Archive pour la catégorie 'Ancien Testament'

La vie dans l’Alliance

22 août, 2012

http://www.interbible.org/interBible/decouverte/groupes/2009/grb_090324.htm

La vie dans l’Alliance

Vivre de la Parole

(par Pierre Alarie, Bibliste, Montréal)

Les divers événements racontés dans le livre de l’Exode convergent vers la vie à l’intérieur de l’Alliance. Dieu a déjà sauvé son peuple par un acte gracieux. Mais il appartient à ce dernier de marcher vers sa maturité. Il ne doit plus se comporter comme un enfant que l’on conduit par la main. Il doit accepter librement l’appel de Dieu et s’attacher à Lui par un contrat d’alliance. Le récit de l’Alliance deviendra le fondement de la charte religieuse et social d’Israël.
C’est une charte de liberté. Un peuple qui a été libéré de l’esclavage ne saurait plus agir comme les autres peuples. Il ne doit plus se laisser asservir par des désirs tout humains. Il doit en particulier renoncer à se faire un Dieu qui serait la projection de ses désirs. Le Décalogue ouvre une voie qui conduit à un mode de vie proposé par Dieu.
Après avoir relu le texte de Exode, 19, 9 – 20, 21, on pourra s’inspirer des pistes d’actualisation suivantes :
Selon vous, pourquoi le Seigneur a-t-il utilisé cette grande mise en scène sur le Sinaï? Comme un caprice divin; pour préparer Moïse à recevoir les Dix commandements dans un tremblement de terre; comme une manifestation de sa sainteté; pour faire peur à son peuple; autre
Si vous aviez été Moïse, comment auriez-vous réagi au moment de rencontrer Dieu au pied de la montage? J’aurais couru vers la montagne; j’aurais couru pour « sauver ma vie »; je me serais tenu à distance; j’aurais été accablé par le doute ou la peur; autre
Des Dix commandements, lequel croyez-vous que notre société a le plus besoin d’entendre et de mettre en pratique? Et pour vous-même?
Identifier des faux dieux et des idoles modernes qui prétendent apporter le bonheur. Et vous, en avez-vous?
Comment pouvez-vous combattre ces idoles modernes?
En les niant.
En leur résistant.
En vous remémorant combien elles ne vous mènent nulle part.
En mettant le Seigneur dans le coup pour les combattre.
En lisant les Écritures saintes.
En fuyant « les occasions ».
Autre.
Comment croyez-vous que le Seigneur vous demande de respecter le « Sabbat »? Quels moyens prenez-vous pour vous ressourcer spirituellement?
Dans votre aventure spirituelle, comment avez-vous rencontré le Seigneur? Quel souvenir en gardez-vous? Quels effets a eu cette rencontre dans votre vie?
Actuellement, comment êtes-vous satisfait de votre relation avec le Seigneur? Totalement; pas mal; ça va; ça ne va pas du tout; un peu; autre…

« Mon cœur se retourne en moi » (Os 11, 8), Le prophète Osée

6 août, 2012

http://www.collevalenza.it/Francese/Art005.htm

« Mon cœur se retourne en moi » (Os 11, 8)

Le prophète Osée

P. Aurelio Pérez fam

Le livre d’Osée est un moment clé dans la révélation de la miséricorde de Dieu dans l’Ancien Testament. Il mérite qui nous nous y arrêtons de façon particulière. Jésus lui-même le citera, dans l’évangile de Matthieu, deux fois (Mt 9, 13 ; 12, 7) un texte central d’Osée. « C’est la miséricorde que je veux et non des sacrifices » (Os 6, 6).

Comme l’Époux et l’épouse
Osée est le premier des prophètes qui a eu l’hardiesse de faire de l’amour humain, qui existe entre l’époux et l’épouse, le symbole de l’amour de Dieu à l’égard d’Israël et il a eu l’audace de concevoir le pacte entre Dieu et Israël comme une alliance nuptiale, un mariage d’amour, avec tout ce que, de fait, cela peut comporter d’intimité et de tension.
Or, cette interprétation se reflète dans son langage, riche de toute une terminologie d’amour qui se réfère à l’amour sponsal. Ainsi, par exemple, il parle du cœur, des fiançailles, de la fidélité, de la séduction, de la jalousie, de l’adultère, de la prostitution.
Comment Osée est-il arrivé à appliquer un symbolise aussi audacieux ? Il y est parvenu, non en inventant une parabole avec un but didactique, mais en partant de sa vie personnelle, celle d’un mariage malheureux, d’un amour trahi :
Quand le Seigneur commença à parler à Osée, il lui dit : »Va, prends une femme se livrant à la prostitution et des enfants de prostitution, car le pays ne fait que se prostitué en se détournant du Seigneur » (Os 1, 2).
Le Seigneur me dit encore : « Va de nouveau, aime une femme qui en aime un autre et commet l’adultère ; comme le Seigneur aime les fils d’Israël, alors qu’ils se tournent vers d’autres dieux » (Os 3, 1).
C’est en réfléchissant sur cette expérience dramatique de sa vie matrimoniale, qu’Osée arrive à saisir la sens symbolique, qui y est inhérent, et parvient à comprendre la mission que Dieu lui confie comme chantre et interprète de l’amour nuptial entre Dieu et Israël.
Le livre d’Osée est rempli d’une succession continue de manifestation de l’amour passionné, de menaces, de jalousie, de réprimandes et de plaintes contre l’infidélité, d’expressions pleines de tendresse et d’annonces de terribles châtiments, et à la fin vient une promesse de restauration. Il faut remarquer que chez Osée, comme chez tous les prophètes, la dernière parole est toujours une parole d’espérance, même dans les situations les plus dramatiques, parce que l’amour du Seigneur est plus fort que toute infidélité de l’homme.
Malgré tout, Dieu continue à aimer Israël, à rester fidèle ; Il ne l’abandonnera pas à son destin mais, poussé par sa compassion (c’est un retournement), il projette de le séduire à nouveau, de reconquérir son cœur, et dit : C’est pourquoi je vais la séduire, la conduire au désert et je parlerai à son cœur (Os 2, 16).
C’est dans cette tentative pour récupérer l’amour de l’épouse que s’insère le thème important du désert, comme voie de changement de penser.
Osée voit le désert comme le temps de la jeunesse d’Israël, un temps où, à travers les privations, l’insécurité quotidienne, il a vécu sa foi avec pureté, son abandon en Dieu, le temps où il reconnaissait en Lui son unique Epoux.
Ainsi, Osée veut nous montrer qu’à l’origine du chemin de conversion et de foi, il y a l’amour tendre et miséricordieux de Dieu, qui est durable, qui est fidèle.

Comme le Père et l’enfant
Une autre image très éloquente que le prophète présente est celle du rapport Père-fils :
Quand Israël était jeune, je l’ai aimé, et d’Egypte j’ai appelé mon fils.
Masi plus je les appelais, plus ils s’éloignaient de moi ; ils ont sacrifié aux Baals ; c’est à des idoles taillées qu’ils ont brûlé des offrandes.
J’avais appris à marcher à Ephraïm, les prenant par les bras, mais ils n’ont pas reconnu que je prenais soin d’eux.
Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour, j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson contre leur joue et je lui tendais de quoi se nourrir.
Il ne retournera pas au pays d’Egypte ; Assour sera son roi. Car ils n’ont pas voulu se convertir.
L’épée tournoiera dans leurs villes, elle anéantira leurs défenses, elle dévorera leurs fils.
Mon peuple est dur à se convertir: appelé à regarder vers le haut, pas un seul ne s’élève.
Comment pourrais-je t’abandonner, Ephraïm, comment te livrerai-je, Israël ? Comment te traiterai-je comme Adma, te rendrai-je comme Cevoïm ? Mon cœur se retourne en moi, en même temps ma pitié s’est émue.
Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère, je ne reviendrai pas détruire Ephraïm; car je suis Dieu et non pas homme; Je suis le Saint au milieu de toi: je ne viendrai pas avec rage.
Ils suivront le Seigneur. Comme un lion il rugira; quand il se prendra à rugir, des fils accourront en tremblant de l’occident. De l’Egypte ils accourront en tremblant comme des moineaux, et du pays d’Assour comme des colombes, et je les ferai habiter dans leurs maisons – oracle du Seigneur. (Os 11, 1-11)
Le prophète sent que la sentence pour la faute a désormais été prononcée et l’exécution a déjà eu lieu, mais à l’improviste arrive quelque chose d’inattendu et de décisif : en Dieu explose un amour bouleversant.
Puisque Israël ne s’est pas revenu à son Dieu, c’est Dieu qui se tournera vers son peuple. Le Père incroyablement piteux commence une plainte dans laquelle il se montre vaincu par son propre amour :
« Mon cœur se retourne en moi ». Le verbe hébreu utilisé est « bouleverser » : c’est le verbe qui décrit les catastrophes.
Ce verbe qui devait décrire la catastrophe d’Israël comme punition, décrit au contraire une autre catastrophe, celle de l’effondrement du cœur de Dieu. A penser qu’Israël pourrait se renverser comme Sodome et comme Gomorrhe, comme Adma et Cévoïm, le cœur de Dieu se retourne, et ainsi il passe de la colère à la miséricorde et il ne se comporte pas comme un roi sévère mais comme un père : « Je suis le Saint au milieu de toi ».
Nous pouvons considérer ce texte comme une des affirmations les plus belles et grandes sur l’amour de Dieu, non seulement dans le livre d’Osée mais dans toute la littérature prophétique.
Si Dieu est l’époux et Israël l’épouse, si Dieu et le Père et Israël le fils, l’alliance devient un rapport d’amour et la loi suprême de l’alliance est l’amour seul. Osée condense, ainsi, tout son message dans ce verset – très significatif ! – que Jésus reprendra deux fois :
C’est l’amour que je veux et non le sacrifice,

La connaissance de Dieu plus que les holocaustes (Os 6, 6).

Dimanche 5 août: commentaires de Marie Noëlle Thabut sur la premiere lecture – Livre de l’Exode 16, 2-4. 12-15

3 août, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/accueil.html#

Dimanche 5 août: commentaires de Marie Noëlle Thabut

REMIERE LECTURE – Livre de l’Exode 16, 2-4. 12-15

Dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël
récriminait contre Moïse et son frère Aaron.
3 Les fils d’Israël leur dirent :
« Ah ! Il aurait mieux valu mourir
de la main du SEIGNEUR, au pays d’Egypte,
quand nous étions assis près des marmites de viande,
quand nous mangions du pain à satiété !
Vous nous avez fait sortir dans ce désert
pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! »
4 Le SEIGNEUR dit à Moïse :
« Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain.
Le peuple sortira
pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne,
et ainsi je vais le mettre à l’épreuve :
je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi.
12 J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël.
Tu leur diras :
Après le coucher du soleil, vous mangerez de la viande
et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété.
Vous reconnaîtrez alors
que moi, le SEIGNEUR, je suis votre Dieu. »
13 Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ;
et, le lendemain matin,
il y avait une couche de rosée autour du camp.
14 Lorsque la couche de rosée s’évapora,
il y avait, à la surface du désert, une fine croûte,
quelque chose de fin comme du givre, sur le sol.
15 Quand ils virent cela,
les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre :
« Mann hou ? » ce qui veut dire : « Qu’est-ce que c’est ? »
car ils ne savaient pas ce que c’était.
Moïse leur dit :
« C’est le pain que le SEIGNEUR vous donne à manger. »

Tout compte fait, même s’ils étaient esclaves en Egypte, les Hébreux n’étaient pas si mal nourris, probablement ! Un contremaître avisé prend un minimum de soin de sa main-d’oeuvre. Dans le désert, c’est autre chose… On est libres, oui, peut-être, c’est Moïse qui le dit. Mais, en attendant, dans le désert, on meurt de faim. Si on avait voulu faire crever ce peuple de faim, on ne s’y serait pas pris autrement… Et, après tout, c’était peut-être cela le but de la manoeuvre… On devine bien ce genre de conversations qui revenait tous les soirs dans chaque tente. Pour faire du mauvais esprit, on en faisait ; c’est ce que notre texte appelle les « récriminations » (d’autres traduisent les « murmures ») du peuple. Les plus courageux sont carrément allés le dire aux chefs : « Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Ce qui est évidemment un grave procès d’intention : on ne se contente plus de poser la question « pourquoi as-tu pris le risque de nous amener en plein désert ? », ou de faire un reproche sur la mauvaise organisation « tu t’es si mal débrouillé que nous allons tous mourir ici » ; on va jusqu’à soupçonner les intentions du chef : « au fond, ce que tu voulais, c’était notre mort.
Et à travers Moïse, c’est Dieu lui-même qui est visé : dans les versets manquants (les versets 5-11 et 16-36 ont été coupés dans la lecture liturgique), Moïse le dit clairement : « Ce n’est pas contre nous que vous murmurez, mais bien contre le SEIGNEUR. » (v. 8) ; ce qui prouve au passage que Moïse a toujours été clair sur ce point ; toutes ses entreprises sont guidées par Dieu : l’oeuvre de la « sortie » d’Egypte, de la libération est bien l’oeuvre de Dieu. Et d’ailleurs, le texte est rédigé de manière à ce que l’on comprenne bien que c’est Dieu qui agit sans cesse : il a entendu les murmures du peuple, il envoie la nourriture, (le pain puis la viande), il met le peuple à l’épreuve. Reprenons ces trois points : les murmures, le don de la nourriture, la mise à l’épreuve.
Les murmures, nous l’avons vu plus haut, sont le contraire de la foi, de la confiance : ils sont le soupçon né de l’angoisse ; dans le cas présent, après un long séjour dans la région très fertile du delta du Nil, les fugitifs doivent affronter l’insécurité et la pauvreté du désert ; on ne s’en est pas aperçus tout de suite : après la sortie d’Egypte (Ex 14), ce fut d’abord l’enthousiasme ; le chapitre 15 de l’Exode rapporte le chant de victoire et d’action de grâce qu’on entonna de l’autre côté de la mer : « Ma force et mon chant, c’est le SEIGNEUR. Il a été pour moi le salut. » (Ex 15, 2). Mais dès la première déception au bord d’un point d’eau qui se révéla saumâtre, le ton changea et les premiers murmures se firent entendre ; ceci dès la fin du même chapitre 15 ! La juxtaposition des deux textes est éloquente : elle dit les oscillations de nos coeurs, de l’action de grâce au soupçon ; Dieu aurait-il changé parce que les circonstances extérieures ont changé ?
En réponse à ces murmures, Dieu qui n’a pas changé, décidément, envoie la nourriture, le pain et les cailles. Il semble bien que l’épisode des cailles ne se soit pas renouvelé ; en revanche plusieurs textes affirment que la manne est désormais tombée chaque matin ; Dieu avait promis « du ciel, je vais faire pleuvoir du pain », et, désormais, chaque nuit (sauf celle du shabbat), pendant quarante ans, « lorsque la rosée se déposait sur le camp pendant la nuit, la manne s’y déposait aussi. » (Nb 9). Et le livre de Josué précise que ce cadeau du ciel cessa au moment de l’entrée en Terre Promise : « La manne cessa le lendemain quand ils eurent mangé des produits du pays. Il n’y eut plus de manne pour les fils d’Israël qui mangèrent de la production du pays de Canaan cette année-là. » (Jos 5, 12).
Curieusement, en même temps qu’il promet la nourriture, Dieu parle de mise à l’épreuve : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi. » La mise à l’épreuve est double ici, semble-t-il ; d’abord parce que tout don de Dieu est mise à l’épreuve de notre reconnaissance. Dieu est si discret, généralement, que nous oublions que tout est cadeau ; la question posée est celle-ci : « Saurez-vous surmonter la tentation du murmure, du soupçon, saurez-vous me faire confiance, reconnaître mes dons et ma présence ? » Or les murmures n’ont pas cessé pour autant ! Plus tard, il est même venu un moment où on a trouvé la manne bien monotone : « Nous nous rappelons le poisson que nous mangions pour rien en Egypte, les concombres, les pastèques, les poireaux, les oignons, l’ail ! Tandis que maintenant notre vie s’étiole ; plus rien de tout cela ! Nous ne voyons plus que la manne. » (Nb 11, 5-6).
Ensuite, deuxième épreuve, deuxième question « Saurez-vous m’obéir et respecter mes commandements, celui du shabbat et celui du partage ? » Car Dieu avait tout prévu : chacun pouvait ramasser chaque jour exactement la quantité qui lui était nécessaire ; ce qui veut dire qu’on apprenait à en laisser pour les autres ! Et il était impossible de faire des provisions ; des petits malins ont bien essayé, mais le surplus pourrissait tout de suite ; en revanche, le sixième jour (veille du shabbat), il en tombait double ration et chacun pouvait en garder pour le lendemain ; car, pour que chacun puisse respecter le repos du shabbat, la manne tombait seulement six jours sur sept. Là encore, la première fois, on eut des tentations : soit d’en prendre plus que le nécessaire, soit d’espérer en trouver le matin du shabbat : s’il en était tombé pendant la nuit du shabbat, ce serait trop bête de s’en priver. Mais on a vite compris : Dieu avait décidé d’éduquer son peuple. ———————————————————————————————————————————-
Complément : le livre de la Sagesse donne un très beau commentaire de l’épisode de la manne :
« Tu as distribué à ton peuple une nourriture d’anges, tu lui as procuré, du ciel, sans effort de sa part, un pain tout préparé, ayant la capacité de toute saveur et adapté à tous les goûts. La substance que tu donnais manifestait ta douceur pour tes enfants… Ce que le feu ne détruisait pas fondait simplement à la chaleur d’un simple rayon de soleil, pour qu’on sache qu’il faut devancer le soleil pour te rendre grâce et te rencontrer au lever du jour. » (Sg 16, 20… 28).

Jean Paul II: Ps 141, 2-3.6-8

2 août, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20031112_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 12 novembre 2003

Premières Vêpres – dimanche de la 1 semaine
Lecture: Ps 141, 2-3.6-8

1. Le soir du 3 octobre 1226, saint François d’Assise était en train de s’éteindre: sa dernière prière fut précisément la récitation du Psaume 141, que nous venons d’écouter. Saint Bonaventure rappelle que saint François « se mit à réciter avec force le Psaume: « A Yahvé mon cri! J’implore! A Yahvé mon cri! Je supplie » et il le récita jusqu’au dernier verset: « Autour de moi les justes feront cercle, à cause du bien que tu m’as fait »" (Legenda maior, XIV, 5, in: Fonti Francescane, Padoue – Assise 1980, p. 958).
Le Psaume est une intense supplication, rythmée par une série de verbes d’imploration adressés au Seigneur: « J’implore à l’aide », « Je supplie Yahvé », « Je déverse ma plainte », « ma détresse, je la mets devant lui » (vv. 2-3). La partie centrale du Psaume est dominée par la confiance en Dieu qui n’est pas indifférent à la souffrance du fidèle (cf. vv. 4-8). C’est dans cette attitude que saint François alla vers la mort.
2. Dieu est interpellé par un « Tu », comme une personne qui donne la sécurité: « Toi, mon abri » (v. 6). « Toi, tu connais mon sentier », c’est-à-dire l’itinéraire de ma vie, un parcours marqué par le choix de la justice. Sur cette voie, les impies lui ont cependant tendu un piège (cf. v. 4): il s’agit de l’image typique tirée des scènes de chasse et fréquente dans les supplications des Psaumes pour indiquer les dangers et les menaces auxquels le juste doit faire face.
Face à ce cauchemar, le Psalmiste lance comme un signal d’alarme, afin que Dieu voie sa situation et intervienne: « Regarde à droite et vois » (v. 5). Dans la tradition orientale, à la droite d’une personne se tenait le défenseur ou le témoin favorable au cours d’un procès, ou bien, en cas de guerre, le garde du corps. Le fidèle est donc seul et abandonné, « pas un qui me reconnaisse ». C’est pourquoi il exprime une constatation angoissée: « Le refuge se dérobe à moi, pas un qui ait soin de mon âme » (v. 5).
3. Immédiatement après, un cri révèle l’espérance qui demeure dans le coeur de l’orant. Désormais, l’unique protection et la seule présence efficace est celle de Dieu: « Toi, mon abri, ma part dans la terre des vivants » (v. 6). Le « sort » ou la « part », dans le langage biblique, est le don de la terre promise, signe de l’amour divin à l’égard de son peuple. Le Seigneur reste désormais le dernier et l’unique fondement sur lequel se baser, la seule possibilité de vie, l’espérance suprême.
Le Psalmiste l’invoque avec insistance, car « il est à bout de force » (v. 7). Il le supplie d’intervenir pour briser la chaîne de sa prison de solitude et d’hostilité (cf. v. 8) et le tirer de l’abîme de l’épreuve.
4. Comme dans d’autres Psaumes de supplication, la perspective finale est celle d’une action de grâce, qui sera offerte à Dieu lorsque le fidèle aura été exaucé: « Fais sortir de prison mon âme, que je rende grâce à ton nom » (ibid.). Lorsqu’il aura été sauvé, le fidèle se rendra au milieu de l’assemblée liturgique pour rendre grâce à Dieu (cf. Ibid.). Les justes l’entoureront, car il considéreront le salut de leur frère comme un don qui leur a également été fait.
Cette atmosphère devrait régner également dans les célébrations chrétiennes. La douleur de chaque personne doit trouver un écho dans le coeur de tous; la joie de chacun doit également être vécue par toute la communauté de prière. En effet, qu’il est « bon et doux d’habiter en frères tous ensemble » (Ps 132, 1) et le Seigneur Jésus a dit: « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
5. La tradition chrétienne a appliqué le Psaume 141 au Christ persécuté et souffrant. Dans cette perspective, l’objectif lumineux de la supplication du Psaume se transfigure en un signe pascal, sur la base de l’issue glorieuse de la vie du Christ et de notre destin de résurrection avec lui. C’est ce qu’affirme saint Hilaire de Poitiers, célèbre Docteur de l’Eglise du IV siècle, dans son Traité sur les Psaumes.
Il commente la traduction latine du dernier verset du Psaume, qui parle de récompense pour l’orant et d’attente des justes: « Me expectant iusti, donec retribuas mihi ». Saint Hilaire explique: « L’Apôtre nous enseigne quelle récompense le Père a donnée au Christ: « Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 9-11). Telle est la récompense: au corps, qu’il a assumé, est donnée l’éternité de la gloire du Père. Le même Apôtre nous enseigne ensuite ce qu’est l’attente des justes, en disant: « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire » (Ph 3, 20-21). Les justes, en effet, l’attendent pour qu’il les récompense, en les rendant conformes à la gloire de son corps, qui est béni pour les siècles des siècles. Amen » (PL 9, 833-837).

A propos de l’espérance au temps de l’Ancien Testament

19 juillet, 2012

http://bouquetphilosophique.pagesperso-orange.fr/esperancedesanciens.html

A propos de l’espérance au temps de l’Ancien Testament

Au regard de l’espérance lumineuse qui fait courir les chrétiens aujourd’hui, celle des hommes de l’Ancien Testament paraît bien terne ! On peut en effet être surpris que l’auteur du livre de l’Ecclésiaste – qui se présente comme un sage sous les traits du roi Salomon – reconnaisse avec lucidité et grande vénération que Dieu a « implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité » (Ecclésiaste 3.11, La Bible du Semeur)… avant de confesser finalement l’aspect décevant de la vie humaine qui s’achève par la vieillesse et la mort (Ecclésiaste 12.1-7, 3.19-20) !
Paradoxalement, tandis que depuis longtemps les adeptes de certaines religions polythéistes de l’ancien Orient croient fermement à la résurrection et à une vie future, les enfants d’Israël, eux, s’ouvrent en dernier à cette croyance… et semblent voués inexorablement à la désespérance quant à l’au-delà ! Ce n’est en fait que tardivement, vers la fin de l’Exil (soit entre 550 et 539 avant Jésus-Christ), qu’ils découvrent – ou redécouvrent (1) – progressivement l’idée d’éternité. Un comble pour le peuple qui deviendra celui de l’espérance ! Attardons-nous un instant sur ces questions.

Une vision d’éternité commune à tous les peuples anciens
La croyance en une « survie de l’individu » après la mort semble remonter aux origines de l’espèce humaine et de tout temps, dans toutes les civilisations, ce qui peut paraître étonnant, une grande majorité s’est ralliée à l’idée que l’homme est immortel par nature.
« Ce qui est commun aux religions, [écrit le scientifique et ancien ministre Claude Allègre] depuis celles des Sumériens ou des Égyptiens en passant par celles des Perses, des Babyloniens, des Assyriens, des Indiens ou des Chinois jusqu’à celles qui inspirent les Sepik de Nouvelle-Guinée ou les Indiens d’Amazonie, c’est qu’elles ont toutes développé le concept de dieu, de transcendance et d’au-delà, faisant toutes espérer aux meilleurs, l’immortalité (2). »
Plus de 2000 ans avant J.-C., l’Egypte pharaonique est certainement l’une des premières civilisations à s’édifier dans la perspective de l’éternité. Les Egyptiens en effet, tout en reconnaissant la brièveté du temps terrestre, croient en une autre forme d’existence. Osiris, mort et ressuscité, devenu dieu de l’au-delà, leur apporte l’assurance d’une survie éternelle.
Environ 13 siècles plus tard, sur la base d’une espérance similaire, le philosophe persan Zoroastre (fondateur du zoroastrisme, ancienne religion de la Perse) promet à ses disciples l’avènement d’un sauveur suprême, Saoshyant, qui présidera à la résurrection et à l’émergence d’une vie éternelle après la mort. Notons que le zoroastrisme, religion dualiste fondée sur la lutte permanente entre un Dieu bon (Ahura Mazdâ) et un démon (Ahriman) enseigne aussi le libre arbitre, le jugement final, l’enfer, le paradis et la victoire finale du bien sur le mal. Ce qui représente, soit dit en passant, une sorte de préfiguration du christianisme… en tout cas, une incontestable révolution religieuse au début du VIIe siècle avant J.-C. !
Curieusement donc, en ce qui concerne cette idée de survie post mortem, les Hébreux restent imperméables à toute influence, égyptienne notamment. Face à la vision d’éternité commune à beaucoup de religions antiques, ils ne se lassent pas de nourrir une vague espérance dont ils semblent se satisfaire, mais qui toutefois se précise graduellement au cours des siècles.

De l’espérance terrestre à l’espérance céleste
Ce n’est en effet qu’à l’époque de la rédaction du livre de Daniel que le peuple juif arrive enfin à croire peu à peu en la résurrection et en une vie après la mort. Durant de très nombreux siècles, étonnamment celui-ci se contente d’une espérance terrestre sans vision d’éternité, ou tout au plus d’une espérance en une survie nationale.
Tout d’abord, une espérance à courte vue
Ainsi, pendant longtemps, c’est le modèle de la rétribution – strictement terrestre – qui dicte la pensée des enfants d’Israël. Ceux-ci croient que Dieu « rétribue » ici-bas les hommes selon leurs actes, autrement dit que les justes sont récompensés par une longue vie tranquille et prospère tandis que les pécheurs sont condamnés à une vie malheureuse, courte et sans descendance… en attendant avec frayeur – justes comme pécheurs, d’ailleurs – le sort qui les attend, le sheol (3) où tous resteront abandonnés à jamais.
Mentionnons à cet égard quelques textes bibliques attestant cette espérance à courte vue : « Les jours de nos années s’élèvent à soixante-dix ans, et pour les plus robustes, à quatre-vingt ans. […] Enseigne-nous à bien compter nos jours, […] Rassasie-nous chaque matin de ta bonté, et nous serons toute notre vie dans la joie et l’allégresse. Réjouis-nous autant de jours que tu nous as humiliés, autant d’années que nous avons vu le malheur » (Psaume 90.10-15) ; « Donne-nous encore des jours comme ceux d’autrefois ! » (Lamentations 5.21) ; « Voici ce que je veux repasser en mon cœur, ce qui me donnera de l’espérance. Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, ses compassions ne sont pas à leur terme » (Lamentations 3.21-22) ; « Soutiens-moi pour que je vive, tu l’as promis, ne déçois pas mon espérance » (Psaume 119.116, BFC) ; « Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et j’habiterai dans la maison de l’Eternel jusqu’à la fin de mes jours » (Psaume 23.6) ; « L’Eternel m’a châtié, mais il ne m’a pas livré à la mort » (Psaume 118.18).
Comme il se dégage de nombreux passages de l’Ancien Testament, Dieu – dans un premier temps – répond à ses enfants sans leur proposer davantage : « Je te sauverai, et tu ne tomberas pas sous l’épée, ta vie sera ton butin, parce que tu as eu confiance en moi, dit l’Éternel » (Jérémie 39.18) ; « Celui qui m’écoute […] vivra tranquille et sans craindre aucun mal » (Proverbes 1.33) ; « Il m’invoquera, et je lui répondrai. Je serai avec lui dans la détresse, je le délivrerai et je le glorifierai. Je le rassasierai de longs jours, et je lui ferai voir mon salut » (Psaume 91.15-16) ; « N’oublie pas mes enseignements, […] car ils prolongeront les jours et les années de ta vie, et ils augmenteront ta paix » (Proverbes 3.1-2) ; « Ils [les justes] ne sont pas confondus au temps du malheur, et ils sont rassasiés aux jours de la famine » (Psaume 37.19) ; « Ceux qui espèrent en l’Éternel posséderont le pays » (Psaume 37.9) ; « Aimez le Seigneur votre Dieu, obéissez-lui, restez-lui fidèlement attachés, c’est ainsi que vous pourrez vivre et passer de nombreuses années dans le pays que le Seigneur a promis de donner à vos ancêtres Abraham, Isaac et Jacob » (Deutéronome 30.20, BFC)… Pour ne citer que ces versets !

L’espérance collective, une perspective nouvelle pour Israël
Bien que la croyance en la rétribution soit historiquement ancrée dans la réalité quotidienne du peuple d’Israël, certains en voyant « le bonheur des méchants » (Psaume 73.3) – ou en quelque sorte, l’inversion de cette théorie de la rétribution – ont du mal à comprendre la justice de Dieu et se mettent à réfléchir. C’est le cas du roi David (Psaume 37) et du psalmiste Asaph (Psaume 73).
Job, héros des temps anciens, fait aussi partie de ceux qui osent remettre en cause la croyance classique (Job 12.13-25). « Contre cette corrélation rigoureuse [la liaison entre la souffrance et le péché personnel], Job s’élève avec toute la force de son innocence. Il ne nie pas les rétributions terrestres, il les attend, et Dieu les lui accordera finalement […] Mais c’est pour lui un scandale qu’elles lui soient refusées présentement et il cherche en vain le sens de son épreuve. Il lutte désespérément pour retrouver Dieu qui se dérobe et qu’il persiste à croire bon (4). »
Dans l’un de ses « grands textes », il arrive finalement à la conclusion que le bien et le mal ont leur sanction outre-tombe plutôt qu’ici-bas, une avancée théologique considérable ! C’est ainsi qu’au-delà de l’espoir d’être délivré de ses maux en ce monde, il ose affirmer – certes, de façon imprécise, la traduction de ce passage reste difficile – son espérance en la résurrection : « Pour ma part, je sais que celui qui me rachète est vivant et qu’il se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau aura été détruite, en personne je contemplerai Dieu. C’est lui que je contemplerai, et il me sera favorable. Mes yeux le verront, et non ceux d’un autre » (Job 19.25-27).
Pour d’autres hommes de l’Ancien Testament également confrontés à l’injustice, l’espérance individuelle se mue alors en espérance collective. Si la réussite des méchants offre un spectacle révoltant, « le Seigneur s’intéresse à la vie de ceux qui sont irréprochables, le pays dont ils sont les héritiers leur est acquis pour toujours » (Psaume 37.18, BFC). Au VIIIe siècle av. J.-C., le prophète Esaïe à même l’intuition que son peuple « ressuscitera » : « Mon peuple, tes morts reprendront vie, alors les cadavres des miens ressusciteront ! Ceux qui sont couchés en terre se réveilleront et crieront de joie » (Esaïe 26.19). Vers la même époque, Osée, un autre porte-parole de Dieu, invite Israël à se repentir et évoque l’espérance d’une rénovation nationale : « Venez, retournons à l’Eternel ! Car il a déchiré, mais il nous guérira. Il a frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous rendra la vie […] il nous relèvera, et nous vivrons devant lui » (Osée 6.1-2).
Mais c’est en réalité la grande épreuve de la déportation à Babylone qui amène les Juifs à s’interroger sur la « juste rétribution » de Dieu. En cette période particulièrement troublée, le prophète Jérémie, toujours soucieux du bien de ses compatriotes, se demande pourquoi ceux-ci lui manifestent tant de haine : « Seigneur, tu es trop juste pour que je m’en prenne à toi. Pourtant, j’aimerais discuter de justice avec toi. Pourquoi le chemin des méchants les mène-t-il au succès ? Et ceux qui te sont infidèles, pourquoi vivent-ils tranquilles ? » (Jérémie 12.1, BFC).
« Au-delà de la ruine qu’il voit approcher pour le peuple infidèle, il [Jérémie] entrevoit une sorte de résurrection dans le cadre d’une nouvelle alliance avec Dieu [le retour des survivants d’Israël et la reconstruction de Jérusalem, chapitre 31]. Il témoigne alors de sa confiance en la victoire de Dieu par un surprenant geste d’espoir [l’acquisition d’un champ, acte symbolique, chapitre 32] (5). »
Après le châtiment, il y aura donc un rétablissement, un avenir pour le peuple de Dieu… de quoi raviver l’espérance : « Je rétablirai le peuple de Juda et le peuple d’Israël, et je les rétablirai dans leur ancienne situation » (Jérémie 33.7, BFC). « Je multiplierai les descendants de mon serviteur David […] ils seront aussi nombreux que les étoiles qu’on ne peut compter dans le ciel » (Jérémie 33.22, BFC).
Quant à Ezéchiel – en dépit des circonstances dramatiques de l’époque –, il est l’un des rares prophètes de l’Ancien Testament à proclamer aussi explicitement qu’il y a une espérance pour Israël. Ainsi, dans sa célèbre vision des ossements desséchés (Ezéchiel 37.1-14), la renaissance de la nation d’Israël s’exprime pleinement. Bien qu’il s’agisse plutôt là d’une promesse de survie collective pour le peuple d’Israël, autrement dit d’une « résurrection nationale », on peut y voir en outre l’amorce de l’idée de résurrection individuelle. Citons quelques extraits de ce passage intéressant : « Voici ce que dit le Seigneur, l’Eternel : Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts et qu’ils revivent ! […] Je vais ouvrir vos tombes et je vous en ferai sortir, vous qui êtes mon peuple, et je vous ramènerai sur le territoire d’Israël » (Ezéchiel 37.9-12).

En route vers l’espérance céleste
En fait, le point de départ – discret – de ce lent cheminement vers le ciel peut être relevé dans le livre des Psaumes où certains versets portent en germe la notion de résurrection : « Non, Seigneur, tu ne m’abandonnes pas à la mort, tu ne permets pas que moi, ton fidèle, je m’approche de la tombe. Tu me fais savoir quel chemin mène à la vie. On trouve une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel près de toi » (Psaume 16.10-11, BFC) ; « Eternel, tu as fait remonter mon âme du séjour des morts, tu m’as fait revivre loin de ceux qui descendent dans la tombe » (Psaume 30.4) ; « Dieu sauvera mon âme du séjour des morts » (Psaume 49.16) ; « Ta bonté envers moi est grande, et tu délivres mon âme des profondeurs du séjour des morts » (Psaume 86.13) ; « C’est lui qui délivre ta vie de la tombe, qui te couronne de bonté et de compassion » (Psaume 103.4).
Mais c’est surtout le livre de Daniel (6) qui nous éclaire un peu plus sur l’évolution de la conception de l’au-delà chez les Juifs. C’est bien d’une résurrection personnelle suivie d’une vie éternelle que les justes hériteront : « A cette époque-là [pouvons-nous lire dans Daniel 12.1-3] se dressera Michel, le grand chef, celui qui veille sur les enfants de ton peuple. Ce sera une période de détresse telle qu’il n’y en aura pas eu de pareille depuis qu’une nation existe jusqu’à cette époque-là. A ce moment-là, ceux de ton peuple qu’on trouvera inscrits dans le livre seront sauvés. Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte, pour l’horreur éternelle. Ceux qui auront été perspicaces brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à beaucoup brilleront comme les étoiles, pour toujours et à perpétuité. »
Cependant, ce n’est vraiment qu’à partir du deuxième siècle avant Jésus-Christ que l’espérance en la résurrection devient une réalité pour le peuple juif. A la mort d’Alexandre le Grand, la Palestine « passe sous l’autorité des monarchies hellénistiques, des Lagides d’Egypte d’abord, puis des Séleucides de Syrie. La politique d’hellénisation radicale instaurée par Antiochus IV Epiphane (175-164 av. J.-C.), doublée d’une intolérance agressive vis-à-vis des Juifs, suscite un grand mouvement de révolte. Ce mouvement, à la fois national et religieux, est conduit par le prêtre Mattathias et son fils Judas, dit Maccabée. […] Antiochus IV s’efforce d’imposer aux Juifs les mœurs et la religion grecques. La pratique du judaïsme devient passible de mort (7) ».
Dans ce contexte de résistance et de répression féroce – où le dogme de la rétribution ici-bas est tragiquement mis en échec –, les nombreux martyrs, fidèles à la loi de Moïse, s’interrogent sérieusement sur la justice divine. Torturés et mis à mort pour leur foi, ils finissent par croire réellement que Dieu les ressuscitera et que leur rétribution sera d’outre-tombe.
Le deuxième livre des Maccabées, probablement écrit vers 120-100 avant J.-C., décrit justement l’héroïque résistance de sept frères « Maccabées » et de leur mère (modèles des premiers martyrs juifs) qui préfèrent être torturés à mort plutôt que de toucher à la viande de porc interdite par la loi. Citons ici quelques versets de ce livre deutérocanonique de l’Ancien Testament témoignant de cette foi naissante en la résurrection :
« Au moment de rendre le dernier soupir, il [le second supplicié] dit : Scélérat que tu es, tu nous exclus de la vie présente, mais le roi du monde, parce que nous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour une vie éternelle » (2 Maccabées 7.9, TOB).
« On soumit le quatrième aux mêmes tortures cruelles. Sur le point d’expirer, il dit : Mieux vaut mourir de la main des hommes en attendant, selon les promesses faites par Dieu, d’être ressuscité par lui » (2 Maccabées 7.13-14, TOB).
« Eminemment admirable et digne d’une excellente renommée fut la mère, qui voyait mourir ses sept fils en l’espace d’un seul jour et le supportait avec sérénité, parce qu’elle mettait son espérance dans le Seigneur. Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères. Remplie de nobles sentiments et animée d’un mâle courage, cette femme leur disait : Je ne sais pas comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie, […] Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé l’homme à sa naissance et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il dans sa miséricorde et l’esprit et la vie, parce que vous vous sacrifiez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois » (2 Maccabées 7.20-23, TOB).
Enfin, on peut mentionner le livre de la Sagesse, autre apocryphe rédigé vers la même époque (Ier siècle avant J.-C.) dans lequel on trouve, quoique de façon larvée, le thème de la résurrection : « Les âmes des justes, elles, sont dans la main de Dieu et nul tourment ne les atteindra plus. Aux yeux des insensés, ils passèrent pour morts, et leur départ sembla un désastre, […] Pourtant, ils sont dans la paix. Même si, selon les hommes, ils ont été châtiés, leur espérance était pleine d’immortalité » (Sagesse 3.1-4).
Comme le remarque Jean Civelli, prêtre à Fribourg (Suisse), « cette idée d’une résurrection des morts ne devait plus s’oublier dans le judaïsme. Ce sont les Pharisiens qui la recueillirent, contrairement au parti des Sadducéens, parti des prêtres et de la noblesse du Temple de Jérusalem, qui, eux, n’acceptèrent pas ce qu’ils considéraient comme une doctrine fausse, car ils ne la trouvaient pas dans la Loi de Moïse (cf. Marc 12.18 et Actes 23.8). […] Le sceau définitif de cette foi en la résurrection sera donné par Jésus lui-même, dans sa propre résurrection (8) ».
« La croyance en la résurrection, qui va se développer dans le monde sémitique, [affirme de son côté, Marie Lucien, docteur en théologie de l'Université de Strasbourg] apparaît comme une nouveauté radicale et impressionnante […] La résurrection personnelle de chaque homme deviendra alors l’espérance commune aux trois religions monothéistes issues du monde sémitique, le judaïsme, le christianisme et l’islam (9). »

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Après avoir ainsi esquissé à grands traits l’histoire de l’espérance religieuse en Israël, une question demeure cependant : pourquoi cette dernière est restée si longtemps une piètre espérance… avant que finalement le Nouveau Testament ne la porte à son plus haut degré ? A défaut de pouvoir répondre ici avec certitude à cette question, nous voulons par contre dire toute notre admiration pour les hommes de l’Ancien Testament ayant fait le bon choix de faire confiance à Dieu et de marcher avec lui en se contentant de sa faveur et de l’assurance du pardon de leurs péchés… portés seulement par l’espérance d’une longue vie prospère – ici-bas – et en dépit du système simpliste des rétributions temporelles ne fonctionnant pas toujours.
Alors que nous, croyants du XXIe siècle, pouvons nous enorgueillir de notre belle espérance solidement ancrée dans la résurrection de Jésus-Christ – ce qui ne nous laisse plus aucune excuse pour notre incrédulité –, puissions-nous également faire nôtres les propres louanges de ces héros de la foi… pourtant adressées à un Dieu qu’ils n’imaginaient pas si généreux : « Je chanterai l’Eternel tant que je vivrai, je célébrerai mon Dieu tant que j’existerai. […] Je veux me réjouir en l’Eternel » (Psaume 104.33-34).

Claude Bouchot
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1. En effet, il est raisonnable de penser qu’Adam et les premiers patriarches bénéficièrent déjà d’une révélation divine particulière concernant l’au-delà qui leur était réservé. En tout cas, l’auteur de l’épître aux Hébreux en est convaincu lorsqu’il fait l’éloge de la foi des ancêtres illustres tels qu’Abel, Hénoc, Noé et Abraham : « C’est dans la foi que tous ces hommes sont morts. Ils n’ont pas reçu les biens que Dieu avait promis, mais ils les ont vus et salués de loin. Ils ont ouvertement reconnu qu’ils étaient des étrangers et des exilés sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu’ils recherchent une patrie. […] En réalité, ils désiraient une patrie meilleure, c’est-à-dire la patrie céleste » (Hébreux 11.13-16, BFC). Hélas, les Hébreux semblent avoir vite oublié « l’espérance de la vie éternelle, promise avant tous les siècles par le Dieu qui ne ment point » (Tite 1.2).
2. Allègre Claude, Dieu face à la science, Paris : Fayard, 1997, p. 223 (LP).
3. « Sheol est un terme hébraïque intraduisible, désignant le « séjour des morts », la « tombe commune de l’humanité », le puits, sans vraiment pouvoir statuer s’il s’agit ou non d’un au-delà. La Bible hébraïque le décrit comme une place sans confort, où tous, juste et criminel, roi et esclave, pieux et impies se retrouvent après leur mort pour y demeurer dans le silence et redevenir poussière » (L’encyclopédie libre Wikipédia, Sheol, [En ligne] http://www.wikipedia.org/, consulté en décembre 2010).
4. La Bible de Jérusalem, Introduction au livre de Job, Paris : Editions du Cerf, 1981, p. 650.
5. La Bible Expliquée, Introduction au livre de Jérémie, Villiers-le-Bel : Société biblique française, 2004, p. 897-AT.
6. A noter que, presque unanimement, les théologiens libéraux contemporains mettent en doute l’authenticité historique du livre de Daniel en datant celui-ci du IIe siècle av. J.-C. seulement et en l’attribuant à un auteur inconnu, alors que la tradition juive et chrétienne – reposant à cet égard sur un solide fondement – le situait au VIe siècle avant notre ère… c’est-à-dire à l’époque où vivait justement Daniel !
7. Simon Marcel, « 2000 ans de christianisme », Vol. 1, Le monde juif, berceau du christianisme, Paris : Aufadi – S.H.C. International, 1975, p. 14, 18.
8. Civelli Jean, La résurrection des morts : et si c’était vrai ?, Saint-Maurice : Editions Saint-Augustin, 2001, p. 24-25.
9. Lucien Marie, Le message de Jésus : une spiritualité universelle inusitée, Paris : Editions L’Harmattan, 2009, p. 135-136.

Dieu dit à Jacob : lève-toi, monte à Béthel et habite là, et fais un autel -Gen. 35 :1

9 juillet, 2012

http://www.bible-notes.org/article-39-Dieu-dit-a-Jacob-leve-toi-monte-a-Bethel-et-habite-la-et-fais-un-autel-Gen-35-1.html

Dieu dit à Jacob : lève-toi, monte à Béthel et habite là, et fais un autel -Gen. 35 :1

Jacob fugitif rencontre Dieu à Béthel
Jacob chez son oncle Laban
Le retour de Jacob vers son pays et la poursuite de Laban
Jacob à Peniel et sa rencontre avec Esaü
Sichem : la séduction et le déshonneur
L’appel de Dieu à Béthel
Dernières épreuves et fin de Jacob

Sans en réaliser les conséquences, nous faisons parfois des détours dans notre vie et il faut ensuite en payer le prix. Isaac, le père de Jacob était devenu presque aveugle et hélas, il l’était aussi devenu spirituellement. Un repas savoureux comptait davantage pour lui que l’état moral de ses enfants. Il s’apprête à bénir le fils qu’il préfère, Esaü, qui le fournissait en gibier, en dépit de la pensée de Dieu révélée à Rebecca (Gen. 27 : 1-4). Celle-ci qui préfère Jacob, s’est beaucoup éloignée de son mari au fil des années. Elle conseille à Jacob de tromper son père pour dépouiller son frère de la bénédiction.
Jacob va y parvenir, avec la complicité active de sa mère. Ainsi, «celui qui supplante » (telle est la signification de son nom) obtient par la tromperie une bénédiction à laquelle il attachait une grande valeur. Il n’a pas su attendre que la volonté divine s’accomplisse car il est bien vrai que Dieu avait choisi Jacob (Mal. 1 : 3). Il connaissait le coeur profane d’Esaü : n’avait-il pas déjà méprisé son droit d’aînesse ? (Héb.12 : 16-17).
Jacob se serait épargné beaucoup de peine et de temps perdu, s’il avait su s’en remettre avec foi à Celui qui voulait le bénir. Souvent notre intervention rend notre chemin plus compliqué. Demandons avec sincérité à Dieu : « Enseigne-moi ton chemin, et conduis-moi dans le sentier uni » (Ps. 27 : 11).
La haine de son frère oblige Jacob à quitter en hâte la maison paternelle, la douceur du foyer. Selon Rebecca, quelques jours seulement d’exil à Charan lui permettraient d’attendre que la fureur d’Esaü s’apaise. Mais en réalité son séjour en Mésopotamie va durer vingt et un ans ! D’ailleurs il ne reverra plus sa mère (Gen.27 : 43-45).

Jacob fugitif rencontre Dieu à Béthel
La suite du livre de la Genèse, à partir du chapitre 28, parle essentiellement de la vie de Jacob. C’est l’occasion d’admirer le long et patient travail de Dieu envers l’un des siens, cette discipline par laquelle Il va le faire passer. Mais d’abord il commence par lui donner un aperçu de sa propre maison. En effet, Béthel signifie maison de Dieu.
Jacob a tout perdu, le péché ne rapporte rien. Il est sorti de Béër-Shéba et il a pris le chemin de Charan. Le soleil se couche, alors Jacob se fait un chevet bien dur avec des pierres là où il se trouve et il s’endort (Gen. 28 :10-11). Il fait un rêve qui lui paraît étrange : il voit une échelle sur laquelle des anges montent et descendent. Cette scène rappelle Celui qui a établi pour l’homme ces relations avec le ciel (Jean 1 : 52) : Il est descendu d’abord ici-bas puis Il est remonté dans la gloire (Jean 3 :13, 31 ; Eph. 4 : 10).
Au pauvre pécheur fatigué, la grâce montre la porte du ciel, le chemin qui mène à Dieu (Gen. 28 : 17). Dieu fait ensuite à Jacob de précieuses promesses qui rappellent celles faites à Abraham. A ceci près tout de même qu’il n’est pas question ici d’une semence aussi nombreuse que les étoiles des cieux (Gen.15 : 5) ! L’Eternel lui dit : « La terre sur laquelle tu es couché, je te la donnerai, et à ta semence, et ta semence sera comme la poussière de la terre …je te ramènerai dans cette terre-ci, car je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie fait ce que je t’ai dit » (Gen. 28 : 13-15).
Jacob se réveille et s’écrie : « Certainement l’Eternel est dans ce lieu, et moi je ne le savais pas ». Effrayé, il dit : Que ce lieu-ci est terrible ! ». Un inconverti n’aime pas se trouver dans la présence de Dieu, et même il la redoute. Le comportement de Jacob est bien celui d’un marchand, comme le dit l’Ecriture (Osée 12 : 8) : alors que Dieu vient dans sa grâce de lui faire des promesses formelles et sans conditions ! Mais Jacob offre de Le servir et de lui donner la dîme en retour de tout ce que Dieu lui aura donné d’abord ! (Gen. 28 : 20-22).

Jacob chez son oncle Laban
Les soins providentiels de l’Eternel conduisent ensuite Jacob jusqu’au pays des fils de l’orient, dans la famille de sa mère, chez son oncle Laban. L’école qu’il devra suivre dans cette compagnie sera certes pénible mais nécessaire. « Aucune discipline pour le présent ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse ». Mais Dieu cherche toujours « notre profit, afin que nous participions à sa sainteté » (Héb. 12 : 10-11). Retenons cet avertissement : « Ne soyez pas séduits . . . ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6 :7). Jacob a trompé son père, il a maintenant affaire à un oncle qui le trompe effrontément, au point de faire passer auprès de son neveu, à la faveur de la nuit son aînée Léa, pour la plus jeune, Rachel, celle que Jacob aimait. Jacob qui avait travaillé sans relâche pour l’obtenir, supportant toutes les privations et les injustices de Laban, devra travailler sept ans encore (Gen. 29 : 20, 30). En supportant avec patience cette très longue épreuve, Jacob est un type, faible sans doute, du Seigneur qui a tout donné, même sa propre vie, pour acquérir son épouse bien-aimée (Matt. 13 : 44-46 ; Eph. 5 : 25).
Que de fois la méchanceté ou l’indélicatesse de nos actes ne nous apparaissent qu’au moment où, à notre tour, nous avons à souffrir de la façon de faire des autres (Jug. 1 : 7 ; Es. 33 : 1). Jacob s’agite, spécule, rivalise d’astuce et de fourberie avec Laban. Il est humiliant de voir un croyant entrer en lutte avec des gens du monde pour des biens terrestres (Phil. 4 : 5). Jacob est en mauvais état, il n’a pas d’autel, pas de relation consciente avec Dieu. Et finalement « l’homme s’accrut extrêmement », il s’enrichit aux dépens de Laban mais parallèlement leurs relations s’altèrent (Gen. 30 : 43 ; 31 : 1-2).
L’Eternel qui auparavant s’était servi d’un rêve, intervient maintenant directement pour s’adresser à Jacob. ll lui dit : « Retourne au pays de tes pères . . . et je serai avec toi ». Dans un songe, l’Ange de Dieu lui montre que c’est Lui qui l’a ainsi fait prospérer : « J’ai vu tout ce t’a fait Laban. Je suis le Dieu de Béthel, où tu bâtis une stèle, où tu me fis un voeu ».

Le retour de Jacob vers son pays et la poursuite de Laban
Jacob n’aura d’ailleurs aucun mal à convaincre Rachel et Léa de partir (Gen. 31 : 14-15) ! Mais toujours aussi rusé, il trompe encore Laban, occupé ailleurs à tondre son menu bétail. Jacob s’enfuit avec toute sa famille, seul Benjamin naîtra plus tard en chemin. Il emporte aussi ses troupeaux et tout son bien (Gen. 31 : 18). Son épouse Rachel vole les théraphim qui étaient à son père ! C’est la première mention dans l’Ecriture de ces dieux domestiques, par lesquels on prétendait deviner l’avenir (Gen. 31 : 19 ; Zach. 10 : 2). Notre comportement est-il vraiment différent de celui des personnes qui composent cette famille ? Le monde et ceux qui en font partie sont habituellement durs, mais le croyant devrait être animé d’un autre esprit (Matt.5 : 39-41 ; Luc 9 : 55).
Laban, l’Araméen, se lance à leur poursuite et les rejoint. Mais par le moyen d’un songe Dieu l’avait déjà mis en garde de parler à Jacob, « ni en bien, ni en mal » (Gen. 31 : 24, 29). Cet homme du monde rusé multiplie les paroles flatteuses et mensongères. Il feint une grande affection pour ses filles et ses petits enfants (onze fils et une fille semblent être déjà nés). Il s’applique à donner l’impression qu’il craint l’Eternel : il l’appelle le « Dieu de votre père » (Gen. 31 : 29, 53), tout en fouillant partout dans le caravansérail pour retrouver ses dieux. Quelle tristesse de voir Rachel mentir effrontément à son père, pour garder ces idoles, auxquelles elle s’était apparemment attachée. Son mari Jacob ne savait pas alors qu’elle les avait volées (Gen. 31 : 32). Il se met en colère contre Laban, dont les recherches sont restées vaines (Gen. 31 : 34-35).
Ces théraphim correspondent aux choses du monde que nous ne sommes pas décidés à abandonner, tout en cherchant parfois à les cacher aux yeux de notre entourage, parce que notre conscience n’est pas à l’aise. Elles sont enfouies dans nos coeurs, dissimulées dans nos maisons ! Croyons-nous pouvoir les emporter vers notre patrie céleste sans nuire à notre communion avec Dieu ?
Dieu voit tout (Héb. 4: 13) : Il en donne un exemple à son prophète Ezéchiel en lui révélant ce que faisaient secrètement les anciens d’Israël ! Il lui commande : « Perce le mur ». Le prophète exécute cet ordre, découvre une porte et entend l’Eternel lui dire : « Entre, et regarde les mauvaises abominations qu’ils commettent ici ». Plus loin, Dieu précise qu’ils sont dans leurs cabinets d’images ! Puis Il révèle leurs folles pensées : « L’Eternel ne nous voit pas » ! (Ezé. 8 : 5-13).
Dieu désire amener les siens à discerner et à rejeter les idoles, c’est-à-dire tout ce qui prend dans leurs affections la place du Seigneur. N’a t-on pas un exemple frappant de ce qu’est une idole aujourd’hui avec l’engouement pour les compétions sportives de haut niveau qui atteint des proportions extravagantes ? Les meilleurs sportifs sont célébrés à l’égal de nouveaux dieux. De plus, la cupidité, « le Mammon des richesses », joue dans ce culte un rôle très important (1 Jean 5 : 21 ; Matt. 6 : 24). On peut vraiment dire avec l’Ecriture : « Ils m’ont abandonné, Moi, la source des eaux vives, pour se creuser des citernes crevassées, qui ne retiennent pas l’eau » (Jér. 2 : 13). L’inanité de toutes les idoles ne tarde pas à se montrer : elles laissent des coeurs vides et déçus.
Jacob et Laban se séparent enfin. Il n’y a rien de commun entre le croyant et l’homme du monde. Comment peut-on si facilement négliger les avertissements répétés de la Parole (2 Cor. 6 : 14-16) ? Jacob réalise sa dignité et offre un sacrifice sur la montagne (Gen. 31 : 54) mais il lui faudra régler sa conduite devant Dieu !
Il poursuit son chemin vers Canaan et les anges de Dieu le rencontrent. Ils semblent lui souhaiter la bienvenue et l’assurer de leur aide, bien qu’ils restent silencieux (Héb. 1 : 14). Pourtant le coeur du patriarche n’est pas affranchi de la crainte de l’homme (Prov. 29 : 25). Il tremble à la perspective de rencontrer Esaü, qui avait autrefois affirmé son intention de le tuer. Sans doute, il a recours à la prière, une prière courte, adressée au Dieu d’Abraham et d’Isaac (Gen. 32 : 9-12) mais en même temps, il prend toutes les précautions imaginables pour qu’une partie au moins puisse échapper (Gen. 33 : 2) ! Dans quel esprit prions-nous ? Quelle est notre vraie relation avec Dieu et sommes-nous véritablement disposés à le laisser seul agir ?
Vingt années ont passé, mais Jacob doit encore apprendre qu’il est coupable avant tout devant Dieu (Ps. 51 : 4). Pour l’heure, il fait des calculs avant d’aborder Esaü : « je l’apaiserai par le présent qui va devant moi et après cela je verrai sa face ; peut-être qu’il m’accueillera favorablement » (Gen. 32 : 20). N’a-t-il pas habilement disposé l’ordre des troupeaux successifs qu’il lui destine ? (Gen. 32 : 16). Que de personnes troublées dans leur conscience pensent apaiser Dieu par des actions soi-disant méritoires ! Mais Dieu a aimé le pécheur et Il a envoyé son Fils donner sa précieuse vie sur la croix, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle (Jean 3 : 16 ; 1 Jean 4 : 9-10).
Jacob apprend alors que son frère a quitté sa forteresse imprenable de Séhir, et se porte à sa rencontre ! Mais il est suivi d’une troupe inattendue de 400 hommes ! Quelles sont ses intentions ? Jacob devrait se confier vraiment en Dieu, prendre courageusement la tête de sa famille et aller demander humblement pardon à son frère offensé. Sa situation paraît critique et pourtant cette nuit-là va marquer un tournant important dans sa vie.

Jacob à Peniel et sa rencontre avec Esaü
Jacob fait passer le gué de Jabbok à tous les siens et reste seul, seul avec Dieu : « Un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore » (Gen. 32 : 24). Il a toujours cherché à obtenir la bénédiction par ses propres efforts. Jacob résiste comme nous le faisons si souvent ! Il ne veut pas s’avouer vaincu : « Par sa force, il lutta avec Dieu » (Osée 12 : 4). Mais il lui faut constater que malgré toute son énergie, il ne peut prévaloir et vaincre. L’homme dans sa nature adamique est inimitié contre Dieu. La chair ne peut être améliorée ni assujettie, elle a été crucifiée (Rom. 8 : 7).
Un simple geste divin suffit à montrer la faiblesse du patriarche (Gen.32 : 25). L’emboîture de la hanche de Jacob est définitivement luxée et il ne peut plus se confier dans ses propres capacités. Il apprend une vérité de base dans la vie de tout croyant : « Quand je suis faible, alors je suis fort » (1 Cor. 12 : 10). Il réalise sa faiblesse, il s’attend à Dieu et déclare avec foi : « Je ne te laisserai point aller sans que tu m’aies béni » (Gen. 32 : 26). Le prophète Osée qui parle d’Ephraïm, figure d’Israël, pour montrer que la voie de la repentance est encore ouverte, évoque cet instant dans la vie de Jacob : « Il lutta avec Dieu ; oui, il lutta avec l’Ange et prévalut : il pleura et il le supplia » (Osée 12 : 5).
C’est la première victoire réelle dans sa vie ! Elle est le fruit béni d’une fervente supplication (Jac. 5 : 16). Après avoir confessé qu’il s’appelle Jacob, celui qui supplante, (Gen. 32 : 27), il obtient la bénédiction et quelle bénédiction ! Son nom est changé en celui d’Israël « vainqueur ou prince de Dieu » si grand dans les conseils de Dieu. Dans l’Ecriture et dans l’histoire, ce nom porte les regards sur Christ, le vainqueur, le Prince, le vrai Israël de Dieu.
Dieu veut que nous soyons des vainqueurs. S’il nous arrête dans une marche de propre volonté et nous ôte notre énergie charnelle, c’est afin de nous donner Sa puissance !
Dieu le bénit là ; alors le soleil se lève sur lui quand il passe Peniel. Jacob s’en souviendra toujours : « J’ai vu Dieu face à face ». Son bâton sera là pour lui rappeler continuellement sa propre infirmité. Sa hanche est luxée mais son âme a été délivrée (Rom. 7 : 24-25) même si le vieux Jacob, le supplanteur, se manifeste encore dans bien des circonstances.
Pourquoi adopte-t-il cette attitude servile devant son frère ? Il est bientôt évident que Dieu a incliné le coeur d’Esaü (Gen. 33 : 3-4). Il n’a d’ailleurs pas apparemment saisi le but que Jacob poursuivait, en multipliant les cadeaux. En tout cas, l’un et l’autre tiennent à affirmer qu’ils ont de tout en abondance (Gen. 33 : 8-10).
Pourtant les craintes de Jacob sont toujours vivaces ! L’occasion lui était fournie de montrer à son frère qu’il se savait sous la protection de l’Eternel. Mais lorsque Esaü lui propose de faire route avec lui, il se dérobe par un mensonge. Il prétend qu’il a l’intention de se rendre à Séhir. Or en fait, il se dirige vers Succoth, où il bâtit une maison et des cabanes pour son bétail. Il semble prêt à abandonner le caractère que Dieu se plaisait à souligner chez les patriarches : « Par la foi Abraham demeura dans la terre de la promesse comme dans une terre étrangère, demeurant sous des tentes, avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse » (Héb. 11 : 9).

Sichem : la séduction et le déshonneur
Ensuite, peu de temps après, Jacob achète à Sichem le champ des fils d’Hamor, où il a dressé sa tente. C’était hélas, perdre de vue son caractère de forain et de voyageur (Gen. 33 : 17-20). Ce relâchement dans sa conduite aura bientôt de tristes conséquences. Dina, la fille de Léa, sort « pour voir les filles du pays ». Une simple visite de politesse, pense-t-on ! Pourquoi s’en émouvoir ? Les tentes ont été dressées tout près de la ville mais la sagesse imposait de garder ses distances. Les parents ont aussi souvent par leur attitude laxiste une responsabilité majeure dans les chutes de leurs pauvres enfants, inconscients des dangers encourus. Nos motifs au départ sont parfois difficiles à discerner ? Simple curiosité anodine estime-t-on. Souvent, on est incapable de discerner l’attirance secrète de notre coeur. Ne perdons pas de vue que notre chair est toujours disposée à céder à la convoitise (Gal. 5:19-21). Veillons à ne pas la nourrir ! « Ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises » (Gal. 5 : 24).
Le monde se présente souvent d’abord sous ses aspects riants, mais il ne tarde pas à se montrer corrompu et violent ! Le Liban était majestueux, il attirait la Sulamithe. Mais les tanières des lions et des léopards s’y trouvaient cachés. D’où l’appel répété du bien-aimé à s’en écarter : Viens ! (C.de C. 4 : 7-8).
Les fréquentations impures de Dina vont rapidement amener le déshonneur sur la fille de Jacob. Et loin de se taire comme le fait Jacob humilié (Gen. 34 : 5), ses fils Siméon et Lévi ourdissent une terrible vengeance à l’égard de Sichem. Ils feignent de s’accorder avec eux et, le moment venu, les massacrent sans pitié ! La fornication est chose habituelle dans ce monde et ceux qui « habitent sur la terre » trouvent étrange que nous ne courions pas dans le même bourbier qu’eux (1 Pier. 4 : 4).
Jacob est profondément troublé et découragé par les désordres survenus dans sa famille (Gen. 34 : 30). Alors, dans sa miséricorde, Dieu prend soin de lui. Il ne veut pas le laisser dans une condition si misérable. Il va l’aider à s’éloigner de ces villes corrompues, à faire avec les siens un pas d’une grande importance : ils vont devenir des adorateurs.

L’appel de Dieu à Béthel
Un grand changement a lieu. Dieu dit à Jacob : « Lève-toi, monte à Béthel et habite là, et fais un autel au Dieu qui t’apparu comme tu t’enfuyais devant la face d’Esaü, ton frère » (Gen. 35 : 1). La Parole rappelle ailleurs cette étape si importante : « A Béthel, Il le trouva ; et là, Il parla avec nous » (Osée 12:5). Il va se faire connaître à eux comme le Dieu Tout-Puissant, ce qui n’avait pas été le cas à Peniel (Gen. 32 : 29 ; 35 :11).
Il est utile pour Jacob de se souvenir de ses fautes, de sa fuite, de sa détresse mais à Béthel, dans la maison de Dieu, il apprend à mesurer un peu mieux sa grâce, ses soins constants et sa fidélité. La même voix divine invite le chrétien chaque premier jour de la semaine à laisser de côté « les affaires de la vie » pour se rendre au lieu où le Seigneur a promis sa présence au milieu des deux ou trois. Celui que le chrétien connaît comme Père cherche des adorateurs qui l’adorent en esprit et en vérité, rappelant son oeuvre glorieuse et magnifique (Matt. 18 : 20 ; Héb. 13 : 15).
La simple évocation de Béthel va produire un effet puissant dans l’âme de Jacob. Mais avant d’obéir et de s’y rendre, il comprend qu’une chose est indispensable. Souvent, au lieu de rejeter le mal, on s’en accommode (Job 20 : 12). On ne peut se tenir dans la présence de Dieu sans que l’impureté et l’idolâtrie soient ôtées ! Ceux qui s’approchent de Lui doivent d’abord se purifier dans leur marche personnelle et veiller soigneusement sur leurs associations (Es. 52 : 11).
Or dans les tentes de Jacob étaient cachés des objets incompatibles avec la sainte présence de Dieu. A commencer par les théraphim : « mes dieux » comme Laban les appelait (Gen. 30 : 31). Ils se trouvaient toujours, selon toute probabilité, dans la tente de l’épouse bien-aimée de Jacob : Rachel ! Ces dieux étrangers doivent être absolument rejetés avant que Jacob et les siens puissent paraître devant l’Eternel à Béthel. Autrefois Jacob, repris dans sa conscience, avait estimé ce lieu terrible (Héb. 12 : 28-29).
Josué, à la fin de sa carrière, rappelle au peuple que Dieu est un Dieu saint mais aussi un Dieu jaloux. Israël affirme pourtant avec force qu’il veut Le servir ! Alors Josué leur dit : « Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, et inclinez vos coeurs vers l’Eternel, votre Dieu » (Jos. 24 :19-23). Quand les coeurs, sous l’effet sanctifiant de la Parole se repentent, toute résistance cesse promptement : « Les fils d’Israël ôtèrent les Baals et les Ashtoreths, et servirent l’Eternel seul » (1 Sam. 7 : 4). L’apôtre resté le dernier en vie adressait aux croyants cette ultime mise en garde : « Enfants, gardez-vous des idoles » (1 Jean 5 : 21). Prenons garde de fermer la porte de nos coeurs à tout ce qui voudrait y prendre la place du Seigneur. Que de compromissions risquons-nous d’accepter dans nos activités ou dans nos loisirs ! Que d’amitiés douteuses peuvent rapidement se former (Job 34 : 8) ! Combien d’habitudes coupables, souvent secrètes, peuvent s’emparer de nous !
Jacob se conduit ici en chef de famille responsable. Il fait preuve de fermeté à l’égard de sa propre maison et de ceux qui vivaient dans sa compagnie. Tous doivent ôter les dieux étrangers qui sont en leur possession, ils doivent se purifier et changer de vêtements ! Ils vont même donner « les anneaux qui étaient à leurs oreilles ». Habituellement en or, ces ornements se voyaient souvent attribués des pouvoirs surnaturels et ils étaient donc très convoités (Es. 3 : 16-23). Dès que Laban avait vu l’anneau et les bracelets aux mains de sa soeur Rebecca, il avait flairé une bonne affaire. Ses paroles à l’égard du serviteur d’Abraham étaient devenues lisses comme le beurre, et aussitôt il l’avait appelé le béni de l’Eternel ! (Gen. 24 : 29-30 ; Ps. 55 : 21).
Le patriarche cache ensuite toutes ces idoles sous un térébinthe qui était près de Sichem et ils montent à Béthel. Jacob avait eu des craintes justifiées après la folie meurtrière de ses fils (Gen.34 : 30 ; 49 : 5-7). Mais maintenant dans un chemin d’obéissance, « la frayeur de Dieu fut sur les villes qui les entouraient, et on ne poursuivit pas les fils de Jacob » (Gen. 35 : 5 ; Ex. 11 : 7 ; Rom. 8 : 31).
Jacob avait déjà dressé un autel à Sichem qu’il avait appelé El-Elohé-Israël, c’est à dire « Dieu, le Dieu d’Israël ». Cet autel tenait compte du nouveau nom que Dieu venait de lui donner à Peniel. Toutefois son association avec le monde et ses principes ne lui permet pas de dépasser un faible niveau dans son adoration. Il en sera de même pour nous, aussi longtemps que nous restons pratiquement liés au monde.
Mais maintenant, dès son arrivée à Luz (c’est Béthel), il tient compte du lieu où il se trouve et son culte change de caractère. Il rend grâces pour les soins qu’il a reçus et il « bâtit là un autel » (Gen. 35 : 7). C’est là que Dieu s’est révélé à lui comme il s’enfuyait de devant la face de son frère. Il peut appeler cet autel : « le Dieu de la maison de Dieu ». Ses pensées ne s’arrêtent plus tellement sur Jacob, le béni de l’Eternel, mais bien plutôt sur Dieu lui-même. Il réalise que la Personne est plus importante que le lieu. Il fait des progrès dans sa connaissance. Mais pourquoi ne reste-t-il pas habiter à Béthel ?
Les chrétiens ont le privilège d’adorer Dieu connu comme leur Père (Jean 20 : 17) selon sa révélation en Christ. Ils l’adorent, comme Jacob à Béthel, non seulement pour ce qu’Il est envers eux, mais pour ce qu’Il est en lui-même.

Dernières épreuves et fin de Jacob
Le chemin de la discipline se poursuivra pour Jacob : il en est ainsi pour chaque croyant. Dieu détache un à un ses fils qui le retardent dans ses progrès spirituels. « L’histoire de ma vie est celle de mon dépouillement », a pu dire à juste titre un croyant. Jacob connaît des deuils successifs. C’est d’abord la nourrice de Rebecca qui meurt à Béthel : elle ne pourra plus lui parler de sa mère disparue. Puis à la naissance de Benjamin sur le chemin d’Ephrath, qui est Bethléem, se lie la mort de Rachel. Il en résultera pour le patriarche un vide que rien ne pourra combler ! Parvenu à la fin de sa course, Jacob en parle encore comme si ce deuil avait été le terme de toutes ses espérances terrestres (Gen. 48 : 7).
Mais, pour que Jacob se soumette entièrement à la volonté de Dieu, il devra encore traverser de grandes épreuves, qui l’atteignent dans ses affections envers deux de ses fils, les enfants de Rachel, Joseph et Benjamin. Pour Joseph, il refuse d’être consolé (Gen. 37 : 35). Pour Benjamin, il déclare : « Et moi, si je suis privé d’enfants, j’en serai privé » (Gen. 43 : 14). Il se soumet à la volonté de Dieu qui désire que nous trouvions toutes nos ressources en Lui.
Jacob avait déclaré : « Toutes ces choses sont contre moi » (Gen. 42 : 36). Désormais quel changement heureux chez ce patriarche ! Alors que dans le passé sa volonté propre se manifestait si souvent, il craint maintenant de faire un pas sans Dieu ! Alors l’Eternel l’encourage, et lui promet de descendre avec lui en Egypte (Gen. 46 : 3). Chers lecteurs, le Seigneur peut-Il nous accompagner partout où nous allons ?
Jacob retrouve miraculeusement Joseph et Benjamin qu’il avait perdus. Son chagrin a été si grand qu’il a du mal, pour un moment, à supporter sa joie. Quelle rencontre émouvante avec Joseph (Gen 46 : 29-30) ! La coupe de Jacob est pleine : « Que je meure à présent, après que j’ai vu ton visage, puisque tu vis encore » (Gen. 46 : 30).
La discipline a produit son oeuvre bénie. Présenté au Pharaon, ce vieillard courbé sur son bâton bénit le puissant monarque (Héb.7 : 7). Jacob pense que le temps de son départ approche mais il mourra en bonne vieillesse, quelques dix-sept ans après. Les derniers moments de sa vie, les plus remarquables, sont retenus par l’Ecriture : « Par la foi, Jacob mourant bénit chacun des fils de Joseph, et adora appuyé sur le bout de son bâton » (Héb.11 : 21 ; Gen. 47 : 31). Il apparaît ici comme un témoin pour Dieu, ayant l’intelligence de ses desseins, exprimant des pensées saintes et élevées. Sa fin triomphante souligne et glorifie la grâce de Dieu envers cet homme. Jacob rappelle les étapes de sa vie, en particulier Luz, autrement dit Béthel, où Dieu s’est fait connaître à Lui (Gen. 48 : 3-4).
Que de leçons pour nous dans le chemin parcouru, accompagné par les soins de Celui que l’Ecriture appelle si fréquemment le Dieu de Jacob, autrement dit le Dieu de la grâce (Ps. 146 : 5) ! En relisant le récit de la vie de Jacob puissions-nous apprendre que Dieu est le seul vrai repos et la seule vraie ressource. Il voudrait nous amener à cette heureuse conclusion avant de toucher au but.

Ph.L. le 23.11.05

Fidèle discipline d’un Dieu de sainteté,
Où la grâce divine abonde en fruits portés.
Tu formes sur la terre tes bien-aimés enfants.
Sois loué, tendre Père, pour tes soins vigilants !

Ezechiel 2,2-5 – commentaires de Marie Noëlle Thabut

6 juillet, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 8 juillet : commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – EZECHIEL 2, 2 – 5

2 L’Esprit vint en moi,
il me fit mettre debout,
et j’entendis le Seigneur qui me parlait ainsi :
3 « Fils d’homme je t’envoie vers les fils d’Israël,
vers ce peuple de rebelles qui s’est révolté contre moi.
Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères
se sont soulevés contre moi,
4 et les fils ont le visage dur,
et le coeur obstiné.
C’est à eux que je t’envoie, et tu leur diras :
Ainsi parle le Seigneur Dieu…
5 Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils refusent,
– car c’est une engeance de rebelles, –

ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. »
Rassurez-vous, les paroles que Dieu a adressées à Ezéchiel ne se sont pas limitées à ce que nous venons d’entendre ! Ce texte n’est qu’une toute petite partie du long récit de la vocation d’Ezéchiel, dans les premiers chapitres de son livre. A ne s’en tenir qu’aux quelques versets proposés pour ce dimanche, l’appel de Dieu semblerait un peu court et sévère ; aurait-il suffi à galvaniser Ezéchiel pour des années ? Mais c’est oublier dans quel climat ont résonné ces paroles. Quand Dieu envoie en mission, il donne toujours la force nécessaire : pour Ezéchiel, ce fut une vision grandiose, inoubliable dont le souvenir désormais soutiendrait tous ses efforts.
Nous sommes à Babylone, au tout début de l’Exil, avec la première vague des déportés chassés de Jérusalem par Nabuchodonosor en 597. Très loin, là-bas, sur la colline de Sion, le Temple est encore debout et Dieu y réside toujours puisqu’il l’a promis. Mais alors que reste-t-il aux exilés ? Désormais loin de Dieu, il ne leur reste que leurs yeux pour pleurer apparemment, en attendant des jours meilleurs.
Mais voilà que Dieu s’adresse à Ezéchiel, ici, bien loin de la mère-patrie et du Temple : c’est la première très Bonne Nouvelle de ce livre : Dieu n’est pas assigné à résidence à Jérusalem, il est également présent à Babylone, au bord du fleuve Kebar, là où est déporté son peuple. Ezéchiel voit les cieux s’ouvrir et le voilà plongé dans un univers de beauté indicible : plus tard il tentera bien de raconter sa vision, mais pour tous ceux qui n’y ont pas assisté, c’est proprement inimaginable : dans un univers de flammes, de feu, de pierres précieuses, de torches vivantes à visages d’hommes, d’animaux ailés, se déplaçait en tournoyant le chariot qui portait le trône de Dieu. Indicible, inracontable, peut-être, mais le feu qui émane du trône de Dieu vient d’embraser l’âme d’Ezéchiel, il est armé pour sa mission.
Laquelle promet d’être difficile : « Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël, vers ce peuple de rebelles qui s’est révolté contre moi. » On a peut-être un peu trop l’habitude de croire que le peuple en Exil à Babylone ne faisait qu’un autour de ses prêtres et de ses prophètes, dans la fidélité à la Loi et l’espérance du retour. En fait, si l’on en croit ce texte, les choses étaient moins simples. Il est probable que, là-bas, au contact de l’idolâtrie ambiante, les tentations d’abandonner la foi juive ont été très fortes. D’autant plus qu’en pareil cas, si l’on veut survivre loin du pays, il faut bien s’adapter. Certains pensent probablement que l’intransigeance n’est pas le bon plan.
Par ailleurs, à l’époque, une question se posait : si nous sommes le peuple vaincu, n’est-ce pas une preuve que notre Dieu est moins puissant que les autres ? Et, du coup, certains étaient tentés de changer de religion.
On devine à travers ces lignes que le prophète aura fort à faire, le mot « rebelles » revient plusieurs fois sous sa plume : « C’est une engeance de rebelles… Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi, et les fils ont le visage dur, et le coeur obstiné. » On pourrait diagnostiquer une « rébellion congénitale » en quelque sorte ! Thème connu bien avant Ezéchiel : déjà Moïse s’en plaignait : ce n’est pas un hasard s’il avait transformé le nom de l’étape de Rephidim dans le Sinaï en Massa et Meriba (épreuve et querelle) en souvenir des récriminations continuelles du peuple pendant l’Exode.
Des siècles plus tard, à l’orée de l’Exil, justement, méditant cette rude expérience de Moïse, le livre du Deutéronome lui faisait dire : « Souviens-toi, n’oublie pas que tu as irrité le SEIGNEUR ton Dieu dans le désert. Depuis le jour où tu es sorti d’Egypte, jusqu’à votre arrivée ici, vous avez été en révolte contre le SEIGNEUR… Et le SEIGNEUR m’a dit : Je vois ce peuple : eh bien ! C’est un peuple à la nuque raide ! » (Dt 9, 7. 13).
Dans le texte d’aujourd’hui, le reproche est particulièrement cinglant : car le peuple est comparé à Pharaon lui-même, le modèle de l’endurcissement du coeur ! (Au verset 4, quand le prophète dit : « les fils ont le coeur obstiné », il emploie exactement le même mot hébreu que celui qui avait caractérisé le roi d’Egypte dans le livre de l’Exode : « le coeur du Pharaon resta endurci » (Ex 7, 13). C’est donc la suprême injure. Voilà Ezéchiel bien prévenu ; et ce peuple est si rebelle que le prophète, à n’en pas douter, aura fort à faire pour se faire entendre et justifier son autorité ; c’est pourquoi il précise bien qu’il ne parle pas de lui-même : « L’Esprit vint en moi, il me fit mettre debout », et cette parole n’est pas la sienne ; il prend bien soin de préciser : Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu… Au verset suivant, Dieu invitera son porte-parole à garder courage : « Ecoute, fils d’homme, n’aie pas peur d’eux et n’aie pas peur de leurs paroles, tu es au milieu de contradicteurs et d’épines, tu es assis sur des scorpions ; n’aie pas peur de leurs paroles et ne t’effraie pas de leurs visages, car c’est une engeance de rebelles. Tu leur diras mes paroles, qu’ils t’écoutent ou qu’ils ne t’écoutent pas : ce sont des rebelles. » (Ez 2, 6).
Mais, précisément, à travers la gravité même des reproches adressés par Dieu à son peuple, on peut lire la deuxième très Bonne Nouvelle du texte de ce dimanche : ce peuple est dur et indocile, soit ; eh bien, même cela n’arrête pas la fidélité de Dieu à son Alliance : quelle que soit leur attitude, d’écoute ou de refus « ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. » Traduisez, ils sauront que Dieu continue de leur parler, de les appeler.

Le Prêtre-Roi Melchisédech

5 juillet, 2012

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Besson/Articles/melchise.html

Le Prêtre-Roi Melchisédech

… Derrière Moise se tient le prêtre sans parents, le roi de justice, Melchisédech, fils du Soleil rouge
… Par Melchisédech et par Moïse parviennent aux créatures les bénédictions qui les guérissent.

Sédir : le Sermon sur la Montagne.
Depuis des temps immémoriaux, cette énigmatique figure, qui apparaît dans l’Ancien Testament pour disparaître aussitôt, a maintenu en éveil la sagacité des exégètes et alimenté la méditation des esprits religieux. Le but de cette notice est simplement d’exposer les quelques renseignements que l’Ecriture et la Tradition fournissent à son sujet.
Melchisédech est mentionné à trois reprises dans la Bible.
1 Au chapitre XIV de la Genèse, il est dit que Melchisédech, roi de Salem et sacrificateur de Dieu, bénit Abraham, victorieux de ses ennemis,
2 Au psaume CX, verset 4, il est écrit : Le Seigneur a juré et il ne s’en repentira pas: Tu es prêtre éternellement, à la manière de Melchisédech.
3 Dans l’épître aux Hébreux, il est déclaré que Melchisédech est la préfiguration du Christ Lui-même.
Extraordinaire assurément était cet être devant la bénédiction de qui s’inclina le Père des croyants , Celui qui avait été si souvent béni de Dieu et en qui toutes les nations de la terre devaient être bénies. Cornelius a Lapide pense qu’il est descendu du Ciel pour bénir Abraham et qu’il y est ensuite remonté puis, qu’après cette bénédiction, l’Ecriture ne fait plus mention de lui jusqu’au temps du roi David. Le nom qu’il portait et qui signifie roi de justice, doit être pris dans son acception plénière, absolue, car seul
un être parfaitement saint pouvait être appelé directement par Dieu à la vocation d’un sacerdoce ne relevant d’aucun pouvoir humain.
La Genèse nous apprend en effet qu’il était prêtre du Dieu souverain; mais il est significatif de constater que le livre saint, où l’on trouve indiquée avec tant de précision la succession des prêtres de la famille d’Aaron, ne parle pas de successeurs de Melchisédech. Au reste la déclaration du psaume: Tu es prêtre éternellement à la manière de Melchisédech montre bien que le roi de Salem est nommé ici non comme le chef mais comme le type d’un sacerdoce sans analogie dans l’Ancienne Alliance.(14)
Melchisédech est donc la préfiguration du Christ Lui-même, qui sera, Lui aussi, Roi et Sacrificateur. Et, pour ôter de notre esprit toute incertitude touchant cette manifestation mémorable, l’auteur du récit sacré prend soin de préciser le lieu où le pontife-roi donna à Abraham sa suréminente bénédiction. La rencontre eut lieu au nord de Jérusalem, exactement entre la ville et le tombeau des juges, qui en est distant d’à peine 3 kilomètres, près de l’endroit où passe actuellement la route de Jérusalem à Naplouse. C’est là que le prêtre de Salem, avant de bénir Abraham, offrit à Dieu le pain et le vin, préfiguration de la Cène que le Fils de Dieu devait célébrer plus tard dans cette même cité.
Et l’on comprend que l’apôtre, écrivant aux Hébreux, leur déclare qu’il aurait, touchant, ce Melchisédech, beaucoup à dire et des choses difficiles à expliquer. Et voici les seules qu’il consente à leur dévoiler, à cause de leur lenteur à comprendre : Outre la royauté de la justice et de la paix, Melchisédech est sans père ni mère , sans généalogie, il n’est d’ailleurs pas de même race qu’Abraham, ses jours n’ont pas de commencement ni sa vie de fin, il est semblable au Fils de Dieu, et il demeure prêtre éternellement.
Tel est cet être, préfiguration du Christ et même semblable au Fils de Dieu , né d’une façon surnaturelle puisqu’ appartenant à une autre race qu’Abraham , engendré avant les temps comme le Christ, sans descendance comme le Christ et, comme le Christ, vivant à jamais, prêtre d’un pontificat perdurable et parfait, puisqu’il a plu au Christ d’être prêtre selon cet ordre.
Et l’on comprend que la méditation revienne inlassablement sur cet être dont la grandeur nous domine et dont le mystère nous attire. Les uns ont pensé que Melchisédech était le Christ Lui-même apparu à Abraham sous forme humaine; les Hiéracites ont vu en lui l’incarnation du Saint-Esprit; Origène et Didyme ont cru qu’il était un ange. Les Samaritains, au dire d’Epiphane, déclaraient que Melchisédech était Sem, le fils de Noé. Il y eut de bonne heure une secte gnostique appelée Melchisédéciens, sur l’origine et la doctrine de laquelle nous ne savons pour ainsi dire rien; ils se rattachaient à Théodote le changeur qui niait la divinité de Jésus et enseignait qu’au moment du baptême le Christ était descendu en Jésus; et ces Melchisédéciens donnaient la prééminence à Melchisédech sur le Christ.
Pour Catherine Emmerich, Melchisédech était une sorte d’ange sacerdotal chargé de préparer le grand-oeuvre de la Rédemption. Saint Yves d’Alveydre le présente comme le survivant au temps d’Abraham de l’ancienne Eglise universelle du Bélier, de Ram, détrônée par l’Eglise du Taureau, d’Irschou. Les Rose-Croix du XVIIe siècle ont rangé Melchisédech avec Enoch, Moïse, Elie et d’autres parmi leurs ancêtres.
Une autre tradition, plus strictement chrétienne, voit en l’épisode de Melchisédech une de ces manifestations soudaines de l’être qui, sur la terre, tient la lieutenance du Christ. D’ordinaire il vit dans l’obscurité; mais il en sort quand il voit la nécessité d’une intervention publique. Avec Abraham commence en effet la sélection du peuple dans lequel devait prendre corps le Verbe, peuple profondément matériel et dur et strictement formaliste. Il fallait que, dès cette époque, fût signifié le caractère unique de liberté, de spiritualité pure, d’indépendance formelle qui est celui de la mission du Sauveur.

14. Cf. S. Thomas d’Aquin : Somme III quest. XXII. 6.

ARTICLE 6 : Le Christ doit-il être appelé prêtre selon l’ordre de Melchisédech ?

Objections : 1. Le Christ, comme prêtre principal, est la source de tout sacerdoce. Or ce qui est principal ne peut suivre l’acte d’autrui, c’est aux autres de suivre le sien. Donc le Christ ne doit pas être appelé prêtre selon l’ordre de Melchisédech.

2. Le sacerdoce de l’ancienne loi est plus proche de celui du Christ que le sacerdoce antérieur à la loi. Or les sacrements signifiaient d’autant plus expressément le Christ qu’ils étaient plus proches de lui, ainsi que nous l’avons montré dans la deuxième Partie. Donc le sacerdoce du Christ doit être nommé d’après le sacerdoce de la loi plutôt que d’après le sacerdoce de Melchisédech, antérieur à la loi.

3. Il est écrit (He 7, 2) : Melchisédech  » veut dire : « roi de la paix ». Sans père, sans mère, sans généalogie, dont les jours n’ont pas de commencement et dont la vie n’a pas de fin « . Tout cela convient uniquement au Fils de Dieu. Le Christ ne doit donc pas être appelé prêtre selon l’ordre de Melchisédech, comme de quelqu’un d’autre, mais selon un ordre qui est propre à lui-même.

En sens contraire, il est écrit dans le Psaume (110, 4) :  » Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech. « 

Réponse : Comme nous l’avons dit, le sacerdoce légal fut la préfiguration du sacerdoce du Christ, non certes en égalant la vérité, mais d’une manière très inférieure : et parce que le sacerdoce légal ne purifiait pas les péchés, et parce qu’il n’était pas éternel comme celui du Christ. Or, cette supériorité du sacerdoce du Christ sur le sacerdoce Lévitique fut préfigurée dans le sacerdoce de Melchisédech, lequel perçut la dîme sur Abraham, et en celui-ci sur le sacerdoce Lévitique qui devait descendre de lui. Aussi dit-on que le sacerdoce du Christ est  » selon l’ordre de Melchisédech « , à cause de la supériorité du sacerdoce véritable sur le sacerdoce légal, qui n’était que préfiguratif.

Solutions : 1. Cette façon de parler ne comprend pas Melchisédech comme étant le prêtre principal, mais comme préfigurant la supériorité du sacerdoce du Christ sur le sacerdoce Lévitique.

2. Dans le sacerdoce du Christ on peut distinguer son oblation et sa participation. Quant à l’oblation elle-même, le sacerdoce du Christ était préfiguré plus expressément par le sacerdoce légal, qui répandait le sang, que par le sacerdoce de Melchisédech, où le sang n’est pas répandu. Mais quant à la participation à ce sacrifice et à son effet, à quoi on mesure surtout la supériorité du sacerdoce du Christ sur le sacerdoce légal, elle était plus expressément préfigurée par le sacerdoce de Melchisédech qui offrait du pain et du vin lesquels, pour S. Augustin symbolisent l’unité de l’Église, que constitue la participation au sacrifice du Christ. Et c’est pourquoi, dans la loi nouvelle, le véritable sacrifice du Christ est communiqué aux fidèles sous les espèces du pain et du vin.

3. Si l’on dit que Melchisédech est  » sans père, sans mère et sans génération « , que  » ses jours n’ont pas de commencement ni de fin « , ce n’est pas parce qu’il n’en avait pas, mais parce que la Sainte Écriture n’en parle pas. Et par cela même, comme l’Apôtre le dit au même endroit,  » il est assimilé au Fils de Dieu  » qui sur terre est sans père, et au ciel sans mère et sans généalogie, selon Isaïe (53,8) :  » Qui racontera sa génération ?  » Et selon sa divinité il n’a ni commencement ni fin de ses jours.

Éditions du Cerf

Mort, où est ta victoire ? – Livre de la Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24

30 juin, 2012

http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Commentaires-spirituels/Mort-ou-est-ta-victoire-?-/Default-50-3958.xhtml

Mort, où est ta victoire ?

Par Bernard Rivière
Entre la notion de l’immortalité de l’âme et la vie de Dieu offerte en Jésus se situe, pour le croyant, le saut de la foi.
Livre de la Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24

« Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent ; ce qui
naît dans le monde est bienfaisant, et l’on n’y trouve pas le poison qui fait mourir. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle. Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l’expérience. »
Le roi Salomon serait-il l’auteur du Livre de la Sagesse ? Le chapitre IX pourrait le laisser entendre, tant l’auteur, pour étayer son propos et lui donner plus de poids, s’attribue la grande sagesse de Salomon (fils du roi David, 970 à 931 av. JC), bien connu par le fameux épisode du Jugement de Salomon (1R 3,16-28). Il n’en est rien. L’auteur, dont le nom est inconnu, est un juif hellénisé, vivant aux environs de l’an 50 avant notre ère. Il prend à son compte l’axiome platonicien sur l’immortalité de l’âme : «?Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. ?»
Entre cette notion de l’immortalité de l’âme et la vie de Dieu offerte en Jésus se situe, pour le croyant, le saut de la foi : «?Jésus Christ, notre Sauveur, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par son Évangile?» (2Tim 1,10). Acte de foi rapporté par Marc 5, 39 lors de la guérison de la fille de Jaïre : «?L’enfant n’est pas morte : elle dort.?»
Cette affirmation « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants » a de quoi surprendre bon nombre de nos contemporains, malgré vingt siècles de christianisme. D’après un récent sondage, 34 % des Français qui se disent catholiques estiment ne pas croire… en Dieu. Le plus grand obstacle à leur adhésion porte sur la résurrection de Jésus. Déjà, lorsque Paul annonçait Jésus-Ressuscité aux Athéniens, «?les plus religieux des hommes?», il s’attirait les foudres de ses auditeurs : «?Ce sont d’étranges propos que tu nous fais entendre… Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. » (Ac 17, 16-32).
Étranges propos, certes ! On se souvient de l’entretien de Jésus avec Nicodème (Jn 3) : «?Comment un homme peut-il naître une fois qu’il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le ventre de sa mère et naître ??» Ne serions-nous pas proches de Thomas l’Incrédule, qui ne pouvait croire en la Vie sans voir les marques de la Mort (Jn 20,19-29) ? Dans ce monde où «?votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer?» (1P 5,5), où la guerre trop souvent tient tête victorieusement à la paix, où l’injustice étouffe la plus élémentaire justice, où la maladie et la mort mettent quotidiennement en péril l’espérance et la vie, comment ne pas comprendre le scepticisme, le rejet de Dieu qui minent les cœurs et les esprits lorsqu’ils entendent «?la puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle?» ?
Toutes les paroles humaines, les pensées les plus élaborées et les plus savantes ne sont qu’un vestibule ouvrant sur une lumière éblouissante jaillissant du fond de l’histoire humaine. Comme dans l’allégorie de la grotte de Platon, l’homme ne voit guère que ses propres ombres devant lui, mais la réalité lui fait défaut. Dieu n’est pas un au-delà fuyant comme l’horizon. La vie de Dieu, celle qui vient à bout du mal et des injustices, des guerres et de la pauvreté, de la souffrance et de l’anéantissement, ne se dévoile que dans un combat persévérant de tous les jours : «?La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire?» (1Co 15,54).
Nos « victoires » humaines sont les prémices de celle à venir, celle qui est promise, définitive et immortelle, en laquelle il m’est donné d’espérer au-delà de toute imagination. Comme l’épouse du Cantique des Cantiques (2,8) : «?J’entends mon Bien aimé. Voici qu’il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines (…). Voici qu’il se tient derrière notre mur, il guette par la fenêtre ; il épie par le treillis.?»

« La joie d’être sauvé » : Un psaume à dire avec David

25 juin, 2012

http://www.spiritualite2000.com/page-1287.php

« La joie d’être sauvé »

Février 2006

Jean Duhaime

Un psaume à dire avec David

Dans la Bible, le titre que porte le Psaume 50 l’associe à la figure de David : « De David, quand Natân le prophète vint à lui parce qu’il était allé vers Bethsabée ». On considère habituellement ces versets comme une interprétation et non comme une indication sur l’origine du psaume, car il présente trop de parenté avec des idées propres à Jérémie et Ézéchiel, aux alentours de l’exil (v. 4.10-12, etc.) pour dater de l’époque de David. L’évocation de l’adultère de David, suivi de l’aveu de sa faute et de son repentir sincère (comparer 2 Samuel 12, 9.13 et Psaume 50, 6) est une invitation à imiter non pas le péché, mais le regard lucide du grand roi sur sa propre conduite et son attitude devant Dieu après la reconnaissance de sa situation.
Du pardon du péché à la régénération spirituelle
L’introduction de la première section est remarquablement construite. Trois expressions caractérisent Dieu : la pitié, l’amour (ou la fidélité) et la miséricorde. L’effacement de la faute s’exprime par trois verbes (effacer, laver, purifier), utilisés par les prophètes pour décrire la purification des fautes d’Israël (Isaïe 44, 22 ; Jérémie 2, 22 ; 4, 14 ; Ézéchiel 36, 25).
Les versets 5-8 opposent l’humain à Dieu. Tout péché est une rupture dans la relation à Dieu, peu importe contre qui il a été commis. Le malheur qui touche le psalmiste est le premier temps d’une intervention salutaire de Dieu, de la justice qu’on souhaite proclamer (v. 16). L’idée qu’on est conçu pécheur (v. 7) signifie que l’être humain est fortement incliné au mal toute sa vie durant (Genèse 6, 5 ; 8, 21). Le verset 8 est difficile ; la traduction retenue par la liturgie en propose une interprétation « intimiste ». Dieu, qui sonde les cœurs et les reins, y désire la vérité et y enseigne la sagesse (Psaume 15, 7).
Au verset 9, la demande de pardon fait allusion au rite de purification des lépreux (Lévitique 14, 2-9), mais vise une guérison intérieure (Isaïe 1, 12-18). Les « os broyés » (v. 10) peuvent l’avoir été par une maladie physique (Psaumes 6, 3 ; 37, 4.9) ou par la souffrance morale, comme au verset 19 (Psaume 43, 20 ; Ézéchiel 37, 1-14). Demander au Seigneur de détourner sa face des fautes (v. 11), c’est lui demander de ne plus en tenir compte (Psaume 89, 8).
Cette première partie du psaume insiste sur le fait que la justice de Dieu est sans reproche. Elle marque la première étape du retour en grâce demandé : la disparition du péché rétablit le fidèle dans un état de pureté et lui fait retrouver la joie. La deuxième partie va plus loin : elle situe le salut véritable dans une « recréation » et demande cette transformation en profondeur, rendue possible par le don de l’esprit. Au verset 15, le péché est encore présent. C’est celui des égarés à qui s’adressera la proclamation du salut vécu par le psalmiste. La rencontre de Dieu devient source de témoi­gnage et permet le retour d’autres pécheurs ; la communauté retisse ses liens. Au verset 16, l’affranchissement du sang peut être compris soit comme la délivrance d’une mort prématurée soit probablement comme la libération du poids de fautes passibles de mort.
Aux versets. 18-19, le psalmiste ne condamne pas le culte de façon absolue, mais rappelle que le repentir est plus important que les sacrifices offerts au temple. Le cœur contrit, c’est celui de l’humble converti.
PRIER LE PSAUME 50
Le Psaume 50 est un des sommets de la prière du psautier, par l’image de Dieu et de la personne humaine qu’il projette. Dieu y apparaît avant tout comme un Dieu de bonté et de tendresse qui reste fidèle à son projet d’amitié avec les humains en dépit de leur fragilité et de leur propension au mal. La Lettre aux Romains (3, 4) reprend les grandes lignes de cette théologie : pour Paul et la communauté chrétienne, la restauration demandée par le psalmiste est réalisée de façon définitive à travers l’œuvre salutaire de Dieu en Jésus Christ et par le don de l’Esprit (Éphésiens 2, 10.15 ; Colossiens 1, 15). La liturgie actuelle l’utilise dans ces divers sens, surtout le Mercredi des cendres, à la Veillée pascale et à l’Office du matin des vendredis.
Le Psaume 50 exerce un attrait irrésistible sur celles et ceux qui croient au Dieu de la Bible ; il est l’un de ceux que nous prions les plus spontanément. Même si le goût du péché paraît passé de mode, une réflexion même sommaire conduit vite à prendre conscience de notre solidarité avec l’injustice, la misère, le mal sous toutes ses formes, ne serait-ce que par notre indifférence à l’égard d’autrui. Le Psaume 50 nous rappelle que la première transformation à faire dans le monde est la nôtre, la transformation constante du plus intime de nous-mêmes et de nos propres communautés… Se reconnaître pécheur devant Dieu n’est pas s’humi­lier, se dégrader devant lui ; c’est porter un regard lucide sur notre impuissance et nos difficultés à réaliser seuls un monde plus juste, plus fraternel, un monde où l’humain serait vraiment à l’image du Dieu amour, du Dieu partage. Mais c’est aussi affirmer qu’en lui cela est désormais possible.

(N.B. la version intégrale de ce texte se trouve dans Célébrer les Heures n. 21, printemps 1999)
Cet article est tiré de la revue Célébrer les Heures. On peut en savoir davantage sur cette revue en écrivant à Célébrer les Heures, 2715, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1B6, Canada.

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