Archive pour la catégorie 'Ancien Testament: Personnages'

1 SAMUEL 16. DIEU CHOISIT CELUI QUI A TENDANCE À ÊTRE EXCLU.

28 mars, 2014

http://clamans.hautetfort.com/archive/2007/11/07/dieu-choisit-celui-qui-a-tendance-a-etre-exclu.html

07/11/2007

1 SAMUEL 16. DIEU CHOISIT CELUI QUI A TENDANCE À ÊTRE EXCLU.

Le roi Saül a fortement déplu à Dieu. Aussi, Dieu décide-t-il de préparer la succession de Saül. Il charge le prophète Samuel de désigner, d’oindre le futur roi. Étonnamment, Dieu n’annonce pas à Samuel le nom du futur roi, il lui dit seulement de quelle famille il fait partie. A Samuel de découvrir lequel des huit fils de Jessé Dieu s’est choisi !
C’est ce processus de choix qui me semble important, porteur d’indications précieuses pour nous, pour réfléchir au thème de l’exclusion. Vous savez que le thème de la Campagne d’automne de l’EPER (entraide protestante) est le refus de l’exclusion : Exclu… c’est exclu !
Dans notre vie quotidienne, nous sommes constamment confrontés à des situations où nous devons faire des choix. Et chaque fois que nous choisissons quelque chose, nous excluons autre chose. Le choix et l’exclusion vont de pair… Parler de l’exclusion, c’est aussi parler de nos choix et vice versa. On ne peut pas ne pas choisir (parce qu’on ne peut tout avoir), on ne peut donc pas non plus éviter d’exclure !
Ce que nous avons à faire, c’est penser à nos critères de choix et d’exclusion. Pourquoi choisir ou exclure cela ? Quelles sont les conséquences de mes choix et de mes exclusions ? A première vue, lorsqu’il est question de produits, de marchandises, cela n’a pas beaucoup d’importance. Sauf lorsqu’on se met à penser à qui les produit, qui est derrière les marchandises que nous consommons, de quelle façon sont-elles fabriquées ?
En effet, la question du choix et de l’exclusion se manifeste de manière plus vive, plus cruciale lorsqu’il s’agit de personnes. Et ce sont bien les personnes que vise la Campagne de l’EPER.
Revenons donc à Samuel qui doit exécuter le choix de Dieu. Il prépare une cérémonie pour oindre le nouveau roi et il invite tous les fils de Jessé. Au premier coup d’oeil, il repère l’aîné, Eliab. Voilà un garçon brillant, un homme bien fait, il a belle allure, il ferait un roi plein de prestance ! Ce doit être lui, se dit Samuel. Mais Dieu lui souffle que non. Et tous les fils de Jessé présents défilent. Mais le futur roi n’est pas parmi eux. Surprise, panique… Y en a-t-il un autre ? Oui, il y en a bien encore un, mais il est aux champs. C’est le petit dernier… on y a pas pensé… il est encore jeune… un peu rêveur… musicien…
Pourquoi David est-il aux champs ? Pourquoi n’est-il pas présent, alors que toute la famille avait été appelée à participer à cette cérémonie. Je vois deux réponses possibles :
1) David n’a tout simplement pas reçu le message, l’invitation. Personne ne pensait que ce petit (« ce petit prétentieux, cet espèce de vaurien » dira Eliab, le frère aîné au chapitre suivant : 1 S 17:28) méritait d’être invité à cette cérémonie d’adultes. Samuel est venu chercher quelqu’un pour une mission d’importance. Aux yeux de la famille, cela ne pouvait pas concerner David. Il a été exclu d’office, automatiquement par sa famille. « Tiens on n’avait pas pensé à toi ! », « Tu es trop petit, toi! ». Voilà des paroles d’exclusion qui peuvent faire mal.
2) David a reçu le message, il a entendu, comme les autres que Samuel cherchait quelqu’un pour une mission importante, mais il a pensé : « cela ne peut pas me concerner, moi ! », »je suis trop petit, trop jeune, ou trop inexpérimenté ». David a intériorisé le message familial, au point que plus personne n’a besoin de lui dire quoi que ce soit : le message s’imprime tout seul.
David, ou vous, ou moi, s’exclut par lui-même, parce qu’il n’a pas confiance en lui-même, parce qu’il n’est pas conscient de sa valeur. De quand date la dernière confirmation de sa valeur qu’il ait reçue ?
Que ce soit par une exclusion extérieure ou intérieure, David est d’abord absent, exclu. Mais le voeu de Dieu, c’est qu’on l’envoie chercher. En effet, celui que tout le monde écartait, c’est celui que Dieu s’est choisi.

« La pierre que les bâtisseurs avaient écartée est devenue (par la volonté de Dieu) la pierre principale » (Ps 118:22)
Celui qui allait être écarté, c’est celui qui va recevoir l’onction, qui va être oint. Ce terme « oint » se dit CHRIST en grec. Jésus le Christ, fils de David est celui qui a été rejeté par tous sur la croix, mais que Dieu s’est mystérieusement choisi pour se révéler.
Dieu ne suit donc pas les modes, les apparences comme les hommes. En effet, Dieu dit à Samuel:

« Je ne juge pas de la même manière que les hommes; les hommes s’arrêtent aux apparences, mais moi je vais jusqu’au fond des coeurs. » (1 S 16:7)
Dieu nous regarde au-delà de nos façades, de nos masques, des attitudes que nous nous donnons. Il voit jusqu’au fond de nous-mêmes et il voit ce qu’il y a de plus humain en nous, de plus aimable en nous.
C’est ainsi qu’il peut faire d’Israël son peuple, des habitants de Villars-Ste-Croix et Bussigny son Eglise. Dieu ne rassemble pas ceux qui semblent les meilleurs, les plus talentueux, les plus qualifiés comme le ferait un patron d’entreprise. Non, Dieu va chercher ceux qui n’ont pas été désirés, ceux qui ont été mis de côté, exclus d’office, pour les rassembler et en faire son peuple, parce qu’il sait qu’en chacun de nous il y a un être de valeur qui va pouvoir déployer ses talents comme David contre Goliath.
Ayant été rappelés des champs pour devenir des rois, comme David, nous pouvons à notre tour regarder toute personne avec un nouveau regard — qui vient de Dieu — qui embrasse tout le monde, et voir en chacun un être digne de valeur et pleinement aimable.
La Campagne de l’EPER — Exclu… c’est exclu ! — nous invite à adopter le même regard que Dieu, le regard de l’inclusion, de l’accueil afin que l’oublié, le rejeté ait une vraie place parmi nous.
Amen
2007, Jean-Marie Thévoz

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LE ROI SALOMON (texte d’un livre)

28 août, 2012

http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=924

LE ROI SALOMON (texte d’un livre)

Le roi Salomon, le plus sage de tous les hommes, a construit le Temple de Jérusalem et a régné pendant l’âge d’or d’Israël.

Juste avant de mourir, David désigne pour lui succéder son fils Salomon, alors âgé de douze ans, avec les recommandations suivantes :
Je m’en vais par le chemin de toute la terre. Tu seras fort et te montreras un homme, et tu prendras garde à Dieu, ton Dieu, en marchant dans Ses voies, en gardant Ses statuts, Ses commandements et Ses ordonnances, comme il est écrit dans la loi de Moïse, afin que tu réussisses dans tout ce que tu feras et où que tu te tourneras (I Rois 2, 2 et 3).
Cette bénédiction classique est celle que le jeune garçon reçoit aujourd’hui le jour de sa Bar mitswa. Elle répète la règle fondamentale qui a guidé le peuple juif depuis l’époque du don de la Tora au Mont Sinaï : il suffit pour prospérer d’observer la Tora.
-A l’âge de douze ans, le roi Salomon est gratifié par Dieu d’une grande sagesse.
Peu de temps après que Salomon a reçu l’onction royale, Dieu lui apparaît dans un rêve où Il l’invite à présenter une requête pour lui même. Salomon répond :
Je ne suis qu’un petit enfant… Donne donc à Ton serviteur un cœur de compréhension pour juger Ton peuple…
Sa requête plaît à Dieu qui lui annonce :
Parce que tu n’as pas demandé richesses et honneurs mais seulement ce qui bénéficiera à tout le peuple, Je te donnerai non seulement un cœur de compréhension comme à personne avant ou après toi… mais aussi des richesses et des honneurs comme aucun autre roi dans tes jours (I Rois 3, 7 à 13).
Né en 848 avant l’ère commune, Salomon est mort à 52 ans en 796, après avoir régné pendant quarante ans, les plus belles années de toute l’histoire d’Israël. Il est connu comme ‘hakham mikol haadam (« le plus sage de tous les hommes. »). La Bible raconte que des rois, accourus de partout dans le monde, venaient écouter sa sagesse, qui incluait non seulement celle de la Tora, mais aussi celle dans les connaissances profanes et les sciences.
Sa gloire se propagea auprès de toutes les nations voisines. Il composa 3 000 paraboles, et 1 005 poèmes. Il discourait sur les arbres, depuis les cèdres de Liban jusqu’à l’hysope qui croît sur les murs. Il discourait aussi sur les animaux, les oiseaux, les créatures rampantes et les poissons. Les gens de toutes les nations venaient entendre la sagesse de Salomon, comme le faisaient tous les rois de la terre qui avaient entendu parler de sa sagesse (I Rois 5, 11 à 14).

Le Temple
L’accomplissement qui a consacré le règne de Salomon a été la construction du Temple, celui que son père, le roi David, avait rêvé de bâtir.
Comme nous l’avons appris au chapitre précédent, le roi David avait fait transporter l’Arche de l’Alliance jusqu’au Mont Moria « la porte du ciel » à Jérusalem. Mais parce qu’il avait été un guerrier et qu’il avait du sang sur les mains, Dieu ne lui avait pas permis d’édifier le Temple. La mission en a incombé à son fils, et celui-ci l’a accomplie.
-Il a fallu sept ans pour construire le magnifique Temple de Salomon.
La Bible consacre plusieurs chapitres à la construction de cet édifice, si important pour Israël l’endroit de la communion entre le peuple juif et Dieu. Elle précise que le Temple tout entier, à la fois au-dedans et au dehors, y compris les planchers et les portes, étaient plaqués d’or. Il comportait en outre des structures en bronze comme des colonnes, des cuves pour des immersions, et des vases. Il a fallu sept ans pour réaliser cette magnifique structure.
Quand elle fut achevée, Salomon consacra le Temple :
Voici, les cieux, et les cieux des cieux, ne peuvent Te contenir ; combien moins cette maison que j’ai bâtie !
Cependant, Dieu, aie égard à la prière de Ton serviteur et à sa supplication, pour écouter le cri et la prière que Ton serviteur t’adresse aujourd’hui, pour que Tes yeux soient ouverts nuit et jour sur cette maison, sur le lieu dont Tu as dit : Mon nom sera là ! pour écouter la prière que Ton serviteur t’adressera en se tournant vers ce lieu-ci (I Rois 8, 27 à 29)

L’apogée de l’histoire juive
Nous sommes à l’apogée de l’histoire juive. Tout le peuple est uni. Ses voisins se sont rapprochés de lui ; ils viennent même s’instruire chez lui. C’est la paix et la prospérité.
Cette époque est aussi bonne qu’il est possible pour Israël. Il est au faîte de sa puissance. Pourquoi alors cet âge d’or ne durera-t-il pas ?
Salomon a commis une grande erreur. Il a pris beaucoup trop de femmes : 700 épouses et 300 concubines.
Si nous relisons le livre du Deutéronome où, pour la première fois, est envisagée l’idée de la monarchie chez les Juifs, Moïse y avertit que le roi ne devra pas avoir trop de chevaux ni trop de femmes (Deutéronome 17, 17). Rachi, le grand commentateur de la Tora, nous apprend que cela signifie pas plus de dix-huit épouses, et que le roi David n’en avait que six. Nous voyons ainsi que Salomon a quelque peu dépassé ces limitations…
Cela est arrivé parce que, à cette époque de l’histoire, il n’existait que deux raisons pour se marier dans les rangs de la noblesse : s’assurer une progéniture et conclure des alliances politiques.
-Les femmes étrangères apportent leurs idoles avec elles en Israël.
Le Moyen-Orient à l’époque de Salomon était composé de beaucoup de villes-Etats, et tous les rois de ces villes-Etats voulaient faire épouser leurs filles par le roi Salomon et contracter ainsi alliance avec lui.
Cela semble avoir été une bonne chose, mais en quoi cela a-t-il été un mal ?
La Bible nous donne la réponse :
Et il arriva, au temps de la vieillesse de Salomon, que ses femmes détournèrent son cœur auprès d’autres dieux
(I Rois 11, 4 et 5).
Cela ne signifie pas, bien sûr, que le roi Salomon est devenu un idolâtre, mais la Bible s’exprime ici avec sévérité parce qu’il n’a pas empêché ses femmes de continuer leurs pratiques païennes. En tant que roi, il a été tenu pour responsable des actions de ceux et de celles sur lesquels ils exerçait une influence.
En tant qu’il a été l’un des plus grands dirigeants du peuple juif, un homme d’un niveau spirituel tel qu’il a écrit le Cantique des Cantiques, le livre de l’Ecclésiaste et celui des Proverbes, il est certainement, là-haut, empli de douleur sachant ce qui a été écrit sur lui dans la Bible.
Le récit biblique sur le règne de Salomon s’achève sur la colère de Dieu à son encontre :
Parce que tu as fait cela, et que tu n’as pas gardé mon alliance et mes statuts, que Je t’ai commandés, Je t’arracherai le royaume… Seulement, Je ne le ferai pas dans tes jours, à cause de David, ton père. Mais Je l’arracherai de la main de ton fils… Je donnerai une tribu à ton fils, à cause de David, Mon serviteur, et à cause de Jérusalem, que J’ai choisie (I Rois 11, 9 à 13).
Ces versets font clairement apparaître l’intensité de l’amour porté par Dieu à David et le pardon complet qu’Il a accordé à ses fautes. Ils annoncent clairement aussi que le peuple juif va connaître des lendemains difficiles, puisque le royaume d’Israël va être coupé en deux.

Traduction et adaptation de Jacques KOHN

A PROPOS DE L’AUTEUR
Le rabbin Ken SPIRO, originaire de New Rochelle, NY (Etats-Unis), a obtenu au Vasser College un BA de langue et de littérature russe, et il a poursuivi ses études à l’Institut Pouchkine à Moscou. Il a été ordonné rabbin à la Yeshiva Aish HaTorah à Jérusalem, et il est titulaire d’une maîtrise d’histoire conférée par le Vermont College de l’Université de Norwich. Il habite à Jérusalem avec sa femme et ses cinq enfants, et il travaille comme conférencier et comme chercheur sur les programmes éducatifs d’Aish HaTorah

Melchisédech figure du Christ

5 juillet, 2012

http://www.bible-service.net/site/692.html

Melchisédech figure du Christ

L’interprétation typologique de Melchisédech comme figure du Christ domine l’exégèse médiévale. Mais elle n’empêche pas les commentateurs de s’interroger sur le personnage historique qui apparaît en Gn 14. Les interrogations portent à la fois sur la personne de Melchisédech et sur la ville de Salem. Les recherches menées à cet égard par les auteurs patristiques sont abondamment utilisées, comme on le voit dans cet extrait d’un commentateur dominicain du début du XIVe siècle, le toulousain Dominique Grima († 1347), qui résume en fait des données prises chez Jérôme et Augustin, sur l’identification de Salem (on observe que sont exposées deux thèses contradictoires de Jérôme).

Dominique Grima,  » Commentaire de Gn 14,18 « 
Melchisédech roi de Salem. […] Dans la lettre qui commence par  » Tu m’as envoyé « , Jérôme affirme que Salem ne doit pas être comprise comme la cité de Jérusalem mais est une place-forte près de Nicopolis. Jérôme dit que l’on y voit encore le palais de Melchisédech parmi les ruines. Sur Salem, voir Gn 33 : Jacob vint à Sokot et se rendit à Salem, ville des Sichémites. Son nom apparaît sous la forme corrompue de Salim en Jn 3 : Jean baptisait à Ennon près de Salim. Selon Jérôme, dans le Livre des questions hébraïques <sur la Genèse>, Salem, dont Melchisédech était le roi, fut appelée par la suite Jérusalem, et Flavius Josèphe semble du même avis. Pour cela, il faut dire qu’il y a eu deux villes de Salem, l’une, la cité des Sichémites dont parle Augustin, l’autre des Cananéens ou plutôt des Jébuséens, qui étaient appelés Cananéens au sens large.

Malgré l’identification traditionnelle avec Sem, le personnage de Melchisédech lui-même fait l’objet d’interrogations ; ce qui est dit de lui en He 7,3 suscite des doutes. Rupert de Deutz, bénédictin du début du XIIe s. (1075 – v. 1130), dont le commentaire est d’une grande richesse, fait état d’hypothèses anciennes, qu’il juge absurdes.

Rupert de Deutz,  » Commentaire de Gn 14,18-20 « 
L’Apôtre, rappelant ce passage, dit : Ce Melchisédech, sans père, sans mère, sans généalogie, n’ayant ni début de ses jours ni fin de sa vie, assimilé au Fils de Dieu, reste prêtre à jamais. Ces paroles et d’autres qu’ajoute le même Apôtre ont fourni à ceux qui comprennent mal une occasion de soupçon : ils pensent que Melchisédech ne fut pas un homme mais un ange ou même (ce qui est encore plus dément) qu’il s’agit de l’Esprit saint lui-même, apparu sous les traits d’un homme. Mais les autres, extrêmement nombreux, ont été d’accord que c’était un homme cananéen, roi de la ville de Jérusalem, appelée d’abord Salem, puis Jébus et enfin Jérusalem. Il n’est pas étonnant, disent-ils, qu’il soit décrit comme un prêtre du Très-haut, bien que sans circoncision ni lois cérémonielles ni de la famille d’Aaron, puisqu’aussi bien Abel, Enoch et Noé ont plu à Dieu et ont offert des sacrifices [… ] Mais les Hébreux pensent autrement : ils rapportent que celui-ci est le fils aîné de Noé […].
Dominique Grima, dont nous avons lu un passage, donne davantage de précisions sur les auteurs de ces identifications ; il cite les noms d’Hippolyte, d’Irénée, d’Eusèbe de Césarée et d’Eustathe comme tenants de l’hypothèse selon laquelle Melchisédech serait un souverain cananéen ; d’après lui, Origène et Didyme le considèrent comme un ange, un texte anonyme comme l’Esprit saint. Mais ces identifications sont très rares au moyen âge et l’on voit généralement en lui soit Sem, soit un souverain païen. Le fait qu’il n’ait ni père ni mère ni généalogie permet de poser les fondements de l’interprétation spirituelle. Dans ses leçons sur l’Épître aux Hébreux, Thomas d’Aquin nous donne des explications d’une grande clarté.

Thomas d’Aquin,  » Commentaire de He 7,3 « 
Il faut savoir que dans l’Ancien Testament, toutes les fois qu’il est fait mention d’une personne importante, sont énoncés son père et sa mère, l’époque de sa naissance et de sa mort […]. Or ici c’est d’une manière subite qu’est introduit Melchisédech, sans que soit du tout fait mention de sa génération et de tout ce qui la concernerait. Et cela, certes, d’une manière tout à fait justifiée. En effet, quand il est dit sans père, est signifiée la naissance du Christ d’une vierge, donc sans père, comme il est dit en Matthieu : Ce qui est né en elle vient de l’Esprit saint. Or ce qui est propre à Dieu ne doit pas être attribué à une créature. Il appartient seulement à Dieu le Père d’être le père du Christ. Donc, dans la naissance de celui [Melchésédech] qui préfigurait le Christ, il ne devait pas y avoir de mention d’un père charnel.
De plus, le texte dit sans mère, pour ce qui est de la génération éternelle. Et ne comprends pas cela comme une génération matérielle, comme quand une mère donne la matière à l’enfant qu’elle engendre ; mais c’est une génération spirituelle, comme celle qui fait naître la splendeur du soleil […]. En outre, quand un engendrement est fait par un père et une mère, tout ne provient pas du père : la matière est fournie par la mère. C’est donc pour écarter toute imperfection du Christ et pour indiquer que tout ce qu’il a vient du Père, qu’il n’est pas fait mention de la mère : d’où le vers :  » Dieu est sans mère, sa chair est sans père « . Ainsi le Psaume : Dès le sein, avant l’aurore, je t’ai engendré, c’est-à-dire moi seul. Sans généalogie : sa généalogie n’est pas indiquée dans l’Écriture pour deux raisons : l’une, pour indiquer que sa génération est ineffable, Isaïe : Sa génération, qui la racontera ?; l’autre pour indiquer que le Christ, introduit comme prêtre, n’appartient pas à la famille des lévites ni à la généalogie de la vieille Loi.

Melchisédech, prêtre du très-haut
Supplément au Cahier Evangile n° 136 (pages 40-42).

Le Prêtre-Roi Melchisédech

5 juillet, 2012

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Besson/Articles/melchise.html

Le Prêtre-Roi Melchisédech

… Derrière Moise se tient le prêtre sans parents, le roi de justice, Melchisédech, fils du Soleil rouge
… Par Melchisédech et par Moïse parviennent aux créatures les bénédictions qui les guérissent.

Sédir : le Sermon sur la Montagne.
Depuis des temps immémoriaux, cette énigmatique figure, qui apparaît dans l’Ancien Testament pour disparaître aussitôt, a maintenu en éveil la sagacité des exégètes et alimenté la méditation des esprits religieux. Le but de cette notice est simplement d’exposer les quelques renseignements que l’Ecriture et la Tradition fournissent à son sujet.
Melchisédech est mentionné à trois reprises dans la Bible.
1 Au chapitre XIV de la Genèse, il est dit que Melchisédech, roi de Salem et sacrificateur de Dieu, bénit Abraham, victorieux de ses ennemis,
2 Au psaume CX, verset 4, il est écrit : Le Seigneur a juré et il ne s’en repentira pas: Tu es prêtre éternellement, à la manière de Melchisédech.
3 Dans l’épître aux Hébreux, il est déclaré que Melchisédech est la préfiguration du Christ Lui-même.
Extraordinaire assurément était cet être devant la bénédiction de qui s’inclina le Père des croyants , Celui qui avait été si souvent béni de Dieu et en qui toutes les nations de la terre devaient être bénies. Cornelius a Lapide pense qu’il est descendu du Ciel pour bénir Abraham et qu’il y est ensuite remonté puis, qu’après cette bénédiction, l’Ecriture ne fait plus mention de lui jusqu’au temps du roi David. Le nom qu’il portait et qui signifie roi de justice, doit être pris dans son acception plénière, absolue, car seul
un être parfaitement saint pouvait être appelé directement par Dieu à la vocation d’un sacerdoce ne relevant d’aucun pouvoir humain.
La Genèse nous apprend en effet qu’il était prêtre du Dieu souverain; mais il est significatif de constater que le livre saint, où l’on trouve indiquée avec tant de précision la succession des prêtres de la famille d’Aaron, ne parle pas de successeurs de Melchisédech. Au reste la déclaration du psaume: Tu es prêtre éternellement à la manière de Melchisédech montre bien que le roi de Salem est nommé ici non comme le chef mais comme le type d’un sacerdoce sans analogie dans l’Ancienne Alliance.(14)
Melchisédech est donc la préfiguration du Christ Lui-même, qui sera, Lui aussi, Roi et Sacrificateur. Et, pour ôter de notre esprit toute incertitude touchant cette manifestation mémorable, l’auteur du récit sacré prend soin de préciser le lieu où le pontife-roi donna à Abraham sa suréminente bénédiction. La rencontre eut lieu au nord de Jérusalem, exactement entre la ville et le tombeau des juges, qui en est distant d’à peine 3 kilomètres, près de l’endroit où passe actuellement la route de Jérusalem à Naplouse. C’est là que le prêtre de Salem, avant de bénir Abraham, offrit à Dieu le pain et le vin, préfiguration de la Cène que le Fils de Dieu devait célébrer plus tard dans cette même cité.
Et l’on comprend que l’apôtre, écrivant aux Hébreux, leur déclare qu’il aurait, touchant, ce Melchisédech, beaucoup à dire et des choses difficiles à expliquer. Et voici les seules qu’il consente à leur dévoiler, à cause de leur lenteur à comprendre : Outre la royauté de la justice et de la paix, Melchisédech est sans père ni mère , sans généalogie, il n’est d’ailleurs pas de même race qu’Abraham, ses jours n’ont pas de commencement ni sa vie de fin, il est semblable au Fils de Dieu, et il demeure prêtre éternellement.
Tel est cet être, préfiguration du Christ et même semblable au Fils de Dieu , né d’une façon surnaturelle puisqu’ appartenant à une autre race qu’Abraham , engendré avant les temps comme le Christ, sans descendance comme le Christ et, comme le Christ, vivant à jamais, prêtre d’un pontificat perdurable et parfait, puisqu’il a plu au Christ d’être prêtre selon cet ordre.
Et l’on comprend que la méditation revienne inlassablement sur cet être dont la grandeur nous domine et dont le mystère nous attire. Les uns ont pensé que Melchisédech était le Christ Lui-même apparu à Abraham sous forme humaine; les Hiéracites ont vu en lui l’incarnation du Saint-Esprit; Origène et Didyme ont cru qu’il était un ange. Les Samaritains, au dire d’Epiphane, déclaraient que Melchisédech était Sem, le fils de Noé. Il y eut de bonne heure une secte gnostique appelée Melchisédéciens, sur l’origine et la doctrine de laquelle nous ne savons pour ainsi dire rien; ils se rattachaient à Théodote le changeur qui niait la divinité de Jésus et enseignait qu’au moment du baptême le Christ était descendu en Jésus; et ces Melchisédéciens donnaient la prééminence à Melchisédech sur le Christ.
Pour Catherine Emmerich, Melchisédech était une sorte d’ange sacerdotal chargé de préparer le grand-oeuvre de la Rédemption. Saint Yves d’Alveydre le présente comme le survivant au temps d’Abraham de l’ancienne Eglise universelle du Bélier, de Ram, détrônée par l’Eglise du Taureau, d’Irschou. Les Rose-Croix du XVIIe siècle ont rangé Melchisédech avec Enoch, Moïse, Elie et d’autres parmi leurs ancêtres.
Une autre tradition, plus strictement chrétienne, voit en l’épisode de Melchisédech une de ces manifestations soudaines de l’être qui, sur la terre, tient la lieutenance du Christ. D’ordinaire il vit dans l’obscurité; mais il en sort quand il voit la nécessité d’une intervention publique. Avec Abraham commence en effet la sélection du peuple dans lequel devait prendre corps le Verbe, peuple profondément matériel et dur et strictement formaliste. Il fallait que, dès cette époque, fût signifié le caractère unique de liberté, de spiritualité pure, d’indépendance formelle qui est celui de la mission du Sauveur.

14. Cf. S. Thomas d’Aquin : Somme III quest. XXII. 6.

ARTICLE 6 : Le Christ doit-il être appelé prêtre selon l’ordre de Melchisédech ?

Objections : 1. Le Christ, comme prêtre principal, est la source de tout sacerdoce. Or ce qui est principal ne peut suivre l’acte d’autrui, c’est aux autres de suivre le sien. Donc le Christ ne doit pas être appelé prêtre selon l’ordre de Melchisédech.

2. Le sacerdoce de l’ancienne loi est plus proche de celui du Christ que le sacerdoce antérieur à la loi. Or les sacrements signifiaient d’autant plus expressément le Christ qu’ils étaient plus proches de lui, ainsi que nous l’avons montré dans la deuxième Partie. Donc le sacerdoce du Christ doit être nommé d’après le sacerdoce de la loi plutôt que d’après le sacerdoce de Melchisédech, antérieur à la loi.

3. Il est écrit (He 7, 2) : Melchisédech  » veut dire : « roi de la paix ». Sans père, sans mère, sans généalogie, dont les jours n’ont pas de commencement et dont la vie n’a pas de fin « . Tout cela convient uniquement au Fils de Dieu. Le Christ ne doit donc pas être appelé prêtre selon l’ordre de Melchisédech, comme de quelqu’un d’autre, mais selon un ordre qui est propre à lui-même.

En sens contraire, il est écrit dans le Psaume (110, 4) :  » Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech. « 

Réponse : Comme nous l’avons dit, le sacerdoce légal fut la préfiguration du sacerdoce du Christ, non certes en égalant la vérité, mais d’une manière très inférieure : et parce que le sacerdoce légal ne purifiait pas les péchés, et parce qu’il n’était pas éternel comme celui du Christ. Or, cette supériorité du sacerdoce du Christ sur le sacerdoce Lévitique fut préfigurée dans le sacerdoce de Melchisédech, lequel perçut la dîme sur Abraham, et en celui-ci sur le sacerdoce Lévitique qui devait descendre de lui. Aussi dit-on que le sacerdoce du Christ est  » selon l’ordre de Melchisédech « , à cause de la supériorité du sacerdoce véritable sur le sacerdoce légal, qui n’était que préfiguratif.

Solutions : 1. Cette façon de parler ne comprend pas Melchisédech comme étant le prêtre principal, mais comme préfigurant la supériorité du sacerdoce du Christ sur le sacerdoce Lévitique.

2. Dans le sacerdoce du Christ on peut distinguer son oblation et sa participation. Quant à l’oblation elle-même, le sacerdoce du Christ était préfiguré plus expressément par le sacerdoce légal, qui répandait le sang, que par le sacerdoce de Melchisédech, où le sang n’est pas répandu. Mais quant à la participation à ce sacrifice et à son effet, à quoi on mesure surtout la supériorité du sacerdoce du Christ sur le sacerdoce légal, elle était plus expressément préfigurée par le sacerdoce de Melchisédech qui offrait du pain et du vin lesquels, pour S. Augustin symbolisent l’unité de l’Église, que constitue la participation au sacrifice du Christ. Et c’est pourquoi, dans la loi nouvelle, le véritable sacrifice du Christ est communiqué aux fidèles sous les espèces du pain et du vin.

3. Si l’on dit que Melchisédech est  » sans père, sans mère et sans génération « , que  » ses jours n’ont pas de commencement ni de fin « , ce n’est pas parce qu’il n’en avait pas, mais parce que la Sainte Écriture n’en parle pas. Et par cela même, comme l’Apôtre le dit au même endroit,  » il est assimilé au Fils de Dieu  » qui sur terre est sans père, et au ciel sans mère et sans généalogie, selon Isaïe (53,8) :  » Qui racontera sa génération ?  » Et selon sa divinité il n’a ni commencement ni fin de ses jours.

Éditions du Cerf