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LES RELIGIEUX DU NORD DE L’AFRIQUE, SIGNES DE L’AMOUR DU CHRIST

22 novembre, 2012

http://www.zenit.org/article-32623?l=french

LES RELIGIEUX DU NORD DE L’AFRIQUE, SIGNES DE L’AMOUR DU CHRIST

Réunion de la Conférence des évêques (CERNA)

ROME, jeudi 22 novembre 2012 (Zenit.org) – “Les communautés de religieux et religieuses qui servent et prient avec persévérance (…) sont souvent le seul signe de l’amour du Christ pour les populations parmi lesquelles elles vivent”, écrit Mgr Landel dans ce communiqué publié au terme de l’assemblée de la CERNA, en Sicile.
Communiqué final de l’assemblée de la CERNA :
La Conférence des Evêques de la Région Nord de l’Afrique (CERNA) s’est réunie du 18 au 21 novembre 2012. Y ont pris part tous les évêques et leurs collaborateurs ainsi que l’administrateur apostolique de Laayoune, à l’exception de Mgr Giovanni Martinelli, vicaire apostolique de Tripoli, convalescent. Le Père Jean-Louis Barrain, vicaire général de Nouakchott, et Mgr Domenico Mogavero, notre hôte, ont participé à nos travaux. Mgr Vincent Landel, archevêque de Rabat et président de la CERNA, a conduit cette réunion.
Cette conférence s’est tenue à Mazara del Vallo (Sicile), à l’invitation de Mgr Domenico Mogavero, évêque de ce diocèse. La Sicile est traditionnellement un carrefour de migrations, avec une présence notable de musulmans, et le diocèse de Mazara del Vallo, jumelé avec celui de Tunis, est très actif tant dans le dialogue avec l’islam que dans l’accueil des migrants : un séminaire sur le dialogue « Les religions et la Méditerranée » suivra d’ailleurs la rencontre de la CERNA.
Regardant avec foi et espérance l’évolution des pays du Maghreb depuis un an, la CERNA constate que les 3 défis (religieux, politique et socio-économique) qu’elle a relevés en novembre 2011 sont toujours actuels, mais les transitions se révèlent plus complexes et douloureuses qu’on ne pouvait le prévoir. La situation chez notre voisin du sud, le Mali, la difficile reconstruction de la Libye, l’incertitude du lendemain dans le processus de transition en Tunisie en sont des signes évidents.
Nous nous réjouissons de la fidélité des communautés de religieux et religieuses qui servent et prient avec persévérance : nous rendons grâce pour la vitalité et la stabilité qu’elles procurent à nos Eglises. Elles sont souvent le seul signe de l’amour du Christ pour les populations parmi lesquelles elles vivent. Nos Eglises sont modestes et fragiles, le départ de certaines communautés religieuses implantées depuis longtemps au Maghreb et la mobilité toujours plus rapide des membres de nos paroisses nous conduisent à compter toujours plus sur la solidarité des autres Eglises, et nous rendons grâce pour la générosité des diocèses qui nous proposent des prêtres Fidei Donum, et des congrégations – en particulier africaines – qui choisissent de s’implanter dans notre région.
Nous nous réjouissons aussi de la présence fervente de nombreux étudiants, de migrants issus de toute l’Afrique, de fidèles implantés depuis longtemps, de familles de passage, de travailleurs expatriés, de volontaires : ils contribuent aussi à la vitalité de nos Eglises. Dans ce contexte géopolitique mouvant, mais aussi dans la dynamique du synode sur la nouvelle évangélisation, nous désirons repréciser le sens du témoignagede nos communautés chrétiennes au Maghreb ; humanisation, rencontre, dialogue, service, prière, contemplation, confiance, espérance… sont des termes qui reviennent souvent dans les points de repère de nos Eglises.
Nous nous réjouissons encore de l’esprit de responsabilité dont font preuve laïcs, prêtres, congrégations religieuses, évêques pour que nos Eglises exercent leur témoignage : cette coresponsabilité est une réalité dont certaines communautés prennent plus conscience, comme, par exemple, l’Eglise de Tunisie dans l’attente d’un nouvel archevêque, l’Eglise au Maroc qui se réjouit d’un renforcement sensible de la présence de frères franciscains, l’Eglise en Algérie où un certain nombre de communautés ont pu se renouveler cette année, l’Eglise en Libye qui bénéficie de l’arrivée de nombreux professionnels de la santé et de l’éducation philippins et indiens – très souvent chrétiens.
Nous faisons volontiers nôtre l’espérance confiante exprimée par le synode qui s’est tenu à Rome en octobre dernier : un « courage serein inspire également notre regard sur le monde contemporain. Nous ne nous sentons pas intimidés par les conditions des temps que nous vivons. C’est un monde plein de contradictions et de défis, mais il reste création de Dieu, blessé certes par le mal, mais toujours aimé de Dieu, dans lequel peut germer à nouveau la semence de la Parole afin qu’elle donne un fruit neuf. Il n’y a pas de place pour le pessimisme dans les esprits et dans les cœurs de ceux qui savent que leur Seigneur a vaincu la mort et que son Esprit œuvre avec puissance dans l’histoire. Avec humilité, mais aussi avec détermination – celle qui vient de la certitude que la vérité vaincra à la fin – nous rejoignons ce monde et voulons y voir une invitation de Dieu à être témoins de son Nom. Notre Église est vivante et affronte, avec le courage de la foi et le témoignage de tant de ses fils, les défis que l’histoire nous lance » (Message au peuple de Dieu § 6).
La tenue de cette CERNA en Sicile, au cœur de la Méditerranée, souligne l’urgence du dialogue des cultures, des civilisations et des religions, entre les trois rives de cette mer. Beaucoup d’aspirations, mais aussi d’interrogations saisissent les peuples du pourtour méditerranéen, et la guerre en Syrie, la situation au Nord-Mali, l’extrémisme de certains groupes religieux intensifient les migrations forcées et renforcent ces craintes. Mais nous faisons quotidiennement l’expérience de la fécondité de la connaissance mutuelle, du dialogue de vie, dans le respect, l’écoute, l’accueil et le partage : nous croyons et expérimentons que « l’amour parfait chasse la crainte » (1 Jn 4,18).
Nous nous réjouissons aussi de ce que le dernier synode conforte notre expérience quotidienne : le dialogue de vie est la modalité fondamentale du témoignage que nous rendons à la Bonne Nouvelle. « L’Eglise invite en particulier les chrétiens à persévérer et à intensifier leurs relations avec les musulmans selon l’enseignement de la Déclaration Nostra Aetate. Malgré les difficultés, ce dialogue doit se poursuivre. Il dépend toujours de la formation adéquate des partenaires, de leur fondement ecclésial authentique comme chrétiens et d’une attitude de respect de la conscience des personnes et de la liberté religieuse pour tous. Fidèle à l’enseignement de Vatican II, l’Eglise respecte les autres religions et leurs adeptes et elle est heureuse de collaborer avec eux dans la défense et la promotion de la dignité inviolable de chaque personne » (proposition 53).
Mgr Domenico Mogavero, membre de la commission pour les migrations de la Conférence Episcopale Italienne, nous a présenté la situation des migrants en Italie, la politique du pays en ce domaine, et les efforts de l’Eglise pour rendre plus humains non seulement l’accueil des migrants mais aussi les lois les concernant. Cet accent prophétique de l’Eglise d’Italie nous stimule dans notre ministère auprès des migrants : selon les propos de Mgr Mogavero, « le phénomène des migrations ne peut plus être considéré comme un phénomène d’urgence, mais comme un phénomène culturel inhérent à l’homme, qui de tout temps a été mobile. La terre appartient à tous, et il ne saurait y avoir de territoire excluant telle ou telle catégorie de personnes ».
En réponse à la demande du Saint-Siège, comme chaque conférence épiscopale, nous avons travaillé à l’élaboration d’orientationspastorales pour nous aider en cas d’abus sexuels. Une commission a été désignée pour finaliser ce travail.
Nous avons approuvé la traduction liturgique de la Bible élaborée par la CEFTL (Commission Episcopale Francophone pour les Traductions Liturgiques).
Notre travail a été magnifiquement soutenu par l’accueil chaleureux et la prière fervente des communautés chrétiennes du diocèse de Mazara del Vallo avec lesquelles nous avons quotidiennement célébré l’eucharistie. Nous avons pris dans notre prière les migrants, les personnes qui souffrent de la violence en Terre Sainte, en Syrie et au Mali, les réfugiés accueillis par les pays voisins, mais aussi tant d’artisans de paix entre les peuples et de solidarité avec les plus démunis. Mgr Lahham, administrateur apostolique de Tunis, nous a partagé ce que vit la Jordanie où il exerce désormais son ministère épiscopal : nous avons ainsi été en communion avec le peuple jordanien et son Eglise.
La CERNA a procédé au renouvellement de son bureau. Elle a de nouveau confié la présidence à Mgr Vincent Landel archevêque de Rabat ; elle a élu vice-président Mgr Claude Rault évêque de Laghouat-Ghardaïa et membre du Bureau Mgr Ghaleb Bader archevêque d’Alger. Le père Daniel Nourissat a été confirmé comme Secrétaire Général. Elle a reconduit Mgr Vincent Landel comme délégué à la CEFTL et Mgr Paul Desfarges comme délégué au SCEAM (Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar).

La prochaine réunion de la CERNA aura lieu à Rome en 2013.
+ Vincent LANDEL
Archevêque de Rabat, président de la CERNA
Mazara del Vallo, le 21 novembre 2012

LE VISAGE AFRICAIN DU CHRISTIANISME

7 mai, 2012

http://www.zenit.org/article-30730?l=french

LE VISAGE AFRICAIN DU CHRISTIANISME

Séminaire à l’Université pontificale du Latran

Anne Kurian
ROME, vendredi 4 mai 2012 (ZENIT.org) – Une aire de recherche pour le développement de la culture africaine dans l’Eglise est en train de se mettre en place, au sein de l’Université pontificale du Latran, afin de promouvoir « un visage africain du christianisme ».
Les premiers travaux de l’aire ont commencé avec un Séminaire interdisciplinaire de recherche intitulé « De l’Eglise en Afrique de Jean-Paul II à l’Africae munus de Benoît XVI », à l’Université du Latran, à Rome, le 2 mai 2012. Parmi les participants, étaient présents le cardinal Robert Sarah, président du Conseil pontifical Cor unum et Jean Léonard Touadi, député italien d’origine congolaise.
Lors de son introduction, Martin Nkafu Nkemnkia, directeur du Département des Sciences Humaines et Sociales – Etudes africaines de l’Université du Latran, est revenu sur l’« évènement unique et historique » de la naissance de « l’Aire internationale de recherche- études interdisciplinaires pour le développement de la culture africaine », le 25 Novembre 2011.
Deux départements – les sciences humaines et sociales et les études juridiques – doivent coordonner les projets de recherches scientifiques de l’aire, « au service de l’Eglise et de toute la société africaine ». Ces recherches ont pour but de « visiter et introduire » de façon « systématique », la culture africaine « dans le curriculum studiorum des Universités pontificales et Instituts supérieurs romains ainsi que dans les Université catholiques, Séminaires majeurs et maisons de formation à la vie consacrée en Afrique » et ce « à la lumière de la Parole de Dieu ».
Développer la culture africaine
Il s’agit tout d’abord, explique Martin Nkafu Nkemnkia, d’une « structure opérative » de l’Université du Latran, pour la « recherche et l’approfondissement », amenant à des « résultats », afin de « promouvoir, favoriser et soutenir le développement de l’Afrique ».
Il sera également mis en œuvre un « programme de promotion culturelle, de formation et de recherche » pour encourager « un grand nombre d’étudiants à s’intéresser à la cause africaine ».
L’aire doit aussi répondre aux « besoins de l’Eglise de l’Afrique » en « préparant le personnel qualifié et responsable », notamment en formant humainement et chrétiennement les professeurs, les académiciens, et les professionnels responsables dans les domaines « opératifs et applicatifs ».
Le visage africain du christianisme
Le projet a été présenté aux Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SECAM), le 21 février 2012, à l’invitation du cardinal Polycarp Pengo, archevêque de Dar Es Salam (Tanzanie) et président du SECAM.
Pour Martin Nkafu Nkemnkia, « c’est toute l’Eglise africaine qui progresse et s’interroge sur son identité chrétienne à l’intérieur de la famille de Dieu qui est sur la terre : l’Eglise ».
Il appelle les experts de toutes les universités catholiques africaines à participer « ensemble » à cette initiative, « afin d’offrir au monde académique et à l’Eglise, une lecture africaine de la Parole de Dieu, un visage africain du christianisme », et pour que le Christ « se manifeste en Afrique avec le visage africain ».
Il faut, « donner à l’Afrique la dignité qu’elle mérite, et de cette façon, partager ses valeurs humaines et spirituelles avec l’Eglise universelle et l’humanité toute entière », insiste-t-il.
Nouvelles technologies, au service de la recherche
Deux universités catholiques africaines ont pu suivre le séminaire « en liaison directe » via internet : l’Université de Bamenda au Cameroun et celle du Congo Kinshasa- Limete.
Martin Nkafu Nkemnkia a assuré que grâce aux « nouvelles technologies », de nombreuses universités catholiques en Afrique pourront intervenir dans les congrès à venir, participant ainsi aux discussions.
En outre, un forum a été ouvert entre les universités pontificales et les universités africaines, ainsi qu’avec les partenaires académiques des universités européennes « pour les études et les échanges réciproques pour le développement de la culture africaine ».
Le but de ce forum, précise Martin Nkafu Nkemnkia, est de « développer un parcours des études africaines relatives aux diverses disciplines telles que : la spiritualité, la religion, la théologie, la philosophie, l’anthropologie, la sociologie, le droit, l’histoire, l’économie et la politique ».

L’enfant perdu de Thagaste a été retrouvé

28 novembre, 2011

Je trouvé cet article, ne sont pas capables de l’évaluer, il faut espérer qu’il est intéressant, du site:

http://www.notredamedekabylie.net/Autresrubriques/BERBEREhistoirereligieuse/P%C3%A9riodeshistoriques/Lap%C3%A9riodechr%C3%A9tienneIIXsi%C3%A8clesdenotre%C3%A8re/tabid/74/articleType/ArticleView/articleId/60/Lenfant-perdu-de-Thagaste-a-ete-retrouve.aspx

L’enfant perdu de Thagaste a été retrouvé

(dimanche 15 juillet 2007)

Publié par Muhend-Christophe Bibb le dimanche 15 juillet 2007 / 04:06 :: 1340 Vues :::: La période chrétienne: I-IX siècles de notre ère
Augustin est bien entendu un symbole et une figure importante, pour les Kabyles chrétiens, certes, mais pas seulement pour eux ; pour tout Algérien un tant soit peu au courant de l’histoire de son pays, il demeure un centre d’intérêt. Les Tunisiens le citent au même titre et dans la même perspective.
Cependant il ne faut pas surestimer cette connaissance, ou reconnaissance. Sa dimension universelle, son apport essentiel à la constitution des dogmes chrétiens, sont méconnus. À cela deux raisons.
D’abord parce que c’est surtout l’élite intellectuelle qui a accès à ses œuvres, et plus particulièrement ceux qui sont francophones (aucune de ses œuvres n’est à ce jour traduite en arabe); et puis parce que l’histoire nord-africaine, avant l’arrivée de l’islam, est à peine abordée dans l’enseignement scolaire. Bien évidemment c’est voulu…
De sorte qu’un converti découvre toujours avec une heureuse surprise cette histoire chrétienne de son pays d’origine, vieille de plusieurs siècles. Et avec un ravissement particulier l’immense stature d’Augustin. Mais pas seulement : les Tertullien, Cyprien et autre pape Victor, sont là pour le soutenir et l’encourager dans son nouveau choix religieux. Et que dire de Monique, une mère profondément berbère par son entêtement, sans qui le fils prodigue aurait été un homme définitivement perdu, si l’on ne tient pas compte de la Providence bien sûr.
Aussi bien cette découverte d’un des plus grands saints d’Afrique, est revigorante, presque euphorique. « Si mes ancêtres lointains ont été chrétiens, il n’y a donc pas de complexe à l’être », se dit notre néophyte.
Mais, et c’est la deuxième étape, ceux qui exhument ce passé, constate-t-il, le font par ouï dire, et sont, pour la plupart, des chrétiens Français, ou vivant en France. Et, bien qu’ils ne tarissent pas d’éloges au sujet du christianisme africain, de l’évêque d’Hippone et des nombreux martyrs, ils ont peu de choses à lui apprendre sur ces ancêtres dans la foi, par rapport, du moins, à sa berbérité et à ses racines algériennes actuelles, qui ne remontent pas aussi loin dans le passé. De fait, sur ce plan, notre Algérien chrétien reste sur sa faim, malgré tout. S’apercevant que, somme toute, c’est une affaire de spécialistes ; et leurs ouvrages, qui ne sont pas rares mais peu accessibles, le lui prouvent.
Et s’il fait l’effort d’aborder Augustin par ses  propres textes, leur lecture le confirme dans la difficulté qu’il y a à approcher de ce monde fini, qui n’a laissé que quelques vestiges romains dans son pays. Malgré la beauté et la profondeur incontestable des « Confessions »…
Augustin (et les autres, dans une moindre mesure), a beau avoir marqué de sa forte personnalité l’histoire africaine de son époque, en dépit d’une pensée tellement structurée qu’elle a influencé durablement la théologie occidentale, il reste néanmoins rudement hermétique au jeune Nord-africain de Kabylie ou d’ailleurs.
Or, tout compte fait, ce n’est pas à cause de l’œuvre ou de la mentalité ancienne. Car il en est de même de tous les auteurs de l’Antiquité, quelle que soit leur origine. L’Algérien, quand bien même il serait chrétien, sent confusément qu’Augustin ne lui appartient pas. Pire encore il ne voit pas comment il pourrait reconnaître en lui l’un des siens. Pendant des siècles, Augustinus – saint Augustin s’il vous plaît ! -, a été étudié à la loupe dans les universités d’Europe, choyé et préservé par les Européens, fêté dans leurs offices et leurs églises, célébré dans les villes de France et de Navarre, dont quelques villages portent le patronyme, tellement modelé et « relooké » par eux, puis transmis ainsi fait qu’il est de toute évidence plus européen qu’africain. Même si ce docteur de l’Eglise s’en est toujours défendu, et qu’il a affirmé plus d’une fois qu’il était africain avant tout, cela ne se voit ni dans l’image qu’on donne de lui, ni dans ses écrits : très peu d’allusions au terreau actuel de la berbérité, à commencer par son nom qui sonne si étrangement romain. Et si peu « numide ».
Alors que faire, que dire ? Est-ce que le grand Augustin est perdu pour les Kabyles et pour les Algériens, pour les Berbères d’Afrique du Nord ? Malgré les colloques dont il est l’objet, ici ou là-bas, restera-t-il inaccessible aux siens ?
Non, car Augustin revient, en se faisant tout petit, comme il sied au bon évêque qu’il a été. On lui a élevé un piédestal, on l’a enfermé dans une tour d’ivoire, sans son consentement ; on lui a bâti un grandiose mausolée, pour l’y enterrer, lui qui est mort assiégé par des Barbares, dans la précarité et la pauvreté, comme beaucoup des siens meurent en ce moment même. Oui c’est à son peuple qu’il faut le redonner, l’offrir. Son pauvre peuple qui souffre, n’entend pas les éloges que lui discernent la philosophie et la politique. L’Algérien de la rue ne se sent pas concerné par son œuvre grandiose, pourquoi ? Parce qu’il attend plutôt un mot, un seul ! C’est d’ailleurs un nom, le nom qui le rendrait enfin aux siens !
Et quel est ce nom ? Son nom, à lui, son vrai nom. Celui-ci : Agustan.
C’est le nom d’Augustin en berbère. En effet son nom ne vient pas d’Auguste[1], dont la signification (Augustinus, le petit Auguste) est tirée par les cheveux[2].
Nous proposons donc une autre explication à l’origine de son nom.
Pour commencer éliminons une idée reçue à son sujet.
Son nom, celui que ses parents lui donnèrent n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser Augustin, par référence à l’empereur Auguste, dont le nom eut, par la suite, la signification qu’on sait de « majesté » ; auquel cas son père, ou sa mère, aurait eu une « révélation » sur la destinée prodigieuse du bébé qui vient de naître ; et, alors, on ne voit pas pourquoi Monique, se serait fait tant de souci à son sujet.
Son nom, les spécialistes le savent, est AURELIUS.
D’ailleurs l’exemplaire, des « Confessions », qui est en notre possession a, sur la page de garde : S-AVRELI-AVGVSTINI-CONFESSIONVM-LIBRI[3].
Comment est-on passé d’Aurelius à Augustinus, voilà la question que ces biographes ne semblent pas avoir résolue. Faute, en partie, de ne pas connaître le berbère.
Ici il faut rappeler une habitude ancienne, qu’il est aisé de comprendre : lorsque deux personnes portent le même nom, comment fait-on pour les distinguer ? On a recours, tout simplement, à leur lieu d’origine.
On a ainsi, pour les saintes « Catherine », celle d’Alexandrie et celle de Sienne. Jeanne d’Arc et Jeanne de France ; Jean-Baptiste et Jean-Baptiste de la Salle, pour le distinguer du premier ; Antoine de Padoue, pour ne pas le confondre avec Antoine dit le grand, etc.
Or, à l’époque qui nous occupe, il y avait deux Aurèle (ou Aurelius), et le plus ancien, dans les ordres et par l’âge, était le primat de Carthage, un évêque dont la sainteté était reconnue (donc un saint du calendrier liturgique, pour l’Eglise Catholique), en sorte qu’il était toujours cité le premier dans les listes des chroniqueurs médiévaux[4] ; si bien que, pour distinguer les deux Aurèle, on finit par prendre l’habitude d’ajouter le lieu d’origine du second, c’est-à-dire Thagaste…
Or ce nom, qui donnerait en berbère « Agustan », est bien construit selon le schéma des noms autochtones, avec une terminaison en (A)N, tel que AMEZYAN, AMEQQWRAN, les plus connus et les plus répandus. Mais qu’on retrouve dans des noms tels que AWERTILAN, AÏSSIWAN, AMESTAN, ABOUSLIMAN, etc.
Le préfixe A, s’associe à la semi-voyelle W pour donner des réalisations variées selon les régions berbères : aussi bien WU/WOU, VU/VOU que BBU/BBOU, toutes indiquant ‘originaire de… ou ayant pour origine…, appartenant à…’ Ceux qui sont familiers de nos langues savent que les noms commençant par « BOU » sont légion.
Par ailleurs Thagaste ayant pour racine [GS], sans les deux ‘T’ qui sont la marque féminine du nom, (cela donne au masculin AGGUS, pluriel AGGUSEN), signifie la cordelière, portée encore en Kabylie par les femmes, au tour de la ceinture, celle-ci étant désigné par le verbe AGGES, se ceindre, et toute la série de mots s’y rapportant TAGGAST, TABAGGAST (à Bougie, en particulier) : la sangle, le ceinturon, harnais, bretelles, cuissardes et surtout baudrier. Voir, sur ce thème du baudrier, tout ce que nous rapporte Malika Hachid dans son dernier ouvrage (les Premiers Berbères, éd. INA-YAS et Édisud). Une vieille coutume libyenne, remontant à la nuit des temps !
Bâti à partir des mêmes lettres, le mot TAGUST, est aussi intéressant par sa signification : la bouture (du figuier entre autres) et le pieu/le bâton, auquel le berger attache ses bêtes. Or, comme le baudrier, le bâton est le symbole de l’autorité chez les Libyens, nous dit Malika Hachid. Le bâton – de berger guidant le troupeau, et donc de chef – est biblique et égyptien également : tous les personnages investis d’une forme d’autorité le portent, il n’est que de signaler ceux de Moïse et de son frère Aaron, ou ceux des Pharaons.
À titre d’exemple, nous voyons Aaron qui reçoit son autorité sacerdotale par le biais de son bâton, dans le célèbre passage du livre des Nombres (chap. 17, 16-26). Épisode dans lequel le bâton (TAGAST) d’Aaron bourgeonne (TAGAST) encore[5].
Le nom s’est donc construit simplement ainsi :
(T) U/A + GAST + AN ; le T du féminin ayant été éliminé. On pourrait le rendre en kabyle soit par Agustan, soit par Ugustan/Wugustan.
Rendons donc à Dieu ce qui lui appartient, c’est à dire tout, et rendons justice aux Berbères dont Agustan est bien le fils et l’ancêtre selon l’époque à laquelle on se place.
Enfin les chrétiens réformés ou catholiques, Kabyles ou arabophones, n’auront plus besoin de lui chercher un nom, ou une autre identité, qui le rendrait plus « Algérien ».
Ainsi en a-t-il été, il n’y a pas longtemps, où pour se « réapproprier » Augustin, on a cru bien faire en lui attribuant, dans un petit film, le nom de… MEQQWRAN ! (Le grand).
Parce que les auteurs ont été influencés par la signification du mot « auguste ».
Certes ce docteur de l’Église est grand, et auguste, mais il a un nom enraciné dans l’histoire de son pays, dans la culture de son peuple ; il est, ce nom, plus amazigh, plus africain qu’on ne le pense ; il est toujours là, l’enfant de Thagaste, son nom est autour de la taille de celles qui pourraient être ses sœurs ou ses mères, s’il n’avait pas un peu pris de l’âge. Oui « D AMEQQWRAN[6] »mais il n’a pas besoin de changer de nom : AGUSTAN, dit suffisamment ce qu’il a à dire.
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[1] Il faut savoir qu’en latin le « u » n’est pas transcrit et le nom d’Augustin s’écrit donc AVGVSTINI.
[2] Il est intéressant de consulter « la légende dorée » et ses différentes propositions sur l’origine du nom d’Augustin.
 [3] Pas plus que ses parents ne lui ont donné les deux noms en même temps, comme l’écrivent certains (cf. « le Berbère lumière de l’Occident »). Du reste dans l’étude onomastique d’Afrique du Nord, le nom d’Auguste (et donc d’Augustin) n’apparaît jamais (cf. « la résistance africaine à la romanisation »), tandis que ceux des Julius, Flavius, Claudius, Aurelius, Domitius, etc., tous des « augustes », sont nombreux.
[4] Saint Aurèle de Carthage serait mort la même année qu’Augustin, précédant ce dernier de quelques semaines.
[5] Sur le plan phonétique ce G est occlusif dans un cas, spirant dans un autre.
[6] C’est « un grand », ou c’est « un noble vieillard ».