprit Saint, et Dieu a opéré parmi eux des miracles sans qu’ils aient connu ni pratiqué la Loi, et simplement parce qu’ils ont adhéré au message des Apôtres concernant Jésus Christ (Ga 3,2-5). Cette libéralité de Dieu est conforme, selon Paul, à un plan de salut arrêté par lui bien avant le don de la Loi: « L’Écriture, en effet, prévoyant que Dieu justifierait les païens par la foi, annonça d’avance à Abraham cette bonne nouvelle: En toi seront bénies toutes les nations » (Ga 3,8).
Partant de cette intuition qui rendait raison de tout son labeur missionnaire, Paul développe en Rm 4 toute une réflexion scripturaire sur l’histoire du salut. Abraham, souligne-t-il, est devenu juste par la foi, avant même d’être circoncis et de se plier par obéissance au joug d’une Loi: Dieu a reconnu en lui un homme pleinement ajusté à sa volonté, simplement parce qu’Abraham n’a pas hésité devant la promesse inouïe d’une descendance, alors même qu’il voyait déjà morts son propre corps et le sein de Sara (Rm 4,19-20). Sa justice a donc été « scellée » avant même que l’Alliance fut scellée par la circoncision (4,10.12), et à plus forte raison bien avant que la Loi fût promulguée par la médiation de Moise.
En appuyant sa foi sur la seule promesse de Dieu, Abraham a inauguré, selon Paul, le régime de salut que le Christ portera à son achèvement. La promesse de Dieu est un testament solennel en faveur de la descendance d’Abraham, et par un raccourci génial Paul voit dans cette unique descendance le Christ lui-même. C’est le Christ qui est héritier de par la promesse, et nous-mêmes, nous héritons avec le Christ, selon cette même promesse, et donc en vertu de notre foi: « la promesse, par la foi en Jésus-Christ, appartient à ceux qui croient » (Ga 3,22), ou, en inversant la formule: « Si vous appartenez au Christ, vous êtes donc la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse » (Ga 3,29).

2.      L’économie de la grâce et de la foi
Si la justice, c’est-à-dire la consonance totale avec Dieu sauveur, venait de la Loi, « le Christ serait mort pour rien » (Ga 2,21), Paul se serait « fatigué en vain » à porter le message (Ga 4,11), « la foi serait sans objet et la promesse sans valeur » (Rm 4,15). Mais parce que tout le plan de salut (l’économie) repose sur l’initiative de Dieu qui fait grâce, tout homme qui croit en Jésus Seigneur accède à la bénédiction, à la justice et à la liberté.
Aux païens passe, dans le Christ, la bénédiction d’Abraham (Ga 2,14), et tous ceux qui se réclament de la foi seront bénis avec Abraham le croyant (Ga 2,9). La justice, qui a été comptée à Abraham parce qu’il a cru que Dieu pouvait à tout moment susciter la vie, nous est comptée, « à nous qui croyons en Celui qui a ressuscité des morts Jésus, notre Seigneur » (Rm 4,23-24). Bien plus – et c’est là encore une audace de Paul – ceux qui comptent sur la Loi se placent en fait sous le signe d’Ismaël, le fils de la servante et de la servitude; tandis que ceux qui mettent leur espérance dans le Christ, étant nés de la promesse, peuvent se réclamer d’une mère libre, la Jérusalem d’en haut (Ga 4,21.31)
Ainsi, conformément à la promesse de Dieu, Abraham est devenu père d’une multitude de peuples (Rm 4,17-18), puisque jusqu’à la fin des temps il accueillera parmi ses fils les hommes de toute langue et de toute culture qui librement adhéreront au Christ.
Tout l’effort théologique de Paul, dans sa méditation du destin d’Abraham, a donc été de ressaisir la promesse en amont de la Loi, de la retrouver, intacte, sous l’épaisseur de la Loi, et de rendre toute sa valeur au don gratuit de Dieu, avant toute réponse et tout mérite de l’homme.
Ce qu’Abraham nous redit, à toute étape de la vie dans l’Esprit, c’est que devant Dieu nul n’a des droits à faire valoir, nul ne peut se vanter ni revendiquer. Ce qui vient de la grâce ne peut qu’être accueilli, avec l’humilité du Père des croyants.
« Abraham, disait Jésus, exulta à la pensée de voir mon jour, il l’a vu et s’est réjoui » (Jn 8,37). Ce jour du Christ, qui pour Abraham était encore à venir, est maintenant advenu, et tous ceux qui veulent « faire les œuvres d’Abraham » (Jn 8,39) commencent par entrer avec foi dans la joie de ce Jour.

§ 3     Prier avec Abraham

1.    Pour la réflexion et la prière de groupe
L’injonction du Dieu de l’alliance laisse Abraham en pleine incertitude: « Va, quittant ton pays, ta parenté et ta famille, vers le pays que je te ferai voir » 12,1). C’est un départ sans conditions, sans délai, sans prospective possible. Dieu sait; Abraham ignore: « il partit sans savoir où il allait » (Hb 11,8). Abraham se met en route, et pourtant il n’a fait qu’entendre le Seigneur. Sa réponse est de marcher, jour après jour, au pas du troupeau. Il traverse le pays de Canaan, jusqu’au Chêne de Moré, sans savoir encore quelle terre le Seigneur lui « fera voir ». C’est alors que Dieu lui-même « se fait voir », et lui dit, en quelque sorte : « le pays, tu viens de le voir. Sans le savoir, tu l’as parcouru. Tu l’as traversé comme un pays ordinaire, mais c’est bien le pays de la promesse ».
Est-ce le moment de la prise de possession? Pas encore: une autre promesse prend le relais de la première, reportant plus loin encore l’horizon, prolongeant l’incertitude: « À ta descendance je donnerai ce pays » (je le donnerai … plus tard !) (Gn 12,7). La nouvelle réponse d’Abraham sera de cheminer encore, en espérant la descendance, et en parcourant de long en large le pays maintenant nommé. L’incertitude est levée, mais l’errance continue. La terre reconnue demeure encore promise, et Abraham n’y vivra jamais qu’en nomade :  » C’est par la foi qu’il séjourna en Terre promise comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes » (He 11,9). Tout ce qu’il possédera en Canaan, c’est le champ du Hittite, pour sa sépulture.
Disponibilité totale du père des croyants: pour lui, pas d’autre ambition que de répondre au désir de Dieu.
- La vie de foi n’est jamais un parcours balisé d’avance. Pour nos communautés aussi l’avenir est toujours en promesse. Faisons-nous, ensemble, bon visage à cette transhumance spirituelle, à ce nomadisme de la foi ?
 - Dans notre marche communautaire, nous aimerions voir sous nos yeux nos raisons d’espérer; mais alors, ne sommes-nous pas en train de nous tromper d’espérance ? Faut-il attendre les premiers résultats de nos efforts communs, ou dès aujourd’hui faire fond sur Dieu ?
- Abraham s’est mis en route « sans savoir où il allait ». Il a inventé la route, et ce qu’il traversait lui paraissait toujours « étranger ». L’espérance chrétienne ne nous permet-elle pas de transfigurer le quotidien, de valoriser le vécu communautaire que nous ne pouvons encore ni nommer ni maîtriser ? – Acceptons-nous de reconnaître de nouvelles routes « pour notre descendance », pour la génération qui nous suit, sans attendre pour nous-mêmes le repos avant le grand repos de Dieu ?

2.    Pour la prière personnelle
1.    « Dieu mit Abraham à l’épreuve ». L’auteur nous en avertit, et ce faisant il nous intrigue, mais en quelque sorte nous rassure: c’est Dieu qui est à l’œuvre, or jamais il ne veut la mort.
Mais pour Abraham l’épreuve est sans issue. Toute sa vie s’écroule: il a quitté son passé pour répondre à Dieu, et Dieu maintenant lui ferme tout avenir. Si longtemps il a dû attendre la naissance de ce fils, et voilà que Dieu lui dit: « Offre-moi ton unique, celui que tu aimes ». Le Dieu de son appel devient méconnaissable, et Abraham, qui ne veut rien lui refuser, se voit confronté au mystère d’une double parole, celle de la promesse, et l’ordre de sacrifier son fils: « Va au pays de Moriyyah, et là offre-le en holocauste sur une des montagnes que je te dirai » (22,1s). « Je te dirai » : Dieu, de nouveau, se réserve le moment de la pleine lumière. Abraham part une fois encore sans savoir vraiment où, et sur une parole de Dieu qui semble renier toute l’amitié vécue. Il part, sans demander raison d’un ordre déraisonnable. L’incertitude s’épaissit: c’est l’image de son Dieu qui maintenant se trouble.
Trois jours déjà ont passé. Abraham et son fils marchent côte à côte. En silence; un silence lourd de détresse et de tendresse. Le père a gardé en mains ce qui pouvait blesser le fils : le feu et le couteau. Puis Isaac pose la question innocente: « Où est l’agneau pour l’holocauste? »; et Abraham trouve pour son enfant une réponse de paix qui le dépasse lui-même: « Dieu se pourvoira lui-même de l’agneau, mon fils ».
Après cela, plus une parole. Seulement des gestes, précis, lents, tragiques. Abraham bâtit l’autel, dispose le bois, lie Isaac, le dépose sur l’autel; il étend la main et saisit le couteau. Alors l’Ange de Yahweh appelle du haut du ciel: « Abraham, Abraham ! ». Et l’ami du Seigneur, déchiré dans son amour de père, hésitant devant le visage étrange que Dieu lui révèle, tire encore de son cœur une réponse de foi: « Me voici ! »
- Quand Dieu, dans ma vie, semble se contredire, mon réflexe est-il de revenir à sa promesse ?
 - Pour moi, quel est l’Isaac que je dois être prêt(e) à sacrifier ?
- Quels ont été, dans ma vie, les moments où j’ai fait !’expérience de la pédagogie de Dieu ?
- Jusqu’où va ma confiance en Dieu avec qui j’ai fait alliance ? Suis-je assez sûr(e) de son amour pour le laisser dans ma vie « se pourvoir » à son gré ?
2.    « Me voici »: ces deux mots résument toute la spiritualité d’Abraham. Tout a commencé, en effet, pour Abraham, par le choix et l’appel de Dieu. Avec l’élection d’Abraham, Dieu a entrepris d’inscrire dans l’histoire son propos de salut et sa volonté d’alliance avec les hommes. Et la prière d’Abraham s’enracine dans l’acceptation de cette initiative toute gratuite de Dieu.
Abraham, qui a conscience de n’être devant Dieu que  » poussière et cendre » (Gn 18,27), attend tout de lui, car déjà il se sait appelé. Puisque Dieu lui a offert l’Alliance (Gn 15), il ose dialoguer, en vrai partenaire, avec celui qui promet et qui donne. Dieu, de fait, promet une terre à ce nomade qu’il a lancé sur les routes (Dt 26, 5); et à son serviteur qui a vieilli sans enfant (Gn 15,2), il va donner non seulement un fils, mais une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel (15,5).
La certitude de tout devoir à Dieu établit Abraham dans une confiance inaltérable. Capable d’espérer contre toute espérance (Rm 4,18), il sait que tout son bonheur est grâce de Dieu. Même s’il n’a droit à rien, il s’accroche à la promesse, jusqu’au cœur de l’épreuve (Gn 22).
C’est cette foi, heureuse et héroïque, qui fait d’Abraham un juste, c’est-à-dire un homme pleinement ajusté à Dieu et à son dessein. Croire, pour lui, c’est parler en homme vivant au Dieu vivant dont la joie est de faire vivre. Avec Abraham, on n’est encore qu’à l’aurore de la foi, et pourtant sa prière est déjà toute simple et familière. Son intimité avec Dieu est telle qu’il n’y a pas de distance, en lui, entre la prière soumise et le don de lui-même: pour lui, écouter, c’est déjà obéir. La prière est le lieu où il découvre chaque jour plus clairement le vrai visage de Dieu et sa propre vocation de père des croyants.
Enfin, calquant sa générosité sur celle qu’il découvre en Dieu, Abraham, dans sa prière, se fait médiateur. Lui qui, par grâce, connaît Dieu, intercède pour ceux qui ne l’ont pas rencontré ou qui déjà l’ont trahi, même les pécheurs de Sodome et Gomorrhe. Là encore, devant Dieu, il ose, il discute, il marchande, certain que Dieu se laissera fléchir si, dans la foi, il en appelle à son cœur.
- Devant son Dieu, Abraham est à la fois soumis et audacieux, adorant et tout simple. Ai-je encore parfois, devant le Dieu de mon appel, des réactions de crainte, d’hésitation ou d’ amertume ?
- À ce moment de ma vie, à quelle conversion de l’intelligence ou du cœur dois-je consentir pour m’ajuster davantage à Dieu, à son plan d’amour sur le monde ?
- Dieu aime que ses amis le prient et intercèdent. Est-ce que j’ose suffisamment lui présenter les soucis que lui-même m’a mis dans le cœur pour ceux et celles qu’il m’a donnés ?

3.     Textes

Le portait d’Abraham dans l’Éloge des Pères de Ben Sira’ (Si 44,19-21)
« Abraham est le père illustre d’une multitude de nations,
et nul ne s’est trouvé qui l’égalât en gloire.
Il observa la loi du Très-Haut et entra en alliance avec lui;
il établit cette alliance en sa chair, et dans l’épreuve il fut trouvé fidèle.
Aussi Dieu lui assura-t-il par serment
que les nations seraient bénies en sa descendance,
qu’il le multiplierait comme la poussière de la terre,
qu’il exalterait ses descendants comme les étoiles
et leur donnerait pour héritage de la mer à la mer
et du Fleuve jusqu’à l’extrémité de la terre ».

Épître aux Romains (4,16-25)
« C’est par la foi qu’on devient héritier, afin que ce soit par grâce et que la promesse demeure valable pour toute la descendance d’Abraham, non seulement pour ceux qui se réclament de la loi, mais aussi pour ceux qui se réclament de la foi d’Abraham, notre père à tous. En effet, il est écrit: J’ai fait de toi le père d’un grand nombre de peuples. Il est notre père devant Celui en qui il a cru, le Dieu qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas. Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi le père d’un grand nombre de peuples selon la parole: Telle sera ta descendance.
Il ne faiblit pas dans la foi en considérant son corps – il était presque centenaire – et le sein maternel de Sara, l’un et l’autre atteints par la mort. Devant la promesse divine, il ne succomba pas au doute, mais il fut fortifié par la foi et rendit gloire à Dieu, pleinement convaincu que, ce qu’il a promis, Dieu a aussi la puissance de l’accomplir.
Voilà pourquoi cela lui fut compté comme justice. Or ce n’est pas pour lui seul qu’il est écrit: Cela lui fut compté, mais pour nous aussi, nous à qui la foi sera comptée puisque nous croyons en Celui qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification ».

Épître aux Hébreux (11,8-10.17-19)
« Par la foi, répondant à l’appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait.
Par la foi il vint résider en étranger dans la terre promise, habitant sous la tente avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse. Car il attendait la ville munie de fondations, qui a pour architecte et constructeur Dieu lui-même.
Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac; il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et qu’on lui avait dit: C’est par Isaac qu’une descendance te sera assurée. Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de le ressusciter; aussi, dans une sorte de préfiguration, il retrouva son Fils ».

A propos de l’espérance au temps de l’Ancien Testament

24 mars, 2011

du site:

http://bouquetphilosophique.pagesperso-orange.fr/esperancedesanciens.html

A propos de l’espérance au temps de l’Ancien Testament
 
Au regard de l’espérance lumineuse qui fait courir les chrétiens aujourd’hui, celle des hommes de l’Ancien Testament paraît bien terne ! On peut en effet être surpris que l’auteur du livre de l’Ecclésiaste – qui se présente comme un sage sous les traits du roi Salomon –  reconnaisse avec lucidité et grande vénération que Dieu a « implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité » (Ecclésiaste 3.11, La Bible du Semeur)… avant de confesser finalement l’aspect décevant de la vie humaine qui s’achève par la vieillesse et la mort (Ecclésiaste 12.1-7, 3.19-20) !
Paradoxalement, tandis que depuis longtemps les adeptes de certaines religions polythéistes de l’ancien Orient croient fermement à la résurrection et à une vie future, les enfants d’Israël, eux, s’ouvrent en dernier à cette croyance… et semblent voués inexorablement à la désespérance quant à l’au-delà ! Ce n’est en fait que tardivement, vers la fin de l’Exil (soit entre 550 et 539 avant Jésus-Christ), qu’ils découvrent – ou redécouvrent (1) – progressivement l’idée d’éternité. Un comble pour le peuple qui deviendra celui de l’espérance ! Attardons-nous un instant sur ces questions.

Une vision d’éternité commune à tous les peuples anciens
La croyance en une « survie de l’individu » après la mort semble remonter aux origines de l’espèce humaine et de tout temps, dans toutes les civilisations, ce qui peut paraître étonnant, une grande majorité s’est ralliée à l’idée que l’homme est immortel par nature.
« Ce qui est commun aux religions, [écrit le scientifique et ancien ministre Claude Allègre] depuis celles des Sumériens ou des Égyptiens en passant par celles des Perses, des Babyloniens, des Assyriens, des Indiens ou des Chinois jusqu’à celles qui inspirent les Sepik de Nouvelle-Guinée ou les Indiens d’Amazonie, c’est qu’elles ont toutes développé le concept de dieu, de transcendance et d’au-delà, faisant toutes espérer aux meilleurs, l’immortalité (2). »
Plus de 2000 ans avant J.-C., l’Egypte pharaonique est certainement l’une des premières civilisations à s’édifier dans la perspective de l’éternité. Les Egyptiens en effet, tout en reconnaissant la brièveté du temps terrestre, croient en une autre forme d’existence. Osiris, mort et ressuscité, devenu dieu de l’au-delà, leur apporte l’assurance d’une survie éternelle.
Environ 13 siècles plus tard, sur la base d’une espérance similaire, le philosophe persan Zoroastre (fondateur du zoroastrisme, ancienne religion de la Perse) promet à ses disciples l’avènement d’un sauveur suprême, Saoshyant, qui présidera à la résurrection et à l’émergence d’une vie éternelle après la mort. Notons que le zoroastrisme, religion dualiste fondée sur la lutte permanente entre un Dieu bon (Ahura Mazdâ) et un démon (Ahriman) enseigne aussi le libre arbitre, le jugement final, l’enfer, le paradis et la victoire finale du bien sur le mal. Ce qui représente, soit dit en passant, une sorte de préfiguration du christianisme… en tout cas, une incontestable révolution religieuse au début du VIIe siècle avant J.-C. !
Curieusement donc, en ce qui concerne cette idée de survie post mortem, les Hébreux restent imperméables à toute influence, égyptienne notamment. Face à la vision d’éternité commune à beaucoup de religions antiques, ils ne se lassent pas de nourrir une vague espérance dont ils semblent se satisfaire, mais qui toutefois se précise graduellement au cours des siècles.

De l’espérance terrestre à l’espérance céleste
Ce n’est en effet qu’à l’époque de la rédaction du livre de Daniel que le peuple juif arrive enfin à croire peu à peu en la résurrection et en une vie après la mort. Durant de très nombreux siècles, étonnamment celui-ci se contente d’une espérance terrestre sans vision d’éternité, ou tout au plus d’une espérance en une survie nationale.
Tout d’abord, une espérance à courte vue
Ainsi, pendant longtemps, c’est le modèle de la rétribution – strictement terrestre – qui dicte la pensée des enfants d’Israël. Ceux-ci croient que Dieu « rétribue » ici-bas les hommes selon leurs actes, autrement dit que les justes sont récompensés par une longue vie tranquille et prospère tandis que les pécheurs sont condamnés à une vie malheureuse, courte et sans descendance… en attendant avec frayeur – justes comme pécheurs, d’ailleurs – le sort qui les attend, le sheol (3) où tous resteront abandonnés à jamais.
Mentionnons à cet égard quelques textes bibliques attestant cette espérance à courte vue : « Les jours de nos années s’élèvent à soixante-dix ans, et pour les plus robustes, à quatre-vingt ans. […] Enseigne-nous à bien compter nos jours, […] Rassasie-nous chaque matin de ta bonté, et nous serons toute notre vie dans la joie et l’allégresse. Réjouis-nous autant de jours que tu nous as humiliés, autant d’années que nous avons vu le malheur » (Psaume 90.10-15) ; « Donne-nous encore des jours comme ceux d’autrefois ! » (Lamentations 5.21) ; « Voici ce que je veux repasser en mon cœur, ce qui me donnera de l’espérance. Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, ses compassions ne sont pas à leur terme » (Lamentations 3.21-22) ; « Soutiens-moi pour que je vive, tu l’as promis, ne déçois pas mon espérance » (Psaume 119.116, BFC) ; « Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et j’habiterai dans la maison de l’Eternel jusqu’à la fin de mes jours » (Psaume 23.6) ; « L’Eternel m’a châtié, mais il ne m’a pas livré à la mort » (Psaume 118.18).
Comme il se dégage de nombreux passages de l’Ancien Testament, Dieu – dans un premier temps – répond à ses enfants sans leur proposer davantage : « Je te sauverai, et tu ne tomberas pas sous l’épée, ta vie sera ton butin, parce que tu as eu confiance en moi, dit l’Éternel » (Jérémie 39.18) ; « Celui qui m’écoute […] vivra tranquille et sans craindre aucun mal » (Proverbes 1.33) ; « Il m’invoquera, et je lui répondrai. Je serai avec lui dans la détresse, je le délivrerai et je le glorifierai. Je le rassasierai de longs jours, et je lui ferai voir mon salut » (Psaume 91.15-16) ; « N’oublie pas mes enseignements, […] car ils prolongeront les jours et les années de ta vie, et ils augmenteront ta paix » (Proverbes 3.1-2) ; « Ils [les justes] ne sont pas confondus au temps du malheur, et ils sont rassasiés aux jours de la famine » (Psaume 37.19) ; « Ceux qui espèrent en l’Éternel posséderont le pays » (Psaume 37.9) ; « Aimez le Seigneur votre Dieu, obéissez-lui, restez-lui fidèlement attachés, c’est ainsi que vous pourrez vivre et passer de nombreuses années dans le pays que le Seigneur a promis de donner à vos ancêtres Abraham, Isaac et Jacob » (Deutéronome 30.20, BFC)… Pour ne citer que ces versets !

L’espérance collective, une perspective nouvelle pour Israël
Bien que la croyance en la rétribution soit historiquement ancrée dans la réalité quotidienne du peuple d’Israël, certains en voyant « le bonheur des méchants » (Psaume 73.3) – ou en quelque sorte, l’inversion de cette théorie de la rétribution – ont du mal à comprendre la justice de Dieu et se mettent à réfléchir. C’est le cas du roi David (Psaume 37) et du psalmiste Asaph (Psaume 73).
Job, héros des temps anciens, fait aussi partie de ceux qui osent remettre en cause la croyance classique (Job 12.13-25). « Contre cette corrélation rigoureuse [la liaison entre la souffrance et le péché personnel], Job s’élève avec toute la force de son innocence. Il ne nie pas les rétributions terrestres, il les attend, et Dieu les lui accordera finalement […] Mais c’est pour lui un scandale qu’elles lui soient refusées présentement et il cherche en vain le sens de son épreuve. Il lutte désespérément pour retrouver Dieu qui se dérobe et qu’il persiste à croire bon (4). »
Dans l’un de ses « grands textes », il arrive finalement à la conclusion que le bien et le mal ont leur sanction outre-tombe plutôt qu’ici-bas, une avancée théologique considérable ! C’est ainsi qu’au-delà de l’espoir d’être délivré de ses maux en ce monde, il ose affirmer – certes, de façon imprécise, la traduction de ce passage reste difficile – son espérance en la résurrection : « Pour ma part, je sais que celui qui me rachète est vivant et qu’il se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau aura été détruite, en personne je contemplerai Dieu. C’est lui que je contemplerai, et il me sera favorable. Mes yeux le verront, et non ceux d’un autre » (Job 19.25-27).
Pour d’autres hommes de l’Ancien Testament également confrontés à l’injustice, l’espérance individuelle se mue alors en espérance collective. Si la réussite des méchants offre un spectacle révoltant, « le Seigneur s’intéresse à la vie de ceux qui sont irréprochables, le pays dont ils sont les héritiers leur est acquis pour toujours » (Psaume 37.18, BFC). Au VIIIe siècle av. J.-C., le prophète Esaïe à même l’intuition que son peuple « ressuscitera » : « Mon peuple, tes morts reprendront vie, alors les cadavres des miens ressusciteront ! Ceux qui sont couchés en terre se réveilleront et crieront de joie » (Esaïe 26.19). Vers la même époque, Osée, un autre porte-parole de Dieu, invite Israël à se repentir et évoque l’espérance d’une rénovation nationale : « Venez, retournons à l’Eternel ! Car il a déchiré, mais il nous guérira. Il a frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous rendra la vie […] il nous relèvera, et nous vivrons devant lui » (Osée 6.1-2).
Mais c’est en réalité la grande épreuve de la déportation à Babylone qui amène les Juifs à s’interroger sur la « juste rétribution » de Dieu. En cette période particulièrement troublée, le prophète Jérémie, toujours soucieux du bien de ses compatriotes, se demande pourquoi ceux-ci lui manifestent tant de haine : « Seigneur, tu es trop juste pour que je m’en prenne à toi. Pourtant, j’aimerais discuter de justice avec toi. Pourquoi le chemin des méchants les mène-t-il au succès ? Et ceux qui te sont infidèles, pourquoi vivent-ils tranquilles ? » (Jérémie 12.1, BFC).
« Au-delà de la ruine qu’il voit approcher pour le peuple infidèle, il [Jérémie] entrevoit une sorte de résurrection dans le cadre d’une nouvelle alliance avec Dieu [le retour des survivants d’Israël et la reconstruction de Jérusalem, chapitre 31]. Il témoigne alors de sa confiance en la victoire de Dieu par un surprenant geste d’espoir [l’acquisition d’un champ, acte symbolique, chapitre 32] (5). »
Après le châtiment, il y aura donc un rétablissement, un avenir pour le peuple de Dieu… de quoi raviver l’espérance : « Je rétablirai le peuple de Juda et le peuple d’Israël, et je les rétablirai dans leur ancienne situation » (Jérémie 33.7, BFC). « Je multiplierai les descendants de mon serviteur David […] ils seront aussi nombreux que les étoiles qu’on ne peut compter dans le ciel » (Jérémie 33.22, BFC).
Quant à Ezéchiel – en dépit des circonstances dramatiques de l’époque –, il est l’un des rares prophètes de l’Ancien Testament à proclamer aussi explicitement qu’il y a une espérance pour Israël. Ainsi, dans sa célèbre vision des ossements desséchés (Ezéchiel 37.1-14), la renaissance de la nation d’Israël s’exprime pleinement. Bien qu’il s’agisse plutôt là d’une promesse de survie collective pour le peuple d’Israël, autrement dit d’une « résurrection nationale », on peut y voir en outre l’amorce de l’idée de résurrection individuelle. Citons quelques extraits de ce passage intéressant : « Voici ce que dit le Seigneur, l’Eternel : Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts et qu’ils revivent ! […] Je vais ouvrir vos tombes et je vous en ferai sortir, vous qui êtes mon peuple, et je vous ramènerai sur le territoire d’Israël » (Ezéchiel 37.9-12).

En route vers l’espérance céleste
En fait, le point de départ – discret – de ce lent cheminement vers le ciel peut être relevé dans le livre des Psaumes où certains versets portent en germe la notion de résurrection : « Non, Seigneur, tu ne m’abandonnes pas à la mort, tu ne permets pas que moi, ton fidèle, je m’approche de la tombe. Tu me fais savoir quel chemin mène à la vie. On trouve une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel près de toi » (Psaume 16.10-11, BFC) ; « Eternel, tu as fait remonter mon âme du séjour des morts, tu m’as fait revivre loin de ceux qui descendent dans la tombe » (Psaume 30.4) ; « Dieu sauvera mon âme du séjour des morts » (Psaume 49.16) ; « Ta bonté envers moi est grande, et tu délivres mon âme des profondeurs du séjour des morts » (Psaume 86.13) ; « C’est lui qui délivre ta vie de la tombe, qui te couronne de bonté et de compassion » (Psaume 103.4).
Mais c’est surtout le livre de Daniel (6) qui nous éclaire un peu plus sur l’évolution de la conception de l’au-delà chez les Juifs. C’est bien d’une résurrection personnelle suivie d’une vie éternelle que les justes hériteront : « A cette époque-là [pouvons-nous lire dans Daniel 12.1-3] se dressera Michel, le grand chef, celui qui veille sur les enfants de ton peuple. Ce sera une période de détresse telle qu’il n’y en aura pas eu de pareille depuis qu’une nation existe jusqu’à cette époque-là. A ce moment-là, ceux de ton peuple qu’on trouvera inscrits dans le livre seront sauvés. Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte, pour l’horreur éternelle. Ceux qui auront été perspicaces brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à beaucoup brilleront comme les étoiles, pour toujours et à perpétuité. »
Cependant, ce n’est vraiment qu’à partir du deuxième siècle avant Jésus-Christ que l’espérance en la résurrection devient une réalité pour le peuple juif. A la mort d’Alexandre le Grand, la Palestine « passe sous l’autorité des monarchies hellénistiques, des Lagides d’Egypte d’abord, puis des Séleucides de Syrie. La politique d’hellénisation radicale instaurée par Antiochus IV Epiphane (175-164 av. J.-C.), doublée d’une intolérance agressive vis-à-vis des Juifs, suscite un grand mouvement de révolte. Ce mouvement, à la fois national et religieux, est conduit par le prêtre Mattathias et son fils Judas, dit Maccabée. […] Antiochus IV s’efforce d’imposer aux Juifs les mœurs et la religion grecques. La pratique du judaïsme devient passible de mort (7) ».
Dans ce contexte de résistance et de répression féroce – où le dogme de la rétribution ici-bas est tragiquement mis en échec –, les nombreux martyrs, fidèles à la loi de Moïse, s’interrogent sérieusement sur la justice divine. Torturés et mis à mort pour leur foi, ils finissent par croire réellement que Dieu les ressuscitera et que leur rétribution sera d’outre-tombe.
Le deuxième livre des Maccabées, probablement écrit vers 120-100 avant J.-C., décrit justement l’héroïque résistance de sept frères « Maccabées » et de leur mère (modèles des premiers martyrs juifs) qui préfèrent être torturés à mort plutôt que de toucher à la viande de porc interdite par la loi. Citons ici quelques versets de ce livre deutérocanonique de l’Ancien Testament témoignant de cette foi naissante en la résurrection :
« Au moment de rendre le dernier soupir, il [le second supplicié] dit : Scélérat que tu es, tu nous exclus de la vie présente, mais le roi du monde, parce que nous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour une vie éternelle » (2 Maccabées 7.9, TOB).
« On soumit le quatrième aux mêmes tortures cruelles. Sur le point d’expirer, il dit : Mieux vaut mourir de la main des hommes en attendant, selon les promesses faites par Dieu, d’être ressuscité par lui » (2 Maccabées 7.13-14, TOB).
« Eminemment admirable et digne d’une excellente renommée fut la mère, qui voyait mourir ses sept fils en l’espace d’un seul jour et le supportait avec sérénité, parce qu’elle mettait son espérance dans le Seigneur. Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères. Remplie de nobles sentiments et animée d’un mâle courage, cette femme leur disait : Je ne sais pas comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie, […] Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé l’homme à sa naissance et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il dans sa miséricorde et l’esprit et la vie, parce que vous vous sacrifiez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois » (2 Maccabées 7.20-23, TOB).
Enfin, on peut mentionner le livre de la Sagesse, autre apocryphe rédigé vers la même époque (Ier siècle avant J.-C.) dans lequel on trouve, quoique de façon larvée, le thème de la résurrection : « Les âmes des justes, elles, sont dans la main de Dieu et nul tourment ne les atteindra plus. Aux yeux des insensés, ils passèrent pour morts, et leur départ sembla un désastre, […] Pourtant, ils sont dans la paix. Même si, selon les hommes, ils ont été châtiés, leur espérance était pleine d’immortalité » (Sagesse 3.1-4).
Comme le remarque Jean Civelli, prêtre à Fribourg (Suisse), « cette idée d’une résurrection des morts ne devait plus s’oublier dans le judaïsme. Ce sont les Pharisiens qui la recueillirent, contrairement au parti des Sadducéens, parti des prêtres et de la noblesse du Temple de Jérusalem, qui, eux, n’acceptèrent pas ce qu’ils considéraient comme une doctrine fausse, car ils ne la trouvaient pas dans la Loi de Moïse (cf. Marc 12.18 et Actes 23.8). […] Le sceau définitif de cette foi en la résurrection sera donné par Jésus lui-même, dans sa propre résurrection (8) ».
« La croyance en la résurrection, qui va se développer dans le monde sémitique, [affirme de son côté, Marie Lucien, docteur en théologie de l'Université de Strasbourg] apparaît comme une nouveauté radicale et impressionnante […] La résurrection personnelle de chaque homme deviendra alors l’espérance commune aux trois religions monothéistes issues du monde sémitique, le judaïsme, le christianisme et l’islam (9). »

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Après avoir ainsi esquissé à grands traits l’histoire de l’espérance religieuse en Israël, une question demeure cependant : pourquoi cette dernière est restée si longtemps une piètre espérance… avant que finalement le Nouveau Testament ne la porte à son plus haut degré ? A défaut de pouvoir répondre ici avec certitude à cette question, nous voulons par contre dire toute notre admiration pour les hommes de l’Ancien Testament ayant fait le bon choix de faire confiance à Dieu et de marcher avec lui en se contentant de sa faveur et de l’assurance du pardon de leurs péchés… portés seulement par l’espérance d’une longue vie prospère – ici-bas – et en dépit du système simpliste des rétributions temporelles ne fonctionnant pas toujours.
Alors que nous, croyants du XXIe siècle, pouvons nous enorgueillir de notre belle espérance solidement ancrée dans la résurrection de Jésus-Christ – ce qui ne nous laisse plus aucune excuse pour notre incrédulité –, puissions-nous également faire nôtres les propres louanges de ces héros de la foi… pourtant adressées à un Dieu qu’ils n’imaginaient pas si généreux : « Je chanterai l’Eternel tant que je vivrai, je célébrerai mon Dieu tant que j’existerai. […] Je veux me réjouir en l’Eternel » (Psaume 104.33-34).
 
Claude Bouchot
 
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1. En effet, il est raisonnable de penser qu’Adam et les premiers patriarches bénéficièrent déjà d’une révélation divine particulière concernant l’au-delà qui leur était réservé. En tout cas, l’auteur de l’épître aux Hébreux en est convaincu lorsqu’il fait l’éloge de la foi des ancêtres illustres tels qu’Abel, Hénoc, Noé et Abraham : « C’est dans la foi que tous ces hommes sont morts. Ils n’ont pas reçu les biens que Dieu avait promis, mais ils les ont vus et salués de loin. Ils ont ouvertement reconnu qu’ils étaient des étrangers et des exilés sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu’ils recherchent une patrie. […] En réalité, ils désiraient une patrie meilleure, c’est-à-dire la patrie céleste » (Hébreux 11.13-16, BFC). Hélas, les Hébreux semblent avoir vite oublié « l’espérance de la vie éternelle, promise avant tous les siècles par le Dieu qui ne ment point » (Tite 1.2).
2. Allègre Claude, Dieu face à la science, Paris : Fayard, 1997, p. 223 (LP).
3. « Sheol est un terme hébraïque intraduisible, désignant le « séjour des morts », la « tombe commune de l’humanité », le puits, sans vraiment pouvoir statuer s’il s’agit ou non d’un au-delà. La Bible hébraïque le décrit comme une place sans confort, où tous, juste et criminel, roi et esclave, pieux et impies se retrouvent après leur mort pour y demeurer dans le silence et redevenir poussière » (L’encyclopédie libre Wikipédia, Sheol, [En ligne]
http://www.wikipedia.org/, consulté en décembre 2010).
4. La Bible de Jérusalem, Introduction au livre de Job, Paris : Editions du Cerf, 1981, p. 650.
5. La Bible Expliquée, Introduction au livre de Jérémie, Villiers-le-Bel : Société biblique française, 2004, p. 897-AT.
6. A noter que, presque unanimement, les théologiens libéraux contemporains mettent en doute l’authenticité historique du livre de Daniel en datant celui-ci du IIe siècle av. J.-C. seulement et en l’attribuant à un auteur inconnu, alors que la tradition juive et chrétienne – reposant à cet égard sur un solide fondement – le situait au VIe siècle avant notre ère… c’est-à-dire à l’époque où vivait justement Daniel !
7. Simon Marcel, « 2000 ans de christianisme », Vol. 1, Le monde juif, berceau du christianisme, Paris : Aufadi – S.H.C. International, 1975, p. 14, 18.
8. Civelli Jean, La résurrection des morts : et si c’était vrai ?, Saint-Maurice : Editions Saint-Augustin, 2001, p. 24-25.
9. Lucien Marie, Le message de Jésus : une spiritualité universelle inusitée, Paris : Editions L’Harmattan, 2009, p. 135-136.
 
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commentaire sur: Deutéronome 11,18.26-28

5 mars, 2011

du site:

http://www.bible-service.net/site/434.html

commentaire sur: Deutéronome 11,18.26-28

 Le cœur de ce passage de la fin du livre du Deutéronome est clairement dans ces mots : “ Aujourd’hui, je vous donne le choix… “  Autrement dit, après avoir donné toutes les lois qui sont comprises comme des lois de liberté, qui empêchent tout retour à la vie en Égypte, c’est-à-dire à l’esclavage, Dieu, par l’intermédiaire de Moïse, invite clairement à faire un choix : entre la bénédiction et la malédiction, entre le bonheur et le malheur, entre la vie et la mort. Ou, pour le dire autrement, le choix entre la fidélité au Seigneur (qui se traduit par l’obéissance à ses commandements), accompagnée de la bénédiction, ou bien l’infidélité qui devient une malédiction.
Le vocabulaire employé n’est plus guère le nôtre : nous ne parlons plus beaucoup de malédiction ; les mots « décrets et commandements » ne sont guère à la mode, mais nous comprenons bien que la Loi de Dieu telle qu’elle est exprimée dans la Bible est une loi de vérité et de liberté, une Loi qui formalise le choix absolu de la vie, qui organise le respect de l’autre, la protection des faibles et finalement le bonheur et le salut de l’humanité. La Loi dans la Bible, cela signifie davantage le chemin, une bonne orientation de vie pour réaliser la volonté de Dieu, que « Loi » au sens juridique du terme. Observer les commandements et les décrets de Dieu, c’est entrer dans la justice de Dieu, c’est accomplir le projet de Dieu. C’est à partir de cette clé de lecture que les théologiens et les prophètes du peuple d’Israël analyseront toute l’histoire du peuple, et notamment le drame de l’exil à Babylone. 

Sion, ma mère : le Psaume 87(86)

21 février, 2011

du site:

http://www.interbible.org/interBible/cithare/psaumes/2004/psa_040604.htm

Sion, ma mère : le Psaume 87(86)

Voici un Psaume qui parle de la maternité et de la joie de naître avec un aspect de mystère dans son lyrisme. Ce psaume, c’est le Psaume 87, que nous donnons ici selon la version de la liturgie des heures (le bréviaire) :

Elle est fondée sur les montagnes saintes.
Le Seigneur aime les portes de Sion
Plus que toutes les demeures de Jacob.
Pour ta gloire on parle de toi,
Ville de Dieu!
« Je cite l’Égypte et Babylone
Entre ce lles qui me connaissent. »
Voyez Tyr, la Philistie, l’Éthiopie:
Chacune est née là-bas.
Mais on appelle Sion: « Ma mère! »
Car en elle tout homme est né.
C’est lui, le Très-Haut, qui la maintient.
Au registre des peuples, le Seigneur écrit:
« Chacun est né là-bas. »
Tous ensemble ils dansent, et ils chantent :
« En toi, toutes nos sources! »

     On trouve deux images étonnantes par leur originalité dans ce poème. La première fait de Jérusalem (Sion) une mère. La ville sainte est une mère universelle « car en elle tout homme est né ». La deuxième concerne Dieu lui-même. Il est un constructeur très compétent puisque c’est lui qui a bâti Jérusalem en cité bien solide : « Elle est fondée sur les montagnes saintes. » De plus, Dieu veille sur la ville à la façon d’un administrateur très sage. Il sait qui habite là car il tient un registre. Serait-il comme un curé qui maintient en bon ordre le registre des baptêmes?
     Le poème n’a rien d’étroit comme vision du monde. Il n’ignore pas les grandes c ivilisations. Sans doute, le prophète qui l’a écrit connaît-il la grandeur de Babylone et de l’Égypte! Il parle d’elles comme de cultures qui connaissent Dieu : « Je cite l’Égypte et Babylone entre celles qui me connaissent. » Il fait allusion aux croyants qui vivent dans ces pays étrangers et qui font connaître le Dieu d’Abraham: on anticipe le jour où les masses croiront au vrai Dieu. Le poète français Paul Claudel parlait de la foi comme un co-naître. Il y aura un grand pèlerinage des nations à Sion. La foi leur fera prendre part à une belle liturgie:« Tous ensemble ils dansent, et ils chantent!» À Jérusalem, tous les peuples se sentiront renaître car Jérusalem est mère.
     Nos communautés chrétiennes d’aujourd’hui reproduisent le mythe de ce psaume. Elles réunissent des nations nombreuses pour l’eucharistie. Les grands lieux de pèlerinage catholiques encore mieux! Les prophètes avaient décidément de belles intuitions qui vont s’accomplir pleinement dans la Jérusalem céleste.
     Sur un plan plus terre à terre , les mamans peuvent tirer une leçon de vie de ce psaume. Il faut créer la joie dans la famille: la foi est un moyen privilégié pour le faire. Il faut reconnaître les talents de chacun des enfants même de ceux qui sont moins doués. La clé du bonheur est dans le rassemblement. La saveur du pain partagé n’ a pas d’égal, disait Saint-Exupéry. Personne n’a le droit d’être heureux tout seul, ajoutait Raoul Follereau. Le Psaume 87 nous l’enseigne de merveilleuse façon.

Pierre Bougie, PSS
professeur au Grand séminaire de Montréal

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